Couverture de RJE_214

Article de revue

Produits phytopharmaceutiques

Pages 837 à 867

Notes

  • [1]
    Ch. Mestre, « La saga du glyphosate. Retour à quelques pathologies du système de l’Union », Revue de droit rural 2018, n° 465, Étude 14.
  • [2]
    Ce qui sera à l’origine du développement par la SA Monsanto de plantes transgéniques « Roundup Ready » résistantes aux traitements par le Roundup, pour éviter ainsi à l’utilisateur de cibler les endroits et/ou plants à traiter. Voir également parmi les nombreuses références, M.-M. Robin, Le monde selon Monsanto - De la dioxine aux OGM, une multinationale qui vous veut du bien, La Découverte, 2009, 390 p., spéc. p. 80 et s. Dans ce prolongement, M.-M. Robin, Le Roundup face à ses juges, La Découverte, 2018.
  • [3]
    CE 7 mars 2012, CRIIGEN, n° 329249,
  • [4]
    Selon l’article 83 de ce texte, « [s]ont interdits à compter du 1er janvier 2022 la production, le stockage et la circulation de produits phytopharmaceutiques contenant des substances actives non approuvées pour des raisons liées à la protection de la santé humaine ou animale ou de l’environnement conformément au règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 précité, sous réserve du respect des règles de l’Organisation mondiale du commerce. »
  • [5]
    Voir H. Bosse-Platière et J.-B. Millard, « L’utilisation des produits phytopharmaceutiques après la loi EGALIM : l’agriculture autrement », Revue de droit rural 2019, n° 472, Dossier n° 25.
  • [6]
    Voir en ce sens, CE 5 octobre 2011, Union nationale de l’apiculture française, n° 346508 (à propos de l’AMM du produit phytopharmaceutique Cruiser 350 de la société Syngenta Agro SAS).
  • [7]
    Voir le commentaire de C. Hermon, « Le glyphosate face au principe de précaution », AJDA 2019, p. 1122.
  • [8]
    Énergie - Environnement - Infrastructures 2019, comm. n° 17, note E. Gaillard.
  • [9]
    Écouter Quand les pesticides tuent : le combat de Paul François contre Monsanto, Affaires sensibles, France Inter, 13 septembre 2018.
  • [10]
    Le pourvoi en cassation a été rejeté : Cass. civ., 1ère, 21 octobre 2020, n° 19-18.689, sera publiée au Bulletin ; Énergie - Environnement - Infrastructures 2021, comm. n° 15, note M. Bacache.
  • [11]
    CE 1er juin 1953, n° 98665, p. 254.
  • [12]
    Par exemple, CE 31 mars 1999, Société Malet et Société Grégory, n° 178397.
  • [13]
    Par exemple, CE 5 juillet 1972, SA de transit et de consignation, n° 80671, Rec. p. 519 ; CE 5 octobre 1977, Association de défense des Creillois de la rive gauche et Merlette, n° 01996, Rec. tables, p. 929.
  • [14]
    CE 10 mars 2020, Société Libb 2 et Tane, n° 430550.
  • [15]
    CE 19 juin 2013, n° 347346. Voir également CE 28 septembre 2020, Commune du Lavandou, n° 423087.
  • [16]
    CE 6 novembre 1936, Rec. p. 966. Voir également, CE, Ass., 5 mars 1999, Rouquette, Rec. p. 37, RFDA 1999, p. 357, concl. Ch. Maugüé ; AJDA 1999, p. 420, chron. P. Raynaud et P. Fombeur.
  • [17]
    Pour un rappel récent, voir CE, ord., 15 mars 2021, Association Terre d’abeilles et autres, n° 450194.
  • [18]
    Décision n° 2004-496 DC du 10 juin 2004, Loi pour la confiance dans l’économie numérique : « § 7. (…) La transposition en droit interne d’une directive communautaire résulte d’une exigence constitutionnelle à laquelle il ne pourrait être fait obstacle qu’en raison d’une disposition expresse contraire de la Constitution ; qu’en l’absence d’une telle disposition, il n’appartient qu’au juge communautaire, saisi le cas échéant à titre préjudiciel, de contrôler le respect par une directive communautaire tant des compétences définies par les traités que des droits fondamentaux garantis par l’article 6 du Traité sur l’Union européenne ».
  • [19]
    Voir D. Simon, « L’arrêt Sarran : dualisme incompressible ou monisme inversé, chronique », Europe, mars 1999, p. 4. Voir également, D. Alland, « Consécration d’un paradoxe : primauté du droit interne sur le droit international », RFDA 1998, p. 1094.
  • [20]
    Ainsi que l’explique Ch. Maugüé, « [s]ans doute l’arrêt Sarran reconnaît-il la suprématie de la Constitution sur les traités. Pour autant, rien n’indique que le Conseil d’État ait entendu se faire juge de la conformité d’un traité à la Constitution ou qu’il accepte à terme de se faire juge de la constitutionnalité des lois par voie d’exception. Non seulement l’arrêt Sarran ne dit mot de l’autorité à laquelle incombe ce contrôle, mais de plus le Conseil d’État n’y a pas procédé à la confrontation entre un traité et la Constitution. De fait, l’arrêt n’a pas fait prévaloir une disposition constitutionnelle sur une norme internationale au motif que celle-ci serait incompatible avec celle-là : il s’est borné à constater que dans le cas d’espèce, la Constitution formait un écran entre l’acte administratif et les traités internationaux invoqués. Comme ont pu le constater certains commentateurs, rares seront les cas où l’écran constitutionnel présentera une telle opacité, les actes administratifs n’entretenant normalement qu’un rapport beaucoup plus lointain avec la norme constitutionnelle », in « L’arrêt Sarran, entre apparence et réalité », Les cahiers du Conseil constitutionnel, n° 7, décembre 1999, La hiérarchie des normes.
  • [21]
    Voir CE 3 octobre 2016, Confédération paysanne et autres, n° 388649, Rec. p. 400, Énergie - Environnement - Infrastructures, 2017, comm. n° 3, concl. E. Cortot-Boucher, AJDA 2017, p. 288, note F. Tarlet et G. Léonard, RTD eur. 2017, p. 322, obs. D. Ritleng : lorsque le juge est saisi d’un moyen tiré de la méconnaissance d’une disposition ou d’un principe de valeur constitutionnelle, il doit rechercher s’il existe une règle ou un principe général du droit de l’Union européenne qui, eu égard à sa nature et à sa portée, tel qu’il est interprété en l’état actuel de la jurisprudence du juge de l’Union, garantit par son application l’effectivité du respect de la disposition ou du principe constitutionnel invoqué. Dans l’affirmative, il y a lieu pour le juge administratif, afin de s’assurer de la constitutionnalité du décret, de rechercher si la directive que ce décret transpose est conforme à cette règle ou à ce principe général du droit de l’Union. Il lui revient, en l’absence de difficulté sérieuse, d’écarter le moyen invoqué, ou, dans le cas contraire, de saisir la CJUE d’une question préjudicielle.
  • [22]
    CJUE, 18 mai 2021, Asociaţia « Forumul Judecătorilor Din România » c/ Inspecţia Judiciară, aff. C-83/19.
  • [23]
    CJUE, 6 octobre 2020, La Quadrature du Net e. a., aff. C-511/18, C-512/18 et C-520/18.
  • [24]
    Article 130 R.
  • [25]
    Communication de la Commission européenne du 2 février 2000 sur le recours au principe de précaution, Doc. COM (2000)1 final.
  • [26]
    TPICE, 26 novembre 2002, Artegodan, aff. T-74/00, §184 : le principe de précaution est « un principe général de droit communautaire, imposant aux autorités compétentes de prendre des mesures appropriées en vue de prévenir certains risques potentiels pour la santé publique, la sécurité et l’environnement, en faisant prévaloir les exigences liées à la protection de ces intérêts sur les intérêts économiques ».
  • [27]
    CJUE, 1er octobre 2019, Blaise et autres, aff. C-616/17, Europe 2019, comm. n° 508, note S. Roset.
  • [28]
    CJUE, 1er octobre 2019, Blaise et autres, aff. C-616/17, préc.
  • [29]
    CE 8 juillet 2020, Association de défense des ressources marines, n° 428271, Rec. tables.
  • [30]
    Voir G. Viney et Ph. Kourilsky, Le principe de précaution, Rapport au Premier ministre, Odile Jacob, 2000, 405 p. Voir également A. Gossement, Le principe de précaution – Essai sur l’incertitude scientifique sur la décision et la responsabilité publiques, L’Harmattan, Logiques juridiques, 2003, 527 p.
  • [31]
    Voir CE 4 janvier 1995, Ministre de l’intérieur c/ Rossi, note O. Sachs, CJEG, 1995, p. 232. Ce principe sera consacré par le législateur avec la loi n° 95-101 du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l’environnement, dite « Loi Barnier », qui inscrit le principe de précaution à l’article L. 200-1 du Code rural, désormais défini à l’article L. 110-1 du Code de l’environnement.
  • [32]
    Voir J.-C. Rotoullié, « Le contentieux environnemental », AJDA 2020, p. 209. Voir également Ch. Huglo et C. Lepage, « Protection de la santé, de l’environnement, de l’agriculture et de l’alimentation : la part éminente du contentieux », RDSS 2019, p. 51.
  • [33]
    Nous renvoyons ici à l’excellent article de S. Caudal, « Existe-t-il UN principe de précaution appliqué par le juge administratif ? Le juge administratif et le principe de précaution », RFDA 2017, p. 1061.
  • [34]
    CE 19 juillet 2010, Association du quartier « Les Hauts de Choiseul », n° 328687, Rec. p. 333 ; JCP A 2011, n° 2119, note Ph. Billet ; AJDA 2010, p. 2114, note J.-B. Dubrulle ; D. 2010, p. 2468, obs. F. G. Trébulle ; JCP G 2011, 55, note D. Del Prete et J.-V. Borel ; RDI 2010, p. 508, obs. P. Soler-Couteaux.
  • [35]
    CE 8 octobre 2012, Commune de Lunel, n° 342423, Rec. tables, p. 862 ; D. 2014, p. 104, obs. F. G. Trébulle ; RDI 2012, p. 643, note P. Soler-Couteaux.
  • [36]
    CE 28 janvier 2021, Bonnet et autres, n° 439764 (à propos des dispositions contestées des décrets prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de Covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire). À propos de la prescription, la dispensation et l’administration sous la responsabilité d’un médecin, de l’hydroxychloroquine aux patients atteints de Covid-19 en dehors de l’AMM, voir CE 28 mars 2020, Syndicat des médecins d’Aix et région et autres, n° 439936 et n° 441751, sera mentionné aux Tables.
  • [37]
    CE, Ass., 12 avril 2013, Association coordination interrégionale stop THT, n° 342409, Rec. p. 60, concl. A. Lallet ; Environnement 2013, comm. n° 54, note M. Guérin ; JCP A 2013, n° 2273, note N. Charmeil.
  • [38]
    Voir également CE 7 mars 2018, Association Robin des toits, n° 399727, Énergie - Environnement - Infrastructures, 2018, comm. n° 28, conclusions X. Domino.
  • [39]
    CE 7 mars 2018, Association Robin des toits, préc., jugeant que le Premier ministre n’avait pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en s’abstenant, de modifier les valeurs limites d’exposition du public en matière de téléphonie mobile dès lors que les conclusions des travaux scientifiques n’ont pas mis en évidence d’effet athermique de ces ondes sur l’homme entraînant des conséquences sanitaires délétères.
  • [40]
    CE 8 juillet 2020, Association de défense des ressources marines, n° 428271, jugeant que le ministre a méconnu les obligations découlant du principe de précaution en refusant de reconsidérer le niveau de la taille minimale des filets alors qu’aucune autre mesure adaptée n’était prise dès lors que de nombreux avis scientifiques concordants craignent une abondance des captures associée à l’incapacité d’une espèce de poissons à reconstituer une population de géniteurs suffisamment stable, pouvant conduire à un effondrement brutal de la ressource pour une longue durée et qui accréditent ainsi l’hypothèse d’un risque de dommage grave et irréversible pour l’environnement de nature à justifier, en dépit des incertitudes subsistant sur sa réalité et sa portée en l’état des connaissances scientifiques.
  • [41]
    CE 28 juillet 2000, Association FO Consommateurs et autres, n° 212115, Rec. p. 352.
  • [42]
    Voir, par exemple, à propos du Ketum 2,5 % gel, CE 7 juillet 2010, Société Menarini France, n° 335101, Rec. tables, p. 926.
  • [43]
    Voir par exemple, s’agissant de l’application de l’arrêté du 5 février 2021 de la ministre de la Transition écologique et du ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation autorisant provisoirement l’emploi de semences de betteraves sucrières traitées avec des produits phytopharmaceutiques contenant les substances actives imidaclopride ou thiamethoxame, CE, ord., 15 mars 2021, Association Terre d’abeilles et autres, n° 450194.
  • [44]
    TA Nice, 29 novembre 2019, Association Générations futures, Union nationale de l’apiculture française et Association agir pour l’environnement, n° 1704687, 1704689, 1705145 et 1705146, C+, Énergie 2020, n° 2, note C. Lepage ; Énergie - Environnement - Infrastructures n° 3, mars 2019, comm. n° 17, note E. Gaillard.
  • [45]
    CE 7 février 2020, Confédération paysanne et autres, n° 388649, Rec.
  • [46]
    CE 31 décembre 2020, Commune d’Arcueil, n° 439253, Rec.
  • [47]
    CE 19 juillet 2010, Association du quartier « Les Hauts de Choiseul », n° 328687, Rec. p. 333.
  • [48]
    Voir O. Godard, « Le principe de précaution et la proportionnalité face à l’incertitude scientifique », in Conseil d’État, Rapport public 2005 – Responsabilité et socialisation du risque, La Documentation française, p. 377.
  • [49]
    Règlement d’exécution (UE) 2017/2324 de la Commission du 12 décembre 2017 renouvelant l’approbation de la substance active « glyphosate » conformément au règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et modifiant l’annexe du règlement d’exécution (UE) n° 540/2011 de la Commission.
  • [50]
    CJUE 3 septembre 2020, Mellifera eV, aff. C-784/18, Droit rural n° 491, mars 2021, comm. n° 68, note Y. Petit.
  • [51]
    Voir par exemple à propos du refus d’abrogation des autorisations de mise sur le marché des produits commercialisés sous la marque Roundup ainsi que de l’ensemble des produits contenant du glyphosate opposé par le ministre de l’Agriculture à la demande : TA Paris, 12 mars 2021, Association CRIIGEN, n° 1906905/6-1, jugeant que « le ministre en charge de l’agriculture est fondé à soutenir dans ses écritures en défense qu’il n’était pas compétent pour prendre la décision d’abrogation sollicitée, une telle décision ne relevant que de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES). Par ailleurs, si le ministre était tenu de transmettre la demande de l’association CRIIGEN à l’autorité compétente en application des dispositions combinées des articles L. 1142, L. 114-3 et L. 231-4 du code des relations entre le public et l’administration ».
  • [52]
    CE 7 mars 2012, Mouvement pour les droits et le respect des générations futures et Maret, n° 332804, Rec. tables, p. 74.
  • [53]
    Ibid.
  • [54]
    Voir par exemple s’agissant de l’application de l’arrêté du 5 février 2021 de la ministre de la Transition écologique et du ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation autorisant provisoirement l’emploi de semences de betteraves sucrières traitées avec des produits phytopharmaceutiques contenant les substances actives imidaclopride ou thiamethoxame, CE, ord., 15 mars 2021, Association Terre d’abeilles et autres, n° 450194.
  • [55]
    CAA Lyon, 4 juin 2019, Union nationale de l’apiculture française, n° 17LY00929 (annulation du refus d’abrogation au motif que l’étude à laquelle s’est livrée l’ANSES, sur le fondement de laquelle le ministre a autorisé la mise sur le marché de la préparation « Cheyenne », repose sur une évaluation incomplète des effets de cette préparation qui n’est pas conforme à celle qu’exige la réglementation).
  • [56]
    CE, Ass., 12 avril 2013, Association coordination interrégionale stop THT, n° 342409, Rec. p. 60, concl. A. Lallet ; Environnement 2013, comm. n° 54, note M. Guérin ; JCP A 2013, n° 2273, note N. Charmeil.
  • [57]
    CE, Ass., 12 avril 2013, Association coordination interrégionale stop THT, préc.
  • [58]
    C’est ainsi par exemple que si aucun lien de cause à effet entre l’exposition résidentielle à des champs électromagnétiques de très basse fréquence et un risque accru de survenance de leucémie chez l’enfant n’a été démontré, plusieurs études concordantes ont, malgré leurs limites, mis en évidence une corrélation statistique significative entre le facteur de risque invoqué par les requérants et l’occurrence d’une telle pathologie supérieure à la moyenne. Par suite, l’existence d’un tel risque doit être regardée comme une hypothèse suffisamment plausible en l’état des connaissances scientifiques pour justifier l’application du principe de précaution (CE, Ass., 12 avril 2013, Association coordination interrégionale stop THT, préc.).
  • [59]
    PUF, 2003, 235 p.
  • [60]
    p. 155.
  • [61]
    Écouter Glyphosate, un débat empoisonné, La méthode scientifique, France Culture, 6 avril 2019.
  • [62]
    Voir Y. Petit, « Monsanto et le glyphosate sous les fourches caudines de la justice ! », Droit rural 2018, n° 467, Alerte 96.
  • [63]
    D. Guinard, « Les juges sont-ils des agences sanitaires ? Retour sur l’appréhension prétorienne de la dangerosité des produits phytopharmaceutiques », RDSS 2020, p. 3331.
  • [64]
    Ce classement comporte 4 groupes : Groupe 1 (agent cancérogène [parfois appelé cancérogène avéré ou cancérogène certain], Groupe 2A : agent probablement cancérogène, Groupe 2B : agent peut-être cancérogène (parfois appelé cancérogène possible), Groupe 3 : agent inclassable quant à sa cancérogénicité et Groupe 4 : agent probablement pas cancérogène.
  • [65]
    CE 31 août 2009, Commune de Crégols, n° 296458, Rec. p. 343, JCP A 2009, n° 2288, note J. Moreau, AJDA 2009, p. 1824, chron. S.-J. Liéber et D. Botteghi ; RJEP 2010, comm. 16, concl. C. de Salins, jugeant qu’ « une mesure de police n’est légale que si elle est nécessaire au regard de la situation de fait existant à la date à laquelle elle a été prise, éclairée au besoin par des éléments d’information connus ultérieurement ; que, toutefois, lorsqu’il ressort d’éléments sérieux portés à sa connaissance qu’il existe un danger à la fois grave et imminent exigeant une intervention urgente qui ne peut être différée l’autorité de police ne commet pas d’illégalité en prenant les mesures qui paraissent nécessaires au vu des informations dont elle dispose à la date de sa décision ; que la circonstance que ces mesures se révèlent ensuite inutiles est sans incidence sur leur légalité mais entraîne l’obligation de les abroger ou de les adapter ».
  • [66]
    CE 7 mars 2012, Mouvement pour les droits et le respect des générations futures et Maret, préc.
  • [67]
    Ainsi que l’a résumé et l’explique clairement Ch. Mestre : « 8. - L’opposition entre les conclusions du CIRC estimant le glyphosate « cancérogène probable » et celles des agences d’expertise officielles de l’Union, l’EFSA et l’ECHA jugeant improbables que cette substance active constitue une menace cancérogène pour l’homme, et donc dans l’impossibilité d’être classée dans la liste des substances cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction, est assez symptomatique des évaluations scientifiques que l’on présente généralement comme difficilement comparables. Pour tenter d’expliquer cette divergence d’opinions scientifiques, l’EFSA a avancé qu’elle avait pris en compte des études non retenues par le CIRC qui de son côté a répliqué qu’il utilisait uniquement des études publiques, publiées dans des revues scientifiques à comité de lecture et non pas des études industrielles non publiées comme l’EFSA. Concomitamment, cette dernière était mise en cause par diverses ONG et formations politiques à raison non seulement de son refus de divulguer les études sur lesquelles elle s’était appuyée pour conclure à l’innocuité du glyphosate mais également de la reprise dans son rapport sous forme de copié-collé d’une centaine de pages d’une étude rédigée par l’entreprise Monsanto en 2012. Même si un tel comportement a priori assez peu conforme avec ce que l’on est en droit d’attendre d’une agence d’expertise officielle a certainement décrédibilisé les conclusions de l’EFSA, il est surtout révélateur de la manière dont elle mène ses expertises, prisonnière autant d’un manque de moyens matériels et financiers que de la structuration de la recherche entre recherche publique et recherche privée. De manière générale les études sur les substances actives sont le fait de sociétés agrochimiques, réalisées dans leurs laboratoires ou leurs départements recherche, et soumises à protection par le droit de la propriété intellectuelle. Les agences d’expertise de l’Union n’ayant pas les moyens de mener des analyses alternatives, elles sont donc condamnées à utiliser soit des études protégées sans en révéler l’ensemble du contenu et la source, soit des études rendues publiques qui ne correspondent aux finalités de l’évaluation sur laquelle ces agences sont censées se prononcer. Ce paradoxe n’a d’ailleurs pas échappé au Parlement européen soucieux de reconsidérer le rôle et la place des agences d’expertise officielles. », in « La saga du glyphosate. Retour à quelques pathologies du système de l’Union », Revue de droit rural 2018, n° 465, Étude 14.
  • [68]
    CE 7 mars 2012, Mouvement pour les droits et le respect des générations futures et Maret, n° 332804, préc.
  • [69]
    CE, Ass., 12 avril 2013, Association coordination interrégionale stop THT, préc.
  • [70]
    C’est sur ce défaut d’étiquetage en raison du risque lié à l’inhalation que la SA Monsanto a été condamnée par la Cour d’appel de Lyon dans l’affaire du Lasso pour défaut d’information. La notice d’information du produit ne faisait apparaître ni la nécessité d’éviter l’inhalation de vapeurs et de réaliser en appareil clos toute opération industrielle, ni celle de porter, dans ce cas, un appareil de protection respiratoire et de ne jamais procéder à des travaux sur ou dans des cuves et réservoirs contenant ou ayant contenu du chlorobenzène sans prendre les précautions d’usage, cette préconisation renvoyant à la recommandation de la fiche toxicologique relative au chlorobenzène. Dans l’affaire dite du Lasso, la Cour de cassation a jugé que la Cour avait retenu que, « à l’issue d’une campagne d’épandage, l’intéressé a nettoyé la cuve de traitement, que la notice d’information du produit ne faisait apparaître ni la nécessité d’éviter l’inhalation de vapeurs et de réaliser en appareil clos toute opération industrielle, ni celle de porter, dans ce cas, un appareil de protection respiratoire et de ne jamais procéder à des travaux sur ou dans des cuves et réservoirs contenant ou ayant contenu du chlorobenzène sans prendre les précautions d’usage, cette préconisation renvoyant à la recommandation de la fiche toxicologique relative au chlorobenzène./ 31. De ces constatations et énonciations, ne procédant d’aucune dénaturation du rapport d’expertise et desquelles il résulte qu’elle ne s’est pas seulement fondée sur l’implication du produit dans la survenue des troubles ressentis par M. X…, la cour d’appel a pu déduire l’existence d’un lien causal entre le défaut et le dommage subi par celui-ci. ».
Autorisation de mise sur le marché du produit phytopharmaceutique Roundup Pro 360 (produit à base de glyphosate).
Avis favorable de l’ANSES.
Méconnaissance du principe de précaution (oui).

