Notes
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[1]
NOR : TREL1919814J (non paru au JO).
-
[2]
Voir cette chronique, RJE 3/2020.
-
[3]
Art. 118 de la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019.
-
[4]
L’article 5 du projet de loi dispose qu’au IV de l’article L. 1111-9 CGCT « sont insérés un 5° et un 6° ainsi rédigés : 5° La transition énergétique au plan local ; 6° À la gestion de l’eau, de l’assainissement et de la prévention des déchets. », Projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale (TERB2105196L, legifrance.gouv.fr).
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[5]
NORTREL1934662A ELI : https://www.legifrance.gouv.fr/eli/arrete/2020/4/2/TREL1934662A/jo/texte.
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[6]
Non publiée, NOR : TREL2007176J.
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[7]
NOR:TREL2017306D, ELI : https://www.legifrance.gouv.fr/eli/decret/2020/12/30/TREL2017306D/jo/texte.
- [8]
-
[9]
NOR : TREP1902395L ELI : https://www.legifrance.gouv.fr/eli/loi/2020/2/10/TREP1902395L/jo/texte.
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[10]
NORTERB2016957D ELI : https://www.legifrance.gouv.fr/eli/decret/2020/12/11/TERB2016957D/jo/texte.
-
[11]
NOR:TREP2013741R ELI : https://www.legifrance.gouv.fr/eli/ordonnance/2020/7/29/TREP2013741R/jo/texte.
- [12]
- [13]
-
[14]
https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000042543665.
V. notamment R. Radiguet, « Affaire(s) du siècle ? Ne vendons pas la peau du caribou… Note sous CE, 19 novembre 2020, Commune de Grande-Synthe et TA Paris, 3 février 2021, Association Oxfam France », RJE 2/2021, p. 407. - [15]
1Différenciation et subsidiarité au profit des collectivités territoriales semblent dominer l’année 2020, avant même l’adoption en 2021, du projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale.
2C’est en effet le sens des principales dispositions de la loi visant à lutter contre le mitage des espaces forestiers en Île-de-France (I.). C’est aussi le sens des textes publiés en 2020 sur la gestion de l’eau, qui favorisent un exercice local des compétences, au plus près du terrain (II.), et bien plus encore, celui de la loi de lutte contre le gaspillage et la promotion de l’économie circulaire (III.). La jurisprudence en 2020 va pour l’essentiel dans la même direction, à propos des zones naturelles d’intérêt écologique, faunistique et floristique (IV.), de l’intérêt à agir d’une commune pour faire appliquer la COP 21 (V.), de la délivrance d’un permis de construire en présence d’un plan de prévention des risques naturels (VI.), mais pas pour les arrêtés pris par les maires pour limiter l’usage des pesticides (VII.).
I – Une loi pour poursuivre l’expérimentation contre le mitage forestier en Île-de-France
3La forêt de la région Île-de-France couvre environ 261 000 hectares, soit un taux de boisement de 21 %. Cette région est donc aussi forestière que bien d’autres régions françaises. Sa forêt est cependant celle d’une région urbaine, particulièrement confrontée au « mitage » ou à la « cabanisation ». C’est pourquoi, à la demande des collectivités territoriales concernées, l’article 46 de la loi n° 2017-257 du 28 février 2017 relative au statut de Paris et à l’aménagement métropolitain, codifié à l’article L. 143-2-1 du Code rural et de la pêche maritime, a ouvert, à titre expérimental, pour une durée de trois ans, et uniquement dans cette région, la possibilité pour la SAFER de l’Île-de-France de préempter les ventes de biens boisés dès lors que leur superficie est inférieure à trois hectares, dans un but de protection et de mise en valeur de la forêt.
4Ce droit de préemption particulier a été mis en œuvre du 28 février 2017 au 31 octobre 2019, avec succès, puisque, à cette date, près de 20 % des préemptions réalisées par la SAFER ont eu pour principal objectif la protection et la mise en valeur de la forêt, et dans la quasi-totalité des cas, à la demande des collectivités territoriales, dont on rappellera que les représentants siègent au conseil d’administration de la SAFER.
5La loi n° 2020-48 du 28 janvier 2020 visant à lutter contre le mitage des espaces forestiers en Île-de-France confère un caractère permanent au dispositif, qui différencie ainsi la SAFER d’Île-de-France des vingt-six autres.
