Notes
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[1]
Le premier des trois « accords » ou pactes du Latran, avec le concordat concernant l’Italie et la convention de règlement des litiges financiers consécutifs aux confiscations diverses.
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[2]
On renvoie ici, sans pouvoir les commenter, aux canons 331 et 333 du code de droit canonique de 1983, actuellement en vigueur, et aux canons 43 et 45 du code des canons des Églises orientales de 1990, actuel droit positif codifié, qui leur correspondent. Le même droit canonique, pour sa part, en élargit la définition en intégrant au « Saint-Siège » les collaborateurs en différents organes qui l’assistent dans l’exercice de sa charge : donc, outre le pontife romain, la Secrétairerie d’État, le Conseil pour les affaires publiques de l’Église (devenu la deuxième section de la Secrétairerie d’État) « et les autres instituts de la Curie romaine » – « à moins que la nature des choses ou le texte ne laisse comprendre autrement » (canon 361 du code de droit canonique de 1983).
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[3]
Et non plus par concession unilatérale de cette dernière, comme l’organisait la « loi des garanties » du 13 mai 1871.
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[4]
La première loi i du 7 juin 1929, après plusieurs modifications, a été abrogée et remplacée par le motu proprio portant Loi fondamentale du 26 novembre 2000 ; la loi ii du 7 juin 1929 a, elle aussi, été abrogée et remplacée par la loi lxxi du 1er octobre 2008 ; la loi xxxii du 1er décembre 1932, plusieurs fois modifiée et complétée, a été abrogée et remplacée par la loi ccclxxxiv du 16 juillet 2002 (substantiellement complétée par un Règlement de la Commission pontificale pour le scv exerçant le pouvoir au nom du souverain pontife).
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[5]
Aujourd’hui, principalement par la loi cxix du 21 novembre 1987 approuvant l’organisation judiciaire du scv et qui a remplacé la réforme judiciaire de Pie XII (motu proprio Con la legge du 1er mai 1946 instituant une nouvelle organisation judiciaire et portant code de procédure civile) se substituant elle-même aux dispositions initiales de 1929 et 1932, dans le sens constant d’une plus grande autonomie par rapport aux tribunaux apostoliques et de garanties accrues. Mais le code de procédure civile de 1946 demeure applicable (art. 5 de la loi sur les sources de 2008). D’autres dispositions sur les recours administratifs sont insérées dans les normes sur le statut des personnels et sur l’administration.
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[6]
Derrière l’apparent « inventaire à la Prévert » apparaît la vie d’une enclave étatique avec ses opportunités et ses contraintes : règles générales de l’administration, règles relatives à la sécurité et à l’ordre public, régimes de monopoles et de taxes, circulation automobile… et jusqu’à la navigation maritime sous pavillon du scv !
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[7]
Le traité de conciliation, et son annexe financière, ainsi que le concordat révisé en 1984.
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[8]
Article 3 de la loi sur les sources de 1929 ; article 3 de la loi de 2008.
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[9]
Outre la réserve d’applicabilité selon « l’état de fait » du scv, les dispositions italiennes doivent faire l’objet d’une réception expresse et spécifique par les normes vaticanes adéquates et n’être contraires ni au droit divin, ni au droit naturel, ni aux accords de 1929 ensemble leurs révisions (art. 3). Le premier correspond, sans entrer dans une analyse théologique plus précise, schématiquement à la loi divine, c’est-à-dire à l’ensemble des commandements révélés comme tels par Dieu Lui-même et de Ses préceptes « directs », et se voit habituellement adjoindre, pour cette raison, le qualificatif de « divin positif ».
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[10]
Article 12 de la loi de 2008, qui prévoit que peuvent aussi, et sous les mêmes conditions, être intégrés des règlements administratifs régionaux (Latium) et provinciaux (Rome).
-
[11]
Articles 4 à 10 de la loi de 2008.
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[12]
La loi iii du 7 juin 1929 sur la citoyenneté et le séjour a été abrogée et remplacée par la loi cxxxi du 22 février 2011.
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[13]
Le terme cittadinanza, utilisé dans la version originale, doit de fait s’entendre plus largement que comme le statut de citoyen au sens juridique moderne et précis. Par ailleurs, un statut unifié du personnel de la Curie sous le couvert de la législation vaticane permet d’écarter l’application de la législation du travail italienne.
-
[14]
Le souci d’un statut partiellement unifié et plus protecteur du travail a donné lieu à l’institution du Bureau du travail du Siège apostolique, dont la compétence couvre notamment le personnel du scv (motu proprio du 30 septembre 1994 approuvant le statut définitif du Bureau du travail, créé en 1989). Ainsi, services du scv et du Saint-Siège se trouvent, nonobstant l’existence des structures spécifiques de ce dernier, largement intégrés et mêlés. L’utilité de normes communes du travail tient notamment à la possibilité de soustraction à la législation italienne, mais une telle imbrication constitue l’illustration concrète et quotidienne du particularisme et de la mission, somme toute peu étatique, du scv – jusqu’en ce qui concerne les activités de volontariat (loi clxxxvii du 22 mai 1992, émanant de la Commission pontificale, qui règle la question pour toute activité volontaire au service du Saint-Siège).
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[15]
La Loi fondamentale prévoit sans ambiguïté ni surprise que c’est à la Secrétairerie d’État qu’incombe, au titre de la réserve de compétence du souverain pontife, l’exclusivité de la conduite des relations internationales du scv (art. 2). Plus généralement, toute « question d’importance » doit être traitée par les organes du scv en liaison avec la Secrétairerie d’État (art. 6) – l’article 4, § 2-3, aménage également le rôle de ladite Secrétairerie et des organismes de la Curie romaine dans la préparation des projets de loi).
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[16]
Le principe Pacta sunt servanda est inscrit dans le droit canonique (canon 3 du code de droit canonique de 1983, reprenant le canon 3 du code de 1917). La formulation de l’article 1er, § 4, de la loi de 2008 élargit l’intégration aux « normes du droit international général ». L’État est concerné ratione materiae ou personae, mais se trouvent intégrées dans son ordre les conventions signées, expressément pour lui ou non, par son souverain, et les déclarations du Saint-Siège accompagnant la signature et/ou la ratification le mentionnent habituellement en rappelant son « caractère particulier ».
