Notes
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[1]
Ces nombres sont précisés, à l’aide notamment d’une carte interactive, sur le site officiel du Centre du patrimoine mondial (https://whc.unesco.org). L’on y trouve aussi des statistiques et des archives de grand intérêt : état des contributions par État partie, nombre total de biens inscrits chaque année, répartition des biens par région, distribution selon les thèmes de classement ou la superficie, etc. Par exemple, 27 États parties n’ont pas de bien inscrit sur la Liste (Bahamas, Bhoutan, Comores, Grenade, Libéria, Maldives, Samoa, Tonga…). Les données du présent écrit, pour l’essentiel, sont issues de ce remarquable site web.
« Si tel assemblage d’arbres, de montagnes, d’eaux et de maisons, que nous appelons un paysage, est beau, ce n’est pas par lui-même, mais par moi, par ma grâce propre, par l’idée ou le sentiment que j’y attache. »
2 Reprise pour mieux situer. « Par la loi s’institue une écopoièse, sorte de métaphysique des espaces situés dans le temps variable selon les cultures.
3 Elle puise ses racines au-delà de la pensée raisonnante, dans les brumes de la poussière du réel, non pétrifiée, vivante. Et elle intègre une dimension temporelle accueillante, une durée faite à la fois de temps court et de temps long, accidenté ou continu. Bien comprise, correctement appliquée, elle vise à introduire dans du chaos ou de l’incohérence, une logique de bon sens, unifiant ce qui est contradictoire. Elle porte en elle une dynamique d’équilibre, au-delà de sa nature qui, à première vue, semble incantatoire. Bref, elle met de l’ordre pour viser juste. » (cf. notre chronique d’ouverture dans cette revue, n° 3, 2022, p. 430).
4 Philosophie première du patrimoine environnemental. Si la Grèce antique pose les idées fondatrices de la perception du réel, fleurs écloses au parfum battu par les vents des esprits libres, y inscrivant les critères du vrai et du juste (Démocrite, Platon, Aristote, Épicure…), il est ultra-singulier que la Cour internationale de justice doive affirmer que « l’environnement n’est pas une abstraction, mais bien l’espace où vivent les êtres humains et dont dépendent la qualité de leur vie et leur santé, y compris pour les générations à venir » (CIJ, avis consultatif, 8 juillet 1996, Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, Rec. CIJ 1996, § 29). Là, les dieux grecs sont invisibles.
5 Si la science s’inspire de la nature, la rencontre de l’environnement et du patrimoine, sur les terres fertiles du droit, est inévitable, et intelligible. Comme l’héliotrope se tourne vers le soleil… L’on sait d’où ils viennent et où ils vont : « Considérant que la dégradation ou la disparition d’un bien du patrimoine culturel et naturel constitue un appauvrissement néfaste du patrimoine de tous les peuples du monde » (point 2 du préambule de la Convention UNESCO 1972). Le mot lui-même est en majesté, clair dans toutes les mémoires, et il parle vrai et juste.
« Ma mémoire est un panorama ; là, viennent se peindre sur la même toile les sites et les cieux les plus divers avec leur soleil brûlant ou leur horizon brumeux. »
7 Proche des choses communes issues de la qualification du droit romain, tel l’eau ou l’air, biens communs (voir le numéro spécial RJE 2022), dans le prolongement du trust du droit anglo-saxon, la patrimonialisation de l’environnement prend forme en un « statut juridique pour le milieu », sorte de « transpropriation » (F. Ost, La nature hors la loi. L’écologie à l’épreuve du droit, La Découverte, 1995, p. 306-337). Par ce langage universel apte à forger une pensée écologique s’ouvrent des possibilités immenses : représenter l’intérêt de tous, transmettre par-delà les générations, acclimater la norme au réel, répartir les droits et les devoirs avec clarté, transcender les incertitudes du temps et les aléas, situer mieux dans l’espace, rendre visible ce qui l’est peu. En sa forme naissante et étrangère aux temps passés, ce langage avance dans le monde du droit sa conception éthique et équitable (E. Brown Weiss, « Our Rights and Obligations to Future Generations for the Environment », American Journal of International Law 1990, p. 198-207).
« L’architecte bâtit, pour ainsi dire, les idées du poète, et les fait toucher aux sens. (…) Le passé et le présent sont deux statues incomplètes : l’une a été retirée toute mutilée du débris des âges ; l’autre n’a pas encore reçu sa perfection de l’avenir.
