1Une étude de droit comparé, réalisée par un groupe d’étudiants inscrits dans le Master 2 « Droit de l’environnement et des risques » de l’Université de Strasbourg et portant sur une trentaine d’États, vient illustrer et compléter cette réflexion sur les infractions de mise en danger et d’écocide (http://sage.unistra.fr/manifestations-scientifiques/colloques-et-journees-detudes/je-les-nouveaux-sentiers-juridiques-de-la-protection-de-la-nature/).
I – La mise en danger de l’environnement en droit comparé
2Après étude comparative des infractions prévues dans les codes pénaux et criminels des États étrangers, l’infraction de mise en danger de l’environnement, objet de ce travail de recherche de comparaison, semble être prévue par dix-huit États. Certains États ont choisi de réunir dans le même article, une incrimination de pollution effective de l’environnement et une incrimination de mise en danger de l’environnement, alors que d’autres, ne prévoient qu’une infraction de risque de danger pour l’environnement.
3Il faut cependant prendre ces recherches avec précaution. En effet, le travail complexe de traduction ne permet pas des résultats exacts et fiables. Aussi, chaque État appliquera l’infraction de mise en danger de l’environnement et définira les contours des différentes notions juridiques d’une façon qui sera propre à son système juridique.
4L’étude comparative de l’élément légal a permis de révéler qu’une majorité des textes d’incrimination de la mise en danger de l’environnement est insérée dans des sections des codes pénaux qui portent des intitulés consacrés spécifiquement à des infractions contre l’environnement. À titre d’exemple, la Macédoine la prévoit dans un chapitre relatif aux crimes contre l’environnement et la nature.
5S’agissant de la nature de l’infraction, une disparité flagrante entre les dix-huit États étudiés a été constatée. Pour 72 % des États, l’infraction de mise en danger de l’environnement est considérée comme un crime, comme pour la Norvège et la Macédoine, contre 28 % la considérant comme un délit, tels que l’Autriche, la Moldavie ou encore le Nicaragua.
6Ensuite, il ressort de la comparaison de l’élément matériel, que la mise en danger de l’environnement est constituée en majorité par la violation de lois et de règlements. Le comportement, source de mise en danger, est en général précisément décrit et la mise en danger peut résulter d’actes de pollution des milieux naturels, des émissions et rejets de substances dangereuses.
7La majorité des États qualifie, dans le texte d’incrimination, le dommage potentiel par des adjectifs variés, tandis qu’une minorité ne précise pas les contours de ce dommage. On retrouve des similarités telles qu’un dommage significatif ou un dommage important. D’autres, plus rares, qualifient le dommage potentiel de grave, permanent, mesurable ou substantiel.
8De manière récurrente, la protection de la faune et la flore, de la qualité de l’eau, de l’air et du sol est la valeur sociale protégée par ces incriminations. Certains États comme l’Espagne, l’Italie et le Mexique, ajoutent les équilibres des systèmes naturels, la biodiversité, les écosystèmes ou les ressources naturelles. Sept États, dont le Nicaragua, la Finlande, la Moldavie, protègent l’environnement sans énumération d’éléments particuliers. Notons que douze États associent au sein des valeurs sociales protégées la protection de l’environnement à celle de l’Homme et de sa santé.
9Concernant l’élément moral, trois sous-distinctions entre les infractions semblent se dessiner. Quand certaines, comme les infractions espagnoles et croates, sont muettes sur l’élément moral, d’autres infractions exigent une infraction intentionnelle, telles qu’en Turquie et en Moldavie. En revanche, la grande majorité prévoit la négligence au titre de l’élément moral : c’est le cas du Portugal et de l’Allemagne.
10Enfin, l’étude comparative des sanctions encourues a mis en exergue quatre sous-catégories, selon le niveau de répression. Certaines infractions présentent un niveau de répression relativement faible, prévoyant une peine d’amende. C’est le cas de la Géorgie, la Moldavie, la Russie et du Portugal. Tandis que certaines infractions présentent un niveau de répression élevé en instaurant une peine d’emprisonnement comme pour l’Autriche, la Finlande (l’infraction norvégienne étant la plus sévère, avec une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à 15 ans), d’autres prévoient un niveau de répression particulièrement élevé. Il s’agit des pays prévoyant une peine d’amende et une peine d’emprisonnement, cumulativement, tels que le Pérou, l’Espagne, l’Allemagne, l’Italie. Une quatrième catégorie présente une gradation des peines en fonction du degré de négligence, dans les infractions allemandes, nicaraguayennes, croates et portugaises. Une sanction plus sévère est parfois prévue pour les personnes morales, en Macédoine et en Moldavie. La peine peut aussi être majorée selon le lieu de l’infraction, comme au Mexique et en Italie.
