Notes
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[*]
NB : cet article a été rédigé et actualisé durant le premier semestre de l’année 2021. En raison des contraintes et délais éditoriaux, il n’a pas été possible d’y intégrer la décision du Conseil d’État du 26 juillet 2021, laquelle annule certaines dispositions du décret et de l’arrêté analysés dans la présente étude (décision n° 437815). Pour plus d’informations, nous renvoyons au futur commentaire de ladite décision du Conseil d’État.
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[1]
CE 26 juin 2019, Association Générations futures, req. n° 415426.
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[2]
Arrêté du 27 décembre 2019 relatif aux mesures de protection des personnes lors de l’utilisation de produits phytopharmaceutiques.
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[3]
Décret n° 2019-1500 du 27 décembre 2019 relatif aux mesures de protection des personnes lors de l’utilisation de produits phytopharmaceutiques à proximité des zones d’habitation.
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[4]
Voir le communiqué de presse du collectif, 21 janvier 2020. NB : Tous les documents cités sans référence bibliographique précise sont accessibles en ligne.
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[5]
CE, ord., 14 février 2020, Collectif des maires anti-pesticides, req. n° 437814. Le 15 mai 2020, le Conseil d’État a rejeté un autre référé suspension dirigé contre l’arrêté et le décret, formé par le même collectif. Celui-ci se fondait sur des éléments nouveaux, à savoir deux études récentes (l’une néerlandaise, l’autre italienne). La première démontrait une capacité de dispersion très grande des pesticides, retrouvés jusqu’à 250 mètres des zones cultivées ; la seconde mettait en lumière une corrélation entre la grande concentration des pesticides dans l’air et la virulence de l’épidémie de Coronavirus en Lombardie. Estimant qu’aucune de ces deux études ne remettait en cause les distances de sécurité préconisées par l’ANSES et retranscrites dans l’arrêté, le Conseil d’État a rejeté le recours pour défaut d’urgence à suspendre (CE, ord., 15 mai 2020, Collectif des maires anti-pesticides, req. n° 440346).
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[6]
Avis relatif à une demande d’appui scientifique sur les mesures de protection des riverains lors de l’utilisation des produits phytosanitaires, 14 juin 2019.
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[7]
Ibid., p. 17.
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[8]
C. Rouillier, Recherches sur l’aléa dans la jurisprudence administrative. Étude du raisonnement juridique, Mare et Martin, 2021 (à paraître), voir : §3. L’essentialisation de l’aléa par l’enregistrement de la nature de certains événements.
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[9]
C. Noiville, Du bon gouvernement des risques. Le droit et la question du « risque acceptable », PUF, 2003, 235 p. ; B. Chauvin, La perception des risques. Apports de la psychologie à l’identification des déterminants du risque perçu, De Boeck Supérieur, 2014, 215 p. ; D. Le Breton, La sociologie du risque, PUF, 1995, 128 p.
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[10]
En témoignent les manifestations organisées en 2017 par la FNSEA en faveur de l’utilisation du glyphosate.
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[11]
Cons. const., 26 avril 2013, Association Ensemble pour la planète, décision n° 2013-308 QPC ; Cons. const., 24 mai 2013, Syndicat de l’industrie cimentière, décision n° 2013-317 QPC.
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[12]
C. Testard, « La participation du public, vraie fausse solution aux arrêtés anti-pesticides », AJDA 2019, p. 1961 et s.
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[13]
Sur ce sujet, voir notamment les contributions parues dans le numéro spécial de la RJE de 1999. Sur la maturation du principe, voir notamment : M. Prieur, « Le droit à l’environnement et les citoyens : la participation », RJE 1988, n° 4, p. 397 et s.
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[14]
L. Corté, « La démocratie environnementale au sein de l’Union européenne », Revue de l’Union européenne 2020, p. 364 et s. ; A. Van Lang, « Le principe de participation : un succès inattendu », Nouveaux Cah. du Conseil constitutionnel, 2014, n° 43, p. 25 et s. ; M. Boutelet, J. Olivier (dir.), La démocratie environnementale. Participation du public aux décisions et politiques environnementales, Éditions universitaires de Dijon, 2009, 250 p.
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[15]
D’après la synthèse de la consultation, il y a très exactement 53 674 réponses, soit le nombre le plus élevé de participations depuis le lancement de la plateforme.
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[16]
Les répondants sont d’ailleurs nombreux à estimer que le traitement juridique des pesticides devrait être radical : si dangerosité il y a, il faudrait une interdiction pure et simple tandis que seule une innocuité totale justifierait leur utilisation (même sous conditions).
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[17]
TA Cergy-Pontoise, ord., 7 janvier 2020, Préfet des Hauts-de-Seine, req. n° 1916218 ; TA Cergy-Pontoise, ord,. 27 décembre 2019, Préfet des Hauts-de-Seine, req. n° 1915046 ; TA Cergy-Pontoise, ord., 19 décembre 2019, Préfet des Hauts-de-Seine, req. n° 1915044 et a. (4 ordonnances) ; TA Cergy-Pontoise, ord., 25 novembre 2019, Préfet des Hauts-de-Seine, req. n° 1913835 ; TA Cergy-Pontoise, ord., 14 novembre 2019, Préfet des Hauts-de-Seine, req. n° 1913251 ; TA Cergy-Pontoise, ord., 8 novembre 2019, Préfet des Hauts-de-Seine, req. n° 1912597 et a. (2 ordonnances) ; TA Besançon, ord., 16 septembre 2019, Préfet du Doubs, req. n° 1901465.
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[18]
C’est le cas de la décision médiatisée du Tribunal administratif de Rennes concernant l’arrêté pris par le maire de Langouët : TA Rennes 25 octobre 2019, Préfète d’Ille-et-Vilaine, req. n° 1904029, AJDA 2019, 2148. Voir aussi : TA Cergy-Pontoise, ord., 9 janvier 2020, Préfet du Val-d’Oise, req. n° 1915493 ; TA Versailles, ord., 20 septembre 2019, Préfet des Yvelines, req. n° 1906708.
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[19]
DGAL, instruction technique, 1er février 2016, DGAL/SDQPV/2016-80.
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[20]
Voir l’avis de l’ANSES, p. 5 et s.
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[21]
Pour un exemple d’actualité, on mentionnera les arguments mis en avant par l’ancien ministre de l’Écologie, Nicolas Hulot, pour justifier sa démission, celui-ci évoquant notamment l’intense lobbying de l’industrie agroalimentaire sur la question des pesticides.
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[22]
Voir notamment : X. Noulhianne, Le ménage des champs. Chronique d’un éleveur au XXIème siècle, Les éditions du Bout de la ville, 2016, 246 p. ; P. Bitoun, Y. Dupont, Le sacrifice des paysans. Une catastrophe sociale et anthropologique, L’échappée, 2016, 353 p.
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[23]
A.-S. Denolle, « Pesticides : dangerosité avérée, réglementation controversée ! Quelle marge de manœuvre pour les maires ? », AJCT 2020, p. 109.
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[24]
Arrêté du 4 mai 2017 relatif à la mise sur le marché et à l’utilisation des produits phytopharmaceutiques et de leurs adjuvants visés à l’article L. 253-1 du Code rural et de la pêche maritime.
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[25]
C. Hermon, « Le maire peut être compétent pour réglementer l’usage des pesticides », note sous TA Cergy-Pontoise, ord., 8 novembre 2019, Préfet des Hauts-de-Seine, req. n° 1912597 et a. (2 ordonnances), AJDA 2020, p. 307.
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[26]
Voir le point 9 de l’ordonnance.
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[27]
TA Cergy-Pontoise, ord., 7 janvier 2020, Préfet des Hauts-de-Seine, req. n° 1916218.
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[28]
CE, ord., 14 février 2020, Collectif des maires anti-pesticides, décision précitée.
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[29]
É. Naim-Gesbert, « Droit, expertise et société du risque », RDP 2007, p. 33 et s.
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[30]
Sur ce principe, parmi une littérature très fournie, on peut consulter : A. Gossement, Le principe de précaution. Essai sur l’incertitude scientifique sur la décision et la responsabilité publiques, L’Harmattan, 2003, 527 p. ; F. Ewald, C. Gollier, N. de Sadeleer, Le principe de précaution, 2ème éd., PUF, 2008, 128 p. ; K. Foucher, Principe de précaution et risque sanitaire. Recherche sur l’encadrement juridique de l’incertitude scientifique, L’Harmattan, 2002 ; M. Franc, « Traitement juridique du risque et principe de précaution », AJDA 2003, p. 360 et s. Voir aussi l’ensemble des contributions parues dans le numéro spécial 2000 de la RJE.