Mais peut-être, mes vieux amis, vous surtout, habitants du désert, êtes-vous étonnés que, dans ce récit de mes voyages, je ne vous aie pas une seule fois entretenus des monuments de la nature ? »
9 De la Convention du 16 novembre 1972 telle qu’en elle-même. L’essor du droit international de l’environnement est fulgurant. Il ouvre une voie nouvelle (utopique ?), celle d’un système normatif à visée universelle, fondé sur l’équité, en quête de la défense des éléments constitutifs de la biosphère (P.-M. Dupuy, « Où en est le droit international de l’environnement à la fin du siècle ? », RGDIP 1997, n° 4, p. 873-903). Et il fait à neuf pacte de coopération (A. Kiss, « Les traités-cadres : une technique juridique caractéristique du droit international de l’environnement », AFDI 1993, p. 792-797 : « Les nouveaux domaines qui apparaissent en droit international sont souvent porteurs de nouvelles techniques juridiques. », p. 792 ; et voir la décisive sentence arbitrale du 11 mars 1941 dans l’affaire Fonderie de Trail, Rec. sent. arb. III, p. 1907). S’engage un processus d’autolimitation de la souveraineté des États au nom de la solidarité et d’une certaine idée de l’humanité (F. Terré, « L’humanité, un patrimoine sans personne », in Droit et politique à la croisée des cultures, Mélanges Philippe Ardant, LGDJ, 1999, p. 339-352 ; voir aussi A.-C. Kiss, La notion de patrimoine commun de l’humanité, M. Nijhoff, 1983, Vol. 175 de l’Académie de droit international, Recueil des cours ; et Les hommes et l’environnement. Quels droits pour le XXIe siècle ?, Études en hommage à Alexandre Kiss, Paris, Éditions Frison-Roche, 1998).
10 Fondée sur l’entremêlement historique des conceptions culturelles et naturelles (É. Naim-Gesbert, Les dimensions scientifiques du droit de l’environnement. Contribution à l’étude des rapports de la science et du droit, Bruylant & Vrije Universiteit Brussel Press, 1999), et dérivée de la notion de patrimoine commun de l’humanité formalisée en droit international, lors de la dix-septième session de la Conférence générale de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (Paris, 17 octobre-21 novembre 1972), naît la Convention de Paris du 16 novembre 1972 concernant la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel (UNESCO).
11 Tout se condense ici : « L’homme est à la fois créature et créateur de son environnement, qui assure sa subsistance physique et lui offre la possibilité d’un développement intellectuel, moral, social et spirituel. (…) Les deux éléments de son environnement, l’élément naturel et celui qu’il a lui-même créé, sont indispensables à son bien-être et à la pleine jouissance de ses droits fondamentaux, y compris le droit à la vie même » (Déclaration sur l’environnement, Stockholm, 5-16 juin 1972, préambule, point 1). Aussi l’emblème du patrimoine mondial, adopté en 1978, représente-t-il aujourd’hui « l’interdépendance de la diversité biologique et culturelle dans le monde ».
12 La Convention de 1972 consacre la belle notion de patrimoine universel (point 4 du préambule) afin de préserver des biens caractérisés par leur « valeur universelle exceptionnelle » (point 7 du préambule), dans une durée longue (cf. la notion de « générations futures », article 4). Sont ainsi considérés, selon les articles 1er et 2, des monuments (architecture, sculpture, peinture, archéologie, inscription, grotte), ensembles (intégrés dans le paysage surtout), sites (œuvres de l’homme avec ou sans le concours de la nature), monuments naturels (formations physiques et biologiques), formations géologiques et physiographiques, sites naturels. En vertu de l’article 7, la méthode repose sur un « système de coopération et d’assistance internationales visant à seconder les États parties à la convention dans les efforts qu’ils déploient pour préserver et identifier ce patrimoine ». La coopération internationale implique 194 États parties (au 23 octobre 2020, dernier recensement à jour). Précisons que, dans le respect de la pleine souveraineté étatique, l’inscription d’un bien ne peut se faire sans le consentement de l’État intéressé (article 11.3), qui s’efforce d’assurer d’abord une protection interne (articles 4 et 5), et peut proposer seul le bien à inscrire (article 6).
13 L’idée générale, si stable durant ce demi-siècle – ce qui est remarquable si l’on considère la frénésie normative déployée depuis tout azimut – consiste à préserver des sites « en tant qu’élément du patrimoine mondial de l’humanité tout entière » (point 6 du préambule). Doté d’un « système efficace » fondé sur la permanence « selon des méthodes scientifiques et modernes » (point 8 du préambule), celui-ci est soutenu par le Fonds du patrimoine mondial (établi en 1977, de l’ordre de 5,9 millions de dollars pour 2022-2023), qui est constitué par des fonds de dépôt et abondé notamment par les contributions obligatoires ou volontaires des États parties, de versements en dons ou legs, d’intérêts, de produits de collecte, de recettes de manifestations (article 15) ; de plus, et c’est essentiel, une assistance internationale est ouverte (articles 19 à 26), comme des programmes éducatifs (articles 27 et 28).