Cour administrative d’appel de Lyon, 29 juin 2021, SAS Bayer Seeds, n° 19LY01017 et Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES), n° 19LY0103

11. Par un jugement du 15 janvier 2019, le tribunal administratif de Lyon a annulé, à la demande de l’association Comité de recherche et d’information indépendantes sur le génie génétique (CRIIGEN), la décision du directeur général de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail du 6 mars 2017 autorisant la société Monsanto S.A.S à mettre sur le marché le produit phytopharmaceutique Roundup Pro 360. Par deux requêtes distinctes, la société Monsanto S.A.S, depuis devenue société Bayer Seeds S.A.S., et l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) relèvent appel de ce jugement.

22. Les requêtes de la société Bayer Seeds S.A.S. et de l’ANSES étant ainsi dirigées contre le même jugement, il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.

3Sur la recevabilité de la requête de la société Bayer Seeds S.A.S. :

43. Aux termes de l’article R. 411-1 du code de justice administrative : « La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l’exposé des faits et moyens, ainsi que l’énoncé des conclusions soumises au juge. L’auteur d’une requête ne contenant l’exposé d’aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d’un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu’à l’expiration du délai de recours ».

54. Si la requête de la société Monsanto S.A.S. enregistrée le 15 mars 2019 se présente comme une requête sommaire, en annonçant la production ultérieure d’un mémoire complémentaire, elle contenait néanmoins l’exposé de moyens, énoncés avec suffisamment de précisions pour permettre à la cour d’en comprendre la portée et d’y statuer. Cette requête est, par suite, suffisamment motivée. La fin de non-recevoir opposée en défense par le CRIIGEN sur le fondement des dispositions précitées ne peut dès lors être retenue.

6Sur la régularité du jugement attaqué :

75. En premier lieu, aux termes de l’article L. 9 du code de justice administrative : « Les jugements sont motivés ».

86. Il ressort du jugement attaqué, notamment de ses paragraphes 7 à 11, que les premiers juges ont précisément indiqué les motifs les ayant conduits à retenir le moyen tiré de la méconnaissance du principe de précaution résultant de l’article 5 de la Charte de l’environnement. Par suite, et alors même qu’ils n’ont pas précisé les raisons pour lesquelles ils ont estimé insuffisantes les précautions d’emploi fixées par l’autorisation en litige, le jugement attaqué est motivé, sans que les appelants ne puissent utilement contester, à l’appui de ce moyen, le raisonnement alors suivi par les premiers juges. Le moyen tiré de la méconnaissance de l’article L. 9 du code de justice administrative doit être écarté.

97. En second lieu, les erreurs de fait, de droit et d’appréciation dont les premiers juges auraient, selon l’ANSES et la société Bayer Seeds S.A.S., entaché le jugement attaqué ne sont susceptibles d’affecter que le bien-fondé de ce jugement et demeurent sans incidence sur sa régularité.

10Sur la recevabilité de la demande de première instance :

118. Une association est régulièrement engagée par l’organe tenant de ses statuts le pouvoir de la représenter en justice, sauf stipulation de ces statuts réservant expressément à un autre organe la capacité de décider de former une action devant le juge administratif. Il appartient à la juridiction administrative saisie, qui en a toujours la faculté, de s’assurer, le cas échéant et notamment lorsque cette qualité est contestée sérieusement par l’autre partie ou qu’au premier examen, l’absence de qualité du représentant de la personne morale semble ressortir des pièces du dossier, que le représentant de cette personne morale justifie de sa qualité pour agir au nom de cette partie. À ce titre, si le juge doit s’assurer de la réalité de l’habilitation du représentant de l’association qui l’a saisi, lorsque celle-ci est requise par les statuts, il ne lui appartient pas, en revanche, de vérifier la régularité des conditions dans lesquelles une telle habilitation a été adoptée.

129. Il ressort des pièces du dossier de première instance que, pour justifier que son président avait été régulièrement habilité à ester en justice, l’association CRIIGEN a produit au tribunal administratif un extrait du procès-verbal de la réunion de son conseil d’administration du 4 avril 2017, certifié conforme et signé par son président. La seule circonstance que cet extrait ne soit pas accompagné de la feuille de présence à laquelle il se réfère n’est pas de nature à remettre en cause l’exactitude de ses termes. À défaut de tout autre élément tendant à contredire cet extrait, le président de l’association justifiait ainsi avoir été habilité à saisir le tribunal administratif. Par suite, la société Bayer Seeds S.A.S. n’est pas fondée à soutenir que la demande de première instance n’était pas recevable.

13Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

1410. Aux termes de l’article 5 de la Charte de l’environnement : « Lorsque la réalisation d’un dommage, bien qu’incertaine en l’état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l’environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d’attributions, à la mise en œuvre de procédures d’évaluation des risques et à l’adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage ».

1511. Un produit phytopharmaceutique qui méconnaît les exigences du principe de précaution ne peut légalement bénéficier d’une autorisation de mise sur le marché. Il appartient dès lors à l’autorité compétente, saisie d’une demande d’autorisation de mise sur le marché, de rechercher s’il existe des éléments circonstanciés de nature à accréditer l’hypothèse d’un risque de dommage grave et irréversible pour l’environnement ou d’atteinte à l’environnement susceptible de nuire de manière grave à la santé, qui justifierait, en dépit des incertitudes subsistant quant à sa réalité et à sa portée en l’état des connaissances scientifiques, l’application du principe de précaution. Si cette condition est remplie, il lui incombe de veiller à ce que des procédures d’évaluation du risque identifié soient mises en œuvre par les autorités publiques ou sous leur contrôle et de vérifier que, eu égard, d’une part, à la plausibilité et à la gravité du risque, d’autre part, à l’intérêt du produit, les mesures de précaution dont l’autorisation est assortie afin d’éviter la réalisation du dommage ne sont ni insuffisantes, ni excessives. Il appartient au juge, saisi de conclusions dirigées contre l’autorisation de mise sur le marché et au vu de l’argumentation dont il est saisi, de vérifier que l’application du principe de précaution est justifiée, puis de s’assurer de la réalité des procédures d’évaluation du risque mises en œuvre et de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation dans le choix des mesures de précaution.