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[31]
Rappelons que l’ANSES ne nie pas le danger des pesticides, pas plus que le Conseil d’État.
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[32]
Au contraire du principe de précaution, le principe de prévention concerne les risques certains.
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[33]
CE 31 décembre 2020, Commune d’Arcueil, req. n° 439253 (AJDA 2021, p. 754, note C. Rouillier).
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[34]
CAA Paris 14 février 2020, Préfet du Val-de-Marne, req. n° 19PA03833.
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[35]
C. Rouillier, « Les pesticides, le maire et le juge administratif : un trio inégal », note sous CE 31 décembre 2020, Commune d’Arcueil, AJDA 2021, p. 754 et s.
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[36]
« Produits phytosanitaires : le Gouvernement renforce les mesures de protection des riverains », Communiqué de presse, 20 décembre 2019.
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[37]
Loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018, pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous.
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[38]
Dans la consultation publique organisée par le Gouvernement entre septembre et octobre 2019 sur le sujet des pesticides, les réponses avaient clairement formalisé cette alternative, la grande majorité des riverains attendant soit une interdiction totale (si les pesticides sont dangereux), soit une autorisation sans considération de distance (s’il n’existe pas de danger).
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[39]
J.-B. Moreau, intervention orale lors de l’examen du projet de loi EGALIM en séance publique, Assemblée Nationale, 14 septembre 2018.
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[40]
D. Martin, Ibid.
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[41]
A. Herth, intervention orale lors de l’examen du projet de loi EGALIM, commission des affaires économiques, Assemblée Nationale, 18 juillet 2018.
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[42]
J. Nury, Ibid.
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[43]
A.-C. Loisier, intervention orale lors de l’examen du projet de loi EGALIM, Sénat, séance du 25 septembre 2018.
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[44]
S. Travert, intervention orale lors de l’examen du projet de loi EGALIM, commission des affaires économiques, Assemblée Nationale, 18 juillet 2018.
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[45]
« ZNT : Monsieur le Ministre, un moratoire s’impose ! », Communiqué de la FNSEA, 10 janvier 2020.
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[46]
C. Testard, Pouvoir de décision unilatérale de l’administration et démocratie administrative, LGDJ, Lextenso, 2018. Sur la démocratie participative, voir, entre autres : M.-H. Bacqué, Y. Sintomer (dir.), La démocratie participative. Histoire et généalogie, La Découverte, 2011 ; S. Rui, La démocratie en débat. Les citoyens face à l’action publique, Armand Colin, 2004, p. 207 et s. ; L. Blondiaux, Le nouvel esprit de la démocratie. Actualité de la démocratie participative, Seuil, 2008, p. 78 et s. D’un point de vue managérial, voir : L. Boltanski, È. Chiapello, Le nouvel esprit du capitalisme, Gallimard, 2011, p. 564 et s. et p. 617 et s.
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[47]
C. Testard, Pouvoir de décision unilatérale de l’administration et démocratie administrative, op. cit. p. 581 et s. ; J. Chevallier, Science administrative, 6ème éd., PUF, 2019, p. 428 et s.
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[48]
C. Testard, « L’anticipation, principe ou défi de l’action administrative ? », RFDA 2017, p. 303.
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[49]
La participation des associations écologistes est restreinte puisque ne sont concernées que les associations départementales de défense des intérêts collectifs des habitants concernés, les termes du décret semblant donc exclure les associations nationales.
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[50]
Voir les résultats des élections 2019 aux chambres d’agriculture.
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[51]
Cons. const., 19 mars 2021, Association Générations futures et autres, décision n° 2021-891 QPC.
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[52]
Ces conséquences sont de deux types : la manière dont le législateur précisera l’article L. 253-8 du Code rural et de la pêche maritime ; les effets sur le décret du 27 décembre 2019 (à l’heure où ces lignes sont écrites, la décision du Conseil d’État sur la légalité du décret n’est, sauf erreur, pas encore connue).
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[53]
Le pouvoir du préfet se limite à un examen de légalité, consistant à contrôler le respect de la procédure d’élaboration des chartes ainsi que le contenu qui leur est assigné par le Code rural.
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[54]
DGAL, instruction technique, 3 février 2020, DGAL/SDQSPV/2020-87.
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[55]
Ces chartes sont accessibles en ligne.
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[56]
Voir le communiqué de Eau et rivières de Bretagne (« Chartes de bonnes pratiques d’épandage des pesticides : mascarade et mensonges ! », 5 août 2020) et la lettre du Collectif de soutien aux victimes des pesticides de l’Ouest (« Demande de rectification du contenu des chartes d’engagements des 4 départements bretons », 22 juillet 2020).
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[57]
« La charte sur l’épandage des pesticides en Meurthe-et-Moselle critiquée par les associations environnementales », France Bleu, 20 juin 2020.
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[58]
N. Weiler, S. Chapelle, « Les chartes prévues pour encadrer l’usage des pesticides qualifiées de "tartufferie" », Bastamag, 23 juillet 2020.
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[59]
La consultation de sa page Facebook suffit à s’en assurer.
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[60]
Toutes les chartes ne précisent pas la distinction. Les chartes des départements d’Île-de-France fixent la limite à 1 500 m².
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[61]
C’est la même logique qu’on observe à propos des chartes d’implantation des antennes relais de téléphonie mobile : A. Rainaud, « Le Conseil d’État, les antennes relais de téléphonie mobile et l’acceptation sociale du risque », RRJ 2012, p. 1373 et s.
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[62]
Voir le site du ministère de l’Agriculture : « Distances de sécurité pour les traitements phytopharmaceutiques à proximité des habitations », 13 mai 2020. Cette communication a fait l’objet de rebondissements devant les juridictions. Le 30 mars 2020, arguant des difficultés liées au confinement, le ministère de l’Agriculture avait dans un premier temps autorisé les agriculteurs à réduire les distances de sécurité alors même que la concertation n’avait pas débuté. À la suite d’un recours d’associations écologistes, le ministère a retiré cette communication (« Épandage des pesticides : le Conseil d’État fait reculer le ministère de l’Agriculture », Reporterre, 12 mai 2020) et est revenu à la position de la circulaire du 3 février, permettant donc aux utilisateurs de réduire les distances de sécurité dès lors que la procédure de concertation a débuté, même si elle n’avait pas abouti.
1À l’heure des mesures d’urgence destinées à contenir la pandémie de Coronavirus, un certain nombre d’activités continuait d’assurer tant bien que mal les besoins vitaux d’une population cloîtrée chez elle. Parmi celles-ci, l’agriculture, secteur professionnel en souffrance, tentait de garantir l’approvisionnement des foyers en biens de première nécessité. Un danger sanitaire éclipse-t-il l’autre ? La polarisation du débat public autour de l’épidémie a logiquement relégué au second plan les problématiques sanitaires que présentent les méthodes et produits d’une partie de la production agricole. Ainsi, alors que la pandémie présentait encore les aspects d’une crise chinoise éloignée, le Gouvernement a adopté, le 27 décembre 2019, deux actes qui modifient la réglementation française en matière d’utilisation des pesticides. Ces deux actes ont été édictés six mois après une décision du Conseil d’État en date du 26 juin 2019 [1], dans laquelle il avait annulé une partie des précédentes mesures gouvernementales sur le sujet (en l’occurrence un arrêté du 4 mai 2017) en raison de l’insuffisance des garanties offertes à la protection de la santé et de l’environnement. C’est pour répondre à l’arrêt du juge administratif, qui lui avait alors enjoint d’adopter des mesures de protection suffisantes dans un délai de six mois, que le Gouvernement a adopté l’arrêté et le décret du 27 décembre 2019. La réglementation des pesticides mêle normes juridiques françaises et européennes, déterminant les produits interdits, ceux commercialisables, les informations à destination des consommateurs, les méthodes d’emploi, les cultures traitées, etc. Au sein de la catégorie des produits dont la commercialisation est autorisée, l’arrêté et le décret apportent quelques modifications à la réglementation française : le premier [2] fixe en particulier des distances de sécurité minimale et diverses pratiques à respecter concernant l’épandage des produits phytopharmaceutiques, tandis que le décret [3] précise les modalités d’adoption de chartes locales pour l’utilisation de ces produits.
