Couverture de RJE_211

Article de revue

Le rôle des juges dans l’émergence d’une responsabilité climatique des États

Pages 37 à 62

Notes

  • [1]
    J. Peel, J. Lin, « Transnational Climate Litigation : The Contribution of the Global South », American Journal of International Law, Vol. 113-4, p. 679-726 ; M. Torre-Schaub (dir.), Les dynamiques du contentieux climatique. Usages et mobilisations du droit pour la cause climatique, Rapport final de recherche [en ligne], décembre 2019, p. 24-26.
  • [2]
    Voir notamment la base de données alimentée par le Sabin Center for Climate Change Law de l’Université de Columbia : http://climatecasechart.com/.
  • [3]
    Voir notamment C. Cournil, L. Varison, Les procès climatiques. Entre le national et l’international, Paris, Pedone, 2018, 298 p. ; C. Huglo, Le contentieux climatique : une révolution judiciaire mondiale, Bruxelles, Bruylant, 2018, 396 p. ; W. Kahl, M.-P. Weller, Climate Change Litigation : A Handbook, Munich, Beck/Hart/Nomos, 2020, 565 p. ; J. Lin, D. Kysar, Climate Change Litigation in the Asia Pacific, Cambridge, CUP, 2020, 500 p. ; J. Peel, H. Osofsky, Climate Change Litigation : Regulatory Pathways to Cleaner Energy, Cambridge, CUP, 2015, 352 p. ; F. Sindico, M. Mbengue (eds.), Comparative Climate Change Litigation : Beyond the Usual Suspects, Berlin, Springer, 2020, 609 p. ; M. Torre-Schaub, Justice climatique. Procès et actions, Paris, Ed. du CNRS, Coll. Débats, 2020, 88 p.
  • [4]
    C. Cournil (dir.), Les grandes affaires climatiques, Aix-en-Provence, Confluence des droits [en ligne], 2020, 680 p.
  • [5]
    À l’heure où nous finalisons cette contribution, la rapporteure publique Amélie Fort-Besnard a rendu ses conclusions et le jugement a été mis en délibéré.
  • [6]
    Sur le phénomène de judiciarisation, voir notamment J. Commaille, « La judiciarisation, nouveau régime de régulation politique », in O. Giraud, P. Warin (dir.), Politiques publiques et démocratie, Paris, La Découverte, 2008, p. 305-319 ; L. Dumoulin, V. Roussel, « La judiciarisation de l’action publique », in O. Borraz, V. Guiraudon (dir.), Politiques publiques 2, Changer la société, Paris, Presses de Sciences Po, 2010, p. 243-263.
  • [7]
    En ce sens, le contentieux climatique relève de ce que les avocats Marcel Willard et Jacques Vergès qualifient de « stratégie de rupture », qui consiste à fonder l’argumentation juridique non pas sur des moyens centrés sur l’espèce, mais sur des arguments politiques visant à défendre une cause bien plus qu’une personne, en prenant l’opinion publique à témoin. Selon les termes de J. Vergès, « le but de la défense n’est pas tant de faire acquitter l’accusé que de mettre en lumière ses idées » (J. Vergès, De la stratégie judiciaire, Paris, éd. de Minuit, 2e éd., 1968).
  • [8]
    Le premier recours climatique présenté devant une (quasi-)juridiction internationale est celui porté en 2005 par des représentants des peuples Inuits d’Alaska devant la Commission interaméricaine des droits de l’homme contre les États-Unis, alors premier émetteur de GES. Pour un commentaire de cette affaire, rejetée au stade de la recevabilité, voir H. Osofsky, « The Inuit Petition as a Bridge ? Beyond Dialectics of Climate Change and Indigenous People’ Rights », American Indian Law Review, vol. 31, 2007, p. 675-697.
  • [9]
    The Hague District Court, 24 June 2015, Urgenda Foundation vs Government of the Netherland (Ministry of Infrastructure and Environment), Case C/09/456689/HA ZA 13-1396, https://uitspraken.rechtspraak.nl/inziendocument?id=ECLI:NL:RBDHA:2015:7196 (en anglais). Ce jugement a donné lieu à de très nombreux commentaires doctrinaux. Parmi ceux-ci, voir notamment R. Cox, « A Climate Change Litigation Precedent : Urgenda Foundation v. the State of the Netherlands », Journal of Energy and Natural Resources Law, Vol. 34, 2016, p. 143-163 ; J. Lin, « The First Successful Climate Negligence Case : A Comment on Urgenda Foundation v. the State of the Netherlands », Climate Law, Vol. 5, 2015, p. 65-81 ; A.-S. Tabau, C. Cournil, « Nouvelles perspectives pour la justice climatique, Cour du district de La Haye, 24 juin 2015, Fondation Urgenda contre Pays-Bas », RJE, 2015, p. 672-693 ; M. Torre-Schaub, « La justice climatique. À propos du jugement de la Cour de district de la Haye du 24 juin 2015 », RIDC, n° 3, 2016, p. 672-693.
  • [10]
    The Hague Court of Appeal, 9 October 2018, The State of the Netherlands v. Urgenda Foundation, Case 200.178.245/01, https://uitspraken.rechtspraak.nl/inziendocument?id=ECLI:NL:GHDHA:2018:2610 (en anglais).
  • [11]
    Cour suprême des Pays-Bas, ch. civ., Fondation Urgenda c. Gouvernement des Pays-Bas, 20 décembre 2019, n° 19/00135, https://uitspraken.rechtspraak.nl/inziendocument?id=ECLI:NL:HR:2019:2006 (en néerlandais).
  • [12]
    North Gauteng High Court, 8 March 2017, Earthlife Africa Johannesburg (ELA) v. Ministry of Environmental Affairs, No. 65662/16, http://www.saflii.org/za/cases/ZAGPPHC/2017/58.html.
  • [13]
    Deux affaires peuvent être mises en exergue : Cour suprême de Justice, Claudia Andrea Lozano Barragán, et al. c. Présidence de la République et al., 5 avril 2018, STC 4360-2018, n° 11001-22-03-000-2018-00319-01 ; et Cour constitutionnelle de Colombie, 2016, Décision C-035.
  • [14]
    De nouveau, deux affaires peuvent être mentionnées : Superior Court of the State of Washington for King County, 19 November 2015, Foster vs Washington Department of Ecology, n° 14-2-25295-1 SEA ; et US District Court of Oregon, 10 November 2016, Juliana et al. vs United States et al., n° 6 :15-CV-01517-TC.
  • [15]
    CE Sect., 19 novembre 2020, Commune de Grande-Synthe et autre, n° 427301. Bien que cet arrêt ne relève pas du plein contentieux et donc sorte strico sensu du cadre de cette analyse, les moyens retenus par le Conseil d’État rejoignent néanmoins ceux retenus dans les autres décisions mentionnées ici.
  • [16]
    Sup. Crt of India, 13 May 2016, Swaraj Abhiyan vs Union of India and others, Writ Petition (civil) n° 857 (2016) S.C.C.
  • [17]
    Oslo District Court, 4 January 2018, Föreningen Greenpeace Norden and Natur og Ungdom v. Ministry of Petroleum and Energy, Case Nb.16-166674TVI-OTIR/06 ; Borgarting Court of Appeal, 23 January 2020, Natur og Ungdom and Föreningen Greenpeace Norden v. Ministry of Petroleum and Energy, Case Nb.18-060499ASD-BORG/03.
  • [18]
    High Court of New-Zealand, Wellington Registry, 2 November 2017, Sarah Thomson v. Minister for Climate Change Issues, CIV 2015-485-919 [2017] NZHC 733.
  • [19]
    Lahore High Court, Green Bench, 4 September 2015 et 14 September 2015, Ashgar Leghari vs Federation of Pakistan, W.P. n°. 25501/2015.
  • [20]
    Comité des droits de l’Homme des Nations Unies, 24 octobre 2019, Ioane Teitiota c. Nouvelle-Zélande, Comm. CCPR/C/127/D/2728/2016. Chacune des décisions mentionnées supra, de la note 9 à la note 20, est commentée in C. Cournil (dir.), Les grandes affaires cli-matiques, supra note 4.
  • [21]
    En ce sens, voir notamment C. Cournil, « Les droits fondamentaux au service de l’émergence d’un contentieux climatique contre l’État. Des stratégies contentieuses des requérants à l’activisme des juges », in M. Torre-Schaub, C. Cournil, S. Lavorel, M. Moliner-Dubost (dir.), Quel(s) droit(s) pour les changements climatiques ?, Paris, Mare & Martin, 2018, p. 185-215 ; H.P. Graver, « Judging for Utopia : Climate Change and Judicial Action », European Review of Private Law, Vol. 28-4, 2020, p. 885-907 ; J. Peel, H. M. Osofsky, « A Rights Turn in Climate Change Litigation ? », Transnational Environmental Law, Vol. 7-1, 2018, p. 37-68 ; E. Waitzer, D. Sarro, « Climate Change : A Template for Judicial Activism in Response to Systemic Risks », Canadian Business Law Journal, Vol. 62-2, 2019, p. 149-180.
  • [22]
    Certains juges sont en effet connus pour leur fort activisme, souvent lié à des circonstances politico-historiques ou à la nature de l’ordre juridique dans lequel ils exercent leurs fonctions ; l’activisme judiciaire est ainsi très marqué dans des États comme l’Inde, le Pakistan et le Bangladesh, où il constitue une caractéristique fondamentale du fonctionnement du régime depuis des décennies. À cet égard, voir J. Nishtha, S. Lakhwinder, « Judicial Activism in India », Bharati Law Review, 2017-1, p. 1-11 (en ligne) ; R. Hoque, Judicial Activism in Bangladesh : A Golden Mean Approach, Newcastle, Cambridge Scholars Publishing, 2011, 390 p. ; I. Niaz, « Judicial Activism and the Evolution of Pakistan’s Culture of Power », The Round Table - The Commonwealth Journal of International Affairs, Vol. 109, 2020-1, p. 23-41.
  • [23]
    A. Zouapet, « Le champ opératoire de l’activisme judiciaire supranational en Afrique : une tentative de systématisation », African Journal of International and Comparative Law, Vol. 28 (Supplément), 2020, p. 23-44, not. p. 25.
  • [24]
    Ibid.
  • [25]
    À cet égard, voir G. Canivet, « Activisme judiciaire et prudence interprétative », Archives de philosophie du droit, tome 50, 2006, p. 9-31 ; E. Picard, « Les droits de l’homme et l’"activisme judiciaire" », Pouvoirs, n° 93, 2000, p. 113-143.
  • [26]
    En ce sens, voir H.P. Graver, supra note 21 ; C. Kaupa, « Maybe Not Activist Enough ? On the Court’s Alleged Neoliberal Bias in Its Recent Labor Cases », in M. Dawson, B. de Witte, E. Muir (eds.), Judicial Activism at the European Court of Justice, Cheltenham, Edward Elgar, 2013, p. 56-75. Voir également G. Jones, « Proper Judicial Activism », Regent University Law Review, Vol. 14, 2002, où l’auteur définit l’activisme judiciaire, qu’il défend, comme « any occasion where a court intervenes and strike down a piece of duly enacted legislation. » (p. 143).
  • [27]
    L’expression aurait en effet été utilisée pour la première fois par Arthur Schlesinger Jr., pour décrire de façon péjorative l’attitude de certains juges de la Cour suprême des États-Unis. L. Pereira Coutinho, M. La Torre, S. Smith, « Preface », in L. Pereira Coutinho, M. La Torre, S. Smith (eds.), Judicial Activism : An Interdisciplinary Approach to the American and European Experiences, Cham, Springer, 2015, p. v.
  • [28]
    En ce sens, voir K. Kmiec, « The Origin and Current Meanings of Judicial Activism », California Law Review, Vol. 92-5, 2004, p. 1446.
  • [29]
    Ce que dénonce fort justement A. Zouapet (supra note 23, p. 25).
  • [30]
    Voir supra, note 21.
  • [31]
    G. Canivet, N. Molfessis, « La politique jurisprudentielle », in Mélanges en l’honneur de Jacques Boré, La création du droit jurisprudentiel, Paris, Dalloz, 2007, p. 79-97, §4.
  • [32]
    Le choix de centrer cette analyse sur le contentieux de la responsabilité des États conduit à réduire le champ des décisions de justice retenues pour alimenter la réflexion. Le « contentieux climatique » inclut en effet également un contentieux de la légalité des actes administratifs assez fourni, et un contentieux de la responsabilité des entreprises encore balbutiant. Il ne fait aucun doute qu’une analyse plus longue pourrait également porter sur ces litiges.
  • [33]
    L’expression est librement inspirée de A. Osborn, L’imagination constructive, Paris, Dunod, 1974, 366 p.
  • [34]
    K. Mathis, « Consequentialism in Law », in K. Mathis (ed.), Efficiency, Sustainability, and Justice to Future Generations, Dordrecht, Springer, 2011, p. 3-29.
  • [35]
    Lahore High Court, Green Bench, 4 septembre 2015 et 14 septembre 2015, Ashgar Leghari vs. Federation of Pakistan, W.P. n° 25501/2015. Voir T. Keïta, « Leghari v. Federation of Pakistan (2015) », in C. Cournil (dir.), supra note 5, p. 109-128.
  • [36]
    E. Fisher, E. Scotford, E. Barritt, « The Legally Disruptive Nature of Climate Change », Modern Law Review, Vol. 80, 2017, p. 173-201.
  • [37]
    M. Torre-Schaub, « Les dynamiques du contentieux climatique : anatomie d’un phénomène émergent », in M. Torre-Schaub, C. Cournil, S. Lavorel, M. Moliner-Dubost (dir.), supra note 21, p. 130.
  • [38]
    L. Neyret, « La reconnaissance de la responsabilité climatique », Dalloz, 2015, p. 2278-2282 ; J. Vieira, « L’émergence de l’activisme climatique et l’accès au juge », RFDA, 4/2019, p. 636-643.
  • [39]
    Voir supra, note 8.
  • [40]
    En première instance, le Tribunal administratif fédéral a rejeté la requête en raison d’un défaut de qualité à agir des requérantes. En appel, la Cour administrative a également rejeté la requête, estimant que les femmes suisses de plus de 75 ans n’étaient pas les seules personnes affectées par les effets du changement climatique et que la réparation demandée ne s’appliquerait pas spécifiquement aux requérantes. Le recours devant la Cour suprême est actuellement pendant. Voir Federal Administrative Court, Section 1, 27 November 2018, Judgment A-2992/2017, Verein KlimaSeniorinnen Schweizet al. v. DETEC - Ruling on real acts relating to climate protection, traduction en anglais disponible sur le site https://www.informea.org/fr/node/490526, consulté le 4 décembre 2020. Voir R. Mahaim, « Les aînées pour la protection du climat c. la Confédération suisse (2018) », in C. Cournil (dir.), supra note 4, p. 169-181.
  • [41]
    US Sup. Crt, 2 April 2007, Massachusetts v. Environmental Protection Agency, No. 05-1120, 127 S. Ct. 1438 ; 549 U.S. 497 (2007). Voir H. Osofsky, « The Geography of Climate Change Litigation : Narratives of Massachusetts v. EPA », Chicago Journal of International Law, Vol. 8, 2007-2008, p. 573-620 ; P. Abadie, « Massachusetts c. EPA (2007) », in C. Cournil (dir.), supra note 4, p. 47-61.
  • [42]
    Massachusetts v. EPA, 127 S. Ct. 1438 ; 549 U.S. 497 (2007) p. 1456.
  • [43]
    « The risk of catastrophic harm, though remote, is nevertheless real. » (Ibid., p. 1458).
  • [44]
    US District Court of Oregon, 10 November 2016, Juliana et al. v. United States et al., No. 6 :15-CV-01517-TC ; US Crt of Appeals for the Ninth Circuit, 17 January 2020, Juliana et al. v. United States et al., No. 18-36082 D.C. No. 6 :15-cv-01517. Voir M. Blumm, M. Wood, « "No Ordinary Lawsuit" : Climate Change, Due Process, and the Public Trust Doctrine », American University Law Review, Vol. 67-1, 2017 ; E. Gebre, « Juliana et al. c. États-Unis et al. (2016-2020) », in C. Cournil (dir.), supra note 4, p. 153-168.
  • [45]
    US Crt of Appeals for the Ninth Circuit, Juliana, supra note 44, p. 16.
  • [46]
    L’origine humaine du changement climatique est établie avec certitude par les rapports du GIEC (IPCC, Climate Change 2014 Synthesis Report, Summary for Policymakers, IPCC, 2014, p. 4). Il existe désormais un consensus scientifique en la matière, plus de 97 % des chercheurs spécialistes du climat s’accordant sur l’origine anthropique du réchauffement climatique : voir J. Cook (et al.), « Consensus on Consensus : A Synthesis of Consensus Estimates on Human-Caused Global Warming », Environmental Research Letters Vol. 11-4, 2016.
  • [47]
    S. Maljean-Dubois, « La responsabilité de l’État en droit international public, stratégies d’évitement et pistes prospectives », Journal international de bioéthique et d’éthique des sciences, 2019, Vol. 30, n° 2, p. 96.
  • [48]
    The Hague District Court, Urgenda, supra note 9, § 4.90 (nous soulignons).
  • [49]
    Ibid., § 4.90, traduction libre.
  • [50]
    Ibid., § 4.79, traduction libre.
  • [51]
    Ibid., § 4.79, traduction libre. Voir A.-S. Tabau, C. Cournil, « Urgenda c. Pays-Bas (2015) », in C. Cournil (dir.), supra note 4, not. p. 81-83.
  • [52]
