Couverture de RJE_232

Article de revue

Accords sectoriels aux Conférences sur le climat

Pages 267 à 270

English version

1 Les décisions des COP sont prises par consensus, ce qui signifie que les processus diplomatiques de négociation peuvent être lents et que les textes finaux n’incarnent souvent pas les niveaux d’ambition et d’urgence nécessaires pour contrer la crise climatique.

2 Dans ce contexte, les accords sectoriels établis lors de la COP26 ont été salués comme un moyen de pallier les asymétries dans l’intérêt et la capacité des différents États à s’engager à assumer de nouvelles obligations climatiques. Tant qu’elles sont construites d’une manière cohérente avec le cadre de la CCNUCC/Paris, ces coalitions de volontaires ont le potentiel de débloquer des progrès plus rapides sur des sujets de l’agenda climatique autour desquels il n’y a pas de consensus, mais où il y a suffisamment de volonté politique – non seulement des États, mais aussi des entités infranationales et des acteurs privés – pour forger des engagements sectoriels significatifs. Un autre avantage potentiel de ce type d’arrangement est la possibilité de s’attaquer à des problèmes spécifiques, comme cela a été fait avec assez de succès par la Convention de Vienne de 1985 pour la protection de la couche d’ozone et son Protocole de Montréal de 1987.

3 Des exemples particulièrement notables de cette architecture sont les coalitions construites à Glasgow autour des thèmes de la déforestation, du méthane, du financement des énergies fossiles, du charbon, des véhicules zéro émission et de la finance. Leurs développements et leurs résultats à la COP27 sont abordés ci-dessous.

Déforestation

4 À Glasgow, plus de 100 dirigeants mondiaux se sont engagés à éliminer et à inverser la déforestation d’ici 2030, par le biais d’un engagement connu sous le nom de Déclaration des dirigeants de Glasgow sur l’utilisation des forêts et des terres et soutenu par 19,2 milliards de dollars de fonds publics et privés. Actuellement, la Déclaration englobe 145 pays et 90,94 % des forêts mondiales, mais la déforestation reste endémique dans les principales nations de forêts tropicales.

5 À la COP27, le Partenariat des Leaders Forêts et Climat (FCLP), co-présidé par le Ghana et les États-Unis, a été lancé afin de chercher à fournir des moyens de faciliter et de renforcer la coopération sur la réalisation des promesses faites à Glasgow.

Méthane

6 Lors de la COP26, plus de 100 pays ont rejoint le « Global Methane Pledge (GMP) », un effort collectif visant à réduire les émissions de méthane de 30 % par rapport aux niveaux de 2020 d’ici 2030. Les réglementations nationales pertinentes ont emboîté le pas : les États-Unis et l’Union européenne ont proposé leur propre législation sur le méthane.

7 Lors de la COP27, 50 autres pays ont rejoint l’engagement. Actuellement, 95 % des pays ont inclus le méthane dans leurs Contributions déterminées au niveau national (CDN) et 50 États ont présenté leurs plans nationaux sur le méthane lors de la COP27. Cependant, des pays à grande émission de méthane tels que la Chine, la Russie et l’Inde ne se sont pas inscrits. Les États-Unis et l’Union européenne ont convoqué une réunion ministérielle sur le méthane lors de la COP27. En 2022, trois voies de politiques et d’initiatives visant à réduire le méthane dans les principaux secteurs émetteurs ont été lancées : la voie GMP pour l’énergie, la voie GMP pour l’alimentation et l’agriculture et la voie GMP pour les déchets.

8 À la COP27 également, le PNUE a lancé son Évaluation mondiale du méthane 2030 : Rapport de référence, commandé par les partenaires GMP, pour déterminer les scénarios d’émissions de référence afin d’établir une estimation harmonisée des émissions de méthane jusqu’en 2030. La surveillance de l’Organisation météorologique mondiale montre que le volume de méthane dans l’atmosphère a augmenté à un rythme record en 2022.

Financement des combustibles fossiles

9 Lors de la COP26, un accord entre 39 pays et institutions financières a été conclu pour mettre fin au financement public international direct des énergies fossiles, ainsi que pour donner pleinement la priorité aux financements publics pour la transition vers une énergie propre. Le texte reconnaît qu’investir dans des projets d’énergie fossile sans relâche comporte de plus en plus de risques sociaux et économiques, en particulier sous la forme d’actifs bloqués, et a des impacts négatifs sur les recettes publiques, l’emploi local et la santé publique.