6Par ailleurs, le nouveau Programme régional de la forêt et du bois (PFRB), élaboré en collaboration par le préfet de la région d’Île-de-France et la présidente du conseil régional, a été approuvé par arrêté ministériel le 21 janvier 2020 par le ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation. Il anticipe, en intégrant le dispositif rendu pérenne par la loi du 28 janvier 2020.
II – De la subsidiarité dans la protection des ressources en eau potable
7Vingt après l’adoption de la directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau, communément appelée, directive cadre sur l’eau (DCE), celle-ci continue de produire ses effets en France, mais sur la base d’une volonté nouvelle de mise en œuvre différenciée ou fondée sur la subsidiarité.
8C’est ce que rappelle, notamment, l’instruction du 5 février 2020 relative à la protection des ressources en eau des captages prioritaires utilisés pour la production d’eau destinée à la consommation humaine [1]. En effet, dans le cadre de la directive précitée, les États membres doivent agir pour protéger leurs captages d’eau potable dans le but de réduire les traitements appliqués à l’eau prélevée, et lutter contre la détérioration de la qualité de la ressource.
9La loi sur l’eau et les milieux aquatiques, en 2007, a rendu possible l’utilisation du dispositif de « zones soumises à contrainte environnementale » (ZSCE) sur les aires d’alimentation de captage (AAC), tandis que le « Grenelle de l’environnement » a prévu d’assurer dès 2012 la protection d’un peu plus de 500 captages parmi les plus menacés par les pollutions diffuses.
10Les Assises de l’eau en 2017 et 2019 ont relancé la concertation avec les collectivités territoriales, notamment à ce propos. Elles se sont traduites, dans un premier temps, dans la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique [2] par le renforcement de leurs capacités à agir pour préserver la ressource en eau, en élargissant le champ de la compétence « eau » du bloc communal à la protection de la ressource en eau destinée à la consommation humaine, et en instaurant un droit de préemption ouvert à la collectivité territoriale sur les terres agricoles situées dans les aires d’alimentation de ses captages d’eau potable (art. 218-1 C. urb. [3]).
11L’instruction du 5 février 2020 indique dans ce sens que « les préfets de région présenteront la politique de protection des captages aux conseils régionaux » et qu’ils « établiront une stratégie régionale partagée de mise en œuvre de cette politique qui sera discutée avec les établissements publics concernés et les représentants des parties prenantes ». Elle précise aussi que « compte tenu de la subsidiarité nécessaire à la mise en œuvre de la politique captages, cette stratégie n’a pas vocation à fixer de manière uniforme les modalités d’intervention dans les territoires, mais à organiser un cadre général, qui pourra être décliné de manière différenciée dans chaque département ».
12Ce faisant, elle anticipe l’adoption du projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale qui complète la loi du 27 décembre 2019, en ce qu’il comporte un chapitre sur la « répartition des compétences dans le domaine de la transition écologique » précisant que (art. L. 1111-9 CGCT) les communes et les EPCI à fiscalité propre sont notamment chargés d’organiser, en qualité de chef de file, les modalités de l’action commune des collectivités territoriales et de leurs établissements publics pour l’exercice des compétences relatives à « la gestion de l’eau » [4].
13La loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, comporte également, quelques dispositions sur l’eau potable et les eaux usées. Son article 69, en effet, modifie le I de l’article L. 211-1 du Code de l’environnement, qui porte sur la « gestion équilibrée et durable de la ressource en eau ». Celle-ci doit prendre « en compte les adaptations nécessaires au changement climatique », « notamment », ajoute le législateur en 2020 dans un « 6° » inséré dans l’article, « par le développement de la réutilisation des eaux usées traitées et de l’utilisation des eaux de pluie en remplacement de l’eau potable ».
14Un décret en Conseil d’État doit préciser les modalités d’application du 6° aux activités, installations, ouvrages et travaux relevant des articles L. 214-3 et L. 511- 2 dont la demande d’autorisation, la demande d’enregistrement ou la déclaration sont postérieures au 1er janvier 2021, ainsi qu’aux activités, installations, ouvrages et travaux existants. L’ensemble des dispositions du I de l’article L. 211-1 entre néanmoins en vigueur au 1er janvier 2021.
15La question du captage est également abordée dans l’arrêté du 2 avril 2020, modifiant l’arrêté du 17 mars 2006 relatif au contenu des schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) [5]. L’arrêté précise, en effet, les informations concernant ces captages, lesquelles doivent être incluses dans le SDAGE.
