Couverture de RJE_214

Article de revue

Eau

Pages 875 à 876

Manquement de l’Espagne aux obligations issues de la directive 2000/60/CE – Protection des eaux souterraines.

1CJUE (1ère chambre), 24 juin 2021, Commission européenne c. Royaume d’Espagne, C-559/19.

2La Cour de justice est saisie d’un recours en manquement introduit par la Commission européenne, à l’encontre du Royaume d’Espagne. En effet, la Commission reproche à l’Espagne d’avoir manqué à ses obligations issues notamment des articles 4, 5, et 11 de la directive n° 2000/60/CE (ci-après la « DCE »), en ayant négligé l’état des eaux souterraines situées dans l’espace naturel protégé de Doñana. Cet espace est classé en tant que site d’importance communautaire, au titre de la directive Habitats depuis 2006. Toutefois, en raison des pressions agricoles et touristiques qui s’y exercent, la Commission européenne a adressé une mise en demeure en 2014, et un avis motivé en 2016 dans lesquels elle a sommé l’Espagne de cesser les manquements constatés avant le 29 juin 2016.

3S’agissant tout d’abord de l’article 4 de la DCE, la Cour commence par préciser qu’en tant que directive, elle ne vise pas « une harmonisation totale de la réglementation des États membres dans le domaine de l’eau » (point 35). Toutefois, elle ajoute que pour atteindre l’objectif de bon état des eaux souterraines, l’article 4, paragraphe 1, sous b), de la DCE impose deux obligations distinctes aux États membres : une obligation de prévention de la dégradation de l’état des eaux souterraines (au point i), et une obligation d’amélioration de l’état de ces masses d’eau (aux points ii et iii). Or, bien qu’il ne s’agisse que d’une directive, la Cour estime qu’« il découle du libellé, de la systématique et de la finalité de l’article 4 de la directive 2000/60 que les obligations prévues […] pour les eaux de surface et pour les eaux souterraines ont un caractère contraignant » (point 42), de sorte que leur non-respect par un État membre serait constitutif d’un manquement. De plus, la Cour précise que « la notion de "détérioration", au sens de (l’obligation de prévention d’une détérioration), dans le contexte des eaux souterraines qui sont déjà dans un mauvais état quantitatif, suppose un accroissement supplémentaire du déficit déjà existant et donc une surexploitation accrue par rapport à une situation antérieure » (point 49). Ainsi, le fait que le plan de gestion révisé du bassin hydrographique du Guadalquivir (2015-2021) classe les masses d’eau souterraine du Doñana dans un état quantitatif inférieur au plan de gestion antérieur (2009-2015), ne suffit pas à démontrer l’existence d’une augmentation d’une surexploitation de ces eaux souterraines, constitutive d’un manquement à l’obligation de prévention de détérioration de l’état quantitatif des aquifères, prévue à l’article 4 de la DCE (point 61).

4S’agissant ensuite de l’article 5 de la DCE, la Cour de justice rappelle que cet article impose une analyse précise des caractéristiques de chaque district hydrographique présent sur le territoire des États, afin de classer ces derniers en fonction de leur bon ou mauvais état (point 87). Ainsi, la Cour relève que l’Espagne a manqué aux obligations qu’elle tire de l’article 5 de la DCE en ne prenant pas en compte dans son plan de gestion révisé du bassin hydrographique du Guadalquivir (2015-2021) les « pressions provenant des captages illégaux ainsi que des captages destinés (au tourisme) » (point 108).

5S’agissant enfin de l’article 11 de la DCE, la Cour relève que cet article impose que « les États membres établissent les programmes de mesures, élaborés pour chaque district hydrographique […] permettant de répondre aux pressions observées sur les masses d’eau concernées et de parvenir à un bon état des eaux » (point 126). Par ailleurs, la Cour ajoute que « par l’adoption des programmes de mesures […], les États membres doivent […] également assurer le respect de la législation européenne concernant les zones protégées en cause avant l’année 2015 » (point 132), et notamment les obligations issues de la directive Habitats. Ainsi, c’est par le truchement d’un renvoi implicite à la directive Habitats, que la Cour de justice va relever un manquement de l’Espagne à l’article 11 de la DCE, sur la base de l’existence d’un simple risque de perturbation significative pour les espèces protégées, en raison de la baisse du niveau des aquifères de Doñana (points 135 et 136), contrairement à la jurisprudence classique en matière de recours en manquement, selon laquelle la Commission doit prouver l’existence d’un manquement (point 46).


Date de mise en ligne : 28/01/2022

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