Couverture de RJE_212

Article de revue

La théorie du bilan à l’épreuve du droit de l’environnement

Pages 283 à 299

Notes

  • [1]
    J. Giraudoux, La guerre de Troie n’aura pas lieu, in L. Fonbaustier, « L’(in)efficience de la norme environnementale », Délibérée, 2019/3, n° 8, p. 19-25.
  • [2]
    CE, ass., 28 mai 1971, Ministre de l’équipement et du logement c. Fédération de défense des personnes concernées par le projet actuellement dénommé « Ville Nouvelle-Est », req. n° 78825.
  • [3]
    CE, 20 octobre 1972, Sainte-Marie-de-l’Assomption, req. n° 78829, cons. 4.
  • [4]
    Y. Jégouzo, « Le juge administratif et l’ordonnancement du droit de l’environnement », RJE, numéro spécial, 2004, p. 19-30.
  • [5]
    Notamment CE, 4 mars 1964, Dame veuve Borderie, Rec., p. 157 ; CE, 27 mai 1964, Groupement de défense de l’Ilot de Firminy-Centre, Rec., p. 299 ; CE, 15 mars 1968, Cne de Cassis, req. n° 69312, 69315, 69326, 69327, 69328, 69329, 69334.
  • [6]
    Décret, 7 janvier 1971, relatif à la composition du Gouvernement.
  • [7]
    Voir le premier principe de la Conférence de Stockholm tenue du 5 au 16 juin 1972.
  • [8]
    C. Cans, « Le principe de conciliation : vers un contrôle de la "durabilité" ? », in Mélanges en l’honneur d’Yves Jégouzo, Dalloz, 2009, p. 562.
  • [9]
    Cette fossilisation de la hiérarchie des valeurs en faveur de la prévalence tant du développement du territoire que du développement économique explique notamment le fait que le juge s’intéresse « éventuellement » aux atteintes portées à l’environnement lors du contrôle de l’utilité publique du projet. Cependant, cette référence disparaît avec l’arrêt Alsace Nature (CE, 17 mars 2010, Alsace Nature, req. n° 314114, cons. 27).
  • [10]
    C. Cans, op. cit.
  • [11]
    Concl. G. Braibant sur CE, ass., 28 mai 1971, Ville Nouvelle-Est, La Revue administrative, n° 142, juillet-août 1971, p. 422-428.
  • [12]
    Ibid.
  • [13]
    Certains projets, même s’ils sont censurés devant les juges du fond, retrouvent leur légalité en cassation, dévoilant des appréciations opposées sur une même espèce : en ce sens, CAA Nantes, 27 septembre 2005, Mme Savelli, req. n° 04NT00319 ; CE, 11 avril 2008, Cne de La Chapelle-sur-Erdre, req. n° 287526.
  • [14]
    G. Kalflèche, « Le contrôle de proportionnalité exercé par les juridictions administratives », LPA, n° 46, mars 2009, p. 54.
  • [15]
    Concl. G. Braibant, op. cit.
  • [16]
    R. Hostiou, « La théorie du bilan. Pourquoi ? Comment ? », Droit de la voirie et du Domaine Public, n° 157, 2011, p. 168.
  • [17]
    É. Naim-Gesbert, « Le contrôle de proportionnalité du juge administratif en droit de l’environnement », LPA, n° 46, mars 2009, p. 54.
  • [18]
    Voir M. Badré, « Environnement, économie, éthique : qu’est-ce qu’un "bon projet" ? », Études, 2015/9, p. 19-29.
  • [19]
    B. Seiller, « Pour un contrôle de la légalité extrinsèque des déclarations d’utilité publique », AJDA, 2003, p. 1472.
  • [20]
    Ce refus est implicitement opposé, par le Conseil d’État, depuis l’arrêt du 30 juin 1961, Groupement de défense des riverains de la route de l’intérieur (Rec., p. 542) et explicitement depuis celui du 7 octobre 1977, Syndicat des Paludiers (req. n° 99986, cons. 11).
  • [21]
    « Il est de la responsabilité de l’autorité administrative […] de s’assurer […] qu’aucune alternative réalisable moins pénalisante pour l’environnement n’est possible dans ces conditions d’enjeu et de coûts », Doctrine relative à la séquence éviter, réduire et compenser les impacts sur le milieu naturel, MEDDTL, mars 2012.
  • [22]
    C. Goupillier, « Vers un contrôle de l’opportunité des projets d’infrastructures », Droit de l’environnement, n° 252, 2017, p. 28.
  • [23]
    Article L.122-3 II 2° d) du Code de l’environnement.
  • [24]
    CE, 20 novembre 1974, Époux Thony et Epoux Hartmann-Six, req. n° 91558, 91559, cons. 3.
    S’inscrivant dans la lignée des conclusions du commissaire du gouvernement M. Gentot sur l’arrêt Adam (Concl. M. Gentot sous CE, ass., 22 février 1974, Adam, RDP, 1974, p. 486), le juge contrôle la possibilité de réaliser l’opération souhaitée « dans des conditions équivalentes » sans recourir à l’expropriation. Cette position n’est exceptionnellement pas suivie par CE, sect., 29 juin 1979, Ministre de l’Intérieur c. Malardel, req. n° 05536, cons. 2.
    Il est à noter que selon la jurisprudence Cne de Levallois-Perret, reprenant les conclusions du commissaire du gouvernement P. Dondoux, sur l’arrêt Ministre de l’Intérieur c. Malardel, le contrôle de l’utilité publique est découpé en trois phases. Ainsi, avant de réaliser le bilan coûts/avantages de l’opération projetée, le juge s’assure successivement que celle-ci est réalisée dans un objectif d’intérêt général et « que l’expropriant n’était pas en mesure de la réaliser dans des conditions équivalentes sans recourir à l’expropriation » (CE, 19 octobre 2012, Cne de Levallois-Perret, req. n° 343070). Ainsi, la localisation des projets fait l’objet d’un contrôle au sein de la « deuxième phase », antérieure au bilan.
  • [25]
    CE, ass., 28 mars 1997, Association contre le projet de l’autoroute transchablaisienne, n° 170856 et 170857, cons. 4.
  • [26]
    En ce sens, CE, 28 décembre 2009, Fédération ALTO, req. n° 311831, cons. 17 ; CE, 28 mars 2011, Collectif contre les nuisances du TGV de Chasseneuil-du-Poitou et de Migne-Auxances, req. n° 330256, cons. 50 ; CE, 11 avril 2018, Fédération Sepanso Aquitaine, req. n° 401753, cons. 32 ; CE, 10 juillet 2019, Mme Z… E… et autres, Fédération Environnement Eure-et-Loir et commune de Champhol, req. n° 423751, cons. 19.
  • [27]
    Concl. G. Braibant, op. cit.
  • [28]
    Voir article 1er de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire modifié par l’article 52 de la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010.
  • [29]
    Ph. Billet, « La prise en compte de la faune sauvage dans le cadre des procédures d’aménagement, de gestion et d’occupation de l’espace : réalités d’une apparence juridique », Natures Sciences Sociétés, 2006/Supp1, Supplément, p. 13-21.
  • [30]
    Il est à noter qu’alors qu’il réalise encore un contrôle in abstracto des DUP, le Conseil d’État prend en compte, dès 1968, le coût environnemental du projet litigieux : en ce sens, CE, 15 mars 1968, Cne de Cassis, précité, cons. 6.
  • [31]
    CE, 12 avril 1972, Pelte, Rec., p. 269.
  • [32]
    CE, 25 juillet 1975, Syndicat CFDT des marins pêcheurs de la rade de Brest, req. n° 90992, cons. 8.
  • [33]
    Article 1er de la loi n° 76-629, du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature.
  • [34]
    Le Conseil constitutionnel s’inscrit dans cette même lignée protectrice en reconnaissant le caractère d’intérêt général de la protection de l’environnement : notamment Cons. const., 27 décembre 2002, Loi de finances pour 2003, req. n° 2002-464 DC, cons. 57 ; Cons. const., 29 décembre 2003, Loi de finances rectificative pour 2003, req. n° 2003-488 DC, cons. 8 ; Cons. const., 11 octobre 2013, Société Schuepbach Energy LLC, req. n° 2013-346 QPC, cons. 12.
  • [35]
    CE, 21 juin 1999, Commune de la Courneuve, req. n° 179612 ; CE, 22 octobre 2003, Association SOS-Rivières et Environnement, req. n° 231953 ; CE, 10 juillet 2006, Association interdépartementale et intercommunale de protection du lac Sainte-Croix, son environnement, lacs et sites du Verdon, req. n° 288108, 289274, 289396, 289777 et 289968.
  • [36]
    CE, 10 juillet 2006, Association interdépartementale et intercommunale pour la protection du lac de Sainte-Croix, de son environnement, des lacs et sites du Verdon, précité, cons. 6 et 7.
  • [37]
    CE, 17 mars 2010, Association Alsace Nature, req. n° 314114, cons. 27.
  • [38]
    Ce caractère de « nécessité publique » semble une survivance de l’article 17 de la DDHC. Curieuse référence alors que la Haute juridiction refuse la transmission, aux sages, d’une QPC relative à la méconnaissance dudit article par les anciens articles L. 11-1, L. 11-2 et L. 11-8 du Code de l’expropriation, remplaçant l’exigence de nécessité publique par celle d’utilité publique. En ce sens : CE, 9 novembre 2011, Giraud, req. n° 351890, cons. 5.
  • [39]
    R. Hostiou, Droit de l’expropriation pour cause d’utilité publique, « La notion d’utilité publique », UNJF, 2020.
  • [40]
    Notamment CE, ass., 3 mars 1993, Cne de Saint-Germain-en-Laye, req. n° 115073, cons. 27 ; CE, 21 mai 2008, Fédération SEPANSO et autres, req. n° 301688, cons. 18.
