Couverture de RJE_213

Article de revue

Le préjudice écologique et sa réparabilité en droit civil français de la responsabilité ou les premiers pas dans un sentier menant à un changement des rapports Homme-Nature

Pages 457 à 474

Notes

  • [1]
    M.-P. Camproux Duffrène, « Les communs naturels comme expression de la solidarité écologique », in Dossier « Le principe de solidarité écologique : approche prospective », RJE 4/2020, p. 689-713. Ces communs ont fait également l’objet d’une intervention dans le cadre d’auditions sur « Ombudsman pour les générations futures. Médiation et défense de l’environnement » pour la députée C. Muschotti, en charge d’un rapport parlementaire sur la défense de l’environnement, organisées par la Chaire pour la Paix de Caen dans la session « Quelles protections pour les communs ? », le 15 avril 2021, et d’un rapport d’experts pour le groupe des Verts, Des changements de paradigme juridique pour un droit de l’environnement rénové, publié le 31 mai 2021 : https://www.greens-efa.eu/fr/article/document/legal-paradigm-shifts-for-a-new-environmenytal-law.
  • [2]
    M.-P. Camproux Duffrène « Les communs naturels : de l’intérêt à l’action en défense », in Le principe de solidarité écologique : approche prospective, Vertigo numéro spécial 2021, à paraître.
  • [3]
    E. Thiebold et M.-P. Camproux Duffrène, « La preuve du préjudice écologique et sa réparabilité », Cahiers de la justice, ENM-Éditions Dalloz, juin 2/2021, Revue Justice Actualités, n° 25, p. 128-138, https://www.enm.justice.fr/sites/default/files/025RJA_La-justice-penale-environnementale.pdf, RJA 25 « La justice pénale environnementale ».
  • [4]
    En sachant que, bien que la réparation du préjudice écologique soit introduite dans le Code civil, le Tribunal administratif de Paris vient de l’admettre dans le cadre de l’Affaire du siècle dans sa décision du 3 février 2021. V. C. Cournil et M. Fleury, « De "l’Affaire du siècle" au "casse du siècle" ? Quand le climat pénètre avec fracas le droit de la responsabilité administrative », La Revue des droits de l’homme. Revue du Centre de recherches et d’études sur les droits fondamentaux, 2021, https://journals.openedition.org/revdh/1114.
  • [5]
    Voir les actes du colloque annuel de la SFDE sur « Urgence(s) écologique(s) : quelle(s) urgence(s) pour le droit ? », 9-11 juin 2021, actes à paraître dans le numéro spécial 2021 de la RJE. V. également le 6ème rapport d’évaluation du GIEC du 9 août 2021, https://www.ipcc.ch/report/ar6/wg1/downloads/report/IPCC_AR6_WGI_SPM.pdf.
  • [6]
    Art. 714 du Code civil : « Il est des choses qui n’appartiennent à personne et dont l’usage est commun à tous. // Des lois de police règlent la manière d’en jouir. »
  • [7]
    (reprise de la définition sauf l’anormalité) Rapport Jégouzo relatif à la réparation du préjudice écologique, 2013, p. 61, https://www.vie-publique.fr/sites/default/files/rapport/pdf/134000619.pdf.
  • [8]
    Le MEA ou Millenium Ecosystem Assessment (Évaluation des écosystèmes pour le millénaire) est un comité d’experts instauré en 2001 par les Nations unies dans le but d’évaluer les conséquences des changements écosystémiques sur le bien-être humain et d’établir une base scientifique pour permettre la mise en œuvre d’actions nécessaires à l’amélioration de la conservation et de l’utilisation durable de ces systèmes, http://www.millenniumassessment.org/fr/About.html.
  • [9]
    Évaluation française des écosystèmes et des services écosystémiques (EFESE) « Cadre conceptuel », avril 2017, op. cit., p. 61.
  • [10]
    Gilles J. Martin, « Point de vue : Le préjudice écologique », in La loi biodiversité, ce qui change en pratique, Éditions législatives, 2017, p. 145.
  • [11]
    J. Methorsta, K. Rehdanzb, T. Muellerc, B. Hansjürgensd, A. Bonne, K. Böhning-Gaesef, « The importance of species diversity for human well-being in Europe, Ecological Economics 181 (2021), https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0921800920322084?via%3Dihub#s0055.
  • [12]
    R. Lafargue, « Le préjudice civilisationnel pour atteinte à l’environnement. Droit au cadre naturel et réalités socioculturelles : interdépendances et interdisciplinarité », Droit et société, 2010/1 n° 74, p. 151-169.
  • [13]
    E. Thiebold et M.-P. Camproux Duffrène, « La preuve du préjudice écologique et sa réparabilité », Cahiers de la justice, ENM- Éditions Dalloz, juin 2/2021, précité.
  • [14]
    M.-P. Camproux Duffrène, « Le préjudice écologique en soutien à la protection de l’environnement en Mer Méditerranée », Colloque La protection de l’environnement en Mer Méditerranée, « Le préjudice écologique », in Dossier Colloque Toulon, La Revue Maritime, 2020 n° 516, p. 86-91.
  • [15]
    M.-P. Camproux Duffrène, « Les communs naturels comme expression de la solidarité écologique », in Dossier « Le principe de solidarité écologique : approche prospective », RJE 4/2020, p. 689-713.
  • [16]
    A. Treillard, L’appréhension juridique de la nature ordinaire, Thèse, Limoges, 2019 (inédit).
  • [17]
    Conseil const., Décision n° 2020-881 QPC, 5 février 2021, commentée par Gilles J. Martin, « La définition du préjudice écologique à la lumière de l’article 4 de la Charte de l’environnement », JCP G Semaine Juridique (édition générale), n° 8, 2021, p. 379-381 et É. Naim-Gesbert, « L’écart entre le juste et l’utile laisse dans l’ombre l’atteinte négligeable à l’environnement, Conseil constitutionnel, Décision n° 2020-881 QPC du 5 février 2021, Association Réseau Sortir du nucléaire et autres », RJE 2/2021, p. 401.
  • [18]
    L. Neyret et G. Martin (dir.), Nomenclature des préjudices environnementaux, LGDJ, 2012, p. 18.
  • [19]
    G. J. Martin, « La réparation des atteintes à l’environnement », in Les limites de la réparation du préjudice, Dalloz, Thèmes et commentaires, 2009, p. 366.
  • [20]
    M.-P. Camproux Duffrène, « Essai de dialectique sur une responsabilité civile en cas d’atteinte à l’environnement », in Pour un droit économique de l’environnement, Mélanges G. J. Martin, éd. Frison Roche, 2013, p. 105 et « La représentation de l’intérêt collectif environnemental devant le juge civil : après l’affaire Erika et avant l’introduction dans le Code civil du dommage causé à l’environnement ? », in M. P. Camproux Duffrène et J. Sohnle (dir.), La représentation de la nature devant le juge ; approches comparatiste et prospective, éd. Vertigo, HS n° 22, septembre 2015, https://vertigo.revues.org/16320.
  • [21]
    G. J. Martin, « La définition du préjudice écologique à la lumière de l’article 4 de la Charte de l’environnement », JCP G Semaine Juridique (édition générale), n° 8, 2021, p. 380.
  • [22]
    Ces questions d’intérêts transversaux sont développées in M.-P. Camproux Duffrène, « Les communs naturels : de l’intérêt à l’action en défense », in Le principe de solidarité écologique : approche prospective, Vertigo numéro spécial 2021, à paraître, et s’appuient sur les travaux d’un groupe de travail, Rapport final de recherche, L’Échelle de communalité, Propositions de réforme pour intégrer les biens communs en droit, (dir.) J. Rochfeld, M. Cornu, remis au GIP Mission de recherche Droit et Justice, juin 2021, 520 p., https://sage.unistra.fr/.
  • [23]
    M.-P. Camproux Duffrène, rapport spécial sur « La biodiversité comme chose commune », in L’Échelle de communalité – Propositions de réforme pour intégrer les biens communs en droit, préc.
  • [24]
    M. Mekki, « Intérêt commun », in Dictionnaires des biens communs, M. Cornu, F. Orsi, J. Rochfeld (dir.), PUF, 2017, p. 692.
  • [25]
    Précisons que cette approche collective ou commune ne se fait pas au détriment de, et n’empêche pas la réparation, des préjudices individuels.
  • [26]
    Sur les notions d’intérêt diffus et de trans-individualisme, v. A. Aragão, « Les intérêts diffus, instruments pour la justice et la démocratie environnementale », in M.-P. Camproux Duffrène et J. Sohnle (dir.), La représentation de la nature devant le juge, VertigO - la revue électronique en sciences de l’environnement [En ligne], Hors-série 22 | septembre 2015 : http://journals.openedition.org/vertigo/16284.
  • [27]
    V. sur cette distinction, M.-P. Camproux Duffrène, « L’admission dans le Code civil de la réparabilité du préjudice écologique comme l’expression d’un changement de paradigme », in Mélanges en l’honneur de J.-P. et M. Storck, Liber amicorum, Éditions Dalloz-Joly, 2021, p. 37.
  • [28]
    M.-P. Camproux Duffrène, « La reconnaissance de préjudices spécifiques en cas de catastrophe technologique. Du préjudice écologique au préjudice sanitaire », in Atteintes à l’environnement et à la santé : approches juridiques et enjeux interdisciplinaires, RJE n° spécial 2020, p. 215-231.
  • [29]
    R. Lafargue, « Le préjudice culturel né du dommage environnemental : par-delà nature et culture, un préjudice écologique spécifique », in L. Neyret et G. J. Martin (dir.), Nomenclature des préjudices environnementaux, LGDJ, 2012, p. 220-250.
  • [30]
    V. A. Whiten, « The burgeoning reach of animal culture », Science, 2 avril 2021, Vol. 372, Issue 6537, https://science.sciencemag.org/content/372/6537/eabe6514.
  • [31]
    Il devrait évidemment aussi en être tenu compte en cas de prélèvement de spécimens de populations de loups par exemple. Il ne faudrait pas prélever un spécimen particulièrement porteur de cette culture et apte à la diffuser.
  • [32]
    V. M. Hautereau-Boutonnet, Le Code civil, un code pour l’environnement, Dalloz, 2021, p. 148-155.
  • [33]
    Remarquons au passage qu’il pourrait y avoir confusion entre les mesures visant à faire cesser le dommage et les mesures visant à la cessation de l’illicite. Il faudra dès lors pour le juge être vigilant sur le fondement des mesures octroyées d’autant que les premières doivent être raisonnables et pas les secondes.
  • [34]
    M.-E. Roujou de Boubée, Essai sur la notion de réparation, LGDJ, 1974, 493 p.
  • [35]
    Un peu comme en droit public de l’environnement les mesures de réduction, d’évitement et de compensation, v. M. Lucas, Étude juridique de la compensation écologique, LGDJ, 2015, p. 183.
  • [36]
    V. notamment le dossier sur « Mieux réparer le dommage environnemental », Réflexions autour du rapport de la Commission Environnement du Club des juristes (F.-G. Trébulle [dir.]), Env. et DD, juillet 2012, p. 39.
  • [37]
    M.-P. Camproux Duffrène, « Les modalités de réparation du dommage ; apports de la "responsabilité environnementale" », in C. Cans (dir.), La responsabilité environnementale, prévention, imputation, réparation, Dalloz, Paris, 2009, p. 113.
  • [38]
    Cour d’appel de Besançon, 23 février 2021, n° 19/01375 (inédite).
  • [39]
    Association des Professionnels du Contentieux Économique et Financier (APCEF), Commission « Préjudice écologique », La réparation du préjudice écologique en pratique, 2016, https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-28042-rapport-apcef.pdf.
  • [40]
    Il n’est pas certain que sur ce point le Conseil constitutionnel ait bien pris la mesure de ce dispositif à parfaire mais cohérent, Conseil const., Décision n° 2020-881 QPC, 5 février 2021, préc.
  • [41]
    Les conventions judiciaires d’intérêt public en matière d’environnement sont un point de départ mais elles ne suffisent pas. Loi n° 2020-1672 du 24 décembre 2020 relative au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée dont l’article 15, 3°, prévoit que « tant que l’action publique n’a pas été mise en mouvement, le procureur de la République peut proposer à une personne morale mise en cause pour un ou plusieurs délits prévus par le code de l’environnement […] de conclure une convention judiciaire d’intérêt public imposant […] d’assurer, dans un délai maximal de trois ans et sous le contrôle des mêmes services, la réparation du préjudice écologique résultant des infractions commises ».

