Notes
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[1]
P. Eluard, Les animaux et leurs hommes, les hommes et leurs animaux, 1920 (extraits).
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[2]
Rapport S2021-2244, 9 mai 2022.
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[3]
Cette somme peut être rapprochée des subventions perçues en moyenne par exploitation : entre 30 et 50 000 euros.
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[4]
Conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques.
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[5]
Voir par exemple N. Gorbatko, « Trop de vaches en France : la Cour des comptes remet en cause le soutien à l’élevage bovin », Actu environnement, 24 mai 2023.
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[6]
Rapport S2023-0466, 22 mai 2023.
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[7]
-27 % en lait, -24% en viande, et -43 % en mixtes.
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[8]
Soit la décomposition des aliments par les micro-organismes dans l’estomac des animaux.
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[9]
La Cour des comptes insiste sur la complexité du calcul des émissions de GES dont est responsable l’élevage bovin, les facteurs contribuant aux émissions mais aussi aux captations étant nombreux et souvent systémiques. Par exemple la fixation du CO2 dans les sols dépend des conditions pédoclimatiques et du scénario contrefactuel avec lequel on compare la prairie (forêt, friche, culture,…).
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[10]
Directrice du CRIDEAU, équipe thématique de l’Observatoire des Mutations Institutionnelles et Juridiques, Université de Limoges.
Adieu !
Vaches plus précieuses
Que mille bouteilles de lait
[…]
Précieuses à qui veut bien vivre
De la nourriture ordinaire
Adieu !
1 Les installations agricoles en général et les élevages bovins en particulier seraient-ils dans le collimateur de la Cour des comptes ?
2 Il y a un an en effet, un premier rapport dressait un constat sévère quant à la faiblesse de l’encadrement et du contrôle des installations classées agricoles [2]. La Cour des comptes observait alors que les installations agricoles, essentiellement liées à l’élevage, étaient nombreuses (120 000 installations représentant 20 % des installations classées, dont environ 65 000 élevages bovins), et mal connues (le chiffrage des installations soumises à déclaration étant peu fiable). La Cour dénonçait, dans le même temps, l’assouplissement constant de la réglementation applicable aux installations agricoles, le relèvement des seuils d’autorisation et la création en 2009 du régime de l’enregistrement s’étant accompagnés d’une absence, dans les faits, d’évaluation environnementale pour la plupart des activités d’élevage à l’issue de l’examen au cas par cas. En outre, à la demande de la profession agricole, le régime déclaratif avec contrôle périodique a été supprimé pour certaines installations d’élevage en 2016, malgré un coût modeste (1 500 euros par visite, le contrôle ayant lieu tous les cinq ans) [3]. Pourtant les installations agricoles présentent des risques, non seulement d’incidents voire d’accidents mais aussi des risques chroniques de pollution des milieux. Or la Cour estimait, également, que les sanctions administratives et pénales n’étaient pas assez dissuasives et trop rarement prononcées. Aussi formulait-elle un certain nombre de recommandations : modifier la nomenclature des installations classées pour réintroduire le contrôle périodique de certaines installations, notamment d’élevage bovin, porcin et de volailles ; donner sans délai aux services chargés du contrôle un accès rapide, complet et gratuit à toutes les bases de données d’identification animale ou encore systématiser la présentation en CODERST [4] et la publication d’un bilan annuel rendant compte de l’évolution détaillée du nombre d’ICPE agricoles, des résultats des actions de contrôle et des accidents et pollutions relevés.