  • [41]
    Notamment CE, 1 juin 1973, Abraham, Rec., p. 394 ; CE, ass., 7 mars 1975, Association des amis de l’Abbaye de Fontevraud, req. n° 89011 89128, cons. 3 ; CE, ass., 5 mars 1976, Tarlier, req. n° 95983, cons. 10.
  • [42]
    Notamment CE, 21 janvier 1977, Peron-Magnan, req. n° 02910 03109 03128, cons. 21 ; CE, 9 novembre 2015, France Nature Environnement, req. n° 375322, cons. 27 ; CE, 22 octobre 2018, Cne de Mitry-Mory, req. n° 411086, cons. 9.
  • [43]
    Notamment CE, 31 juillet 2009, Association citoyenne intercommunale des populations concernées par le projet de Notre-Dame-des-Landes, req. n° 314955.
  • [44]
    J. Lemasurier, « Expropriation "Bilan coûts-avantages" et nécessité publique », La Revue administrative, n° 191, septembre/octobre 1979, p. 502-507.
  • [45]
    Voir M. Prieur, Droit de l’environnement, Dalloz, Précis, 8e éd., 2019, pt. 1263. À la marge de la politique jurisprudentielle, le considérant de principe, édicté en 1979, est automatiquement repris légitimant tous les projets d’utilité publique concernant cette politique : en ce sens, CE, 4 mai 1979, Département de Savoie, req. n° 08406 08408 08422, cons. 19 ; CE, 11 janvier 1980, Sté civile GFA falaises Flamanville, req. n° 10652 10653, cons. 17.
  • [46]
    CE, 4 janvier 1995, Ministre de l’Intérieur c. Rossi, req. n° 94967.
  • [47]
    CE, 28 juillet 1999, Association intercommunale « Morbihan sous très haute tension », req. n° 184268, cons. 8.
  • [48]
    S. Gilbert, « Principe de précaution et déclaration d’utilité publique », AJDI, 2013, p. 531.
  • [49]
    CE, ass., 12 avril 2013, Association coordination interrégionale stop THT, req. n° 342409, cons. 37.
  • [50]
    É. Naim-Gesbert, « Le monde de la précaution », RJE, 2013/4, p. 589-591.
  • [51]
    CE, 9 juillet 2018, Cne de Villiers-le-Bâcle, req. n° 410917.
  • [52]
    R. Radiguet, « La protection de l’environnement, facteur de renouvellement du contrôle de l’utilité publique », RJE, 2018/4, p. 801-822.
  • [53]
    A. Lallet, cité in X. Domino et A. Bretonneau, « Principe de précaution et théorie du bilan : mille plateaux », AJDA, 2013, p. 1046.
  • [54]
    P. Janin, « La jurisprudence du bilan est-elle toujours utile ? », Droit de l’environnement, n° 195, 2011, p. 318.
  • [55]
    CE, 7 mai 2008, Association ornithologique et mammologique de Saône-et-Loire, n° 309285, cons. 8.
  • [56]
    Y. Aguila, C. Goupillier, « La théorie du bilan à la lumière de l’article 6 de la Charte de l’environnement », Constitutions, 2010, p. 433.
  • [57]
    A. Courrèges, citée in Y. Aguila, C. Goupillier, ibid.
  • [58]
    CAA Nancy, 18 avril 2013, req. n° 12NC01561, cons. 5.
  • [59]
    CE, 17 mars 2010, Association Alsace Nature, req. n° 314114, cons. 28.
  • [60]
    CE, 16 avril 2010, Association Alcaly, req. n° 320667, cons. 37.
  • [61]
    Ph. Billet, op. cit.
  • [62]
    Article L. 163-1 I, alinéa 2, du Code de l’environnement.
  • [63]
    CE, 21 mai 2008, Fédération Sepanso et autres, req. n° 301688, cons. 18. Voir également CE, 31 juillet 2009, ACIPA et autres, req. n° 314955, cons. 27 ; CE, 17 mars 2010, Association Alsace Nature, req. n° 314114, cons. 28.
  • [64]
    Ph. Billet, « L’intérêt exceptionnel d’un site justifie l’annulation de la DUP des travaux d’une ligne électrique devant le traverser », JCP A, n° 44-45, 2006.
  • [65]
    CE, 9 juillet 2018, Cne de Villiers-le-Bâcle, req. n° 410917, cons. 33. Des assurances, des garanties, des promesses peuvent également être formulées par l’administration. Ces éléments considérés comme incertains peuvent être « inclus dans le bilan […] Quelles que soient leurs qualifications, ces déclarations officielles apparaissent souvent verbales, parfois conditionnelles, relativement crédibles », rien ne garantissant qu’elles soient concrétisées. Voir A. Holleaux, « La jurisprudence du bilan », La Revue administrative, n° 198, novembre-décembre 1980, p. 593-605. Voir M. Prieur, op. cit., pt. 155.
  • [66]
    R. Radiguet, op. cit.
  • [67]
    É. Naim-Gesbert, « L’acceptabilité compensée de l’impact écologique des DUP », Droit Administratif, n° 7, 2008, comm. 98.
  • [68]
    É. Naim-Gesbert, Droit général de l’environnement, LexisNexis, Objectif Droit, 3e éd., 2019, pt. 130.
  • [69]
    Mais cette pratique s’avère toutefois relativement faible. Effectivement, concernant plus particulièrement les mesures compensatoires, « si le juge administratif a la possibilité d’avoir recours à des experts scientifiques, en pratique, très peu de décisions juridictionnelles font référence aux conclusions d’experts relatives aux mesures compensatoires et diligentées par le juge », in M. Lucas, « Regards sur le contentieux français relatif aux mesures compensatoires : quarante ans d’attentes, de déceptions et d’espoirs portés par la jurisprudence », Natures Sciences Sociétés, 26, 2, 2018, p. 193-202.
  • [70]
    J. Vieira, Éco-citoyenneté et démocratie environnementale, thèse de droit, Bordeaux, 2017, p. 298.
  • [71]
    Par exemple, la Cour suprême du Canada, dans l’arrêt R. c. Sparrow (du 31 mai 1990, req. n° 20311), considère l’expertise autochtone, en appuyant le fait que ces peuples premiers sont « traditionnellement sensibilisés à la conservation » et ont « toujours vécu dans des rapports d’interdépendance avec les ressources naturelles », in J. Vieira, ibid., p. 368.
  • [72]
    Cf. Titre V de la loi dite Grenelle I.
  • [73]
    B. Delaunay, « De l’enquête publique au débat public : la consultation des personnes intéressées », JCP A, n° 8, 2011, p. 2073.
  • [74]
    J. Chevallier, « Le débat public à l’épreuve », AJDA, 2013, p. 779.
  • [75]
    R. Hostiou, « Nature et portée du contrôle exercé par le juge administratif sur la légalité des décisions administratives complexes : le contentieux de la déclaration d’utilité publique en droit français », PA, n° 127, 2001, p. 8.
  • [76]
    J. Untermaier, « Représentation et pesée globale des intérêts en droit français de l’aménagement du territoire et de la protection de l’environnement », in La pesée globale des intérêts : droit de l’environnement et de l’aménagement du territoire, C.-A. Morand, Bâle, collection Genevoise, 1991, p. 129-150.
  • [77]
    Voir CE, 13 mars 2019, Association Alsace Nature, req. n° 418994, cons. 4.
  • [78]
    R. Hostiou, Note sous l’arrêt Association des Amis de l’Abbaye de Fontevraud, AJDA, 1976, p. 209.
  • [79]
    M. Prieur, « Le droit à l’environnement et les citoyens : la participation », RJE, 4/1988, p. 397-417.
  • [80]
    La commission de dialogue instaurée n’a su réduire les tensions autour de ce projet ni même la procédure particulière de consultation locale sur les projets susceptibles d’avoir une incidence sur l’environnement, issue de l’ordonnance n° 2016-488 du 21 avril 2016. Voir B. Delaunay, « Une procédure taillée sur mesure pour Notre-Dame-des-Landes », AJDA, 2016, p. 1515.
  • [81]
    O. Le Bot, « Le Conseil d’État peut-il être juge et partie ? », Constitutions, 2017, p. 588.
  • [82]
    CEDH, 9 novembre 2006, Sacilor Lormines c. France, req. n° 65411/01.
  • [83]
    Voir M. Clément, « La jurisprudence administrative en droit de l’environnement, entre technique et acteurs », RJE, numéro spécial, 2019, p. 51-61.
  • [84]
    Montesquieu, De l’Esprit des lois, Garnier frères, librairie-éditeurs, Paris, 1874, p. 149.
  • [85]
    R. Romi, « Réalité et limites du concept de juge-arbitre », RJE, numéro spécial, 2004, p. 111-114.
  • [86]
    J.-P. Henry, « Le rôle du contrôle juridictionnel comme technique de participation », Les Cahiers de droit, vol. 24, n° 4, 1983, p. 957-976.
  • [87]
    J. Morand-Deviller, « Conclusion : Le juge administratif et l’environnement », RJE, numéro spécial, 2004, p. 193-198.
  • [88]
    R. Romi, « Le droit de l’environnement et les règles du jeu contentieux, vu de l’enseignement et de la recherche », RJE, numéro spécial, 1995, p. 39-44.
  • [89]
    D. Chabanol, cité in N. Calderaro, « Le contentieux administratif et la protection de l’environnement : le point de vue d’un magistrat », RJE, numéro spécial, 1995, p. 5-13.
  • [90]
    F. Caballero, « Le Conseil d’État, ennemi de l’environnement ? », RJE, n° 1, 1984, p. 3-42.
« Le droit est la plus puissante école de l’imagination : jamais aucun poète n’a interprété aussi librement la nature qu’un juriste la réalité » [1]
Jean Giraudoux

