Couverture de RJE_211

Article de revue

Cadre de vie

Pages 137 à 142

I – Droit de la publicité extérieure

A – Textes

Loi n° 2020-734 du 17 juin 2020 relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d’autres mesures urgentes ainsi qu’au retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne (JO du 18 juin).

1De son libellé augurant d’un contenu hétéroclite, la loi du 17 juin 2020 comporte des dispositions intéressant le droit de la publicité extérieure. Celles-ci résultent directement des conséquences de la crise sanitaire et des incidences de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 et des nombreuses ordonnances qui l’ont accompagnée, en particulier celle du 25 mars 2020. On rappellera qu’elle a institué une période dite juridiquement protégée du 12 mars au 30 mai durant laquelle toutes les procédures administratives devaient être interrompues et tout particulièrement les enquêtes publiques. Or, la loi du 12 juillet 2010 a donné aux communes dotées d’un règlement local de publicité (RLP) dit de première génération un délai de 10 ans pour « grenelliser » leur RLP à compter de son entrée en vigueur soit le 13 juillet 2020 à peine de caducité de leur règlement (sur cette problématique, cette revue, n° 1/2020, p. 186). De nombreuses communes ayant tardé à faire évoluer leur réglementation et engagées dans la procédure se sont donc retrouvées fort dépourvues lorsque le moment de l’enquête publique fut venu. Fort heureusement, l’article 29 de la loi du 17 juin leur a accordé un délai supplémentaire de six mois. Conformément à la nouvelle rédaction de l’article L. 581-14-3 du Code de l’environnement, la caducité interviendra le 13 janvier 2021.

B – Jurisprudence

CAA Paris, 13 février 2020, Ville de Paris, n° 17PA02830, Notion de publicité. Pavoisement en vue d’une compétition sportive.

2Bien qu’elle se rapporte à une compétition s’étant déjà déroulée, l’Euro de football masculin 2016, la présente décision apporte d’éclairantes précisions quant à la notion de publicité. Était en cause la mise en application par la maire de Paris des dispositions de la charte commerciale de l’UEFA que le conseil de Paris avait approuvé à l’occasion de cette manifestation sportive et impliquant « un habillage de la ville en vue d’assurer une forte visibilité de la compétition et d’établir une présence forte de la marque UEFA Euro 2016 ». De nombreuses affiches et bannières avaient ainsi été installées tant sur des équipements publics d’éclairage que sur des immeubles parisiens la plupart étant inscrits ou classés au titre des monuments historiques. Ces installations ont été contestées par une association de protection de l’environnement au motif qu’elles contreviendraient aux dispositions applicables en matière de publicité extérieure (RNP et/ou RLP). À l’inverse, le régime des enseignes est plus libéral que celui de la publicité. En particulier, il permet l’installation, à titre temporaire, de dispositifs signalant des manifestations exceptionnelles à caractère culturel et touristique ce que défendait d’ailleurs la ville. L’enjeu de leur qualification était donc fort. Le 3° de l’article L. 581-3 du Code de l’environnement définit la publicité comme étant toute inscription, forme ou image destinée à informer le public ou à attirer son attention. Dès lors que les dispositifs en cause avaient pour objet « d’informer le public et d’attirer son attention sur l’ensemble du championnat d’Europe de football "UEFA Euro 2016" en assurant sa promotion, notamment par le pavoisement de la ville », la Cour administrative d’appel de Paris en a déduit qu’il s’agissait bien de publicité et non d’enseigne. En conséquence, la Cour a confirmé le jugement du tribunal administratif qui avait annulé l’ensemble des décisions prises par l’autorité de police autorisant l’implantation des dispositifs en cause. Une telle solution s’imposait mais elle n’en demeure pas moins difficilement conciliable avec tout le barnum commercial qui accompagne les grandes manifestations sportives. Cela explique pourquoi des dispositions particulières aient été adoptées en 2018 permettant à nouveau le pavoisement de la ville de Paris, en vue des jeux olympiques, en écartant tout simplement les dispositions de droit commun en matière de publicité et prévoyant leur substitution par un droit dérogatoire bien plus favorable à la publicité (loi n° 2018-202 du 26 mars 2018, cette revue n° 1/2019, p. 188, chron. Ph. Zavoli).