2Ce décret et cet arrêté font actuellement l’objet d’un recours devant le Conseil d’État, saisi par le Collectif des maires anti-pesticides qui reproche à la nouvelle réglementation son « laxisme » et le caractère « illusoire » de la protection qu’il assure aux riverains [4]. Le 14 février 2020, le Conseil d’État a rejeté le référé suspension introduit par le collectif requérant pour défaut d’urgence à suspendre [5]. L’ordonnance du Conseil d’État nous permet de mettre en lumière l’orientation suivie par la réglementation française sur la question des pesticides. L’arrêté et le décret du 27 décembre 2019 témoignent d’une certaine indulgence juridique accordée à l’utilisation des pesticides, en combinant une réglementation minimale à des procédures destinées à la légitimer. L’arrêté fixe des mesures de sécurité qui s’avèrent plutôt indulgentes à l’égard des méthodes de l’industrie agroalimentaire (I.). Cependant, l’arrêté ne peut être compris sans le décret qui l’accompagne. En précisant les modalités d’adoption et le contenu des chartes locales sur l’épandage des produits phytopharmaceutiques, le décret vise à neutraliser la dimension politique de la question des pesticides, au profit d’une procédure qui, non seulement accorde la prééminence aux utilisateurs des pesticides, mais légitime l’ensemble normatif français en la matière (II.).
I – Une réglementation indulgente à l’égard de l’utilisation des pesticides
3L’arrêté du 27 décembre 2019 impose un certain nombre d’obligations aux utilisateurs des pesticides : distances à respecter en cas d’épandage à proximité d’habitations ou de lieux accueillant des personnes vulnérables, prise en compte de phénomènes météorologiques (notamment pour éviter le ruissellement), équipements de protection individuelle pour les travailleurs, etc. Pris sur la base d’un avis de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) [6], il repose sur une évaluation de l’acceptabilité sociale du risque présenté par les pesticides (A.). En l’occurrence, en se fondant sur une large acceptabilité du risque, l’arrêté du 27 décembre 2019 semble privilégier une réglementation favorable à l’utilisation des pesticides (B.).
A – L’encadrement normatif de l’acceptabilité du risque des pesticides
4L’arrêté du 27 décembre 2019 édicte de nombreuses prescriptions quant à l’utilisation des pesticides, notamment en ce qui concerne les équipements de protection individuelle dont les ouvriers agricoles doivent être pourvus, précisant sur ce point la réglementation européenne en la matière. Toutefois, c’est un point précis de l’arrêté qui fait l’objet des plus vives critiques, à savoir les distances de sécurité à respecter entre les parcelles traitées et les habitations et lieux accueillant des personnes vulnérables. L’arrêté suit les distances de sécurité recommandées par l’ANSES [7] et prévoit trois distances spécifiques selon les types de produits et de cultures : 20 mètres pour les produits les plus dangereux, 10 mètres pour l’utilisation en arboriculture et cultures équivalentes, 5 mètres pour les cultures basses. Ces distances peuvent être adaptées dans le cadre des chartes locales, comme on le verra plus loin, mais ne peuvent être inférieures à 3 ou 5 mètres selon les cultures (notons que, pour les produits les plus dangereux, la limite de 20 mètres est incompressible). Ce sont ces distances qui sont critiquées de manière virulente par les écologistes et les riverains. Le débat ne porte pas sur l’existence d’un risque pour la santé humaine et environnementale présenté par les pesticides, mais sur l’acceptabilité de ce risque. En effet, comme cela résulte du rapport de l’ANSES, l’utilisation des pesticides à proximité des habitations ou des lieux accueillant des personnes vulnérables présente un risque sanitaire. Celui-ci doit être affiné et précisé par des études actualisées mais son existence en tant que telle n’est pas critiquée, ni par l’ANSES, ni par le Gouvernement, ni par le juge administratif. Pour appréhender les distances de sécurité fixées par l’arrêté, il convient de comprendre que les pouvoirs publics, les particuliers et le juge n’apprécient pas, et ne peuvent jamais apprécier, l’existence d’un danger. Celle-ci relève de la compétence exclusive des scientifiques, seuls habilités techniquement à préciser le lien de causalité existant entre un produit et des nuisances sanitaires ou environnementales. À l’aune de cette évaluation scientifique, les pouvoirs publics, les particuliers et le juge se prononcent sur l’acceptabilité du risque [8]. En ce qui concerne les pesticides, cela signifie qu’ils répondent aux questions suivantes : « face à tel danger, est-il acceptable de ne rien faire ? », « est-il acceptable de fixer des limites de 3 à 20 mètres ou de 100 à 150 mètres ? », « est-il acceptable d’exposer de la même manière un lieu d’habitation, un lieu de travail, une école et une maison de retraite ? », etc. Comme nous l’apprend la sociologie du risque, le risque est une notion socialement construite, agrégeant un ensemble de jugements de valeur portés sur certaines activités ou certains événements [9].
5Cette précision est essentielle : l’arrêté du 27 décembre 2019 et les critiques qu’il suscite dénotent une divergence sur l’acceptabilité sociale du risque des pesticides. Cela signifie que l’avis des écologistes et riverains sur l’acceptabilité du risque des pesticides est tout aussi rationnel que l’approche du Gouvernement : il s’appuie simplement sur une acceptabilité moindre de ce risque et sur une volonté de prendre davantage de précautions sur le sujet que n’en prend le Gouvernement. Déterminer le seuil de l’« acceptable » et de l’« inacceptable » en matière de pesticides, revient à déterminer l’étendue des libertés laissées aux méthodes de l’industrie agroalimentaire. Cette acceptabilité du risque des pesticides prend en compte des facteurs comme son utilité, sa dangerosité (sociale et environnementale) ou son caractère incontrôlable. Ainsi, un risque sera bien plus facilement accepté s’il est socialement utile que celui généré par une activité considérée comme inutile : on tolérera un risque important pour un traitement médical vital tandis que l’on attendra d’un colorant alimentaire qu’il fasse la preuve de sa parfaite innocuité. De même un risque perçu comme contrôlable (comme le fait de conduire une voiture) sera plus acceptable qu’un risque sur lequel on n’a apparemment aucun contrôle (comme le fait de prendre un avion). La marge de manœuvre qui doit être laissée à l’industrie agroalimentaire diffère logiquement si l’on se place du point de vue d’un collectif écologiste, d’un riverain ou d’un industriel de l’agroalimentaire. Au sein même de la profession agricole, l’acceptabilité sociale des pesticides n’est pas identique entre le syndicat majoritaire, la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA, syndicat plutôt attaché à l’agriculture conventionnelle, à l’industrialisation des exploitations et à l’utilisation des pesticides [10]), et un syndicat comme la Confédération paysanne (syndicat promoteur d’une agriculture paysanne, opposé à l’industrie agroalimentaire et à l’utilisation des pesticides).
6Par conséquent, l’encadrement juridique des pesticides est une question politique et non scientifique. Plus précisément, le paramètre scientifique du risque (sa probabilité mathématique) n’est que l’un des critères pris en compte dans la réglementation juridique d’un risque. L’ANSES prend le risque en compte, tout comme le Gouvernement qui s’appuie sur l’avis de la première. Mais, d’un point de vue juridique, la question est : « comment le risque est-il pris en compte ? » À ce titre, l’arrêté du 27 décembre 2019 semble privilégier une acceptabilité maximale du risque des pesticides.
B – Un arrêté plutôt tolérant à l’égard du risque des pesticides
7L’arrêté du 27 décembre 2019 fixe, on l’a dit, plusieurs limites à l’épandage des pesticides : de 20, 10 et 5 mètres en fonction de la dangerosité des produits et de la hauteur des cultures traitées. Ces limites représentent une prise en compte des risques qui n’est pas sans impact sur l’agriculture conventionnelle : à l’échelle du pays, cela représente une surface considérable qui sera dorénavant impossible à traiter. Toutefois, du point de vue de l’acceptabilité sociale du risque engendré par l’usage des pesticides, l’arrêté semble opter pour une solution peu contraignante. Pour le comprendre, il faut envisager les décisions alternatives qu’il aurait été possible d’adopter concernant l’utilisation des pesticides. Cet exercice est loin d’être purement spéculatif.