1Lors des ateliers des 26 et 27 novembre 2020 à Strasbourg, notre propos portait sur les communs naturels, mais, depuis, une partie de cette étude a fait l’objet d’une publication dans un dossier sur la solidarité écologique dans cette même revue [1]. Nous avions également établi un lien entre les communs naturels et le préjudice écologique [2] qui peut être qualifié juridiquement comme une lésion d’un intérêt à un commun naturel, intérêt (en) commun. L’admission légale du préjudice écologique est récente, rapidement certains juristes ont crié à la difficulté, voire l’impossibilité de son effectivité. Il faut, d’une part, donner aux praticiens du droit le temps de s’en emparer, ce qu’ils sont en train de faire au regard des dernières décisions judiciaires [3]. Il faut, d’autre part, pour faciliter son déploiement dans le droit positif français et au regard de ses particularités, non seulement expliquer ce qu’est ce préjudice écologique en ce qu’il se distingue des préjudices jusque-là admis, mais également analyser la manière dont il s’intègre dans le paysage de la responsabilité civile [4]. Cet article relève ainsi d’un travail explicatif et conceptuel qui nous paraît primordial à ce stade pour éviter les enlisements, les fausses pistes, les malentendus et lutter contre un certain pusillanime encouragé par le cadre de pensée que représente le Code civil.

2Rappelons tout d’abord le contexte. Nous sommes, sans plus guère de contestation aujourd’hui, à l’ère de l’anthropocène et à l’heure où se multiplient les cris d’alarme des scientifiques et les déclarations d’état d’urgence écologique et climatique [5]. Et le Code civil, qui régit les relations entre les personnes et entre les personnes et les choses, date de 1804 et a été écrit dans une ignorance complète des dégradations actuelles de notre environnement. Ce Code civil a été rédigé comme un hymne à l’individu, dans le sens où il est axé sur l’individu, la personne juridique, et ses biens eux-mêmes réunis dans un patrimoine dont il peut disposer sans considération pour ses descendants. Cette mise en avant de l’individu s’accompagne d’une conception du rapport à l’objet de droit érigé en modèle qui est celle de l’appropriation exclusive.

3Dans cet océan d’individualisme et de répartition binaire et simplifiée personne-bien, quelques îlots existent représentant d’autres perceptions. L’article 714 du Code civil [6] permet d’entrevoir que le droit peut être nuancé. En l’occurrence, il est la preuve que la summa divisio ne s’opère pas entre personne et bien (res propria), mais entre personne et chose (res) puisque tout n’est pas appropriable, que toute chose n’est pas forcément soumise à l’appropriation et que le pouvoir juridique que peut avoir la personne sur la chose peut ne pas être exclusif, mais partagé, dans la mesure où la chose n’est pas répartissable, mais mise en commun. Plus récemment (2015), l’article 515-14 du Code civil, plus novateur que ce que l’on a pu dire, bouge les lignes puisque ne le qualifiant ni de personne ni de bien, il définit l’animal en tant qu’entité vivante douée de sensibilité. Celui-ci peut, de ce fait, être reconnu et défendu pour ses caractéristiques d’être sensible y compris lorsqu’il sera soumis, faute de loi plus protectrice, au régime des biens (très protecteur même s’il passe par l’intérêt du propriétaire).

4La loi du 8 août 2016 sur la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages insérant la réparation du préjudice écologique dans le Code civil introduit à bas bruit une autre conception de l’Homme et de son rapport à l’autre (au sens large). L’Homme n’est plus perçu comme le maître de la Nature dans un rapport de domination, mais, conformément aux réalités écologiques, comme dépendant de son environnement et faisant partie de la Nature (l’Homme étant une espèce parmi d’autres insérée dans un réseau d’interdépendances écosystémiques). Le chapitre III sur la réparation du préjudice écologique du sous-titre II sur la responsabilité extracontractuelle, après un chapitre I sur la responsabilité extracontractuelle en général et un chapitre II sur la responsabilité du fait des produits défectueux, augure de ce changement du rapport Homme-Nature. Les articles 1246 et suivants du Code civil expriment la valorisation juridique de notre environnement naturel et la prise en compte de notre interdépendance avec le vivant et les écosystèmes dans le cadre de la responsabilité civile. Nous illustrerons ces propos en portant notre analyse, d’une part, sur ce qu’est le préjudice écologique qui se détache de la conception classique de préjudice (I.) et, d’autre part, sur sa réparabilité dans le cadre de la responsabilité civile (II.).