Introduction

1La balance est-elle toujours le symbole de la justice ? Penchant indubitablement du côté de l’utilité publique des projets d’aménagement, sa tare interroge. La prise en compte du droit de l’environnement au sein la théorie du bilan semble réduite à peau de chagrin. Dès lors, face à ce constat, le juge administratif est confronté tant à sa conscience qu’à son propre office, tiraillé entre l’utile et le juste.

2Initié par le fameux arrêt Ville Nouvelle-Est[2], le contrôle in concreto de l’utilité publique permet, au juge administratif, de s’assurer que l’opération envisagée est conforme à l’intérêt général et poursuit, en elle-même, un but d’utilité publique. Pour ce faire, il met en balance avec l’intérêt environnemental, d’autres intérêts aussi divergents que légitimes parmi lesquels « la propriété privée, le coût financier et éventuellement les inconvénients d’ordre social ou l’atteinte à d’autres intérêts publics [que l’opération] comporte » [3], incarnant une « première définition du développement durable » [4]. Sa consécration n’est que l’aboutissement logique de nombreuses tentatives de contrôle concret du contenu [5] des projets déclarés d’utilité publique. Ainsi, en s’assurant de leur caractère acceptable voire en reconstruisant leur caractère légitime, cette méthode semblait s’inscrire comme une promesse de protection de l’environnement.

3Consacrée en parallèle de l’avènement du ministère de l’Environnement [6], il semblait donc que théorie du bilan et droit de l’environnement [7] étaient faits pour évoluer de concert, tous deux encore à l’état d’embryon. Cette interrelation paraissait véritablement prometteuse car « traditionnellement, en matière d’environnement, tout est affaire de compromis, plus que de protection » [8]. Dès lors, aiguillé voire assisté par des outils scientifiques réalisant une conciliation préalable des enjeux antinomiques du projet tels que l’étude d’impact ou la capacité de charge, le juge semble posséder tant les instruments de mesure nécessaires que le cadre propice au développement de la théorie du bilan comme méthode de protection de l’environnement ou méthode au service du développement durable.

4Or, malgré le développement de ces outils scientifiques, véritables aides à la décision, le paradoxe du pot de fer contre le pot de terre reste entier. Ce conflit constitue ainsi une réelle limite à l’application de la théorie du bilan dans une perspective protectrice. C’est pourquoi, ce propos s’inscrit au cœur d’une dissension induite entre la malléabilité intrinsèque du bilan, imposant une nécessaire conciliation souple des intérêts et la rigidité voire la fossilisation d’une hiérarchie des valeurs [9] qui, depuis cinquante ans, n’a souffert d’aucune évolution. Cette dissension intrigue et place la méthode du bilan, dans son appréhension du droit de l’environnement, dans un statu quo dont il est nécessaire de définir les raisons. Il est donc question de s’attacher au potentiel renouvellement de la théorie du bilan à l’aune de considérations environnementales et à son récent enrichissement par les grands principes constitutionnels du droit de l’environnement.

5Ainsi, tout l’intérêt de cette recherche porte sur l’interrelation entre bilan et droit de l’environnement ou comment ce droit d’équilibre induit une mutation du contrôle du juge, d’un contrôle de l’utile induisant une recherche de l’efficacité de la décision répondant à un besoin, à un contrôle de l’acceptabilité de la décision, un contrôle du juste intégrant éthique et légitime pour aboutir à la décision la moins contestable possible.

6Si les conclusions du commissaire du gouvernement G. Braibant faisaient prédire à la doctrine juridique la visée écologique d’un tel contrôle, certaines attentes envers l’évolution de la théorie du bilan persistent. La rigidité de la hiérarchisation des valeurs, par une adéquation des valeurs entre contrôleur et contrôlé, attente à la recherche du juste, de l’utilité publique optimale du projet considérée comme plus respectueuse voire protectrice de l’environnement. Dès lors, même si l’hermétisme de la théorie du bilan à l’intégration du droit de l’environnement révèle un réel anachronisme, le juge administratif a tenté de verdir sa méthode au regard des aspirations sociales et juridiques actuelles qui tendent à la réévaluation de l’intérêt environnemental notamment à l’aune de la Charte de l’environnement, jusqu’à esquisser les prémices d’un « juge de la durabilité » [10] (I.). Mais, malgré les tentatives de coloration voire d’intégration du droit de l’environnement au sein de cette méthode, les échecs de celles-ci restent patents. Influencée par un processus décisionnel complexe, la volonté de justifier l’utilité publique des projets a pour conséquence de rendre l’application du bilan particulièrement néfaste pour l’environnement jusqu’à légitimer le détournement de la quintessence des outils scientifiques développés pour sa protection (II.).

I – Les attentes déçues de l’intégration du droit de l’environnement dans la théorie du bilan

7Les attentes initiales définies au sein des conclusions du commissaire du gouvernement G. Braibant étaient claires. Afin de s’assurer de l’adéquation entre la mesure et les faits, ce contrôle concret devait être réalisé « avec tact et mesure » [11] (A.) et prendre en compte les atteintes portées, par les projets, à l’environnement et au cadre de vie des riverains (B.). Certes ces attentes semblent prises en considération par le juge administratif mais non véritablement exaucées. C’est pourquoi, une évolution de celles-ci est envisagée. Les requérants possèdent aujourd’hui des attentes renouvelées au service du juste et de la protection de l’environnement en promouvant tant une évolution de la théorie du bilan vers un contrôle de l’utilité publique optimale des projets mais également par une réévaluation de l’intérêt éponyme sur le fondement de la Charte de l’environnement.

A – La théorie du bilan : un contrôle avec « tact et mesure » ? [12]

8De la recherche de l’équilibre juste. La théorie du bilan vise à s’assurer de l’adéquation de la mesure aux faits, de son caractère raisonnable, si ce n’est en résolvant un conflit de normes, mais en confrontant des valeurs [13]. Toutefois, cette subjectivité apparente semble compensée par une certaine objectivité.

9D’une part, celle-ci se caractérise par une « liste de critères établie dès les années 1970 et stable depuis » [14] reflétant les caractères préventif et pédagogique du bilan. Ainsi, en rapportant l’action publique à ses conséquences, cette méthode d’inspiration utilitariste vise à « censurer les décisions arbitraires, déraisonnables ou mal étudiées » [15] tout en permettant une responsabilisation des décideurs publics et leur impose une certaine éthique administrative notamment dans leur manière d’utiliser les ressources naturelles.

10D’autre part, le juge conforte son contrôle par une illusion d’objectivité, sanctuarisée autour d’une hiérarchisation des critères du bilan aisément identifiable car conforme à l’ordre de classement des intérêts développés dans le considérant de principe de l’arrêt fondateur ou cristallisée autour d’une « même idéologie aussi bien chez ceux qui prennent les décisions et que chez ceux qui sont chargés d’en vérifier la légalité » [16], imposant une certaine prévisibilité des solutions rendues. Il est donc légitime de se demander ce qu’il reste du raisonnable [17]. Quoi qu’il en soit, cette hiérarchisation conduit le juge à un calcul normé [18] où les intérêts sont représentés par des valeurs algébriques, faisant fi de la subtilité des critères qualitatifs difficilement quantifiables. Mais rationnel et raisonnable ne sont pas synonymes.