8D’une part, la population française a eu l’occasion d’exprimer une attente forte de mesures de protection bien plus restrictives que celles adoptées par le Gouvernement. Ainsi, comme toute décision ayant un impact direct et significatif sur l’environnement [11], l’arrêté et le décret du 27 septembre tombaient sous le coup du principe de participation [12]. Consacré notamment par la Convention d’Aarhus [13], transposé au sommet de la hiérarchie des normes françaises à l’article 7 de la Charte de l’environnement, ce principe de participation figure au rang des piliers de la démocratie environnementale [14]. En associant le public à l’élaboration des choix politiques environnementaux, ce principe vise à accroître la légitimité des décisions publiques sur des sujets à propos desquels la population a aujourd’hui une sensibilité particulière, voire une conscience relativement aigüe des enjeux. Lancée le 9 septembre, la consultation du public a été un succès, cumulant un nombre très important de réponses [15]. Toutefois, comme cela apparaît dans les résultats de la consultation, le principe de participation n’implique pas un réel pouvoir décisionnel du public : ainsi, les distances fixées par l’arrêté ne correspondent pas aux attentes exprimées lors de cette consultation, à savoir des distances de sécurité nettement plus hautes (largement supérieures à 150 mètres) voire une interdiction pure et simple des pesticides (immédiate ou différée). Les différences qui séparent les attentes de la population de celles retenues par l’arrêté témoignent d’une divergence d’approche quant à l’acceptabilité du risque des pesticides [16].
9D’autre part, de nombreux maires ont édicté des arrêtés municipaux réglementant l’usage des pesticides, alimentant un contentieux juridique devant le juge administratif depuis l’été 2019. Dans ces arrêtés, on trouve là encore systématiquement des mesures de sécurité plus strictes que celles adoptées par le Gouvernement. Les réglementations varient selon les communes : elles concernent soit tous les produits phytopharmaceutiques, soit seulement ceux contenant du glyphosate et, soit en interdisent purement l’utilisation [17], soit les interdisent à moins de 100 ou 150 mètres des bâtiments à usage d’habitation, professionnel ou d’équipement public [18]. Les décisions possibles face au risque des pesticides sont donc nombreuses et, d’un point de vue juridique, il n’y a pas une bonne position qui déclasserait automatiquement les autres. Plusieurs éléments concourent à l’impression que l’arrêté du 27 décembre 2019 semble plutôt indulgent quant à l’usage des pesticides. Tout d’abord, l’éventail des décisions possibles vis-à-vis des distances de sécurité s’étend d’une position stricte (l’interdiction totale des pesticides) à une position souple (une liberté d’utilisation indépendamment de la proximité des bâtiments). À l’intérieur de cet éventail, l’arrêté opte donc pour une restriction limitée : la distance maximale qu’il fixe, celle de 20 mètres, est cinq fois inférieure aux distances minimales de sécurité mises en place par les maires et, pour prendre un autre élément de comparaison, la distance de 10 mètres retenue pour l’arboriculture est cinq fois inférieure aux 50 mètres que recommandait la Direction générale de l’alimentation [19]. Ensuite, l’arrêté du 27 décembre 2019 s’appuie sur une méthodologie et des données datant des années 1980 [20] qui sont actuellement en phase de réfection. L’ancienneté de cette expertise accroît l’incertitude sur la fiabilité des données scientifiques et diminue d’autant le caractère acceptable du risque.
10Les seuils fixés par l’arrêté du 27 décembre 2019 ne sont pour autant pas fantaisistes. Le poids et les intérêts de l’industrie agroalimentaire au sein de notre économie [21], de même que son importance dans notre production alimentaire [22], favorisent une acceptabilité étendue du risque qu’elle fait courir aux populations et à l’environnement. La question de la légalité de l’arrêté réside justement dans l’acceptabilité du risque de ces méthodes : elle met dans la balance cette industrie d’un côté, les populations et l’environnement de l’autre. Dans l’attente de la mise à jour des connaissances scientifiques sur le danger des pesticides, le Gouvernement aurait pu adopter une position stricte, à l’instar des maires. En choisissant de suivre l’avis de l’ANSES, qui souligne pourtant la perfectibilité des méthodes et des données utilisées, le Gouvernement privilégie une position attentiste face au risque et, dans l’attente de plus amples informations sur celui-ci, choisit de ne pas trop contraindre les méthodes utilisées par l’industrie agroalimentaire. Quant au juge administratif, en rejetant la suspension demandée par le Collectif des maires anti-pesticides, il avalise une acceptabilité du risque élevée face à l’incertitude : comme l’écrit Anne-Sophie Denolle, « la démonstration de l’insuffisance de ces distances [prévues par l’arrêté] n’est donc pas faite aux yeux du juge, mais malheureusement, celle de leur suffisance ne l’est pas davantage » [23].
11Non seulement l’arrêté interministériel est plus indulgent que les arrêtés municipaux à l’égard des pesticides mais, en comblant la carence de l’autorité de police étatique, il semble même justifier l’annulation contentieuse des mesures de police locale. Pour le comprendre, il faut revenir à l’arrêt du 26 juin 2019 par lequel le Conseil d’État avait annulé une partie de la précédente réglementation en la matière, à savoir un arrêté du 4 mai 2017 [24], considéré comme insuffisamment protecteur de la santé et de l’environnement. Entre autres, cet arrêté ne prévoyait ni de mesures de protection des riverains, ni de mesures prenant en compte les précipitations (donc les risques de ruissellement). Forcé de revoir sa copie, le Gouvernement a alors élaboré l’arrêté ici étudié, instaurant les fameuses distances de 5 à 20 mètres ainsi qu’une interdiction d’épandage en cas de forte pluviométrie. Mais les six mois qui séparent ces deux dates ont ouvert une opportunité aux autorités de police locale. Comme le souligne Carole Hermon, l’exclusivité de la police spéciale ne se justifie pleinement que si celle-ci remplit dûment son office : en son absence, le « danger grave » que présentent les pesticides peut légitimer la réglementation locale de leur utilisation [25]. À la suite de l’annulation partielle de l’arrêté du 4 mai 2017, le contentieux des mesures locales s’est développé, prospérant notamment sur l’absence de réglementation nationale des distances de sécurité d’utilisation. C’est d’ailleurs un des arguments qui fonde les ordonnances du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 8 novembre, par lesquelles il avait refusé de suspendre deux arrêtés municipaux réglementant l’usage des pesticides [26]. Mais, en instaurant des distances de sécurité, l’arrêté du 27 décembre 2019 vient pallier cette carence et ferme peut-être la porte à la compétence dérogatoire des maires pour réglementer l’usage des pesticides. Deux preuves attestent de cette conséquence. La première découle d’une ordonnance du même Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, rendue le 7 janvier 2020 [27] : le juge des référés suspend alors un arrêté municipal encadrant les pesticides en relevant explicitement que l’édiction de l’arrêté interministériel du 27 décembre pallie la carence de la police étatique spéciale et, par conséquent, rend incompétente la police générale (sauf les exceptions de péril imminent et de circonstances locales). La deuxième découle de la jurisprudence du Conseil d’État lui-même. Lors de leur recours contre l’arrêté du 27 décembre 2019 [28], les requérants estimaient que cet arrêté empêchait les maires de réglementer efficacement l’usage des pesticides sur leur territoire. Or ils pouvaient se targuer d’un argument juridique de poids en invoquant le principe de précaution. Consacré à l’article 5 de la Charte de l’environnement en 2005, ce principe caractérise nos « sociétés du risque » [29], et tente d’apporter une réponse délicate à l’incertitude scientifique en imposant aux pouvoirs publics de prendre en compte un risque, même incertain, de dommage à l’environnement [30]. Ce principe a été quasi-systématiquement invoqué par les élus locaux pour justifier des arrêtés municipaux réglementant les pesticides, et a été mis en avant par le Collectif des maires anti-pesticides dans le recours. Aujourd’hui, le risque que présentent les pesticides se précise [31] et, par conséquent, peut-être que le principe de prévention serait le fondement constitutionnel adéquat à la gestion juridique des pesticides [32]. Quoi qu’il en soit de cette base constitutionnelle, le Conseil d’État a, depuis, définitivement fermé la porte à la compétence de police locale, même si celle-ci se fonde sur le principe de précaution. En effet, le 31 décembre 2020, le juge administratif suprême a rejeté catégoriquement la compétence de police municipale pour réglementer l’épandage des pesticides sur le territoire communal [33]. Aucune exception n’est mentionnée et le principe de précaution n’est pas évoqué, alors même qu’il s’agissait d’un argument utilisé en appel par les autorités locales pour justifier leur réglementation [34]. Fidèle à sa jurisprudence traditionnelle sur le cumul de polices en matière environnementale [35], le Conseil d’État sécurise juridiquement une réglementation nationale plutôt favorable à l’utilisation des pesticides que le principe de précaution n’est, pour l’instant, pas parvenu à contrecarrer.