3 En mai 2023, c’est un autre rapport de la Cour des comptes, davantage médiatisé [5], qui vient pointer du doigt le caractère excessif du soutien public aux élevages bovins [6]. Entre 2010 et 2020, si le nombre d’élevages bovins a baissé de 26 % [7], la taille des exploitations a quant à elle augmenté, – on est loin des vaches plus précieuses aux yeux d’Eluard que « mille bouteilles de lait »… Dans le même temps, la Cour des comptes souligne que le secteur bénéficie du soutien public le plus élevé, le montant des aides s’élevant à 4,3 milliards d’euros, hors allègements de charges fiscales et sociales. Alors que le montant moyen des subventions par exploitation agricole est en France de 33 618 euros, il est de 36 152 euros pour les élevages destinés à la production de lait et de 50 302 euros pour les bovins destinés à la consommation de viande. Surtout, les effets d’un tel soutien sur la performance économique des exploitations et le revenu des agriculteurs sont contrastés et, de manière tout à fait intéressante, la Cour des comptes relève que la « politique de soutien à l’élevage ne saurait (…) se limiter à la seule dimension économique. Elle poursuit également des objectifs environnementaux et sociaux ». Or sur cette question, il apparaît que les services environnementaux fournis par l’élevage bovin (utilisation des effluents comme engrais naturels, maintien des paysages de bocage, participation à l’identité culturelle du territoire,…) sont insuffisamment pris en compte. En outre, la Cour des comptes souligne le bilan climatique défavorable lié à l’élevage bovin.
4 Ainsi sur les 445 Mt de CO2 émis par la France en 2018, 52,5 Mt étaient dues au seul élevage bovin, qui représente donc à lui seul 11,8 % des émissions de GES en France. Les émissions de méthane (dues à la fermentation entérique [8]) constituent la majorité des émissions (31 Mt), émissions qui ne sont que faiblement compensées par le stockage de carbone dans les sols de prairie permanente [9]. Or, le premier déterminant des émissions de méthane reste la taille du cheptel, élément sur lequel insiste le rapport. Pourtant sur ce point, la Cour estime que le ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire n’a pour le moment « pas suffisamment pris en compte les liens entre la taille du cheptel et les engagements climatiques, que ce soit dans son plan climat, mal articulé avec la stratégie nationale bas carbone (SNBC), ou dans son Plan Stratégique National (PSN) pour la future PAC, qui n’affiche pas clairement l’évolution future des effectifs du cheptel bovin et qui retient certains indicateurs non pertinents concernant le réchauffement climatique ».
5 La mise en miroir de ces deux rapports, produits à un an d’intervalle, est intéressante à plus d’un titre. Elle permet de souligner les incohérences des politiques publiques en matière agricole et environnementale : soutien excessif aux exploitations d’élevage bovin sans tenir compte des services environnementaux rendus et sans intégration de la lutte contre les changements climatiques ; assouplissement des règles concernant le contrôle des installations agricoles et le régime d’évaluation environnementale ; baisse des moyens alloués aux contrôles des installations classées malgré des risques mal connus, sous-estimés et non maîtrisés ; absence de réflexion d’ensemble sur la taille des cheptels, élément pourtant déterminant d’un point de vue environnemental, social et économique.
6 « Adieu vaches précieuses » !
Date de mise en ligne : 22/09/2023
Notes
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[1]
P. Eluard, Les animaux et leurs hommes, les hommes et leurs animaux, 1920 (extraits).
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[2]
Rapport S2021-2244, 9 mai 2022.
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[3]
Cette somme peut être rapprochée des subventions perçues en moyenne par exploitation : entre 30 et 50 000 euros.
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[4]
Conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques.
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[5]
Voir par exemple N. Gorbatko, « Trop de vaches en France : la Cour des comptes remet en cause le soutien à l’élevage bovin », Actu environnement, 24 mai 2023.
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[6]
Rapport S2023-0466, 22 mai 2023.
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[7]
-27 % en lait, -24% en viande, et -43 % en mixtes.
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[8]
Soit la décomposition des aliments par les micro-organismes dans l’estomac des animaux.
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[9]
La Cour des comptes insiste sur la complexité du calcul des émissions de GES dont est responsable l’élevage bovin, les facteurs contribuant aux émissions mais aussi aux captations étant nombreux et souvent systémiques. Par exemple la fixation du CO2 dans les sols dépend des conditions pédoclimatiques et du scénario contrefactuel avec lequel on compare la prairie (forêt, friche, culture,…).
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[10]
Directrice du CRIDEAU, équipe thématique de l’Observatoire des Mutations Institutionnelles et Juridiques, Université de Limoges.