1612. Si l’autorisation en litige a été délivrée, conformément à l’article L. 253-1 du code rural et de la pêche maritime, en application du règlement (CE) n° 1107/2009 du 21 octobre 2009 susvisé, l’article 1er de ce règlement dispose que « les États membres ne sont pas empêchés d’appliquer le principe de précaution lorsqu’il existe une incertitude scientifique quant aux risques concernant la santé humaine ou animale ou l’environnement que représentent les produits phytopharmaceutiques devant être autorisés sur leur territoire ». En vertu de ces dispositions, qui ne comportent pas de prescriptions inconditionnelles mais supposent l’exercice d’un pouvoir d’appréciation, il appartient à l’autorité administrative, saisie d’une demande d’autorisation de mise sur le marché d’un produit phytopharmaceutique, de veiller au respect du principe de précaution garanti par l’article 5 de la Charte de l’environnement. Par suite, contrairement à ce que prétendent les requérantes, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions n’est pas inopérant.

1713. Il ressort des pièces du dossier que la décision en litige autorise la mise sur le marché du Round Up Pro 360, produit phytopharmaceutique comprenant du glyphosate comme substance active. La circonstance que cette substance ait été approuvée par les autorités communautaires ne fait pas obstacle à ce qu’elle soit prise en compte pour apprécier l’existence d’un risque de dommage grave et irréversible pour l’environnement ou d’atteinte à l’environnement susceptible de nuire de manière grave à la santé, justifiant l’application du principe de précaution. En revanche, ce risque devant être apprécié en l’état des connaissances scientifiques au jour de l’autorisation en litige, les parties ne sauraient utilement se prévaloir des différents avis et études relatifs au glyphosate intervenus postérieurement. En mars 2015, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), placé auprès de l’Organisation mondiale de la santé, a considéré le glyphosate comme « cancérigène probable pour l’homme », au vu notamment d’expérimentations sur l’animal et de mécanismes d’induction tumorale. Saisie de cette étude et après instruction par un groupe d’expertise collective d’urgence fondée sur une analyse des études alors disponibles, l’ANSES a, dans un avis du 9 février 2016, estimé que le niveau de preuve de la cancérogénicité du glyphosate, notamment d’un risque de lymphomes non-hodgkiniens chez l’homme, était limité et qu’il est peu probable que le glyphosate ait un effet potentiel de perturbateur endocrinien. Toutefois, si cet avis conclut ainsi que le glyphosate ne peut être classé comme cancérogène avéré ou présumé pour l’être humain, en revanche, l’agence estime nécessaire que le classement du glyphosate soit rapidement revu par l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) et qu’une classification comme substance suspectée d’être cancérogène pour l’homme pourrait être discutée au terme d’une analyse détaillée de l’ensemble des études. En outre, de nouvelles consultations de l’ECHA et de son comité d’évaluation des risques avaient également été jugées nécessaires par les autorités européennes, tant sur l’éventuelle cancérogénicité du glyphosate, que sur sa potentielle activité endocrinienne, et leurs avis n’avaient pas encore été rendus à la date de l’autorisation litigieuse, comme le rappelle le règlement d’exécution du 12 décembre 2017 renouvelant l’approbation du glyphosate. Par ailleurs, et contrairement à ce que prétend la société Bayer Seeds S.A.S., l’Agence européenne de sécurité des aliments (EFSA) a elle-même expliqué les divergences existant entre son appréciation du risque inhérent au glyphosate et celle du CIRC notamment par la circonstance que ce dernier avait pu tenir compte, non de cette seule substance active, mais de l’ensemble de la formulation des produits étudiés, ainsi qu’il ressort de sa note « L’évaluation des risques expliquée par l’EFSA : Glyphosate ». Loin d’écarter le bien-fondé des analyses du CIRC, cette même note préconise dès lors que « la toxicité de chaque formulation de pesticides, et en particulier de son potentiel génotoxique, fasse l’objet d’un examen plus approfondi et soit abordée par les autorités des États membres lorsqu’elles réévalueront l’utilisation des formulations contenant du glyphosate sur leurs territoires », admettant ainsi l’éventualité d’un risque accru en cas d’utilisation du glyphosate combiné à d’autres coformulants. Dans ces circonstances, et nonobstant le sens des avis ultérieurement émis et les évaluations qui ont pu être faites en 2016 par les autorités d’États non européens comme le Japon, la Nouvelle-Zélande ou l’Australie, lesquelles sont seulement de nature à confirmer l’absence de consensus scientifique à ce sujet, l’ensemble de ces éléments étaient de nature à accréditer l’hypothèse d’un risque d’atteinte à l’environnement, lié à l’usage du glyphosate mais aussi à l’association de celui-ci à d’autres coformulants dans des préparations, susceptible de nuire de manière grave à la santé, à la date de la décision litigieuse, et justifiaient, en dépit des incertitudes subsistant quant à sa réalité et à sa portée en l’état des connaissances scientifiques, l’application du principe de précaution.

1814. Or, il est constant, d’une part, que l’autorisation en litige a été adoptée avant même que les avis et réexamens ainsi jugés nécessaires à l’égard du glyphosate ne soient rendus. D’autre part, autorisant la commercialisation du Round Up Pro 360 en tant seulement que « produit de revente » d’un autre produit phytopharmaceutique de même composition, le Typhon, cette autorisation n’a pas été précédée d’une nouvelle évaluation de la préparation, en application du 7° de l’article R. 253-14 du code rural et de la pêche maritime. Si le Typhon a lui-même fait l’objet de telles évaluations par l’AFSSA, puis l’ANSES, préalablement à sa mise sur le marché et à l’occasion des changements de composition ou d’usage intervenus entre 2008 et 2013, ces évaluations anciennes n’ont pu porter sur les risques depuis suspectés au vu des nouvelles connaissances scientifiques. Par suite, en l’absence de mise en œuvre d’une procédure d’évaluation, et indépendamment des mesures de précaution imposées, le principe de précaution n’a pas été respecté.

1915. Il résulte de ce qui précède que la société Bayer Seeds S.A.S et l’ANSES ne sont pas fondées à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a retenu ce moyen pour annuler la décision du directeur général de l’ANSES du 6 mars 2017 autorisant la mise sur le marché du produit phytopharmaceutique Roundup Pro 360.

20Sur les frais liés au litige :

2116. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’association CRIIGEN, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par la société Bayer Seeds S.A.S et par l’ANSES. En application de ces mêmes dispositions, il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre une somme de 2 000 euros à la charge de la société Bayer Seeds S.A.S, ainsi qu’une somme de 2 000 euros à la charge de l’ANSES, à verser à l’association CRIIGEN.

22Décide :

23Article 1er : La requête n° 19LY01017 de la société Bayer Seeds S.A.S. est rejetée.

24Article 2 : La requête n° 19LY01031 de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail et ses conclusions présentées en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative dans l’instance n° 19LY01017 sont rejetées.

25Article 3 : La société Bayer Seeds S.A.S versera à l’association Comité de recherche et d’information indépendantes sur le génie génétique une somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

26Article 4 : L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail versera à l’association Comité de recherche et d’information indépendantes sur le génie génétique une somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

27Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Bayer Seeds SA.S., à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail et à l’association Comité de recherche et d’information indépendantes sur le génie génétique.

Conclusions

« Ah, soupira le député, le glyphosate… Ces séances-là, ne serait-ce que d’un point de vue rhétorique, je veux y assister. Nous allons assister à des contorsions magnifiques, vous allez voir.
Ils vont rattraper le langage et le tordre pour nous expliquer qu’ils sont pour l’interdiction du glyphosate mais contre la loi qui l’interdit et que tout ça est parfaitement sensé.
Ils vont se tortiller, Antoine, ils vont jongler avec des assiettes d’expressions toutes faites. Peut-être qu’ils le feront avec émotion, peut-être qu’ils le feront avec une nonchalance arrogante.
Peut-être même qu’ils ne feront rien du tout. Ils peuvent se le permettre. Ils peuvent se permettre de dire simplement non, ils ont la majorité ».
Alice Zeniter, Comme un empire dans un empire, Flammarion, 2020, p. 140

28Les deux litiges qui vous sont soumis vont faire perdurer ce qui est désormais appelé la « saga du glyphosate » [1] qui dure depuis des décennies. Le glyphosate est une molécule découverte en 1950 par un chimiste suisse Henri Martin, brevetée par la SAS Monsanto en 1974 et utilisée dans les herbicides (qui constituent avec les insecticides des pesticides), notamment sous la dénomination commerciale « Roundup ». Ce brevet est tombé dans le domaine public en 2000, multipliant ainsi les produits, et ce sont ainsi environ 300 produits en contenant qui sont commercialisés dans le monde par une quarantaine de sociétés.

29Le Roundup est un herbicide systémique non sélectif [2] et donc total, non rémanent, c’est-à-dire non persistant en raison d’une vitesse rapide de dégradation et permettant ainsi de semer après, qui est employé pour lutter contre les mauvaises herbes et qui est utilisé en agriculture, viticulture et sylviculture notamment. Sa substance active est le glyphosate qui est inscrit sur la liste communautaire des substances actives autorisées à l’annexe I de la directive 91/414/CEE du Conseil du 15 juillet 1991 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques. Mais l’inscription de cette substance sur cette liste communautaire ne vaut pas autorisation de commercialisation des produits à base de glyphosate qui relève de la seule compétence des États membres. C’est dans ce cadre que l’Agence française de sécurité des produits alimentaires (AFSSA) – qui est devenue à compter du 1er juillet 2010 l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) – avait émis le 16 avril 2007 un avis favorable à son autorisation de mise sur le marché (AMM), à la suite duquel le ministre chargé de l’agriculture avait renouvelé l’autorisation de la préparation Roundup.

30Quelques années plus tard ont été publiés des travaux scientifiques sur les effets du glyphosate et des préparations à base de cette substance dans la revue Chemical Research in Toxicology, mais l’AFSSA a estimé, dans un nouvel avis du 26 mars 2009, que ces résultats n’apportaient pas de nouveaux éléments pertinents de nature à remettre en cause les conclusions de l’évaluation européenne du glyphosate ni celles de l’évaluation nationale des préparations contenant cette substance. Ce refus de réévaluation avait alors été contesté, mais sans succès, par le CRIIGEN, le Conseil d’État ayant rejeté sa requête au motif qu’il n’était pas établi que la décision attaquée reposerait sur ce point sur une méthode d’évaluation inappropriée et écarté le moyen tiré de l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation entachant ledit refus [3].

31Votre décision en constitue un nouvel épisode dans le cadre de la commercialisation du « Roundup 360 » à usage professionnel par la SAS Monsanto qui commercialise en France les herbicides de la gamme Roundup, étant rappelé que l’utilisation du Roundup pour les particuliers est interdite depuis le 1er janvier 2019.

32La sortie ou tout du moins la réduction de l’utilisation massive du glyphosate au nom de la transition écologique est un objectif à la volonté politique incertaine, néanmoins juridiquement acté depuis le vote de l’article 31 de la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, selon lequel « [l]a vocation première et prioritaire de l’agriculture est de répondre aux besoins alimentaires de la population, et ce de façon accentuée pour les décennies à venir. (…). À cet effet, les objectifs à atteindre sont : c) De généraliser des pratiques agricoles durables et productives. L’objectif est, d’une part, de retirer du marché, en tenant compte des substances actives autorisées au niveau européen, les produits phytopharmaceutiques contenant les 40 substances les plus préoccupantes en fonction de leur substituabilité et de leur dangerosité pour l’homme, 30 au plus tard en 2009, dix d’ici à la fin 2010, et, d’autre part, de diminuer de 50 % d’ici à 2012 ceux contenant des substances préoccupantes pour lesquels il n’existe pas de produits ni de pratiques de substitution techniquement et économiquement viables. De manière générale, l’objectif est de réduire de moitié les usages des produits phytopharmaceutiques et des biocides en 10 ans en accélérant la diffusion de méthodes alternatives (…) ». Cet objectif a, mais pour partie seulement, été repris par la suite par la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous [4], dite EGALIM [5] qui tend à réduire l’utilisation de moitié d’ici 2022, bien que les amendements déposés tendant à l’interdiction des produits phytopharmaceutiques contenant du glyphosate à partir du 1er janvier 2021 n’ont pas été adoptés. Ce sont ainsi 180 produits phytosanitaires qui ont été retirés du marché.

33La SAS Monsanto a déposé le 18 mai 2016 auprès de l’ANSES une demande n° 2016-2209 d’autorisation de mise sur le marché (AMM) de ce produit phytopharmaceutique. Cet herbicide est composé de glyphosate à hauteur de 458,9 g/l sous forme de sel d’isopropylamine, équivalent à 360 g/l de glyphosate acide, comme substance active et préparé ayant pour base un herbicide conçu par la société Adama et commercialisé sous la marque Typhon, qui dispose d’une AMM délivrée le 1er octobre 1996 par le ministre de l’Agriculture et renouvelée par l’AFSSA le 9 février 2009.

34L’AMM sollicitée par la SAS Monsanto pour le Roundup 360 à usage professionnel lui sera délivrée par l’ANSES le 7 novembre 2016 puis remplacée par une seconde décision AMM n° 2160852 en date du 6 mars 2017 sur le fondement de l’article R. 253-14 du Code rural et de la pêche maritime (CRPM) pour une durée d’une année. Cette décision, qui ne présente pas un caractère réglementaire [6], est motivée par le fait que la composition du Roundup 360 est identique à celle du Typhon dont la commercialisation est déjà autorisée.

35C’est cette seconde décision en date du 6 mars 2017 qui a été contestée par l’association « Comité de recherche et d’information indépendantes sur le génie génétique » (CRIIGEN) devant le Tribunal administratif de Lyon.