11Ainsi, la théorie du bilan ne témoigne pas de la complexité des analyses des projets ni de la multiplicité de solutions qui pourraient être retenues. Malgré une plasticité pourtant évidente, ce contrôle subjectif s’est fossilisé autour d’une hiérarchie des valeurs pré-établie, redoutant la critique du contrôle d’opportunité. De fait, la balance des intérêts est biaisée rendant difficile voire impossible le contrôle du juste rapport entre les avantages et les inconvénients des opérations. Finalement, ce juste rapport ne serait-il pas cristallisé dans le projet ayant l’utilité publique maximale ?

12À la recherche de l’équilibre idéal. Rechercher l’utilité publique optimale reviendrait pour le juge à considérer comme légale seule la solution la plus adéquate au regard des circonstances de fait et de droit. Ce contrôle de la légalité extrinsèque [19] emporterait, de facto, l’illégalité de la décision ne possédant une utilité publique maximale, bien que celle-ci puisse être légale en elle-même, lors d’un contrôle de légalité intrinsèque. Le bilan des bilans engendrerait, en conséquence, une compétence liée de l’autorité administrative tenue d’opter pour le projet le moins attentatoire à l’environnement.

13Or, le juge administratif se refuse à réaliser un tel bilan [20] qui est, à son sens, une question d’opportunité et non de légalité. Cependant, le droit de l’environnement l’y incite, si ce n’est l’impose. Même si la seule portée de la loi Grenelle I semble être une invitation [21] aux autorités administratives à s’assurer qu’il n’existe d’autres projets réalisables dans des conditions équivalentes, ayant un impact environnemental moins lourd ; le droit dur induirait une véritable mutation de ce contrôle [22]. D’une part, l’article L. 411-2 du Code de l’environnement reconnaît des dérogations à la protection des espèces protégées, si le projet d’intérêt public majeur ne peut être réalisé que conformément au tracé choisi, « à condition qu’il n’existe pas d’autres solutions satisfaisantes ». D’autre part, plus généralement, l’article L. 122-3 du Code de l’environnement [23] impose, dans l’étude d’impact, une description des alternatives envisagées et de justifier le bien-fondé du projet choisi notamment au regard de ses incidences sur l’environnement. Il serait donc opportun de prendre en compte, dans la théorie du bilan, ces alternatives proposées, d’autant plus que le juge administratif exerce antérieurement un contrôle du contenu de l’étude d’impact du projet litigieux. Ainsi, en application de cet article, le juge administratif est censé annuler le projet dès lors que certains de ses inconvénients auraient pu, voire dû, être évités ou réduits par un autre tracé. L’étude d’impact lui offre donc une véritable aide à la décision en lui permettant de comparer le projet envisagé avec les alternatives étudiées.

14Toutefois, ce refus de principe connaît quelques tempéraments. Tant la prise en compte de la localisation des projets [24] que l’aménagement d’une infrastructure existante [25] viennent enrichir le contrôle de légalité des projets d’utilité publique. Ce n’est que récemment que le juge administratif a accepté de réaliser une comparaison explicite, au sein de la théorie du bilan, de projets au contenu sensiblement différent, dont l’un s’avérait moins coûteux en expropriations [26]. Il semblerait que le juge ait conséquemment dévoilé sa capacité à réaliser un contrôle des solutions alternatives. Il ne lui reste donc qu’un pas pour enfin réaliser le bilan des bilans.

15Néanmoins, à un moment où cet intérêt sublime s’avère vital, tant l’autorité administrative que le juge en font fi. Malgré une volonté de revalorisation, il s’efface toujours face à la primauté de l’intérêt général des projets contestés.

B – La théorie du bilan, « à un moment où il est beaucoup question, et à juste titre, d’environnement et de cadre de vie » [27]

16Un intérêt environnemental secondaire face à la nécessité des projets. « La théorie du bilan "coûts–avantages" tente de faire cohabiter au sein de l’intérêt général, l’intérêt [environnemental] et celui des projets [28] en cause » [29]. Or, lors de ce contrôle, le poids des préoccupations environnementales est réévalué en fonction de l’accroissement de la protection accordée à l’environnement lui-même. Dès l’avènement du bilan [30], le Conseil d’État reconnaît les risques de l’expropriation « pour l’environnement naturel » [31] et rappelle formellement l’intégration « des inconvénients d’ordre social ou écologique » [32] au sein de sa méthode. Ainsi, dès 1972, l’intérêt environnemental participe à la définition de l’utilité publique.

17Lestée par sa consécration légale [33], la protection de l’environnement reconnue d’intérêt général [34] engendre une valorisation de cet intérêt éponyme comme contrepoids à l’intérêt général des opérations et permet de fonder leur annulation. Mais la faiblesse de ces annulations reste à souligner. L’intérêt environnemental se révèle rarement décisif. Seulement trois annulations majeures [35] sont à dénombrer sur ce fondement, depuis 1971. Il semblerait donc, qu’en pratique, seule une superposition de législations protectrices [36] de l’environnement permettrait l’annulation d’un projet de grande ampleur. Pourtant, il était à espérer que l’autonomisation de l’intérêt environnemental de l’intérêt social [37], au cœur du bilan, permette une mutation de cette pratique jurisprudentielle. Mais ces attentes ont depuis été déçues.

18Ainsi, face à la nécessité des projets d’utilité publique, l’intérêt environnemental s’incline. La raison d’État s’impose. Élaborés dans des programmes gouvernementaux, certains projets de « nécessité publique » [38] bénéficient de fait d’une « présomption irréfragable de légalité » [39], tels que les réseaux routiers, autoroutiers [40], la défense nationale [41], la construction de lignes à grande vitesse [42], d’aéroports à vocation internationale [43],… « [l]a nécessité fait loi [et] ne saurait être mise en balance avec une quelconque désutilité car elle transcende les inconvénients quels qu’ils soient » [44]. La politique nucléaire [45] en reste le parfait exemple.

19Face à la faiblesse patente de l’intérêt environnemental, l’espoir d’un renouvellement et d’un « verdissement » de la théorie du bilan s’est entièrement porté sur l’interprétation, par les juges, de la Charte de l’environnement et notamment de ses articles 5 et 6.

20Une tentative de revalorisation de l’intérêt environnemental dans un objectif de durabilité. La mutation du contrôle du bilan dans un objectif de durabilité se cristallise autour de l’autonomisation des contrôles des grands principes constitutionnels du droit de l’environnement, d’un côté, et de l’absorption du principe de conciliation par la théorie du bilan, d’un autre.

21D’une part, après avoir intégré de manière implicite [46] le contrôle de légalité des déclarations d’utilité publique, le principe de précaution est expressément consacré au cœur du bilan [47]. Or, du fait de sa constitutionnalisation, ce contrôle s’est autonomisé, comme un « pré-requis » [48] à la pesée des intérêts. Le principe de précaution devient donc une condition de l’utilité publique [49]. Ainsi, il ressort de ce pré-contrôle que seul le risque résiduel et les inconvénients d’ordre social et financier résultant des mesures de précaution prises s’inscrivent au passif du bilan. Or, le caractère négligeable de ce risque compensé n’a jusqu’alors pas fait pencher la balance du côté des inconvénients, témoignant d’un véritable objectif « d’acceptabilité compensée du projet » [50].

22Or, la difficulté d’invoquer le principe de précaution en raison de la nécessité de la possibilité et de la plausibilité d’un risque a conduit le juge administratif à reconnaître l’opposabilité du principe de prévention [51] en matière de déclaration d’utilité publique. Alors que l’étude d’impact fait l’objet d’un contrôle de proportionnalité dans le cadre de la légalité externe, ce pré-contrôle du principe de prévention impose notamment de prendre en compte les mesures d’éviter, réduire et compenser de l’étude d’impact, lors du contrôle de la légalité interne, induisant un contrôle « beaucoup plus lourd, qualitativement et quantitativement » [52].

23Ainsi, en évitant le « passage au grand shaker du bilan » [53], ces grands principes constitutionnels du droit de l’environnement permettent une revalorisation de la protection de l’environnement. La théorie du bilan perd donc de sa centralité en tant qu’outil au service de la gestion du réel écologique.

24D’autre part, quant au principe de conciliation, celui-ci vise à allier des intérêts antinomiques, des composantes de l’intérêt général, jusqu’à potentiellement concurrencer [54] la théorie du bilan. Même si ce principe fait l’objet d’une réelle autonomie normative [55], dès l’arrêt Association Alsace Nature, le Conseil d’État crée « un lien logique entre les deux notions » [56] sans pour autant consacrer une « théorie de la conciliation » [57]. Il en découle une absorption [58] des exigences du principe de conciliation au sein de la pesée des intérêts, au point d’instaurer une forme de corrélation entre ces deux instruments au sens où dès que le bilan s’avère positif, après une analyse plus détaillée des inconvénients du projet, « dès lors » [59], « par suite » [60] le moyen relatif à la violation du principe de conciliation doit être écarté. En conséquence, l’effectivité et l’efficacité d’un tel principe semblent s’aligner sur celles du bilan.

