Notes
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[1]
Loi n° 90-603 du 12 juillet 1990.
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[2]
Décret n° 92-962 du 9 septembre 1992 parue au Journal officiel du 10 septembre 1992
-
[3]
Circulaire du ministère du Travail, de l’Emploi et de la Formation professionnelle, Direction des relations du travail - n° 93-17 du 4 juin 1993 (non publiée au Journal officiel).
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[4]
Cour de cassation, chambre sociale, 31 octobre 1989. Pourvoi n° 86-41-316 (inédit).
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[5]
Cour de cassation, 1re chambre civile du 27 mars 1990- Pourvoi n°88-18-396.
1 Au sein du cadre juridique organisant l’exercice de la profession de mannequin, le législateur soucieux de la protection et de l’intérêt de l’enfant a, de la même manière qu’il avait organisé les conditions d’accès à l’emploi par l’enfant (I), jugé opportun de renforcer cette protection lorsque l’enfant exerce des activités de spectacle dit d’artiste interprète.
2 Nous nous intéresserons au cas spécifique de l’enfant mannequin en abordant tout d’abord les différentes conditions d’accès de l’enfant à la profession de mannequin (II) pour examiner ensuite celles de l’exercice de la profession de mannequin par l’enfant (III)
I — LES CONDITIONS GÉNÉRALES D’ACCÈS A L’EMPLOI PAR L’ENFANT
3 Au terme de l’article L 211.1 du Code du travail et sous réserve de l’application spécifique de l’article L 117.3 au cas de l’apprentissage, les enfants ne peuvent être employés avant d’être régulièrement libérés de l’obligation scolaire, qui depuis l’ordonnance du 6 janvier 1959 a été prolongée jusqu’à 16 ans. Toutefois les enfants de plus de quatorze ans sont autorisés à effectuer des travaux légers pendant les vacances scolaires, à condition que la moitié de la période corresponde à un repos effectif, et cela dans la limite de 40 heures par semaine et de 8 heures par jour. Les travaux confiés à l’enfant ne doivent pas être susceptibles d’entraîner une fatigue anormale, tant en raison de la nature de ces travaux que de leurs éventuelles conditions d’exécution.
4 Les articles L. 213.7 et L. 22.2 du Code du travail interdisent respectivement le travail de nuit et celui pendant les jours fériés légaux, aux jeunes salariés âgés de moins de 18 ans. L’embauche de l’enfant est conditionnée par une demande d’autorisation expresse de l’employeur auprès de l’inspecteur du travail, et par l’expression d’un accord écrit de la part de son représentant légal.
5 La rémunération minimale de l’enfant salarié est fixée au niveau du SMIC diminué de 20 % pour l’enfant de moins de 17 ans, du SMIC diminué de 10 % pour l’enfant de 17 à 18 ans.
6 Enfin si le mineur émancipé peut percevoir personnellement son salaire, le mineur non émancipé ne peut se faire rémunérer directement par son employeur qu’avec une autorisation expresse de son représentant légal.
7 S’agissant du cadre plus particulier des activités artistiques ou littéraires, avant même l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 6 janvier 1959, seuls les enfants d’au moins seize ans ne pouvaient avoir des activités d’artistes interprètes dans les secteurs du cinéma, de la radiophonie, mais encore au titre d’enregistrements sonores ou télévisuels.
8 Les enfants de moins de 16 ans ne peuvent eux accéder à cette catégorie d’activités qu’après autorisation individuelle donnée par les préfets sur avis conforme d’une commission spéciale qui notamment fixe la part de rémunération perçue par l’enfant qui sera laissée à la disposition de ses représentants légaux.
9 Ce sont les articles L. 211.6 et suivants et R. 211.1 et suivants du Code du travail, qui fixent ces derniers principes dont le champ d’application a été étendu à la profession de mannequin par les lois du 12 juillet l990 [1] et décret [2] du 9 septembre 1992 modifiant le Code du travail relatifs aux “agences de mannequins et à la protection des enfants et des adultes exerçant l’activité de mannequin”.
