Couverture de RJE_221

Article de revue

Notes bibliographiques

Pages 199 à 203

Notes

  • [1]
    JO, 11 février 2020.
  • [2]
    Citant É. Naim-Gesbert, « Propos conclusifs. Penser les limites de la planète ou les limites de la population », cet ouvrage, p. 247.
English version

Maxime BOUL et Rémi RADIGUET (sous la direction scientifique), Du droit des déchets au droit de l’économie circulaire. Regards sur la loi du 10 février 2020, Institut Francophone pour la Justice et la Démocratie, 2021, 252 pages

1 « Le déchet est une fatalité ». C’est à partir de ce constat que Maxime Boul et Rémi Radiguet s’attachent, tout le long de ce joli ouvrage, à montrer qu’il y a aujourd’hui un changement de paradigme marquant une transition du déchet vers l’économie circulaire, ce dernier concept, lui, ancré dans une philosophie de la transition et de la durabilité. Ce sont bien les évolutions du droit, depuis les premières prises en compte juridiques des déchets jusqu’au nouveau traitement induit par l’économie circulaire, que nous livrent les pages de cet ouvrage. Cette somme réunit ainsi une série de contributions montrant comment un passage s’est produit dans le droit, allant d’une conception de « ce qui est encombrant » et dénué de valeur à ce qui peut en soi fonder tout un système d’économie anti-gaspillage. L’ouvrage montre ainsi comment cette toute nouvelle dynamique, habitée par la circularité, la valorisation, le recyclage, la responsabilité élargie, nous mène vers un nouveau paradigme juridique et sociétal. C’est bien cette traversée à la fois juridique et presque philosophique que cet ouvrage réalise avec succès. C’est ainsi comment, reprenant les auteurs eux-mêmes, « le temps de la circularité remplace désormais le précédent en marquant une rupture profonde dans l’appréhension du déchet ».

2 C’est avec finesse et méthode, que les directeurs scientifiques de ce livre ont su organiser autour d’une quinzaine de contributions le parcours du déchet à l’économie circulaire, soulignant le déclin de l’un pour en exhorter l’essor de l’autre. Si d’autres ouvrages ont pu déjà traiter la question, celui-ci apporte une touche d’originalité et suggère un point de vue différent pour diverses raisons. D’abord, il montre bien l’abandon du droit des déchets et le changement de paradigme proposé par ce qui est appelé une « stratification » de textes depuis une trentaine d’années pour culminer dans la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et l’économie circulaire [1]. L’ouvrage traite également différentes thématiques émergentes autour de la question de l’économie circulaire, lesquelles, pour certaines, n’avaient pas forcement été mises en lien auparavant. L’ouvrage enrichit dès lors considérablement la réflexion sur cette problématique en invitant le lecteur à une promenade plus « holistique » qu’à l’accoutumée. Autant le droit privé que le droit public sont mis à contribution dans l’observation du sujet auquel cet ouvrage se consacre. Il s’agit là de l’un des intérêts majeurs de cette étude collective. Il en résulte ainsi pour le lecteur un enrichissement considérable, lui permettant d’avoir un regard « circulaire » sur la question. Également, cet ouvrage nous semble particulièrement intéressant parce que les auteurs n’hésitent pas à faire appel à des contributions qui sortent « des sentiers battus », concernant la question de l’économie circulaire, en y abordant le sujet de manière originale. Plusieurs exemples illustrent bien cet aspect de l’ouvrage. En effet, des questions comme le service public, la commande publique, la comptabilité et fiscalité, les consommateurs, sont ici traitées. Ce regard a pour corollaire la contribution conclusive d’Éric Naim-Gesbert, laquelle, sous une forme d’ouverture, propose d’une certaine manière une quadrature du cercle, en étayant de manière très suggestive des idées liant la question de l’économie circulaire, celle de la durabilité et les limites planétaires.

3 L’ouvrage s’organise autour de deux parties : des mots et des choses et les actions. La première – qui emprunte un clin d’œil à l’ouvrage de Foucault – répond à ce titre en développant une sorte « d’archéologie » du parcours du déchet. La deuxième, les actions, englobe en réalité deux sous-parties : l’une consacrée à l’action privée et l’autre à l’action publique.

