Couverture de RJE_212

Article de revue

Aarhus / Accès à la justice

Pages 421 à 425

Notes

  • [1]
    Trib. UE, 6 mai 2020, Sabo e. a. / Parlement et Conseil, T-141/19, EU:T:2020:179.
  • [2]
    Cf. Ordonnance Trib. UE précitée, pt. 24. Voir également les arrêts : CJUE, 18 mai 1994, Codorniu/Conseil, C-309/89, EU:C:1994:197, pts. 19 à 22 ; Trib. UE, 27 juin 2000, Salamander e.a./Parlement et Conseil, T-172/98, et T-175/98 à T-177/98, EU:T:2000:168, point 30 ; et Trib. UE, 2 mars 2010, Arcelor/Parlement et Conseil, T-16/04, EU:T:2010:54, pt. 96.
  • [3]
    Voir en ce sens, les arrêts CJCE, 15 juillet 1963, Plaumann & Co c./ Commission européenne ; CJCE, 2 avril 1998, Stichting Greenpeace Council c./ Commission des Communautés européennes, C-321/95 P, Rec. p. I-1651, pts. 28-29 ; TPIUE, ord., 28 novembre 2005, European Environmental Bureau (EEB) et Stichting Natuur en Milieu c./ Commission des Communautés européennes, T-236/04 et T-241/04, Rec. p. II-4945, pt. 56 ; et TPICE, ord., 25 juin 2007, Drax Power Ltd, T-130/06, pt 60.
  • [4]
    Voir décision ECE/MP.PP/C.1/2017/7 du 2 juin 2017.
Banque européenne d’investissement – Décision de financement de la centrale électrique à biomasse en Galice – Demande de révision interne de la décision de la BEI – Acte adopté conformément au droit de l’environnement au sens de la Convention d’Aarhus – Recours recevable.

1Trib. UE (deuxième chambre élargie), 27 janvier 2021, ClientEarth contre Banque européenne d’investissement, T-9/19.

2Dans cet arrêt du 27 janvier 2021, le Tribunal de l’Union européenne saisi par l’ONG environnementale ClientEarth d’une action en justice contre la Banque européenne d’investissement (BEI), alléguait que la banque avait indûment rejeté sa demande pour un réexamen interne de la décision de la Banque de financer une centrale électrique à biomasse en Galice (projet Curtis).

3La BEI a accepté d’accorder un prêt de 60 millions d’euros pour construire une centrale électrique à biomasse de 50 mégawatts en Espagne en 2018. Le 9 août 2018, ClientEarth a soumis à la BEI une demande de révision interne de cette décision conformément aux articles 10 à 12 du règlement (CE) n° 1367/2006 concernant l’application aux institutions et aux organes communautaires des dispositions de la Convention d’Aarhus sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement. ClientEarth reprochait au conseil d’administration de la BEI d’avoir commis, dans la décision attaquée, une erreur manifeste d’appréciation en estimant que le projet Curtis contribuerait de manière significative à la politique de l’Union européenne en faveur des énergies renouvelables et de la lutte contre le changement climatique. Le 30 octobre 2018, la BEI a rejeté la demande comme étant irrecevable au motif que sa décision de financement n’était pas un « acte administratif » ni une décision prise « en vertu du droit de l’environnement » au sens de la Convention d’Aarhus et qu’elle n’était donc pas soumise à un examen interne.

4Il est important de souligner qu’il s’agit d’un arrêt crucial, qui a donné raison à une ONG œuvrant pour la protection de l’environnement face à une institution aussi considérable et peu susceptible d’être la cible d’actions en justice que la BEI. Le Tribunal a annulé la décision de la BEI. L’arrêt concentre son argumentation sur la recevabilité de la demande et sur la notion d’« acte adopté conformément au droit de l’environnement » (qu’il interprète dans un sens très large), mais ne va pas jusqu’à remettre en cause le pouvoir discrétionnaire de la BEI sur le fond de la décision elle-même.

5Cette affaire montre également comment l’implication de tiers peut contribuer au contrôle du financement durable et servir de base, le cas échéant, à de futurs litiges dans ce domaine. La transparence de l’information, le devoir de motiver les actes, voire de les réviser, peuvent être des éléments clés pour comprendre les éléments qui ont été pris en considération pour adopter des décisions de financement durable par les autorités publiques ou les institutions privées.

6Shérazade ZAITER

Permis environnemental – Droit néerlandais – Intérêt à agir des requérants – Question préjudicielle – Conformité à la Convention d’Aarhus.