25Dès lors, dire que, sous l’impulsion de l’article 6 de la Charte de l’environnement, la théorie du bilan est un instrument au service de la protection de l’environnement, paraît incertain. La « théorie de la conciliation », même disposant d’une assise constitutionnelle, ne saurait incarner un substitut au bilan. Ainsi, malgré la mobilisation de la doctrine proposant des solutions pour un perfectionnement du bilan, le principe de conciliation connaît une banalisation au sein de la théorie du bilan.

26Les attentes envers une mutation du contrôle du bilan sont sensibles. Le juge administratif semble avoir tous les outils tant pour contrôler les solutions alternatives des projets dans un objectif de durabilité que pour faire déchoir des projets d’utilité publique au regard de leur coût environnemental. Cependant, les échecs actuels de ce contrôle juridictionnel restent patents.

II – Les échecs patents de l’intégration du droit de l’environnement par la théorie du bilan

27Malgré une belle évolution de la théorie du bilan, des échecs persistent. La théorie du bilan se révèle être incontestablement une garantie de consécration des projets d’aménagement, quels que soient leur ampleur et leurs impacts environnementaux (A.). Or, les tensions actuelles au sein de la politique d’aménagement, peu démocratique, sont de plus en plus perceptibles. Ces dernières éclosent entre les acteurs mobilisés au sein du processus de définition de l’utilité publique et rejaillissent sur le contrôle réalisé par le juge administratif (B.).

A – De l’illusion d’une théorie protectrice de l’environnement : du détournement du coût écologique à la nécessité d’un projet acceptable et accepté

28D’un bilan en amont réalisé par l’aménageur. « Étude d’impact et théorie du bilan n’ont jamais été conçues, loin s’en faut, comme des outils destinés à empêcher les aménagements et activités humaines mais, souvent, comme des justifications de ceux-ci » [61]. En appréciant les impacts d’un projet sur l’environnement, l’étude d’impact cristallise l’antagonisme entre construction d’opérations d’utilité publique et préservation et sauvegarde de l’environnement. Elle impose de prévenir en évitant, réduisant ou compensant les conséquences nuisibles du projet sur l’environnement [62]. Or, la hiérarchisation de ces mesures cristallise une forme de contradiction selon laquelle l’aménageur serait tenté de nier les deux premières mesures préventives de l’impact pour leur préférer la compensation, mesure de réparation des dommages causés. Ainsi, le bilan coûts/avantages en amont de l’autorisation du projet n’est pas aujourd’hui réalisé au regard des avantages et inconvénients intrinsèques au projet mais comprend les mesures compensatoires de ses potentiels impacts. L’étude d’impact vise donc à rendre le projet tant acceptable qu’accepté, par la population locale, aux plans écologique et économique.

29À une interprétation détournée de l’étude d’impact par la théorie du bilan. En s’appuyant sur l’analyse préalable de la légalité externe de la déclaration d’utilité publique, le juge conclut « qu’eu égard aux précautions prises pour en limiter les effets, les inconvénients effectifs de cette opération [peuvent] être regardés comme excessifs par rapport à l’intérêt qu’elle présente » [63]. Telle est la justification retrouvée, au sein de la théorie du bilan, afin de caractériser aisément l’utilité publique de grands projets. Cette nouvelle argumentation n’est que la conséquence logique de la prise en compte détournée du contrôle de proportionnalité du contenu de l’étude d’impact en amont, dans le bilan. Ainsi, l’intégration des mesures compensatoires au bilan vient atténuer voire gommer les inconvénients écologiques du projet jusqu’à considérer qu’ils « ne sont plus "de nature à" lui retirer son utilité publique » [64]. À la place de justifier l’ampleur des inconvénients d’ordre écologique du projet, les mesures de prévention ou réparation des incidences sur l’environnement font pencher la balance en faveur de l’utilité publique de celui-ci, justifiant le caractère raisonnable de ses impacts écologiques. Mais, d’un autre côté, l’article L.122-2 du Code de l’expropriation impose une obligation de retranscription de ces mesures au sein de la déclaration d’utilité publique [65], légitimant cette prise en compte au sein du bilan. En conséquence, depuis 2018, le juge fait de ces mesures, un « élément substantiel du contrôle de la légalité interne de la déclaration d’utilité publique » [66] et s’assure de leur caractère approprié et suffisant, au sein du contrôle autonome du principe de prévention. Ainsi, en liant les éléments de l’étude d’impact à la théorie du bilan, le juge administratif vise à élaborer « une équation menant à une norme tacite, "l’acceptabilité compensée" des impacts écologiques d’une déclaration d’utilité publique » [67]. En conséquence, « l’amont conditionne l’aval, atténue ses excès, les amenuise jusqu’à les admettre et les réduire au minimum acceptable » [68].

30Ainsi, le détournement de l’étude d’impact, par le juge, dans la théorie du bilan, n’apparaît pas comme un verdissement de celle-ci mais comme un amenuisement de la protection de l’environnement, en s’assurant que le projet compense les pertes qu’il induit. Par cette intégration, le juge, maître de la pesée des intérêts, décide en définitive quel projet est acceptable et quel projet ne saurait l’être, vidant celui-ci de toute son essence démocratique. En confirmant ou niant l’avis d’une pluralité d’acteurs s’étant prononcée sur l’utilité publique de l’opération d’aménagement, la question de la légitimité du juge reste entière.

B – De la réalité d’une théorie aux allures de déni démocratique environnemental

31Entre légitimation de l’expertise et mépris de la participation du public. Faisant intervenir une pluralité d’acteurs, l’élaboration de la définition de l’utilité publique est au cœur de visions particulièrement antagonistes de l’intérêt général, qui s’avèrent difficilement conciliables. Or, dans un objectif de représentation globale des intérêts, la théorie du bilan cristallise en son sein ces tensions actuelles opposant technocratie, participation démocratique des citoyens et juge.

32D’une part, forts de leur compétence, les experts valorisent une logique de développement du territoire voire de développement économique. Bien qu’objectivée par des indicateurs coefficientés, l’expertise reste une interprétation du réel influencée par le système de valeurs intrinsèque de l’expert, par des lobbies voire par ses intérêts clientélistes, mais également par les exigences du commanditaire de l’expertise. Il est donc illusoire de vouloir atteindre la vérité scientifique. Or, ce monopole de l’expertise notamment en matière d’étude d’impact, a une influence sur la théorie du bilan. Prise en compte pour compenser les impacts négatifs du projet au sein du contrôle de l’utilité publique, celle-ci, en faisant rarement l’objet de contre-expertises [69], quelle que soit sa vraisemblance scientifique, permet au juge administratif de valider les projets d’aménagement. Le bilan est rapidement justifié de manière sibylline, sans aucune précision sur le plan technique. Ainsi, la connaissance scientifique vient justifier le « primat de la maîtrise et de la possession » et légitimer la décision juridictionnelle rendue.

33Or, la démocratie environnementale doit permettre cette émancipation de la tutelle technocratique par son recours à la participation éclairée du public sur les projets, en incitant à repenser les rapports « entre expertise scientifique et expertise du vécu » [70]. D’un côté, pour assurer une entière transparence dans le processus de décision, l’étude d’impact comprend un résumé non-technique permettant une vulgarisation de l’expertise réalisée et des enjeux qu’elle soulève. Dans un objectif d’acceptabilité des décisions, ce résumé non-technique vise à rendre accessible le savoir-expert. De l’autre, fort de son vécu et de sa connaissance du terrain, le citoyen est un véritable expert de son territoire [71] et des conséquences qu’un projet engendrerait sur sa qualité de vie. La démocratie environnementale arbore donc cette figure du citoyen-expert et conduit à une revalorisation de la gouvernance à cinq, posée par la loi Grenelle I [72].

34Mais d’autre part, la politique publique d’aménagement du territoire révèle un fort déficit démocratique qui, dès les années 1970, connaît de fortes contestations notamment dans le Larzac. Conçue comme un temps fort de la démocratie locale [73], la participation, outil de protection de l’environnement, vise donc à assurer une plus grande adéquation du projet avec les besoins de la population, de fait à diminuer sa contestation et lui assurer une plus grande légitimité. Mais, sans une quelconque influence ni portée décisionnelle, elle s’avère d’un faible contrepoids face à la nécessité de certains projets. Dès lors, le seul recours des citoyens semble « la guérilla judiciaire » [74]. Or, « l’hypertrophie du contentieux de la légalité externe » [75] des déclarations d’utilité publique s’avère de bien peu d’importance au regard des possibilités de neutralisation des vices pouvant les affecter, provoquant un sentiment d’injustice et d’inefficacité du droit. Même la théorie du bilan qui « constitue, en elle-même, un élément de la démocratie de l’aménagement et de l’environnement » [76], n’assure aujourd’hui, à notre connaissance, aucune représentation de ces enjeux et conflits pourtant patents, témoignant tant d’une dévitalisation des débats démocratiques que d’une véritable « dés-acceptabilité » de ces projets.