4 La première fraction comprend ainsi quatre belles contributions. Dans un souci « d’économie » de mots, notre attention se portera principalement sur les belles pages de Jean-Baptiste Seube, consacrées au traitement du déchet par le droit civil : « cette chose précieuse ». Ce chapitre retrace bien toute la complexité de la notion-même du déchet et montre la difficulté que le droit civil a éprouvé à le considérer comme un bien tout en définissant des droits mais également des devoirs à la charge du titulaire. Ce regard « archéologique » porté sur la notion, ouvre la porte à une meilleure compréhension de la deuxième partie, elle, consacrée aux actions et aux acteurs. Cette portion, dédoublée en deux branches, balaye de manière innovante un ensemble de thématiques permettant de rendre compte de la nécessité d’allier le regard du privatiste à celui du publiciste en matière environnementale et, plus particulièrement à l’égard de la question ici traitée.

5 Un ouvrage utile et nécessaire, qui donne une vision assez vaste et complète d’un sujet devenu aujourd’hui essentiel. Il montre bien à quel point le changement de paradigme imposé par la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire est crucial et indispensable. Comme le rappelle Éric Naim-Gesbert dans ses propos conclusifs : cette loi doit être lue et comprise comme faisant partie d’un ensemble plus large (dont notamment la loi de 2016 sur la reconquête de la biodiversité et la loi 2015 sur la transition écologique). La loi du 10 février 2020, à laquelle cet ouvrage consacre la plupart des réflexions, devrait permettre, tout comme l’ensemble du droit de l’environnement, d’aboutir à l’objectif majeur du développement durable : « atteindre une empreinte écologique neutre dans le cadre du respect des limites planétaires » [2].

6 Marta TORRE-SCHAUB

7 Directrice de recherche au CNRS

Michel PRIEUR, Christophe BASTIN (avec la coll. de Mohamed Ali MEKOUAR), Mesurer l’effectivité du droit de l’environnement. Des indicateurs juridiques au service du développement durable, Peter Lang, coll. « Chaire Normandie pour la Paix », 2021, 265 pages

8 L’étude du droit de l’environnement démontre qu’il ne cesse de gagner en maturité. En parallèle, la doctrine suit le même chemin. Un exemple notable est l’apparition de nouvelles problématiques et méthodologies. Cet ouvrage dispose de ces deux caractéristiques. D’une part, il pose la question de la mesure de l’effectivité du droit par le biais d’indicateurs juridiques et non scientifiques, économiques ou sociaux. D’autre part et par conséquent, il met au point une méthodologie de cette mesure, les indicateurs juridiques identifiés devant être scientifiquement fondés.

9 La première partie fait le constat de l’exigence d’effectivité du droit de l’environnement. Mesurer l’effectivité consiste à étudier l’application du droit indépendamment de ses objectifs, au contraire de l’efficacité. La deuxième partie recense les indicateurs existants afin de mettre en évidence l’inexistence de vrais indicateurs juridiques. La troisième partie démontre que l’application effective du droit est nécessaire à l’accomplissement des 17 Objectifs de développement durable (ODD), lesquels s’enrichissent mutuellement avec le droit. La quatrième partie répond à la question « Pourquoi créer des indicateurs ? » en quatre temps. En premier lieu, un intérêt important est de répondre au « procès d’ineffectivité du droit de l’environnement » en prouvant que si les critères de l’effectivité sont remplis, le droit a le potentiel d’être effectif. En deuxième lieu, il s’agit d’éclairer la société civile de l’utilité et de l’impact qu’a le droit de l’environnement. L’effectivité prouve alors la capacité du droit à être effectif, et ce faisant, le légitime. En troisième lieu, la mesure de l’effectivité peut permettre d’éclairer les décideurs politiques en leur indiquant quels indicateurs peuvent être améliorés dans un secteur donné du droit de l’environnement. En quatrième et dernier lieu, la mesure de l’effectivité n’étant pas statique mais dynamique temporellement, elle permet d’observer les tendances du droit de l’environnement et d’en comprendre les progrès mais aussi les régressions. La cinquième partie traite de la conversion des critères d’effectivité du droit de l’environnement, identifiés par la thèse de Julien Bétaille, en indicateurs juridiques. Il a été possible d’identifier six familles de critères. Il s’agit de l’existence et de l’applicabilité des normes, de leur substance, de critères institutionnels, des contrôles de l’application des normes et enfin des critères extra-juridiques (par exemple conjoncturels ou sociaux) qui renforcent et conditionnent l’effectivité. À partir de ces indicateurs, un comité d’experts est chargé de déterminer un périmètre d’évaluation et de constituer un questionnaire. Enfin, la sixième partie expose une méthodologie interdisciplinaire qui consiste à traduire les données qualitatives issues des questionnaires en données quantitatives. Au sujet de cette nouvelle méthode originale, le professeur Michel Prieur a justement insisté, lors d’un colloque organisé à l’Université Paris-Saclay, sur le fait que les mathématiques ne sont qu’au service du droit et ne visent pas à le gouverner.