14 Un patrimoine dans le succès. Ce statut juridique a connu belle fortune : 1 154 biens sont inscrits sur la Liste mondiale, dont une majorité à la dimension culturelle marquée (897), 39 mixtes et 218 naturels [1]. Par ailleurs, 43 sites sont transfrontaliers ou transnationaux… des exemples ? 17 biens répartis sur 7 États comme témoignages de la rupture architecturale amorcée par Le Corbusier (2016) ; ou les forêts primaires et anciennes de hêtres des Carpates et d’autres régions d’Europe comprenant 94 éléments constitutifs répartis sur 18 États (2007). Sous le ciel étoilé, la mesure du patrimoine mondial gagne en intelligibilité.
15 La force du système tient dans sa faculté évolutive qui permet l’adaptation aux exigences patrimoniales de notre temps. C’est la raison pour laquelle existe une Liste du patrimoine mondial en péril, à savoir les biens « qui sont menacés de dangers graves et précis » (article 11.4). Laquelle contient 52 sites, entre autres : la zone archéologique de Chan Chan, plus puissante ville précolombienne (Pérou, 1986), le paysage culturel et les vestiges archéologiques de la vallée de Bamiyan caractéristiques de l’ancienne Bactriane (Afghanistan, 2003), le parc national des Everglades, merveille du sud de la Floride (États-Unis d’Amérique, 2010), les forêts humides de l’Atsinanana préservées par 6 parcs nationaux à la biodiversité exceptionnelle (Madagascar, 2010), la réserve de la biosphère Río Plátano préservant une partie de la forêt tropicale humide d’Amérique centrale (Honduras, 2011), le patrimoine des forêts tropicales ombrophiles de Sumatra comprenant 3 parcs nationaux (2011), le centre historique de Vienne, haut lieu de culture médiévale, baroque et du XIXe (2017), les parcs nationaux du lac Turkana pour leur remarquable biodiversité et la mémoire des paléo-environnements africains (Kenya, 2018), les îles et aires protégées du Golfe de Californie, en particulier pour son écologie marine (Mexique, 2019). En péril ? Les causes sont multiples et envisagées largement par la Convention : dégradation forte et rapide, projet de grands travaux, urbanisation, fréquentation touristique, modification foncière, abandon, guerre, risques naturels (volcanisme, glissement de terrain, séisme, montée des eaux…). Lors de sa 43ème session à Bakou en 2019, le Comité du patrimoine mondial insiste sur l’esprit qui prévaut, faire en sorte, par la force de la coopération internationale, que ces biens en péril bénéficient de « mesures correctives » afin que leur préservation soit remise à flot. S’ensuivent en principe des mesures en urgence, tel le cas du projet d’extension d’un complexe industriel dans la baie d’El Vizcaíno, lieu de reproduction de la baleine grise (1999).
16 Aussi, et de manière générale, existe-t-il un « suivi réactif du patrimoine mondial », dont l’efficacité doit être renforcée (D. Sheppard et G. Wijesuriya, Rapport final, 31 août 2019, 164 pages).
17 En pure logique, certains biens qui ne répondent plus aux critères originels d’inscription sont retirés. Ils sont dénommés « biens délistés » dans la terminologie du système conventionnel ; à ce jour, trois ont subi cette infamie. Le sanctuaire de l’oryx arabe (Oman 1994), retiré en 2007 pour cause de réduction unilatérale de l’aire protégée. La vallée de l’Elbe à Dresde (Allemagne 2004), dont le retrait en 2009 est dû à la construction d’un pont routier altérant profondément le paysage culturel ancien, motif principal de son inscription. Le port marchand de Liverpool inscrit en 2004 pour son rôle décisif dans la géopolitique mondiale des XVIIIe et XIXe siècles, et retiré en 2021 à cause d’une densification excessive (édification d’immeubles de grande hauteur et implantation d’un stade de football).
18 Il est à craindre que, parfois, l’irréversibilité des dégradations soit irrésistible, telle l’île grecque de Délos dans l’archipel des Cyclades, inscrite en 1990 – et non encore déclarée officiellement en péril – inexorablement submergée par la montée des eaux due au dérèglement climatique, engloutissant ce trésor mythologique (naissance d’Apollon et d’Artémis !) et archéologique, l’effaçant à tout jamais de la clarté du soleil et de la lune. Ô déesse et dieu grecs !