II — LES CONDITIONS D’ACCÈS DE L’ENFANT A LA PROFESSION DE MANNEQUIN
10 L’article L763. 1 du Code du travail résultant de la loi du 12 juillet 1990 établit au bénéfice de toute personne exerçant l’activité de mannequin une présomption de contrat de travail à l’égard de la personne physique ou morale qui l’emploie. Ce contrat de travail peut lier le mannequin soit directement à l’utilisateur, soit à une agence de mannequin qui intervient comme intermédiaire. L’alinéa 3 du même article, lui, attribue la qualité de mannequin à toute personne chargée :
- soit de présenter au public, directement ou indirectement par reproduction de son image sur tout support visuel ou audiovisuel, un produit, un service ou un message publicitaire ;
- soit de poser comme modèle, avec ou sans utilisation ultérieure de son image même si cette activité n’est exercée qu’à titre occasionnel.
12 Il résulte de cet alinéa que l’activité de mannequin est distincte de l’activité d’artiste du spectacle que l’article L. 762. 1 du Code du travail définit comme étant celle de toute personne qui prête son concours en vue de sa production, mais hors l’objectif de présentation au public d’un produit, d’un service ou d’un message publicitaire.
13 Comme nous l’avons vu plus haut, l’article L. 211.6 du Code du travail pose le principe, pour les enfants de moins de seize ans souhaitant exercer une activité de mannequin, de l’obtention d’une autorisation préfectorale individuelle ou d’un recrutement par une agence de mannequins agréée à cet effet.
- L’autorisation individuelle préalable est accordée par le préfet sur avis conforme d’une commission constituée au sein du conseil départemental de protection de l’enfance à laquelle participe le directeur départemental du travail, de l’emploi, et de la formation professionnelle, sur la base d’une procédure d’examen analogue à celle fixée par la circulaire du 9 novembre 1964 en matière d’emploi d’enfants dans les spectacles.
15 Seule la procédure de l’examen médical de l’enfant s’est trouvée modifiée par le décret du 9 septembre qu’a complété l’article R 211.6 du Code du travail en introduisant la nécessité de voir cet examen pratiqué, non plus par un médecin mais par un pédiatre figurant sur une liste établie par la commission.
- Seule une agence détentrice d’une licence d’agence de mannequin, peut par ailleurs solliciter un agrément des services préfectoraux pour le recrutement d’enfants. Cet agrément a pour effet de supprimer la nécessité de l’autorisation individuelle préalable.
17 Il est délivré par une commission départementale, visée à l’article 211.7 du Code du travail, qui au vu d’un certain nombre de documents devant être présentés par l’agence, notamment relatifs à la qualité des dirigeants et aux obligations fiscales et sociales de l’agence, apprécie :
- la moralité ;
- la compétence et l’expérience professionnelle des dirigeants, associés et gérants ;
- la situation financière de l’agence ;
- ses conditions et son fonctionnement (équipement, effectif, compétence du personnel).
19 La commission n’accorde l’agrément que si toutes les garanties de sécurité physique et psychique de l’enfant sont réunies par l’agence.
- Une fois l’agrément obtenu, l’agence de mannequin est alors tenue de par l’article R. 211.13.1 du Code du travail d’établir une note explicative qu’elle remettra à l’enfant et à ses représentants légaux, les informant des conditions dans lesquelles l’enfant exécutera sa prestation. Ce document doit comporter les durées d’emploi ; de déplacement nécessaires à celui-ci, les conditions de mise à disposition auprès de l’utilisateur, et les conditions de rémunération de l’enfant.
- De même, l’agence doit tenir à la disposition des représentants légaux mais aussi de l’inspection du travail, le registre spécial de l’article R. 211.13 II du Code du travail, sur lequel se trouvent consignées des précisions relatives à l’identité et l’adresse des enfants employés, de l’utilisateur et du commanditaire, sur des conditions d’emploi en matière d’horaires.
- Enfin le contrat de travail de l’enfant est signé par ses représentants légaux dans les conditions de mentions obligatoires fixées à l’article R. 763.1 du Code du travail.
