1 La guerre dite « hybride » de la Fédération de Russie contre l’Ukraine a commencé il y a 8 ans, avec l’annexion de la Crimée et l’occupation d’une partie du Donbass ukrainien. Cette guerre a été perçue dans le monde entier comme un conflit local suscité par un État voisin. La situation a radicalement changé le 24 février 2022, lorsque la Russie a lancé une invasion à grande échelle sur le territoire d’un État souverain, jetant la plupart de ses forces armées dans des villes ukrainiennes pacifiques. La guerre éclair a échoué en raison de l’opposition efficace des forces armées ukrainiennes et de l’unité du peuple ukrainien dans la défense de son pays.

2 Mais Poutine ne tolère jamais une défaite. Voulant couper toute aide à l’Ukraine, il a réussi, dès les premiers jours de l’invasion, à hypnotiser les États de l’OTAN en déclarant que tous ceux qui assisteraient activement l’Ukraine recevraient une réponse adéquate. Il faisait par-là planer la menace d’utiliser des armes nucléaires. La thèse « Pourquoi avons-nous besoin d’un monde sans Russie ? » [1] a été appliquée à nouveau. En confirmation de cela, le 27 février 2022, Poutine a ordonné au ministère de la Défense de la Fédération de Russie de mettre en alerte les forces de dissuasion russes [2]. Ceci bien que le 4 janvier 2022, les États dotés d’armes nucléaires (États-Unis, Russie, Chine, Grande Bretagne et France) aient adopté une déclaration commune affirmant que leurs armes nucléaires ne seraient pas dirigées l’un contre l’autre ni contre aucun autre État [3]. Cependant, le chantage nucléaire de Poutine a atteint ses buts.

3 NDLR : Exceptionnellement, cet éditorial n’est pas rédigé par les directeurs de la revue. Nous avons décidé de donner la parole à deux chercheurs Ukrainiens.

4 En même temps, les actes de véritable terrorisme nucléaire commis par la Fédération de Russie n’ont pas reçu de réponse mondiale appropriée. L’Ukraine possède 4 centrales nucléaires avec 15 unités de puissance. Le Renseignement militaire ukrainien a dévoilé l’intention de la Fédération de Russie de mettre en place 2 scénarios de terrorisme nucléaire : 1) mettre le feu à une forêt radioactive ; 2) procéder à des tirs d’artillerie sur des installations de stockage nucléaire [4]. Réalisant leur projet, le premier jour de la guerre, le 24 février 2022, les troupes russes ont pris la centrale nucléaire de Tchernobyl. À la suite de bombardements d’artillerie, des incendies se sont déclarés dans une zone de 10 kilomètres autour de la centrale nucléaire de Tchernobyl. Leur ampleur était plus de dix fois supérieure au maximum autorisé. Le personnel y a été maintenu par les militaires sans aucune rotation pendant 24 jours. Des obstacles ont de plus été créés pour gêner la réparation des lignes électriques endommagées et l’approvisionnement en carburant des générateurs électriques autonomes. À partir du 8 mars 2022, la transmission à distance des données des systèmes de contrôle du respect des garanties a été arrêtée [5]. Tchernobyl est ainsi entièrement passé sous le contrôle des troupes russes et s’est transformé en fait en une base militaire russe.

5 Le 4 mars 2022, la plus grande centrale nucléaire d’Europe, celle de Zaporizhzhya, avec ses 6 unités de puissance, a été attaquée [6]. À la suite des bombardements, plusieurs lignes électriques alimentant la centrale ont été endommagées ; et le côté du réservoir de Kakhovka près de la centrale a été miné. La connexion des employés du réacteur avec l’opérateur national ukrainien « Energoatom » a été bloquée par l’armée russe. Un éventuel accident nucléaire sur le territoire de cette centrale représente une menace dix fois supérieure à celle que le monde a subie en 1986.

6 À Kiev, l’installation de stockage de déchets nucléaires et, à Kharkiv, l’installation nucléaire Neutron Source sont constamment bombardées.

7 Par ses actions, la Russie viole de manière flagrante le droit international humanitaire et de l’environnement. Il s’agit notamment du Protocole additionnel I aux Conventions de Genève de 1949 (Par. 3 de l’article 35, articles 55, 56), de la Convention sur l’interdiction d’utiliser des techniques de modification de l’environnement à des fins militaires ou toutes autres fins hostiles, et des sept composantes intégrales de Sûreté nucléaire, présentées lors d’une réunion du Conseil des gouverneurs de l’AIEA [7]. La Russie ignore l’ordre de la Cour internationale de Justice de l’ONU de suspendre l’opération militaire [8] ainsi que la demande du Conseil de sécurité de l’ONU de permettre l’accès des responsables de l’AIEA [9] aux installations nucléaires de l’Ukraine. Pour arrêter le terrorisme nucléaire de la part de la Fédération de Russie, le 9 mars, le procureur général d’Ukraine a engagé une action pénale en vertu de l’article 441 « Écocide » du Code pénal de l’Ukraine [10], mais jusqu’à la fin de la guerre, traduire les accusés en justice ne sera guère possible. Une étape politique et juridique importante a été la déclaration commune des représentants des parlements de 13 États, y compris la France, qui affirme la nécessité de soutenir la défense militaire et civile de l’Ukraine, et de fournir une aide humanitaire ainsi que de protéger les installations qui menacent tous les États [11]. Ce sont principalement les centrales nucléaires. De plus, les auteurs de cet article ont lancé une demande aux scientifiques du monde entier d’appliquer à l’État agresseur les mécanismes de réaction prévus par la Convention sur l’interdiction d’utiliser des techniques de modification de l’environnement à des fins militaires ou toutes autres fins hostiles.

8 En résumé, nous remarquons que ce sont les installations nucléaires de l’Ukraine, et non la menace d’un « bouton nucléaire », qui sont aujourd’hui les véritables « armes nucléaires » de Poutine pour imposer ses conditions à l’Ukraine et au monde. Récemment, cela a été combiné avec des tentatives d’utilisation d’armes chimiques et biologiques. Et plus tôt cette prise de conscience aura atteint les dirigeants politiques des pays qui soutiennent l’Ukraine, meilleures seront les chances d’empêcher la Troisième Guerre mondiale.