36Par le jugement n° 1704067 lu le 15 janvier 2019, plus que remarqué [7] tant par la presse générique que juridique, le Tribunal administratif de Lyon a annulé ladite décision au nom du principe de précaution en raison notamment de son caractère « probablement cancérogène pour l’homme eu égard notamment au résultat des expériences animales » [8].

37Précisons que ce jugement se situe dans un contexte sanitaire tendu, puisque, quelques mois plus tard, même si ce n’était pas à propos du Roundup 360, mais d’un autre produit phytosanitaire commercialisé par la SAS Monsanto, à savoir le « Lasso » [9], la Cour d’appel de Lyon, dans un arrêt du 11 avril 2019 [10], a déclaré ladite société responsable de l’intoxication d’un agriculteur, M. Paul François, par cet herbicide sur le fondement des articles 1245 et suivants du Code civil en raison d’un étiquetage ne respectant pas la réglementation applicable et d’une absence de mise en garde sur la dangerosité particulière des travaux sur ou dans les cuves et réservoirs, le produit ne présentant pas la sécurité à laquelle on pouvait légitimement s’attendre et étant dès lors défectueux, dans la lignée de plusieurs jugements de condamnation aux États-Unis.

38Par deux requêtes distinctes, la SAS allemande Bayer, à la suite du rachat de la SA Monsanto en juin 2018 pour un montant de 56 milliards d’euros (63 milliards de dollars), sous le n° 19LY01017, ainsi que l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) sous le n° 19LY01031 relèvent appel de ce jugement.

39Avant de pouvoir aborder la question de fond qui porte sur l’application du principe constitutionnel de précaution et le bien-fondé du moyen d’annulation, vous devrez examiner rapidement les fins de non-recevoir et autres questions préalables.

I – La recevabilité de la rêquete d’appel de la SAS Bayer

40L’association CRIIGEN soutient que la requête d’appel de la SA Bayer serait irrecevable pour défaut de motivation. Selon l’article R. 411-1 du Code de justice administrative, « [l]a juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l’exposé des faits et moyens, ainsi que l’énoncé des conclusions soumises au juge. L’auteur d’une requête « ne contenant l’exposé d’aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d’un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu’à l’expiration du délai de recours ». Certes, la SAS Monsanto a introduit une requête d’appel sommaire enregistrée le 15 mars 2019 qui annonçait la production à venir d’un mémoire complémentaire, mais celle-ci comportait néanmoins des moyens dans la lignée de la jurisprudence Vasnier[11] invoqués pendant le délai d’appel [12]. Aucune régularisation n’étant dès lors nécessaire, cette fin de non-recevoir pourra être écartée.

II – Les interventions de l’ANSES et de la SAS Bayer

41La SAS Bayer est recevable à intervenir dans le cadre de l’appel interjeté par l’ANSES. Quant à l’intervention de l’ANSES au soutien de la requête d’appel de la SAS Bayer, elle avait la qualité de défendeur en première instance, mais n’a pas interjeté appel. Son intervention n’est dès lors pas recevable [13].

III – Un jugement d’annulation suffisamment motivé

42L’ANSES estime que le jugement d’annulation contesté ne serait pas suffisamment motivé s’agissant du lien de causalité entre l’avis de l’AFSSA et l’annulation prononcée. Selon l’article L. 9 du Code de justice administrative, « [l]es jugements sont motivés ». « Afin de satisfaire au principe de motivation des décisions de justice, rappelé à l’article L. 9 du code de justice administrative, le juge administratif doit répondre, à proportion de l’argumentation qui les étaye, aux moyens qui ont été soulevés par les parties auxquelles sa décision fait grief et qui ne sont pas inopérants. » [14]. Était invoquée la méconnaissance du principe de précaution résultant de l’article 5 de la Charte de l’environnement et le Tribunal a fait droit à ce moyen de manière suffisamment motivée dans ses paragraphes 7 à 11, sans avoir à répondre à chacun des arguments invoqués. Une erreur de droit quant à l’application du principe constitutionnel de précaution ainsi qu’une confusion sont également dénoncées par l’ANSES entre le niveau acceptable d’exposition et les doses journalières admissibles, de même que la SA Monsanto estime que le jugement ne serait pas fondé s’agissant des précautions d’emplois qui ne permettraient pas d’assurer le respect du principe de précaution, mais, en réalité, ce qui est contesté est le raisonnement tenu par les premiers juges dont vous devez apprécier la pertinence et le bien-fondé par la voie de l’effet dévolutif de l’appel. Ce moyen de régularité du jugement entrepris qui concerne en réalité le fond de celui-ci devra dès lors être écarté.

IV – La recevabilité de la demande de première instance présentée par l’association CRIIGEN

43Est contestée par la SAS Bayer la recevabilité de la demande de première instance présentée par l’association CRIIGEN devant le Tribunal administratif de Lyon au motif que celle-ci n’était pas régulièrement représentée par son président en exercice. Vous le savez, vous n’avez qu’à contrôler la réalité de l’habilitation donnée, c’est-à-dire sa matérialité, et non pas sa régularité. En effet, selon la décision Ugari[15] du 19 juin 2013, une association est régulièrement engagée par l’organe tenant de ses statuts le pouvoir de la représenter en justice, sauf stipulation de ces statuts réservant expressément à un autre organe la capacité de décider de former une action devant le juge administratif. Il appartient à la juridiction administrative saisie, qui en a toujours la faculté, de s’assurer, le cas échéant et notamment lorsque cette qualité est contestée sérieusement par l’autre partie ou qu’au premier examen l’absence de qualité du représentant de la personne morale semble ressortir des pièces du dossier, que le représentant de cette personne morale justifie de sa qualité pour agir au nom de cette partie. À ce titre, si le juge doit s’assurer de la réalité de l’habilitation du représentant de l’association qui l’a saisi, lorsque celle-ci est requise par les statuts, il ne lui appartient pas, en revanche, de vérifier la régularité des conditions dans lesquelles une telle habilitation a été adoptée.

44Or, en l’espèce, l’association CRIIGEN a produit devant le Tribunal administratif un extrait du procès-verbal de la réunion de son conseil d’administration qui s’est tenue le 4 avril 2017, signé et certifié conforme par son président. Il n’appartenait ainsi nullement aux juges de première instance de vérifier la régularité de cette représentation. Ainsi, la SAS Bayer n’est pas fondée à soutenir que la demande de première instance était irrecevable.

V – Le bien-fondé du moyen d’annulation tiré de la méconnaissance du principe constitutionnel de précaution

45Les appelants soutiennent que le principe de précaution n’était pas applicable et que sa violation n’est pas fondée. Nous allons vous proposer d’écarter ces moyens en toutes leurs branches.

A – Le renvoi aux dispositions nationales par les dispositions applicables du droit de l’Union européenne

46Le droit administratif français connaît depuis la décision Arrighi[16] la théorie dite de l’écran, qui ne permet pas à la juridiction saisie de contrôler la norme inférieure avec une norme supérieure lorsqu’une norme immédiatement supérieure à celle contrôlée s’interpose [17].

1 – L’absence d’écran s’interposant dans la confrontation de l’AMM au principe constitutionnel de précaution

47L’ANSES soutient que les premiers juges ne pouvaient sans erreur de droit confronter la décision d’AMM contestée au principe constitutionnel de précaution au motif que le règlement n° 1107/2009 du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques ainsi que le règlement d’exécution de la Commission du 12 décembre 2017 renouvelant l’approbation de la substance active « glyphosate » conformément au règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et modifiant l’annexe du règlement d’exécution (UE) n° 540/2011 de la Commission s’interposent. Il n’est en effet pas possible, ainsi que l’a jugé le Conseil constitutionnel, de contrôler la constitutionnalité d’une disposition nationale adoptée pour transposer une directive en raison de l’article 88-1 de la Constitution [18]. La théorie de la constitution-écran [19] à la suite de la décision Sarran[20] a également été mise en œuvre. Tel n’est toutefois pas le cas du présent litige : d’une part, vous n’avez pas à apprécier la constitutionnalité de cet acte individuel qu’est l’AMM dès lors qu’elle n’assure nullement la transposition du droit de l’Union européenne ni n’en constitue un acte d’application [21], et, d’autre part, le droit de l’Union européenne qui, en effet, classe les produits en fonction de leur nocivité renvoie aux État membres le soin de se prononcer sur les demandes d’autorisations de mise sur le marché des produits phytosanitaires et autres. Ainsi qu’il a été dit plus avant, une substance non autorisée en droit de l’UE ne pourrait être commercialisée par les États, mais, à l’inverse, une substance autorisée n’emporte pas d’effets en droit interne puisqu’une AMM nationale est nécessaire et que celle-ci ne concerne pas le précept mais la forme commerciale, c’est-à-dire la molécule et ses adjuvants avec des effets interférents possibles. C’est d’ailleurs ce qui explique pour partie des conclusions différentes des diverses expertises scientifiques, ainsi que nous le verrons par la suite.

2 – La primauté du droit de l’Union européenne

48La primauté du droit de l’Union européenne ne sera évidemment pas remise en cause par votre contrôle. Aucune difficulté ne se pose ici quant à l’application des dispositions internes puisque le règlement communautaire applicable y renvoie expressément, ainsi que nous allons le voir.

49Ainsi que vient très récemment de le rappeler la CJUE dans une série de décisions du 18 mai 2021, « les effets s’attachant au principe de primauté du droit de l’Union s’imposent à l’ensemble des organes d’un État membre, sans, notamment, que les dispositions internes afférentes à la répartition des compétences juridictionnelles, y compris d’ordre constitutionnel, puissent y faire obstacle » et que « le principe d’interprétation conforme du droit interne, en vertu duquel la juridiction nationale est tenue de donner au droit interne, dans toute la mesure du possible, une interprétation conforme aux exigences du droit de l’Union, est inhérent au système des traités, en ce qu’il permet à la juridiction nationale d’assurer, dans le cadre de ses compétences, la pleine efficacité du droit de l’Union lorsqu’elle tranche le litige dont elle est saisie » [22]. Elle avait auparavant jugé dans l’arrêt du 6 octobre 2020, La Quadrature du Net, que, « à défaut de pouvoir procéder à une interprétation de la réglementation nationale conforme aux exigences du droit de l’Union, le juge national chargé d’appliquer, dans le cadre de sa compétence, les dispositions du droit de l’Union a l’obligation d’assurer le plein effet de celles-ci en laissant au besoin inappliquée, de sa propre autorité, toute disposition contraire de la législation nationale, même postérieure, sans qu’il ait à demander ou à attendre l’élimination préalable de celle-ci par voie législative ou par tout autre procédé constitutionnel » [23].

50Selon l’article 191 (ex-art. 174) du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne «[l]a politique de l’Union dans le domaine de l’environnement vise un niveau de protection élevé, en tenant compte de la diversité des situations dans les différentes régions de l’Union. Elle est fondée sur les principes de précaution et d’action préventive, sur le principe de la correction, par priorité à la source, des atteintes à l’environnement et sur le principe du pollueur-payeur. ». Le principe de précaution a intégré le droit positif communautaire avec le Traité de Maastricht en ces termes : « La politique de la Communauté dans le domaine de l’environnement vise un niveau de protection élevé (…). Elle est fondée sur les principes de précaution et d›action préventive (…). » [24]. Il a ensuite été plus précisément défini dans une communication de la Commission européenne au cours de l’année 2000 [25] avant d’être consacré en 2002 comme un « principe général de droit communautaire » par la jurisprudence du Tribunal de première instance des Communautés européennes [26].

3 – Le renvoi express aux dispositions nationales

51Le règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/CEE et 91/414/CEE du Conseil a « pour objet de garantir un niveau élevé de protection de la santé humaine et animale et de l’environnement, et dans le même temps de préserver la compétitivité de l’agriculture communautaire. Il convient d’accorder une attention particulière à la protection des groupes vulnérables de la population, notamment les femmes enceintes, les nourrissons et les enfants. Le principe de précaution devrait être appliqué et le présent règlement devrait assurer que l’industrie démontre que les substances ou produits fabriqués ou mis sur le marché n’ont aucun effet nocif sur la santé humaine ou animale ni aucun effet inacceptable sur l’environnement ». L’article 1.4 de ce règlement précise que «[l]es dispositions du présent règlement se fondent sur le principe de précaution afin d’éviter que des substances actives ou des produits mis sur le marché ne portent atteinte à la santé humaine et animale ou à l’environnement. En particulier, les États membres ne sont pas empêchés d’appliquer le principe de précaution lorsqu’il existe une incertitude scientifique quant aux risques concernant la santé humaine ou animale ou l’environnement que représentent les produits phytopharmaceutiques devant être autorisés sur leur territoire. ». La validité de ce règlement a été contestée par voie de décision préjudicielle et a été admise par la CJUE [27] qui a rappelé qu’un produit phytopharmaceutique ne saurait être considéré comme satisfaisant à cette condition lorsqu’il présente une forme de carcinogénicité ou de toxicité à long terme et qu’il incombait donc aux autorités compétentes, lors de l’examen de la demande d’autorisation d’un produit phytopharmaceutique, de vérifier que les éléments présentés par le demandeur, au premier rang desquels figurent les essais, les analyses et les études du produit, sont suffisants pour écarter, à la lumière des connaissances scientifiques et techniques actuelles, le risque que ce produit présente une telle carcinogénicité ou toxicité [28].

52Le glyphosate n’est pas à l’heure actuelle classé comme substance dangereuse. Mais, pour autant, les États sont compétents pour autoriser ou non l’utilisation des produits en comprenant via l’AMM. C’est pourquoi les dispositions renvoient aux dispositions nationales et qu’« il appartient au ministre, dans la mise en œuvre de cette compétence, qui n’implique pas des prescriptions inconditionnelles résultant du droit de l’Union européenne mais suppose l’exercice d’un pouvoir d’appréciation, de veiller au respect du principe de précaution garanti par l’article 5 de la Charte de l’environnement » [29]. Vous écarterez ainsi le moyen tiré du caractère inopérant de cette disposition invoquée à la fois par la société Bayer Seeds SAS et l’ANSES.

B – Le principe constitutionnel de précaution en droit interne

53Nous ne referons pas ici l’historique du principe de précaution [30], qui a formellement émergé lors de la Conférence des Nations unies sur l’environnement et le développement de Rio du mois de juin 1992, jusqu’à sa consécration en droit interne [31] et surtout constitutionnelle avec la Charte de l’environnement, « adossée » à la Constitution du 4 octobre 1958, avec l’adoption de la loi constitutionnelle n° 2005-205 du 1er mars 2005. Nous nous bornerons à un rapide examen de la jurisprudence qui en a délimité les contours et précisé les modalités de son application, favorisant l’émergence – bienvenue – d’un contentieux environnemental [32] et ayant notamment pour objet la protection de l’environnement et de la santé publique [33].