III — L’EXERCICE DE LA PROFESSION DE MANNEQUIN PAR L’ENFANT
a) Les conditions de travail
- L’enfant mannequin doit se soumettre à une obligation de visite médicale à laquelle nous l’avons vu est subordonnée l’autorisation individuelle préalable de l’article L. 211.6 du Code du travail.
22 S’agissant de l’emploi de l’enfant par une agence de mannequin agréée, l’examen médical est effectué de la même manière par un pédiatre, et cela aux frais de l’agence. Le pédiatre est tenu de contrôler si le travail qu’assurera l’enfant ne peut avoir d’effets préjudiciables à son avenir, sa santé ou son développement. (circulaire DRT du 4 juin 1993) [3].
- Les articles L. 211.7.1 ; R. 211.12.1, 2 et 3 du Code du travail organisant les conditions de travail de l’enfant mannequin en terme de durée, de l’emploi, et de la sélection préalable s’ajoutent et s’inscrivent dans le cadre des conditions de droit commun d’emploi de l’enfant. A ce titre la durée de l’emploi de l’enfant correspond à sa durée effective de prise de vue, de tournage. En sont exclus les temps de déplacement ou d’attente qui ne constituent pas en soi une activité salariale donnant lieu à versement de rémunération. Les enfants non scolarisés ne peuvent être employés ou sélectionnés que deux jours par semaine à l’exclusion du dimanche. Pour les enfants scolarisés, en période scolaire, cela n’est autorisé que les jours de repos hebdomadaires hors le dimanche. Enfin l’annexe V à la circulaire DRT du 4 juin 1993 (ci-jointe) définit les durées joumalières et hebdomadaires maximales d’emploi et de sélection des enfants mannequins en fonction de l’âge et du moment de la prestation.
- Toute personne employant un enfant mannequin doit détenir en vertu des articles L.211.11 et L. 211.13 du code du travail son extrait d’acte de naissance afin de pouvoir justifier de son âge et un livret ou passeport afin d’attester de son identité.
b) La rémunération de l’enfant mannequin
? Le contenu
24 Dans le cadre de son contrat de travail, le mannequin, et a fortiori l’enfant mannequin peut prétendre à deux types de rémunération : un salaire et une rémunération au titre du droit à l’image, au sens de l’article L. 763.2 du Code du travail en cas d’exploitation ou de reproduction de l’enregistrement de sa présentation.
25 * L’article R. 763.10.6 prévoit l’obligation d’informer le mannequin ou ses représentants légaux des droits susceptibles d’être générés à son profit sur la vente, l’exploitation ou la reproduction de l’enregistrement de sa prestation. Il rend de plus obligatoire la négociation de la rémunération portant sur ces droits .
26 En effet, la Cour de cassation dans deux arrêts successifs du 31 octobre 1989 [4] et du 27 mars l990 [5], a considéré “qu’un mineur ne peut, sans l’autorisation de la ou des personnes ayant autorité sur lui, conclure une convention relative à un droit de la personnalité, tel que le droit à l’image “, de là la volonté du législateur de créer une obligation d’information et de négociation avec les représentants légaux au profit du droit à l’image de l’enfant mannequin.
27 * Au cas d’un contrat de travail passé avec une agence de mannequin, le salaire perçu par un mannequin à ce titre ne peut être inférieur à un pourcentage minimum des sommes versées par l’utilisateur dans le cadre de son contrat de mise à disposition passé avec l’agence.
28 L’accord national applicable à la profession de mannequin fixe conventionnellement ce pourcentage et les salaires minima des enfants mannequins en fonction de leur âge ou de leur appartenance à une catégorie. Les catégories sont au nombre de six : “Publicité, Presse, Catalogue, Essayage technique, Essayage préparatoire, Cinéma publicitaire”
29 Si ne sont rémunérées que les périodes de travail effectif, l’accord national du 15 février 1991 (accord relatif aux salaires bruts minima syndicaux des mannequins enfants de moins de 16 ans et mannequins adultes employés par les agences de mannequins) dans son avenant n° 1, prévoit toutefois dans son article 4 “temps de présence” qu’en cas de dépassement des temps de travail autorisés, la présence obligatoire pour cas de force majeure ou attente ne pourra être incluse dans le temps de travail, mais sera rémunérée, à l’heure, sur la base du salaire brut de la catégorie de la prestation convenue.