7CJUE (première chambre), 14 janvier 2021, Stichting Varkens in Nood e.a., affaire C-826/18.

8La première chambre est saisie d’une question préjudicielle formée par le Tribunal administratif du Limbourg, dans le cadre d’un recours en annulation d’un permis environnemental portant notamment sur la construction d’une étable porcine d’une capacité d’accueil de 855 truies. Ce recours a été porté devant le Tribunal par Mme LB, vétérinaire, ainsi que par plusieurs associations de protection de l’environnement.

9La juridiction nationale devait trancher la question classique de l’intérêt à agir des requérants, et plus spécialement ici, l’hypothèse où une disposition nationale conditionne l’intérêt à agir d’un requérant à sa participation effective à la procédure préparatoire d’un acte pris en matière d’environnement. C’est dans ces conditions que le Tribunal du Limbourg a saisi la Cour de Justice d’une question préjudicielle portant sur la conformité du droit néerlandais vis-à-vis du droit de l’Union européenne, et notamment de la Convention d’Aarhus.

10La Cour commence par rappeler que le projet dont il est question en l’espèce entre bien dans la catégorie de ceux relevant de la Convention d’Aarhus (§32 à 33). Elle souligne ensuite la distinction existant entre « le public concerné », visé au paragraphe 2, et le « public » au sens large, visé au paragraphe 3, de l’article 9 de la Convention d’Aarhus. En effet, selon la Cour, l’article 9, paragraphe 2, de cette Convention permet de reconnaître un intérêt à agir aux « membres du public concerné, lesquels [en ce qui concerne les personnes physiques] font partie du cercle, qu’il appartient aux États membres de déterminer (…), des personnes sur lesquelles l’acte ou l’opération envisagés ont ou risquent d’avoir un impact » (§38), auxquels il faut ajouter les « organisations non gouvernementales répondant aux conditions visées à l’article 2, paragraphe 5 » de ladite Convention (§57). Tandis que l’article 9, paragraphe 3, permet, de manière supplétive, que les « « membres du public qui répondent aux critères éventuels prévus par [le] droit interne » puissent engager des procédures (…) pour contester les actes ou les omissions de particuliers ou d’autorités publiques allant à l’encontre des dispositions du droit national de l’environnement » (§48).

11De cette précédente distinction, la Cour en déduit que « l’article 9, paragraphe 2, de la convention d’Aarhus s’oppose à ce que la recevabilité des recours juridictionnels qu’il vise, exercés par des [personnes ayant la qualité de] "public concerné" [à l’instar des associations requérantes], soit subordonnée à leur participation au processus décisionnel ayant conduit à l’adoption de la décision attaquée » (§59). En revanche, il en va différemment du « public » au sens large, à l’instar de Mme LB, pour lequel, en application de l’article 9, paragraphe 3, de la Convention d’Aarhus, la recevabilité du recours peut être « subordonnée à la condition que le requérant ait fait valoir ses objections en temps utile dès la procédure administrative » (§63). Néanmoins, conformément à l’article 52 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union, cette dernière condition doit être prévue par la loi nationale de l’État membre, en tant qu’elle constitue « une limitation du droit à un recours effectif devant un tribunal » (§64).

12La lecture de la Convention d’Aarhus faite par la Cour paraît en restreindre la portée, dès lors qu’en vertu de son article 6 relatif à la participation du public, la Convention paraît assimiler le « public » au sens général, au « public intéressé ». Il pourrait en effet sembler plus cohérent de considérer que lorsqu’une personne a été invitée à participer au processus d’élaboration d’un acte en matière d’environnement, elle doit se voir alors reconnaître un intérêt à agir contre cet acte. Toutefois, cette solution pourrait en définitive s’avérer contre-productive : les États seraient poussés à restreindre le droit de participation du public pour minimiser le risque contentieux.

13Julien MONGROLLE

Directive 2018/2001 – Inclusion de la biomasse forestière dans les sources d’énergies renouvelables – Recours contre la directive – Article 263, al. 4, TFUE – Question de l’applicabilité directe en matière environnementale.

14CJUE (huitième chambre), 14 janvier 2021, Peter Sabo e. a. / Parlement et Conseil, affaire C-297/20 P.