I – Le préjudice écologique, ou l’apparition d’une nouvelle catégorie de préjudices n’étant plus centrée sur l’individu

5Le préjudice écologique est tout à fait singulier (A.), il rend réparable des atteintes qui ne lèsent pas des intérêts subjectifs exclusifs ce qui permet d’envisager l’ouverture d’une seconde catégorie de préjudices, celle des préjudices extra-individuels (B.).

A – La singularité du préjudice écologique

6En l’absence de précision légale, et malgré les hésitations de la doctrine sur ce point, nous distinguerons entre dommage et préjudice. Le dommage correspond aux atteintes factuelles sur lesquelles porteront d’ailleurs les mesures de réparation ordonnées. Le préjudice est en principe la lésion d’un droit ou d’un intérêt reconnu par le droit positif comme réparable. Le dommage porte sur le corps et peut être matériel ou moral. Le préjudice quant à lui a classiquement trait aux droits de la personne (droits extrapatrimoniaux) ou des droits sur le patrimoine (ensemble des droits et des obligations ayant une valeur monétaire). Pour que le dommage soit réparable, il faut donc qu’il soit qualifié par le juge de préjudice. Tout dommage n’est pas réparable et c’était bien le problème des atteintes à l’environnement ou dommages causés à l’environnement puisque le juge ne reconnaissait pas les atteintes à l’environnement, celui-ci n’ayant pas la personnalité juridique et ne faisant pas non plus partie d’un patrimoine au sens civiliste du terme. Néanmoins, grâce à l’article L. 142-2 du Code de l’environnement, les associations avaient pu se frayer un chemin jurisprudentiel et revendiquer dans un premier temps un préjudice moral en cas d’atteintes à l’environnement se fondant sur la formulation «[l]es associations agréées mentionnées à l’article L. 141-2 peuvent exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les faits portant un préjudice direct ou indirect aux intérêts collectifs qu’elles ont pour objet de défendre et constituant une infraction aux dispositions législatives… ». Ce préjudice moral était un premier pas, mais ne permettait pas une reconnaissance des atteintes à l’environnement lui-même. Dans un second temps, ce même fondement a permis dans l’affaire Erika l’admission par la jurisprudence judiciaire de la réparabilité de ces atteintes. En effet, la Cour de cassation en chambre criminelle, le 25 septembre 2012, a confirmé la décision de la Cour d’appel de Paris, celle-ci « ayant justifié l’allocation des indemnités propres à réparer le préjudice écologique, consistant en l’atteinte directe ou indirecte portée à l’environnement et découlant de l’infraction ». Cet arrêt a été un élément déclencheur de la légalisation du préjudice écologique étant donné les difficultés que cette reconnaissance jurisprudentielle soulevait.

7La loi de 2016 n’a pas repris la définition de la Cour de cassation, mais les composantes de celle élaborée par le rapport Jégouzo [7]. Ainsi, selon l’article 1247 du Code civil, « [e]st réparable, dans les conditions prévues au présent titre, le préjudice écologique consistant en une atteinte non négligeable aux éléments ou aux fonctions des écosystèmes ou aux bénéfices collectifs tirés par l’homme de l’environnement ». Ce préjudice est une sorte d’objet juridiquement non identifié pour les civilistes classiques puisque sans référence ni à la personne juridique ni à ses biens. La conception individualiste et purement anthropocentrée est clairement écartée. Le Code civil ouvre ses pages à l’environnement ou plus exactement aux écosystèmes.

1 – Sur quoi porte la lésion à réparer ?

8Le préjudice écologique vise dans ces deux premières composantes les écosystèmes en précisant que les atteintes peuvent porter sur leurs éléments, mais aussi sur leurs fonctions. Cette définition est large et non restrictive. Tous les éléments sans restriction peuvent être pris en compte (de l’air à l’atmosphère, à l’eau, aux sols, à la faune et à la flore). Il en est de même pour les fonctions écosystémiques qui désignent, quant à elles, des phénomènes propres à l’écosystème qui résultent de la combinaison de l’état des écosystèmes, des structures et des processus écologiques et qui se déroulent avec ou sans la présence de l’Homme. Ces fonctions écosystémiques sont constitutives de la dynamique qui assure le maintien de l’état écologique, physique et chimique des milieux, et la pérennité et la résilience de l’écosystème.

9La troisième composante désigne « les bénéfices collectifs tirés par l’Homme de l’environnement » en sachant que pour le MEA [8] « les bénéfices que les humains tirent des écosystèmes » correspondent aux services rendus par les écosystèmes à l’humain. Dès lors, cette composante du préjudice écologique permet de réparer la perte des avantages socio-écologiques retirés par l’Homme de son utilisation durable des fonctions écosystémiques [9]. Cependant, le choix de la formulation n’est pas sans signification et correspond à un inversement de perspectives puisque l’entité lésée n’est pas la même. Dans les deux premières composantes, le sujet de l’atteinte est l’écosystème et l’intérêt lésé est celui de l’écosystème. La perte de ces bénéfices, dernière composante du préjudice, concerne, quant à elle, l’humain, le sujet est l’humain, l’intérêt qui est lésé est un intérêt collectif humain. Ainsi, l’approche exclusivement écocentrée n’est pas celle choisie puisque sont intégrées comme constitutives (et éventuellement exclusivement) du préjudice écologique les atteintes causées à l’Homme [10]. C’est pour cette raison que le préjudice écologique français tel qu’il est défini dans le Code civil ne peut pas être qualifié de préjudice écologique « pur ». Il pourra être qualifié comme tel si est exclue la troisième composante du préjudice.

10L’article 1247 est porteur d’une approche duale réunissant sous la qualification de préjudice écologique à la fois une approche écocentrée, qui prend en compte la valeur intrinsèque de l’environnement par le biais de l’identification de l’atteinte aux éléments et fonctions des écosystèmes, et une approche plus anthropocentrée. Précisons à propos de ce dernier point que les bénéfices rendus à l’Homme dont il est question sont les bénéfices collectifs, ainsi l’atteinte subie n’est pas individuelle, mais collective. Il est question de besoins vitaux physiquement (accès à l’eau ou à l’alimentation, pollinisation, respirer un air sain), mais tout autant psychiquement (jouir d’un beau paysage, bien-être lié aux sens, comme des chants d’oiseaux [11]). Ces besoins sont communs à tous les humains ou partagés par une même population en raison du lieu ou milieu communs, mais également en lien avec une même spiritualité ou culture [12]. L’anthropocentrisme n’est alors pas synonyme d’individualisme pour autant, puisque sont exclus les préjudices dits classiques, par la prise en compte de la seule atteinte aux bénéfices collectifs tirés par l’Homme de l’environnement.

11Ces trois composantes, même si elles ne sont pas nécessairement à cumuler pour obtenir la reconnaissance du préjudice écologique, sont étroitement liées entre elles, une atteinte portée aux éléments d’un écosystème entraînant le plus souvent une atteinte aux fonctions de celui-ci, et in fine aux bénéfices collectifs tirés par l’Homme de ce même écosystème. Ce continuum ou enchaînement « éléments-fonctions-bénéfices » devrait permettre que la preuve d’une atteinte à l’une de ces composantes facilite la preuve des atteintes aux autres composantes [13]. Cette définition du préjudice écologique porte « une vision holistique des écosystèmes », on peut alors parler de socio-écosystèmes [14], voire selon nous de communs naturels [15].