16Une seconde instruction, du 18 décembre 2020, est relative à la collecte et au traitement des eaux urbaines résiduaires [6], et invite de la même manière les préfets à accompagner le « bloc communal » en vue de la mise en œuvre de ses compétences dans le domaine de l’eau et de l’assainissement, dans le respect des obligations européennes.
17Enfin, le décret n° 2020-1762 du 30 décembre 2020 relatif à la contribution à la gestion et à la préservation de la ressource en eau [7], pris en application de l’article L. 2224-7 du CGCT, ajoute deux articles, R. 2224-5-2 et R. 2224-5-3, au CGCT, qui disposent en particulier que la commune ou l’EPCI compétent élabore « un plan d’action visant à contribuer au maintien ou à l’amélioration de la qualité de la ressource utilisée pour la production d’eau destinée à la consommation humaine. Il en définit la durée. Il veille également à la mise en œuvre du plan d’action et à son évaluation ». Ce plan d’action s’applique sur tout ou partie de l’aire d’alimentation du ou des captages, définie au deuxième alinéa de l’article R. 211-110 du Code de l’environnement et « ces mesures sont définies en concertation avec les acteurs du territoire concernés par la protection de la ressource en eau ou dont les activités sont susceptibles d’en affecter la qualité ».
18On mentionnera encore ici, l’important arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 9 juillet 2020 (CJUE, 9 juillet 2020, affaire C-297/19 [8]) qui a pour origine l’exploitation d’une station de pompage par un syndicat public.
19L’arrêt renvoie à la directive 2004/35/CE du 21 avril 2004 « sur la responsabilité environnementale en ce qui concerne la prévention et la réparation des dommages environnementaux » (DRE), qui a fixé un régime juridique de responsabilité environnementale commun aux États membres, dans le cadre de la politique environnementale de l’Union européenne. Les dispositions de la DRE s’appuient sur le principe du pollueur-payeur. En droit français, la transposition de la DRE a été opérée par la loi n° 2008-757 du 1er août 2008 « relative à la responsabilité environnementale et à diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de l’environnement » et son décret d’application n° 2009-468 du 23 avril 2009 « relatif à la prévention et à la réparation de certains dommages causés à l’environnement ».
20Dans cette affaire, une association allemande avait sollicité des mesures de réparation des dommages causés à une espèce protégée d’oiseau du fait de l’exploitation d’une station de pompage. La particularité du dossier est que l’exploitant était un syndicat constitué sous la forme d’une personne morale de droit public, dont la mission d’entretien des eaux de surface qualifiée d’obligation de droit public lui avait été confiée par la loi.
21Il ressort de l’arrêt de la CJUE que les personnes morales de droit public peuvent être responsables des dommages environnementaux pour des activités menées dans l’intérêt public comme l’exploitation d’une station de pompage pour drainer des surfaces agricoles.
III – Lutte contre le gaspillage et économie circulaire
22La loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire [9], impose des obligations nouvelles aux collectivités territoriales dans plusieurs domaines, en plus, ou à côté des autres parties prenantes : la suppression des emballages plastiques (A.) l’achat public (B.), le recyclage (C.), la mise en œuvre du principe de proximité (D.), le tri à la source des biodéchets (E.) et la lutte contre des dépôts sauvages (F.). Elle a été complétée par un ensemble de dispositions à caractère réglementaire (G.).
A – La suppression des emballages plastiques
23« La France se donne pour objectif d’atteindre la fin de la mise sur le marché d’emballages en plastique à usage unique d’ici à 2040 », selon le nouvel article L. 541-10-17 introduit dans le Code de l’environnement par la loi du 10 février 2020.
24Il précise qu’« un objectif de réduction, un objectif de réutilisation et de réemploi et un objectif de recyclage sont fixés par décret pour la période 2021-2025, puis pour chaque période consécutive de cinq ans ». L’ensemble s’inscrit dans « une stratégie nationale pour la réduction, la réutilisation, le réemploi et le recyclage des emballages en plastique à usage unique [qui] est définie par voie réglementaire avant le 1er janvier 2022 ». « Cette stratégie nationale est élaborée et révisée en concertation avec les filières industrielles concernées, les collectivités territoriales et les associations de consommateurs et de protection de l’environnement ».
