Couverture de RJE_211

Article de revue

Accès à la justice

Pages 202 à 204

Notes

  • [1]
    Cf. § 114 à 125 des Conclusions de l’Avocat général Bobek, du 16 juillet 2020, dans l’affaire C-352/19 P.
  • [2]
    CJUE, 8 mars 2011, Lesoochranárske zoskupenie, C-240/09 (EU :C :2011 :125, points 50 et 51) ; CJUE, 15 mars 2018, North East Pylon Pressure Campaign et Sheehy, C-470/16 (EU :C :2018 :185, point 57).
  • [3]
    Voir arrêts du 19 décembre 2013, Telefónica/Commission, C-274/12 P, EU :C :2013 :852, point 19, et du 13 mars 2018, Industrias Químicas del Vallés/Commission, C-244/16 P, EU :C :2018 :177, point 39.
  • [4]
    Voir, en ce sens, arrêt du 13 mars 2018, European Union Copper Task Force/Commission, C-384/16 P, EU :C :2018 :176, point 87 et jurisprudence citée.
Arrêté de la Région de Bruxelles-Capitale portant interdiction de l’utilisation de pesticides comportant du glyphosate – Règlement d’exécution de la Commission (UE) 2017/2324 renouvelant l’approbation de la substance active « glyphosate » – Recevabilité du recours formé par la région de Bruxelles-Capitale contre le règlement 2017/2324 (non).

1CJUE, 3 décembre 2020, Région de Bruxelles-Capitale c./ Commission européenne, affaire C-352/19 P.

2La Cour de Justice est saisie d’un pourvoi formé par la région de Bruxelles-Capitale, contre une ordonnance du Tribunal de l’Union Européenne (affaire T-178/18), lequel avait rejeté, pour défaut d’intérêt à agir, le recours de la région Bruxelles-Capitale demandant l’annulation du Règlement d’exécution de la Commission (UE) 2017/2324, du 12 décembre 2017, renouvelant la période d’approbation de la substance active glyphosate jusqu’au 15 décembre 2022, en application du Règlement (CE) 1107/2009 relatif aux produits phytopharmaceutiques.

3En l’espèce, le 10 novembre 2016, la région Bruxelles-Capitale a adopté un arrêté portant interdiction de l’utilisation de pesticides comportant du glyphosate sur le territoire de la région. Toutefois, suite au renouvellement de l’approbation du glyphosate à l’échelle de l’Union européenne, opéré par le Règlement d’exécution 2017/2324, l’arrêté de la région Bruxelles-Capitale est devenu contraire au droit de l’Union, et a fait l’objet de deux recours en annulation devant le Conseil d’État belge. Or, l’examen de la légalité du Règlement par la Cour demeurait conditionné à la recevabilité du recours formé par la région de Bruxelles-Capitale.

4Tout d’abord, la Cour rappelle que pour introduire un recours en annulation à l’encontre d’un règlement, la région de Bruxelles-Capitale doit démontrer qu’elle est directement affectée par celui-ci, conformément à l’article 263 TFUE. Toutefois, la Cour de Justice précise que « l’article 9 de la convention d’Aarhus ne saurait avoir pour effet de modifier les conditions de recevabilité des recours en annulation posées à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE » (§ 25), car en vertu de la hiérarchie des normes de l’Union, le droit primaire prime sur les conventions internationales ratifiées par l’Union Européenne. Cette approche classique de la Cour n’en demeure pas moins discutable. Comme le souligne l’Avocat général Bobek dans ses conclusions [1], la Cour demande elle-même aux juridictions nationales d’interpréter le droit procédural des États membres, conformément aux objectifs de l’article 9 de la Convention d’Aarhus [2].

5Ensuite, la Cour confirme l’ordonnance du Tribunal de l’Union, considérant que la région Bruxelles-Capitale n’est pas directement affectée par le Règlement d’exécution du 12 décembre 2017. D’une part, elle relève que le renouvellement de l’autorisation des produits phytopharmaceutiques contenant du glyphosate ne relève pas, en vertu du droit belge, de la compétence des régions, mais de celle de l’État belge (§41). D’autre part, le règlement n° 2017/2324 n’affecte pas directement la validité de l’arrêté du 10 novembre 2016, ce dernier étant antérieur au règlement litigieux (§62), ni la marge d’appréciation de l’État belge d’autoriser ou non les produits phytopharmaceutiques contenant du glyphosate (§51). Elle ajoute que l’État belge conserve cette marge de manœuvre, même lorsque le pétitionnaire se prévaut du principe de reconnaissance mutuelle, dès lors que les articles 41 et 36 du Règlement (CE) 1107/2009 permettent aux États membres de refuser de délivrer de telles autorisations, en prenant en compte des spécificités sanitaires, environnementales, ou encore agricoles, qui leurs sont propres (§51).

6Ainsi, selon la Cour de Justice, la condition de l’affectation directe de l’article 263 TFUE « doit être appréciée uniquement au regard des effets juridiques de la mesure, les effets politiques éventuels de celle-ci n’ayant pas d’incidence sur cette appréciation » (§64), y compris donc la volonté d’une région de renforcer la protection sanitaire sur son territoire.