    Le fait que les autorités gouvernementales aient promu l’utilisation des fossiles combustibles, alors même qu’elles auraient pu mobiliser les larges compétences dont elles disposent pour renforcer la politique climatique fédérale, constitue pour le juge un facteur de renforcement du lien de causalité. US District Court of Oregon, Juliana et al. vs United States et al., supra note 43, p. 22-26. Voir E. Gebre, « Juliana et al. c. États-Unis et al. (2016-2020) », in C. Cournil (dir.), supra note 4, not. p. 268-269.
  • [53]
    Pour une vue d’ensemble et de droit comparé, voir C. Saunier, La doctrine des « questions politiques ». Étude comparée : Angleterre, France, États-Unis, thèse de doctorat en droit public, Univ. Paris II, 2019.
  • [54]
    En ce sens, voir notamment S. Latourette, « Global Climate Change : Political Question », Rutgers Law Journal, Vol. 40-1, 2008, p. 219-284 ; J. May, « Climate Change, Constitutional Consignment, and the Political Question Doctrine », Denver University Law Review, Vol. 85-4, p. 919-960.
  • [55]
    The Hague District Court, Urgenda, supra note 9, § 4.97 - 4.98.
  • [56]
    Ibid., § 4.101 : « […] the claim discussed here is not intended to order or prohibit the State from taking certain legislative measures or adopting a certain policy. If the claim is allowed, the State will retain full freedom, which is pre-eminently vested in it, to determine how to comply with the order concerned. […] ».
  • [57]
    High Court of New-Zealand, Sarah Thomson, supra note 18, § 133 : « The various domestic courts have held they have a proper role to play in Government decision making on this topic, while emphasising that there are constitutional limits in how far that role may extend. […] Remedies are fashioned to ensure appropriate action is taken while leaving the policy choices about the content of that action to the appropriate state body. ».
  • [58]
    US District Court of Oregon, Juliana, supra note 44, p. 6-17. Cette appréciation est cependant balayée en appel : la cour d’appel estime en effet que la réparation du préjudice allégué relève davantage du pouvoir législatif que du pouvoir judiciaire, et qu’il ne revient pas au juge d’intervenir pour pallier l’inaction des deux autres branches du gouvernement (US Crt of Appeals for the Ninth Circuit, Juliana, supra note 44, p. 21).
  • [59]
    E. Gebre, « Juliana et al. c. États-Unis et al. (2016-2020) », in C. Cournil (dir.), supra note 4, p. 279.
  • [60]
    S. Robert-Cuendet, « L’invocabilité du droit international du climat devant le juge administratif français », in M. Torre-Schaub (dir.), Les contentieux climatiques : dynamiques en France et dans le monde, à paraître.
  • [61]
    The Hague District Court, Urgenda, supra note 9, § 4.42-4.43.
  • [62]
    CE Sect., 19 novembre 2020, Commune de Grande-Synthe et autre, n° 427301, § 12.
  • [63]
    High Court of New-Zealand, Sarah Thomson, supra note 18, §§ 99 ss.
  • [64]
    A. Le Dylio, « Thomson v. Minister for Climate Change Issues (2017) », in C. Cournil (dir.), supra note 4, p. 141-152, not. p. 148-152.
  • [65]
    La doctrine américaine et australienne avait néanmoins étudié la possibilité d’y recourir dans ce contexte : D. Hunter, J. Salzman, « Negligence in the Air : The Duty of Care in Climate Change Litigation », University of Pennsylvania Law Review, Vol. 155, 2007, p. 1741-1794 ; D. Grossman, « Warming up to a Not-So Radical Idea : Tort-Based Climate Change Litigation », Columbia Journal of Environmental Law, Vol. 28, 2008, p. 1-7 ; M. Burkett, « Duty and Breach in an Era of Uncertainty : Local Government Liability for Failure to Adapt to Climate Change », Georges Mason Law Review, Vol. 20, 2013, p. 775-802.
  • [66]
    The Hague District Court, Urgenda, supra note 9, §§ 4.64-4.86. Sur cette redéfinition du duty of care par l’arrêt Urgenda, voir M. Torre-Schaub, « L’affirmation d’une justice climatique au prétoire (quelques propos sur le jugement de la Cour du district de La Haye du 24 juin 2015) », Revue québécoise de droit international, Vol. 29, 2016, p. 161-183.
  • [67]
    Ibid., § 5.1.
  • [68]
    Sup. Crt of the State of Washington for King County, 19 November 2015, Foster vs Washington Department of Ecology, No. 14-2-25295-1 SEA. Voir M. Wood, C. Woodward, « Atmospheric Trust Litigation and the Constitutional Right to a Healthy Climate System : Judicial Recognition at Last », Washington Journal of Environmental Law and Policy, Vol. 6, 2016, p. 634-684.
  • [69]
    Sur cette doctrine, voir E. Cornu-Thenard, « Éléments sur l’apport de la doctrine américaine du public trust à la représentation de l’environnement devant le juge », Vertigo, hors-série 22, septembre 2015.
  • [70]
    M. Blumm, M. Wood, supra note 44, 2017. L’appel à un usage renouvelé de la doctrine du « public trust » pour faire face aux effets du changement climatique est notamment le fait de l’Association Our Children’s Trust, qui est à l’origine de plusieurs recours stratégiques en la matière. Voir R. Abate, « Atmospheric Trust Litigation in the United States : Pipe Dream or Pipeline to Justice for Future Generations ? », Climate Justice, 2016, p. 543-569 ; I. Farcy-Callon, « La fiducie atmosphérique : analyse d’une doctrine aux perspectives innovantes en matière de contentieux climatique », RJE, 3/2020, p. 516-525.
  • [71]
    US District Court of Oregon, Juliana, supra note 44, p. 32-33.
  • [72]
    Ibid., p. 36.
  • [73]
    Lahore High Court, Green Bench, 4 September 2015 et 14 September 2015, Leghari, supra note 18. Voir T. Keïta, « Leghari v. Federation of Pakistan (2015) », in C. Cournil (dir.), supra note 5, p. 109-128.
  • [74]
    Lahore High Court, Green Bench, 4 September 2015, Leghari, supra note 19, §§ 6-7. Il est intéressant, par ailleurs, de noter que l’arrêt Leghari mobilise également la doctrine du « public trust », mais de manière différente du juge américain : le public trust fait ici partie des droits reconnus dans le champ d’application du droit à la vie, donc est mobilisé au même titre que les droits fondamentaux.
  • [75]
    Sur cette évolution, voir notamment C. Cournil, supra note 20.
  • [76]
    L’exemple de l’affaire Urgenda est intéressant à cet égard : alors que le Tribunal de première instance écarte les moyens portant sur la violation des droits fondamentaux des requérants, la Cour d’appel centre au contraire son argumentation sur les atteintes au droit à la vie et au droit au respect de la vie privée et familiale, protégés par les articles 2 et 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme dont le juge néerlandais est le garant, pour reconnaître la responsabilité climatique de l’État. The Hague Court of Appeal, 9 October 2018, The State of the Netherlands v. Urgenda Foundation, supra note 10.
  • [77]
    J. Peel, H.M. Osofsky, « A Rights Turn in Climate Change Litigation ? », Transnational Environmental Law, Vol. 7-1, 2018, p. 37-67.
  • [78]
    J. Peel, H.M. Osofsky, A. Foerster, « Shaping the Next Generation of Climate Change Litigation in Australia », Melbourne University Law Review, Vol. 41-2, 2017, p. 793-844.
  • [79]
    C. Cournil, C. Perruso, « Réflexions sur l’"humanisation" des changements climatiques et la "climatisation" des droits de l’homme. Émergence et pertinence », La Revue des droits de l’homme [En ligne], n° 14, 2018.
  • [80]
    Outre les requêtes portées par les peuples inuits devant la Commission interaméricaine des Droits de l’Homme (voir supra note 8), une requête introductive a été déposée devant la Cour européenne des Droits de l’Homme par six jeunes Portugais à l’encontre de 33 États parties à la Convention, qu’ils accusent de ne pas respecter leurs obligations dans la lutte contre le changement climatique et de violer ainsi les articles 2 et 8 de la Convention (la requête est disponible sur le site https://youth4climatejustice.org/wp-content/uploads/2020/11/GLAN-ECtHR-Application.pdf, consulté le 1er décembre 2020) et plusieurs pétitions ont été déposées devant différents comités onusiens (voir C. Cournil, « Affaires Greta Thunberg, Teitiota et Torrès (2019-2020) », in C. Cournil (dir.), supra note 4, p. 281-302).
  • [81]
    Comité des droits de l’Homme, 24 octobre 2019, Ioane Teitiota c. New Zealand, Communication n° 2728/2016.
  • [82]
    M. Courtoy, « Une décision historique pour les "réfugiés climatiques" ? Mise en perspective », Cahiers de l’EDEM [en ligne], février 2020 ; G. Sciaccaluga, International Law and the Protection of « Climate Refugees », Palgrave Macmillan, 2020, p. 121.
  • [83]
    En l’espèce cependant, M. Teitiota a été débouté de sa demande : le CDH estime en effet que même si l’élévation du niveau de l’océan est susceptible de rendre Kiribati inhabitable dans un délai de dix à quinze ans, ce délai laisse suffisamment de temps pour que le gouvernement de Kiribati intervienne, avec l’aide de la communauté internationale, pour protéger sa population (§ 9.12). Le Comité conclut donc que le requérant ne fournit pas suffisamment de preuves démontrant qu’il court un risque réel d’être victime d’une situation susceptible de mettre sa vie en danger dans son pays d’origine.
  • [84]
    Selon les termes de M. Torre-Schaub, qui s’inspire ici des travaux de F. Ost sur les trois modèles du juge. M. Torre-Schaub, « Les dynamiques du contentieux climatique : anatomie d’un phénomène émergent », in M. Torre-Schaub, C. Cournil, S. Lavorel, M. Moliner-Dubost (dir.), supra note 21, p. 118 ; F. Ost, Dire le droit, faire justice, Bruxelles, Bruylant, 2007, p. 33-60.
  • [85]
    Le terme « conséquentialisme » apparaît dans un article publié par la philosophe anglaise Elizabeth Anscombe en 1958 (G.E.M. Anscombe, « Modern Moral Philosophy », Philosophy, Vol. 33, n° 124, 1958, p. 1-19) et a depuis largement investi les théories morales anglo-saxonnes. L’approche conséquentialiste a ensuite imprégné les travaux des théoriciens du droit (en particulier dans les pays de common law), dont certains le présentent comme un facteur explicatif du sens des décisions de justice. Voir notamment N. MacCormick, Legal Reasoning and Legal Theory, Oxford, Clarendon Press, [1978] rééd. 1994, 322 p. ; N. Mac-Cormick, Rhetoric and the Rule of Law : A Theory of Legal Reasoning, Oxford, OUP, 2005, 287 p.
  • [86]
    Les différents courants conséquentialistes ne s’accordent toutefois pas sur les caractéristiques d’un résultat optimal : pour certains, la décision doit produire les meilleurs résultats possibles en termes d’efficacité, tandis que pour d’autres, elle doit produire de « bonnes » conséquences au sens moral ou axiologique. Voir S. Darwall, Consequentialism, Oxford, Blackwell, 2002, 310 p.
  • [87]
    Voir supra note 25.
  • [88]
    F. Hourquebie, « L’argument conséquentialiste dans les décisions de justice », Les Cahiers de la Justice, 2014, n° 2, p. 208.
  • [89]
    Sur cette résurgence conséquentialiste de la doctrine juridique (que l’auteur réprouve), voir D.L. Drakeman, « Consequentialism and the Limits of Interpretation : Do the Ends Justify the Meanings ? », Jurisprudence, Vol. 9-2, 2018, p. 300-318.
  • [90]
    US Crt of Appeals for the Ninth Circuit, 17 January 2020, Juliana, supra note 44.
  • [91]
    US District Court of Oregon, 10 November 2016, Juliana, supra note 44.
  • [92]
    Voir V. Laramee de Tannenberg, « Climat : les Pays-Bas se dotent d’une loi de décarbonation », Journal de l’Environnement, 28 juin 2018, https://www.journaldelenvironnement.net/article/climat-les-pays-bas-se-dotent-d-une-loi-de-decarbonation,92479, consulté le 3 décembre 2020. À titre de comparaison, la loi française n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte pose l’objectif de diviser les émissions de GES par 4 d’ici 2050 par rapport aux niveaux de 1990.
  • [93]
    « En urgence, les Pays-Bas durcissent leur politique climatique », Journal de l’Environnement, 28 avril 2020, https://www.journaldelenvironnement.net/article/en-urgence-les-paysbas-durcissent-leur-politique-climatique,105559, consulté le 3 décembre 2020.
  • [94]
    Sur le recours à la justice comme outil de mobilisation sociale en matière climatique, voir notamment V. Lefebvre, « Urgence climatique, quel rôle pour les juges et la justice ? », La Revue Nouvelle, n° 8, 2019, p. 66-72.
  • [95]
    Voir notamment E. Blankenburg, « La mobilisation du droit. Les conditions du recours et du non-recours à la Justice », Droit et Société, Vol. 28, 1994, p. 691-703.
  • [96]
    Ibid., p. 692.
  • [97]
    GIEC, Résumé à l’intention des décideurs, Réchauffement planétaire de 1,5 °C, Rapport spécial du GIEC sur les conséquences d’un réchauffement planétaire de 1,5 °C par rapport aux niveaux préindustriels et les trajectoires associées d’émissions mondiales de gaz à effet de serre, dans le contexte du renforcement de la parade mondiale au changement climatique, du développement durable et de la lutte contre la pauvreté, Genève, OMM, 2018, 32 p.
  • [98]
    L’expression, empruntée à la théorie des relations internationales, désigne ici la tentative, par les ONG, de modifier le statu quo en matière climatique en déplaçant leurs activités de sensibilisation, d’influence, de plaidoyer ou de lobbying d’un forum à un autre.
  • [99]
    L’expression est empruntée à deux juristes néerlandais, M. Loth et R. van Gestel, cités in L. Burgers, « Should Judges Make Climate Change Law ? », Transnational Environmental Law, Vol. 9-1, 2020, p. 57.
  • [100]
    Voir supra note 53.
  • [101]
    Voir notamment L. Bergkamp, « A Dutch Court’s Revolutionary Climate Policy Judgment : The Perversion of Judicial Power, the State’s Duties of Care, and Science », Journal for European Environmental & Planning Law, Vol. 12, Issue 3-4, 2015, p. 241-263 ; L. Bergkamp, J.C. Hanekamp, « Climate Change Litigation against States : The Perils of Court-Made Climate Policies », European Energy and Environmental Law Review, Vol. 24-5, 2015, p. 102-114.
  • [102]
    Voir notamment Oslo District Court, 4 January 2018, Föreningen Greenpeace Norden and Natur og Ungdom v. Ministry of Petroleum and Energy, Case Nb.16-166674TVI-OTIR/06, § 5.2.7 ; US Crt of Appeals for the Ninth Circuit, Juliana, supra note 44, p. 21.
  • [103]
    L. Bergkamp, J.C. Hanekamp, supra note 101.
  • [104]
    À cet égard, voir D.L Drakeman, supra note 89, section II.
  • [105]
    G.C. Leedes, « Reasonable Expectations and the Concept of Due Process of Law », University of Florida Law Review, Vol. 35-2, 1983, p. 254-280.
  • [106]
    A. Michelot, « Propos conclusifs », in M. Torre-Schaub, C. Cournil, S. Lavorel, M. Moliner-Dubost (dir.), supra note 21, p. 362.
  • [107]
    S. Quevedo, « Formalist and Instrumentalist Legal Reasoning and Legal Theory », California Law Review, Vol. 73-1, 1985, p. 119-157.
  • [108]
    En ce sens, voir L. Paine, « Instrumentalism v. Formalism : Dissolving the Dichotomy », Wisconsin Law Review, Issue 4, 1978, p. 997-1028.
  • [109]
    Concluant dans le même sens, au terme d’un raisonnement fondé sur la théorie de la démocratie délibérative de Jürgen Habermas, voir L. Burgers, supra note 99, p. 55-75.
  • [110]
    Comme l’a notamment affirmé le Professeur Rousseau dans plusieurs interviews qui ont suivi l’annonce présidentielle : J. Delage, « Référendum pour le climat : "Une réforme inutile au service d’une opération politique" », Libération, 15 décembre 2020 ; M. Jacque, « Climat : le bien-fondé de la révision constitutionnelle est contesté par les juristes », Les Echos, 15 décembre 2020.
  • [111]
    Voir supra notes 56 et 57.
  • [112]
    CDH, 24 octobre 2019, Ioane Teitiota, supra note 81.
  • [113]
    Ibid., § 9.6 et 9.13.
  • [114]
    Ibid.
  • [115]
    Lahore High Court, Ashgar Leghari, supra note 35.
  • [116]
    Voir en ce sens T. Keïta, « Leghari v. Federation of Pakistan (2015) », in C. Cournil (dir.), supra note 4, p. 124-125.
  • [117]
    À cet égard, voir D.L Drakeman, supra note 89, section II.

