1 Contentieux climatique, recours climatique, justice climatique… Voilà des expressions nouvelles dans notre langage juridique. Ces expressions désignent une nouvelle modalité d’action des acteurs contre le réchauffement climatique. Les États ont, au cours des trois dernières décennies, à la suite de la Conférence de Rio, défini des normes dans l’objectif de modérer, sinon réduire les transformations climatiques qui affectent l’ensemble des aspects de la vie sur notre planète. La définition de ces normes ne s’est pas immédiatement traduite par un changement de comportement tant de la part des États que des citoyens. Si la norme est définie, les acteurs éprouvent des difficultés nombreuses à s’y conformer.
2 Or, une partie de la société civile s’est emparée de la cause climatique [1], d’une manière nouvelle et parfois radicale. On constate des mobilisations multiples contre l’inertie des États face au changement à l’œuvre et son caractère irréversible, comme le montre la disparition rapide de très nombreuses espèces animales et végétales. Le climat est devenu, en raison de son dérèglement, un enjeu multiforme : la question politique, économique et sociale s’est progressivement muée en sujet médiatique mais également juridique. Les litiges climatiques ont progressivement fleuri et nombre d’États se trouvent assignés devant leur juridiction. L’objectif des recours climatiques semble dual : lutter contre les inégalités engendrées par le changement climatique mais également faire prendre conscience aux États, et au-delà, à l’ensemble des acteurs, de l’urgence climatique et de la nécessité d’agir.
3 Les mobilisations climatiques étaient, à l’origine, l’apanage des associations écologistes, face à l’inertie des pouvoirs publics. Ces acteurs ont modifié leurs modalités d’action et la revendication sociale et politique est devenue une action contentieuse. Cette modalité d’action a pu, progressivement, prospérer devant les juridictions grâce à la définition de normes climatiques. L’affaire Urgenda est la première décision d’importance rendue en Europe en matière climatique. Cette décision a, dès la première instance, contraint l’État néerlandais à adopter une législation plus restrictive en matière de changement climatique, notamment par des émissions de gaz à effet de serre inférieures de 25 % à celles de 1990. In fine, la Cour de cassation des Pays-Bas a considéré que l’État devait réduire ses émissions de CO2 afin d’atteindre un niveau cohérent avec l’Accord de Paris. Les juges néerlandais mettent en exergue un devoir nouveau pour l’État : duty of care. Cette obligation s’inscrit dans le droit climatique en tant que contrainte juridique pesant sur l’État tant vis-à-vis des citoyens que de la planète, il n’est pas impossible que ce concept juridique se retrouve à l’avenir au sein d’autres systèmes nationaux.
4 La France n’a pas échappé aux recours climatiques comme le montre la très médiatique action « l’Affaire du Siècle » visant à contraindre l’État à modifier tant son droit que son comportement [2]. Ce recours de pleine juridiction a permis de reconnaître la responsabilité de l’État dans l’origine du préjudice climatique lié au réchauffement. Le Conseil d’État s’est prononcé sur un recours pour excès de pouvoir formé par la commune de Grande-Synthe [3], il a « enjoint au Premier ministre de prendre toutes mesures utiles permettant d’infléchir la courbe des émissions de gaz à effet de serre produites sur le territoire national ». Cette ouverture des prétoires à la question climatique et le rôle actif des juridictions ne vont pas sans susciter d’interrogations.
5 Le dossier tente de recenser les enjeux et les questions liés à l’émergence de contentieux climatiques en France. Il est le fruit d’une recherche collective du CREAM s’inscrivant dans le programme MUSE « Nourrir, soigner et protéger dans une société du risque : un défi pour le droit » qui mobilise l’Université de Montpellier.
Date de mise en ligne : 19/12/2022