CE, 28 février 2020, ministre de la Transition écologique et solidaire, req. n° 419302, mentionné aux tables du Rec. et CAA Bordeaux, 19 mai 2020, ministre de la Transition écologique et solidaire, req. n° 18BX01958. Notion d’enseigne et de publicité (article L. 581-3 C. env.). Dispositifs se dissociant matériellement du lieu d’activité (non).

3Nous l’attendions avec impatience l’an passé, voici l’arrêt examinant la décision de la Cour administrative d’appel de Marseille du 26 janvier 2018 que nous avions critiquée dans ces colonnes (cette revue n° 1/2019, p. 187, chron. Ph. Zavoli). Sans surprise, la Haute juridiction administrative a cassé la décision de la juridiction d’appel. Il faut dire combien cette dernière avait fait une bien curieuse application des textes, de leur esprit et de la jurisprudence même du Conseil d’État. Rappelons qu’elle avait considéré que des mats comportant des drapeaux devaient être qualifiés de publicités et non d’enseignes au motif qu’ils étaient dissociés du lieu d’implantation du bâtiment accueillant l’activité auxquels ils se rapportaient. C’était là non seulement une application plus qu’hasardeuse de la jurisprudence Matignon (CE, 4 mars 2013, Sté Pharmacie Matignon, cette revue n° 1/2014, p. 117, chron. Ph. Zavoli ; RDI 2013, p. 496, note J.-P. Strebler), mais aussi une vision restrictive de la notion d’enseigne, la Cour estimant que l’éloignement d’un dispositif du lieu d’implantation du bâtiment signalé interdisait de le qualifier d’enseigne parce qu’il était dissocié matériellement du lieu d’activité, ce que sont par hypothèse les enseignes scellées au sol. Fort logiquement, le Conseil d’État a censuré ce raisonnement pour erreur de droit, en indiquant que la distance séparant un dispositif par rapport à l’entrée du local où s’exerce l’activité est sans incidence sur la qualification d’enseigne, dès lors que ce dispositif est situé sur le terrain même où s’exerce cette activité et est relatif à cette dernière. L’affaire a été renvoyée devant la Cour administrative d’appel.

4Du point de vue de la protection du cadre de vie, la solution est d’importance expliquant pourquoi elle sera mentionnée dans les tables du Recueil Lebon. En effet, c’est une pratique malheureusement largement répandue consistant à multiplier l’implantation de tels mats sur les parkings des concessionnaires automobiles (mais pas seulement), ce qui est en infraction avec la réglementation qui limite à une seule enseigne scellée au sol de plus de 1 m2 placée le long de chacune des voies ouvertes à la circulation publique bordant l’immeuble où est exercée l’activité signalée (art. R. 581-64 du Code de l’environnement). Cette hypothèse s’est d’ailleurs illustrée au contentieux devant la Cour administrative d’appel de Bordeaux qui, reprenant quelques mois plus tard le considérant de principe de l’arrêt du Conseil d’État, a censuré le jugement du Tribunal administratif de Pau qualifiant de publicités les quatre mats installés par un vendeur de voitures d’occasion sur le parking où étaient stationnés les véhicules. Trois devront alors être déposés.

CAA Bordeaux, 19 mai 2020, Sté Jour & Nuit, req. n° 18BX00795. Contenu des règlements locaux de publicité. Régime de la publicité numérique. Illégalité d’une mesure d’interdiction générale et absolue.