1Il n’est pas une semaine, désormais, sans qu’une nouvelle décision de justice vienne grossir les rangs de ce que l’on n’hésite plus à appeler le « contentieux climatique transnational » [1]. Le domaine fait en effet florès : les bases de données spécialisées recensent plus de 2 000 litiges engagés devant les tribunaux de par le monde [2], les ouvrages d’analyse se multiplient sur le sujet [3], et la doctrine en vient même à structurer cette jurisprudence de plus en plus abondante autour de « grandes affaires » devenues symboliques de la mobilisation croissante de la société civile pour la cause climatique [4]. Nul doute que le tout prochain jugement du Tribunal administratif de Paris dans « l’Affaire du Siècle » [5] n’ajoute une nouvelle pierre à cet édifice en pleine construction.

2Ces initiatives témoignent d’une tendance de plus en plus marquée à la judiciarisation de la lutte contre le réchauffement planétaire : face à l’insuffisance des politiques climatiques engagées par les États, le recours au juge apparaît désormais – à tort ou à raison – comme une stratégie porteuse pour inciter les autorités publiques à agir. Ce phénomène de judiciarisation n’est pas propre à la question climatique : la sauvegarde des droits de l’Homme, la défense de la santé publique, la protection de l’environnement largo sensu sont depuis longtemps l’objet de stratégies contentieuses comparables [6]. Comme dans ces autres domaines, le but de l’action judiciaire en matière climatique n’est pas tant d’obtenir réparation pour le dommage subi par le requérant, que de faire reconnaître – avec l’appui des médias largement sollicités pour couvrir l’affaire – l’urgence d’adopter des mesures efficaces pour protéger les générations actuelles et futures face aux impacts du changement climatique [7].

3Cette stratégie contentieuse n’est pas récente : les premiers litiges climatiques portés devant un juge datent des années 1990 et se sont surtout développés, dans un premier temps, aux États-Unis et en Australie, où les politiques carbonées des gouvernements ouvraient de belles opportunités de recours. Dès cette époque, les requérants, très souvent soutenus par des associations, ont tenté d’élargir leur stratégie en diversifiant les juridictions saisies comme les objectifs visés. Le contentieux climatique s’est ainsi internationalisé [8], en même temps qu’il s’est diffusé dans de très nombreux pays. Il recouvre désormais un ensemble composite de litiges de plus en plus nombreux qui visent, pour les uns à sanctionner les entreprises émettant des gaz à effet de serre de manière abusive, pour d’autres à engager la responsabilité des États dont les politiques climatiques sont jugées insuffisantes, et pour d’autres encore à empêcher l’adoption de mesures jugées « climaticides », comme l’extension d’aéroports ou l’autorisation d’exploiter de nouveaux sites pétroliers off-shore.

4La stratégie contentieuse en matière climatique a toutefois connu un tournant manifeste en 2015 avec la désormais célèbre affaire Urgenda c. Pays-Bas[9]. Pour la première fois au monde, un juge interne reconnaissait la responsabilité d’un État en raison de l’insuffisance de son action contre le réchauffement climatique, et lui enjoignait de prendre des mesures plus efficaces pour réduire durablement ses émissions de gaz à effet de serre et protéger sa population. Ce premier arrêt, confirmé en appel [10] puis en cassation [11], a ouvert la voie à une série de décisions de justice – en Afrique du Sud [12], en Colombie [13], aux États-Unis [14], en France [15], en Inde [16], en Norvège [17], en Nouvelle-Zélande [18], au Pakistan [19], mais aussi au niveau international [20] – établissant la responsabilité des autorités publiques sur différents fondements : le non-respect de leurs engagements internationaux en matière de réduction de leurs émissions de GES, l’insuffisante prise en considération de la question climatique lors de l’élaboration de leurs politiques industrielles et/ou environnementales, ou encore les lacunes observées dans la protection des personnes ou des populations vulnérables aux effets du changement climatique. Il est vrai que ces procédures qui aboutissent en faveur des requérants sont encore très minoritaires : la plupart des recours climatiques se heurtent à une multitude d’obstacles procéduraux et de fond qui hypothèquent les chances de conclure dans le sens des prétentions des plaignants. Pour autant, en dépit de leur caractère encore exceptionnel, ces décisions qui se multiplient partout dans le monde dessinent progressivement les contours d’une nouvelle « responsabilité climatique » des États.

5Bien qu’elles relèvent d’ordres juridiques et juridictionnels différents, ces affaires sont toutes marquées par ce qui semble participer d’un certain activisme judiciaire. Si la doctrine en fait très souvent le constat [21] – la plupart du temps en se félicitant de ce positionnement des juges dans le contexte de l’urgence climatique –, elle analyse en revanche plus rarement les manifestations de cet activisme et s’interroge peu sur sa légitimité ou sur sa portée.

6Peut-on, d’ailleurs, parler d’activisme du juge en matière climatique ? Répondre à cette question suppose au préalable d’identifier précisément ce qui relève de l’« activisme judiciaire ». Or, force est de constater qu’il n’en existe pas de définition arrêtée, en dépit de la récurrence de cette expression dans de nombreuses études. Les manifestations d’activisme de la part du juge peuvent en effet être très diverses, et varient par ailleurs entre les ordres juridiques [22] : il peut s’agir a minima du cas où le juge exerce pleinement son rôle d’interprète des textes normatifs à la lumière, parfois déformante, des conditions, des valeurs et des intérêts contemporains ; il peut s’agir aussi de la situation où le juge excède son rôle d’interprète pour créer une nouvelle règle de droit lui permettant de fonder une décision d’espèce ; il peut s’agir encore de la volonté du juge de ne pas limiter sa décision au différend qui lui est soumis, mais d’établir une nouvelle règle applicable à des questions non posées dans l’action spécifique [23]. De manière générale, parler d’activisme judiciaire sous-tend donc « l’idée que, en décidant dans une affaire, les juges réforment les règles existantes ou vont au-delà de la simple lettre, ou de l’esprit jusque-là convenu, du texte » [24].

7Le positionnement de la doctrine par rapport à la pratique de l’activisme judiciaire est lui aussi très variable : il dépend bien évidemment du contexte juridique dans lequel les auteurs évoluent (la common law étant sans doute plus propice à un rôle actif du juge [25]), mais aussi de leur sensibilité politique et, bien souvent, de leur engagement pour la cause qu’ils étudient. Certains auteurs présentent ainsi l’activisme du juge de manière positive, voire le préconisent, dans la mesure où il permet(trait) une évolution des règles de droit jugées lacunaires, insuffisantes ou inadaptées [26]. La majorité, cependant, semble considérer l’activisme judiciaire comme une forme de dévoiement du rôle du juge, ce que reflète d’ailleurs l’expression « gouvernement des juges » souvent employée par les auteurs francophones pour traduire le phénomène de judicial activism dénoncé initialement par la doctrine américaine [27]. Pour les auteurs défendant cette position, les juges seraient astreints à une certaine retenue et devraient rester dans les strictes limites de leur fonction d’interprétation et d’application des règles de droit, dont l’élaboration relèverait exclusivement des pouvoirs législatif et exécutif [28].

8L’objet de cette contribution n’est pas de se positionner dans ce débat qui, au reste, conduit l’observateur à établir (indûment ?) ce que devrait être la fonction de juger [29]. Elle vise bien plus à identifier, parmi les motifs mis en avant par les juges pour retenir la responsabilité climatique d’un État, ceux qui pourraient témoigner d’un comportement activiste. Le but est ici de vérifier l’assertion, souvent rencontrée dans les publications doctrinales [30], d’un activisme judiciaire en matière climatique. Le cas échéant, cet activisme témoigne-t-il d’une politique jurisprudentielle, au sens où le juge se fixerait un chemin à suivre sur cette question, une « ligne directrice et donc inspiratrice […] attest[ant] de choix de fond et donc substantiels » [31] ? Au-delà de ce questionnement sur la réalité de l’activisme des juges en matière climatique, il s’agira également de s’interroger sur l’intérêt d’un tel comportement : dans l’hypothèse où il serait établi, ce positionnement proactif des juges est-il réellement le moyen le plus pertinent de pousser les autorités publiques à renforcer leur action contre le réchauffement climatique ?

9Pour répondre à ces questions, nous nous fonderons sur l’analyse des décisions de justice qui ont conduit à l’engagement de la responsabilité d’un État en matière climatique [32], quels que soient l’ordre juridictionnel concerné (national ou international), le degré de juridiction atteint, et le niveau d’avancement de l’examen du litige (recevabilité ou fond). Il est possible également que certaines décisions analysées ici aient été infirmées par une décision ultérieure. Le cœur de l’analyse porte sur les motifs retenus par un juge au moment où il se prononce, quelle que soit l’issue finale du litige en cause.

10Cette contribution embrasse donc volontairement un paysage jurisprudentiel composite, regroupant des décisions relevant d’ordres juridiques très différents mais visant toutes à faire évoluer des politiques climatiques jugées trop peu efficaces ou insuffisamment protectrices des victimes du changement climatique. L’analyse comparée de ces jurisprudences permet d’évaluer le rôle que jouent les juges dans la dynamique de construction d’un régime de responsabilité climatique des États. L’absence de mécanisme juridique permettant spécifiquement de sanctionner un État – ou plus largement une autorité publique – en raison de sa contribution au réchauffement climatique ouvre en effet la voie à l’« imagination constructive » [33] des juges, qui n’hésitent plus à réinventer les règles du procès, et avec elles celles permettant d’engager la responsabilité des décideurs, afin de renforcer l’effectivité du droit du climat. En ce sens, les décisions analysées témoignent d’un activisme judiciaire qui s’avère décisif pour faire aboutir les litiges climatiques (I.). Si les militants du climat se réjouissent de ces avancées, voire de ces innovations jurisprudentielles, il est pourtant nécessaire de s’interroger sur les enjeux de cet activisme judiciaire pour la cause qu’il est censé servir. La démarche conséquentialiste des juges, qui consiste à motiver une décision en fonction de ses effets attendus sur la lutte contre le changement climatique – et qui sous-tend donc l’activisme judiciaire en la matière [34] – pourrait en effet se révéler contre-productive si elle s’avérait inefficace ou illégitime (II.).

