Couverture de RJE_242

Article de revue

Pesticides - Incertitude scientifique - Principe de précaution - Gestion des risques - Pouvoir d’appréciation - Avis scientifiques

Pages 507 à 508

English version

1 Tribunal UE, 21 février 2024, PAN Europe / Commission, aff. T-536/22, ECLI : EU : T : 2024 : 98.

2 Le recours porté par l’ONG PAN Europe vise à annuler la décision de refus adoptée par la Commission européenne de donner suite à une demande de réexamen interne d’un règlement d’exécution renouvelant l’approbation d’une substance active, la cyperméthrine, hautement toxique pour les insectes. La requérante invoque comme moyen unique la violation par la Commission du principe de précaution et de l’obligation d’assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine et de l’environnement telle qu’elle ressort du TFUE, de la Charte des droits fondamentaux et du règlement n° 1107/2009 relatif aux produits phytopharmaceutiques. La question au cœur de ce contentieux vise à savoir si la Commission pouvait valablement renouveler l’approbation de la substance litigieuse, en l’assortissant de mesures d’atténuation des risques, en dépit des domaines critiques de préoccupations identifiés dans l’avis scientifique rendu au préalable par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (ci-après « EFSA »).

3 Dans cette affaire, le Tribunal de l’Union déploie le standard de contrôle limité qu’il exerce à l’égard du large pouvoir d’appréciation reconnu à la Commission en tant que gestionnaire des risques (points 49 à 56). Il rappelle la jurisprudence constante relative à la mise en œuvre du principe de précaution dans la prise de décision et, notamment, la répartition des rôles qui en découle entre le comité d’experts, chargé de l’évaluation scientifique des risques, et l’autorité politique, fixant le niveau de risque inacceptable pour la société (points 70 à 74 et 77 à 87). L’argument principal de la requérante a trait à cette répartition et vise plus particulièrement l’étendue du pouvoir d’appréciation dont dispose la Commission à l’égard des avis scientifiques de l’EFSA. Selon la requérante, dès lors que des risques seraient identifiés avec suffisamment de certitude dans les avis scientifiques, la Commission ne pourrait passer outre ces conclusions et serait alors privée de tout pouvoir d’appréciation à leur encontre (points 75 et 88). Le Tribunal rejette l’argument en ce qu’il est contraire à l’interprétation qu’il a développée dans sa jurisprudence relative aux rôles attribués à chaque organe de la prise de décision et aux rapports qu’entretiennent les actes que chacun adopte (points 89 à 98). En effet, au titre du règlement n° 1107/2009, la Commission n’est pas liée par les conclusions de l’EFSA et doit seulement en « tenir compte » lors de l’adoption de l’approbation d’une substance active, ce qui ne constitue pas une obligation pour la Commission de suivre en tous points ses conclusions (point 90). Le Tribunal tempère toutefois et reconnaît que les conclusions de l’évaluation menée par l’EFSA ont un « poids important », la Commission ne saurait « passer outre » ou ignorer l’évaluation car « une telle possibilité compromettrait la construction du système, étant donné que la décision de gestion des risques s’appuie sur le résultat de l’évaluation des risques » (point 404). Dès lors, le principe de précaution a pour rôle d’encadrer le large pouvoir d’appréciation reconnu à la Commission en tant que gestionnaire des risques (point 91). En ce sens, la Commission ne saurait, en principe, s’écarter des conclusions d’une évaluation identifiant des domaines critiques de préoccupation et recommandant de ne pas renouveler l’approbation d’une substance, sous peine de méconnaître le principe de précaution (point 92). Le Tribunal estime en revanche compatible avec le principe de précaution le choix effectué en l’espèce par la Commission d’assortir de mesures de gestion des risques le renouvellement de l’approbation de la substance litigieuse afin de mitiger les risques déterminés (point 96). Ainsi, après avoir précisé de quelle manière le principe de précaution pouvait jouer sur le large pouvoir d’appréciation de la Commission dans l’adoption d’une décision, le juge de l’Union apprécie et rejette l’ensemble des griefs invoqués par la requérante au soutien de sa demande de réexamen interne, tenant principalement à l’absence de prise en compte par la Commission de certaines données scientifiques. Lors de cet examen, le Tribunal réaffirme finalement sa déférence à l’égard du fait et des appréciations effectuées par la Commission, l’EFSA et les experts des États membres (points 177, 244, 294, 301 et 381).


Date de mise en ligne : 03/07/2024

Domaines

Sciences Humaines et Sociales

Sciences, techniques et médecine

Droit et Administration

bb.footer.alt.logo.cairn

Cairn.info, plateforme de référence pour les publications scientifiques francophones, vise à favoriser la découverte d’une recherche de qualité tout en cultivant l’indépendance et la diversité des acteurs de l’écosystème du savoir.

Retrouvez Cairn.info sur

Avec le soutien de

18.97.14.89

Accès institutions

Rechercher

Toutes les institutions