54Le présent litige ne fait finalement que refléter l’incertitude, l’indécision et les positions opposées adoptées dans le monde puisque de nombreux pays acceptent le glyphosate – on pense ici notamment au Brésil – alors que d’autres tentent de l’interdire. L’exemple de l’Autriche est ainsi révélateur : après qu’une loi d’interdiction a été votée le 2 juillet 2020 à la faveur d’un amendement proposé par le parti social-démocrate SPÖ et que l’Autriche allait ainsi devenir le premier pays européen à adopter un texte en ce sens, celle-ci ne sera finalement pas promulguée. L’Allemagne a annoncé l’interdiction du Glyphosate en 2022 comme la France.

1 – Un principe d’application directe

55Selon l’article 1er de la Charte de l’environnement, « [c]hacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé » et l’article 5 de ce même texte constitutionnel pose en principe que « [l]orsque la réalisation d’un dommage, bien qu’incertaine en l’état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l’environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d’attributions, à la mise en œuvre de procédures d’évaluation des risques et à l’adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage ». D’une part, ces dispositions n’appellent pas de dispositions législatives et réglementaires précisant les modalités de mise en œuvre de ce principe. Elles s’imposent donc aux pouvoirs publics et aux autorités administratives dans leurs domaines de compétence respectifs [34] et ce principe doit au besoin être pris en compte dans l’édiction des décisions administratives. D’autre part, le principe de précaution s’applique aux activités qui affectent l’environnement dans des conditions susceptibles de nuire à la santé des populations concernées [35]. Il s’applique en cas de risque de dommage grave et irréversible pour l’environnement ou d’atteinte à l’environnement susceptible de nuire de manière grave à la santé. Il ne saurait dès lors être utilement invoqué à l’encontre des dispositions contestées, qui ne portent par elles-mêmes aucune atteinte à l’environnement [36].

2 – L’appréciation en deux temps : l’existence d’un risque plausible et les mesures prises

56Les modalités d’application concernant la mise en œuvre de ce principe ont été définies et posées par le Conseil d’État à propos des champs électromagnétiques générés par les lignes THT de 400 000 volts dans un arrêt d’Assemblée rendu le 12 avril 2013 [37]. La Haute assemblée a jugé à cette occasion qu’« il lui incombe de veiller à ce que des procédures d’évaluation du risque identifié soient mises en œuvre par les autorités publiques ou sous leur contrôle et de vérifier que, eu égard, d’une part, à la plausibilité et à la gravité du risque, d’autre part, à l’intérêt de l’opération, les mesures de précaution dont l’opération est assortie afin d’éviter la réalisation du dommage ne sont ni insuffisantes, ni excessives ; qu’il appartient au juge, au vu de l’argumentation dont il est saisi, de vérifier que l’application du principe de précaution est justifiée, puis de s’assurer de la réalité des procédures d’évaluation du risque mises en œuvre et de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation dans le choix des mesures de précaution »[38]. Ce principe trouve également à s’appliquer dans les nouvelles techniques et nouveaux défis, telle la fixation des valeurs limites d’exposition du public aux champs électromagnétiques émis par les équipements de téléphonie mobile [39], la taille des filets de pêche [40], la suspension des jouets et articles de puériculture destinés à être mis en bouche par des enfants de moins de 3 ans [41] en raison du caractère potentiellement dangereux des phtalates ajoutés dans le PVC et destinés à rendre le plastique souple ou encore sur des spécialités pharmaceutiques dans le cadre de la pharmacovigilance [42] ou encore les néonicotinoïdes [43]. D’ailleurs, le TA de Nice a eu à se prononcer [44] à propos de l’AMM du produit phytopharmaceutique « Closer », qui est un insecticide ayant pour effet d’agir sur le système nerveux central des insectes. Le Tribunal niçois l’a annulée au nom du principe de précaution après avoir relevé que « [s]i l’ANSES et la société Dow Agrosciences font valoir que l’utilisation de l’insecticide est assortie de mesures d’atténuation des risques, telles que l’absence d’application du produit durant la période de floraison, ces mesures ne peuvent être regardées comme suffisantes dès lors qu’elles présentent une portée générale et ne sont assorties d’aucune obligation pour les utilisateurs du produit. Dans ces conditions, l’existence d’un risque pour les pollinisateurs doit être regardée comme une hypothèse suffisamment plausible en l’état des connaissances scientifiques. Par suite, en autorisant la mise sur le marché des produits « Transform » et « Closer », le directeur de l’ANSES a méconnu le principe de précaution ainsi que l’article 4 du règlement (CE) n° 1107/2009 ».

57Plus récemment, la Haute assemblée a jugé à propos de l’utilisation de variétés de plantes rendues tolérantes aux herbicides (VRTH) qu’il appartient à l’autorité administrative de rechercher s’il existe, en lien avec leurs caractéristiques ou les modalités d’utilisation qui leur sont propres, des éléments circonstanciés de nature à accréditer l’hypothèse d’un risque de dommage grave et irréversible pour l’environnement ou d’atteinte à l’environnement susceptible de nuire de manière grave à la santé, qui justifierait, en dépit des incertitudes subsistant quant à sa réalité et à sa portée en l’état des connaissances scientifiques, l’application du principe de précaution. Si cette condition était remplie, il lui incombe de veiller à ce que des procédures d’évaluation du risque identifié soient mises en œuvre par les autorités publiques ou sous leur contrôle et de vérifier que, eu égard, d’une part, à la plausibilité et à la gravité du risque, d’autre part, à l’intérêt que représentent ces variétés, des mesures de précaution soient prises, allant le cas échéant jusqu’aux interdictions sollicitées, afin d’éviter la réalisation du dommage [45].

58S’agissant des produits phytopharmaceutiques, le raisonnement à tenir vient d’être rappelé : « 5. Il résulte de ces dispositions que le législateur a organisé une police spéciale de la mise sur le marché, de la détention et de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques, confiée à l’État et dont l’objet est, conformément au droit de l’Union européenne, d’assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine et animale et de l’environnement tout en améliorant la production agricole et de créer un cadre juridique commun pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable, alors que les effets de long terme de ces produits sur la santé restent, en l’état des connaissances scientifiques, incertains. Les produits phytopharmaceutiques font l’objet d’une procédure d’autorisation de mise sur le marché, délivrée par l’agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail s’il est démontré, à l’issue d’une évaluation indépendante, que ces produits n’ont pas d’effet nocif immédiat ou différé sur la santé humaine. Il appartient ensuite au ministre chargé de l’agriculture ainsi que, le cas échéant, aux ministres chargés de la santé, de l’environnement et de la consommation, éclairés par l’avis scientifique de l’agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, de prendre les mesures d’interdiction ou de limitation de l’utilisation de ces produits qui s’avèrent nécessaires à la protection de la santé publique et de l’environnement, en particulier dans les zones où sont présentes des personnes vulnérables. » [46].

59Il résulte des principes sus énoncés que lorsque l’AAM délivrée est contestée, le contrôle juridictionnel se dédouble : le juge administratif, saisi en cas de litige portant sur le respect du principe de précaution garanti par l’article 5 de la Charte de l’environnement, devra opérer un contrôle de l’erreur d’appréciation de l’autorité administrative quant à l’existence de risques plausibles [47] et un contrôle limité à l’erreur manifeste d’appréciation quant aux choix des mesures de précaution, c’est-à-dire qu’il lui faut examiner et apprécier si les mesures adoptées ne sont pas manifestement insuffisantes [48]. Les manquements portés à ces deux temps du raisonnement justifient la confirmation de l’annulation de l’AMM querellée prononcée par le Tribunal administratif de Lyon dans le jugement contesté de première instance.

C – La position adoptée en première instance

60Le Tribunal a relevé que, « [e]u égard aux études scientifiques produites par les parties, à la synthèse critique effectuée par le CIRC concernant le glyphosate, à la position de l’EFSA admettant que les préparations à base de glyphosate peuvent être cancérogènes sans que le principe actif le soit, et à l’absence d’étude produite par l’ANSES permettant d’établir que le Roundup Pro 360 n’est pas cancérogène, ce produit doit être considéré comme une substance dont le potentiel cancérogène pour l’être humain est supposé eu égard aux données animales. ». Puis, après avoir énoncé que « la toxicité pour la reproduction du Typhon, produit identique au Roundup Pro 360, n’est pas étudiée dans l’avis de l’ANSES du 30 décembre 2008 » et que, se fondant sur l’avis de l’ANSES relatif au produit Typhon qui conclut que ce dernier produit doit être classé comme « toxique pour les organismes aquatiques », que, « [p]ar suite le Roundup Pro 360, de composition chimique identique au Typhon, est également nettement plus « toxique pour les organismes aquatiques » que le glyphosate », annule la décision contestée pour erreur d’appréciation au motif que « le Roundup Pro 360 est probablement cancérogène pour l’homme eu égard notamment au résultat des expériences animales, est une « substance suspectée d’être toxique pour la reproduction humaine » au regard des expériences animales et est particulièrement toxique pour les organismes aquatiques. Dès lors, malgré les précautions d’emploi fixées par la décision attaquée, qui préconise un délai minimal de 7 à 21 jours entre le traitement des cultures et la récolte et une distance de sécurité de cinq mètres pour les zones aquatiques adjacentes non traitées, l’utilisation du Roundup Pro 360, autorisée par la décision attaquée, porte une atteinte à l’environnement susceptible de nuire de manière grave à la santé ». Les différentes erreurs de droit invoquées mais non fondées pourront être neutralisées dans le cadre de l’effet dévolutif de l’appel.

VI – Le Roundup 360 au regard du principe de précaution

61Ce sont, sur les 700 000 tonnes annuellement produites, 9 100 tonnes qui ont été vendues en France en 2016, 8 800 tonnes vendues en 2017 et 9 700 tonnes en 2018. Le glyphosate est assez largement utilisé en France dans l’agriculture professionnelle, de même que par d’autres professionnels, à l’instar de la SNCF qui est le premier utilisateur en France (0,4 % des volumes en France, soit 40 tonnes annuelles) pour désherber les voies de chemins de fer et a annoncé au début de l’année 2021 avoir trouvé une alternative. L’objectif est sa réduction puis sa suppression, en 2020 puis en 2023 et dès lors que des solutions alternatives seront trouvées. On voit depuis quelques temps fleurir à l’entrée de certaines communes des panonceaux annonçant « 0 phyto » ou « 0 pesticide » pour l’entretien de leurs espaces verts.

A – L’absence actuelle de classement communautaire du glyphosate comme substance cancérogène

62L’autorisation d’utilisation du glyphosate dans l’Union européenne avait été approuvée jusqu’en juin 2016 puis prolongée jusqu’en novembre 2017 avant d’être renouvelée pour 5 ans jusqu’au 15 décembre 2022 [49]. Une nouvelle demande de renouvellement a été déposée en 2019 par le Glyphosate Renewal Group (CRG) et dont l’évaluation est en cours. Les pays rapporteurs désignés sont la France, la Hongrie, les Pays-Bas et la Suède. En France, la sortie a été annoncée au 1er janvier 2023, indépendamment donc du classement communautaire de cette substance.

63Selon l’article 4 du règlement n° 1107/2009 du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/CEE et 91/414/CEE du Conseil, « 1. Une substance active est approuvée conformément à l’annexe II s’il est prévisible, eu égard à l’état actuel des connaissances scientifiques et techniques, que, compte tenu des critères d’approbation énoncés aux points 2 et 3 de cette annexe, les produits phytopharmaceutiques contenant cette substance active satisfont aux conditions prévues aux paragraphes 2 et 3.b (…) 3. Un produit phytopharmaceutique, dans des conditions d’application conformes aux bonnes pratiques phytosanitaires et dans des conditions réalistes d’utilisation, satisfait aux conditions suivantes : (…) b) n’a pas d’effet nocif immédiat ou différé sur la santé humaine, y compris les groupes vulnérables, ou sur la santé animale, directement ou par l’intermédiaire de l’eau potable (compte tenu des substances résultant du traitement de l’eau), des denrées alimentaires, des aliments pour animaux ou de l’air, ou d’effets sur le lieu de travail ou d’autres effets indirects, compte tenu des effets cumulés et synergiques connus lorsque les méthodes d’évaluation scientifiques de ces effets, acceptées par l’Autorité, sont disponibles ; ou sur les eaux souterraines ; c) il n’a aucun effet inacceptable sur les végétaux ou les produits végétaux ; (…) ». L’annexe II relative à la « Procédure et critères d’approbation des substances actives, phytoprotecteurs et synergistes conformément au chapitre II » précise en son point 3.6.3 que « [u]ne substance active, un phytoprotecteur ou un synergiste n’est approuvé(e) que si, sur la base de l’évaluation de tests de carcinogénicité effectués conformément aux exigences en matière de données pour les substances actives, les phytoprotecteurs ou les synergistes et d’autres données et informations disponibles, notamment une analyse de la documentation scientifique examinée par l’Autorité, il/elle n’est pas – ou ne doit pas être – classé(e) cancérogène de catégorie 1A ou 1B conformément aux dispositions du règlement (CE) n° 1272/2008, à moins que l’exposition de l’homme à cette substance active, ce phytoprotecteur ou ce synergiste contenu dans un produit phytopharmaceutique ne soit négligeable dans les conditions d’utilisation réalistes proposées, c’est-à-dire si le produit est mis en œuvre dans des systèmes fermés ou dans d’autres conditions excluant tout contact avec l’homme et si les résidus de la substance active, du phytoprotecteur ou du synergiste en question dans les denrées alimentaires et les aliments pour animaux ne dépassent pas la valeur par défaut fixée conformément à l’article 18, paragraphe 1, point b), du règlement (CE) n° 396/2005 ». Le classement en catégorie 1 a trait aux cancérogènes avérés ou présumés pour l’être humain. Le classement en catégorie 1A réunit, selon le tableau 3.6.1 du règlement n° 1272/2008, « les substances dont le potentiel cancérogène pour l’être humain est avéré, la classification dans cette catégorie s’appuyant largement sur des données humaines » ou dans la catégorie 1B « les substances dont le potentiel cancérogène pour l›être humain est supposé ; la classification dans cette catégorie s’appuyant largement sur des données animales. », étant précisé que «[l] a classification dans les catégories 1A et 1B est fondée sur la force probante des données et sur d’autres considérations (voir point 3.6.2.2). Les données peuvent provenir : - d’études sur l’être humain qui font apparaître un lien de causalité entre l’exposition humaine à une substance et l’apparition du cancer (cancérogène avéré pour l’être humain) ou - d’études animales dont les résultats sont suffisamment probants (1) pour démontrer le pouvoir cancérogène sur les animaux (cancérogène supposé pour l’être humain). De plus, un jugement scientifique peut décider au cas par cas d’assimiler une substance à un cancérogène supposé pour l’être humain s’il existe des indications fournies à la fois par des études humaines et des études animales. ». La catégorie 2 a trait aux substances suspectées d’être cancérogène pour l’homme et repose sur des résultats provenant d’études humaines et/ou animales, mais insuffisamment convaincants pour classer la substance dans la catégorie 1A ou 1B, et tient compte de la force probante des données et d’autres considérations.