I – Un activisme judiciaire décisif pour faire aboutir les litiges climatiques

11Les décisions rendues depuis 2015 en matière de responsabilité climatique des États témoignent d’une tendance du juge (principalement interne) à s’affirmer comme le nouveau forum de détermination des obligations s’imposant aux autorités publiques en matière climatique. Ce déplacement du centre de gravité décisionnel vers le pouvoir judiciaire résulte d’abord de la multiplication des recours dont il est saisi face à l’action jugée insuffisante des autorités exécutives et législatives. Mais il résulte également de la volonté, particulièrement marquée chez certains juges, de faire évoluer les règles matérielles et procédurales qui ne permettent souvent pas de donner raison aux requérants, au regard des spécificités du contentieux climatique. Un extrait désormais célèbre de l’arrêt Leghari, rendu par la Haute Cour de Lahore (Pakistan) en 2015, rend compte de cette détermination à dépasser les cadres conceptuels et normatifs actuels :

« It appears that we have to move on. The existing environmental jurisprudence has to be fashioned to meet the needs of something more urgent and overpowering, i.e. Climate Change. From Environmental Justice, which was largely localized and limited to our own ecosystems and biodiversity, we need to move to Climate Change Justice » [35].
Qu’on le soutienne ou qu’on le déplore, ce positionnement du juge témoigne de l’effet perturbateur, voire « disruptif » [36], de la question climatique sur la justice en général et les juridictions en particulier. L’urgence de la situation, la globalité des enjeux et l’enchevêtrement des responsabilités appellent en effet le juge à repenser son office et à concevoir les moyens de développer une véritable justice climatique [37]. Dans les décisions étudiées, cet activisme se manifeste par des innovations juridiques qui rendent compte de deux ambitions complémentaires : ouvrir le prétoire aux victimes du changement climatique (A.) et faire évoluer le droit applicable en matière de lutte contre le réchauffement climatique (B.).

A – La volonté d’ouvrir le prétoire aux victimes du changement climatique

12L’un des principaux obstacles qui se dressent sur la route des requérants dans les affaires climatiques est celui de la recevabilité de leur recours [38]. L’exception d’irrecevabilité est en effet systématiquement soulevée par la défense, qui met en avant l’absence d’intérêt à agir des requérants, le défaut d’imputabilité du dommage à l’État défendeur ou encore l’incompétence de la juridiction saisie. Ces arguments sont très souvent accueillis par le juge, et nombreux sont les recours climatiques à achopper au stade de la recevabilité, comme la pétition déposée en 2005 par des représentants des peuples Inuits d’Alaska contre les États-Unis devant la Commission interaméricaine des droits de l’homme [39], ou comme le recours de l’association des « Aînées pour la protection du climat » devant le juge suisse [40].

13Plusieurs décisions témoignent cependant de la volonté de certains juges d’écarter progressivement les obstacles qui s’opposent classiquement à la recevabilité des recours en matière climatique.

14Le premier de ces obstacles résulte de la difficulté d’établir l’intérêt à agir du requérant, qui doit démontrer l’existence d’un dommage réel, certain, le touchant directement et personnellement. Or, il est difficile d’apporter la preuve, d’une part, que l’on est affecté personnellement et distinctement par un phénomène dommageable pour l’humanité toute entière et, d’autre part, que l’on est victime d’un phénomène dont les impacts négatifs commencent tout juste à se faire sentir et dont les conséquences futures sont encore incertaines. Pour pallier ces difficultés, les juges ont été amenés à adopter une approche plus souple de l’intérêt à agir, qui s’explique sans doute par la perméabilité croissante des juridictions à la preuve scientifique des effets du changement climatique, y compris dans les États imprégnés d’un fort climato-scepticisme. Ainsi, dans l’arrêt Massachusetts c. EPA rendu en 2007 [41], la Cour suprême des États-Unis estime que le caractère collectif des dommages causés par le réchauffement climatique ne fait pas obstacle à la reconnaissance de l’intérêt à agir du requérant – en l’espèce, l’État du Massachusetts – dès lors que ce dernier fait valoir un préjudice concret, caractérisé par la perte de son domaine côtier en raison de la hausse du niveau des océans [42] : « le risque de dommages de masse, même lointain, est bien réel » [43]. Plus récemment, dans l’affaire Juliana c. États-Unis[44], le Tribunal fédéral et la Cour d’appel du district de l’Oregon reconnaissent l’existence d’un préjudice concret, individualisé et imminent pour les requérants, résultant notamment de difficultés d’accès à l’eau potable et à l’alimentation, du risque pesant sur leur sécurité du fait des inondations et des incendies, ainsi que de la destruction des cultures agricoles liée à la hausse des températures. La Cour d’appel rejette par ailleurs l’argument avancé par les défendeurs, portant sur le caractère généralisé du préjudice : le juge s’appuie sur la jurisprudence Massachusetts c. EPA pour rappeler sur ce point que « le fait qu’un préjudice soit largement partagé ne fait pas nécessairement de lui un grief généralisé » [45].

15Le deuxième obstacle récurrent à la justiciabilité du contentieux climatique est l’établissement du lien de causalité entre le dommage subi par le requérant et le comportement « climaticide » reproché à l’État. Il est en effet difficile d’établir un lien direct entre les émissions de gaz à effet de serre (GES) d’un État et les effets localisés subis par un individu dans une région donnée : si l’origine anthropique du changement climatique est un fait établi sur le plan scientifique [46], l’origine humaine de tel ou tel événement spécifique demeure très difficile à déterminer ou à isoler d’autres facteurs, comme la variabilité climatique naturelle. Par ailleurs, même s’il existe désormais des estimations précises des émissions respectives de GES des différents États, il reste malaisé de quantifier la part de tel ou tel État dans le réchauffement global. Ainsi, « si la causalité générale est établie, il n’en est pas de même de la causalité spécifique » [47], rendant ainsi impossible la tâche du requérant à qui incombe la charge de la preuve. Pour autant, sur ce point également, certains juges nationaux semblent désormais enclins à adopter une conception extensive de la causalité. Ainsi, dans l’affaire Urgenda, le tribunal néerlandais estime qu’il existe un « lien de causalité suffisant » [48] entre les émissions de GES des Pays-Bas, les changements climatiques globaux et leurs effets présents et à venir. Il indique à cet égard que « les émissions de gaz à effet de serre des Pays-Bas ont contribué au changement climatique et, de par leur nature, continueront d’y contribuer » [49]. De ce fait, « la réduction des émissions relève donc à la fois d’une responsabilité conjointe et individuelle des signataires de la Convention des Nations Unies sur le changement climatique » [50]. Pour éviter de rechercher la part de responsabilité des Pays-Bas dans le réchauffement global, le juge mobilise le principe d’équité et considère que « dans la perspective d’une répartition équitable [des émissions de GES], les Pays-Bas, comme les autres pays de l’annexe I, ont pris l’initiative des mesures d’atténuation et se sont donc engagés à contribuer plus que proportionnellement à la réduction globale » [51]. Dans l’affaire Juliana c. États-Unis, le juge américain retient également une approche souple de la causalité ; cependant, contrairement au juge néerlandais, il apprécie le lien de causalité à l’aune d’une part du poids des émissions américaines de GES dans le total des émissions globales et, d’autre part, de la large compétence de régulation dont les autorités fédérales disposent en matière climatique [52].

16Enfin, la troisième difficulté rencontrée par les requérants au stade de la recevabilité – principalement dans les pays de common law – découle de la doctrine de la « question politique » qui conduit le juge à devoir rejeter une requête lorsque le litige qui lui est soumis relève de la compétence exclusive du pouvoir législatif ou du pouvoir exécutif, ou lorsque le caractère politique du litige met en cause la légitimité du pouvoir judiciaire à en connaître [53]. Cet argument, qui se fonde sur le principe de séparation des pouvoirs, est à l’origine de la plupart des rejets prononcés par le juge américain dans des litiges climatiques. L’argument ne fait toutefois pas l’unanimité : une partie de la doctrine considère que la régulation du climat ne relève pas de la compétence exclusive des autorités gouvernementales [54] et, en pratique, certains juges n’hésitent plus à écarter l’application de cette doctrine pour s’affirmer compétents – en veillant toutefois à ne pas empiéter sur le pouvoir discrétionnaire de l’exécutif en matière de réglementation climatique. Ainsi, dans l’affaire Urgenda c. Pays-Bas, le Tribunal rappelle qu’il lui revient, dans le cadre de sa fonction judiciaire, de se prononcer sur les demandes de protection des citoyens contre les actions des autorités gouvernementales et que les demandes de la fondation Urgenda entrent pleinement dans ce cadre [55]. Le jugement ne préconise toutefois aucune politique précise et laisse l’État décider librement des mesures à adopter pour se conformer à la décision du juge qui lui impose le rehaussement de ses objectifs de réduction des émissions de GES de 17 à 25 % à l’horizon 2020 par rapport aux niveaux de 1990 [56]. De manière similaire, dans la décision Thomson c. Nouvelle-Zélande, la Haute-Cour indique qu’il revient au pouvoir judiciaire de vérifier que des mesures appropriées ont bien été adoptées par les autorités publiques pour se conformer à ses engagements climatiques internationaux, mais que le choix des moyens pour mettre en œuvre ces engagements est une décision politique qui appartient à l’exécutif [57]. Enfin, dans l’affaire Juliana c. États-Unis, le juge de première instance estime qu’il peut connaître d’un litige sur la politique climatique fédérale car celle-ci ne relève pas, à la différence par exemple de la politique étrangère, du ressort exclusif du pouvoir exécutif [58].

17Ces premières observations quant à la recevabilité des litiges climatiques conduisent à considérer que nous sommes désormais en présence de « deux conceptions divergentes du pouvoir judiciaire : l’une plus progressiste marquée par un activisme judiciaire [notable] et l’autre plus traditionaliste qui repose sur une interprétation restrictive du rôle des juges » [59]. Ce constat se trouve pleinement conforté par l’analyse du fond des arrêts : au-delà de l’ouverture du prétoire, l’activisme des juges se manifeste également par la volonté de faire évoluer le droit applicable en matière de lutte contre le réchauffement climatique.

B – La volonté de faire évoluer le droit applicable en matière de lutte contre le réchauffement climatique

18Les motifs retenus par les juges pour justifier les décisions en faveur des victimes du changement climatique sont eux aussi révélateurs d’une certaine audace, voire d’une audace certaine dans plusieurs cas particulièrement remarquables. De fait, lorsqu’elles jugent le fond d’un litige, les juridictions s’essaient parfois à des raisonnements juridiques originaux qui sont autant de pistes de développement d’un droit innovant de la responsabilité climatique. Ainsi, elles ont pu d’un côté renforcer l’étendue et la portée des obligations pesant sur les États en matière climatique et, de l’autre, reconnaître des droits spécifiques aux victimes du changement climatique.

191. Le renforcement des obligations pesant sur les États se manifeste de différentes manières. La première d’entre elles consiste à assouplir les conditions d’invocabilité des traités internationaux en matière climatique : « n’hésitant pas à s’affranchir des contraintes liées aux conditions d’invocabilité et d’effet direct des normes internationales traditionnellement applicables dans leur ordre juridique interne, [certains] juges font du droit international du climat une composante à part entière du bloc de légalité dont ils doivent assurer le respect et l’efficacité » [60]. Ainsi, dans l’affaire Urgenda c. Pays-Bas, le Tribunal indique que la Convention-cadre des Nations unies sur le Changement climatique (CCNUCC) et le Protocole de Kyoto n’ont pas d’effet direct mais, néanmoins, accepte d’en tenir compte pour interpréter les règles de droit interne et évaluer leur portée à la lumière des engagements internationaux de l’État [61]. Le Conseil d’État français suit exactement le même raisonnement dans l’affaire Commune de Grande-Synthe[62]. Plus encore, dans l’affaire Thomson c. Nouvelle-Zélande, la requérante demandait à la Haute Cour d’apprécier la conformité de la contribution déterminée au niveau national de la Nouvelle-Zélande à l’Accord de Paris. Bien que la Nouvelle-Zélande connaisse un système dualiste et que l’Accord de Paris n’ait pas été transposé en droit interne, la Cour accepte de procéder à cet examen inédit [63] – même si elle se limite à vérifier que la contribution nationale n’est entachée d’aucune erreur manifeste [64].

20Le deuxième mécanisme mobilisé pour renforcer les obligations étatiques face au réchauffement planétaire conduit le juge à reconnaître à la charge de l’État défendeur une obligation positive de protection de sa population. Le jugement Urgenda est précurseur à cet égard et a sans doute ouvert la voie aux décisions qui ont suivi. Le Tribunal néerlandais fait usage d’un argument souvent utilisé en droit de la responsabilité délictuelle (tort law) dans les pays de common law, mais qui n’avait jusqu’alors jamais été admis pour reconnaître la responsabilité climatique d’une autorité publique [65] : le juge affirme en effet l’existence d’un devoir de diligence (duty of care) s’imposant à l’État et mettant à sa charge non seulement une obligation de vigilance face aux risques liés aux changements climatiques mais également une obligation de prévention de ces risques, supposant l’adoption de mesures d’atténuation appropriées afin de protéger la population néerlandaise des dangers induits par le réchauffement climatique [66]. En l’espèce, au regard de l’insuffisance des mesures de réduction des émissions nationales de GES, le juge estime que les autorités néerlandaises ont fait preuve de négligence fautive et enjoint l’État à mettre en œuvre ses obligations en adoptant une réglementation adéquate pour se conformer à ce standard de prévention [67].

21Quelques mois après l’arrêt Urgenda, c’est une juridiction de l’État de Washington qui, dans l’arrêt Foster c. Ministère de l’Écologie de l’État de Washington, fait preuve d’une formidable créativité dans son argumentation juridique [68]. Le juge convoque en effet la doctrine du « public trust » (ou principe de la fiducie publique) qui limite la souveraineté des autorités américaines sur les ressources naturelles essentielles (la mer, les forêts…), ces ressources étant des biens communs devant être gérés et protégés de manière à assurer leur usage durable par la société [69]. Ce principe à vocation intergénérationnelle fait naître à la charge des autorités publiques les obligations de protéger les ressources concernées contre les dommages et la destruction, et de préserver leur capacité à fournir des services écologiques pour les générations futures. L’arrêt Foster consacre pour la première fois l’atmosphère comme un bien commun devant être protégé en fiducie ; il reconnaît en l’espèce la violation par l’État fédéré de son obligation fiduciaire et enjoint les pouvoirs publics à promulguer une loi visant à réduire les émissions locales de GES. Ce faisant, le juge renouvelle véritablement la doctrine ancienne du « public trust » en l’adaptant au défi climatique, à la faveur d’une interprétation ambitieuse que d’autres juges américains ont ensuite reprise au niveau fédéral, notamment dans l’affaire Juliana[70].