2 – La mesure de l’atteinte

12Pour compléter l’analyse du préjudice écologique, la définition légale adoptée diffère de celle de la Cour de Cassation : elle est plus précise quant à l’objet de l’atteinte, en revanche une limite supplémentaire est apportée puisque seules les atteintes non négligeables sont qualifiables de préjudice. Il est dès lors laissé au juge d’apprécier la mesure de l’atteinte, en précisant qu’en écologie chaque écosystème est unique dans ses éléments, dans ses fonctions et dans les services qu’il rend aux sociétés humaines. Cette appréciation est comparable à celle que le juge doit faire en matière de trouble anormal du voisinage. Tout prélèvement (portion d’eau, un animal,…) dans un écosystème ne porte pas forcément atteinte au bon fonctionnement de l’ensemble écosystème ou aux éléments essentiels de celui-ci (rivière, espèce,…). Tuer un moineau, marcher sur une pelouse peuvent être considérés comme négligeable contrairement au fait de tuer le dernier ours des Pyrénées ou détruire une forêt primaire. Ce n’est pas forcément qu’une question de quantité (espèce protégée parce que rare), mais aussi de rôle dans le (socio) écosystème. L’appréciation doit se faire au cas par cas et en fonction non pas exclusivement de l’écosystème planétaire ou des éléments matriciels composant les écosystèmes (objets des communs naturels universels), mais également de l’écosystème localisé atteint (objet des communs naturels territorialisés). Ainsi la mesure n’est donc pas forcément de savoir si la biodiversité concernée est ordinaire ou non [16]. Par exemple, une population de grenouilles peut être importante pour le respect de la diversité biologique étant donné sa rareté ou son abondance. Mais à cette mesure se superpose une autre mesure au niveau local, celle relative au rôle joué par cet élément dans le (socio)écosystème atteint, l’importance quantitative (nombre), qualitative (sexe, âge, place dans le groupe…), fonctionnelle (filtration, pollinisation…). Cela dit, en ce qui concerne les bénéfices collectifs, il semble que la preuve de l’existence même d’une atteinte à un bénéfice collectif humain (pollinisation, perte de jouissance collective) devrait permettre à elle seule de convaincre le juge de son caractère non négligeable.

13D’un côté en anthropocène et en l’état d’urgence écologique dans lequel nous sommes, il peut être difficile de soutenir (encore) le caractère négligeable d’une atteinte à l’environnement dans la mesure où les dommages, s’accumulant et se combinant, participent à la réalisation de préjudices écologiques considérables. D’un autre côté et de manière pragmatique, il faut préciser que, de toutes façons, les demandeurs ne vont pas agir si le préjudice est minime d’autant que leur intérêt personnel n’est pas en jeu et que si une réparation monétaire est attribuée, elle ne leur sera pas affectée personnellement.

14Quoi qu’il en soit, cette condition sera laissée à l’appréciation du juge au cas par cas. Notons que le Conseil constitutionnel, interrogé sur la validité de cette restriction, a déclaré l’article 1247 du Code civil conforme à la Constitution dans une décision du 5 février 2021 [17] et a confirmé, ce faisant, par cette décision la validité du préjudice écologique tel que défini par le Code civil [18] et donc sa singularité.

15Il faut alors, pour compléter l’analyse, porter intérêt au travail de la doctrine concernant la traduction juridique des atteintes à l’environnement et préciser encore que cette définition légale s’écarte, selon nous, de l’approche séparative de la nomenclature de L. Neyret et G. Martin distinguant les dommages causés à l’environnement et ceux causés à l’humain, que ce soit individuellement ou collectivement [19]. Dans la définition légale, le préjudice écologique n’est pas pur, il contient une composante en référence au collectif humain et peut donc être en tout ou partie un préjudice collectif humain. La définition légale ne correspond pas non plus à la définition anthropocentrée, bien que collective (fondée sur l’article L. 142-2 du Code de l’environnement) et dépassant l’intérêt individuel, que nous avions proposée avant la loi de 2016, qui n’incluait alors pas l’environnement per se, en focalisant nos réflexions uniquement sur la notion d’intérêt subjectif pluriel et transversal [20].

16Pour finir, il est intéressant en tant qu’environnementaliste d’articuler l’article 1247 du Code civil avec la définition des dommages causés à l’environnement de la Directive sur la responsabilité environnementale (DRE) 2004/35 du 24 avril 2004 transposée à l’article L. 161-1 du Code de l’environnement. Notons tout d’abord que la DRE traite de dommages et pas de préjudices. La DRE distingue les dommages causés à l’environnement des préjudices individuels qui peuvent en découler, mais qui ne sont pas régis par cette même directive. Il reste que la DRE n’a pas besoin d’un préjudice écologique pour traiter des atteintes puisqu’une fois la transposition faite, c’est un mécanisme de police administrative qui est mis en place sans nécessité de préjudice et non pas celui de la responsabilité juridique conditionnée par l’existence d’un préjudice. Cela dit, en termes d’atteintes factuelles, si le Code civil ne fait aucune réserve quant aux éléments des écosystèmes constitutifs du préjudice écologique, les composants considérés comme constitutifs des dommages dans la DRE sont énumérés de manière très restrictive. L’air n’est pas compris, le sol l’est, mais uniquement en cas d’atteinte grave à la santé humaine et l’eau, les espèces et les espaces uniquement s’ils sont protégés par le droit de l’Union européenne. Aussi, pour que l’atteinte soit qualifiée de dommageable, il faut qu’elle soit non pas simplement non négligeable, mais grave. Enfin, la définition de la DRE comprend elle aussi une référence à l’humain puisque l’article L. 161-1 du Code de l’environnement dans son 4° inclut les atteintes aux « services écologiques, c’est-à-dire les fonctions assurées par les sols, les eaux et les espèces et habitats mentionnés au 3° au bénéfice d’une de ces ressources naturelles ou au bénéfice du public ». Ainsi, la DRE n’est pas si éloignée de l’approche empruntée par les auteurs de l’article 1247 du Code civil puisqu’elle intègre dans sa définition des dommages causés à l’environnement les fonctions écosystémiques, mais également les fonctions au bénéfice du public, les services rendus à des humains. Cependant, dans la DRE, le sujet des dommages est toujours l’environnement contrairement au préjudice écologique.

17Le préjudice écologique est donc singulier dans son contenu. Il semble que le Conseil constitutionnel en validant l’article 1247 et la définition qu’il contient, a reconnu le préjudice écologique comme la lésion d’un intérêt légitime juridiquement protégé [21]. Cet intérêt est à analyser.

B – Le préjudice écologique, lésion d’un intérêt pluri-individuel, trans-individuel et indivisible ouvrant une nouvelle catégorie celle des préjudices extra-individuels

18Pour qu’il existe un préjudice, il faut un intérêt lésé. Cet intérêt est ordinairement un intérêt subjectif exclusif, c’est-à-dire l’intérêt d’un individu, et d’un seul, qu’il ne partage pas avec autrui. C’est pourquoi le préjudice classique est la lésion d’un intérêt individuel portant soit sur la personne (droits extrapatrimoniaux) soit sur le patrimoine (droits patrimoniaux) d’un sujet de droit. Nous venons de voir que le préjudice écologique est bien la lésion d’un intérêt, mais cet intérêt n’est pas un intérêt subjectif exclusif, il est autre.

1 – Le préjudice écologique, lésion d’un intérêt juridiquement protégé

19Le préjudice écologique n’est pas la lésion de l’intérêt protégé d’un sujet de droit classique ou issu d’une subjectivation implicite de l’environnement. L’intérêt en cause est autre, il n’est ni intérêt général ni intérêt individuel (y compris additionné). Il est un intérêt qui réunit humains et non-humains.

20En effet, si l’on maintient la distinction préjudice-dommage, considérer une atteinte aux écosystèmes comme un préjudice, c’est considérer qu’il existe un intérêt susceptible d’être protégé par le droit en cas de lésion. C’est la lésion d’intérêts non humains, ceux des écosystèmes directement dans leurs composantes et leur fonctionnement, qui est prise en compte. À ces atteintes aux écosystèmes per se sont ajoutées celles aux « bénéfices collectifs tirés par l’homme de l’environnement ». Il s’agit des bienfaits ou des utilités pour l’Homme produits par son environnement naturel, exprimant l’idée que l’Homme n’est pas séparé et indépendant de son environnement. Ce troisième élément fait référence à l’Homme et donc à une valeur instrumentale et utilitariste de l’environnement, dans une approche collective. Il s’agit alors d’intérêts humains liés à l’environnement. Mais l’intérêt en cause n’est pas un intérêt individualiste et exclusif, et donc classique, mais un intérêt ayant une dimension pluri-individuelle, trans-individuelle et indivisible correspondant à notre approche sur les communs naturels [22].