-
[17]
Cf. Hans Kelsen, Théorie pure du droit (1934), Paris, lgdj, 1999, p. 311-345.
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[18]
À la tête de l’un des trois tribunaux du Siège apostolique, ce cardinal exerce à ce titre une mission juridictionnelle (équivalente pour partie à celle d’une cour suprême et d’une juridiction administrative suprême) et la vigilance sur l’ensemble du système juridictionnel de l’Église.
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[19]
« L’ordre juridique vatican reconnaît dans l’ordre juridique canonique la première source normative et le premier critère de référence interprétative » (art. 1er, § 1).
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[20]
Canon 22 du code de droit canonique de 1983. D’autres dispositions éparses, codifiées ou non, rappellent le principe général de la non-dérogabilité du droit divin et du droit naturel par la « loi ecclésiastique ».
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[21]
Article 6 de la loi sur les sources de 2008, reprenant en le simplifiant l’article 22 de la loi de 1929 (qui ajoutait notamment : « comme s’il était législateur ») ; canon 19 du code de droit canonique de 1983, formulé différemment et plus large dans ses références canoniques (précédents, principes généraux de l’ordre canonique, équité, jurisprudence, pratique de la Curie romaine, « opinion commune et constante des docteurs »).
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[22]
Nonobstant la formulation de 1929, la doctrine a classiquement entendu la référence au codex comme inclusive.
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[23]
Le problème est plus complexe et le champ plus limité pour les livres V (Les biens temporels de l’Église), VI (Les sanctions dans l’Église) et VII (Les procès dans l’Église) dès lors qu’existent des dispositions spéciales vaticanes originaires ou externes et intégrées. En matière pénale demeure en particulier la distinction des fors et des sanctions selon la loi violée. Les autres dispositions (livres III et IV sur la fonction d’enseignement et la fonction de sanctification) trouvent à s’appliquer dans le scv, mais à titre « purement » canonique, dans le champ du canon 11 du code de droit canonique de 1983. Un tribunal ecclésiastique a été institué pour le scv au terme des successives réformes du système juridictionnel canonique (motu proprio Quod civium iura du 21 novembre 1987).
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[24]
Les normes du livre II (Le peuple de Dieu) relatives aux droits de tous les fidèles pourraient également être concernées. En matière pénale, l’article 9 de la loi de 2008 prévoit un insolite mécanisme, en cas de lacunes, de recours aux « principes généraux de la législation » pour déterminer l’incrimination.
-
[25]
Il justifie ainsi la formulation de réserves lors de l’adhésion aux conventions. Cf. par exemple (déjà dans l’état du droit antérieur à 2008) la Convention de New York sur les droits de l’enfant du 20 novembre 1989.
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[26]
Plusieurs domaines et points étaient concernés : majorité civile, organisation juridictionnelle et règles processuelles, droit pénal…
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[27]
S’expliquent ainsi l’abandon de plusieurs anciens codes italiens (code civil de 1865, code de commerce de 1882) et le renvoi au code civil de 1942.
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[28]
Elle peut aller jusqu’à une implication directe, comme dans le « processus de Bologne » et la participation à l’Espace européen de la recherche et à celui de l’enseignement supérieur.
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[29]
Cf. la convention monétaire entre le scv et le Saint-Siège et l’Italie du 29 décembre 2001, ainsi que la loi monétaire ccclvii du 26 juillet 2001, par laquelle le scv adopte l’euro comme monnaie officielle.
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[30]
En l’absence de législation et de réglementation spéciale du scv, il y a application, dans les limites générales, du droit de la République italienne et de l’Union européenne (art. 3, § 2, du décret de la Commission pontificale du 12 juin 1997).
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[31]
Des révisions avaient été déjà apportées par la loi l du 21 juin 1969 modifiant la législation pénale et de procédure pénale.
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[32]
Loi cxxvii du 30 décembre 2010, prévoyant une série de mesures, y compris pénales, contre le « recyclage » de fonds, étendue par motu proprio à tous les dicastères de la Curie.
-
[33]
Cour européenne des droits de l’homme, Pellegrini c. Italie, 20 juillet 2001, Rec. 2001-VIII, p. 353.
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[34]
Cf. par exemple Cour européenne (Grande Chambre), Sindicatul « Pastorul cel bun » c. Roumanie, 9 juillet 2013, Rec. 2013-V ; id., Fernandez Martinez c. Espagne, 12 juin 2014, Rec. 2014-II.
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[35]
Article 9 de la Constitution italienne du 27 décembre 1947.
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[36]
Telle a été l’argumentation des avocats de la famille du vice-caporal Tornay, mis en cause, après son décès, dans le meurtre en mai 1998, sur le territoire du Vatican, du commandant des Gardes suisses pontificaux, Aloïs Estermann, et de son épouse, trois citoyens du scv conservant leur nationalité helvétique.
1Par-delà les religions et les cultures, tous sans doute sauraient situer le Vatican plus ou moins précisément et l’associeraient à quelques images communes et emblématiques. Et, du timbre postal au ticket de musée en passant par tous les avatars de la sécurité, quelle que soit la conception du droit que l’on retienne, chacun conviendrait qu’il doit bien exister des normes régissant cet ensemble et les institutions diverses qui s’y regroupent ou lui correspondent. Mais le caractère informe et approximatif de la désignation de « droit du Vatican » qui regrouperait ces règles la ferait croire sortie du marécage originel de l’Ager Vaticanus, et semble ajouter au jugement répandu sur le mystérieux, le baroque (sans référence artistique !), l’inutilement complexe et le désuet du micro-État né du traité de conciliation du 11 février 1929 [1] et portant son nom.
2Sans s’arrêter sur les expressions de la confusion entre l’entité étatique, son souverain chef terrestre de l’Église et celle-ci prise en son entier, force est de reconnaître que, du point de vue juridique qui retiendra ici l’attention, se trouvent réunies plusieurs caractéristiques propres à rendre malaisée mais intéressante l’appréhension de la construction poly-systémique que forment les normes « du Vatican » en vigueur. La raison en est l’authentique originalité native de cet État de la Cité du Vatican (Stato della Città del Vaticano, scv), très réduit et atypique à tous égards, mais surtout et avant tout conçu comme l’un des instruments d’action de la tête de l’Église catholique.