II – Les chartes locales de concertation : l’assouplissement des distances de sécurité
12L’arrêté du 27 décembre 2019 ne peut être compris sans le décret du même jour qui l’accompagne. Celui-ci participe à neutraliser la dimension politique de la gestion locale des pesticides en développant des procédures qui, sous couvert d’associer les populations locales à la gestion des produits phytopharmaceutiques, légitiment la réglementation nationale indulgente sur le sujet. Ce décret prévoit les modalités d’adoption et le contenu de chartes de concertation qui visent à encadrer localement l’usage des pesticides. D’après les termes du communiqué gouvernemental, ces chartes ont vocation à « faciliter le dialogue » entre les différents acteurs et à définir « les mesures de protection des riverains » [36]. Si la décision du Conseil d’État du 14 février 2020 accorde peu de place à la question du décret (un seul paragraphe assez lapidaire), ce dernier révèle pourtant une orientation de la réglementation des pesticides qui est essentielle. Le choix d’assurer la gestion des pesticides au niveau local par le biais de chartes est un choix politique substantiel : éviter la contrainte de la réglementation (A.). Par ailleurs, ce décret légitime une réglementation nationale indulgente sur la question des pesticides (B.).
A – L’enjeu politique des chartes : éviter la réglementation
13Les chartes locales des pesticides manifestent le privilège accordé à la voie de la concertation. S’il bénéficie indéniablement d’une connotation politique positive, ce terme de concertation ne doit pas éclipser que les chartes ont été conçues dans le but exprès d’éviter la voie de la réglementation. Pour s’en rendre compte, il faut se reporter aux débats parlementaires qui accompagnent la loi EGALIM [37]. Adoptée en 2018, cette loi complète l’article L. 253-8 du Code rural et de la pêche maritime : elle lui ajoute un troisième paragraphe qui prévoit la rédaction des chartes locales de concertation dont les conditions d’application et le contenu sont précisés par le décret du 27 décembre 2019. Or, lorsqu’est abordée la question de ces chartes, les débats se cristallisent rapidement autour de la nécessité d’un encadrement juridique des pesticides.
14En effet, les risques liés aux pesticides posent une question essentielle : comment encadrer leur utilisation ? En l’occurrence, la promotion de chartes dans la loi EGALIM ne va pas nécessairement de soi car elle suppose de choisir la voie de la concertation à la place de la réglementation [38]. Ainsi, l’enjeu d’un encadrement juridique des pesticides divise les parlementaires en deux camps : d’un côté, ceux qui sont favorables à une réglementation et qui rejettent les chartes, de l’autre, ceux qui refusent une réglementation contraignante et sont plutôt favorables aux chartes. C’est ce qui explique les réactions des députés favorables à un encadrement strict de l’utilisation des pesticides, lesquels refusent la réponse apportée par le Gouvernement sur le sujet : selon eux, la dangerosité sanitaire des pesticides nécessite une réglementation nationale et non des démarches locales de concertation. Ainsi, un amendement propose d’interdire dans la loi EGALIM les épandages à moins de 200 mètres des habitations et des lieux accueillant du public. Le Gouvernement s’y oppose, de même que le rapporteur de la loi EGALIM, ce dernier renvoyant à la rédaction des chartes entre riverains et agriculteurs et concluant : « je ne pense pas qu’il faille aller immédiatement plus loin » [39]. L’enjeu apparaît ici explicitement dans le propos du rapporteur de la loi : choisir la contrainte ou l’éviter en privilégiant les chartes. De même, un député estime que les chartes sont suffisantes et qu’il « serait dangereux de légiférer à l’emporte pièce ». Il avoue faire « plus confiance au dialogue [entre producteurs, riverains et élus] pour choisir l’heure de l’épandage, afin de préserver la santé de tous et de sauver les exploitations [agricoles] » [40]. Synthétisant l’enjeu ici exprimé, un autre parlementaire explique préférer « la confiance et la collaboration sur lesquelles pourraient reposer [ces chartes] », plutôt que « la forme de défiance et de rigidité que peut revêtir le règlement » [41].
15Cette absence de coercition ressurgit dans les débats parlementaires lorsqu’est abordée la question de la valeur contraignante de ces chartes. Se faisant les porte-voix des craintes du secteur agroalimentaire, certains députés et sénateurs soulignent les restrictions et pertes de revenus que ces documents seraient susceptibles de générer, notamment l’instauration de zones tampons (sans épandage de pesticides) qui représenteraient autant de surfaces d’exploitation perdues. Ainsi, un député appelle à « la vigilance quant à la perte de surface agricole » et à ce que ces chartes ne soient pas contraignantes juridiquement, de manière à éviter que le monde agricole ne « se trouve en permanence devant les tribunaux, face à des riverains très tatillons » [42]. De même, le rapporteur de la commission des affaires économiques du Sénat rejette « l’obligation » de signer ces chartes qui « contraint (…) de façon inopportune, alors que de nombreuses démarches adaptées et fondées sur le volontariat se diffusent déjà sur tout le territoire » [43]. Sensible à ces inquiétudes, le ministre de l’Agriculture se veut alors rassurant sur la valeur contraignante de ces chartes : « plutôt que de se montrer coercitif, il s’agit de faire confiance aux territoires (…). Prenons garde au danger d’une trop grande judiciarisation. On risquerait de se retrouver dans des situations où n’importe quelle association pourrait envoyer un producteur devant les tribunaux pour les raisons les plus diverses. Soyons vigilants dans ce domaine » [44].
16L’alternative qui se présentait au moment de l’élaboration de la loi EGALIM est clairement à l’esprit des parlementaires : soit une réglementation contraignante, soit des chartes de concertation. Privilégier les secondes n’est pas dissociable du souci d’éviter la première, c’est-à-dire de ne pas être trop strict sur l’utilisation des pesticides. En prévoyant l’édiction de ces chartes locales, la loi EGALIM consacre explicitement une approche non coercitive des distances de sécurité à respecter pour l’épandage de pesticides. La FNSEA, favorable à l’absence de réglementation sur les pesticides, ne s’y est d’ailleurs pas trompée. Le syndicat a soutenu la rédaction de ces chartes locales et souhaité que l’application de l’arrêté du 27 décembre soit reportée d’un an, estimant que « ce délai permettra de poursuivre le travail sur les chartes de bon voisinage qui portent la voie de la raison, du dialogue et du bien vivre ensemble dans les territoires » [45].
B – Légitimation d’une réglementation nationale indulgente
17Si l’on se réfère au vocabulaire qui accompagne les chartes de concertation, celles-ci semblent parées de tous les atours. Alors que, dans les débats parlementaires, la voie de la réglementation est associée au « danger », à la « défiance », à la « rigidité » ou encore à la « suspicion », les chartes sont accompagnées d’un cortège de qualificatifs laudatifs : « négociation », « dialogue », « compréhension », « responsabilisation », « bonnes pratiques / conduites », « apaisement », « bienveillance », « prise de conscience collective », « intelligence collective », « partenaires », « consensus », « respect mutuel », « confiance », « recherche de solutions », « climat serein », etc. Les chartes locales n’auraient donc que des vertus, ce qui est lié à leur objectif consensuel, à savoir la « concertation ». Pourtant, sous couvert d’une procédure consensuelle, les chartes locales laissent la main haute aux utilisateurs de pesticides et minorent la place des riverains et écologistes. Bien plus, en ménageant l’apparence d’un espace de décision au niveau local, ces chartes participent à légitimer la réglementation nationale indulgente vis-à-vis des pesticides.
18D’un point de vue théorique, les mécanismes de cogestion ne datent pas du débat actuel sur les pesticides. Ce processus décisionnel spécifique est hérité des théories managériales des années soixante-dix et de la réflexion relative à la démocratisation administrative qui transpose, en droit, un certain nombre de méthodes de gouvernance issues de la démocratie participative [46]. De manière générale, les méthodes de cogestion visent à associer le destinataire de la décision à son élaboration, sans que cela remette en cause le caractère hiérarchique du processus décisionnel. La finalité de ce mécanisme ne réside pas dans la délégation de pouvoir au profit du destinataire mais dans son association. La nuance est parfois mince mais la cogestion vise précisément à consolider la légitimité d’un pouvoir décisionnel inégalitaire en associant le destinataire de la décision à la marge, ce qui, à défaut de conséquences significatives en termes d’exercice du pouvoir, a un effet symbolique sur la croyance en son bien-fondé. En associant l’administré au processus décisionnel, la cogestion en droit administratif conduit à faciliter l’application d’un acte arrêté, in fine, par l’administration [47], « l’équation consistant à dire qu’une décision discutée sera mieux acceptée et donc exécutée » [48]. Les chartes locales de concertation sur l’utilisation des pesticides participent de cette logique. En ménageant une certaine liberté d’action aux riverains et aux élus locaux, elles facilitent l’acceptation d’une réglementation nationale conciliante à l’égard des pesticides.