B – L’achat public
25Pour « favoriser le réemploi et la réutilisation ainsi que l’économie de la fonctionnalité et servicielle dans le cadre de la lutte contre le gaspillage » (Titre III de la loi), l’article 55 dispose qu’« à compter du 1er janvier 2021, les services de l’État ainsi que les collectivités territoriales et leurs groupements, lors de leurs achats publics et dès que cela est possible, doivent réduire la consommation de plastiques à usage unique, la production de déchets et privilégient les biens issus du réemploi ou qui intègrent des matières recyclées en prévoyant des clauses et des critères utiles dans les cahiers des charges ».
C – Le recyclage
26Dans le même sens, l’article 57 complète l’article L. 2224-13 CGCT en disposant que : « les collectivités territoriales et leurs groupements compétents pour la collecte et le traitement des déchets des ménages ont l’obligation de permettre, par contrat ou par convention, aux personnes morales relevant de l’économie sociale, solidaire et circulaire qui en font la demande d’utiliser les déchetteries communales comme lieux de récupération ponctuelle et de retraitement d’objets en bon état ou réparables. Les déchetteries sont tenues de prévoir une zone de dépôt destinée aux produits pouvant être réemployés ».
27L’article 58 de la loi dispose qu’« à compter du 1er janvier 2021, les biens acquis annuellement par les services de l’État ainsi que par les collectivités territoriales et leurs groupements sont issus du réemploi ou de la réutilisation ou intègrent des matières recyclées dans des proportions de 20 % à 100 % selon le type de produit ».
28L’article 60 précise que le Code de la commande publique comprend un nouvel article L. 2172-6 ainsi rédigé : « Dans un souci de préservation des ressources naturelles, les achats de pneumatiques effectués par l’État, les collectivités territoriales et leurs opérateurs portent sur des pneumatiques rechapés, sauf si une première consultation s’est révélée infructueuse ».
29Concernant le recyclage, les collectivités ont également un rôle pour atteindre l’objectif d’« un taux de collecte pour recyclage des bouteilles en plastique pour boisson de 77 % en 2025 et de 90 % en 2029 ». L’article 66 précise (article L. 541-10-11 – I C. env.) qu’« à partir de 2021, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie publie chaque année, avant le 1er juin, une évaluation des performances effectivement atteintes au cours de l’année précédente, en distinguant les bouteilles collectées par le service public de gestion des déchets ménagers, par les corbeilles de tri dans l’espace public et par la collecte au sein des entreprises. Cette évaluation se fonde sur une méthode concertée avec l’ensemble des parties prenantes, et notamment les collectivités et leurs groupements exerçant la compétence prévue à l’article L. 2224-13 du CGCT, ainsi que les collectivités en charge de la planification régionale de la prévention et de la gestion des déchets ».
30La loi implique aussi les collectivités territoriales dans les dispositifs destinés à favoriser la responsabilité des producteurs (titre IV). Son article 61 modifie ainsi l’article L. 541-9 du Code de l’environnement, qui dispose désormais dans son « VI » que « [l]orsqu’un éco-organisme établit une convention avec une collectivité territoriale ou un établissement public mentionné à l’article L. 2224-13 CGCT pour assurer la collecte ou le traitement de déchets issus de produits relevant de la responsabilité élargie du producteur au titre de l’article L. 541-10 du présent code, les données relatives à la gestion des déchets qui font l’objet de la convention et aux coûts associés sont rendues publiques ».
31Son article 62 indique par ailleurs que l’article L. 541-10 dispose désormais que « les représentants des collectivités territoriales compétentes en matière de gestion des déchets, d’associations de protection de l’environnement agréées en application de l’article L. 141-1 et d’associations de protection des consommateurs ainsi que des personnes morales exerçant une activité dans le secteur du réemploi et de la réutilisation peuvent être associés à la préparation de certaines décisions, à la demande de l’instance de direction de l’éco-organisme […] Chaque éco-organisme crée un comité des parties prenantes, composé notamment de producteurs, de représentants des collectivités territoriales compétentes en matière de gestion des déchets, d’associations de protection de l’environnement agréées en application de l’article L. 141-1 et d’associations de protection des consommateurs ainsi que d’opérateurs de la prévention et de la gestion des déchets, dont ceux de l’économie sociale et solidaire ».
32L’article 63 précise le rôle du conseil régional, en disposant que (article L. 541-15-2 C. env.) « [l]es acteurs concernés transmettent à titre gratuit au conseil régional les informations nécessaires pour l’élaboration et le suivi des plans relatifs aux déchets dont la région a la charge en application […] ainsi que des schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires » prévus à l’article L. 4251-1 du CGCT.