3Sous une unique autorité suprême, dans une construction voulue pour être intégrée, cohabitent de fait deux mondes, dont l’un s’est construit en s’opposant à l’autre puis en l’ignorant : d’un côté, une communauté très nombreuse et diverse, à vocation universelle, structurée et hiérarchisée de manière singulière, et qui se définit fondamentalement par son origine, sa visée et son unité surnaturelles ; de l’autre, la forme étatique et ses critères classiques d’identification par un territoire, des sujets personnes physiques et morales, et la souveraineté sur l’un et les autres, elle-même considérée comme le statut permettant, dans l’ordre westphalien classique, d’assurer à une communauté ou une entité à la fois son indépendance et sa participation au « concert des nations ». De là s’impose la combinaison qui caractérise l’ordre juridique du scv, entre : des normes internationales conventionnelles et générales ; le droit canonique, riche d’une longue tradition, qui s’emploie à assurer pour toute l’Église l’ordre juste de la communion ecclésiale spirituellement fondée et hiérarchiquement constituée en garantissant notamment le respect effectif de ses « principes directeurs » et de ses valeurs et domaines d’intervention pour l’accomplissement de sa mission ; les normes juridiques spécifiquement produites pour le scv et par ses organes ou intégrées par lui, avec des solutions et des choix reflétant la singularité de cet État.
4Le sommet et le pivot de ce système sont bien le Siège apostolique, ou Saint-Siège – au sens du droit du scv comme du droit international, celui que le droit canonique désigne comme le pontife romain, évêque de Rome et souverain pontife de l’Église catholique, dont l’autorité et l’office sont considérés, selon la foi de l’Église, comme d’institution divine et le placent dans une situation unique [2]. La clé de compréhension comme la ratio en demeurent sans doute la souveraineté. La recherche et l’organisation de cette dernière sous une forme nouvelle pour le Siège apostolique visaient à garantir, non en soi le caractère suprême et ultime de l’autorité que le pontife romain détient en toute hypothèse dans son ordre, mais l’autre « volet », celui de l’indépendance externe, pour assurer au Saint-Siège, à son niveau d’action, la possibilité d’accomplir effectivement sa mission pour l’Église selon les principes propres à celle-ci.
5Pour régler, désormais d’un commun accord avec l’Italie [3], la situation du Saint-Siège depuis 1870, jugée insatisfaisante et fragile, c’est la forme caractéristique de la modernité juridique, celle de l’État, considérée comme cadre et attache exclusive de la souveraineté internationale, qui, dans une logique analogue à celle de la codification moderne du droit canonique en 1917, a été retenue en tant qu’instrument de préservation et d’organisation jugé le plus efficace. Mais, réglant ainsi avant tout la « Question romaine », on peut considérer, à l’examen de l’ordre juridique du scv et de son évolution, qu’un tel choix a aussi ouvert des difficultés. La souveraineté du scv, désormais classiquement qualifiée de « fonctionnelle » en ce qu’elle vise uniquement à assurer une série de garanties au Saint-Siège, en étant liée au caractère étatique, assure l’indépendance, l’immunité et, dans la perspective classique, le statut de sujet du droit international. Cependant, l’exclusivité territoriale, personnelle et normative qui en constitue le caractère principal crée aussi des obligations dans son exercice, découlant non seulement des conventions avec d’autres puissances, mais aussi de l’existence même de l’État. Et la démultiplication externe, en quelque sorte, que gagne supposément le Saint-Siège s’accompagne d’une attache alourdie de considérations juridiques. La souveraineté devient ainsi une charge autant qu’un pouvoir. Par ailleurs, l’entrée, par la forme étatique, dans un univers juridique strictement « mondain » place le Saint-Siège face au défi d’assurer l’objet et la fin de son indépendance et de sa liberté d’action avec sa singularité, dans un environnement normatif évolutif et contraignant.
Le poids juridique de la souveraineté
6En se voyant reconnaître la souveraineté et ses attributs sur le territoire de la Cité du Vatican et les sujets qu’il se désignerait, le Saint-Siège a assuré sa position internationale et voulu donner, selon le schéma classique des relations internationales, et de manière avant tout pragmatique, un appui, juridique sinon politique, incontesté à sa propre liberté d’action et à celle de ses personnels et représentants, à sa capacité à régler pour lui-même et les Églises particulières ses relations avec les pouvoirs publics civils, et à son autorité effective pour gouverner les fidèles de l’Église dans ce monde, en apportant aussi et finalement sa part aux débats et entreprises intéressant l’humanité. Sa fonction et sa mission impliquent cette liberté à l’échelle universelle, et ce qui pouvait paraître la garantir s’avérait utile. Mais le cadre étatique se traduit pour lui par une série d’obligations découlant de l’existence d’une entité et de son ordre dotés de la souveraineté, et nonobstant le titulaire de cette dernière, qui sont la contrepartie de ses droits et privilèges, amenant à se demander si l’intérêt même d’une telle souveraineté n’est pas dépassé par ses contraintes.
La charge de la souveraineté étatique
7La constitution du nouvel État de la Cité du Vatican par la reconnaissance de la souveraineté entière du pontife romain sur le territoire de cette dernière a induit pour le Saint-Siège un certain nombre d’obligations afférentes, dont l’accomplissement, comme pour chaque État, garantit, à l’ensemble des individus et communautés qui sont ses sujets mais aussi et surtout à tous les tiers, l’ordre et la paix, la sécurité juridique, et doit chercher à garantir les droits de chacun. Outre l’existence même du système juridique comme système alterné de normes et d’organes, il importe également que l’entité puisse régler les conditions et modalités d’appartenance à la communauté des sujets à l’égard de qui elle endosse des devoirs en exerçant sur eux l’autorité et le statut qui s’y attache, et qu’elle puisse organiser et assurer ses propres moyens matériels et en personnels. En outre, tout en honorant ses engagements internationaux, conventionnels et autres, il lui revient de veiller à l’exécution de ses devoirs au titre des « lois de police » et de garantir l’ordre public et la sécurité des personnes et des biens, mais également la sécurité juridique dans l’exécution des obligations contractuelles et non contractuelles ainsi que les transactions, y compris sur le plan monétaire.