19Tout d’abord, en dépit de la promotion de la concertation, la marge de manœuvre concrète des riverains, associations et élus locaux dans le processus décisionnel reste faible. Le décret du 27 décembre 2019, qui précise les modalités d’élaboration des chartes de concertation, leur réserve une place relativement marginale. Si l’on étudie le cas de l’usage agricole des pesticides (en cas d’utilisation non agricole, la procédure diffère légèrement mais reste similaire dans son esprit général), l’article 1er du décret prévoit que ces chartes sont élaborées par les utilisateurs de pesticides, à savoir « les organisations syndicales représentatives opérant à l’échelle du département ou par la chambre d’agriculture ». Ce n’est que dans un second temps que ces projets de chartes sont soumis à une concertation publique destinée à recueillir les observations des riverains et associations de défense environnementale, et à associer les maires et associations départementales d’élus [49]. L’ensemble du dossier (le projet de charte et la synthèse des observations) est enfin transmis au préfet du département qui contrôle la régularité du contenu et des modalités d’adoption de la charte. La procédure d’adoption de ces chartes confère ainsi un large pouvoir décisionnel aux utilisateurs et favorise la primauté d’un syndicat agricole plutôt favorable aux pesticides, la FNSEA, très largement majoritaire au niveau de la représentativité nationale, tous départements confondus [50]. Le 19 mars 2021, le Conseil constitutionnel a certes retoqué la procédure d’adoption de ces chartes, mais la portée de sa décision reste limitée. En effet, en se bornant à prévoir de manière imprécise une concertation à l’échelon départemental, le Conseil constitutionnel a considéré que la loi n’a pas suffisamment défini les conditions et limites dans lesquelles s’exerce le droit à la participation du public. De plus, en permettant que cette concertation se fasse uniquement avec les seuls représentants des riverains, la loi a méconnu le principe de participation qui impose que « toute personne » puisse participer aux décisions ayant un impact sur l’environnement, dont relèvent les chartes [51]. Les conséquences de cette décision restent attendues [52] puisqu’elle élargit l’exigence de participation. Toutefois, elle ne remet aucunement en question le pouvoir décisionnel réel quant à l’adoption de ces chartes. En effet, une meilleure participation, qui impose de recueillir les avis des riverains, écologistes et élus locaux, n’entraîne aucune obligation juridique une fois ces avis recueillis. Ainsi, si le préfet dispose d’un droit de regard sur l’adoption de la charte, rien ne l’oblige à censurer une charte si celle-ci fait fi des oppositions locales aux pesticides [53] : juridiquement, une charte pourrait susciter une opposition unanime sans que cela ait de conséquences juridiques. En ne prévoyant aucune obligation juridique de tenir compte des oppositions locales, ces procédures de concertation paraissent davantage destinées à informer et communiquer sur une utilisation de pesticides décidée sans les populations.
20Cette inégalité entre les différents acteurs dans l’élaboration des chartes a d’autant plus de conséquences que ces documents, non seulement sont les outils déterminants de gestion des pesticides à l’échelle locale, mais sont surtout envisagés expressément comme des moyens de réduire les distances de sécurité. Ainsi, l’arrêté du 27 décembre 2019 fixe des distances générales de sécurité qui sont adaptables dans les chartes : si certaines conditions sont satisfaites, il est prévu que les chartes puissent réduire les distances d’épandage, sans que celles-ci soient inférieures à 3 ou 5 mètres selon les cultures. Or, une circulaire du 3 février 2020 [54] précisait aux préfets que les utilisateurs engagés dans un projet de charte pouvaient appliquer les réductions de distance dès lors qu’ils employaient des méthodes limitant la dérive des pesticides, alors même que la charte n’était pas encore adoptée. Si cette dérogation ne courait que jusqu’au 30 juin 2020, la lecture de cette circulaire éclaire sur la finalité réelle des chartes. En effet, la réduction des distances de sécurité n’est pas une conséquence secondaire des chartes. Bien au contraire, ces chartes sont conçues comme des moyens visant expressément la réduction des distances de sécurité. C’est pourquoi la circulaire du 3 février 2020 anticipait l’adoption des chartes en permettant aux utilisateurs de pesticides de réduire par avance les distances de sécurité.
21Un grand nombre de chartes ont en effet été adoptées durant l’année 2020. Il est vraisemblable que la décision du Conseil constitutionnel du 19 mars 2021 conduise à leur réformation. Néanmoins, l’examen des chartes adoptées permet d’avoir un aperçu de leur finalité et de leurs conséquences [55]. Sur la forme, ces chartes sont largement le produit des utilisateurs de pesticides, jusqu’à des exemples caricaturaux. Ainsi, les quatre chartes des départements bretons – identiques au mot près, ce qui donne un aperçu du caractère local de la concertation – ont été élaborées exclusivement par les utilisateurs de pesticides ou leurs représentants, sans association d’élus locaux ni de riverains. Elles mentionnent certes la participation de deux associations écologistes à une réunion (en juillet 2017), mais cette « participation » a été vivement déniée par les associations en question qui mentionnent que ladite réunion portait sur un tout autre sujet et n’avait aucunement abordé la question des chartes départementales [56]. La manœuvre semble habituelle : lors de l’élaboration de la charte de Meurthe-et-Moselle, l’association écologiste locale a quitté la procédure de négociation en dénonçant une mascarade [57] ; en Gironde, la charte souligne que les associations d’écologistes et de riverains ont été invitées aux réunions d’élaboration, ce qui est, là encore, démenti par les intéressées [58] ; dans le Gers, la charte mentionne la signature de deux associations dont l’une (l’ADASEA 32) est une structure bénéficiant d’une délégation de l’État en matière d’aménagement agricole qui apporte son soutien au monde agricole et l’autre (Le bonheur est dans les prés) est une association de promotion et de défense de l’agriculture ouvertement favorable aux pesticides [59]. Ceci témoigne de la manière dont sont généralement appréhendées ces chartes, comme des documents d’utilisateurs de pesticides et non comme une véritable négociation avec les riverains ou les élus locaux.
22Deuxièmement, sur le fond, conformément à l’intention qui a présidé à leur création, la quasi-totalité des chartes entérine la réduction des distances de sécurité lorsqu’elle est possible. La plupart des contraintes qui sont prévues par ces chartes se limitent à un simple rappel des conditions légales préexistantes : ainsi elles prévoient que les agriculteurs doivent « utiliser uniquement des produits qui ont une autorisation de mise sur le marché », « font contrôler leurs pulvérisateurs régulièrement », « ont un Certiphyto », « respectent les lieux sensibles », etc. Autant de points qui ne sont pas des « engagements » des utilisateurs de pesticides mais des « obligations » légales. Un grand nombre de chartes étend même les possibilités d’épandage en instaurant des distinctions entre les « petits » et les « grands » terrains privés [60] : sur les « grands » terrains, les zones de sécurité ne sont à appliquer que sur la partie « régulièrement fréquentée » du terrain. Finalement, les rares « engagements » des utilisateurs de pesticides consistent dans l’information et la concertation. L’information consiste principalement à mettre à disposition dans les chambres d’agriculture des documents concernant les produits utilisés, leur période d’utilisation ou visant à « faciliter la compréhension des différentes activités » agricoles. Par ailleurs, sous couvert d’imposer aux utilisateurs des obligations en matière de concertation, les chartes promeuvent des principes pour le moins vaporeux : les utilisateurs s’engagent, « dans un souci de compréhension réciproque, à être ouverts aux échanges avec les riverains et répondre à leurs interrogations » (Ardèche) ou « à participer à toutes les initiatives visant à favoriser le dialogue en matière d’utilisation » des pesticides (Bretagne), « agriculteurs et résidents (…) veillent, par le dialogue, à la résolution amiable de leur conflit » (Drôme), « les agriculteurs sont encouragés à organiser toute action pédagogique permettant de faire connaître leur métier » (Charente), etc. Un grand nombre de chartes prévoit aussi la création d’un « comité de suivi » chargé de faire le point sur la mise en œuvre de la charte.