15La huitième chambre est saisie d’un pourvoi formé par des particuliers et des associations de protection de l’environnement, à l’encontre de l’ordonnance du Tribunal de l’Union du 6 mai 2020 [1]. Par cette ordonnance, le Tribunal avait rejeté, pour irrecevabilité manifeste, leur recours tendant à l’annulation partielle de la directive 2018/2001 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018, relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables, en tant qu’elle inclut la biomasse forestière parmi ces sources d’énergie. Ils estimaient notamment que la prise en compte de la biomasse forestière dans les sources d’énergies renouvelables nuirait à la réalisation des objectifs de la directive attaquée, du fait de la quantité de carbone rejetée par la combustion du bois, et de l’augmentation de l’exploitation forestière industrielle.

16Afin d’apprécier la recevabilité du recours formé par des personnes physiques et morales, à l’encontre d’une directive de l’Union, la Cour commence par rappeler que, selon sa jurisprudence, « une personne physique ou morale ne peut être individuellement concernée par une disposition de portée générale (à l’instar de la directive attaquée), que si celle-ci l’atteint en raison de certaines qualités qui lui sont particulières ou d’une situation de fait qui la caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, l’individualise d’une manière analogue à celle d’un destinataire » (§26). Elle ajoute également, que « l’importance de l’atteinte alléguée au respect des droits fondamentaux des requérants ne saurait permettre, en tout état de cause, d’écarter l’application des critères de recevabilité fixés expressément par l’article 263, quatrième alinéa, TFUE » (§29).

17Ainsi, si la condition de l’affectation directe, posée à l’article 263 du TFUE « doit être interprétée à la lumière du principe d’une protection juridictionnelle effective (…), une telle interprétation ne saurait aboutir à écarter ladite condition » (§32), sous peine de vider l’article de sa substance. Par ailleurs, la Cour précise que « les actes des institutions de l’Union pris dans l’exercice des pouvoirs législatifs de celles-ci sont exclus du champ d’application de l’article 9, paragraphe 3, de la convention d’Aarhus, [dès lors que] cette disposition vise les actes des autorités publiques, dont la définition (…) n’englobe pas les organes ou les institutions agissant dans l’exercice de pouvoirs judiciaires ou législatifs » (§36). Enfin, la Cour conclut en renvoyant la responsabilité aux États membres de « réformer le système [de contrôle de la légalité des actes de l’Union de portée générale] actuellement en vigueur » (§33).

18La Cour de Justice applique ainsi fidèlement la lettre de l’article 263, alinéa 4, TFUE, conditionnant la recevabilité d’un recours en annulation d’un acte législatif pris par les institutions de l’Union, à la condition de l’affectation directe et individuelle des requérants par l’acte en question [2], ce qui n’est pas le cas en l’espèce. Cet arrêt s’inscrit dans la jurisprudence du juge européen de l’appréciation restrictive de la condition de l’affectation directe en matière environnementale [3]. En effet, en la matière, les actes de l’Union sont par nature de portée générale, notamment s’agissant d’une directive, et il est donc difficile pour un requérant de démontrer que l’acte qu’il conteste l’affecte de façon directe et individuelle. Cette jurisprudence avait d’ailleurs valu à l’Union européenne un avertissement, de la part du comité d’examen de la Convention d’Aarhus, lors de la dernière réunion des parties en 2017 [4].

19Julien MONGROLLE


Date de mise en ligne : 02/07/2021

Notes

  • [1]
    Trib. UE, 6 mai 2020, Sabo e. a. / Parlement et Conseil, T-141/19, EU:T:2020:179.
  • [2]
    Cf. Ordonnance Trib. UE précitée, pt. 24. Voir également les arrêts : CJUE, 18 mai 1994, Codorniu/Conseil, C-309/89, EU:C:1994:197, pts. 19 à 22 ; Trib. UE, 27 juin 2000, Salamander e.a./Parlement et Conseil, T-172/98, et T-175/98 à T-177/98, EU:T:2000:168, point 30 ; et Trib. UE, 2 mars 2010, Arcelor/Parlement et Conseil, T-16/04, EU:T:2010:54, pt. 96.
  • [3]
    Voir en ce sens, les arrêts CJCE, 15 juillet 1963, Plaumann & Co c./ Commission européenne ; CJCE, 2 avril 1998, Stichting Greenpeace Council c./ Commission des Communautés européennes, C-321/95 P, Rec. p. I-1651, pts. 28-29 ; TPIUE, ord., 28 novembre 2005, European Environmental Bureau (EEB) et Stichting Natuur en Milieu c./ Commission des Communautés européennes, T-236/04 et T-241/04, Rec. p. II-4945, pt. 56 ; et TPICE, ord., 25 juin 2007, Drax Power Ltd, T-130/06, pt 60.
  • [4]
    Voir décision ECE/MP.PP/C.1/2017/7 du 2 juin 2017.

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