19 Le sacré s’est déplacé… écopoièse, un ailleurs de notre temps.
20 Définir l’intérêt exceptionnel pour l’humanité. Les critères d’inscription ont évolué, et sont désormais synthétisés en dix critères communs au patrimoine culturel et naturel. Ils sont énumérés dans le document intitulé Orientations devant guider la mise en œuvre de la Convention du patrimoine mondial, qui est modifié régulièrement pour « intégrer de nouveaux concepts, connaissances ou expériences ». La dernière version date du 31 juillet 2021 (WHC.21/01). Ce long document (198 pages) est essentiel à la compréhension de la vie même du système conventionnel. Réitérant en son point I.B 4 la qualification du patrimoine culturel et naturel comme « biens inestimables et irremplaçables » – le mot site serait plus approprié, cela dit – il met l’accent sur l’intégration du concept de développement durable en son cœur (point I.B 6). En résumé : être un chef-d’œuvre du génie humain (i), être le témoin culturel « d’un échange d’influences » (architecture, ville, paysage) ou illustrant une période significative de l’histoire humaine (ii et iv), représenter exceptionnellement une tradition ou une civilisation vivante ou morte (iii), « être un exemple éminent d’établissement humain traditionnel » marquant en particulier l’interaction humaine avec son environnement, spécialement quand celui-ci est devenu vulnérable sous l’impact d’une mutation irréversible (v), culturellement être associé à une « signification universelle exceptionnelle » (vi, à utiliser avec d’autres critères), « représenter des phénomènes naturels » esthétiquement exceptionnels (vii), ou les « grands stades de l’histoire de la terre » (viii), ou encore de manière éminente des processus écologiques et biologiques ou écosystémiques (iv), enfin conserver in situ des habitats naturels les plus représentatifs (x).
21 Ces critères peuvent se cumuler, à l’évidence. Pêle-mêle ainsi des merveilles de Memphis, sa nécropole et les zones des pyramides de Gizeh à Dahchour (Égypte, 1979, i, iii, vi) ; de la grande barrière corallienne (Australie, 1981, vii, viii, ix et x) ; de la grande muraille de Chine (1987, i, ii, iii, iv et vi) ; des aires protégées de la région florale du Cap (Afrique du Sud, 2004, ix et x) ; du parc national de Los Alerces situé au nord de la Patagonie (Argentine, 2017, vii et x) ; encore du site archéologique d’Atapuerca (près de Burgos en Espagne), témoignage exceptionnel de la vie d’Homo antecessor, il y a environ un million d’années – espèce proche d’Homo ergaster, a priori premiers européens à fouler ce continent (2000, iii et v) ; et ainsi de suite.
22 Et la France ? Elle compte 49 biens inscrits, dont la basilique et la colline éternelle de Vézelay (1979, i et vi), la merveille du Mont-Saint-Michel et sa baie (1979, i, iii et vi), le palais et le parc de Versailles (1979, i, ii, vi), Arles et ses monuments romains et romans (1981, ii et iv), le splendide golfe de Porto : calanche de Piana, golfe de Girolata, réserve de Scandola (1983, vii, viii et x), le chef-d’œuvre du Pont du Gard (1985, i, iii et iv), le méandre parisien des rives de la Seine (1991, i, ii et iv), l’étonnante œuvre de génie civil qu’est le canal du Midi (1996, i, ii, iv et vi), l’exceptionnel Mont Perdu dans les Pyrénées en partage avec l’Espagne (1997, iii, iv, v, vii et viii), la cité médiévale de Carcassonne (1997, ii et iv), la juridiction monoculturale de Saint-Émilion (1999, iii et iv – suivront les coteaux de la Champagne, ses maisons et ses caves 2015, iii, iv et vi, ainsi que le climat du vignoble de Bourgogne, 2015, iii et v), la grotte ornée du Pont-d’Arc (2014, i et iii), etc. Cessons-là cet inventaire rabelaisien, la diversité est reine.