33Le même article L. 541-15-2 indique par ailleurs que « sans préjudice d’initiatives volontaires individuelles tendant à la mise en place de consigne pour réemploi, des dispositifs supplémentaires de consigne pour réemploi et recyclage sont mis en œuvre à l’échelle régionale, y compris dans le département de la Guadeloupe, dès lors que les deux conditions suivantes sont cumulativement remplies […] : « 1) Au moins 90 % des collectivités et de leurs groupements exerçant la compétence prévue à l’article L. 2224-13 du CGCT, représentant plus des deux tiers de la population régionale, en font la demande ; 2) La collectivité en charge de la planification régionale de la prévention et de la gestion des déchets émet un avis favorable ».
D – La mise en œuvre du principe de proximité
34Il est fait ensuite application du principe de proximité. Le principe de proximité mentionné au II, 4°, de l’article L. 541-1 du Code de l’environnement, « consiste », selon le II, 9°, du même article, « à assurer la prévention et la gestion des déchets de manière aussi proche que possible de leur lieu de production et permet de répondre aux enjeux environnementaux tout en contribuant au développement de filières professionnelles locales et pérennes.
35Le respect de ce principe, et notamment l’échelle territoriale pertinente, s’apprécie en fonction de la nature des déchets considérés, de l’efficacité environnementale et technique, de la viabilité économique des modes de traitement envisagés et disponibles à proximité pour ces déchets, des débouchés existant pour ces flux et des conditions techniques et économiques associées à ces débouchés, dans le respect de la hiérarchie de la gestion des déchets et des règles de concurrence et de libre circulation des marchandises ».
36L’article 71 de la loi ajoute un avant-dernier alinéa au II de l’article L. 541-1, qui dispose que « [l]es collectivités et établissements mentionnés à l’article L. 2224-13 du CGCT veillent à l’application de ce principe en déterminant, au besoin par convention, les modalités permettant à tout producteur de déchets dont la collecte relève de la compétence de ces collectivités et établissements d’accéder au lieu de collecte pertinent le plus proche du lieu de production desdits déchets ».
E – Le tri à la source des biodéchets
37L’article 88 de la loi modifie l’article L. 541-21-1 du Code de l’environnement, lequel dispose désormais que l’obligation suivant laquelle les personnes qui produisent ou détiennent des quantités importantes de déchets composés majoritairement de biodéchets sont tenues de mettre en place un tri à la source de ces biodéchets, « s’applique à tous les producteurs ou détenteurs de biodéchets, y compris aux collectivités territoriales dans le cadre du service public de gestion des déchets et aux établissements privés et publics qui génèrent des biodéchets » [au plus tard le 31 décembre 2023].
F – La lutte contre les dépôts sauvages
38L’article L. 541-3 du Code de l’environnement dispose déjà que pour les dépôts dits « sauvages » de déchets, l’autorité titulaire du pouvoir de police avise le producteur ou détenteur de déchets des faits reprochés et des sanctions encourues, s’il est identifié, et peut le mettre en demeure d’effectuer les opérations nécessaires au respect de la législation.
39L’article 93 du nouveau texte autorise, désormais, l’autorité compétente (maire ou président de groupement compétent) après une mise en demeure non suivie d’effets, à prononcer une amende administrative d’un montant maximal de 15 000 euros, et à « mettre en demeure d’effectuer les opérations nécessaires au respect de cette réglementation dans un délai déterminé ». L’article 94 de la loi précise que les amendes administratives (et les astreintes journalières) sont recouvrées au bénéfice de la commune ou du groupement de collectivités compétent.
40Ces prérogatives d’intervention sur les dépôts sauvages en application de l’article L. 541-3 [3] du Code de l’environnement peuvent être transférées par les maires (ou présidents d’EPCI membres) au président du groupement de collectivités compétent en matière de collecte des déchets ménagers (L. 5211-9-2 CGCT, art. 95 de la loi).
41Les agents de police municipale étaient déjà compétents pour constater les infractions au Code de l’environnement en matière de déchets (article L. 541-44, 5°) ainsi que les gardes champêtres depuis que la loi du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique (5° bis à l’article L. 541-44 du Code de l’environnement). Un nouvel article L. 541-44-1) étend cette compétence aux agents de surveillance de la voie publique (ASVP) et aux agents des collectivités territoriales habilités et assermentés.