64Ainsi qu’il a été dit, le glyphosate relève des substances actives, c’est-à-dire qu’il est considéré par la Commission européenne comme n’ayant pas d’effet nocif immédiat ou différé sur la santé humaine. Saisie d’une demande de réexamen interne de son règlement d’exécution (UE) 2016/1056 du 29 juin 2016 prolongeant la période d’approbation de la substance active « glyphosate », la Commission a refusé et cette décision a été jugée légale par le Tribunal de l’Union européenne, puis confirmée par la CJUE [50], mais non pas pour un motif de fond mais parce que ce refus ne constitue pas un « acte administratif » qui n’est dès lors pas susceptible de recours.

65Cependant, la circonstance que cette substance a été approuvée par les autorités communautaires ne fait évidemment nullement obstacle à ce que soit appréciée ou non l’existence d’un risque de dommage grave et irréversible pour l’environnement ou d’atteinte à l’environnement susceptible de nuire de manière grave à la santé, justifiant l’application du principe de précaution.

B – L’existence certaine d’un risque plausible pour la santé humaine

66La première question à trancher est celle de savoir s’il existe ou non un risque plausible pour la santé humaine. Autrement dit, l’existence d’un risque n’a nullement à être avérée ou certaine.

1 – L’appréciation de l’existence de risques par l’autorité administrative

67Selon l’article R. 253-5 du Code rural et de la pêche maritime, «[l]es décisions relatives aux demandes d’autorisation de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et des adjuvants vendus seuls ou en mélange ainsi qu’aux demandes de modification, de renouvellement ou de retrait de cette autorisation sont prises par le directeur général de [l’ANSES]. ». Il incombe ainsi à l’autorité compétente, en l’espèce l’ANSES [51], d’apprécier la demande d’AMM au regard des principes nationaux et notamment celui de précaution. Aussi, l’autorité administrative compétente ne peut-elle légalement autoriser la mise sur le marché d’un produit phytopharmaceutique que si les substances actives contenues dans ce produit sont inscrites sur la liste communautaire des substances actives autorisées ou bénéficient d’une dérogation prévue par la réglementation communautaire, et après que l’instruction de la demande d’autorisation a établi l’innocuité, l’efficacité et la sélectivité du produit [52].

68Son appréciation sera notamment déterminée et fondée sur l’évaluation des risques, lesquels se définissent par le rapport combiné entre un aléa et une vulnérabilité, c’est-à-dire une probabilité de survenance. Aussi le propos selon lequel ce produit ne serait pas dangereux est dépourvu de pertinence. En droit interne, il appartient à l’ANSES, dans le cadre d’une demande d’autorisation de la mise sur le marché d’un produit phytopharmaceutique, de procéder à une évaluation complète des risques que ce produit peut présenter pour la santé humaine ou animale ou pour l’environnement, en tenant compte, le cas échéant, des effets synergiques entre la substance active et les autres substances entrant dans la composition du produit lorsque leur prise en compte est pertinente pour l’évaluation de ces risques [53]. C’est ainsi, par exemple, que la présence et l’influence des néonécotinoïdes ont été à l’origine de divers litiges [54] et vous avez d’ailleurs eu à vous prononcer s’agissant de l’autorisation de mise sur le marché du produit phytopharmaceutique « Cheyenne », destiné à traiter le sol contre les taupins du maïs, du maïs doux et du sorgho [55].

2 – L’appréciation juridictionnelle de l’existence de risque(s) plausible(s)

69Ainsi que le démontre la pandémie actuelle de Covid, se pose la question des expertises scientifiques, de leur caractère méthodologique, voire de leur légitimité et ce, alors que les protocoles ne sont pas identiques.

a – Du risque plausible au risque acceptable

70Le risque zéro n’existe pas et les pouvoirs publics doivent se prononcer sur les risques socialement « acceptables ». Ce n’est pas votre fonction que de qualifier ces risques car il s’agit d’une décision politique. La vôtre est d’examiner si les risques qui existent, c’est-à-dire avérés, présentent ou non un caractère « plausible ». Selon la jurisprudence, l’existence d’un risque doit être regardée comme une hypothèse suffisamment plausible en l’état des connaissances scientifiques du moment pour justifier l’application du principe de précaution [56] et, par suite, la décision de refus contestée, à moins que les mesures prises soient suffisantes pour éviter la réalisation du dommage [57]. C’est à ce stade que les expertises scientifiques prennent toute leur importance et il n’est pas nécessaire de justifier de l’existence d’un lien de causalité direct [58]. Ainsi que l’explique Christine Noiville dans son ouvrage de référence Du bon gouvernement des risques – Le droit et la question du risque acceptable[59], « [l]a répartition des rôles paraît claire. C’est à l’État qu’il revient d’apprécier, au regard des impératifs sanitaires, politiques, sociaux ou économiques, l’acceptabilité du risque. Le juge, lui, se contente d’en vérifier la plausibilité. Claire, la répartition est aussi décisive du point de vue de la marge de manœuvre laissée aux États. Un risque vérifié comme plausible peut être estimé inacceptable par l’un d’entre eux, peu important par ailleurs les jugements de valeurs de tous ordres qui le conduisent à une telle qualification » [60].

b – Des expertises aux résultats divergents

71Les parties débattent sur de très nombreuses pages de leurs mémoires sur les expertises. Ces dernières ne peuvent être comparées et leurs conclusions opposées. Certaines expertises évaluent la substance active seule et d’autres la formulation commerciale en se fondant sur la littérature scientifique, publiée et/ou non publiée. D’où les conclusions divergentes. C’est ainsi par exemple que des agences sanitaires ont eu à se prononcer sur le risque du produit devant être commercialisé, c’est-à-dire apprécier l’exposition à un danger, là où d’autres études vont apprécier le danger, c’est-à-dire, intrinsèquement, la source potentielle d’effets nocifs, non pas du produit commercial, mais de la seule molécule de glyphosate, ainsi que l’a fait par exemple le CIRC.

72Il est par ailleurs difficilement possible de passer sous silence l’épisode des « Monsanto Paper’s » (suivi de la révélation en 2019 du fichage de personnalités selon leur position par rapport au glyphosate), la campagne de désinformation engagée dès 1984 par la SA Monsanto révélée à la suite de la déclassification et transmission de documents internes à la société ordonnées par la justice fédérale américaine le 16 mars 2017, analysées notamment par le journal Le Monde ayant révélé la volonté de peser sur les expertises scientifiques au moyen notamment de ghostwriting et d’experts ayant des conflits d’intérêts. Depuis, les accusations se poursuivent. Ainsi, par exemple, l’ANSES a lancé un appel d’offres pour apprécier le potentiel cancérogène du glyphosate, remporté par l’Institut Pasteur de Lille, mais les accusations de conflits d’intérêts portées en juin-juillet 2020 ont été à l’origine du retrait dudit Institut. Les débats sont pollués, intoxiqués dirions-nous [61], ainsi depuis des quinquennats par des accusations diverses de partialité et de manque de rigueur scientifique, quand il ne s’agit pas de fraude.

73En outre, la presse nationale s’en fait suffisamment l’écho, plusieurs juridictions étrangères, notamment états-uniennes, puisque la SAS Bayer devait affronter 48 600 recours en responsabilité dénombrés en 2020, ont condamné la SAS Monsanto à verser des indemnités à des utilisateurs de produits phytosanitaires contenant du glyphosate, notamment la Cour supérieure de San Francisco dans l’arrêt Dewayne Jonhson le 10 août 2018 (indemnité de 289 millions de dollars) [62]. D’autres décisions ont également été rendues en ce sens par la suite, à l’instar de la condamnation par le Tribunal fédéral de San Francisco le 28 mars 2019 de la SAS Bayer à verser 80,3 millions de dollars, réduite à 25 millions de dollars à la suite d’un premier appel, à M. Edwin Hardeman en raison d’un défaut d’information lié à l’utilisation du Roundup, lequel a été considéré comme un facteur substantiel du lymphome non hodgkinien dont souffre le plaignant. Cette décision vient d’être confirmée le 7 mai 2021 par une Cour d’appel de Californie. La Cour supérieure d’Oakland a également condamné la société, le 13 mai 2019, pour le cancer des époux Pilliod pour un montant total de 2,045 milliards de dollars.

74Vous ne résoudrez évidemment pas aujourd’hui ce débat national mais devrez trancher le litige au regard des éléments dont vous disposez. Cependant, les expertises fournies ici et contradictoires ne doivent pas vous donner l’impression d’être une agence, ni d’agir comme telle [63], ni même comme autorité politique. Votre office est finalement assez « simple », sans être simpliste pour autant : vous n’avez pas à prendre position sur la question de la dangerosité du glyphosate, mais seulement à déterminer si, en l’état des connaissances scientifiques dont vous disposez, il existe un risque, plausible.

  • Les positions des instances régulatrices depuis 2003

75La position des autorités dites « régulatrices », c’est-à-dire les institutionnelles, aux États-Unis (voir la déclaration de 2017 de l’Environmental Protection Agency’s – EPA) comme en Europe, à l’instar de l’EFSA (European Food Safety Authority - Autorité européenne de sécurité des aliments) et de l’ECHA (Agence européenne des produits chimiques), n’ont pas classé le glyphosate dans la liste des produits cancérogènes. Ce mouvement fait suite à la position initiale adoptée sur ce point dès 2003, année de désignation de l’Allemagne en qualité d’État Membre (EM) rapporteur. À cette fin, l’Institut Fédéral allemand pour l’Évaluation des Risques (German Federal Institute for Risk Assessment ou BfR) a réalisé une évaluation sanitaire du glyphosate (RAR) et remis son rapport en décembre 2013 concluant que le glyphosate ne paraissait pas susceptible de poser un risque cancérigène aux humains et qu’il n’y avait « aucune preuve d’un potentiel de génotoxicité ». L’impartialité de ses membres a été remise en cause au motif que nombre d’entre eux sont ou seraient liés à l’industrie agroalimentaire. Le Bfr réévaluera finalement son expertise en août 2015 et reconnaîtra qu’il y avait des résultats positifs de cancérogénicité dans plusieurs études animales. Cet épisode sera suivi en janvier 2019 d’une dénonciation pour plagiat incitant l’institution à répondre sur son site.

76Sur la base de ce premier rapport, l’EFSA a évalué sur la base de 6 études relatives aux rats et 4 études relatives aux souris, le seul glyphosate, c’est-à-dire la substance active, et donc l’approche scientifique n’est pas la même, et en a conclu dans son rapport du 12 novembre 2015 : « Peer review of the pesticide risk assessment of the active substance glyphosate » que « that glyphosate is unlikely to pose a carcinogenic hazard to humans and the evidence does not support classification with regard to its carcinogenic potential according to Regulation (EC) No 1272/2008 ».

77L’ANSES, dans son avis n° 2015-SA-0093 du 9 février 2016, a estimé nécessaire que le classement du glyphosate soit rapidement revu par l’ECHA faisant suite à l’expertise réalisée par le Groupe d’Expertise Collective d’Urgence (GECU) pointant notamment l’absence de caractère homogène des résultats des études épidémiologiques et concluant que « le niveau de preuve de cancérogénicité chez l’animal et chez l’homme peut être considéré comme relativement limité et ne permet pas de proposer un classement 1B ». En revanche, elle a estimé nécessaire que le classement du glyphosate soit rapidement revu par ECHA et qu’une classification comme substance suspectée d’être cancérogène pour l’homme pourrait être discutée au terme d’une analyse détaillée de l’ensemble des études.

  • La position du CIRC en 2005

78Fondée sur la seule littérature scientifique publiée, et sur les données industrielles à la différence d’autres expertises, le CIRC (Centre International de Recherche sur le Cancer) ou International Agency for Research on Cancer (IARC), qui relève de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), a classé, en mars 2015 dans un article publié dans The Lancet Oncology, dans le groupe 2A [64] le glyphosate comme cancérogène probable, notamment pour le lymphome non hodgkinien ou LNH (forme de cancer du sang se développant à partir des lymphocytes) et dont le sur-risque est évalué entre 36 et 41 %, l’étude reposant sur toutes les formulations contenant du glyphosate. La molécule est donc probablement dangereuse pour l’homme et c’est cette étude indépendante qui fonde et/ou alimente depuis le mouvement de contestation contre le glyphosate en général et la SA Monsanto/Bayer en particulier. Il est d’ailleurs truculent de remarquer que le site internet du ministère de l’Agriculture pour expliquer et justifier la sortie du glyphosate se fonde sur cette étude de la CIRC que l’ANSES critique négativement dans ses écritures.

79De plus, l’association défenderesse produit de nombreux rapports, expertises et autres méta-analyses intervenus et publiés depuis l’AMM contestée et auxquels nous vous renvoyons. Vous pourrez les prendre en compte dès lors qu’il est admis que si la légalité d’une décision s’apprécie au regard de la situation de fait existant à la date à laquelle elle a été prise, celle-ci peut être au besoin éclairée par des éléments d’information connus ultérieurement [65].

80Toutefois, et c’est là une des faiblesses dans ce dossier, si ce n’est LA faiblesse, la SAS Bayer comme l’ANSES se contentent de critiquer de manière négative tous ces rapports, alors qu’ils supportent la charge de la preuve de l’absence de risque plausible du Roundup 360 pour la santé humaine [66].

c – Les éléments de réflexion

81Par nature, le Roundup est dangereux pour les plantes puisque tel est son objet et c’est pourquoi il ne doit pas être pulvérisé à moins de 5 mètres des habitations. Reste à savoir quelle est sa dangerosité pour les sols, les animaux et la santé humaine, via la consommation de produits ainsi traités et consommés.