8À ces exigences minimales du standard d’État sur les plans interne et extérieur, le Saint-Siège a répondu autant qu’il pouvait être concerné, aboutissant à un ensemble composite et singulier. La Loi fondamentale de l’État de la Cité du Vatican, la loi sur les sources du droit, d’une part, et la loi sur le gouvernement [4], d’autre part, accompagnées de normes organisant l’appareil juridictionnel et les principales voies de droit [5], dessinent et encadrent l’union réelle constituée en 1929 entre le Saint-Siège et le scv, et l’exercice d’une monarchie absolue élective concentrant les pouvoirs en la personne et la charge du pontife romain ; elles mettent en place un ensemble normatif faiblement différencié et « constitutionnellement » très peu rigide. Sans pouvoir entrer ici dans le détail de l’abondante législation et réglementation des organes ainsi institués [6], deux traits particuliers doivent être soulignés. Le premier, qui ne peut surprendre, est l’importance primordiale des conventions de 1929 [7] dans l’ordre juridique originel du scv, et nonobstant l’intégration globale, de type moniste, du droit international. Le second est l’intégration par renvoi d’une partie de la législation italienne, originellement en l’état à la date de la première loi sur les sources, pour régler à titre supplétif, en tant que de besoin et moyennant des adaptations les matières non déterminées par les « sources principales » que sont le droit canonique et les lois et règlements du souverain pontife et des organes du scv [8]. Au-delà de la hiérarchie, de la terminologie et des clauses de sauvegarde [9], les domaines concernés ne s’avèrent pas mineurs : droit civil, droit commercial, droit pénal, procédure pénale – mais aussi de nombreux autres [10], adaptés et complétés [11]. À la rencontre des engagements internationaux et de la législation propre (le code civil italien ne traitant pas de la matière, par ailleurs capitale pour l’État) se retrouve la question de la citoyenneté du scv et de la résidence sur son territoire [12].
Le piège de la souveraineté étatique ?
9La solution du renvoi à la législation italienne, à la fois choix pragmatique et gage de normalisation, témoigne en même temps de la difficulté pratique à bâtir un ordre étatique totalement déployé et autonome. Emblématique de la charge que constitue le pendant de la reconnaissance de la souveraineté de celui-ci sous cette forme, elle en vient à poser la question même de son avantage. L’interrogation est double. Portant sur la réalité de la souveraineté, quant à l’effectivité du pouvoir suprême et surtout exclusif, et quant à sa nature même, elle concerne aussi l’opportunité de sa reconnaissance sous cette forme, puisque le statut étatique et la « consistance » de l’État, tout en sécurisant, contraignent alors une autorité à vocation d’abord universelle et délimitent son pouvoir normatif exclusif et opposable aux autres ordres étatiques.
10Le périmètre territorial de ce cadre, même physiquement limité, remplit effectivement cet office, tout en obligeant à une organisation juridique et pratique qui, à bien des reprises, a conduit à s’interroger sur le caractère fictif de la souveraineté reconnue et sur l’opportunité du système organisé dans et autour du scv. Le traité de 1929, ses annexes et ses révisions permettent d’établir la consistance morcelée mais fonctionnelle des dépendances de la souveraineté du Saint-Siège dans le cadre du scv, assurant ainsi à la fois l’exclusivité, l’immunité juridique et l’exemption fiscale, et garantissant contre de nouvelles atteintes de toutes sortes un certain nombre de lieux et biens considérés comme essentiels pour la mission de l’Église en sa tête même, tant pour les immeubles que pour les très nombreux et précieux biens meubles. Dans le même temps, le caractère enclavé et très restreint du territoire et la situation des biens amènent, en application du principe de territorialité, à organiser les obligations étatiques tout en gérant la dépendance vis-à-vis de l’Italie et, au-delà des rapports privilégiés avec cette dernière, constituent la limite de l’exercice effectif de la souveraineté juridique, en la ramenant à une légitime mais simple autonomie nonobstant la position du Saint-Siège dans l’ordre canonique.
11Quant à la dimension personnelle, le principe original d’attribution de la citoyenneté du scv sans lien avec une quelconque nationalité, les conditions et le régime stricts en même temps que discrétionnaires de ladite attribution, assurent une maîtrise effectivement grande du champ des obligations afférentes et permet de faire bénéficier de la protection diplomatique, voire des immunités, des personnels du Saint-Siège ne travaillant pas directement pour l’État [13]. Cependant, on peut légitimement s’interroger sur la consistance de la sujétion propre au pontife romain comme souverain du scv au-delà des lois de police. La qualité de baptisé vivant effectivement selon l’Évangile et l’enseignement de l’Église exigée de manière générale pour le recrutement du personnel du scv, le statut de clerc et/ou de consacré d’un nombre important de ses agents, relèvent d’une subordination particulière au souverain pontife, que vient encadrer un Règlement général prenant soin de souligner le caractère particulier du service rendu et instituant dans le même temps le cadre juridique d’une relation de travail spécifié par rapport à l’ensemble du personnel du Saint-Siège [14].
12Mais surtout, sur le terrain même des relations internationales, jugé primordial dans la création du scv, deux traits liés ressortent de l’examen global des engagements internationaux de ce dernier. En premier lieu, sur le plan normatif comme institutionnel d’ailleurs [15], c’est le Saint-Siège lui-même qui apparaît bien comme le sujet de droit international, qui est représenté sous divers statuts (essentiellement celui d’observateur) auprès de plusieurs organisations internationales et qui exerce son droit de légation active et passive. Et un examen des conventions multilatérales auxquelles le scv est expressément partie, selon les stipulations du Saint-Siège, confirme que sa compétence est territorialement limitée et matériellement cantonnée, illustrant ainsi à la fois l’effectivité et les limites de la souveraineté fonctionnelle. Soumis au droit international au titre du droit canonique et de la loi sur les sources de 2008, il n’a ainsi pas la plénitude de compétence d’un sujet étatique [16]. En second lieu, le volet principal de l’activité internationale propre du scv s’avère finalement un tête-à-tête avec l’Italie, dans la mise en œuvre et les révisions et aménagements du traité de conciliation de 1929 – par conventions et échanges de notes.