42De plus, le fait d’abandonner, déposer ou faire déposer des déchets dans des conditions contraires au Code de l’environnement (4° de l’article L. 541-46) est désormais un délit soumis à la procédure de l’amende forfaitaire, qui peut être mise en œuvre par le maire (ou le président de groupement), dans les conditions prévues aux articles 495-17 et suivants du Code de procédure pénale. Le montant de l’amende forfaitaire est de 1 500 euros, avec une amende minorée à 1 000 euros et majorée à 2 500 euros (article 97 de la loi).
43L’article 100 de la loi complète les motifs permettant de mettre en place des systèmes de vidéoprotection prévus à l’article L. 251-2 du Code de la sécurité intérieure, en autorisant la constatation par ce moyen « des infractions relatives à l’abandon d’ordures, de déchets, de matériaux ou d’autres objets ». La verbalisation au moyen du certificat d’immatriculation est également autorisée, mais ses conditions de mise en œuvre sont encore à préciser.
44Enfin, le décret n° 2020-1575 du 11 décembre 2020 relatif à l’habilitation et à l’assermentation des agents des collectivités territoriales en application de l’article L. 541-44-1 du Code de l’environnement [10], fixe les modalités d’habilitation et d’assermentation des agents des collectivités territoriales autorisés à constater les infractions relatives aux déchets prévues par le Code pénal.
G – Les dispositions qui complètent la loi du 10 février 2020
45L’article 125 I de la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 a habilité le Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnance, dans un délai de six mois, prolongé de quatre par l’article 14 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19.
46C’est l’objet de l’ordonnance n° 2020-920 du 29 juillet 2020 relative à la prévention et à la gestion des déchets [11]. Elle transpose les directives (UE) 2018/850 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018 modifiant la directive 1999/31/ CE concernant la mise en décharge des déchets (UE), la directive 2018/851 du 30 mai 2018 modifiant la directive 2008/98/CE relative aux déchets (UE) et la directive 2019/904 du 5 juin 2019 relative à la réduction de l’incidence de certains produits en plastique sur l’environnement, et de prendre les mesures d’adaptation de la législation qui leur sont liées.
47Plusieurs dispositions de l’ordonnance concernent les collectivités territoriales. On mentionnera notamment son article 15 qui transpose le point 12 de l’annexe IV bis de la directive-cadre sur les déchets, modifiée par la directive (UE) 2018/851 en permettant aux EPCI ou aux syndicats mixtes exerçant la compétence de traitement des déchets, de définir un système incitatif pour les collectivités qui promeuvent la prévention des déchets et intensifient la collecte séparée.
IV – Permis de construire et plans de prévention des risques naturels
48La valeur juridique des prescriptions des plans de prévention des risques naturels prévisibles, élaborés par l’État, conformément aux articles L. 562-1 et suivants du Code de l’environnement, a été précisée par l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Bordeaux, du 20 mai 2020 (req. n° 18BX00137 [12]), dans le sens de leur « appréciation concrète » au plan local.
49Cet arrêt indique en effet que les prescriptions de ces plans sont destinées notamment à « assurer la sécurité des personnes et des biens exposés à certains risques naturels et valant servitude d’utilité publique, et s’imposent directement aux autorisations de construire, sans que l’autorité administrative ne soit tenue de reprendre ces prescriptions dans le cadre de la délivrance du permis de construire ».
50Mais elle précise encore qu’ « il appartient toutefois à l’autorité compétente pour délivrer une autorisation d’urbanisme, si les particularités de la situation l’exigent, de préciser dans l’autorisation, le cas échéant, les conditions d’application d’une prescription générale contenue dans le plan ou de subordonner, en application des dispositions de l’article R. 111-2 du Code de l’urbanisme, la délivrance du permis de construire sollicité à d’autres prescriptions spéciales, si elles lui apparaissent nécessaires, que celles qui résultent du plan de prévention des risques naturels prévisibles ».
51Ainsi, « l’autorité compétente pour délivrer l’autorisation d’urbanisme peut aussi, si elle estime, au vu d’une appréciation concrète de l’ensemble des caractéristiques de la situation d’espèce qui lui est soumise et du projet pour lequel l’autorisation de construire est sollicitée, y compris d’éléments déjà connus lors de l’élaboration du plan de prévention des risques naturels, que les risques d’atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique le justifient, refuser, sur le fondement de l’article R. 111-2 du Code de l’urbanisme et sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, de délivrer un permis de construire, alors même que le plan n’aurait pas classé le terrain d’assiette du projet en zone à risques ni prévu de prescriptions particulières qui lui soient applicables ».