  • L’existence avérée de dangers pour les animaux

82L’existence d’un risque est admise s’agissant des animaux. Selon l’AMM, le Roundup 360 est classé en catégorie 3 car il présente un danger pour le milieu aquatique et l’étiquette doit porter la mention suivante « : « H 412 : nocif pour les organismes aquatiques, entraîne des effets néfastes à long terme ». Aussi les zones à traiter doivent-elles être situées à 5 mètres par rapport aux points d’eau, de même que cette distance pour la faune comme pour la flore. Qu’en est-il de la santé humaine ?

  • L’existence de risque plausible pour la santé humaine

83Comme il a été dit, le glyphosate est soupçonné d’être à la fois cancérogène et un perturbateur endocrinien. Le seul élément certain dans cette affaire est que les expertises ne sont pas unanimes s’agissant de la dangerosité du glyphosate quant à son caractère cancérogène, sans même parler du risque possible qu’il puisse également être un perturbateur endocrinien, lequel n’est classé par la Commission européenne ni en catégorie 1 ni en catégorie 2 des substances cancérogènes au sens du règlement n° 1272/2008 du 16 décembre 2008 relatif à la classification, à l’étiquetage et à l’emballage des substances et des mélanges.

84Sur ce premier point quant au caractère cancérogène du Roundup, et alors qu’il est établi de manière quasi certaine que le glyphosate se retrouve dans toutes les urines, preuve de son usage intensif à l’origine de son absorption par l’homme, cette question a été très largement débattue, les expertises scientifiques ne sont pas unanimes et les nombreuses études effectuées comme celles produites n’ont pas toutes été réalisées dans les mêmes conditions [67]. En première instance, le Tribunal s’est fondé, d’une part, sur la circonstance que le CIRC a estimé, sur la base d’une monographie exhaustive des publications scientifiques en mars 2015, que le glyphosate était probablement cancérogène pour les hommes eu égard notamment aux résultats des expériences animales et l’EFSA admettant que les préparations à base de glyphosate peuvent être cancérogènes sans que le principe actif le soit, et, d’autre part, que l’ANSES ne produit pas d’études établissant le caractère non cancérogène du Roundup Pro 360.

85Sur le second point, le glyphosate pourrait ainsi aussi être un perturbateur endocrinien, c’est-à-dire, pour faire simple, qu’il pourrait à être à l’origine d’un dysfonctionnement ou une altération du génome en endommageant l’ADN. Ce risque a été dénoncé dès 1999 par le Docteur James Perry qui a alerté la SA Monsanto. Trente ans plus tard, dans un communiqué de presse du 9 décembre 2019, l’ANSES a annoncé le retrait de 36 produits à base de glyphosate en 2020 car elle procède au réexamen des AMM des produits à base de glyphosate commercialisés en France puisque les données scientifiques ne permettent pas d’écarter tout risque génotoxique, lequel devait être fini au 31 décembre 2020.

86Il existe dès lors – et sans incertitude ! – une incertitude scientifique dans le sens où l’absence de dangerosité pour la santé humaine n’est pas établie, alors que la demande d’autorisation doit justement établir l’innocuité du produit [68]. C’est ce rappelle la décision Commune d’Arcueil précitée : « Les produits phytopharmaceutiques font l’objet d’une procédure d’autorisation de mise sur le marché, délivrée par l’agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail s’il est démontré, à l’issue d’une évaluation indépendante, que ces produits n’ont pas d’effet nocif immédiat ou différé sur la santé humaine ». Il existe un risque, plausible, ce qui nous semble d’autant moins discutable ou contestable qu’une réévaluation est en cours, ainsi qu’il a été dit et que l’ANSES a retiré 36 produits sur 69 à base de glyphosate en décembre 2019.

87Mais ce n’est pas parce qu’il existe un risque que l’AMM doit être refusée. Il peut y avoir des mesures destinées à les limiter, les réduire ou les compenser. Il s’agit de la seconde étape. Vous verrez en l’espèce que vous ne disposez que peu d’éléments. Quels sont-ils ?

3 – L’absence de mesure de précaution manifestement suffisante

88Lorsque le risque est plausible, des mesures correctives doivent être prises et le projet pourra être refusé si les mesures prises ne peuvent être regardées comme manifestement insuffisantes au regard de l’objectif consistant à parer à la réalisation du dommage [69].

89L’AMM contestée comporte des prescriptions quant à l’utilisation, mais rien de nature à limiter les risques. Ainsi qu’il a été dit, la seule mesure concerne l’étiquetage dans la catégorie H 412 qui correspond aux produits nocifs pour les organismes aquatiques. Aucune précaution particulière pour la santé humaine n’est précisée ni aucune mention sur l’étiquetage imposée hormis la protection classique de l’opérateur et du travailleur avec seulement le port d’une combinaison de travail dédié avec le respect de règles d’hygiène. Il s’agit ainsi de se protéger des risques cutanés [70]. Ce seul étiquetage est manifestement insuffisant au regard des risques susévoqués.

4 – La circonstance sans incidence : l’AMM du Typhon

90De très nombreux développements sont consacrés au Typhon à la composition identique qui a fait l’objet d’évaluations par l’AFSSA puis l’ANSES préalablement à sa mise sur le marché. Mais ce n’est pas parce qu’un acte est édicté que les autres le sont et cette circonstance est sans incidence, dès lors que l’AMM concernant ce produit délivré n’a pas été réévaluée depuis 2013 à l’aune du dernier état des connaissances scientifiques.

91Dans ces conditions, nous vous proposons de confirmer le moyen d’annulation retenu en première instance et de confirmer le jugement entrepris. Vous rejetterez les conclusions présentées par les appelants au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du Code de justice administrative, mais pourrez condamner la société Bayer Seeds S.A.S et l’ANSES à verser au CRIIGEN une somme de 4 000 € sur les 10 000 € au titre de ces mêmes dispositions.

92Par ces motifs, nous concluons au rejet des requêtes.