21Ainsi, le préjudice écologique, selon nous, consacre comme légalement réparable la lésion d’intérêts non humains, ceux des écosystèmes directement (dans leurs composantes et leur fonctionnement) ainsi que la lésion d’intérêts humains, uniquement dans une dimension collective (au sens de transindividuelle), relatifs aux utilités que l’humain peut tirer de l’environnement [23]. Et, par le cumul possible des trois composantes (éléments, fonctions des écosystèmes et bénéfices collectifs humains) du préjudice écologique, les intérêts humains et non-humains peuvent être perçus non comme dissociés, mais comme participant d’un tout, d’où l’expression d’intérêt commun ou du commun si on envisage la théorie des communs naturels.

22L’intérêt du commun naturel [24] ou lésé dans le cadre du préjudice écologique permet d’englober ces différents intérêts et de représenter ce qui réunit l’ensemble de ces entités humaines/non humaines, vivantes/non vivantes et biotiques/abiotiques. De plus, cet intérêt est un intérêt qui ne peut dissocier l’individuel du commun (l’intérêt individuel n’étant pas exclusif, mais au contraire forcément inclus dans l’intérêt collectif [25], voire dans l’intérêt du vivant ou encore du commun naturel).

23Cet intérêt dépasse ainsi les intérêts subjectifs exclusifs en ce sens que l’intérêt lésé, s’il comprend les trois composantes du préjudice écologique, est pluriel et transversal, en ce qu’il traverse nombre de sujets de droit et d’entités naturelles. Il est également indivisible puisqu’il ne peut pas être individualisé ou réparti entre les entités concernées. Ainsi le préjudice écologique peut également être défini comme la lésion d’un intérêt transversal et indivisible entre humains et non humains, lié à un objet naturel.

2 – Le préjudice écologique appartenant à la catégorie des préjudices extra-individuels, une catégorie à construire

24Le préjudice écologique est très différent des préjudices classiques et appartient donc à une catégorie différente qui pourrait être celle des préjudices extra-individuels, alors que les préjudices classiques appartiendraient à la catégorie des préjudices individuels. Cette catégorie de préjudices extra-individuels est à élaborer, quelques pistes peuvent d’ores et déjà être suivies et le préjudice écologique nous ouvre la voie.

25a) Cette catégorie de préjudices dépassant la lésion des intérêts subjectifs exclusifs devrait comprendre les préjudices consistant en la lésion d’intérêts transversaux humains. Dans cette catégorie, l’intérêt est pluri-individuel et a donc trait à une communauté. Cet intérêt prend alors sa source à la fois dans chaque personne de la communauté sans exclusif et dans l’existence du groupe dans son ensemble. Il traverse l’ensemble des individus de la communauté [26]. Cet intérêt est ce qui rassemble cette dernière, ce qui fait le lien entre les membres de la communauté. Cette catégorie recouvre les intérêts collectifs, les intérêts diffus de la communauté humaine [27].

26À la suite de dommages causés à l’environnement, pourrait ainsi être reconnu un préjudice sanitaire correspondant à la lésion d’intérêts transversaux et donc appartenant à cette catégorie de préjudices extra-individuels. Ce préjudice sanitaire peut être défini comme la lésion d’un intérêt pluri-individuel, trans-individuel et indivisible relatif à la santé d’une communauté. Il se distingue de l’addition des dommages corporels individuels se traduisant en préjudices patrimoniaux et extrapatrimoniaux qui sont réparés individuellement [28].

27Il est également possible d’envisager un préjudice culturel/spirituel provoqué par la destruction d’un paysage ou d’une forêt par exemple s’apparentant à un préjudice moral collectif puisque portant atteinte à un intérêt pluri-individuel, trans-individuel et indivisible. Monsieur Lafargue l’a parfaitement décrit en le qualifiant de préjudice bio-culturel [29].

28Cela dit, les préjudices de cette catégorie pourraient dépasser, comme c’est le cas pour le préjudice écologique, la lésion des seuls intérêts transversaux humains et s’étendre à la lésion d’intérêts naturels non humains qu’il s’agisse du vivant ou non.

29b) Pour la lésion des intérêts du vivant non humain, ne serait-il pas possible d’identifier les préjudices sanitaires de ces populations non humaines ou les atteintes à leur culture, bien qu’il nous paraisse difficile d’être entendu dès aujourd’hui dans nos sociétés occidentalisées ? En effet, nous pensons que ces préjudices sanitaires (une pollution augmentant les risques de cancers ou de stérilité au sein d’une espèce à long terme, voire sur plusieurs générations) devraient être reconnus. Ceci dit, peut-être ces atteintes en ce qui concerne les non-humains sont-elles déjà incluses sans être identifiées comme telles dans le cadre du préjudice écologique ? De plus, certains chercheurs font part de leur découverte sur la culture animale, les populations non humaines ont donc une culture, fonction ou non de leur milieu, vitale ou non pour leur survie [30]. En cas d’atteinte à l’écosystème et de disparition de spécimens de l’espèce concernée, il faudrait ainsi également considérer ce fait culturel [31] et le préjudice culturel de ces populations. La réparation en nature prescrite devrait alors tenir compte de cette culture pour éviter le dépérissement de ces populations et ne pas compromettre les chances de rétablissement de la population (par exemple par la réintroduction de spécimens aptes à s’adapter au groupe et à son fonctionnement culturel).

30Ces préjudices collectifs ou diffus, humains ou non humains, peuvent faire partie d’un tout lorsqu’ils sont issus d’une atteinte à l’environnement ou à un écosystème et donc être intégrés tout en étant identifiés dans le préjudice écologique.

31c) Les éléments des écosystèmes dont l’atteinte peut être qualifiée de préjudice écologique ne font pas forcément partie du vivant et donc d’une communauté biotique. Un pas de plus peut encore être franchi en intégrant les intérêts non seulement de la communauté du vivant (intérêt transvivant/intérêt en commun), mais également les intérêts des éléments abiotiques. L’ensemble de ces intérêts peut alors être qualifié d’intérêt du commun naturel (rassemblant les intérêts de la communauté humaine, ceux de la communauté non humaine concernée et l’intérêt de l’objet qui fait la communauté).

32Cette catégorie de préjudices extra-individuels est à construire, mais quoi qu’il en soit le préjudice écologique en pose la première pierre et il est d’ores et déjà possible d’identifier leurs caractéristiques principales qui sont leur transversalité et leur indivisibilité. Ces caractéristiques expliquent et justifient qu’en cas d’action organisée en principe et à l’heure actuelle pour la défense d’intérêts individuels, exclusifs de surcroît, certains aménagements soient nécessaires.

II – La réparabilité du préjudice écologique dans le cadre d’une action en responsabilité civile

33En qualifiant les atteintes à l’environnement de préjudice et en introduisant les articles relatifs à sa réparation dans le sous-titre II sur la responsabilité extracontractuelle, la volonté du législateur était bien de dépasser l’approche classique de la responsabilité ne prenant en compte que les atteintes à autrui, c’est-à-dire à une personne juridique dans son individualité. En effet, il n’a pas été question en France d’admettre par le biais du préjudice écologique la subjectivation des écosystèmes.

34Ainsi, la spécificité du préjudice écologique et l’admission de sa réparabilité par la loi de 2016, ont entraîné nécessairement des conséquences en termes d’action en défense. Les articles 1246 et suivants du Code civil mettent en place tout un dispositif propre à l’exercice d’une action devant le juge. Il faut, dès lors, analyser quels sont les pouvoirs du juge accordés dans le cadre de cette action (A.) et préciser la nature du régime instauré, en l’occurrence un régime spécifique de réparation du préjudice obéissant au principe de réparation intégrale de la responsabilité civile (B.).

A – Les pouvoirs du juge dans le cadre des articles 1246 et suivants du Code civil

35La question des pouvoirs du juge mérite d’être posée, ceux-ci étant plus larges qu’il n’y paraît de prime abord. Le chapitre III introduisant la judiciarité du préjudice écologique est intitulé « La réparation du préjudice écologique », or cette formulation est trompeuse dans le sens où le juge possède un pouvoir plus important que celui d’ordonner la réparation du préjudice écologique.