35Ainsi, au regard des insuffisances, de l’instrumentalisation de ces procédures [77] et de la faiblesse de la prise en compte juridictionnelle de la participation, les citoyens se sont appropriés d’autres formes de participation jusqu’à la « désobéissance civile » [78], pour dénoncer ces projets de grande ampleur, particulièrement attentatoires à l’environnement. La contestation [79] joue donc aujourd’hui un rôle central, en témoignent les mobilisations contre la politique nucléaire française, contre le barrage de Sivens ou l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes [80]. Cette participation aux allures de démocratie agonistique, reléguée par la ferveur médiatique, semble aujourd’hui la seule à-même de permettre le renoncement des maîtres d’ouvrage à leur projet.

36La remise en cause de la légitimité du juge comme gardien de l’intérêt environnemental. Intervenant comme palliatif aux dysfonctionnements avérés du processus d’élaboration de l’utilité publique des projets d’aménagement, l’accès au juge permettrait une représentation des intérêts plus juste, plus équitable, tout en faisant valoir la cause environnementale. Or, intervenant tant en amont dans le processus de décision de l’utilité publique de certains projets de grande ampleur qu’en aval lors de sa remise en cause contentieuse, le Conseil d’État, du fait de sa dualité fonctionnelle, pose la question de sa capacité à « se déjuger, plus exactement à revenir en tant que juge sur la position qu’elle aurait arrêté en tant que conseiller » [81], pouvant vicier, en cascade, la théorie du bilan. Même si « les tribunaux d’une société démocratique se doivent d’inspirer [confiance] aux justiciables » [82], face à ce vice intrinsèque au juge suprême de la juridiction administrative, il est permis de douter de sa légitimité à assurer un tel contrôle.

37Par ailleurs, sa capacité à prendre en compte de manière concrète et efficace l’intérêt environnemental au sein de la balance des intérêts paraît compromise. Il semblerait que cette autorité ne se révèle peut-être pas la plus à-même à réaliser un tel contrôle.

38D’une part, apparaît une réelle difficulté pour le juge de contrôler, au regard de leur technicité, les études d’impact qui lui sont soumises, ce qui nuit particulièrement à sa propre légitimité en tant que gardien de l’intérêt environnemental. Ce défaut de compétence technique du juge nuit à sa liberté de juger et en cascade à sa légitimité. C’est pourquoi, il apparaît nécessaire que ce dernier soit apte à prendre en compte l’environnement dans ses techniques et ses enjeux. Son coût, dans la théorie du bilan, n’en serait que mieux pris en compte. Ainsi, l’une des solutions qui semble s’imposer est la spécialisation du juge voire celle d’une juridiction, afin que le juge puisse étudier et contrôler minutieusement chaque possibilité que l’administration aurait pu choisir, chaque mesure compensatoire visant à limiter les impacts du projet sur l’environnement,… En s’inspirant du modèle néerlandais [83], une autre alternative semble pouvoir être incarnée par le recours à l’autorité environnementale. Aujourd’hui, et plus particulièrement depuis 2009, il semblerait que l’autorité environnementale puisse tenir ce rôle d’expert assurant au juge administratif une aide à la prise en compte de l’environnement dans la théorie du bilan et une meilleure justification des raisons qui le poussent à caractériser l’utilité publique des projets litigieux et à les considérer raisonnables voire acceptables.

39D’autre part, le rôle du juge mute. Saisi principalement pour des motifs concernant la protection de l’environnement, le juge quitte son rôle de « bouche qui prononce les paroles de la loi » [84], pour se placer en médiateur dans la relation citoyens/ pouvoirs publics. Le requérant ne demande plus un juge de la légalité, statuant dans un schéma binaire, conservation/annulation de la déclaration d’utilité publique mais recherche un arbitre [85] assurant la conciliation des intérêts en présence dans ces choix structurels engageant la collectivité dans l’avenir. Le débat social n’ayant pas eu lieu sur la place publique, il se déporte devant le prétoire [86]. C’est pourquoi, au-delà de la légalité, le « juste juge » [87] s’attache à la légitimité et à l’acceptabilité du projet. Mais lui appartient-il de remplir ce rôle plus politique que juridique ? Ainsi, la théorie du bilan demanderait, au juge, plus que « dire le droit » sinon d’être l’arbitre d’intérêts divergents. Se pose donc la question des pouvoirs du juge dans une démocratie et « savoir s’il est normal que cette fonction de "réponse à l’air du temps" incombe au juge » [88].

40Ainsi, pour reprendre les termes du conseiller d’État D. Chabanol, ni élu, ni compétent sur le plan technique, le juge « ne connaît rien, il n’a pas de légitimité […] mais non-technicien, il a en effet l’avantage de n’être lié à aucun des camps en litige ; […] ne dépendant pas d’une élection ou d’un élu, il a d’autre part la plus large indépendance, ce qui l’autorise, autant que faire se peut, à l’impartialité » [89]. Sa légitimité lui permet donc d’être un médiateur entre les intérêts en présence. Mais sa « sensibilité écologique » [90] reste encore à démontrer.

Conclusion

41Cinquante ans après l’arrêt Ville Nouvelle-Est, ce contrôle concret de l’utilité publique souffre d’un réel anachronisme. Le juge administratif a imposé une hiérarchie quasi-immuable des valeurs, en parfaite adéquation avec celle des contrôlés mais qui demande aujourd’hui à être renouvelée conformément aux aspirations sociales actuelles. Dès lors, la balance s’avère biaisée. La difficulté du juste rapport émerge et se cristallise dans le refus du juge de contrôler l’utilité publique optimale, bien qu’une assise juridique environnementale puisse le fonder ; même si des évolutions abondent en ce sens telles que le contrôle tant de la localisation des projets que de leurs alternatives moins coûteuses en expropriations.

42La nécessité de la réalisation des projets d’aménagement induit que cet intérêt essentiel, presque vital, soit rétrogradé et considéré comme secondaire au sein de la balance. Pour autant, conscient de l’évolution des valeurs de la société, incarnée par la constitutionnalisation de la Charte de l’environnement, le juge autonomise le critère environnemental de l’intérêt social au sein de la théorie du bilan et soumet le contrôle des déclarations d’utilité publique aux grands principes généraux du droit de l’environnement, en amont. S’esquissent ainsi les prémices d’une théorie du bilan « durable », s’inscrivant au service de l’environnement, soucieuse de l’équité entre les générations.

43Cependant, la nécessité des projets impose un détournement de leur réalité écologique, de leur étude d’impact, au cœur de la théorie du bilan, afin de justifier leur acceptabilité écologique. Pourtant, la démocratie environnementale rappelle qu’il n’appartient pas au juge de décider de ce caractère acceptable mais bien aux citoyens par le biais de la participation. Dès lors, soumise aux enjeux du droit public, la théorie du bilan souffre tant de la défiance des citoyens envers les politiques d’aménagement d’essence technocratique que des carences inhérentes au processus décisionnel de l’utilité publique affectant la légalité externe des déclarations d’utilité publique. Ainsi, pour un bilan des bilans, celui-ci semble être en demi-teinte à l’aune des préoccupations environnementales actuelles.


Mots-clés éditeurs : bilan coûts/avantages, expropriation, étude d’impact, DUP, intérêt environnemental, Charte de l’environnement, utilité publique