Charbon

10 La Déclaration mondiale sur la transition du charbon vers une énergie propre est une coalition visant à éliminer progressivement le charbon d’ici les années 2030 pour les pays développés et 2040 pour les pays en développement. L’accord a été signé à Glasgow avec les absences notables des principaux producteurs et consommateurs, tels que la Chine, l’Australie, l’Inde, le Japon et les États-Unis.

11 Lors de la COP27, les discussions sur le charbon ont été tendues en raison de problèmes géopolitiques et de la nécessité de remplacer le gaz russe, mais il a été expressément reconnu que la guerre en Ukraine n’est pas une excuse pour arrêter la décarbonisation. L’Allemagne, par exemple, a redémarré des centrales électriques au charbon alors que l’approvisionnement en gaz de la Russie diminue, mais, d’un autre côté, l’augmentation des investissements dans les énergies renouvelables est également considérée comme une avancée pertinente vers la sécurité énergétique.

Véhicules zéro émission

12 La Déclaration COP26 sur les véhicules à émission zéro (« Déclaration ZEV ») sur l’accélération de la transition vers des voitures et des camionnettes 100 % zéro émission a été signée par les gouvernements nationaux, les États, les régions, les villes, les constructeurs automobiles, les entreprises, les investisseurs et la société civile.

13 Lors de la COP27, la coalition « Accelerating to Zero (A2Z) » a été annoncée lors de la Journée des solutions et rejointe par plus de 200 organisations des gouvernements, de l’industrie et de la société civile, afin de s’engager à éliminer les ventes de voitures et de camionnettes thermiques d’ici 2040, et d’ici 2035 sur les principaux marchés.

Finance

14 Une autre initiative sectorielle importante lancée à la COP26 n’impliquait pas les États, mais le secteur financier : la plus grande coalition mondiale de financement du climat, la Glasgow Financial Alliance for Net Zero (GFANZ), avec environ 150 milliards de dollars d’actifs sous gestion.

15 Immédiatement avant la COP27, le langage de l’alliance sur l’engagement d’exclure les projets de charbon a été pourtant adouci, et l’adhésion au programme « Race to Zero » a été supprimée comme condition de participation. La GFANZ a depuis annoncé l’affectation de ressources au Just Energy Transition Partnership (JETP) du Vietnam, abordé ci-dessous.

Autres accords plurilatéraux et bilatéraux

16 Au-delà des accords sectoriels plus englobants décrits ci-dessus, qui sont généralement ouverts à l’adhésion de toutes les parties concernées, il y a eu une vague d’accords plurilatéraux et bilatéraux lors de la COP27, visant à conjuguer les efforts de certains acteurs vers des initiatives spécifiques liées au climat.

17 Trois initiatives du Partenariat pour une transition énergétique juste (JETP), concernant l’Afrique du Sud, l’Indonésie et le Vietnam ont été lancées depuis la COP27, afin d’aider les pays à intensifier leurs efforts en matière d’énergies renouvelables et à accélérer la réduction progressive des combustibles fossiles, tout en investissant dans des emplois et des industries alignées sur la transition.

18 Les tout premiers accords sur les résultats d’atténuation transférables au niveau international (ITMO) au titre de l’article 6.2 de l’Accord de Paris ont été signés lors de la COP27, entre la Suisse et le Ghana et la Suisse et le Vanuatu. Le projet du Ghana consiste à former des riziculteurs couvrant près de 80 % de la production du pays aux pratiques agricoles durables. Au Vanuatu, le projet vise à permettre l’accès à une électricité fiable et abordable à partir de sources renouvelables.

19 Finalement, le financement et la mise en œuvre étaient au cœur des discussions de la COP27. Juste après la Conférence, lors du Sommet du G20 à Bali, le Brésil, la République démocratique du Congo et l’Indonésie ont annoncé une alliance sud-sud pour le leadership des forêts tropicales – surnommée par certains « l’OPEP des forêts » – pour négocier un nouveau mécanisme de financement multilatéral dans le cadre de la Convention sur la diversité biologique.

Conclusion

20 Les accords sectoriels adoptés à la COP26 et approfondis à la COP27 constituent une avancée dans l’architecture institutionnelle du régime international du changement climatique. L’urgence à faire face à la crise climatique, la lenteur inhérente aux processus diplomatiques et la nécessité de mobiliser rapidement des financements justifient leur utilisation, qui doit cependant être faite judicieusement, afin de renforcer – et non d’épuiser – le processus de négociation officiel dans le cadre de la CCNUCC.


Date de mise en ligne : 27/06/2023

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