23En conclusion, si les chartes mettent quasi-systématiquement en avant la nécessité d’un usage raisonné et limité des pesticides, voire de leur réduction, leur contenu révèle finalement la teneur véritable de ces chartes qui sont des outils de communication, destinées à informer et légitimer l’utilisation des pesticides. Les rares fois où elles mentionnent une prévention des risques, c’est pour rappeler une réglementation préexistante, et lorsqu’elles semblent fixer des obligations aux utilisateurs, c’est grâce à des termes si flottants qu’il paraît impossible d’en assurer la sanction juridique [61]. Il ne faut certes pas nier les effets positifs de cette concertation. La création d’espaces de discussion permettra de favoriser les rencontres entre agriculteurs et riverains, à une période où la dissociation des lieux de résidence et de travail concourt plutôt à isoler les uns et les autres. Indéniablement, elle permettra même dans certains cas d’orienter les chartes locales vers des mesures de protection accrue par rapport à la réglementation nationale. Mais, cela n’occulte pas la consécration de chartes sur l’élaboration desquelles les utilisateurs de pesticides ont la main-haute. Le souci réel de ces chartes transparaît assez nettement : privilégier la voie de la concertation à l’approche conflictuelle des pouvoirs de police et faciliter l’utilisation locale de pesticides. En associant les éventuels opposants à l’utilisation des pesticides, ces chartes accordent un pouvoir de décision qui, en demeurant superficiel, renouvelle l’aspect médiatique et pédagogique du dispositif normatif sur les pesticides sans impacter le fond de la réglementation en la matière. L’association des riverains, des écologistes et des élus reste très encadrée, tant sur la procédure que sur le fond, puisque rien n’impose de tenir compte des oppositions locales aux pesticides. Appréhendées comme des outils permettant de réduire les distances de sécurité, les chartes instituent une concertation qui semble n’être qu’un exercice pédagogique destiné à légitimer l’usage des pesticides au niveau local.
24***
25À peine inaugurée, la réglementation française issue de l’arrêté et du décret du 27 décembre 2019 était assouplie par la circulaire du 3 février 2020 qui permet aux utilisateurs de pesticides, jusqu’au 30 juin, de réduire les distances de sécurité dès lors que la procédure de concertation avait été lancée, même si elle n’avait pas abouti. L’épidémie de Coronavirus a renouvelé cette problématique puisque, durant le confinement, le ministère de l’Agriculture a souligné les difficultés pour réaliser les concertations locales. Face à ces complications, le ministère a rappelé la circulaire et estimé que les utilisateurs de pesticides pouvaient réduire les distances de sécurité en attendant que la procédure de concertation de leur département aboutisse [62]. Plutôt que de chasser l’autre, il semble qu’un aléa sanitaire puisse parfois en appeler un autre.
Mots-clés éditeurs : pesticides, chartes locales de concertation, démocratie environnementale, acceptabilité sociale du risque
Date de mise en ligne : 17/09/2021
Notes
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[*]
NB : cet article a été rédigé et actualisé durant le premier semestre de l’année 2021. En raison des contraintes et délais éditoriaux, il n’a pas été possible d’y intégrer la décision du Conseil d’État du 26 juillet 2021, laquelle annule certaines dispositions du décret et de l’arrêté analysés dans la présente étude (décision n° 437815). Pour plus d’informations, nous renvoyons au futur commentaire de ladite décision du Conseil d’État.
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[1]
CE 26 juin 2019, Association Générations futures, req. n° 415426.
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[2]
Arrêté du 27 décembre 2019 relatif aux mesures de protection des personnes lors de l’utilisation de produits phytopharmaceutiques.
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[3]
Décret n° 2019-1500 du 27 décembre 2019 relatif aux mesures de protection des personnes lors de l’utilisation de produits phytopharmaceutiques à proximité des zones d’habitation.
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[4]
Voir le communiqué de presse du collectif, 21 janvier 2020. NB : Tous les documents cités sans référence bibliographique précise sont accessibles en ligne.
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[5]
CE, ord., 14 février 2020, Collectif des maires anti-pesticides, req. n° 437814. Le 15 mai 2020, le Conseil d’État a rejeté un autre référé suspension dirigé contre l’arrêté et le décret, formé par le même collectif. Celui-ci se fondait sur des éléments nouveaux, à savoir deux études récentes (l’une néerlandaise, l’autre italienne). La première démontrait une capacité de dispersion très grande des pesticides, retrouvés jusqu’à 250 mètres des zones cultivées ; la seconde mettait en lumière une corrélation entre la grande concentration des pesticides dans l’air et la virulence de l’épidémie de Coronavirus en Lombardie. Estimant qu’aucune de ces deux études ne remettait en cause les distances de sécurité préconisées par l’ANSES et retranscrites dans l’arrêté, le Conseil d’État a rejeté le recours pour défaut d’urgence à suspendre (CE, ord., 15 mai 2020, Collectif des maires anti-pesticides, req. n° 440346).
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[6]
Avis relatif à une demande d’appui scientifique sur les mesures de protection des riverains lors de l’utilisation des produits phytosanitaires, 14 juin 2019.
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[7]
Ibid., p. 17.
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[8]
C. Rouillier, Recherches sur l’aléa dans la jurisprudence administrative. Étude du raisonnement juridique, Mare et Martin, 2021 (à paraître), voir : §3. L’essentialisation de l’aléa par l’enregistrement de la nature de certains événements.
-
[9]
C. Noiville, Du bon gouvernement des risques. Le droit et la question du « risque acceptable », PUF, 2003, 235 p. ; B. Chauvin, La perception des risques. Apports de la psychologie à l’identification des déterminants du risque perçu, De Boeck Supérieur, 2014, 215 p. ; D. Le Breton, La sociologie du risque, PUF, 1995, 128 p.
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[10]
En témoignent les manifestations organisées en 2017 par la FNSEA en faveur de l’utilisation du glyphosate.
-
[11]
Cons. const., 26 avril 2013, Association Ensemble pour la planète, décision n° 2013-308 QPC ; Cons. const., 24 mai 2013, Syndicat de l’industrie cimentière, décision n° 2013-317 QPC.
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[12]
C. Testard, « La participation du public, vraie fausse solution aux arrêtés anti-pesticides », AJDA 2019, p. 1961 et s.
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[13]
Sur ce sujet, voir notamment les contributions parues dans le numéro spécial de la RJE de 1999. Sur la maturation du principe, voir notamment : M. Prieur, « Le droit à l’environnement et les citoyens : la participation », RJE 1988, n° 4, p. 397 et s.
-
[14]
L. Corté, « La démocratie environnementale au sein de l’Union européenne », Revue de l’Union européenne 2020, p. 364 et s. ; A. Van Lang, « Le principe de participation : un succès inattendu », Nouveaux Cah. du Conseil constitutionnel, 2014, n° 43, p. 25 et s. ; M. Boutelet, J. Olivier (dir.), La démocratie environnementale. Participation du public aux décisions et politiques environnementales, Éditions universitaires de Dijon, 2009, 250 p.
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[15]
D’après la synthèse de la consultation, il y a très exactement 53 674 réponses, soit le nombre le plus élevé de participations depuis le lancement de la plateforme.
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[16]
Les répondants sont d’ailleurs nombreux à estimer que le traitement juridique des pesticides devrait être radical : si dangerosité il y a, il faudrait une interdiction pure et simple tandis que seule une innocuité totale justifierait leur utilisation (même sous conditions).
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[17]
TA Cergy-Pontoise, ord., 7 janvier 2020, Préfet des Hauts-de-Seine, req. n° 1916218 ; TA Cergy-Pontoise, ord,. 27 décembre 2019, Préfet des Hauts-de-Seine, req. n° 1915046 ; TA Cergy-Pontoise, ord., 19 décembre 2019, Préfet des Hauts-de-Seine, req. n° 1915044 et a. (4 ordonnances) ; TA Cergy-Pontoise, ord., 25 novembre 2019, Préfet des Hauts-de-Seine, req. n° 1913835 ; TA Cergy-Pontoise, ord., 14 novembre 2019, Préfet des Hauts-de-Seine, req. n° 1913251 ; TA Cergy-Pontoise, ord., 8 novembre 2019, Préfet des Hauts-de-Seine, req. n° 1912597 et a. (2 ordonnances) ; TA Besançon, ord., 16 septembre 2019, Préfet du Doubs, req. n° 1901465.
-
[18]
C’est le cas de la décision médiatisée du Tribunal administratif de Rennes concernant l’arrêté pris par le maire de Langouët : TA Rennes 25 octobre 2019, Préfète d’Ille-et-Vilaine, req. n° 1904029, AJDA 2019, 2148. Voir aussi : TA Cergy-Pontoise, ord., 9 janvier 2020, Préfet du Val-d’Oise, req. n° 1915493 ; TA Versailles, ord., 20 septembre 2019, Préfet des Yvelines, req. n° 1906708.
-
[19]
DGAL, instruction technique, 1er février 2016, DGAL/SDQPV/2016-80.
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[20]
Voir l’avis de l’ANSES, p. 5 et s.
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[21]
Pour un exemple d’actualité, on mentionnera les arguments mis en avant par l’ancien ministre de l’Écologie, Nicolas Hulot, pour justifier sa démission, celui-ci évoquant notamment l’intense lobbying de l’industrie agroalimentaire sur la question des pesticides.