V – Zones naturelles d’intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF)
52Le maire de Piana a demandé au préfet de la Corse-du-Sud, qui a refusé, de retirer treize hectares de la « zone naturelle d’intérêt écologique, faunistique et floristique » (ZNIEFF), dénommée « Capo Rosso, côte rocheuse et îlots ». Ce refus a été annulé par un jugement administratif, qui a lui-même été annulé en appel. La commune a alors formé un pourvoi en cassation, sur lequel le Conseil d’État a statué par sa décision du 3 juin 2020, Cne de Piana (req. n° 422182 [13]).
53La décision rappelle que « [l]’inventaire du patrimoine naturel est institué pour l’ensemble du territoire national terrestre, fluvial et marin […]. L’État en assure la conception, l’animation et l’évaluation. Les régions peuvent être associées à la conduite de cet inventaire dans le cadre de leurs compétences. En outre, les collectivités territoriales peuvent contribuer à la connaissance du patrimoine naturel par la réalisation d’inventaires locaux, ayant notamment pour objet de réunir les connaissances nécessaires à l’élaboration du schéma régional de cohérence écologique […]. Lors de l’élaboration d’un plan, programme ou projet, le préfet communique à la commune ou à l’établissement public de coopération intercommunale compétent toutes informations contenues dans ces inventaires utiles à cette élaboration.
54Les inventaires, sous l’appellation de zones naturelles d’intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF), constituent un outil […] permettant d’apprécier l’intérêt environnemental d’un secteur pour l’application de législations environnementales et urbanistiques mais sont, par eux-mêmes, dépourvus de portée juridique et d’effets ».
55Par suite, si les données portées à l’inventaire que constitue une zone naturelle d’intérêt écologique, faunistique et floristique sont susceptibles d’être contestées à l’occasion du recours formé contre une décision prise au titre de ces législations, la constitution d’un inventaire en une zone n’est pas un acte faisant grief. Il en est de même, par voie de conséquence, du refus de modifier les ZNIEFF existantes. Dès lors, « si les données portées à l’inventaire que constitue une ZNIEFF sont susceptibles d’être contestées à l’occasion du recours formé contre une décision prise au titre de ces législations, la constitution d’un inventaire en une zone n’est pas un acte faisant grief ». Il en est de même, par voie de conséquence, du refus de modifier les ZNIEFF existantes.
VI – L’intérêt à agir d’une commune pour faire appliquer la COP 21
56La décision du Conseil d’État du 19 novembre 2020, Commune de Grande-Synthe (req. n° 427301 [14]) revêt une importance particulière en droit de l’environnement car, pour la première fois, le Conseil d’État se prononce sur une affaire portant sur le respect des engagements pris en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
57Sur le fond, le Conseil d’État relève dans un premier temps que si la France s’est engagée à réduire ses émissions de 40 % d’ici à 2030, elle a, au cours des dernières années, régulièrement dépassé les plafonds d’émissions qu’elle s’était fixés et que le décret du 21 avril 2020 a reporté l’essentiel des efforts de réduction après 2020. Mais avant de statuer définitivement sur la requête, le Conseil d’État demande au Gouvernement de justifier, dans un délai de trois mois, que son refus de prendre des mesures complémentaires est compatible avec le respect de la trajectoire de réduction choisie pour atteindre les objectifs fixés pour 2030. Le Conseil d’État devait statuer fin juin 2021 au vu des éléments fournis en février par le Gouvernement.
58Mais la décision est aussi importante en raison de la reconnaissance par le Conseil d’État, de l’intérêt à agir d’une commune, représentée par son maire, à la suite du refus du Gouvernement opposé à sa demande que soient prises des mesures supplémentaires pour respecter les objectifs issus de l’Accord de Paris.
59Le Conseil constate, en effet, que s’agissant de la commune de Grande-Synthe, même si les « conséquences concrètes du changement climatique ne sont susceptibles de déployer tous leurs effets sur le territoire de la commune qu’à l’horizon 2030 ou 2040, leur caractère inéluctable, en l’absence de mesures efficaces prises rapidement pour en prévenir les causes et eu égard à l’horizon d’action des politiques publiques en la matière, est de nature à justifier la nécessité d’agir sans délai à cette fin. Par suite, la commune de Grande-Synthe, eu égard à son niveau d’exposition aux risques découlant du phénomène de changement climatique et à leur incidence directe et certaine sur sa situation et les intérêts propres dont elle a la charge, justifie d’un intérêt lui donnant qualité pour demander l’annulation des décisions implicites attaquées, la circonstance, invoquée par la ministre à l’appui de sa fin de non-recevoir, que ces effets du changement climatique sont susceptibles d’affecter les intérêts d’un nombre important de communes n’étant pas de nature à remettre en cause cet intérêt ».