13En arrière-plan de la discrétion du scv comme sujet de droit international, effacé derrière son autorité souveraine, le Saint-Siège, se joue aussi un débat intéressant son système juridique, quant à son fondement même et en amont de la question de la souveraineté fonctionnelle. En préalable, l’évaluation de la reconnaissance du Siège apostolique comme tel, mais adossé à une forme étatique, doit prendre soin d’éviter l’anachronisme et tenir compte du caractère embryonnaire de la théorie des sujets publics non étatiques et non souverains de droit international au moment où les accords de 1929 ont été préparés et conclus. Mais, en recherchant, d’un point de vue théorique, le fondement de la validité de l’ordre juridique étatique dans l’ordre international [17], un double constat, ainsi que les interrogations qu’il soulève, doit être souligné.
14En premier lieu, d’un côté, le Saint-Siège peut se prévaloir de la reconnaissance renouvelée, dans l’acte final du Congrès de Vienne de 1815, donnée dans le « concert des puissances » d’alors, et que la disparition des États pontificaux et des attributs étatiques n’a de facto globalement pas interrompue quant à son activité internationale ; de l’autre, l’article 2 du traité de conciliation de 1929 stipule la même reconnaissance dans l’ordre international de la « souveraineté » de la part de l’Italie, mais c’est l’article 3 qui reconnaît juridiction souveraine et exclusive au Siège apostolique sur la portion de territoire devenant celle du scv, étant admis qu’il n’y a pas succession d’États en l’occurrence. Naissent ainsi un ordre juridique nouveau et un nouveau sujet d’imputation, dont le souverain, non confondu avec lui, voit dissocier les caractères de cette qualité en ne tirant que peu de sa juridiction étatique exclusive, qui est supposée, d’après le préambule du traité de 1929, « lui garantir une souveraineté indiscutable aussi dans le domaine international ».
15En second lieu, lorsque le même article 2 précise que la souveraineté dans l’ordre international est reconnue au Saint-Siège « comme attribut inhérent à sa nature, en conformité à sa tradition et aux exigences de sa mission dans le monde », sa déférence toute diplomatique pointe également la question, en réalité primordiale et cruciale, du paradigme juridique et institutionnel et de la théorie sous-jacents à l’existence du scv, et met en lumière la tension entre une analyse juridique de l’État et la conception fondatrice et directrice de la nature et de l’ordre de l’Église. Sans entrer dans la discussion sur la compatibilité entre l’une et l’autre visions « théoriques », force est de constater les difficultés et défis qui se présentent à une construction imbriquant État et Église lorsqu’il s’agit, sous la forme du premier, de faire prévaloir la nature et la mission de la seconde en préservant son identité.
Le défi juridique de l’indépendance
16La création de l’État de la Cité du Vatican, ses conditions et ses conséquences sont l’étape contemporaine principale, avec la politique concordataire relancée, de l’effort multiséculaire et constant de l’Église pour assurer son indépendance vis-à-vis du monde, en avançant sur une ligne de crête entre détachement ou repli et immersion mondaine dans les questions du monde. L’un comme l’autre écueil comporte le grave risque d’une trahison de sa mission et d’actions contre sa nature. On comprend alors à la fois l’exigence et la difficulté de préserver l’une et l’autre lorsque l’Église se trouve, par la forme choisie de l’État, placée au milieu du monde selon la logique de ce dernier, et même si son espace physique est très limité. L’option étatique lance avec acuité, sur le terrain juridique, le défi de l’indépendance recherchée, celui d’assurer la préservation de la singularité de l’Église, de son ordre propre, de la place et de la mission du Saint-Siège, tout en s’adaptant à un environnement de plus en plus complexe et contraint.
La préservation de l’identité
17Pour le Saint-Siège, assurer la préservation de ce que l’on peut résumer comme son identité se traduit, dans l’ordre juridique du scv, par plusieurs règles et institutions. Ainsi, l’exercice de l’autorité souveraine du pontife romain étant assuré non seulement par les organes déjà mentionnés mais aussi de manière immédiate, l’identité des titulaires de certains offices et charges dans l’Église universelle et dans le scv constitue une autre garantie de non-divergence des deux ordres juridiques. Aux fonctions exécutives déjà évoquées, il faut significativement ajouter des charges juridictionnelles capitales : c’est, ex officio, le préfet du Tribunal suprême de la Signature apostolique [18] qui préside la Cour de cassation du scv, composée avec lui de deux cardinaux également membres du Tribunal.
18Mais les ajustements ainsi opérés traduisent le trait essentiel de l’ordre juridique du scv : la place qu’il accorde au droit canonique. La référence première au codex iuris canonici de 1917 et aux constitutions apostoliques dans la loi sur les sources de 1929 comme premières « sources principales du droit objectif » du scv a été élargie significativement, dans sa formulation même, par la loi de 2008 [19]. Ce choix cardinal et cohérent ne relève pas du même phénomène de réception que celui du droit « étranger » sur la base des textes fondamentaux et par les normes vaticanes : outre l’identité d’autorité normative suprême originaire, il fait du droit de l’Église dans son ensemble la clé de voûte juridique du scv. Du point de vue « matériel » du contenu des normes, il place en position éminente et centrale dans le système les principes et « valeurs » protégés par la norme canonique, modelant aussi ce dernier sur sa hiérarchie même : ainsi notamment la « clause de sauvegarde » de la spécificité de l’ordre du scv, déjà évoquée à propos de l’intégration de la législation externe, reprend-elle, en l’élargissant expressément au droit naturel, la norme canonique générale et codifiée concernant la « canonisation » de la loi civile [20], en la combinant au respect canonique des conventions internationales. La même inspiration directe se retrouve dans le mode de résolution d’éventuelles lacunes de l’ordre normatif : l’invitation faite au juge en matière civile de se référer alors au droit divin, au droit naturel et aux principes généraux de son ordre juridique fait écho à une norme canonique équivalente [21] et, à la lumière de l’article 1er précité de la Loi de 2008, articule les systèmes. La généralité de cette dernière norme appelle au moins deux précisions. Tout d’abord, l’expression d’« ordre canonique » doit s’entendre de manière compréhensive et dynamique : ce sont les deux codes en vigueur, y compris leurs modifications, qui sont ainsi concernés [22], mais aussi formellement les normes non codifiées, la coutume dans les conditions prévues par la loi canonique, de même que les interprétations authentiques ; en outre, la norme canonique ainsi que les principes et méthodes du droit et de la science canoniques prennent place dans l’ordre du scv comme référence interprétative. Pour autant, ce sont d’abord les normes canoniques pertinentes dans ce dernier qui trouvent à s’y appliquer à ce titre : pour le code de 1983, en particulier et en tant que de besoin, celles du livre Ier (Normes générales) [23]. Mais, d’une part, toutes fournissent un cadre interprétatif aux lois et règlements du scv comme à la législation italienne intégrée (le « droit vivant » italien étant ainsi neutralisé), voire un « réservoir » en cas de lacunes [24]. Ensuite et globalement, il faut encore insister sur le statut singulier, dans l’ordre du scv, du droit canonique : « reconnu » et non institué en tant que source primaire, il apparaît comme ayant préséance sur les « sources principales » que sont la Loi fondamentale et les lois du souverain pontife et de la Commission pontificale ; mais il paraît imposer aussi et de soi des limites à l’application du droit international général et conventionnel [25].