11Amélie PEDRONO, Marie BERBETT, Alexis EBRARD
II – L’écocide en droit comparé
12La réflexion sur la définition et l’instauration du crime d’écocide en droit français implique une étude de droit comparé, afin d’analyser les infractions d’écocide consacrées dans les codes criminels à travers le monde.
13À ce jour, dix États ont intégré l’écocide dans leur législation. Il s’agit de l’Arménie, de la Biélorussie, de la Géorgie, du Kazakhstan, du Kirghizistan, de la Moldavie, de la Russie, du Tadjikistan, de l’Ukraine et enfin du Vietnam. Toutefois, malgré l’existence de définitions de l’écocide et d’une criminalité environnementale grandissante à travers le monde et dans ces États, aucune jurisprudence ne semble avoir été rendue en matière d’écocide.
14Cette étude a alors pour objectif de mettre en évidence les similitudes et les particularités des définitions de l’écocide dans les différents États, ainsi que l’élément moral et les sanctions de cette infraction.
15Les définitions de l’écocide dans les codes pénaux des dix pays l’ayant consacré juridiquement présentent de nombreux points communs. Concernant l’élément matériel, les définitions sont très majoritairement constituées par des formules telles que « la destruction massive de la flore et de la faune », « la contamination », « l’empoisonnement de l’atmosphère ou des ressources en eau, ainsi que les actes susceptibles de provoquer une catastrophe écologique » ou « environnementale ». Dès lors, on remarque une prise en compte de l’ensemble des éléments naturels et des différents biotopes. De plus, la valeur sociale protégée par ces textes conduit à penser qu’il s’agit de « l’équilibre environnemental ».
16Il convient également de relever la dualité des différents crimes d’écocide, en ce qu’ils constituent à la fois – excepté le cas du Vietnam – une infraction de résultat, supposant un dommage matériel, et une infraction formelle, constituée indépendamment de tout dommage matériel.
17Quant à la définition de l’acte en lui-même, les différents textes d’incrimination sont peu précis concernant les comportements prohibés. Il n’est pas non plus fait mention d’une prise en compte de l’abstention pour l’infraction de résultat. Enfin, la majorité des pays ayant reconnu l’écocide sont restés muets quant à l’élément moral de l’infraction.
18Néanmoins, des différences peuvent être constatées. Sur les dix États ayant reconnu le crime d’écocide, deux d’entre eux ont prévu une infraction intentionnelle : la Moldavie et la Biélorussie. En outre, à ce jour, si la plupart des États qui ont consacré l’écocide incriminent le même type d’acte et de comportement, l’un d’entre eux s’illustre par sa particularité.
19En effet, le Vietnam se distingue par sa définition de l’écocide et les dommages visés par le texte. Utilisé à l’origine en référence aux destructions causées par l’agent orange, l’écocide est un concept « vétéran » de la guerre du Vietnam (1955-1975). Ainsi, la législation de cet État incrimine, en temps de guerre et en temps de paix, un « acte de destruction massive de la population, détruisant des sources de vie, (…) la vie culturelle et spirituelle d’un pays ou d’un territoire », le renversement des « fondements d’une société afin de la détruire », et la commission « d’autres actes de génocide ou (…) d’extermination ou de destruction de l’environnement naturel ». Le Vietnam adopte ainsi une vision assez anthropocentrée du crime d’écocide. Il est d’ailleurs le premier État à définir l’écocide comme un « crime contre l’Humanité ».
20De plus, le code pénal vietnamien définit l’écocide de façon assez évasive par rapport à ses conséquences sur l’environnement. Le terme, lui-même, n’apparaît plus du tout dans la nouvelle rédaction de l’infraction (2015).
21Dans chacun des États qui l’ont reconnu, l’écocide est inséré dans le code pénal et figure dans une section ou un chapitre relatif aux crimes contre l’Humanité, contre la paix ou contre la sécurité humaine. Il est très souvent proche du crime de génocide.
22Concernant la nature de cette infraction, chacun des dix États a reconnu l’écocide comme étant un crime. Il s’agit en effet de la répression des atteintes les plus graves qu’il est possible de causer à l’environnement.
23Les sanctions pénales encourues sont variables dans leur quantum, mais constituent toutes des peines d’emprisonnement comprises dans une fourchette avec une peine minimale et une peine maximale. Aucune peine d’amende n’est envisagée. La peine la plus basse prévue est de huit ans d’emprisonnement, en Ukraine. Dans certains États, comme en Géorgie ou au Vietnam, la peine d’emprisonnement peut aller jusqu’à la perpétuité. De plus, au Kazakhstan, l’emprisonnement peut être accompagné de la déchéance de nationalité. Le Vietnam prévoit même la peine de mort.
24Lucile CARRAS, Sinclair GUILLOSSON, Marie-Camille SOULARD, Ornella INSALACO
Date de mise en ligne : 17/09/2021