7Julien MONGROLLE

Règlement d’exécution (UE) 2017/2324 renouvelant l’approbation de la substance active « glyphosate » – Recours d’une association italienne au titre de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, contre le règlement (UE) 2017/2324.

8CJUE, première chambre, 28 octobre 2020, Associazione Nazionale GranoSalus – Liberi Cerealicoltori & Consumatori (Associazione GranoSalus) contre Commission européenne, affaire C-313/19 P.

9Dans l’arrêt du 28 octobre 2020, la CJUE traite essentiellement des conditions de recevabilité d’un recours introduit par une personne physique ou morale, au titre de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, contre le règlement d’exécution (UE) 2017/2324 de la Commission, du 12 décembre 2017, renouvelant l’approbation de la substance active « glyphosate ». Il ressort de cet alinéa que dans le cas où un acte réglementaire ne comporte pas de mesures d’exécution, seule l’exigence de l’affectation directe doit être satisfaite [3]. En l’espèce, l’arrêt conduit au rejet du pourvoi formé par l’Associazione Nazionale GranoSalus – Liberi Cerealicoltori & Consumatori (ci-après « GranoSalus »), au motif que celle-ci ne remplissait pas l’une des conditions, confirmant donc l’ordonnance du Tribunal du 14 février 2019 (T-125/18, EU :T :2019 :92), par laquelle celui-ci a rejeté comme étant irrecevable son recours tendant à l’annulation du règlement d’exécution (UE) 2017/2324 de la Commission, du 12 décembre 2017 (JOUE, 15 décembre 2017, L 333, p. 10, ci-après le « règlement litigieux »). Alors que la demande de GranoSalus au principal visait essentiellement à l’annulation du règlement litigieux en raison, selon elle, du potentiel cancérogène du glyphosate pour l’homme, le litige a dévié de sa trajectoire sur cette question de fond du fait de l’irrecevabilité soulevée par la Commission.

10Sur la première condition de recevabilité, à savoir celle selon laquelle l’intéressé doit être directement et individuellement concerné par l’acte réglementaire, la Cour entérine le raisonnement du Tribunal selon lequel « une association chargée de défendre des intérêts collectifs n’est en principe recevable à introduire un recours en annulation au titre de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE que si elle peut faire valoir un intérêt propre ou si les personnes qu’elle représente ou certaines d’entre elles ont qualité pour agir à titre individuel » [4] (Point 46). Ceci rejoint la jurisprudence constante de la Cour selon laquelle une personne physique ou morale n’est considérée comme directement concernée par une mesure dans les conditions prévues par l’article 263, quatrième alinéa, TFUE que lorsque celle-ci produit « directement des effets sur la situation juridique » (Point 51). Une condition à laquelle l’association GranoSalus ne satisfait pas (voir les points 44 à 46 de l’ordonnance du Tribunal pour plus de détails). Par conséquent, le fait que la Cour considère, à la différence du Tribunal, que ce règlement implique des mesures d’exécution nationale, ne remet pas en cause le constat d’irrecevabilité du recours, faute d’affectation directe et individuelle. Pour la Cour, « l’expression "qui ne comportent pas de mesures d’exécution", au sens de l’article 263, quatrième alinéa, troisième membre de phrase, TFUE, doit être interprétée à la lumière de l’objectif de cette disposition, qui consiste, ainsi qu’il ressort de sa genèse, à éviter qu’un particulier soit contraint d’enfreindre le droit pour pouvoir accéder au juge. » (Points 31 à 44). Or, d’après les articles 36 et 43 dudit règlement, l’autorisation d’un produit phytopharmaceutique ou le renouvellement d’une telle autorisation procèdent nécessairement d’une décision adoptée par un État membre, qui fait suite à une phase d’évaluation, et ne résultent pas directement du renouvellement, par la Commission, de l’approbation d’une substance active « glyphosate ». Donc, même si les membres de l’association concernée ne sont pas dans une situation comparable à celle des opérateurs qui soumettent une demande d’autorisation d’utilisation du glyphosate, laquelle constitue une mesure d’exécution du règlement européen, ils peuvent être en mesure de contester au niveau national des actes adoptés par l’État membre.

11Kablan Jean-Michel ATTA


Date de mise en ligne : 26/04/2021

Notes

  • [1]
    Cf. § 114 à 125 des Conclusions de l’Avocat général Bobek, du 16 juillet 2020, dans l’affaire C-352/19 P.
  • [2]
    CJUE, 8 mars 2011, Lesoochranárske zoskupenie, C-240/09 (EU :C :2011 :125, points 50 et 51) ; CJUE, 15 mars 2018, North East Pylon Pressure Campaign et Sheehy, C-470/16 (EU :C :2018 :185, point 57).
  • [3]
    Voir arrêts du 19 décembre 2013, Telefónica/Commission, C-274/12 P, EU :C :2013 :852, point 19, et du 13 mars 2018, Industrias Químicas del Vallés/Commission, C-244/16 P, EU :C :2018 :177, point 39.
  • [4]
    Voir, en ce sens, arrêt du 13 mars 2018, European Union Copper Task Force/Commission, C-384/16 P, EU :C :2018 :176, point 87 et jurisprudence citée.

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