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[22]
Voir notamment : X. Noulhianne, Le ménage des champs. Chronique d’un éleveur au XXIème siècle, Les éditions du Bout de la ville, 2016, 246 p. ; P. Bitoun, Y. Dupont, Le sacrifice des paysans. Une catastrophe sociale et anthropologique, L’échappée, 2016, 353 p.
-
[23]
A.-S. Denolle, « Pesticides : dangerosité avérée, réglementation controversée ! Quelle marge de manœuvre pour les maires ? », AJCT 2020, p. 109.
-
[24]
Arrêté du 4 mai 2017 relatif à la mise sur le marché et à l’utilisation des produits phytopharmaceutiques et de leurs adjuvants visés à l’article L. 253-1 du Code rural et de la pêche maritime.
-
[25]
C. Hermon, « Le maire peut être compétent pour réglementer l’usage des pesticides », note sous TA Cergy-Pontoise, ord., 8 novembre 2019, Préfet des Hauts-de-Seine, req. n° 1912597 et a. (2 ordonnances), AJDA 2020, p. 307.
-
[26]
Voir le point 9 de l’ordonnance.
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[27]
TA Cergy-Pontoise, ord., 7 janvier 2020, Préfet des Hauts-de-Seine, req. n° 1916218.
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[28]
CE, ord., 14 février 2020, Collectif des maires anti-pesticides, décision précitée.
-
[29]
É. Naim-Gesbert, « Droit, expertise et société du risque », RDP 2007, p. 33 et s.
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[30]
Sur ce principe, parmi une littérature très fournie, on peut consulter : A. Gossement, Le principe de précaution. Essai sur l’incertitude scientifique sur la décision et la responsabilité publiques, L’Harmattan, 2003, 527 p. ; F. Ewald, C. Gollier, N. de Sadeleer, Le principe de précaution, 2ème éd., PUF, 2008, 128 p. ; K. Foucher, Principe de précaution et risque sanitaire. Recherche sur l’encadrement juridique de l’incertitude scientifique, L’Harmattan, 2002 ; M. Franc, « Traitement juridique du risque et principe de précaution », AJDA 2003, p. 360 et s. Voir aussi l’ensemble des contributions parues dans le numéro spécial 2000 de la RJE.
-
[31]
Rappelons que l’ANSES ne nie pas le danger des pesticides, pas plus que le Conseil d’État.
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[32]
Au contraire du principe de précaution, le principe de prévention concerne les risques certains.
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[33]
CE 31 décembre 2020, Commune d’Arcueil, req. n° 439253 (AJDA 2021, p. 754, note C. Rouillier).
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[34]
CAA Paris 14 février 2020, Préfet du Val-de-Marne, req. n° 19PA03833.
-
[35]
C. Rouillier, « Les pesticides, le maire et le juge administratif : un trio inégal », note sous CE 31 décembre 2020, Commune d’Arcueil, AJDA 2021, p. 754 et s.
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[36]
« Produits phytosanitaires : le Gouvernement renforce les mesures de protection des riverains », Communiqué de presse, 20 décembre 2019.
-
[37]
Loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018, pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous.
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[38]
Dans la consultation publique organisée par le Gouvernement entre septembre et octobre 2019 sur le sujet des pesticides, les réponses avaient clairement formalisé cette alternative, la grande majorité des riverains attendant soit une interdiction totale (si les pesticides sont dangereux), soit une autorisation sans considération de distance (s’il n’existe pas de danger).
-
[39]
J.-B. Moreau, intervention orale lors de l’examen du projet de loi EGALIM en séance publique, Assemblée Nationale, 14 septembre 2018.
-
[40]
D. Martin, Ibid.
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[41]
A. Herth, intervention orale lors de l’examen du projet de loi EGALIM, commission des affaires économiques, Assemblée Nationale, 18 juillet 2018.
-
[42]
J. Nury, Ibid.
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[43]
A.-C. Loisier, intervention orale lors de l’examen du projet de loi EGALIM, Sénat, séance du 25 septembre 2018.
-
[44]
S. Travert, intervention orale lors de l’examen du projet de loi EGALIM, commission des affaires économiques, Assemblée Nationale, 18 juillet 2018.
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[45]
« ZNT : Monsieur le Ministre, un moratoire s’impose ! », Communiqué de la FNSEA, 10 janvier 2020.
-
[46]
C. Testard, Pouvoir de décision unilatérale de l’administration et démocratie administrative, LGDJ, Lextenso, 2018. Sur la démocratie participative, voir, entre autres : M.-H. Bacqué, Y. Sintomer (dir.), La démocratie participative. Histoire et généalogie, La Découverte, 2011 ; S. Rui, La démocratie en débat. Les citoyens face à l’action publique, Armand Colin, 2004, p. 207 et s. ; L. Blondiaux, Le nouvel esprit de la démocratie. Actualité de la démocratie participative, Seuil, 2008, p. 78 et s. D’un point de vue managérial, voir : L. Boltanski, È. Chiapello, Le nouvel esprit du capitalisme, Gallimard, 2011, p. 564 et s. et p. 617 et s.
-
[47]
C. Testard, Pouvoir de décision unilatérale de l’administration et démocratie administrative, op. cit. p. 581 et s. ; J. Chevallier, Science administrative, 6ème éd., PUF, 2019, p. 428 et s.
-
[48]
C. Testard, « L’anticipation, principe ou défi de l’action administrative ? », RFDA 2017, p. 303.
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[49]
La participation des associations écologistes est restreinte puisque ne sont concernées que les associations départementales de défense des intérêts collectifs des habitants concernés, les termes du décret semblant donc exclure les associations nationales.
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[50]
Voir les résultats des élections 2019 aux chambres d’agriculture.
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[51]
Cons. const., 19 mars 2021, Association Générations futures et autres, décision n° 2021-891 QPC.
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[52]
Ces conséquences sont de deux types : la manière dont le législateur précisera l’article L. 253-8 du Code rural et de la pêche maritime ; les effets sur le décret du 27 décembre 2019 (à l’heure où ces lignes sont écrites, la décision du Conseil d’État sur la légalité du décret n’est, sauf erreur, pas encore connue).
-
[53]
Le pouvoir du préfet se limite à un examen de légalité, consistant à contrôler le respect de la procédure d’élaboration des chartes ainsi que le contenu qui leur est assigné par le Code rural.
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[54]
DGAL, instruction technique, 3 février 2020, DGAL/SDQSPV/2020-87.
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[55]
Ces chartes sont accessibles en ligne.
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[56]
Voir le communiqué de Eau et rivières de Bretagne (« Chartes de bonnes pratiques d’épandage des pesticides : mascarade et mensonges ! », 5 août 2020) et la lettre du Collectif de soutien aux victimes des pesticides de l’Ouest (« Demande de rectification du contenu des chartes d’engagements des 4 départements bretons », 22 juillet 2020).
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[57]
« La charte sur l’épandage des pesticides en Meurthe-et-Moselle critiquée par les associations environnementales », France Bleu, 20 juin 2020.
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[58]
N. Weiler, S. Chapelle, « Les chartes prévues pour encadrer l’usage des pesticides qualifiées de "tartufferie" », Bastamag, 23 juillet 2020.
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[59]
La consultation de sa page Facebook suffit à s’en assurer.
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[60]
Toutes les chartes ne précisent pas la distinction. Les chartes des départements d’Île-de-France fixent la limite à 1 500 m².
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[61]
C’est la même logique qu’on observe à propos des chartes d’implantation des antennes relais de téléphonie mobile : A. Rainaud, « Le Conseil d’État, les antennes relais de téléphonie mobile et l’acceptation sociale du risque », RRJ 2012, p. 1373 et s.
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[62]
Voir le site du ministère de l’Agriculture : « Distances de sécurité pour les traitements phytopharmaceutiques à proximité des habitations », 13 mai 2020. Cette communication a fait l’objet de rebondissements devant les juridictions. Le 30 mars 2020, arguant des difficultés liées au confinement, le ministère de l’Agriculture avait dans un premier temps autorisé les agriculteurs à réduire les distances de sécurité alors même que la concertation n’avait pas débuté. À la suite d’un recours d’associations écologistes, le ministère a retiré cette communication (« Épandage des pesticides : le Conseil d’État fait reculer le ministère de l’Agriculture », Reporterre, 12 mai 2020) et est revenu à la position de la circulaire du 3 février, permettant donc aux utilisateurs de réduire les distances de sécurité dès lors que la procédure de concertation a débuté, même si elle n’avait pas abouti.