L’adaptation plus ou moins maîtrisée
19Un tel aménagement du système juridique du scv signe et consacre sa singularité et son identité. Mais son équilibre en ses différentes normes, comme son statut étatique et surtout sa situation dans Rome, en Italie et dans le monde ont appelé et appellent, en même temps que les inévitables ajustements et réaménagements, une adaptation dont il faut reconnaître le caractère souvent opportun, mais de plus en plus contraint et complexe.
20Les révisions importantes dans l’ordre du scv intervenues à partir de la nouvelle Loi fondamentale résultaient, comme cette dernière, avant tout d’une « mise à jour » des évolutions de l’Église et de son droit : sous Paul VI déjà, diverses modifications avaient été décidées, et la mise en accord, sur plusieurs points, avec le droit partiellement nouveau du code de 1983 avait été la motivation principale [26]. Mais il faut y ajouter un souci de rationalisation, de simplification et de modernisation devant l’accumulation de textes italiens et vaticans en plusieurs matières, et l’obsolescence pratique de nombre de dispositions du premier telles qu’elles avaient été intégrées à la date de la première loi de 1929 [27].
21La situation du Vatican comme le lien particulier avec l’Italie ont, par ailleurs et de manière assez prévisible, amené à une influence et une incidence du droit de l’Union européenne sur l’ordre juridique du scv. Outre l’opportunité et la pertinence de relations du Saint-Siège avec l’Union européenne, voire de participation à sa dynamique [28], cet ordre a dû prendre en compte son environnement immédiat : l’adoption de l’euro comme unité monétaire en constitue l’exemple sans doute le plus visible et important [29], mais le renvoi au droit italien amène aussi à suivre, médiatement et même immédiatement [30], le droit communautaire dans un nombre quantitativement et qualitativement croissant de domaines.
22À la confluence des évolutions plus ou moins imposées de l’extérieur et des réformes internes, les modifications récentes en matière pénale doivent au moins être évoquées. Des changements étaient progressivement intervenus en ce domaine à la suite de ceux introduits avec la codification de 1983 [31], mais un saut considérable a été franchi ensuite : alors que des réformes devenaient impératives – déjà initiées en 2010 [32], après une convention monétaire conclue entre le Saint-Siège et l’Union européenne le 17 décembre 2009, et à la suite du sévère rapport d’évaluation de Moneyval du 4 juillet 2012 –, une loi en 2012 et trois lois du 11 juillet 2013 complétées par plusieurs textes ont non seulement accru le dispositif répressif en la matière, en parallèle à une importante réforme de la législation financière vaticane, mais donné une orientation nouvelle au droit pénal applicable. Elles le firent en introduisant de nombreuses incriminations nouvelles (relatives au terrorisme, à la prolifération des moyens de destruction massive, au blanchiment, aux trafics), ainsi que la responsabilité pénale des personnes morales, et en étendant sensiblement, pour la compétence des juridictions comme pour les sanctions administratives, la portée de la territorialité de la loi. Trouvant ainsi une raison d’être renouvelé, le cadre étatique du scv, ses attributs et ses contraintes deviennent, dans le même temps, un point de pression nouveau sur le Saint-Siège, et les nouveaux dispositifs une porte ouverte à d’autres révisions.
23Parmi les autres forces externes de contrainte à des évolutions, il convient d’évoquer également l’influence de la Convention européenne des droits de l’homme. La solution de l’arrêt Pellegrini [33], très observée, qui a montré ou confirmé que l’ordre canonique n’en était pas séparé de manière étanche, médiatement par le contrôle des mesures d’exequatur, la question pourrait être posée non tant d’une attraction du Saint-Siège que d’une pression sur son droit, et par là celui du scv, nonobstant des orientations jurisprudentielles encore bienveillantes pour son autonomie [34]. Le droit du scv n’est globalement pas concerné par cette hypothèse directe compte tenu de son autonomie dans son ordre, et le principe de l’immunité d’État – renforcé, pour ce qui est du système juridique italien, son « voisin » le plus proche, par la reconnaissance constitutionnelle de souveraineté du Saint-Siège dans son ordre [35] – continue de le préserver d’un contrôle direct des actes de ses organes par des organes d’autres États. Le mouvement jurisprudentiel et doctrinal dans le sens de la reconnaissance du devoir, pour les États parties, de garantir une protection générale et permanente de niveau équivalent à celui de la Convention à tout sujet relevant personnellement de leur « juridiction », au sens de l’article 1er de ladite Convention, pourrait conduire, dans un premier temps, à soustraire à la compétence des tribunaux du Vatican les citoyens de ce dernier puisqu’ils conservent leur nationalité d’origine [36]. Et la dynamique jurisprudentielle, et parfois législative, initiée dans le sens d’une compétence universelle en matière de droits et libertés, qui a connu un succès limité et cherche encore ses marques et son équilibre, n’a pas disparu.