5Malgré la refonte du droit de la publicité extérieure par la loi du 12 juillet 2010 et son décret d’application du 30 janvier 2012, le contrôle exercé par le juge administratif sur le contenu des règlements locaux de publicité revêt les mêmes contours que celui qu’il exerçait sous l’empire du droit antérieur. Ainsi reconnaît-il toujours un large pouvoir de réglementation à l’autorité en charge de leur élaboration conduisant à ce qu’il n’exerce qu’un contrôle limité à l’erreur manifeste d’appréciation (comparer par exemple, CE 30 janvier 1991, Ministre de l’équipement, req. n° 86358 à CAA Nancy, 23 juillet 2019, Sté Oxial et Sté Oxialive, req. n° 18NC01740 et le présent arrêt). Toutefois, et conformément à une jurisprudence ancienne et bien établie en matière de contrôle des mesures de police, le juge administratif se montre a priori hostile à toute mesure d’interdiction générale et absolue, ce que la Cour administrative d’appel de Bordeaux rappelle ici à l’occasion de l’examen du règlement de publicité de la commune de Soyaux.

6Le maire de la commune avait retiré une autorisation d’implanter une publicité numérique tacitement obtenue par une société d’affichage, ce qu’elle avait contesté devant la juridiction administrative de première instance. N’ayant que partiellement obtenu satisfaction, elle fit appel permettant à la Cour de constater que la combinaison des différentes dispositions du règlement conduisait à interdire, sur la totalité du territoire aggloméré de la commune, ce procédé publicitaire. On sait combien de nombreux édiles locaux sont hostiles à la publicité numérique vu son impact sur le cadre de vie. Le législateur l’a d’ailleurs implicitement admis puisque non seulement son format maximum est moindre que celui de la publicité non lumineuse (8 m2 contre 12 m2) et, surtout, qu’elle est soumise à autorisation préalable pour une durée maximum de huit ans alors que la publicité non lumineuse n’est soumise qu’à déclaration préalable. Reste, comme le rappelle ici la Cour que si une interdiction générale et absolue peut être admise, encore faut-il qu’elle soit justifiée par des circonstances particulières locales, ce que la commune n’est pas parvenue à démontrer en l’espèce. Le retrait a donc été annulé.

II – Loi Littoral

Jurisprudence

CAA Bordeaux, 22 décembre 2020, Commune d’Urrugne, req. n° 19BX01622. Article L. 121-8 C. urb. Extension limitée de l’urbanisation. Notion de zone urbanisée.

7Même si la loi Elan du 23 novembre 2018 en a quelque peu altéré la substance, les dispositions applicables aux communes littorales permettent de contenir l’urbanisation afin de protéger le rivage et son environnement proche. Ainsi l’article L. 121-8 pose-t-il le principe de l’extension de l’urbanisation en continuité avec les agglomérations et villages existants. De longue date, le juge administratif a précisé qu’il fallait y voir des zones déjà urbanisées caractérisées par un nombre et une densité significatifs de constructions (par exemple CE, 9 novembre 2015, commune de Porto-Vecchio, req. n° 372531). La décision ici commentée n’innove pas en ce qu’elle ne fait qu’appliquer les principes déjà établis. En revanche, elle est intéressante par le rejet des arguments avancés par la commune requérante. Cette dernière contestait la décision du tribunal administratif qui avait fait droit à la demande du préfet en annulant la décision du maire autorisant la division d’une parcelle. Déjà, la Cour a relevé que le terrain en cause était à plus de 3 km du centre-bourg de la commune et que même s’il était dans un secteur composé d’une trentaine de maisons implantées de façon non structurée, cela ne pouvait caractériser une zone urbanisée. Surtout, la commune se prévalait de ce que le terrain était situé à proximité d’un camping, ce que la jurisprudence a déjà pu qualifier de zone urbanisée (cette revue, n° 1/2019, p. 192, chron. Ph. Zavoli, contra : CAA Marseille, 24 septembre 2015, commune de Vias, req. n° 15MA03609). Sauf qu’il en était éloigné de plus de 200 mètres et séparé par « des espaces demeurés à l’état naturel », l’argument tiré de ce que l’ensemble constituait une agglomération au sens de l’INSEE n’ayant pas convaincu la Cour.