Date de mise en ligne : 02/07/2021

Notes

  • [1]
    J. Giraudoux, La guerre de Troie n’aura pas lieu, in L. Fonbaustier, « L’(in)efficience de la norme environnementale », Délibérée, 2019/3, n° 8, p. 19-25.
  • [2]
    CE, ass., 28 mai 1971, Ministre de l’équipement et du logement c. Fédération de défense des personnes concernées par le projet actuellement dénommé « Ville Nouvelle-Est », req. n° 78825.
  • [3]
    CE, 20 octobre 1972, Sainte-Marie-de-l’Assomption, req. n° 78829, cons. 4.
  • [4]
    Y. Jégouzo, « Le juge administratif et l’ordonnancement du droit de l’environnement », RJE, numéro spécial, 2004, p. 19-30.
  • [5]
    Notamment CE, 4 mars 1964, Dame veuve Borderie, Rec., p. 157 ; CE, 27 mai 1964, Groupement de défense de l’Ilot de Firminy-Centre, Rec., p. 299 ; CE, 15 mars 1968, Cne de Cassis, req. n° 69312, 69315, 69326, 69327, 69328, 69329, 69334.
  • [6]
    Décret, 7 janvier 1971, relatif à la composition du Gouvernement.
  • [7]
    Voir le premier principe de la Conférence de Stockholm tenue du 5 au 16 juin 1972.
  • [8]
    C. Cans, « Le principe de conciliation : vers un contrôle de la "durabilité" ? », in Mélanges en l’honneur d’Yves Jégouzo, Dalloz, 2009, p. 562.
  • [9]
    Cette fossilisation de la hiérarchie des valeurs en faveur de la prévalence tant du développement du territoire que du développement économique explique notamment le fait que le juge s’intéresse « éventuellement » aux atteintes portées à l’environnement lors du contrôle de l’utilité publique du projet. Cependant, cette référence disparaît avec l’arrêt Alsace Nature (CE, 17 mars 2010, Alsace Nature, req. n° 314114, cons. 27).
  • [10]
    C. Cans, op. cit.
  • [11]
    Concl. G. Braibant sur CE, ass., 28 mai 1971, Ville Nouvelle-Est, La Revue administrative, n° 142, juillet-août 1971, p. 422-428.
  • [12]
    Ibid.
  • [13]
    Certains projets, même s’ils sont censurés devant les juges du fond, retrouvent leur légalité en cassation, dévoilant des appréciations opposées sur une même espèce : en ce sens, CAA Nantes, 27 septembre 2005, Mme Savelli, req. n° 04NT00319 ; CE, 11 avril 2008, Cne de La Chapelle-sur-Erdre, req. n° 287526.
  • [14]
    G. Kalflèche, « Le contrôle de proportionnalité exercé par les juridictions administratives », LPA, n° 46, mars 2009, p. 54.
  • [15]
    Concl. G. Braibant, op. cit.
  • [16]
    R. Hostiou, « La théorie du bilan. Pourquoi ? Comment ? », Droit de la voirie et du Domaine Public, n° 157, 2011, p. 168.
  • [17]
    É. Naim-Gesbert, « Le contrôle de proportionnalité du juge administratif en droit de l’environnement », LPA, n° 46, mars 2009, p. 54.
  • [18]
    Voir M. Badré, « Environnement, économie, éthique : qu’est-ce qu’un "bon projet" ? », Études, 2015/9, p. 19-29.
  • [19]
    B. Seiller, « Pour un contrôle de la légalité extrinsèque des déclarations d’utilité publique », AJDA, 2003, p. 1472.
  • [20]
    Ce refus est implicitement opposé, par le Conseil d’État, depuis l’arrêt du 30 juin 1961, Groupement de défense des riverains de la route de l’intérieur (Rec., p. 542) et explicitement depuis celui du 7 octobre 1977, Syndicat des Paludiers (req. n° 99986, cons. 11).
  • [21]
    « Il est de la responsabilité de l’autorité administrative […] de s’assurer […] qu’aucune alternative réalisable moins pénalisante pour l’environnement n’est possible dans ces conditions d’enjeu et de coûts », Doctrine relative à la séquence éviter, réduire et compenser les impacts sur le milieu naturel, MEDDTL, mars 2012.
  • [22]
    C. Goupillier, « Vers un contrôle de l’opportunité des projets d’infrastructures », Droit de l’environnement, n° 252, 2017, p. 28.
  • [23]
    Article L.122-3 II 2° d) du Code de l’environnement.
  • [24]
    CE, 20 novembre 1974, Époux Thony et Epoux Hartmann-Six, req. n° 91558, 91559, cons. 3.
    S’inscrivant dans la lignée des conclusions du commissaire du gouvernement M. Gentot sur l’arrêt Adam (Concl. M. Gentot sous CE, ass., 22 février 1974, Adam, RDP, 1974, p. 486), le juge contrôle la possibilité de réaliser l’opération souhaitée « dans des conditions équivalentes » sans recourir à l’expropriation. Cette position n’est exceptionnellement pas suivie par CE, sect., 29 juin 1979, Ministre de l’Intérieur c. Malardel, req. n° 05536, cons. 2.
    Il est à noter que selon la jurisprudence Cne de Levallois-Perret, reprenant les conclusions du commissaire du gouvernement P. Dondoux, sur l’arrêt Ministre de l’Intérieur c. Malardel, le contrôle de l’utilité publique est découpé en trois phases. Ainsi, avant de réaliser le bilan coûts/avantages de l’opération projetée, le juge s’assure successivement que celle-ci est réalisée dans un objectif d’intérêt général et « que l’expropriant n’était pas en mesure de la réaliser dans des conditions équivalentes sans recourir à l’expropriation » (CE, 19 octobre 2012, Cne de Levallois-Perret, req. n° 343070). Ainsi, la localisation des projets fait l’objet d’un contrôle au sein de la « deuxième phase », antérieure au bilan.
  • [25]
    CE, ass., 28 mars 1997, Association contre le projet de l’autoroute transchablaisienne, n° 170856 et 170857, cons. 4.
  • [26]
    En ce sens, CE, 28 décembre 2009, Fédération ALTO, req. n° 311831, cons. 17 ; CE, 28 mars 2011, Collectif contre les nuisances du TGV de Chasseneuil-du-Poitou et de Migne-Auxances, req. n° 330256, cons. 50 ; CE, 11 avril 2018, Fédération Sepanso Aquitaine, req. n° 401753, cons. 32 ; CE, 10 juillet 2019, Mme Z… E… et autres, Fédération Environnement Eure-et-Loir et commune de Champhol, req. n° 423751, cons. 19.
  • [27]
    Concl. G. Braibant, op. cit.
  • [28]
    Voir article 1er de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire modifié par l’article 52 de la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010.
  • [29]
    Ph. Billet, « La prise en compte de la faune sauvage dans le cadre des procédures d’aménagement, de gestion et d’occupation de l’espace : réalités d’une apparence juridique », Natures Sciences Sociétés, 2006/Supp1, Supplément, p. 13-21.
  • [30]
    Il est à noter qu’alors qu’il réalise encore un contrôle in abstracto des DUP, le Conseil d’État prend en compte, dès 1968, le coût environnemental du projet litigieux : en ce sens, CE, 15 mars 1968, Cne de Cassis, précité, cons. 6.
  • [31]
    CE, 12 avril 1972, Pelte, Rec., p. 269.
  • [32]
    CE, 25 juillet 1975, Syndicat CFDT des marins pêcheurs de la rade de Brest, req. n° 90992, cons. 8.
  • [33]
    Article 1er de la loi n° 76-629, du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature.
  • [34]
    Le Conseil constitutionnel s’inscrit dans cette même lignée protectrice en reconnaissant le caractère d’intérêt général de la protection de l’environnement : notamment Cons. const., 27 décembre 2002, Loi de finances pour 2003, req. n° 2002-464 DC, cons. 57 ; Cons. const., 29 décembre 2003, Loi de finances rectificative pour 2003, req. n° 2003-488 DC, cons. 8 ; Cons. const., 11 octobre 2013, Société Schuepbach Energy LLC, req. n° 2013-346 QPC, cons. 12.
  • [35]
    CE, 21 juin 1999, Commune de la Courneuve, req. n° 179612 ; CE, 22 octobre 2003, Association SOS-Rivières et Environnement, req. n° 231953 ; CE, 10 juillet 2006, Association interdépartementale et intercommunale de protection du lac Sainte-Croix, son environnement, lacs et sites du Verdon, req. n° 288108, 289274, 289396, 289777 et 289968.
  • [36]
    CE, 10 juillet 2006, Association interdépartementale et intercommunale pour la protection du lac de Sainte-Croix, de son environnement, des lacs et sites du Verdon, précité, cons. 6 et 7.
  • [37]
    CE, 17 mars 2010, Association Alsace Nature, req. n° 314114, cons. 27.
  • [38]
    Ce caractère de « nécessité publique » semble une survivance de l’article 17 de la DDHC. Curieuse référence alors que la Haute juridiction refuse la transmission, aux sages, d’une QPC relative à la méconnaissance dudit article par les anciens articles L. 11-1, L. 11-2 et L. 11-8 du Code de l’expropriation, remplaçant l’exigence de nécessité publique par celle d’utilité publique. En ce sens : CE, 9 novembre 2011, Giraud, req. n° 351890, cons. 5.
  • [39]
    R. Hostiou, Droit de l’expropriation pour cause d’utilité publique, « La notion d’utilité publique », UNJF, 2020.
  • [40]