24*
25Dans le monde géopolitique, juridique et culturel contemporain, le paradoxe et le risque de la forme juridique étatique reconnue dans l’État de la Cité du Vatican au profit du Saint-Siège apparaissent donc à l’évidence : la normalisation, recherchée pour assurer une action du Siège apostolique en accord avec sa mission et aux dimensions de l’Église universelle, tout en permettant quelques heureuses révisions, entraîne des conséquences possibles ou avérées lourdes pour l’identité même d’une institution et d’une communauté de plus en plus « hors normes » – de sorte que se pose la question de l’opportunité d’un tel support si ses indéniables avantages sont susceptibles d’être dépassés par de tels inconvénients. Comme l’a souligné le Saint-Siège lui-même, attaché par nature autant que par conviction à son rôle dans la société des nations et dans la communauté humaine, c’est, dans sa pleine dimension, d’abord à partir de son droit propre à exister et agir dans un espace de liberté, dont l’effectivité et la qualité s’apprécient à l’aune de la place laissée à des institutions comme l’Église et son pasteur terrestre, que doit s’analyser, dans un contexte pluraliste, toute son action originale et unique au service de l’homme.
Notes
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[1]
Le premier des trois « accords » ou pactes du Latran, avec le concordat concernant l’Italie et la convention de règlement des litiges financiers consécutifs aux confiscations diverses.
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[2]
On renvoie ici, sans pouvoir les commenter, aux canons 331 et 333 du code de droit canonique de 1983, actuellement en vigueur, et aux canons 43 et 45 du code des canons des Églises orientales de 1990, actuel droit positif codifié, qui leur correspondent. Le même droit canonique, pour sa part, en élargit la définition en intégrant au « Saint-Siège » les collaborateurs en différents organes qui l’assistent dans l’exercice de sa charge : donc, outre le pontife romain, la Secrétairerie d’État, le Conseil pour les affaires publiques de l’Église (devenu la deuxième section de la Secrétairerie d’État) « et les autres instituts de la Curie romaine » – « à moins que la nature des choses ou le texte ne laisse comprendre autrement » (canon 361 du code de droit canonique de 1983).
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[3]
Et non plus par concession unilatérale de cette dernière, comme l’organisait la « loi des garanties » du 13 mai 1871.
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[4]
La première loi i du 7 juin 1929, après plusieurs modifications, a été abrogée et remplacée par le motu proprio portant Loi fondamentale du 26 novembre 2000 ; la loi ii du 7 juin 1929 a, elle aussi, été abrogée et remplacée par la loi lxxi du 1er octobre 2008 ; la loi xxxii du 1er décembre 1932, plusieurs fois modifiée et complétée, a été abrogée et remplacée par la loi ccclxxxiv du 16 juillet 2002 (substantiellement complétée par un Règlement de la Commission pontificale pour le scv exerçant le pouvoir au nom du souverain pontife).
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[5]
Aujourd’hui, principalement par la loi cxix du 21 novembre 1987 approuvant l’organisation judiciaire du scv et qui a remplacé la réforme judiciaire de Pie XII (motu proprio Con la legge du 1er mai 1946 instituant une nouvelle organisation judiciaire et portant code de procédure civile) se substituant elle-même aux dispositions initiales de 1929 et 1932, dans le sens constant d’une plus grande autonomie par rapport aux tribunaux apostoliques et de garanties accrues. Mais le code de procédure civile de 1946 demeure applicable (art. 5 de la loi sur les sources de 2008). D’autres dispositions sur les recours administratifs sont insérées dans les normes sur le statut des personnels et sur l’administration.
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[6]
Derrière l’apparent « inventaire à la Prévert » apparaît la vie d’une enclave étatique avec ses opportunités et ses contraintes : règles générales de l’administration, règles relatives à la sécurité et à l’ordre public, régimes de monopoles et de taxes, circulation automobile… et jusqu’à la navigation maritime sous pavillon du scv !
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[7]
Le traité de conciliation, et son annexe financière, ainsi que le concordat révisé en 1984.
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[8]
Article 3 de la loi sur les sources de 1929 ; article 3 de la loi de 2008.
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[9]
Outre la réserve d’applicabilité selon « l’état de fait » du scv, les dispositions italiennes doivent faire l’objet d’une réception expresse et spécifique par les normes vaticanes adéquates et n’être contraires ni au droit divin, ni au droit naturel, ni aux accords de 1929 ensemble leurs révisions (art. 3). Le premier correspond, sans entrer dans une analyse théologique plus précise, schématiquement à la loi divine, c’est-à-dire à l’ensemble des commandements révélés comme tels par Dieu Lui-même et de Ses préceptes « directs », et se voit habituellement adjoindre, pour cette raison, le qualificatif de « divin positif ».
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[10]
Article 12 de la loi de 2008, qui prévoit que peuvent aussi, et sous les mêmes conditions, être intégrés des règlements administratifs régionaux (Latium) et provinciaux (Rome).
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[11]
Articles 4 à 10 de la loi de 2008.
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[12]
La loi iii du 7 juin 1929 sur la citoyenneté et le séjour a été abrogée et remplacée par la loi cxxxi du 22 février 2011.
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[13]
Le terme cittadinanza, utilisé dans la version originale, doit de fait s’entendre plus largement que comme le statut de citoyen au sens juridique moderne et précis. Par ailleurs, un statut unifié du personnel de la Curie sous le couvert de la législation vaticane permet d’écarter l’application de la législation du travail italienne.
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[14]
Le souci d’un statut partiellement unifié et plus protecteur du travail a donné lieu à l’institution du Bureau du travail du Siège apostolique, dont la compétence couvre notamment le personnel du scv (motu proprio du 30 septembre 1994 approuvant le statut définitif du Bureau du travail, créé en 1989). Ainsi, services du scv et du Saint-Siège se trouvent, nonobstant l’existence des structures spécifiques de ce dernier, largement intégrés et mêlés. L’utilité de normes communes du travail tient notamment à la possibilité de soustraction à la législation italienne, mais une telle imbrication constitue l’illustration concrète et quotidienne du particularisme et de la mission, somme toute peu étatique, du scv – jusqu’en ce qui concerne les activités de volontariat (loi clxxxvii du 22 mai 1992, émanant de la Commission pontificale, qui règle la question pour toute activité volontaire au service du Saint-Siège).