Date de mise en ligne : 28/01/2022

Notes

  • [1]
    Ch. Mestre, « La saga du glyphosate. Retour à quelques pathologies du système de l’Union », Revue de droit rural 2018, n° 465, Étude 14.
  • [2]
    Ce qui sera à l’origine du développement par la SA Monsanto de plantes transgéniques « Roundup Ready » résistantes aux traitements par le Roundup, pour éviter ainsi à l’utilisateur de cibler les endroits et/ou plants à traiter. Voir également parmi les nombreuses références, M.-M. Robin, Le monde selon Monsanto - De la dioxine aux OGM, une multinationale qui vous veut du bien, La Découverte, 2009, 390 p., spéc. p. 80 et s. Dans ce prolongement, M.-M. Robin, Le Roundup face à ses juges, La Découverte, 2018.
  • [3]
    CE 7 mars 2012, CRIIGEN, n° 329249,
  • [4]
    Selon l’article 83 de ce texte, « [s]ont interdits à compter du 1er janvier 2022 la production, le stockage et la circulation de produits phytopharmaceutiques contenant des substances actives non approuvées pour des raisons liées à la protection de la santé humaine ou animale ou de l’environnement conformément au règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 précité, sous réserve du respect des règles de l’Organisation mondiale du commerce. »
  • [5]
    Voir H. Bosse-Platière et J.-B. Millard, « L’utilisation des produits phytopharmaceutiques après la loi EGALIM : l’agriculture autrement », Revue de droit rural 2019, n° 472, Dossier n° 25.
  • [6]
    Voir en ce sens, CE 5 octobre 2011, Union nationale de l’apiculture française, n° 346508 (à propos de l’AMM du produit phytopharmaceutique Cruiser 350 de la société Syngenta Agro SAS).
  • [7]
    Voir le commentaire de C. Hermon, « Le glyphosate face au principe de précaution », AJDA 2019, p. 1122.
  • [8]
    Énergie - Environnement - Infrastructures 2019, comm. n° 17, note E. Gaillard.
  • [9]
    Écouter Quand les pesticides tuent : le combat de Paul François contre Monsanto, Affaires sensibles, France Inter, 13 septembre 2018.
  • [10]
    Le pourvoi en cassation a été rejeté : Cass. civ., 1ère, 21 octobre 2020, n° 19-18.689, sera publiée au Bulletin ; Énergie - Environnement - Infrastructures 2021, comm. n° 15, note M. Bacache.
  • [11]
    CE 1er juin 1953, n° 98665, p. 254.
  • [12]
    Par exemple, CE 31 mars 1999, Société Malet et Société Grégory, n° 178397.
  • [13]
    Par exemple, CE 5 juillet 1972, SA de transit et de consignation, n° 80671, Rec. p. 519 ; CE 5 octobre 1977, Association de défense des Creillois de la rive gauche et Merlette, n° 01996, Rec. tables, p. 929.
  • [14]
    CE 10 mars 2020, Société Libb 2 et Tane, n° 430550.
  • [15]
    CE 19 juin 2013, n° 347346. Voir également CE 28 septembre 2020, Commune du Lavandou, n° 423087.
  • [16]
    CE 6 novembre 1936, Rec. p. 966. Voir également, CE, Ass., 5 mars 1999, Rouquette, Rec. p. 37, RFDA 1999, p. 357, concl. Ch. Maugüé ; AJDA 1999, p. 420, chron. P. Raynaud et P. Fombeur.
  • [17]
    Pour un rappel récent, voir CE, ord., 15 mars 2021, Association Terre d’abeilles et autres, n° 450194.
  • [18]
    Décision n° 2004-496 DC du 10 juin 2004, Loi pour la confiance dans l’économie numérique : « § 7. (…) La transposition en droit interne d’une directive communautaire résulte d’une exigence constitutionnelle à laquelle il ne pourrait être fait obstacle qu’en raison d’une disposition expresse contraire de la Constitution ; qu’en l’absence d’une telle disposition, il n’appartient qu’au juge communautaire, saisi le cas échéant à titre préjudiciel, de contrôler le respect par une directive communautaire tant des compétences définies par les traités que des droits fondamentaux garantis par l’article 6 du Traité sur l’Union européenne ».
  • [19]
    Voir D. Simon, « L’arrêt Sarran : dualisme incompressible ou monisme inversé, chronique », Europe, mars 1999, p. 4. Voir également, D. Alland, « Consécration d’un paradoxe : primauté du droit interne sur le droit international », RFDA 1998, p. 1094.
  • [20]
    Ainsi que l’explique Ch. Maugüé, « [s]ans doute l’arrêt Sarran reconnaît-il la suprématie de la Constitution sur les traités. Pour autant, rien n’indique que le Conseil d’État ait entendu se faire juge de la conformité d’un traité à la Constitution ou qu’il accepte à terme de se faire juge de la constitutionnalité des lois par voie d’exception. Non seulement l’arrêt Sarran ne dit mot de l’autorité à laquelle incombe ce contrôle, mais de plus le Conseil d’État n’y a pas procédé à la confrontation entre un traité et la Constitution. De fait, l’arrêt n’a pas fait prévaloir une disposition constitutionnelle sur une norme internationale au motif que celle-ci serait incompatible avec celle-là : il s’est borné à constater que dans le cas d’espèce, la Constitution formait un écran entre l’acte administratif et les traités internationaux invoqués. Comme ont pu le constater certains commentateurs, rares seront les cas où l’écran constitutionnel présentera une telle opacité, les actes administratifs n’entretenant normalement qu’un rapport beaucoup plus lointain avec la norme constitutionnelle », in « L’arrêt Sarran, entre apparence et réalité », Les cahiers du Conseil constitutionnel, n° 7, décembre 1999, La hiérarchie des normes.
  • [21]
    Voir CE 3 octobre 2016, Confédération paysanne et autres, n° 388649, Rec. p. 400, Énergie - Environnement - Infrastructures, 2017, comm. n° 3, concl. E. Cortot-Boucher, AJDA 2017, p. 288, note F. Tarlet et G. Léonard, RTD eur. 2017, p. 322, obs. D. Ritleng : lorsque le juge est saisi d’un moyen tiré de la méconnaissance d’une disposition ou d’un principe de valeur constitutionnelle, il doit rechercher s’il existe une règle ou un principe général du droit de l’Union européenne qui, eu égard à sa nature et à sa portée, tel qu’il est interprété en l’état actuel de la jurisprudence du juge de l’Union, garantit par son application l’effectivité du respect de la disposition ou du principe constitutionnel invoqué. Dans l’affirmative, il y a lieu pour le juge administratif, afin de s’assurer de la constitutionnalité du décret, de rechercher si la directive que ce décret transpose est conforme à cette règle ou à ce principe général du droit de l’Union. Il lui revient, en l’absence de difficulté sérieuse, d’écarter le moyen invoqué, ou, dans le cas contraire, de saisir la CJUE d’une question préjudicielle.
  • [22]
    CJUE, 18 mai 2021, Asociaţia « Forumul Judecătorilor Din România » c/ Inspecţia Judiciară, aff. C-83/19.
  • [23]
    CJUE, 6 octobre 2020, La Quadrature du Net e. a., aff. C-511/18, C-512/18 et C-520/18.
  • [24]
    Article 130 R.
  • [25]
    Communication de la Commission européenne du 2 février 2000 sur le recours au principe de précaution, Doc. COM (2000)1 final.
  • [26]
    TPICE, 26 novembre 2002, Artegodan, aff. T-74/00, §184 : le principe de précaution est « un principe général de droit communautaire, imposant aux autorités compétentes de prendre des mesures appropriées en vue de prévenir certains risques potentiels pour la santé publique, la sécurité et l’environnement, en faisant prévaloir les exigences liées à la protection de ces intérêts sur les intérêts économiques ».
  • [27]
    CJUE, 1er octobre 2019, Blaise et autres, aff. C-616/17, Europe 2019, comm. n° 508, note S. Roset.
  • [28]
    CJUE, 1er octobre 2019, Blaise et autres, aff. C-616/17, préc.
  • [29]
    CE 8 juillet 2020, Association de défense des ressources marines, n° 428271, Rec. tables.
  • [30]
    Voir G. Viney et Ph. Kourilsky, Le principe de précaution, Rapport au Premier ministre, Odile Jacob, 2000, 405 p. Voir également A. Gossement, Le principe de précaution – Essai sur l’incertitude scientifique sur la décision et la responsabilité publiques, L’Harmattan, Logiques juridiques, 2003, 527 p.
  • [31]
    Voir CE 4 janvier 1995, Ministre de l’intérieur c/ Rossi, note O. Sachs, CJEG, 1995, p. 232. Ce principe sera consacré par le législateur avec la loi n° 95-101 du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l’environnement, dite « Loi Barnier », qui inscrit le principe de précaution à l’article L. 200-1 du Code rural, désormais défini à l’article L. 110-1 du Code de l’environnement.
  • [32]
    Voir J.-C. Rotoullié, « Le contentieux environnemental », AJDA 2020, p. 209. Voir également Ch. Huglo et C. Lepage, « Protection de la santé, de l’environnement, de l’agriculture et de l’alimentation : la part éminente du contentieux », RDSS 2019, p. 51.
  • [33]
    Nous renvoyons ici à l’excellent article de S. Caudal, « Existe-t-il UN principe de précaution appliqué par le juge administratif ? Le juge administratif et le principe de précaution », RFDA 2017, p. 1061.
  • [34]
    CE 19 juillet 2010, Association du quartier « Les Hauts de Choiseul », n° 328687, Rec. p. 333 ; JCP A 2011, n° 2119, note Ph. Billet ; AJDA 2010, p. 2114, note J.-B. Dubrulle ; D. 2010, p. 2468, obs. F. G. Trébulle ; JCP G 2011, 55, note D. Del Prete et J.-V. Borel ; RDI 2010, p. 508, obs. P. Soler-Couteaux.
  • [35]
    CE 8 octobre 2012, Commune de Lunel, n° 342423, Rec. tables, p. 862 ; D. 2014, p. 104, obs. F. G. Trébulle ; RDI 2012, p. 643, note P. Soler-Couteaux.
  • [36]
    CE 28 janvier 2021, Bonnet et autres, n° 439764 (à propos des dispositions contestées des décrets prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de Covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire). À propos de la prescription, la dispensation et l’administration sous la responsabilité d’un médecin, de l’hydroxychloroquine aux patients atteints de Covid-19 en dehors de l’AMM, voir CE 28 mars 2020, Syndicat des médecins d’Aix et région et autres, n° 439936 et n° 441751, sera mentionné aux Tables.
  • [37]
    CE, Ass., 12 avril 2013, Association coordination interrégionale stop THT, n° 342409, Rec. p. 60, concl. A. Lallet ; Environnement 2013, comm. n° 54, note M. Guérin ; JCP A 2013, n° 2273, note N. Charmeil.
  • [38]
    Voir également CE 7 mars 2018, Association Robin des toits, n° 399727, Énergie - Environnement - Infrastructures, 2018, comm. n° 28, conclusions X. Domino.
  • [39]
    CE 7 mars 2018, Association Robin des toits, préc., jugeant que le Premier ministre n’avait pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en s’abstenant, de modifier les valeurs limites d’exposition du public en matière de téléphonie mobile dès lors que les conclusions des travaux scientifiques n’ont pas mis en évidence d’effet athermique de ces ondes sur l’homme entraînant des conséquences sanitaires délétères.
  • [40]
    CE 8 juillet 2020, Association de défense des ressources marines, n° 428271, jugeant que le ministre a méconnu les obligations découlant du principe de précaution en refusant de reconsidérer le niveau de la taille minimale des filets alors qu’aucune autre mesure adaptée n’était prise dès lors que de nombreux avis scientifiques concordants craignent une abondance des captures associée à l’incapacité d’une espèce de poissons à reconstituer une population de géniteurs suffisamment stable, pouvant conduire à un effondrement brutal de la ressource pour une longue durée et qui accréditent ainsi l’hypothèse d’un risque de dommage grave et irréversible pour l’environnement de nature à justifier, en dépit des incertitudes subsistant sur sa réalité et sa portée en l’état des connaissances scientifiques.
  • [41]
    CE 28 juillet 2000, Association FO Consommateurs et autres, n° 212115, Rec. p. 352.
  • [42]
    Voir, par exemple, à propos du Ketum 2,5 % gel, CE 7 juillet 2010, Société Menarini France, n° 335101, Rec. tables, p. 926.
  • [43]
    Voir par exemple, s’agissant de l’application de l’arrêté du 5 février 2021 de la ministre de la Transition écologique et du ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation autorisant provisoirement l’emploi de semences de betteraves sucrières traitées avec des produits phytopharmaceutiques contenant les substances actives imidaclopride ou thiamethoxame, CE, ord., 15 mars 2021, Association Terre d’abeilles et autres, n° 450194.
  • [44]
    TA Nice, 29 novembre 2019, Association Générations futures, Union nationale de l’apiculture française et Association agir pour l’environnement, n° 1704687, 1704689, 1705145 et 1705146, C+, Énergie 2020, n° 2, note C. Lepage ; Énergie - Environnement - Infrastructures n° 3, mars 2019, comm. n° 17, note E. Gaillard.
  • [45]
    CE 7 février 2020, Confédération paysanne et autres, n° 388649, Rec.
  • [46]
    CE 31 décembre 2020, Commune d’Arcueil, n° 439253, Rec.
  • [47]
    CE 19 juillet 2010, Association du quartier « Les Hauts de Choiseul », n° 328687, Rec. p. 333.
  • [48]
    Voir O. Godard, « Le principe de précaution et la proportionnalité face à l’incertitude scientifique », in Conseil d’État, Rapport public 2005 – Responsabilité et socialisation du risque, La Documentation française, p. 377.
  • [49]
    Règlement d’exécution (UE) 2017/2324 de la Commission du 12 décembre 2017 renouvelant l’approbation de la substance active « glyphosate » conformément au règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et modifiant l’annexe du règlement d’exécution (UE) n° 540/2011 de la Commission.
  • [50]
    CJUE 3 septembre 2020, Mellifera eV, aff. C-784/18, Droit rural n° 491, mars 2021, comm. n° 68, note Y. Petit.
  • [51]
    Voir par exemple à propos du refus d’abrogation des autorisations de mise sur le marché des produits commercialisés sous la marque Roundup ainsi que de l’ensemble des produits contenant du glyphosate opposé par le ministre de l’Agriculture à la demande : TA Paris, 12 mars 2021, Association CRIIGEN, n° 1906905/6-1, jugeant que « le ministre en charge de l’agriculture est fondé à soutenir dans ses écritures en défense qu’il n’était pas compétent pour prendre la décision d’abrogation sollicitée, une telle décision ne relevant que de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES). Par ailleurs, si le ministre était tenu de transmettre la demande de l’association CRIIGEN à l’autorité compétente en application des dispositions combinées des articles L. 1142, L. 114-3 et L. 231-4 du code des relations entre le public et l’administration ».
  • [52]
    CE 7 mars 2012, Mouvement pour les droits et le respect des générations futures et Maret, n° 332804, Rec. tables, p. 74.
  • [53]
    Ibid.
  • [54]
    Voir par exemple s’agissant de l’application de l’arrêté du 5 février 2021 de la ministre de la Transition écologique et du ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation autorisant provisoirement l’emploi de semences de betteraves sucrières traitées avec des produits phytopharmaceutiques contenant les substances actives imidaclopride ou thiamethoxame, CE, ord., 15 mars 2021, Association Terre d’abeilles et autres, n° 450194.
  • [55]
    CAA Lyon, 4 juin 2019, Union nationale de l’apiculture française, n° 17LY00929 (annulation du refus d’abrogation au motif que l’étude à laquelle s’est livrée l’ANSES, sur le fondement de laquelle le ministre a autorisé la mise sur le marché de la préparation « Cheyenne », repose sur une évaluation incomplète des effets de cette préparation qui n’est pas conforme à celle qu’exige la réglementation).
  • [56]
    CE, Ass., 12 avril 2013, Association coordination interrégionale stop THT, n° 342409, Rec. p. 60, concl. A. Lallet ; Environnement 2013, comm. n° 54, note M. Guérin ; JCP A 2013, n° 2273, note N. Charmeil.
  • [57]
    CE, Ass., 12 avril 2013, Association coordination interrégionale stop THT, préc.
  • [58]
    C’est ainsi par exemple que si aucun lien de cause à effet entre l’exposition résidentielle à des champs électromagnétiques de très basse fréquence et un risque accru de survenance de leucémie chez l’enfant n’a été démontré, plusieurs études concordantes ont, malgré leurs limites, mis en évidence une corrélation statistique significative entre le facteur de risque invoqué par les requérants et l’occurrence d’une telle pathologie supérieure à la moyenne. Par suite, l’existence d’un tel risque doit être regardée comme une hypothèse suffisamment plausible en l’état des connaissances scientifiques pour justifier l’application du principe de précaution (CE, Ass., 12 avril 2013, Association coordination interrégionale stop THT, préc.).
  • [59]
    PUF, 2003, 235 p.
  • [60]
    p. 155.
  • [61]
    Écouter Glyphosate, un débat empoisonné, La méthode scientifique, France Culture, 6 avril 2019.
  • [62]
    Voir Y. Petit, « Monsanto et le glyphosate sous les fourches caudines de la justice ! », Droit rural 2018, n° 467, Alerte 96.
  • [63]
    D. Guinard, « Les juges sont-ils des agences sanitaires ? Retour sur l’appréhension prétorienne de la dangerosité des produits phytopharmaceutiques », RDSS 2020, p. 3331.
  • [64]
    Ce classement comporte 4 groupes : Groupe 1 (agent cancérogène [parfois appelé cancérogène avéré ou cancérogène certain], Groupe 2A : agent probablement cancérogène, Groupe 2B : agent peut-être cancérogène (parfois appelé cancérogène possible), Groupe 3 : agent inclassable quant à sa cancérogénicité et Groupe 4 : agent probablement pas cancérogène.
  • [65]
    CE 31 août 2009, Commune de Crégols, n° 296458, Rec. p. 343, JCP A 2009, n° 2288, note J. Moreau, AJDA 2009, p. 1824, chron. S.-J. Liéber et D. Botteghi ; RJEP 2010, comm. 16, concl. C. de Salins, jugeant qu’ « une mesure de police n’est légale que si elle est nécessaire au regard de la situation de fait existant à la date à laquelle elle a été prise, éclairée au besoin par des éléments d’information connus ultérieurement ; que, toutefois, lorsqu’il ressort d’éléments sérieux portés à sa connaissance qu’il existe un danger à la fois grave et imminent exigeant une intervention urgente qui ne peut être différée l’autorité de police ne commet pas d’illégalité en prenant les mesures qui paraissent nécessaires au vu des informations dont elle dispose à la date de sa décision ; que la circonstance que ces mesures se révèlent ensuite inutiles est sans incidence sur leur légalité mais entraîne l’obligation de les abroger ou de les adapter ».
  • [66]
    CE 7 mars 2012, Mouvement pour les droits et le respect des générations futures et Maret, préc.
  • [67]
    Ainsi que l’a résumé et l’explique clairement Ch. Mestre : « 8. - L’opposition entre les conclusions du CIRC estimant le glyphosate « cancérogène probable » et celles des agences d’expertise officielles de l’Union, l’EFSA et l’ECHA jugeant improbables que cette substance active constitue une menace cancérogène pour l’homme, et donc dans l’impossibilité d’être classée dans la liste des substances cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction, est assez symptomatique des évaluations scientifiques que l’on présente généralement comme difficilement comparables. Pour tenter d’expliquer cette divergence d’opinions scientifiques, l’EFSA a avancé qu’elle avait pris en compte des études non retenues par le CIRC qui de son côté a répliqué qu’il utilisait uniquement des études publiques, publiées dans des revues scientifiques à comité de lecture et non pas des études industrielles non publiées comme l’EFSA. Concomitamment, cette dernière était mise en cause par diverses ONG et formations politiques à raison non seulement de son refus de divulguer les études sur lesquelles elle s’était appuyée pour conclure à l’innocuité du glyphosate mais également de la reprise dans son rapport sous forme de copié-collé d’une centaine de pages d’une étude rédigée par l’entreprise Monsanto en 2012. Même si un tel comportement a priori assez peu conforme avec ce que l’on est en droit d’attendre d’une agence d’expertise officielle a certainement décrédibilisé les conclusions de l’EFSA, il est surtout révélateur de la manière dont elle mène ses expertises, prisonnière autant d’un manque de moyens matériels et financiers que de la structuration de la recherche entre recherche publique et recherche privée. De manière générale les études sur les substances actives sont le fait de sociétés agrochimiques, réalisées dans leurs laboratoires ou leurs départements recherche, et soumises à protection par le droit de la propriété intellectuelle. Les agences d’expertise de l’Union n’ayant pas les moyens de mener des analyses alternatives, elles sont donc condamnées à utiliser soit des études protégées sans en révéler l’ensemble du contenu et la source, soit des études rendues publiques qui ne correspondent aux finalités de l’évaluation sur laquelle ces agences sont censées se prononcer. Ce paradoxe n’a d’ailleurs pas échappé au Parlement européen soucieux de reconsidérer le rôle et la place des agences d’expertise officielles. », in « La saga du glyphosate. Retour à quelques pathologies du système de l’Union », Revue de droit rural 2018, n° 465, Étude 14.
  • [68]
    CE 7 mars 2012, Mouvement pour les droits et le respect des générations futures et Maret, n° 332804, préc.
  • [69]
    CE, Ass., 12 avril 2013, Association coordination interrégionale stop THT, préc.
  • [70]
    C’est sur ce défaut d’étiquetage en raison du risque lié à l’inhalation que la SA Monsanto a été condamnée par la Cour d’appel de Lyon dans l’affaire du Lasso pour défaut d’information. La notice d’information du produit ne faisait apparaître ni la nécessité d’éviter l’inhalation de vapeurs et de réaliser en appareil clos toute opération industrielle, ni celle de porter, dans ce cas, un appareil de protection respiratoire et de ne jamais procéder à des travaux sur ou dans des cuves et réservoirs contenant ou ayant contenu du chlorobenzène sans prendre les précautions d’usage, cette préconisation renvoyant à la recommandation de la fiche toxicologique relative au chlorobenzène. Dans l’affaire dite du Lasso, la Cour de cassation a jugé que la Cour avait retenu que, « à l’issue d’une campagne d’épandage, l’intéressé a nettoyé la cuve de traitement, que la notice d’information du produit ne faisait apparaître ni la nécessité d’éviter l’inhalation de vapeurs et de réaliser en appareil clos toute opération industrielle, ni celle de porter, dans ce cas, un appareil de protection respiratoire et de ne jamais procéder à des travaux sur ou dans des cuves et réservoirs contenant ou ayant contenu du chlorobenzène sans prendre les précautions d’usage, cette préconisation renvoyant à la recommandation de la fiche toxicologique relative au chlorobenzène./ 31. De ces constatations et énonciations, ne procédant d’aucune dénaturation du rapport d’expertise et desquelles il résulte qu’elle ne s’est pas seulement fondée sur l’implication du produit dans la survenue des troubles ressentis par M. X…, la cour d’appel a pu déduire l’existence d’un lien causal entre le défaut et le dommage subi par celui-ci. ».

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