10 Gavin MARFAING

11 Doctorant contractuel à l’Université Toulouse I Capitole

12 Institut Maurice Hauriou (EA 4657)

Marta TORRE-SCHAUB (dir.), Les dynamiques du contentieux climatique : usages et mobilisations du droit, Collection de l’Institut des sciences juridique et philosophique de la Sorbonne, Paris, Éditions Mare & Martin, 2021, 461 pages

13 Cet ouvrage, composé d’un avant-propos de Loïc Cadiet, d’une préface de Michel Colombier et de Laurence Tubiana puis de 23 contributions, étudie en profondeur les dynamiques du relativement récent contentieux climatique. Un fil conducteur relie ces différentes contributions : la mobilisation contentieuse de la norme juridique pour lutter contre les effets du changement climatique est-elle opportune ? Cette forme de mobilisation de la norme est-elle efficace, quels effets produit-elle ? Quels progrès ont été réalisés depuis l’apparition de ce mouvement ? Pour y répondre, les dynamiques du contentieux climatique sont présentées dans leur diversité.

14 En premier lieu une diversité géographique, les contributions explorant tant le droit français que plusieurs droits étrangers. Il s’agit notamment de l’Amérique latine et de la jurisprudence de la Cour interaméricaine des droits de l’homme, de l’Espagne ou encore des États-Unis, où le contentieux climatique est particulièrement important. Un état des lieux des plus importants contentieux passés et de ceux en cours est dressé tout au long de l’ouvrage, attestant au demeurant de la vivacité d’un contentieux climatique devenu « globalisé ».

15 En second lieu une diversité de points de vue, l’articulation entre plusieurs ordres juridiques est particulièrement intégrée aux réflexions, en outre à travers le rôle des Conférences des Parties (COP) successives et de la question fondamentale de l’invocabilité du droit international du climat devant le juge national.

16 En troisième et dernier lieu, le contentieux climatique est étudié dans sa diversité juridique et en cela il est un miroir fidèle du droit de l’environnement dans son ensemble. Dans un souci d’amélioration de l’efficacité de la mobilisation de la norme, l’ensemble des outils juridiques disponibles sont utilisés. C’est cette combinaison qui, pensée et optimisée par la créativité et la connaissance du droit des juristes, peut permettre au contentieux climatique – comme au droit de l’environnement – de parvenir à réaliser les objectifs qu’il poursuit. Ainsi, l’on retrouvera certes plusieurs contributions portant sur le contentieux climatique administratif, mais également des études relatives aux rôles respectifs du droit de la responsabilité civile, du droit constitutionnel à travers la Charte de l’environnement et l’opportunité régulièrement débattue de sa révision, de l’incomplet droit à l’accès à la justice au sein de l’Union européenne, de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme sur le contentieux climatique ou encore d’audacieux recours climatiques à l’égard d’entreprises, soit le contentieux contre les Carbon Majors et, sur le fondement du devoir de vigilance, contre Total en France. Enfin, plusieurs réflexions relatives aux perspectives d’évolution du contentieux climatique sont présentées : refonte de l’architecture générale des fonds d’indemnisation pour financer la réparation des dommages issus du changement climatique, développement des contentieux liés aux outils de planification ou encore renforcement de la prise en compte des enjeux climatiques au sein de l’étude d’impact.

17 Gavin MARFAING

18 Doctorant contractuel à l’Université Toulouse I Capitole

19 Institut Maurice Hauriou (EA 4657)


Date de mise en ligne : 30/03/2022

Notes

  • [1]
    JO, 11 février 2020.
  • [2]
    Citant É. Naim-Gesbert, « Propos conclusifs. Penser les limites de la planète ou les limites de la population », cet ouvrage, p. 247.

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