8Il faut dire que l’argument n’était guère tenable. En effet, si l’INSEE procède à des définitions qui ont ensuite une portée réglementaire, elle n’a jamais défini une agglomération. En revanche, elle a défini l’unité urbaine qui se réfère justement à cette distance de 200 m puisqu’il s’agit « d’une commune ou un ensemble de communes présentant une zone de bâti continu (pas de coupure de plus de 200 mètres entre deux constructions) qui compte au moins 2 000 habitants ». Or, si unité urbaine et agglomération ont des éléments communs, ce sont deux entités distinctes ; à telle enseigne qu’on trouve la définition de l’agglomération à l’article R. 110-2 du Code de la route pour lequel il s’agit d’un secteur sur lequel sont regroupés des immeubles bâtis rapprochés. On le voit, cette définition n’est guère éloignée de celle employée par le juge comme on l’a vu plus haut.

III – RNU

Jurisprudence

CE, 13 mars 2020, req. n° 427408. Mentionné dans les tables du Rec. Lebon. Portée de l’article R. 111-27 C. urb. Respect de l’ensoleillement (non).

9L’arrêt est bref, sa solution n’en est pas moins d’importance. Le maire de Lyon avait accordé un permis de construire à un promoteur immobilier en vue de l’édification d’un immeuble de plusieurs étages. Des voisins avaient contesté l’autorisation au motif qu’elle méconnaissait l’article R. 111-27 du Code de l’urbanisme (ancien R. 111-21) arguant que par son implantation, leur maison subirait une sérieuse baisse d’ensoleillement, ce qui altérerait ses conditions de fonctionnement basées sur les principes architecturaux dits bioclimatiques. Le Tribunal administratif avait fait droit à cette requête. Cependant, le Conseil d’État casse le jugement pour erreur de droit rappelant que l’objectif poursuivi par cette disposition n’est pas de sauvegarder les droits des tiers au titre ici du trouble anormal de voisinage mais de rejeter ou assortir de réserves les seuls projets qui, par leurs caractéristiques et aspect extérieur, portent une atteinte visible à leur environnement naturel ou urbain. La solution est sévère car si cette disposition vise effectivement à préserver le cadre de vie, celui-ci comporte à tout le moins une composante visant à assurer la qualité de vie des habitants altérée ici par la perte d’ensoleillement.

CAA Douai, 29 décembre 2020, Sté Ferme éolienne du Torpt, req. n° 19DA00520. Respect de l’article R. 111-27 C. urb. Méconnaissance (non).

10Pour vérifier la bonne application de l’article R. 111-27 du Code de l’urbanisme à un refus opposé par l’État à l’implantation d’un parc éolien, la Cour administrative d’appel de Douai s’est inscrite dans une ligne jurisprudentielle désormais bien établie (CE, 13 juillet 2012, association Engoulevent, req. n° 345970, AJDA 2013, p. 755, note G. Martin et J.-C. Msellati). Dans un premier temps, il convient d’apprécier la qualité du site sur lequel la construction est projetée et d’évaluer, dans un second temps, l’impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site. Dans cette affaire, le site d’implantation du parc éolien était assez banal puisqu’il était constitué d’une plaine agricole pratiquant l’agriculture intensive rythmée par des pylônes électriques haute tension et traversée de routes. Dans une formule lapidaire, la Cour qualifie ce site de paysage ne présentant aucun intérêt particulier. Au surplus, si certains aérogénérateurs étaient visibles de plusieurs monuments protégés, l’impact était très limité en raison soit de la distance les séparant du site (d’un à plusieurs kilomètres selon les cas), soit de la fugacité de la visibilité d’une route faiblement fréquentée ou de ce que les seuls moments où l’un des monuments était ouvert à la visite, c’était durant une période de l’année où la végétation cachait « les vues extérieures au domaine » et donc les éoliennes. En bref, aucun des arguments avancés par le préfet pour refuser le permis n’ont convaincu la Cour.


Mots-clés éditeurs : loi Littoral, RNU, droit de la publicité extérieure

Date de mise en ligne : 26/04/2021

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