1 – Des mesures pour prévenir ou faire cesser le dommage

36En effet, dans ce chapitre, le Code civil prévoit que le juge puisse prendre des mesures pour prévenir ou faire cesser le dommage. Ainsi, selon l’article 1252 du Code civil, l’action en défense de cet intérêt englobe un volet préventif puisqu’« [i] ndépendamment de la réparation du préjudice écologique, le juge, saisi d’une demande en ce sens par une personne mentionnée à l’article 1248, peut prescrire les mesures raisonnables propres à prévenir ou faire cesser le dommage. ». Cet article a des similitudes avec l’article 9, alinéa 1er, de ce même code en matière de droits de la personnalité. Sans développer davantage, nous regrettons le qualificatif restrictif de raisonnable, quand bien même il est utilisé dans d’autres disciplines juridiques ; comme si le juge ne pouvait pas en apprécier l’aune spontanément. Mais nous nous consolerons en arguant que ce qualificatif étant flou, cette restriction pourrait ne pas avoir beaucoup de conséquences, d’autant plus que dans l’absolu la question peut se poser de savoir raisonnable pour qui ? Pour quoi ? Dans le cadre du préjudice écologique, l’intérêt protégé dépassant l’intérêt individuel, et notamment les intérêts économiques à court terme, le juge devrait apprécier ce caractère en fonction des intérêts en présence dans le conflit. Néanmoins, il est difficile d’admettre que se cumulent les caractéristiques amoindrissant la plénitude de cette action (atteintes non négligeables, mesures raisonnables). Il faudra donc faire appel à la conscience écologique des juges pour interpréter ces restrictions au regard des enjeux en cause. Ou faudrait-il, pour échapper à cette restriction et son interprétation aléatoire par le juge, préférer l’action en référé en se fondant sur l’article 809 du Code de procédure civile permettant au Président du tribunal, même en présence d’une contestation sérieuse, de prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ?

37Précisons que l’article 1252 traite du dommage et pas du préjudice, ce qui semble finalement cohérent dans la mesure où le préjudice n’est pas encore constitué. Et les mesures à prendre doivent porter sur les atteintes aptes à permettre la qualification de préjudice écologique.

38Il est possible de dire en matière environnementale que ces mesures préventives ne font qu’actualiser et légaliser les pouvoirs préventifs du juge en matière de responsabilité civile [32], elles viennent s’ajouter aux autres mesures dont le juge dispose plus classiquement dans le cadre de la responsabilité civile.

2 – Des mesures pour réparer le préjudice et faire cesser l’illicite

39Puisque l’action judiciaire dans le cadre des articles 1246 et suivants du Code civil est une mise en œuvre de la responsabilité civile ayant pour objectif de rétablir des équilibres antérieurs, les mesures que peut prendre le juge répondent à un double objectif, celui de réparer le préjudice, mais également celui de faire cesser l’illicite de manière à éviter la continuation ou la répétition de ce préjudice [33].

40Madame Roujou de Boubée a excellemment démontré cette double mission du juge dans le cadre de l’action en responsabilité civile et en particulier en matière de trouble anormal du voisinage [34]. À quoi servirait une action en responsabilité civile, avec toute la mobilisation des acteurs que cela représente, si on sait que le dommage va perdurer ou qu’un nouveau va réapparaître ? En matière de trouble anormal du voisinage, le juge peut ordonner autant des mesures de réparation pour le dommage passé (indemnisation) que des mesures de cessation de l’illicite qui permettent d’éviter le dommage futur (déplacement d’un trou de golf, du foin risquant l’incendie d’un bâtiment, d’un chenil pour éviter les nuisances dues aux aboiements). Ces deux sortes de mesures réparatrices et en cessation de l’illicite sont souvent confondues, voire, pour les secondes, occultées [35].

41Elles doivent cependant être différenciées, leur objectif n’étant pas le même, quand bien même elles peuvent/doivent être cumulées pour remplir la fonction plénière de la responsabilité qui est de rétablir les équilibres antérieurs et de se rapprocher autant que possible de la situation qui existait avant l’arrivée du dommage.

42Ainsi en cas de préjudice écologique, le juge aura bien sûr pour mission de réparer le préjudice passé par le biais de mesures de réparation qu’elles soient en nature (par la remise en état ou par équivalent naturel ou compensation ex post) ou subsidiairement par indemnisation (équivalent monétaire). Mais le juge aura également pour mission d’éviter que le préjudice ne perdure ou ne se reproduise inéluctablement en raison d’un fait générateur auquel il ne serait pas mis fin. Il devra ainsi tenter de tarir la source du dommage, le juge pourrait par exemple prendre des mesures pour éviter l’émission de produits polluants. Il peut pour ce faire prendre appui sur la jurisprudence relative au trouble anormal du voisinage.

43Ainsi, l’action fondée sur le chapitre sur la réparation du préjudice écologique permet au juge de déployer un ensemble de mesures sanctionnant le préjudice écologique fort intéressantes, elle ne se réduit donc pas à une simple action en réparation au sens strict.

B – L’instauration d’un régime spécifique de réparation du préjudice obéissant au principe de réparation intégrale de la responsabilité civile

44La question s’est posée de savoir ce que les articles 1246 et suivants du Code civil instituent. Est-ce que l’objet de ces articles est de créer un nouveau préjudice et, étant donné sa spécificité, de poser les aménagements subséquents de l’action en responsabilité ? Dans ce cas, le préjudice viendrait s’ajouter comme préjudice supplémentaire dans le cadre du mécanisme de la responsabilité, que celle-ci soit de droit commun ou spécifique ? Ou est-ce que ce chapitre crée en s’appuyant sur l’article 1246 du Code civil un nouveau régime spécifique de responsabilité civile s’appliquant en cas de préjudice écologique ? À l’heure d’aujourd’hui, nous pensons possible d’affirmer et de plaider pour une inclusion de ce préjudice écologique et de sa réparabilité dans le cadre général de la responsabilité extracontractuelle et donc applicable dans les cas de responsabilité de droit commun (ce qui est déjà le cas aujourd’hui) comme en matière de responsabilités spécifiques.

45Il nous semble préférable, dans un premier temps en tous les cas, d’installer ce nouveau préjudice et de se familiariser avec les aménagements consécutifs à sa singularité dans le cadre de la responsabilité extracontractuelle du sous-titre II du Code civil. À ce jour, il n’y a pas de justification à promouvoir une responsabilité spécifique en cas de préjudice écologique alors que les différents régimes de responsabilité existants offrent un champ d’application suffisamment important, sauf à vouloir réduire les exigences de la responsabilité en cas de préjudice écologique et adopter une responsabilité a minima (sic) !

46Lors des débats doctrinaux [36] puis parlementaires relatifs à l’admission du préjudice écologique dans le droit français, il a été entendu que le focus était mis sur la réparation du préjudice et, selon nous, les articles 1246 et suivants du Code civil permettent cette réparation dans le cadre d’une action en responsabilité (quelle qu’elle soit). Ainsi, il semble que les articles 1246 et suivants créent un véritable régime de réparation spécifique par rapport au régime de réparation des préjudices classiques et donc individuels en raison de la spécificité du préjudice en cause du fait notamment de sa transversalité et de son indivisibilité.

47Ce régime spécifique s’exprime par la mise en place d’aménagements dans le cadre de l’action en responsabilité, en particulier (mais pas seulement) en matière de représentation des intérêts et de modalités de réparation. Il faut souligner que ces aménagements permettent une meilleure ou une complète application du principe de réparation intégrale adaptée à la spécificité du préjudice écologique.