    Notamment CE, ass., 3 mars 1993, Cne de Saint-Germain-en-Laye, req. n° 115073, cons. 27 ; CE, 21 mai 2008, Fédération SEPANSO et autres, req. n° 301688, cons. 18.
  • [41]
    Notamment CE, 1 juin 1973, Abraham, Rec., p. 394 ; CE, ass., 7 mars 1975, Association des amis de l’Abbaye de Fontevraud, req. n° 89011 89128, cons. 3 ; CE, ass., 5 mars 1976, Tarlier, req. n° 95983, cons. 10.
  • [42]
    Notamment CE, 21 janvier 1977, Peron-Magnan, req. n° 02910 03109 03128, cons. 21 ; CE, 9 novembre 2015, France Nature Environnement, req. n° 375322, cons. 27 ; CE, 22 octobre 2018, Cne de Mitry-Mory, req. n° 411086, cons. 9.
  • [43]
    Notamment CE, 31 juillet 2009, Association citoyenne intercommunale des populations concernées par le projet de Notre-Dame-des-Landes, req. n° 314955.
  • [44]
    J. Lemasurier, « Expropriation "Bilan coûts-avantages" et nécessité publique », La Revue administrative, n° 191, septembre/octobre 1979, p. 502-507.
  • [45]
    Voir M. Prieur, Droit de l’environnement, Dalloz, Précis, 8e éd., 2019, pt. 1263. À la marge de la politique jurisprudentielle, le considérant de principe, édicté en 1979, est automatiquement repris légitimant tous les projets d’utilité publique concernant cette politique : en ce sens, CE, 4 mai 1979, Département de Savoie, req. n° 08406 08408 08422, cons. 19 ; CE, 11 janvier 1980, Sté civile GFA falaises Flamanville, req. n° 10652 10653, cons. 17.
  • [46]
    CE, 4 janvier 1995, Ministre de l’Intérieur c. Rossi, req. n° 94967.
  • [47]
    CE, 28 juillet 1999, Association intercommunale « Morbihan sous très haute tension », req. n° 184268, cons. 8.
  • [48]
    S. Gilbert, « Principe de précaution et déclaration d’utilité publique », AJDI, 2013, p. 531.
  • [49]
    CE, ass., 12 avril 2013, Association coordination interrégionale stop THT, req. n° 342409, cons. 37.
  • [50]
    É. Naim-Gesbert, « Le monde de la précaution », RJE, 2013/4, p. 589-591.
  • [51]
    CE, 9 juillet 2018, Cne de Villiers-le-Bâcle, req. n° 410917.
  • [52]
    R. Radiguet, « La protection de l’environnement, facteur de renouvellement du contrôle de l’utilité publique », RJE, 2018/4, p. 801-822.
  • [53]
    A. Lallet, cité in X. Domino et A. Bretonneau, « Principe de précaution et théorie du bilan : mille plateaux », AJDA, 2013, p. 1046.
  • [54]
    P. Janin, « La jurisprudence du bilan est-elle toujours utile ? », Droit de l’environnement, n° 195, 2011, p. 318.
  • [55]
    CE, 7 mai 2008, Association ornithologique et mammologique de Saône-et-Loire, n° 309285, cons. 8.
  • [56]
    Y. Aguila, C. Goupillier, « La théorie du bilan à la lumière de l’article 6 de la Charte de l’environnement », Constitutions, 2010, p. 433.
  • [57]
    A. Courrèges, citée in Y. Aguila, C. Goupillier, ibid.
  • [58]
    CAA Nancy, 18 avril 2013, req. n° 12NC01561, cons. 5.
  • [59]
    CE, 17 mars 2010, Association Alsace Nature, req. n° 314114, cons. 28.
  • [60]
    CE, 16 avril 2010, Association Alcaly, req. n° 320667, cons. 37.
  • [61]
    Ph. Billet, op. cit.
  • [62]
    Article L. 163-1 I, alinéa 2, du Code de l’environnement.
  • [63]
    CE, 21 mai 2008, Fédération Sepanso et autres, req. n° 301688, cons. 18. Voir également CE, 31 juillet 2009, ACIPA et autres, req. n° 314955, cons. 27 ; CE, 17 mars 2010, Association Alsace Nature, req. n° 314114, cons. 28.
  • [64]
    Ph. Billet, « L’intérêt exceptionnel d’un site justifie l’annulation de la DUP des travaux d’une ligne électrique devant le traverser », JCP A, n° 44-45, 2006.
  • [65]
    CE, 9 juillet 2018, Cne de Villiers-le-Bâcle, req. n° 410917, cons. 33. Des assurances, des garanties, des promesses peuvent également être formulées par l’administration. Ces éléments considérés comme incertains peuvent être « inclus dans le bilan […] Quelles que soient leurs qualifications, ces déclarations officielles apparaissent souvent verbales, parfois conditionnelles, relativement crédibles », rien ne garantissant qu’elles soient concrétisées. Voir A. Holleaux, « La jurisprudence du bilan », La Revue administrative, n° 198, novembre-décembre 1980, p. 593-605. Voir M. Prieur, op. cit., pt. 155.
  • [66]
    R. Radiguet, op. cit.
  • [67]
    É. Naim-Gesbert, « L’acceptabilité compensée de l’impact écologique des DUP », Droit Administratif, n° 7, 2008, comm. 98.
  • [68]
    É. Naim-Gesbert, Droit général de l’environnement, LexisNexis, Objectif Droit, 3e éd., 2019, pt. 130.
  • [69]
    Mais cette pratique s’avère toutefois relativement faible. Effectivement, concernant plus particulièrement les mesures compensatoires, « si le juge administratif a la possibilité d’avoir recours à des experts scientifiques, en pratique, très peu de décisions juridictionnelles font référence aux conclusions d’experts relatives aux mesures compensatoires et diligentées par le juge », in M. Lucas, « Regards sur le contentieux français relatif aux mesures compensatoires : quarante ans d’attentes, de déceptions et d’espoirs portés par la jurisprudence », Natures Sciences Sociétés, 26, 2, 2018, p. 193-202.
  • [70]
    J. Vieira, Éco-citoyenneté et démocratie environnementale, thèse de droit, Bordeaux, 2017, p. 298.
  • [71]
    Par exemple, la Cour suprême du Canada, dans l’arrêt R. c. Sparrow (du 31 mai 1990, req. n° 20311), considère l’expertise autochtone, en appuyant le fait que ces peuples premiers sont « traditionnellement sensibilisés à la conservation » et ont « toujours vécu dans des rapports d’interdépendance avec les ressources naturelles », in J. Vieira, ibid., p. 368.
  • [72]
    Cf. Titre V de la loi dite Grenelle I.
  • [73]
    B. Delaunay, « De l’enquête publique au débat public : la consultation des personnes intéressées », JCP A, n° 8, 2011, p. 2073.
  • [74]
    J. Chevallier, « Le débat public à l’épreuve », AJDA, 2013, p. 779.
  • [75]
    R. Hostiou, « Nature et portée du contrôle exercé par le juge administratif sur la légalité des décisions administratives complexes : le contentieux de la déclaration d’utilité publique en droit français », PA, n° 127, 2001, p. 8.
  • [76]
    J. Untermaier, « Représentation et pesée globale des intérêts en droit français de l’aménagement du territoire et de la protection de l’environnement », in La pesée globale des intérêts : droit de l’environnement et de l’aménagement du territoire, C.-A. Morand, Bâle, collection Genevoise, 1991, p. 129-150.
  • [77]
    Voir CE, 13 mars 2019, Association Alsace Nature, req. n° 418994, cons. 4.
  • [78]
    R. Hostiou, Note sous l’arrêt Association des Amis de l’Abbaye de Fontevraud, AJDA, 1976, p. 209.
  • [79]
    M. Prieur, « Le droit à l’environnement et les citoyens : la participation », RJE, 4/1988, p. 397-417.
  • [80]
    La commission de dialogue instaurée n’a su réduire les tensions autour de ce projet ni même la procédure particulière de consultation locale sur les projets susceptibles d’avoir une incidence sur l’environnement, issue de l’ordonnance n° 2016-488 du 21 avril 2016. Voir B. Delaunay, « Une procédure taillée sur mesure pour Notre-Dame-des-Landes », AJDA, 2016, p. 1515.
  • [81]
    O. Le Bot, « Le Conseil d’État peut-il être juge et partie ? », Constitutions, 2017, p. 588.
  • [82]
    CEDH, 9 novembre 2006, Sacilor Lormines c. France, req. n° 65411/01.
  • [83]
    Voir M. Clément, « La jurisprudence administrative en droit de l’environnement, entre technique et acteurs », RJE, numéro spécial, 2019, p. 51-61.
  • [84]
    Montesquieu, De l’Esprit des lois, Garnier frères, librairie-éditeurs, Paris, 1874, p. 149.
  • [85]
    R. Romi, « Réalité et limites du concept de juge-arbitre », RJE, numéro spécial, 2004, p. 111-114.
  • [86]
    J.-P. Henry, « Le rôle du contrôle juridictionnel comme technique de participation », Les Cahiers de droit, vol. 24, n° 4, 1983, p. 957-976.
  • [87]
    J. Morand-Deviller, « Conclusion : Le juge administratif et l’environnement », RJE, numéro spécial, 2004, p. 193-198.
  • [88]
    R. Romi, « Le droit de l’environnement et les règles du jeu contentieux, vu de l’enseignement et de la recherche », RJE, numéro spécial, 1995, p. 39-44.
  • [89]
    D. Chabanol, cité in N. Calderaro, « Le contentieux administratif et la protection de l’environnement : le point de vue d’un magistrat », RJE, numéro spécial, 1995, p. 5-13.
  • [90]
    F. Caballero, « Le Conseil d’État, ennemi de l’environnement ? », RJE, n° 1, 1984, p. 3-42.

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