222. Le renforcement des obligations des États en matière climatique s’est accompagné corrélativement de la reconnaissance prétorienne de nouveaux droits au profit des personnes impactées par les effets du changement climatique. L’arrêt Juliana c. États-Unis en est un exemple topique : au terme d’une interprétation (très) évolutive de la Constitution américaine dans le contexte de l’émergence de nouveaux défis environnementaux, la Cour consacre l’existence d’un droit constitutionnel à un système climatique stable permettant de préserver la vie humaine [71]. Sur le fondement de ce nouveau droit implicite, la juge estime qu’en ne régulant pas significativement les émissions de GES sur le territoire américain, les autorités fédérales ont contribué à la crise climatique actuelle et mis les requérants dans une situation de péril, violant ainsi les obligations leur incombant aux termes de la Constitution [72].

23Sans aller jusqu’à la reconnaissance de nouveaux droits, plusieurs juges ont fondé leurs décisions sur la violation des droits fondamentaux des requérants. L’arrêt Leghari c. Pakistan a été précurseur en la matière [73] : le juge mobilise le droit à la vie et le droit au respect de la dignité humaine, tous deux reconnus par la Constitution pakistanaise, pour faire peser sur l’État l’obligation de protéger sa population face aux conséquences dramatiques du changement climatique [74]. L’argument de la violation des droits fondamentaux des requérants permet dès lors de condamner l’inaction de l’État non seulement en matière d’atténuation du changement climatique, mais aussi en matière d’adaptation au changement climatique. Depuis l’arrêt Leghari, l’argument des droits de l’Homme est devenu l’un des plus incisifs dans le contentieux climatique [75] : il est désormais mobilisé à l’appui de tous les recours [76], certains observateurs allant jusqu’à identifier cette évolution comme un véritable tournant dans la stratégie contentieuse [77], ayant permis l’émergence d’une « nouvelle génération de litiges climatiques » [78].

24L’« humanisation » des litiges climatiques [79] ne s’est pas limitée aux contentieux nationaux. Plusieurs juridictions et quasi-juridictions internationales de protection des droits de l’Homme ont en effet été saisies d’affaires climatiques [80] et l’une d’elles a donné lieu à une décision qui conforte pleinement l’hypothèse d’un activisme judiciaire en la matière [81]. L’affaire a été portée devant le Comité des Droits de l’Homme des Nations Unies (CDH) par un ressortissant de Kiribati, un archipel du Pacifique sud composé d’atolls ne dépassant pas l’altitude de 3 mètres au-dessus du niveau de la mer. Face à la dégradation tragique de son environnement insulaire et de ses conditions de vie liée au réchauffement climatique, Ioane Teitiota s’est installé en Nouvelle-Zélande où il a présenté une demande d’asile puis engagé une procédure juridictionnelle pour que lui soit reconnu le statut de réfugié climatique. En 2015, suite au rejet de son action, M. Teitiota est renvoyé à Kiribati. Il dépose alors une pétition devant le CDH, fondée sur l’argument selon lequel son renvoi à Kiribati par la Nouvelle-Zélande constitue une violation de son droit à la vie, garanti par le Pacte international de 1966. Ce recours a donné l’occasion au Comité de rendre une décision souvent qualifiée d’historique [82]. Le Comité estime que, face aux menaces que fait peser le changement climatique sur le droit à la vie, les États de destination ont l’obligation de ne pas renvoyer dans leur pays des demandeurs d’asile qui se trouveraient alors exposés à un « risque réel de préjudice irréparable » pour leur vie, du fait du changement climatique (§37). À cet égard, la décision du Comité constitue une véritable avancée pour la protection des migrants climatiques : elle étend à leur profit le principe de non-refoulement en les protégeant contre un renvoi dans leur pays d’origine, si les conditions de vie sur place sont tellement dégradées du fait du changement climatique qu’elles constituent un traitement inhumain ou une menace pour leur vie [83].

25Ces interprétations audacieuses, ces innovations juridiques, ces décisions ultra petita sont révélatrices non seulement du rôle central du juge dans la construction d’une responsabilité climatique des États, mais également de la transformation rapide de ce rôle : en l’espace de cinq ans, le juge est passé du rôle de « transcripteur » de la loi à celui de « codéterminateur » du droit du climat [84]. L’activisme dont il fait preuve, et dont on trouve une trace systématique dans les décisions rendues en faveur des requérants, n’est pas pour rien dans la rapidité avec laquelle le contentieux climatique s’est développé depuis 2015. Faut-il voir pour autant dans ces évolutions jurisprudentielles la création progressive d’un corps de règles pérennes visant à garantir et protéger les droits des victimes du changement climatique ? L’activisme judiciaire est-il vraiment pertinent pour faire avancer la cause climatique ?

II – Un activisme judiciaire pertinent pour faire avancer la cause climatique ?

26S’interroger sur la portée de l’activisme judiciaire en matière climatique conduit à analyser le rôle du juge à l’aune des conséquences attendues ou effectives de ses décisions sur l’évolution des politiques de lutte contre le réchauffement planétaire – ce qui révèle l’intérêt de l’approche conséquentialiste défendue par une partie de la doctrine juridique anglo-saxonne [85], mais soulève également la question de sa pertinence.

27Le conséquentialisme suppose qu’au moment de l’adoption d’une décision, ses effets doivent prévaloir sur toute autre considération [86]. Appliquée à l’action du juge, l’approche conséquentialiste consiste à analyser une décision de justice à l’aune de ses conséquences – et plus spécifiquement, pour le cas qui nous intéresse, à l’aune de ses effets sur les politiques de lutte contre le changement climatique. Cela revient à s’attacher aux conséquences tangibles de la décision rendue une fois qu’elle aura été appliquée, c’est-à-dire évaluer sa portée effective et son impact réel sur l’évolution du droit positif. Mais cela conduit également à s’interroger sur les conséquences souhaitées par le juge au moment où il rend sa décision, et qui peuvent transparaître dans les motivations retenues.

28L’analyse conséquentialiste des décisions de justice est beaucoup plus répandue dans les pays de common law que dans ceux de droit écrit, pour les raisons évoquées précédemment [87] : le raisonnement formaliste du juge continental, basé sur le syllogisme déductif, laisse en effet peu de place à l’appréciation d’une norme ou d’un raisonnement juridique en fonction de ses conséquences (juridiques, sociales, politiques ou économiques) favorables ou défavorables. Il ne faudrait pas, pour autant, en conclure que l’approche conséquentialiste ne peut pas être utilement mobilisée pour expliquer le raisonnement ou le positionnement d’un juge de civil law : comme l’indique F. Hourquebie, « [i]l nous semble que la justification par les conséquences n’est pas inexistante chez les juges continentaux ; simplement, elle n’est pas assumée parce que, au vu de la tradition juridique, il n’est pas utile ni ne serait légitime qu’elle le soit » [88].

29C’est donc à la lumière du conséquentialisme (mais également de ses limites) que l’activisme des juges en matière climatique nous semble devoir être apprécié. Cette approche nous permet en effet d’évaluer la pertinence de cet activisme judiciaire pour la cause qu’il entend servir, alors même que tout un courant de la doctrine juridique transnationale tend à enjoindre les juges à rendre leurs décisions en fonction des résultats qui seront les meilleurs pour la société, voire pour l’humanité [89]. Le prisme conséquentialiste nous conduit toutefois à relativiser en partie la portée de l’activisme judiciaire en matière climatique, d’une part car son efficacité, au regard de ses conséquences tangibles sur l’évolution des politiques climatiques, demeure cantonnée (A.) et, d’autre part, car la légitimité de l’intervention du juge dans le débat climatique, eu égard aux conséquences espérées de son action, reste discutée (B.).

A – L’efficacité cantonnée de l’action judiciaire en matière climatique

30Si les recours climatiques sont explicitement présentés par les ONG qui les soutiennent comme des recours stratégiques visant à renforcer les mesures de lutte contre le réchauffement climatique, la question se pose de l’efficacité réelle de cette stratégie. Plusieurs arguments, ouverts à la discussion, interrogent en effet sur le fait de considérer le tribunal comme le forum idoine pour faire évoluer l’action climatique des pouvoirs publics.

31Le premier argument est inévitablement celui de l’application effective des décisions condamnant les autorités à renforcer les mesures de lutte contre le changement climatique. La jurisprudence qui est évoquée ici demeure fragile, la plupart des arrêts étant encore susceptibles d’appel ou de jugement sur le fond. L’exemple de l’affaire Juliana est à cet égard significatif : la Cour d’appel fédérale du 9ème District a finalement rejeté la requête des plaignants sur le fond [90], fermant la voie aux innovations juridiques remarquables qui avaient été initiées lors de l’appréciation de la recevabilité de l’affaire [91]. Il n’y a guère que l’affaire Urgenda qui ait été pour l’heure définitivement jugée en faveur des requérants. Au-delà du caractère non définitif de ces décisions, se pose aussi la question de leur application par des gouvernements qui estimeraient plus porteur politiquement et/ou économiquement de poursuivre des politiques carbonées. Il est vrai que l’affaire Urgenda pourrait de nouveau permettre de nuancer ces inquiétudes : avant même que le jugement de première instance ne soit confirmé en appel, les autorités néerlandaises ont adopté une loi prévoyant de réduire de 49 % les émissions nationales de gaz à effet de serre d’ici 2030 et de 95 % d’ici 2050, par rapport aux niveaux de 1990 [92]. Suite à la confirmation du jugement en cassation, le gouvernement néerlandais a annoncé une nouvelle série de mesures visant à réduire davantage les émissions nationales de GES – en particulier l’instauration d’une taxe carbone évolutive sur les émissions industrielles [93]. D’autres facteurs ont sans nul doute joué en faveur de ce renforcement de la politique climatique des Pays-Bas (ne serait-ce que l’orientation politique du gouvernement au pouvoir), mais la stratégie contentieuse engagée par Urgenda a sans aucun doute accéléré ce processus et contribué à sensibiliser, voire à mobiliser une partie de l’opinion publique néerlandaise face à l’urgence climatique [94].

32Le deuxième argument, moins conjoncturel, conduit à nuancer l’intérêt de la stratégie contentieuse car elle n’est finalement pas ouverte aux personnes qui en auraient le plus besoin. Les sociologues du droit ont en effet montré que l’accès au juge suppose, dans tous les pays, la réunion de plusieurs conditions socio-économiques [95]. Le fait pour un individu de porter le problème auquel il est confronté devant un tribunal « suppose […] en amont un processus social » [96] que ces mêmes sociologues décrivent clairement : l’individu doit tout d’abord prendre conscience que son problème relève du droit ; il doit ensuite avoir la volonté d’engager une procédure judiciaire dont l’aboutissement est souvent incertain ; il doit enfin avoir les moyens, en temps et en argent, d’assumer le recours au juge. Or, les victimes du réchauffement climatique rencontrent des obstacles à chacune de ces étapes. Il n’est en effet pas intuitif de considérer comme un problème juridique la dégradation de ses conditions de vie, de son environnement ou de ses revenus du fait de vagues de chaleur, de sécheresses, d’inondations ou de tempêtes de plus en plus fréquentes. Encore faut-il faire le lien entre ces dégradations et le réchauffement climatique global, affecter ce changement climatique aux émissions anthropiques de gaz à effet de serre, identifier le rôle des autorités publiques dans la régulation de ces émissions, et conceptualiser l’action insuffisante des pouvoirs publics dans ce domaine comme une question de responsabilité juridique. Les populations les plus vulnérables au changement climatique sont aussi les plus pauvres de la planète, qui n’ont souvent pas accès aux informations scientifiques indispensables pour établir ces liens. Elles ne disposent souvent pas non plus des moyens financiers nécessaires pour envisager une action en justice. Le rôle central joué par les ONG dans les litiges climatiques s’explique alors aisément : elles permettent de dépasser ces obstacles, en informant et en sensibilisant les populations concernées, en mettant à leur disposition les compétences juridiques nécessaires, et en soutenant financièrement les recours qu’elles initient d’ailleurs la plupart du temps. Le caractère prospectif des recours engagés s’explique également : la plupart des recours ne visent pas à obtenir réparation de dommages subis, mais à prévenir de nouveaux dommages plus graves par la modification des politiques menées.

33Outre le fait qu’elle soit socialement et géographiquement conditionnée, la stratégie contentieuse reste également une stratégie limitée quant à ses effets – même dans l’hypothèse où le juge saisi fait preuve d’activisme. Le requérant est en effet contraint de s’inscrire dans le cadre de la loi que le tribunal est chargé d’appliquer : même si le juge en fait une interprétation audacieuse ou se prononce ultra petita, il devra rester dans les limites imposées par le droit en vigueur. En d’autres termes, décider de se placer dans le cadre juridictionnel exclut d’emblée la possibilité d’une évolution radicale des normes de droit contestées – que certains militants appellent pourtant de leurs vœux au regard de l’urgence climatique. La lenteur des procédures juridictionnelles exclut par ailleurs la possibilité d’une évolution rapide du droit en vigueur par cette voie, alors même que la science du climat préconise des modifications drastiques de nos modes de vie dans la prochaine décennie si nous voulons éviter un réchauffement planétaire qui rendrait la Terre inhabitable pour l’Homme [97]. Les stratégies de forum shifting[98] pratiquées par certaines ONG de défense du climat prennent alors tout leur sens : le but recherché – modifier profondément le droit applicable – justifie d’investir les différents fora où les questions climatiques sont abordées (assemblées locales, parlements, organisations régionales et internationales), le tribunal n’étant qu’une voie parmi d’autres, et pas nécessairement la plus efficace, pour parvenir à l’objectif visé.

34Que conclure alors sur l’efficacité de la voie contentieuse en matière climatique ? Au regard des limites inhérentes à l’action judiciaire et au fait que la grande majorité des requêtes soient encore rejetées, le recours au juge n’apparaît pas comme la stratégie la plus porteuse pour inciter les autorités publiques à adopter des politiques climatiques plus ambitieuses. Pour autant, la multiplication des décisions judiciaires reconnaissant la responsabilité climatique des États par le truchement de motifs ou de raisonnements juridiques novateurs témoigne du fait que nous nous trouvons assurément dans une période de transition juridique dans laquelle le juge a pleinement un rôle à jouer. Ce rôle, tout comme les limites de l’activisme judiciaire en la matière, doivent à l’évidence être clairement précisés : à défaut, la légitimité de l’intervention des tribunaux dans le débat climatique continuera d’être discutée.