48Ainsi, l’article 1249 du Code civil en imposant la hiérarchisation des modalités de réparation, en priorisant les modalités de réparation en nature et en exigeant l’affectation de l’indemnisation accordée (subsidiairement à la réparation de l’environnement) n’est pas dérogatoire au principe qui encadre l’obligation de réparation fondée sur la responsabilité civile. Au contraire, il contraint les juges à son application stricte. En effet, la réparation en nature s’impose comme étant la seule réparation véritablement conforme au principe de réparation adéquate et de réparation intégrale du préjudice [37], l’indemnisation n’étant qu’un pis-aller et à n’ordonner qu’en raison du fait que les parties à l’action, demandeurs comme défendeurs, ne peuvent pas réaliser de réparation en nature par eux-mêmes. La Cour d’appel de Besançon fournit un parfait exemple de réparation en nature du préjudice écologique en condamnant sous astreinte un agriculteur à replanter des haies qu’il avait arrachées alors que celles-ci constituaient des habitats naturels d’espèces animales protégées, et à remettre en « état de nature » de prairies exploitées par fauche tardive des parcelles qu’il avait converties en culture ou à défaut des parcelles équivalentes et à proximité [38].

49De plus, pour tenir compte de la spécificité de l’intérêt en cause (pluriel, indivisible et transversal), il faut que la réparation ne soit pas répartie entre les différents demandeurs, y compris en cas d’indemnisation, sous peine de nier et contrarier ce qui constitue le préjudice écologique et sa nature intrinsèque, et qui conduirait donc à rompre le principe de réparation intégrale. Il faut que les mesures en nature ou par indemnisation soient affectées, comme le dit le texte, à la réparation de l’environnement. Bien sûr des améliorations peuvent être apportées aux adaptations légales, et l’élaboration d’un projet de restauration dans le cadre de la décision judiciaire, proposée dans un rapport sous la direction de L. Neyret [39], nous paraît parfaitement conforme à l’esprit du texte et au respect du principe de réparation intégrale.

50De même, la pluralité des titulaires de l’action prévue à l’article 1248 du Code civil ne doit pas faire craindre un cumul de réparation, contraire à la réparation intégrale. En effet, la réparation ne doit pas être répartie entre les demandeurs, l’intérêt lésé étant indivisible. Même si les demandeurs sont plusieurs, la réparation doit être unique. Un projet global de restauration validé par le juge irait dans le sens de cette unicité. Et c’est pourquoi une réparation en nature est priorisée et qu’en cas d’indemnisation l’État peut être bénéficiaire, dissociant ainsi les qualités de titulaires et de bénéficiaires de l’action.

51Cette pluralité des titulaires de l’action est malgré tout essentielle, car elle reflète la diversité et la transversalité des intérêts couverts par le préjudice écologique. Non seulement les titulaires de l’action sont des porteurs d’un intérêt qui dépasse leur propre intérêt, puisqu’il va s’agir de l’intérêt des écosystèmes ou des intérêts collectifs ou diffus humains liés, mais leur pluralité et diversité sont la garantie d’une représentation de la dimension plurielle de l’intérêt lésé et donc du préjudice écologique.

52Ainsi les aménagements prévus ne sont en rien des dérogations au principe encadrant la responsabilité civile, bien au contraire, ils sont la prise en compte de la spécificité du préjudice notamment de son indivisibilité pour mieux respecter ces principes notamment celui de la réparation intégrale inhérente à la responsabilité civile [40].

53Cette « réparation » au sens large doit être réfléchie et il faut que les mesures ordonnées par le juge fassent l’objet d’une discussion fournie entre les différentes parties prenantes pour optimiser leur application et leur efficacité [41].

54Il nous paraît effectivement primordial, au regard des enjeux écologiques et climatiques et de l’urgence scientifiquement démontrée qui en découle aujourd’hui, que les intérêts – reconnus comme juridiquement protégés et dont les atteintes sont reconnues légalement comme réparables au titre du préjudice écologique – puissent bénéficier le plus largement possible de la protection de la responsabilité civile. Et qu’ils puissent faire l’objet d’une réparation adaptée au regard de la spécificité du préjudice écologique en cause et d’une réparation intégrale pour répondre aux exigences bienvenues des règles de la responsabilité civile.

55Espérons que les juristes comprennent les enjeux et la cohérence de ce que les articles 1246 et suivants offrent comme perspective et comme évolution dans notre rapport à la Nature et qu’ils empruntent ce sentier sans trop d’a priori.


Mots-clés éditeurs : réparation intégrale, intérêts collectifs/diffus, responsabilité civile, transvivant, communs naturels, préjudice écologique, intérêt trans-individuel