? Perception du salaire
30 Les sommes auxquelles pourra prétendre l’enfant mannequin au titre de son salaire et de la rémunération de son droit à l’image feront l’objet d’une répartition entre ses représentants légaux, et un pécule remis à la Caisse des dépôts et consignations.
31 Le taux de cette répartition est fixé soit à l’occasion de l’autorisation individuelle préalable dans le cadre de la Commission départementale, à partir, dans certains cas, de barèmes types, soit à l’occasion de la décision d’agrément accordée à une agence.
32 Il nous faut ajouter à cet exposé, pour conclure, que le non-respect des obligations créées à la charge de l’employeur de l’enfant mannequin, est sanctionné par des peines d’amendes et d’emprisonnement pouvant aller respectivement de 2 000 à 20 000 F et de 1 mois à 2 ans principalement dans les cas d’absence d’autorisation préfectorale individuelle ou d’agrément, de non respect des jours et horaires d’emploi autorisés et d’incapacité à justifier de l’identité et de l’âge de l’enfant. Ainsi ce cadre légal régissant le statut d’enfant mannequin montre combien le législateur a eu comme il l’a toujours eu prioritairement dans d’autres domaines du droit, le souci de préserver l’intérêt de l’enfant tant sur le plan de son épanouissement personnel que sur un plan économique.
DURÉES MAXIMALES DE TRAVAIL ET DE SÉLECTION DES ENFANTS MANNEQUINS
MOINS DE 6 ANS | 6 ANS A 18 ANS | ||||
Durée journalière maximale | Durée hebdomadaire maximale | PÉRIODES SCOLAIRES | PÉRIODES DE CONGÉS SCOLAIRES | ||
Durée journalière maximale | Durée hebdomadaire maximale | Durée journalière maximale | Durée hebdomadaire maximale | ||
0 à 3 ans | 0 à 6 mois | 6 ans - 11 ans | 6 ans - 11 ans | 6 ans - 11 ans | 6 ans - 11 ans |
1 heure (dont 30 mn maximum en continu) | 1 heure | 3 heures (dont 1 h 30 maximum en continu) | 6 heures (dont 2 heures maximum en continu) | 12 heures | |
3 ans à 6 ans | 6 mois à 3 ans | 12 ans - 16 ans | 12 ans - 16 ans | 12 ans - 16 ans | 12 ans - 14 ans |
2 heures (dont 1 heure maximum en continu) | 2 heures | 4 heures (dont 2 heures maximum en continu) | 6 heures | 7 heures (dont 3 heures maximum en continu) | 15 heures |
3 ans à 6 ans | 14 ans - 16 ans | ||||
3 heures | 15 heures |
DURÉES MAXIMALES DE TRAVAIL ET DE SÉLECTION DES ENFANTS MANNEQUINS
Extrait de la circulaire DRT n° 93-17 du 4 juin 1993 relative à l'application de la loi n° 90-603 du 12 juillet 1990 et du décret n° 92-962 du 9 septembre 1992 relatifs aux agences de mannequins et à la protection des enfants et des adultes exerçant l'activité de mannequinNotes
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[1]
Loi n° 90-603 du 12 juillet 1990.
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[2]
Décret n° 92-962 du 9 septembre 1992 parue au Journal officiel du 10 septembre 1992
-
[3]
Circulaire du ministère du Travail, de l’Emploi et de la Formation professionnelle, Direction des relations du travail - n° 93-17 du 4 juin 1993 (non publiée au Journal officiel).
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[4]
Cour de cassation, chambre sociale, 31 octobre 1989. Pourvoi n° 86-41-316 (inédit).
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[5]
Cour de cassation, 1re chambre civile du 27 mars 1990- Pourvoi n°88-18-396.