60De plus la décision reconnaît le droit d’intervention au soutien de la demande d’annulation de la Ville de Paris et de la commune de Grenoble, au motif, d’une part que « la région parisienne comme l’agglomération grenobloise sont identifiées par l’Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique comme relevant d’un indice d’exposition aux risques climatiques qualifié de très fort », et d’autre part, que « la Ville de Paris comme celle de Grenoble font notamment valoir, sans être contestées, que le phénomène du réchauffement climatique va conduire à une augmentation importante des pics de chaleur constatés sur leur territoire tant dans leur intensité que dans leur durée, ainsi qu’à une augmentation significative des pluies hivernales renforçant le risque de crue d’ampleur et d’inondations subséquentes ».
VII – Arrêtés municipaux anti-pesticides
61L’année 2020 se termine sur une décision du Conseil d’État (CE, 31 décembre 2020, Cne de Gennevilliers, req. n° 440923 [15]), qui tranche sur la légalité d’une question controversée : les « arrêtés anti-pesticides » pris par plusieurs maires, dont le maire de Gennevilliers qui, en l’espèce, a interdit l’utilisation de produits phytopharmaceutiques pour l’entretien de certains espaces du territoire communal, ce qui a entraîné une demande de suspension de l’arrêté municipal fondant cette interdiction, sur laquelle a eu à connaître en cassation, le Conseil d’État.
62Celui-ci a alors estimé que si « les articles L. 2212-1 et L. 2212-2 du CGCT habilitent le maire à prendre, pour la commune, les mesures de police générale nécessaires au bon ordre, à la sûreté, à la sécurité et à la salubrité publiques, celui-ci ne peut légalement user de cette compétence pour édicter une réglementation portant sur les conditions générales d’utilisation des produits phytopharmaceutiques qu’il appartient aux seules autorités de l’État de prendre ».
63Ici s’arrête la différenciation et la subsidiarité, à la fin de l’année 2020.
Mots-clés éditeurs : forêt, recyclage, SAFER, Île-de-France, intérêt à agir des communes, arrêtés anti-pesticides, responsabilité, déchets, lutte contre le gaspillage, économie circulaire, captage de l’eau, permis de construire
Date de mise en ligne : 17/09/2021
Notes
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[1]
NOR : TREL1919814J (non paru au JO).
-
[2]
Voir cette chronique, RJE 3/2020.
-
[3]
Art. 118 de la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019.
-
[4]
L’article 5 du projet de loi dispose qu’au IV de l’article L. 1111-9 CGCT « sont insérés un 5° et un 6° ainsi rédigés : 5° La transition énergétique au plan local ; 6° À la gestion de l’eau, de l’assainissement et de la prévention des déchets. », Projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale (TERB2105196L, legifrance.gouv.fr).
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[5]
NORTREL1934662A ELI : https://www.legifrance.gouv.fr/eli/arrete/2020/4/2/TREL1934662A/jo/texte.
-
[6]
Non publiée, NOR : TREL2007176J.
-
[7]
NOR:TREL2017306D, ELI : https://www.legifrance.gouv.fr/eli/decret/2020/12/30/TREL2017306D/jo/texte.
- [8]
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[9]
NOR : TREP1902395L ELI : https://www.legifrance.gouv.fr/eli/loi/2020/2/10/TREP1902395L/jo/texte.
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[10]
NORTERB2016957D ELI : https://www.legifrance.gouv.fr/eli/decret/2020/12/11/TERB2016957D/jo/texte.
-
[11]
NOR:TREP2013741R ELI : https://www.legifrance.gouv.fr/eli/ordonnance/2020/7/29/TREP2013741R/jo/texte.
- [12]
- [13]
-
[14]
https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000042543665.
V. notamment R. Radiguet, « Affaire(s) du siècle ? Ne vendons pas la peau du caribou… Note sous CE, 19 novembre 2020, Commune de Grande-Synthe et TA Paris, 3 février 2021, Association Oxfam France », RJE 2/2021, p. 407. - [15]