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[15]
La Loi fondamentale prévoit sans ambiguïté ni surprise que c’est à la Secrétairerie d’État qu’incombe, au titre de la réserve de compétence du souverain pontife, l’exclusivité de la conduite des relations internationales du scv (art. 2). Plus généralement, toute « question d’importance » doit être traitée par les organes du scv en liaison avec la Secrétairerie d’État (art. 6) – l’article 4, § 2-3, aménage également le rôle de ladite Secrétairerie et des organismes de la Curie romaine dans la préparation des projets de loi).
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[16]
Le principe Pacta sunt servanda est inscrit dans le droit canonique (canon 3 du code de droit canonique de 1983, reprenant le canon 3 du code de 1917). La formulation de l’article 1er, § 4, de la loi de 2008 élargit l’intégration aux « normes du droit international général ». L’État est concerné ratione materiae ou personae, mais se trouvent intégrées dans son ordre les conventions signées, expressément pour lui ou non, par son souverain, et les déclarations du Saint-Siège accompagnant la signature et/ou la ratification le mentionnent habituellement en rappelant son « caractère particulier ».
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[17]
Cf. Hans Kelsen, Théorie pure du droit (1934), Paris, lgdj, 1999, p. 311-345.
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[18]
À la tête de l’un des trois tribunaux du Siège apostolique, ce cardinal exerce à ce titre une mission juridictionnelle (équivalente pour partie à celle d’une cour suprême et d’une juridiction administrative suprême) et la vigilance sur l’ensemble du système juridictionnel de l’Église.
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[19]
« L’ordre juridique vatican reconnaît dans l’ordre juridique canonique la première source normative et le premier critère de référence interprétative » (art. 1er, § 1).
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[20]
Canon 22 du code de droit canonique de 1983. D’autres dispositions éparses, codifiées ou non, rappellent le principe général de la non-dérogabilité du droit divin et du droit naturel par la « loi ecclésiastique ».
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[21]
Article 6 de la loi sur les sources de 2008, reprenant en le simplifiant l’article 22 de la loi de 1929 (qui ajoutait notamment : « comme s’il était législateur ») ; canon 19 du code de droit canonique de 1983, formulé différemment et plus large dans ses références canoniques (précédents, principes généraux de l’ordre canonique, équité, jurisprudence, pratique de la Curie romaine, « opinion commune et constante des docteurs »).
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[22]
Nonobstant la formulation de 1929, la doctrine a classiquement entendu la référence au codex comme inclusive.
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[23]
Le problème est plus complexe et le champ plus limité pour les livres V (Les biens temporels de l’Église), VI (Les sanctions dans l’Église) et VII (Les procès dans l’Église) dès lors qu’existent des dispositions spéciales vaticanes originaires ou externes et intégrées. En matière pénale demeure en particulier la distinction des fors et des sanctions selon la loi violée. Les autres dispositions (livres III et IV sur la fonction d’enseignement et la fonction de sanctification) trouvent à s’appliquer dans le scv, mais à titre « purement » canonique, dans le champ du canon 11 du code de droit canonique de 1983. Un tribunal ecclésiastique a été institué pour le scv au terme des successives réformes du système juridictionnel canonique (motu proprio Quod civium iura du 21 novembre 1987).
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[24]
Les normes du livre II (Le peuple de Dieu) relatives aux droits de tous les fidèles pourraient également être concernées. En matière pénale, l’article 9 de la loi de 2008 prévoit un insolite mécanisme, en cas de lacunes, de recours aux « principes généraux de la législation » pour déterminer l’incrimination.
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[25]
Il justifie ainsi la formulation de réserves lors de l’adhésion aux conventions. Cf. par exemple (déjà dans l’état du droit antérieur à 2008) la Convention de New York sur les droits de l’enfant du 20 novembre 1989.
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[26]
Plusieurs domaines et points étaient concernés : majorité civile, organisation juridictionnelle et règles processuelles, droit pénal…
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[27]
S’expliquent ainsi l’abandon de plusieurs anciens codes italiens (code civil de 1865, code de commerce de 1882) et le renvoi au code civil de 1942.
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[28]
Elle peut aller jusqu’à une implication directe, comme dans le « processus de Bologne » et la participation à l’Espace européen de la recherche et à celui de l’enseignement supérieur.
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[29]
Cf. la convention monétaire entre le scv et le Saint-Siège et l’Italie du 29 décembre 2001, ainsi que la loi monétaire ccclvii du 26 juillet 2001, par laquelle le scv adopte l’euro comme monnaie officielle.
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[30]
En l’absence de législation et de réglementation spéciale du scv, il y a application, dans les limites générales, du droit de la République italienne et de l’Union européenne (art. 3, § 2, du décret de la Commission pontificale du 12 juin 1997).
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[31]
Des révisions avaient été déjà apportées par la loi l du 21 juin 1969 modifiant la législation pénale et de procédure pénale.
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[32]
Loi cxxvii du 30 décembre 2010, prévoyant une série de mesures, y compris pénales, contre le « recyclage » de fonds, étendue par motu proprio à tous les dicastères de la Curie.
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[33]
Cour européenne des droits de l’homme, Pellegrini c. Italie, 20 juillet 2001, Rec. 2001-VIII, p. 353.
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[34]
Cf. par exemple Cour européenne (Grande Chambre), Sindicatul « Pastorul cel bun » c. Roumanie, 9 juillet 2013, Rec. 2013-V ; id., Fernandez Martinez c. Espagne, 12 juin 2014, Rec. 2014-II.
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[35]
Article 9 de la Constitution italienne du 27 décembre 1947.
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[36]
Telle a été l’argumentation des avocats de la famille du vice-caporal Tornay, mis en cause, après son décès, dans le meurtre en mai 1998, sur le territoire du Vatican, du commandant des Gardes suisses pontificaux, Aloïs Estermann, et de son épouse, trois citoyens du scv conservant leur nationalité helvétique.