B – La légitimité discutée de l’intervention du juge dans le débat climatique

35Les commentaires enthousiastes des observateurs qui saluent souvent avec emphase les « décisions de justice 3.0 » [99] en matière climatique ne doivent pas occulter le fait que ces mêmes décisions restent très critiquées par une partie de la doctrine, qui conteste l’intervention du pouvoir judiciaire dans un débat qu’elle considère comme relevant, dans une démocratie représentative, de la compétence exclusive du parlement et du gouvernement. Dans toutes les affaires précédemment citées, les mémoires en défense insistent sur l’incompétence de la juridiction saisie sur le fondement de la séparation des pouvoirs ou, de manière connexe, de la théorie de la question politique [100]. Dans le cadre de l’affaire Urgenda, plusieurs commentateurs ont estimé que le Tribunal avait outrepassé ses pouvoirs en acceptant de se prononcer sur le fond [101]. Et dans la plupart des affaires climatiques, cet argument est précisément celui qui conduit les tribunaux à débouter les requérants [102].

36De toute évidence, la question du changement climatique est source de tensions entre la sphère juridique et la sphère politique. La stratégie contentieuse adoptée par les ONG de protection du climat est décriée par certains qui estiment que les solutions à la crise climatique relèvent de la décision du peuple et de ses représentants, et non de la discrétion d’un tribunal [103]. Dès lors, l’activisme dont les juridictions peuvent faire preuve dans ces affaires et l’approche téléologique qu’elles défendent pour reconnaître l’insuffisance de l’action publique dans ce domaine ne font qu’alimenter ces contestations.

37De telles critiques ne sont pas propres au contentieux climatique : le débat sur la qualité du raisonnement, la rigueur de l’interprétation et la légitimité des motifs retenus par les tribunaux est ancien et probablement sans fin. Les arguments avancés pour contester la compétence du juge dans le domaine de la lutte contre le changement climatique dérivent donc de ceux que l’on trouve classiquement dans la littérature condamnant le conséquentialisme judiciaire. Ainsi, tout d’abord, les juridictions n’auraient pas les capacités institutionnelles suffisantes – ou, tout au moins, pas autant de capacités institutionnelles que le pouvoir législatif – pour adopter des décisions conséquentialistes pertinentes : elles disposent de moyens d’expertise moins étendus pour identifier les règles de droit ou les interprétations les plus optimales pour atteindre l’objectif visé, et n’ont pas la capacité directe de mettre en œuvre leurs décisions [104]. Ensuite, les jugements conséquentialistes remettraient en cause le principe de sécurité juridique en permettant au juge de modifier l’état du droit ou son interprétation en fonction d’objectifs qu’il déterminerait de manière discrétionnaire ; les justiciables ne seraient donc plus en mesure d’avoir des attentes raisonnables quant à l’issue de leur litige [105]. Enfin, et surtout, les auteurs dénoncent les tendances subversives de l’approche conséquentialiste qui soulève des questions insolubles (les meilleures conséquences pour qui ?) et conduit ainsi le juge à arbitrer entre des intérêts publics souvent contradictoires, sur la base d’une démarche prospective qui va bien au-delà de son champ de compétence et renverse la distinction constitutionnelle entre le pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire. Nous pourrions ajouter à ces critiques le fait que le juge n’a finalement pas à se soucier de l’acceptabilité sociale de ses décisions, alors même que la crise des gilets jaunes a révélé toute la difficulté d’arbitrer entre urgence climatique et justice sociale.

38Ces arguments appellent légitimement le juge à une certaine retenue dans l’exercice de sa fonction. Pour autant, ils ne doivent pas conduire à stigmatiser d’emblée toute forme d’activisme judiciaire qui aurait pour but de renforcer l’action publique en matière climatique. Les enjeux climatiques sont suffisamment établis sur le plan scientifique pour justifier que l’on envisage désormais, pour y répondre de manière efficace, de nouveaux modes d’élaboration du droit [106]. Dans cette perspective, une conception élargie du rôle du juge, qui se traduit par un conséquentialisme raisonné, peut être une réponse envisageable.

39Ce positionnement du juge dans le débat climatique paraît légitime dès lors qu’il respecte certaines conditions – que les juges semblent d’ailleurs observer dans les décisions qui sont ici étudiées. La première d’entre elles est que la démarche conséquentialiste du juge ne soit pas privilégiée au détriment du formalisme juridique propre à la logique déductive. La doctrine (en particulier la doctrine réaliste) oppose souvent ces deux modes de raisonnement juridique, en estimant que le conséquentialisme conçoit le droit comme un moyen d’atteindre une fin – en d’autres termes, comme un outil de politique sociale – alors que le formalisme le considère comme une expression des principes fondamentaux structurant la société, que le juge est chargé de faire respecter au terme d’un raisonnement syllogistique objectif et neutre [107]. Ces deux modèles ne sont toutefois pas incompatibles : pour être considérées comme les meilleures, les conséquences attendues d’une décision doivent en effet relever d’un principe qui attribue une valeur structurante à ces conséquences [108]. Les valeurs jouent ainsi un rôle central dans la détermination de ce qui doit être considéré, par le juge, comme l’objectif de sa décision. Invoquer le renforcement de la lutte contre le changement climatique comme conséquence attendue d’un jugement suppose donc l’existence d’un principe attribuant une valeur fondamentale à cet objectif. Si l’objectif de préservation du climat est considéré comme un principe structurant d’une communauté donnée, alors le raisonnement du juge fixant cet objectif comme la conséquence attendue de sa décision apparaîtra pleinement légitime [109]. Ceci nous ramène directement au débat ouvert par la proposition de la Convention citoyenne pour le climat, reprise par le Président Macron, d’inscrire les objectifs de protection de l’environnement et de lutte contre le réchauffement climatique à l’article 1er de la Constitution, à la faveur d’un référendum constituant. Certes, cette modification constitutionnelle aurait une portée juridique principalement symbolique, la Charte de l’environnement conférant déjà valeur constitutionnelle à ces principes [110]. Pour autant, l’affirmation de la défense du climat – qui ne figure pas en tant que telle dans la Charte de l’environnement – comme principe constitutionnel structurant de la République, qui plus est à l’issue d’un référendum national, ne pourrait que renforcer la capacité des juridictions françaises à la considérer comme une conséquence attendue de leurs décisions.

40La seconde condition nécessaire à la légitimité de l’activisme judiciaire en matière climatique est de nature plus formelle : si les juges adoptent des décisions visant la préservation du climat et enjoignant pour cela les États à renforcer les mesures de réduction de leurs émissions de GES ou de protection des populations victimes du changement climatique, il est impératif qu’ils laissent aux gouvernements concernés le soin d’appliquer ces décisions de la manière qu’ils considèrent la plus appropriée. C’est précisément ce que font les juridictions dans les affaires Urgenda c. Pays-Bas et Thomson c. Nouvelle-Zélande, en laissant explicitement aux gouvernements le choix des moyens pour mettre en œuvre les objectifs de réduction des émissions nationales de GES [111]. Le juge international semble tenir un raisonnement similaire, en reconnaissant aux États une marge d’appréciation dans la mise en œuvre du principe de non-refoulement des migrants dont le droit à la vie serait menacé par la dégradation des conditions de vie dans leur pays d’origine du fait du changement climatique [112]. Le Comité des Droits de l’Homme précise en effet qu’il revient aux autorités de l’État d’accueil d’évaluer si le retour des migrants dans leur pays les expose à un risque réel de violation du droit à la vie [113] ; le Comité se réserve le droit de déterminer si cette évaluation est « arbitraire, manifestement erronée ou constitutive d’un déni de justice » [114], mais se limite en l’espèce à un contrôle minimal de cette décision. Pour l’heure, le seul arrêt où le juge semble pousser l’activisme au point de décider des mesures d’exécution de sa propre décision est l’arrêt Leghari c. Pakistan[115] : la Haute-Cour de Lahore crée en effet elle-même la commission qui sera chargée de surveiller l’action climatique du gouvernement. Bien que cette mesure soit justifiée par la sauvegarde des droits fondamentaux [116], elle semble excéder le cadre d’un activisme raisonné. Les effets d’un tel positionnement du juge doivent être soigneusement calculés : un activisme judiciaire excessif peut en effet susciter non seulement une opposition conjoncturelle à la décision rendue en l’espèce, mais aussi une réaction plus structurelle à l’interventionnisme du pouvoir judiciaire, quel que soit le bien-fondé de l’objectif que ce dernier visait [117].

41Cette contribution a tenté d’évaluer le rôle que jouent les juges dans la dynamique de construction d’un régime de responsabilité climatique des États, en interrogeant leur activisme à la lumière de la théorie conséquentialiste. La défense de la stabilité du climat n’est plus du seul ressort des responsables politiques ; elle relève aussi, de plus en plus, de la compétence des tribunaux qui se présentent désormais comme de nouveaux fora d’évaluation de la pertinence et de l’efficacité des politiques climatiques menées par les États.

42Savoir toutefois si la voie contentieuse constitue un moyen efficace de consolider les politiques de lutte contre le réchauffement planétaire nécessite, au préalable, de déterminer les objectifs assignés au contentieux climatique. S’il s’agit d’obtenir réparation pour des dommages subis du fait des changements climatiques en engageant la responsabilité des États émetteurs de GES, alors le recours au juge s’avère très peu efficace, au regard du faible nombre de recours qui aboutissent en pratique. S’il s’agit en revanche d’intégrer le recours au juge dans une stratégie plus large visant à mobiliser davantage la société civile et à interpeller le législateur afin d’obtenir un renforcement des politiques climatiques, alors la judiciarisation du climat est sans doute une stratégie à poursuivre : en dépit des limites inhérentes à la stratégie contentieuse, l’activisme assumé de ces juges pourrait, à terme, constituer un moyen utile pour faire évoluer des politiques climatiques insuffisamment ambitieuses. Son efficacité réelle dépendra toutefois de sa capacité à imposer aux pouvoirs exécutif et législatif les mécanismes juridiques nécessaires à la lutte contre le changement climatique, tout en évitant un activisme excessif qui remettrait en cause sa légitimité.


Mots-clés éditeurs : conséquentialisme judiciaire, justice climatique, activisme judiciaire, contentieux climatique, responsabilité climatique