23 Et l’outre-mer français ? La question se pose avec force car, malgré une biodiversité exceptionnelle et des cultures riches, ces espaces furent longtemps laissés dans un silence normatif (cf. notre chronique d’ouverture « Où est le droit de l’environnement outre-mer ? », cette revue 2018, n° 1, p. 5-8 ; ainsi que les deux entrées « Environnement » et « Patrimoine mondial » in Dictionnaire juridique des Outre-mer, G. Giraudeau et M. Maisonneuve (dir.), LexisNexis, 2021, respectivement p. 207-210 et p. 414-416). Fondé sur un légitime pluralisme juridique, ce droit met en lumière la dimension territorialement très adaptative de la norme environnementale outre-mer – arrimé à un édifice baroque tenant compte des statuts constitutionnels différenciés et des particularismes locaux (É. Naim-Gesbert, « Théorie pour une norme environnementale acclimatée à l’outre-mer », in Itinéraires du droit et terres des hommes, Mélanges J.-M. Breton, Mare et Martin, 2017, p. 761-768). L’environnement outre-mer, dont « l’importance première » est désormais réaffirmée dans le Code de l’environnement (article L. 110-5, alinéa 1er), suit aujourd’hui le tropisme de la patrimonialisation. Depuis peu, des biens sont enfin inscrits – quatre pour dire tout, et en grande partie de dimension naturelle : Lagons de Nouvelle-Calédonie, diversité récifale et écosystèmes associés (2008, vii, ix et x) ; Pitons, cirques et remparts de l’île de La Réunion (2010, vii et x) ; Terres et mers australes françaises (2019, vii, ix et x). Un bien culturel est inscrit : Taputapuātea (2017, iii, iv et vi), situé sur l’île de Ra’iātea en Polynésie française au cœur d’un lagon et de vallées boisées où a été façonné un site millénaire de la culture mā’ohi, le marae. C’est un espace sacré, politique et funéraire qui est préservé par une loi polynésienne de 1952, classé au titre des monuments historiques, et qui fait l’objet d’un plan de gestion afin de conserver sa dimension mémorielle.
24 Tout commencement s’étend. Cette très belle Convention a su s’adapter, et son langage est d’une grande acuité. En ce sens, la Déclaration de Budapest sur le patrimoine mondial (Décision CONF 202 9, 28 juin 2002) précise que celle-ci « s’est avérée être un instrument unique de coopération internationale pour la protection du patrimoine culturel et naturel de valeur universelle exceptionnelle » (point 2). De ce caractère universel découle « la nécessité de veiller à ce qu’elle s’applique au patrimoine dans toute sa diversité, en tant qu’instrument de développement durable de toutes les sociétés, par le dialogue et la compréhension mutuelle » (article 1er). Perçu comme une richesse à transmettre aux générations futures (« dont elles constituent l’héritage légitime », article 2), ce patrimoine doit être appréhendé de manière « à maintenir un juste équilibre entre la conservation, la durabilité et le développement » (article 3 c) ; en outre, toute altération « constitue une atteinte à l’esprit humain et à l’héritage commun de l’humanité » (article 3 d) ; d’où l’énumération d’un agenda décliné en quatre C (article 4) : Crédibiliser la Liste du patrimoine, assurer une Conservation efficace des biens, développer des Capacités pour une meilleure compréhension et mise en œuvre, Communiquer pour sensibiliser le public. Le cinquième C de la méthode dite « objectifs stratégiques » fut ajouté en 2007 sur proposition de la Nouvelle-Zélande, et porte sur le rôle essentiel des Communautés (Décision 31 COM 13B).
« Je sais bien que l’imagination humaine peut, par un effort singulier, concevoir un instant la nature sans l’homme, et toute la masse suggestive éparpillée dans l’espace, sans un contemplateur pour en extraire la comparaison, la métaphore et l’allégorie. Il est certain que tout cet ordre et toute cette harmonie n’en gardent pas moins la qualité inspiratrice qui y est providentiellement déposée ; mais, dans ce cas, faute d’une intelligence qu’elle pût inspirer, cette qualité serait comme si elle n’était pas. »
26 Ce patrimoine, qui s’ouvre donc aux vents du monde en une écopoièse, montre l’intérêt exceptionnel de l’humain qui fait la part juste du « sophisme de l’éphémère » : « C’est celui d’un être passager qui croit à l’immutabilité des choses. », Diderot, Le rêve de d’Alembert, 1769.
27 Oui : « Sic volvenda aetas commutat tempora rerum. », Lucrèce, De rerum natura, V, 1276.
Date de mise en ligne : 19/12/2022
Notes
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Ces nombres sont précisés, à l’aide notamment d’une carte interactive, sur le site officiel du Centre du patrimoine mondial (https://whc.unesco.org). L’on y trouve aussi des statistiques et des archives de grand intérêt : état des contributions par État partie, nombre total de biens inscrits chaque année, répartition des biens par région, distribution selon les thèmes de classement ou la superficie, etc. Par exemple, 27 États parties n’ont pas de bien inscrit sur la Liste (Bahamas, Bhoutan, Comores, Grenade, Libéria, Maldives, Samoa, Tonga…). Les données du présent écrit, pour l’essentiel, sont issues de ce remarquable site web.