Date de mise en ligne : 17/09/2021

Notes

  • [1]
    M.-P. Camproux Duffrène, « Les communs naturels comme expression de la solidarité écologique », in Dossier « Le principe de solidarité écologique : approche prospective », RJE 4/2020, p. 689-713. Ces communs ont fait également l’objet d’une intervention dans le cadre d’auditions sur « Ombudsman pour les générations futures. Médiation et défense de l’environnement » pour la députée C. Muschotti, en charge d’un rapport parlementaire sur la défense de l’environnement, organisées par la Chaire pour la Paix de Caen dans la session « Quelles protections pour les communs ? », le 15 avril 2021, et d’un rapport d’experts pour le groupe des Verts, Des changements de paradigme juridique pour un droit de l’environnement rénové, publié le 31 mai 2021 : https://www.greens-efa.eu/fr/article/document/legal-paradigm-shifts-for-a-new-environmenytal-law.
  • [2]
    M.-P. Camproux Duffrène « Les communs naturels : de l’intérêt à l’action en défense », in Le principe de solidarité écologique : approche prospective, Vertigo numéro spécial 2021, à paraître.
  • [3]
    E. Thiebold et M.-P. Camproux Duffrène, « La preuve du préjudice écologique et sa réparabilité », Cahiers de la justice, ENM-Éditions Dalloz, juin 2/2021, Revue Justice Actualités, n° 25, p. 128-138, https://www.enm.justice.fr/sites/default/files/025RJA_La-justice-penale-environnementale.pdf, RJA 25 « La justice pénale environnementale ».
  • [4]
    En sachant que, bien que la réparation du préjudice écologique soit introduite dans le Code civil, le Tribunal administratif de Paris vient de l’admettre dans le cadre de l’Affaire du siècle dans sa décision du 3 février 2021. V. C. Cournil et M. Fleury, « De "l’Affaire du siècle" au "casse du siècle" ? Quand le climat pénètre avec fracas le droit de la responsabilité administrative », La Revue des droits de l’homme. Revue du Centre de recherches et d’études sur les droits fondamentaux, 2021, https://journals.openedition.org/revdh/1114.
  • [5]
    Voir les actes du colloque annuel de la SFDE sur « Urgence(s) écologique(s) : quelle(s) urgence(s) pour le droit ? », 9-11 juin 2021, actes à paraître dans le numéro spécial 2021 de la RJE. V. également le 6ème rapport d’évaluation du GIEC du 9 août 2021, https://www.ipcc.ch/report/ar6/wg1/downloads/report/IPCC_AR6_WGI_SPM.pdf.
  • [6]
    Art. 714 du Code civil : « Il est des choses qui n’appartiennent à personne et dont l’usage est commun à tous. // Des lois de police règlent la manière d’en jouir. »
  • [7]
    (reprise de la définition sauf l’anormalité) Rapport Jégouzo relatif à la réparation du préjudice écologique, 2013, p. 61, https://www.vie-publique.fr/sites/default/files/rapport/pdf/134000619.pdf.
  • [8]
    Le MEA ou Millenium Ecosystem Assessment (Évaluation des écosystèmes pour le millénaire) est un comité d’experts instauré en 2001 par les Nations unies dans le but d’évaluer les conséquences des changements écosystémiques sur le bien-être humain et d’établir une base scientifique pour permettre la mise en œuvre d’actions nécessaires à l’amélioration de la conservation et de l’utilisation durable de ces systèmes, http://www.millenniumassessment.org/fr/About.html.
  • [9]
    Évaluation française des écosystèmes et des services écosystémiques (EFESE) « Cadre conceptuel », avril 2017, op. cit., p. 61.
  • [10]
    Gilles J. Martin, « Point de vue : Le préjudice écologique », in La loi biodiversité, ce qui change en pratique, Éditions législatives, 2017, p. 145.
  • [11]
    J. Methorsta, K. Rehdanzb, T. Muellerc, B. Hansjürgensd, A. Bonne, K. Böhning-Gaesef, « The importance of species diversity for human well-being in Europe, Ecological Economics 181 (2021), https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0921800920322084?via%3Dihub#s0055.
  • [12]
    R. Lafargue, « Le préjudice civilisationnel pour atteinte à l’environnement. Droit au cadre naturel et réalités socioculturelles : interdépendances et interdisciplinarité », Droit et société, 2010/1 n° 74, p. 151-169.
  • [13]
    E. Thiebold et M.-P. Camproux Duffrène, « La preuve du préjudice écologique et sa réparabilité », Cahiers de la justice, ENM- Éditions Dalloz, juin 2/2021, précité.
  • [14]
    M.-P. Camproux Duffrène, « Le préjudice écologique en soutien à la protection de l’environnement en Mer Méditerranée », Colloque La protection de l’environnement en Mer Méditerranée, « Le préjudice écologique », in Dossier Colloque Toulon, La Revue Maritime, 2020 n° 516, p. 86-91.
  • [15]
    M.-P. Camproux Duffrène, « Les communs naturels comme expression de la solidarité écologique », in Dossier « Le principe de solidarité écologique : approche prospective », RJE 4/2020, p. 689-713.
  • [16]
    A. Treillard, L’appréhension juridique de la nature ordinaire, Thèse, Limoges, 2019 (inédit).
  • [17]
    Conseil const., Décision n° 2020-881 QPC, 5 février 2021, commentée par Gilles J. Martin, « La définition du préjudice écologique à la lumière de l’article 4 de la Charte de l’environnement », JCP G Semaine Juridique (édition générale), n° 8, 2021, p. 379-381 et É. Naim-Gesbert, « L’écart entre le juste et l’utile laisse dans l’ombre l’atteinte négligeable à l’environnement, Conseil constitutionnel, Décision n° 2020-881 QPC du 5 février 2021, Association Réseau Sortir du nucléaire et autres », RJE 2/2021, p. 401.
  • [18]
    L. Neyret et G. Martin (dir.), Nomenclature des préjudices environnementaux, LGDJ, 2012, p. 18.
  • [19]
    G. J. Martin, « La réparation des atteintes à l’environnement », in Les limites de la réparation du préjudice, Dalloz, Thèmes et commentaires, 2009, p. 366.
  • [20]
    M.-P. Camproux Duffrène, « Essai de dialectique sur une responsabilité civile en cas d’atteinte à l’environnement », in Pour un droit économique de l’environnement, Mélanges G. J. Martin, éd. Frison Roche, 2013, p. 105 et « La représentation de l’intérêt collectif environnemental devant le juge civil : après l’affaire Erika et avant l’introduction dans le Code civil du dommage causé à l’environnement ? », in M. P. Camproux Duffrène et J. Sohnle (dir.), La représentation de la nature devant le juge ; approches comparatiste et prospective, éd. Vertigo, HS n° 22, septembre 2015, https://vertigo.revues.org/16320.
  • [21]
    G. J. Martin, « La définition du préjudice écologique à la lumière de l’article 4 de la Charte de l’environnement », JCP G Semaine Juridique (édition générale), n° 8, 2021, p. 380.
  • [22]
    Ces questions d’intérêts transversaux sont développées in M.-P. Camproux Duffrène, « Les communs naturels : de l’intérêt à l’action en défense », in Le principe de solidarité écologique : approche prospective, Vertigo numéro spécial 2021, à paraître, et s’appuient sur les travaux d’un groupe de travail, Rapport final de recherche, L’Échelle de communalité, Propositions de réforme pour intégrer les biens communs en droit, (dir.) J. Rochfeld, M. Cornu, remis au GIP Mission de recherche Droit et Justice, juin 2021, 520 p., https://sage.unistra.fr/.
  • [23]
    M.-P. Camproux Duffrène, rapport spécial sur « La biodiversité comme chose commune », in L’Échelle de communalité – Propositions de réforme pour intégrer les biens communs en droit, préc.
  • [24]
    M. Mekki, « Intérêt commun », in Dictionnaires des biens communs, M. Cornu, F. Orsi, J. Rochfeld (dir.), PUF, 2017, p. 692.
  • [25]
    Précisons que cette approche collective ou commune ne se fait pas au détriment de, et n’empêche pas la réparation, des préjudices individuels.
  • [26]
    Sur les notions d’intérêt diffus et de trans-individualisme, v. A. Aragão, « Les intérêts diffus, instruments pour la justice et la démocratie environnementale », in M.-P. Camproux Duffrène et J. Sohnle (dir.), La représentation de la nature devant le juge, VertigO - la revue électronique en sciences de l’environnement [En ligne], Hors-série 22 | septembre 2015 : http://journals.openedition.org/vertigo/16284.
  • [27]
    V. sur cette distinction, M.-P. Camproux Duffrène, « L’admission dans le Code civil de la réparabilité du préjudice écologique comme l’expression d’un changement de paradigme », in Mélanges en l’honneur de J.-P. et M. Storck, Liber amicorum, Éditions Dalloz-Joly, 2021, p. 37.
  • [28]
    M.-P. Camproux Duffrène, « La reconnaissance de préjudices spécifiques en cas de catastrophe technologique. Du préjudice écologique au préjudice sanitaire », in Atteintes à l’environnement et à la santé : approches juridiques et enjeux interdisciplinaires, RJE n° spécial 2020, p. 215-231.
  • [29]
    R. Lafargue, « Le préjudice culturel né du dommage environnemental : par-delà nature et culture, un préjudice écologique spécifique », in L. Neyret et G. J. Martin (dir.), Nomenclature des préjudices environnementaux, LGDJ, 2012, p. 220-250.
  • [30]
    V. A. Whiten, « The burgeoning reach of animal culture », Science, 2 avril 2021, Vol. 372, Issue 6537, https://science.sciencemag.org/content/372/6537/eabe6514.
  • [31]
    Il devrait évidemment aussi en être tenu compte en cas de prélèvement de spécimens de populations de loups par exemple. Il ne faudrait pas prélever un spécimen particulièrement porteur de cette culture et apte à la diffuser.
  • [32]
    V. M. Hautereau-Boutonnet, Le Code civil, un code pour l’environnement, Dalloz, 2021, p. 148-155.
  • [33]
    Remarquons au passage qu’il pourrait y avoir confusion entre les mesures visant à faire cesser le dommage et les mesures visant à la cessation de l’illicite. Il faudra dès lors pour le juge être vigilant sur le fondement des mesures octroyées d’autant que les premières doivent être raisonnables et pas les secondes.
  • [34]
    M.-E. Roujou de Boubée, Essai sur la notion de réparation, LGDJ, 1974, 493 p.
  • [35]
    Un peu comme en droit public de l’environnement les mesures de réduction, d’évitement et de compensation, v. M. Lucas, Étude juridique de la compensation écologique, LGDJ, 2015, p. 183.
  • [36]
    V. notamment le dossier sur « Mieux réparer le dommage environnemental », Réflexions autour du rapport de la Commission Environnement du Club des juristes (F.-G. Trébulle [dir.]), Env. et DD, juillet 2012, p. 39.
  • [37]
    M.-P. Camproux Duffrène, « Les modalités de réparation du dommage ; apports de la "responsabilité environnementale" », in C. Cans (dir.), La responsabilité environnementale, prévention, imputation, réparation, Dalloz, Paris, 2009, p. 113.
  • [38]
    Cour d’appel de Besançon, 23 février 2021, n° 19/01375 (inédite).
  • [39]
    Association des Professionnels du Contentieux Économique et Financier (APCEF), Commission « Préjudice écologique », La réparation du préjudice écologique en pratique, 2016, https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-28042-rapport-apcef.pdf.
  • [40]
    Il n’est pas certain que sur ce point le Conseil constitutionnel ait bien pris la mesure de ce dispositif à parfaire mais cohérent, Conseil const., Décision n° 2020-881 QPC, 5 février 2021, préc.
  • [41]
    Les conventions judiciaires d’intérêt public en matière d’environnement sont un point de départ mais elles ne suffisent pas. Loi n° 2020-1672 du 24 décembre 2020 relative au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée dont l’article 15, 3°, prévoit que « tant que l’action publique n’a pas été mise en mouvement, le procureur de la République peut proposer à une personne morale mise en cause pour un ou plusieurs délits prévus par le code de l’environnement […] de conclure une convention judiciaire d’intérêt public imposant […] d’assurer, dans un délai maximal de trois ans et sous le contrôle des mêmes services, la réparation du préjudice écologique résultant des infractions commises ».

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