Date de mise en ligne : 26/04/2021

Notes

  • [1]
    J. Peel, J. Lin, « Transnational Climate Litigation : The Contribution of the Global South », American Journal of International Law, Vol. 113-4, p. 679-726 ; M. Torre-Schaub (dir.), Les dynamiques du contentieux climatique. Usages et mobilisations du droit pour la cause climatique, Rapport final de recherche [en ligne], décembre 2019, p. 24-26.
  • [2]
    Voir notamment la base de données alimentée par le Sabin Center for Climate Change Law de l’Université de Columbia : http://climatecasechart.com/.
  • [3]
    Voir notamment C. Cournil, L. Varison, Les procès climatiques. Entre le national et l’international, Paris, Pedone, 2018, 298 p. ; C. Huglo, Le contentieux climatique : une révolution judiciaire mondiale, Bruxelles, Bruylant, 2018, 396 p. ; W. Kahl, M.-P. Weller, Climate Change Litigation : A Handbook, Munich, Beck/Hart/Nomos, 2020, 565 p. ; J. Lin, D. Kysar, Climate Change Litigation in the Asia Pacific, Cambridge, CUP, 2020, 500 p. ; J. Peel, H. Osofsky, Climate Change Litigation : Regulatory Pathways to Cleaner Energy, Cambridge, CUP, 2015, 352 p. ; F. Sindico, M. Mbengue (eds.), Comparative Climate Change Litigation : Beyond the Usual Suspects, Berlin, Springer, 2020, 609 p. ; M. Torre-Schaub, Justice climatique. Procès et actions, Paris, Ed. du CNRS, Coll. Débats, 2020, 88 p.
  • [4]
    C. Cournil (dir.), Les grandes affaires climatiques, Aix-en-Provence, Confluence des droits [en ligne], 2020, 680 p.
  • [5]
    À l’heure où nous finalisons cette contribution, la rapporteure publique Amélie Fort-Besnard a rendu ses conclusions et le jugement a été mis en délibéré.
  • [6]
    Sur le phénomène de judiciarisation, voir notamment J. Commaille, « La judiciarisation, nouveau régime de régulation politique », in O. Giraud, P. Warin (dir.), Politiques publiques et démocratie, Paris, La Découverte, 2008, p. 305-319 ; L. Dumoulin, V. Roussel, « La judiciarisation de l’action publique », in O. Borraz, V. Guiraudon (dir.), Politiques publiques 2, Changer la société, Paris, Presses de Sciences Po, 2010, p. 243-263.
  • [7]
    En ce sens, le contentieux climatique relève de ce que les avocats Marcel Willard et Jacques Vergès qualifient de « stratégie de rupture », qui consiste à fonder l’argumentation juridique non pas sur des moyens centrés sur l’espèce, mais sur des arguments politiques visant à défendre une cause bien plus qu’une personne, en prenant l’opinion publique à témoin. Selon les termes de J. Vergès, « le but de la défense n’est pas tant de faire acquitter l’accusé que de mettre en lumière ses idées » (J. Vergès, De la stratégie judiciaire, Paris, éd. de Minuit, 2e éd., 1968).
  • [8]
    Le premier recours climatique présenté devant une (quasi-)juridiction internationale est celui porté en 2005 par des représentants des peuples Inuits d’Alaska devant la Commission interaméricaine des droits de l’homme contre les États-Unis, alors premier émetteur de GES. Pour un commentaire de cette affaire, rejetée au stade de la recevabilité, voir H. Osofsky, « The Inuit Petition as a Bridge ? Beyond Dialectics of Climate Change and Indigenous People’ Rights », American Indian Law Review, vol. 31, 2007, p. 675-697.
  • [9]
    The Hague District Court, 24 June 2015, Urgenda Foundation vs Government of the Netherland (Ministry of Infrastructure and Environment), Case C/09/456689/HA ZA 13-1396, https://uitspraken.rechtspraak.nl/inziendocument?id=ECLI:NL:RBDHA:2015:7196 (en anglais). Ce jugement a donné lieu à de très nombreux commentaires doctrinaux. Parmi ceux-ci, voir notamment R. Cox, « A Climate Change Litigation Precedent : Urgenda Foundation v. the State of the Netherlands », Journal of Energy and Natural Resources Law, Vol. 34, 2016, p. 143-163 ; J. Lin, « The First Successful Climate Negligence Case : A Comment on Urgenda Foundation v. the State of the Netherlands », Climate Law, Vol. 5, 2015, p. 65-81 ; A.-S. Tabau, C. Cournil, « Nouvelles perspectives pour la justice climatique, Cour du district de La Haye, 24 juin 2015, Fondation Urgenda contre Pays-Bas », RJE, 2015, p. 672-693 ; M. Torre-Schaub, « La justice climatique. À propos du jugement de la Cour de district de la Haye du 24 juin 2015 », RIDC, n° 3, 2016, p. 672-693.
  • [10]
    The Hague Court of Appeal, 9 October 2018, The State of the Netherlands v. Urgenda Foundation, Case 200.178.245/01, https://uitspraken.rechtspraak.nl/inziendocument?id=ECLI:NL:GHDHA:2018:2610 (en anglais).
  • [11]
    Cour suprême des Pays-Bas, ch. civ., Fondation Urgenda c. Gouvernement des Pays-Bas, 20 décembre 2019, n° 19/00135, https://uitspraken.rechtspraak.nl/inziendocument?id=ECLI:NL:HR:2019:2006 (en néerlandais).
  • [12]
    North Gauteng High Court, 8 March 2017, Earthlife Africa Johannesburg (ELA) v. Ministry of Environmental Affairs, No. 65662/16, http://www.saflii.org/za/cases/ZAGPPHC/2017/58.html.
  • [13]
    Deux affaires peuvent être mises en exergue : Cour suprême de Justice, Claudia Andrea Lozano Barragán, et al. c. Présidence de la République et al., 5 avril 2018, STC 4360-2018, n° 11001-22-03-000-2018-00319-01 ; et Cour constitutionnelle de Colombie, 2016, Décision C-035.
  • [14]
    De nouveau, deux affaires peuvent être mentionnées : Superior Court of the State of Washington for King County, 19 November 2015, Foster vs Washington Department of Ecology, n° 14-2-25295-1 SEA ; et US District Court of Oregon, 10 November 2016, Juliana et al. vs United States et al., n° 6 :15-CV-01517-TC.
  • [15]
    CE Sect., 19 novembre 2020, Commune de Grande-Synthe et autre, n° 427301. Bien que cet arrêt ne relève pas du plein contentieux et donc sorte strico sensu du cadre de cette analyse, les moyens retenus par le Conseil d’État rejoignent néanmoins ceux retenus dans les autres décisions mentionnées ici.
  • [16]
    Sup. Crt of India, 13 May 2016, Swaraj Abhiyan vs Union of India and others, Writ Petition (civil) n° 857 (2016) S.C.C.
  • [17]
    Oslo District Court, 4 January 2018, Föreningen Greenpeace Norden and Natur og Ungdom v. Ministry of Petroleum and Energy, Case Nb.16-166674TVI-OTIR/06 ; Borgarting Court of Appeal, 23 January 2020, Natur og Ungdom and Föreningen Greenpeace Norden v. Ministry of Petroleum and Energy, Case Nb.18-060499ASD-BORG/03.
  • [18]
    High Court of New-Zealand, Wellington Registry, 2 November 2017, Sarah Thomson v. Minister for Climate Change Issues, CIV 2015-485-919 [2017] NZHC 733.
  • [19]
    Lahore High Court, Green Bench, 4 September 2015 et 14 September 2015, Ashgar Leghari vs Federation of Pakistan, W.P. n°. 25501/2015.
  • [20]
    Comité des droits de l’Homme des Nations Unies, 24 octobre 2019, Ioane Teitiota c. Nouvelle-Zélande, Comm. CCPR/C/127/D/2728/2016. Chacune des décisions mentionnées supra, de la note 9 à la note 20, est commentée in C. Cournil (dir.), Les grandes affaires cli-matiques, supra note 4.
  • [21]
    En ce sens, voir notamment C. Cournil, « Les droits fondamentaux au service de l’émergence d’un contentieux climatique contre l’État. Des stratégies contentieuses des requérants à l’activisme des juges », in M. Torre-Schaub, C. Cournil, S. Lavorel, M. Moliner-Dubost (dir.), Quel(s) droit(s) pour les changements climatiques ?, Paris, Mare & Martin, 2018, p. 185-215 ; H.P. Graver, « Judging for Utopia : Climate Change and Judicial Action », European Review of Private Law, Vol. 28-4, 2020, p. 885-907 ; J. Peel, H. M. Osofsky, « A Rights Turn in Climate Change Litigation ? », Transnational Environmental Law, Vol. 7-1, 2018, p. 37-68 ; E. Waitzer, D. Sarro, « Climate Change : A Template for Judicial Activism in Response to Systemic Risks », Canadian Business Law Journal, Vol. 62-2, 2019, p. 149-180.
  • [22]
    Certains juges sont en effet connus pour leur fort activisme, souvent lié à des circonstances politico-historiques ou à la nature de l’ordre juridique dans lequel ils exercent leurs fonctions ; l’activisme judiciaire est ainsi très marqué dans des États comme l’Inde, le Pakistan et le Bangladesh, où il constitue une caractéristique fondamentale du fonctionnement du régime depuis des décennies. À cet égard, voir J. Nishtha, S. Lakhwinder, « Judicial Activism in India », Bharati Law Review, 2017-1, p. 1-11 (en ligne) ; R. Hoque, Judicial Activism in Bangladesh : A Golden Mean Approach, Newcastle, Cambridge Scholars Publishing, 2011, 390 p. ; I. Niaz, « Judicial Activism and the Evolution of Pakistan’s Culture of Power », The Round Table - The Commonwealth Journal of International Affairs, Vol. 109, 2020-1, p. 23-41.
  • [23]
    A. Zouapet, « Le champ opératoire de l’activisme judiciaire supranational en Afrique : une tentative de systématisation », African Journal of International and Comparative Law, Vol. 28 (Supplément), 2020, p. 23-44, not. p. 25.
  • [24]
    Ibid.
  • [25]
    À cet égard, voir G. Canivet, « Activisme judiciaire et prudence interprétative », Archives de philosophie du droit, tome 50, 2006, p. 9-31 ; E. Picard, « Les droits de l’homme et l’"activisme judiciaire" », Pouvoirs, n° 93, 2000, p. 113-143.
  • [26]
    En ce sens, voir H.P. Graver, supra note 21 ; C. Kaupa, « Maybe Not Activist Enough ? On the Court’s Alleged Neoliberal Bias in Its Recent Labor Cases », in M. Dawson, B. de Witte, E. Muir (eds.), Judicial Activism at the European Court of Justice, Cheltenham, Edward Elgar, 2013, p. 56-75. Voir également G. Jones, « Proper Judicial Activism », Regent University Law Review, Vol. 14, 2002, où l’auteur définit l’activisme judiciaire, qu’il défend, comme « any occasion where a court intervenes and strike down a piece of duly enacted legislation. » (p. 143).
  • [27]
    L’expression aurait en effet été utilisée pour la première fois par Arthur Schlesinger Jr., pour décrire de façon péjorative l’attitude de certains juges de la Cour suprême des États-Unis. L. Pereira Coutinho, M. La Torre, S. Smith, « Preface », in L. Pereira Coutinho, M. La Torre, S. Smith (eds.), Judicial Activism : An Interdisciplinary Approach to the American and European Experiences, Cham, Springer, 2015, p. v.
  • [28]
    En ce sens, voir K. Kmiec, « The Origin and Current Meanings of Judicial Activism », California Law Review, Vol. 92-5, 2004, p. 1446.
  • [29]
    Ce que dénonce fort justement A. Zouapet (supra note 23, p. 25).
  • [30]
    Voir supra, note 21.
  • [31]
    G. Canivet, N. Molfessis, « La politique jurisprudentielle », in Mélanges en l’honneur de Jacques Boré, La création du droit jurisprudentiel, Paris, Dalloz, 2007, p. 79-97, §4.
  • [32]
    Le choix de centrer cette analyse sur le contentieux de la responsabilité des États conduit à réduire le champ des décisions de justice retenues pour alimenter la réflexion. Le « contentieux climatique » inclut en effet également un contentieux de la légalité des actes administratifs assez fourni, et un contentieux de la responsabilité des entreprises encore balbutiant. Il ne fait aucun doute qu’une analyse plus longue pourrait également porter sur ces litiges.
  • [33]
    L’expression est librement inspirée de A. Osborn, L’imagination constructive, Paris, Dunod, 1974, 366 p.
  • [34]
    K. Mathis, « Consequentialism in Law », in K. Mathis (ed.), Efficiency, Sustainability, and Justice to Future Generations, Dordrecht, Springer, 2011, p. 3-29.
  • [35]
    Lahore High Court, Green Bench, 4 septembre 2015 et 14 septembre 2015, Ashgar Leghari vs. Federation of Pakistan, W.P. n° 25501/2015. Voir T. Keïta, « Leghari v. Federation of Pakistan (2015) », in C. Cournil (dir.), supra note 5, p. 109-128.
  • [36]
    E. Fisher, E. Scotford, E. Barritt, « The Legally Disruptive Nature of Climate Change », Modern Law Review, Vol. 80, 2017, p. 173-201.
  • [37]
    M. Torre-Schaub, « Les dynamiques du contentieux climatique : anatomie d’un phénomène émergent », in M. Torre-Schaub, C. Cournil, S. Lavorel, M. Moliner-Dubost (dir.), supra note 21, p. 130.
  • [38]
    L. Neyret, « La reconnaissance de la responsabilité climatique », Dalloz, 2015, p. 2278-2282 ; J. Vieira, « L’émergence de l’activisme climatique et l’accès au juge », RFDA, 4/2019, p. 636-643.
  • [39]
    Voir supra, note 8.
  • [40]
    En première instance, le Tribunal administratif fédéral a rejeté la requête en raison d’un défaut de qualité à agir des requérantes. En appel, la Cour administrative a également rejeté la requête, estimant que les femmes suisses de plus de 75 ans n’étaient pas les seules personnes affectées par les effets du changement climatique et que la réparation demandée ne s’appliquerait pas spécifiquement aux requérantes. Le recours devant la Cour suprême est actuellement pendant. Voir Federal Administrative Court, Section 1, 27 November 2018, Judgment A-2992/2017, Verein KlimaSeniorinnen Schweizet al. v. DETEC - Ruling on real acts relating to climate protection, traduction en anglais disponible sur le site https://www.informea.org/fr/node/490526, consulté le 4 décembre 2020. Voir R. Mahaim, « Les aînées pour la protection du climat c. la Confédération suisse (2018) », in C. Cournil (dir.), supra note 4, p. 169-181.
  • [41]
    US Sup. Crt, 2 April 2007, Massachusetts v. Environmental Protection Agency, No. 05-1120, 127 S. Ct. 1438 ; 549 U.S. 497 (2007). Voir H. Osofsky, « The Geography of Climate Change Litigation : Narratives of Massachusetts v. EPA », Chicago Journal of International Law, Vol. 8, 2007-2008, p. 573-620 ; P. Abadie, « Massachusetts c. EPA (2007) », in C. Cournil (dir.), supra note 4, p. 47-61.
  • [42]
    Massachusetts v. EPA, 127 S. Ct. 1438 ; 549 U.S. 497 (2007) p. 1456.
  • [43]
    « The risk of catastrophic harm, though remote, is nevertheless real. » (Ibid., p. 1458).
  • [44]
    US District Court of Oregon, 10 November 2016, Juliana et al. v. United States et al., No. 6 :15-CV-01517-TC ; US Crt of Appeals for the Ninth Circuit, 17 January 2020, Juliana et al. v. United States et al., No. 18-36082 D.C. No. 6 :15-cv-01517. Voir M. Blumm, M. Wood, « "No Ordinary Lawsuit" : Climate Change, Due Process, and the Public Trust Doctrine », American University Law Review, Vol. 67-1, 2017 ; E. Gebre, « Juliana et al. c. États-Unis et al. (2016-2020) », in C. Cournil (dir.), supra note 4, p. 153-168.
  • [45]
    US Crt of Appeals for the Ninth Circuit, Juliana, supra note 44, p. 16.
  • [46]
    L’origine humaine du changement climatique est établie avec certitude par les rapports du GIEC (IPCC, Climate Change 2014 Synthesis Report, Summary for Policymakers, IPCC, 2014, p. 4). Il existe désormais un consensus scientifique en la matière, plus de 97 % des chercheurs spécialistes du climat s’accordant sur l’origine anthropique du réchauffement climatique : voir J. Cook (et al.), « Consensus on Consensus : A Synthesis of Consensus Estimates on Human-Caused Global Warming », Environmental Research Letters Vol. 11-4, 2016.
  • [47]
    S. Maljean-Dubois, « La responsabilité de l’État en droit international public, stratégies d’évitement et pistes prospectives », Journal international de bioéthique et d’éthique des sciences, 2019, Vol. 30, n° 2, p. 96.
  • [48]
    The Hague District Court, Urgenda, supra note 9, § 4.90 (nous soulignons).
  • [49]
    Ibid., § 4.90, traduction libre.
  • [50]
    Ibid., § 4.79, traduction libre.
  • [51]
    Ibid., § 4.79, traduction libre. Voir A.-S. Tabau, C. Cournil, « Urgenda c. Pays-Bas (2015) », in C. Cournil (dir.), supra note 4, not. p. 81-83.
  • [52]
    Le fait que les autorités gouvernementales aient promu l’utilisation des fossiles combustibles, alors même qu’elles auraient pu mobiliser les larges compétences dont elles disposent pour renforcer la politique climatique fédérale, constitue pour le juge un facteur de renforcement du lien de causalité. US District Court of Oregon, Juliana et al. vs United States et al., supra note 43, p. 22-26. Voir E. Gebre, « Juliana et al. c. États-Unis et al. (2016-2020) », in C. Cournil (dir.), supra note 4, not. p. 268-269.
  • [53]
    Pour une vue d’ensemble et de droit comparé, voir C. Saunier, La doctrine des « questions politiques ». Étude comparée : Angleterre, France, États-Unis, thèse de doctorat en droit public, Univ. Paris II, 2019.
  • [54]
    En ce sens, voir notamment S. Latourette, « Global Climate Change : Political Question », Rutgers Law Journal, Vol. 40-1, 2008, p. 219-284 ; J. May, « Climate Change, Constitutional Consignment, and the Political Question Doctrine », Denver University Law Review, Vol. 85-4, p. 919-960.
  • [55]
    The Hague District Court, Urgenda, supra note 9, § 4.97 - 4.98.
  • [56]
    Ibid., § 4.101 : « […] the claim discussed here is not intended to order or prohibit the State from taking certain legislative measures or adopting a certain policy. If the claim is allowed, the State will retain full freedom, which is pre-eminently vested in it, to determine how to comply with the order concerned. […] ».
  • [57]
    High Court of New-Zealand, Sarah Thomson, supra note 18, § 133 : « The various domestic courts have held they have a proper role to play in Government decision making on this topic, while emphasising that there are constitutional limits in how far that role may extend. […] Remedies are fashioned to ensure appropriate action is taken while leaving the policy choices about the content of that action to the appropriate state body. ».
  • [58]
    US District Court of Oregon, Juliana, supra note 44, p. 6-17. Cette appréciation est cependant balayée en appel : la cour d’appel estime en effet que la réparation du préjudice allégué relève davantage du pouvoir législatif que du pouvoir judiciaire, et qu’il ne revient pas au juge d’intervenir pour pallier l’inaction des deux autres branches du gouvernement (US Crt of Appeals for the Ninth Circuit, Juliana, supra note 44, p. 21).
  • [59]
    E. Gebre, « Juliana et al. c. États-Unis et al. (2016-2020) », in C. Cournil (dir.), supra note 4, p. 279.
  • [60]
    S. Robert-Cuendet, « L’invocabilité du droit international du climat devant le juge administratif français », in M. Torre-Schaub (dir.), Les contentieux climatiques : dynamiques en France et dans le monde, à paraître.
  • [61]
    The Hague District Court, Urgenda, supra note 9, § 4.42-4.43.
  • [62]
    CE Sect., 19 novembre 2020, Commune de Grande-Synthe et autre, n° 427301, § 12.
  • [63]
    High Court of New-Zealand, Sarah Thomson, supra note 18, §§ 99 ss.
  • [64]
    A. Le Dylio, « Thomson v. Minister for Climate Change Issues (2017) », in C. Cournil (dir.), supra note 4, p. 141-152, not. p. 148-152.
  • [65]
    La doctrine américaine et australienne avait néanmoins étudié la possibilité d’y recourir dans ce contexte : D. Hunter, J. Salzman, « Negligence in the Air : The Duty of Care in Climate Change Litigation », University of Pennsylvania Law Review, Vol. 155, 2007, p. 1741-1794 ; D. Grossman, « Warming up to a Not-So Radical Idea : Tort-Based Climate Change Litigation », Columbia Journal of Environmental Law, Vol. 28, 2008, p. 1-7 ; M. Burkett, « Duty and Breach in an Era of Uncertainty : Local Government Liability for Failure to Adapt to Climate Change », Georges Mason Law Review, Vol. 20, 2013, p. 775-802.
  • [66]
    The Hague District Court, Urgenda, supra note 9, §§ 4.64-4.86. Sur cette redéfinition du duty of care par l’arrêt Urgenda, voir M. Torre-Schaub, « L’affirmation d’une justice climatique au prétoire (quelques propos sur le jugement de la Cour du district de La Haye du 24 juin 2015) », Revue québécoise de droit international, Vol. 29, 2016, p. 161-183.
  • [67]
    Ibid., § 5.1.
  • [68]
    Sup. Crt of the State of Washington for King County, 19 November 2015, Foster vs Washington Department of Ecology, No. 14-2-25295-1 SEA. Voir M. Wood, C. Woodward, « Atmospheric Trust Litigation and the Constitutional Right to a Healthy Climate System : Judicial Recognition at Last », Washington Journal of Environmental Law and Policy, Vol. 6, 2016, p. 634-684.
  • [69]
    Sur cette doctrine, voir E. Cornu-Thenard, « Éléments sur l’apport de la doctrine américaine du public trust à la représentation de l’environnement devant le juge », Vertigo, hors-série 22, septembre 2015.
  • [70]
    M. Blumm, M. Wood, supra note 44, 2017. L’appel à un usage renouvelé de la doctrine du « public trust » pour faire face aux effets du changement climatique est notamment le fait de l’Association Our Children’s Trust, qui est à l’origine de plusieurs recours stratégiques en la matière. Voir R. Abate, « Atmospheric Trust Litigation in the United States : Pipe Dream or Pipeline to Justice for Future Generations ? », Climate Justice, 2016, p. 543-569 ; I. Farcy-Callon, « La fiducie atmosphérique : analyse d’une doctrine aux perspectives innovantes en matière de contentieux climatique », RJE, 3/2020, p. 516-525.
  • [71]
    US District Court of Oregon, Juliana, supra note 44, p. 32-33.
  • [72]
    Ibid., p. 36.
  • [73]
    Lahore High Court, Green Bench, 4 September 2015 et 14 September 2015, Leghari, supra note 18. Voir T. Keïta, « Leghari v. Federation of Pakistan (2015) », in C. Cournil (dir.), supra note 5, p. 109-128.
  • [74]
    Lahore High Court, Green Bench, 4 September 2015, Leghari, supra note 19, §§ 6-7. Il est intéressant, par ailleurs, de noter que l’arrêt Leghari mobilise également la doctrine du « public trust », mais de manière différente du juge américain : le public trust fait ici partie des droits reconnus dans le champ d’application du droit à la vie, donc est mobilisé au même titre que les droits fondamentaux.
  • [75]
    Sur cette évolution, voir notamment C. Cournil, supra note 20.
  • [76]
    L’exemple de l’affaire Urgenda est intéressant à cet égard : alors que le Tribunal de première instance écarte les moyens portant sur la violation des droits fondamentaux des requérants, la Cour d’appel centre au contraire son argumentation sur les atteintes au droit à la vie et au droit au respect de la vie privée et familiale, protégés par les articles 2 et 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme dont le juge néerlandais est le garant, pour reconnaître la responsabilité climatique de l’État. The Hague Court of Appeal, 9 October 2018, The State of the Netherlands v. Urgenda Foundation, supra note 10.
  • [77]
    J. Peel, H.M. Osofsky, « A Rights Turn in Climate Change Litigation ? », Transnational Environmental Law, Vol. 7-1, 2018, p. 37-67.
  • [78]
    J. Peel, H.M. Osofsky, A. Foerster, « Shaping the Next Generation of Climate Change Litigation in Australia », Melbourne University Law Review, Vol. 41-2, 2017, p. 793-844.
  • [79]
    C. Cournil, C. Perruso, « Réflexions sur l’"humanisation" des changements climatiques et la "climatisation" des droits de l’homme. Émergence et pertinence », La Revue des droits de l’homme [En ligne], n° 14, 2018.
  • [80]
    Outre les requêtes portées par les peuples inuits devant la Commission interaméricaine des Droits de l’Homme (voir supra note 8), une requête introductive a été déposée devant la Cour européenne des Droits de l’Homme par six jeunes Portugais à l’encontre de 33 États parties à la Convention, qu’ils accusent de ne pas respecter leurs obligations dans la lutte contre le changement climatique et de violer ainsi les articles 2 et 8 de la Convention (la requête est disponible sur le site https://youth4climatejustice.org/wp-content/uploads/2020/11/GLAN-ECtHR-Application.pdf, consulté le 1er décembre 2020) et plusieurs pétitions ont été déposées devant différents comités onusiens (voir C. Cournil, « Affaires Greta Thunberg, Teitiota et Torrès (2019-2020) », in C. Cournil (dir.), supra note 4, p. 281-302).
  • [81]
    Comité des droits de l’Homme, 24 octobre 2019, Ioane Teitiota c. New Zealand, Communication n° 2728/2016.
  • [82]
    M. Courtoy, « Une décision historique pour les "réfugiés climatiques" ? Mise en perspective », Cahiers de l’EDEM [en ligne], février 2020 ; G. Sciaccaluga, International Law and the Protection of « Climate Refugees », Palgrave Macmillan, 2020, p. 121.
  • [83]
    En l’espèce cependant, M. Teitiota a été débouté de sa demande : le CDH estime en effet que même si l’élévation du niveau de l’océan est susceptible de rendre Kiribati inhabitable dans un délai de dix à quinze ans, ce délai laisse suffisamment de temps pour que le gouvernement de Kiribati intervienne, avec l’aide de la communauté internationale, pour protéger sa population (§ 9.12). Le Comité conclut donc que le requérant ne fournit pas suffisamment de preuves démontrant qu’il court un risque réel d’être victime d’une situation susceptible de mettre sa vie en danger dans son pays d’origine.
  • [84]
    Selon les termes de M. Torre-Schaub, qui s’inspire ici des travaux de F. Ost sur les trois modèles du juge. M. Torre-Schaub, « Les dynamiques du contentieux climatique : anatomie d’un phénomène émergent », in M. Torre-Schaub, C. Cournil, S. Lavorel, M. Moliner-Dubost (dir.), supra note 21, p. 118 ; F. Ost, Dire le droit, faire justice, Bruxelles, Bruylant, 2007, p. 33-60.
  • [85]
    Le terme « conséquentialisme » apparaît dans un article publié par la philosophe anglaise Elizabeth Anscombe en 1958 (G.E.M. Anscombe, « Modern Moral Philosophy », Philosophy, Vol. 33, n° 124, 1958, p. 1-19) et a depuis largement investi les théories morales anglo-saxonnes. L’approche conséquentialiste a ensuite imprégné les travaux des théoriciens du droit (en particulier dans les pays de common law), dont certains le présentent comme un facteur explicatif du sens des décisions de justice. Voir notamment N. MacCormick, Legal Reasoning and Legal Theory, Oxford, Clarendon Press, [1978] rééd. 1994, 322 p. ; N. Mac-Cormick, Rhetoric and the Rule of Law : A Theory of Legal Reasoning, Oxford, OUP, 2005, 287 p.
  • [86]
    Les différents courants conséquentialistes ne s’accordent toutefois pas sur les caractéristiques d’un résultat optimal : pour certains, la décision doit produire les meilleurs résultats possibles en termes d’efficacité, tandis que pour d’autres, elle doit produire de « bonnes » conséquences au sens moral ou axiologique. Voir S. Darwall, Consequentialism, Oxford, Blackwell, 2002, 310 p.
  • [87]
    Voir supra note 25.
  • [88]
    F. Hourquebie, « L’argument conséquentialiste dans les décisions de justice », Les Cahiers de la Justice, 2014, n° 2, p. 208.
  • [89]
    Sur cette résurgence conséquentialiste de la doctrine juridique (que l’auteur réprouve), voir D.L. Drakeman, « Consequentialism and the Limits of Interpretation : Do the Ends Justify the Meanings ? », Jurisprudence, Vol. 9-2, 2018, p. 300-318.
  • [90]
    US Crt of Appeals for the Ninth Circuit, 17 January 2020, Juliana, supra note 44.
  • [91]
    US District Court of Oregon, 10 November 2016, Juliana, supra note 44.
  • [92]
    Voir V. Laramee de Tannenberg, « Climat : les Pays-Bas se dotent d’une loi de décarbonation », Journal de l’Environnement, 28 juin 2018, https://www.journaldelenvironnement.net/article/climat-les-pays-bas-se-dotent-d-une-loi-de-decarbonation,92479, consulté le 3 décembre 2020. À titre de comparaison, la loi française n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte pose l’objectif de diviser les émissions de GES par 4 d’ici 2050 par rapport aux niveaux de 1990.
  • [93]
    « En urgence, les Pays-Bas durcissent leur politique climatique », Journal de l’Environnement, 28 avril 2020, https://www.journaldelenvironnement.net/article/en-urgence-les-paysbas-durcissent-leur-politique-climatique,105559, consulté le 3 décembre 2020.
  • [94]
    Sur le recours à la justice comme outil de mobilisation sociale en matière climatique, voir notamment V. Lefebvre, « Urgence climatique, quel rôle pour les juges et la justice ? », La Revue Nouvelle, n° 8, 2019, p. 66-72.
  • [95]
    Voir notamment E. Blankenburg, « La mobilisation du droit. Les conditions du recours et du non-recours à la Justice », Droit et Société, Vol. 28, 1994, p. 691-703.
  • [96]
    Ibid., p. 692.
  • [97]
    GIEC, Résumé à l’intention des décideurs, Réchauffement planétaire de 1,5 °C, Rapport spécial du GIEC sur les conséquences d’un réchauffement planétaire de 1,5 °C par rapport aux niveaux préindustriels et les trajectoires associées d’émissions mondiales de gaz à effet de serre, dans le contexte du renforcement de la parade mondiale au changement climatique, du développement durable et de la lutte contre la pauvreté, Genève, OMM, 2018, 32 p.
  • [98]
    L’expression, empruntée à la théorie des relations internationales, désigne ici la tentative, par les ONG, de modifier le statu quo en matière climatique en déplaçant leurs activités de sensibilisation, d’influence, de plaidoyer ou de lobbying d’un forum à un autre.
  • [99]
    L’expression est empruntée à deux juristes néerlandais, M. Loth et R. van Gestel, cités in L. Burgers, « Should Judges Make Climate Change Law ? », Transnational Environmental Law, Vol. 9-1, 2020, p. 57.
  • [100]
    Voir supra note 53.
  • [101]
    Voir notamment L. Bergkamp, « A Dutch Court’s Revolutionary Climate Policy Judgment : The Perversion of Judicial Power, the State’s Duties of Care, and Science », Journal for European Environmental & Planning Law, Vol. 12, Issue 3-4, 2015, p. 241-263 ; L. Bergkamp, J.C. Hanekamp, « Climate Change Litigation against States : The Perils of Court-Made Climate Policies », European Energy and Environmental Law Review, Vol. 24-5, 2015, p. 102-114.
  • [102]
    Voir notamment Oslo District Court, 4 January 2018, Föreningen Greenpeace Norden and Natur og Ungdom v. Ministry of Petroleum and Energy, Case Nb.16-166674TVI-OTIR/06, § 5.2.7 ; US Crt of Appeals for the Ninth Circuit, Juliana, supra note 44, p. 21.
  • [103]
    L. Bergkamp, J.C. Hanekamp, supra note 101.
  • [104]
    À cet égard, voir D.L Drakeman, supra note 89, section II.
  • [105]
    G.C. Leedes, « Reasonable Expectations and the Concept of Due Process of Law », University of Florida Law Review, Vol. 35-2, 1983, p. 254-280.
  • [106]
    A. Michelot, « Propos conclusifs », in M. Torre-Schaub, C. Cournil, S. Lavorel, M. Moliner-Dubost (dir.), supra note 21, p. 362.
  • [107]
    S. Quevedo, « Formalist and Instrumentalist Legal Reasoning and Legal Theory », California Law Review, Vol. 73-1, 1985, p. 119-157.
  • [108]
    En ce sens, voir L. Paine, « Instrumentalism v. Formalism : Dissolving the Dichotomy », Wisconsin Law Review, Issue 4, 1978, p. 997-1028.
  • [109]
    Concluant dans le même sens, au terme d’un raisonnement fondé sur la théorie de la démocratie délibérative de Jürgen Habermas, voir L. Burgers, supra note 99, p. 55-75.
  • [110]
    Comme l’a notamment affirmé le Professeur Rousseau dans plusieurs interviews qui ont suivi l’annonce présidentielle : J. Delage, « Référendum pour le climat : "Une réforme inutile au service d’une opération politique" », Libération, 15 décembre 2020 ; M. Jacque, « Climat : le bien-fondé de la révision constitutionnelle est contesté par les juristes », Les Echos, 15 décembre 2020.
  • [111]
    Voir supra notes 56 et 57.
  • [112]
    CDH, 24 octobre 2019, Ioane Teitiota, supra note 81.
  • [113]
    Ibid., § 9.6 et 9.13.
  • [114]
    Ibid.
  • [115]
    Lahore High Court, Ashgar Leghari, supra note 35.
  • [116]
    Voir en ce sens T. Keïta, « Leghari v. Federation of Pakistan (2015) », in C. Cournil (dir.), supra note 4, p. 124-125.
  • [117]
    À cet égard, voir D.L Drakeman, supra note 89, section II.

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