Couverture de RJE_203

Article de revue

Notes bibliographiques

Pages 633 à 637

Notes

  • [1]
    L’ouvrage se présente comme les actes du colloque du même nom organisé à l’Université de Lorraine, à Nancy, le 27 septembre 2017.
  • [2]
    J. R. May et E. Daly, « Six tendances dans le constitutionnalisme environnemental mondial », p. 45-66.
  • [3]
    M.-A. Cohendet, « La Charte de l’environnement comme modèle du constitutionnalisme environnemental ? », p. 67-90.
  • [4]
    A. Proelfs, « "Le droit constitutionnel de l’environnement" en Allemagne : nature juridique, domaine d’application et contenu du principe de protection environnementale », p. 91-106.
  • [5]
    A.-C. Favre, « La protection environnementale en droit constitutionnel suisse », p. 107-124.
  • [6]
    G. Nain Gill, « Le constitutionnalisme en Inde : reconnaissance et mise en œuvre judiciaire », p. 125- 144.
  • [7]
    L. Albuquerque, « Le droit constitutionnel de l’environnement et la protection de l’animal : le Brésil en voie de régression », p. 145-159.
  • [8]
    S. Jolivet « Le constitutionnalisme environnemental du droit administratif français : progrès et limites », p. 163-180.
  • [9]
    O. Cachard, « L’État actionnaire et le principe constitutionnel de précaution », p. 181-194.
  • [10]
    S. Fery, « Qu’est-ce que l’économiste peut apporter à l’interprétation de la Charte de l’environnement ? L’exemple de l’article 4 et des dommages causés à l’environnement », p. 195-210.
  • [11]
    S. Kaufmann, « Constitutionnalisme environnemental et droit de l’Union européenne », p. 211-228.
  • [12]
    J. Sohnle, « Le constitutionnalisme environnemental–une notion multidimensionnelle », p. 23-42 ; « Conclusions générales », p. 229-239.
  • [13]
    M. Troper, « Le concept de constitutionnalisme et la théorie moderne du droit », in Pour une théorie juridique de l’État, 1994, chapitre XIII, p. 199 à 221.

J. SOHNLE (dir.), Environmental Constitutionalism. What Impact on Legal Systems? / Le constitutionnalisme environnemental. Quel impact sur les systèmes juridiques ?, Peter Lang, coll. « EcoPolis », 2019, 239 p.

1Alors que la France qui se déconfine rêve du monde d’après, la lecture de l’ouvrage dirigé par Jochen Sohnle sur Le constitutionnalisme environnemental. Quels impacts sur les systèmes juridiques ?, s’avère particulièrement stimulante.

2Cet ouvrage collectif et bilingue paru en 2019 chez Peter Lang pose de précieux jalons pour entamer une réflexion à propos du constitutionnalisme environnemental [1]. Le choix des contributeurs est de mener leur enquête sous l’angle de l’impact, c’est-à-dire de l’influence et de l’effet du constitutionnalisme environnemental dans une pluralité de systèmes juridiques (p. 229).

3Dans la première partie, l’influence du constitutionnalisme vert est recherchée sur le droit constitutionnel (p. 43-160). Après qu’un premier chapitre a identifié les « Six tendances dans le constitutionnalisme environnemental mondial » [2], les cinq suivants déclinent leurs analyses dans les cadres français [3], allemand [4], suisse [5], indien [6] et brésilien [7]. Dans une seconde partie, plus hétéroclite, l’impact du constitutionnalisme environnemental est recherché au-delà du droit constitutionnel (p. 161-227). Les trois premiers chapitres s’inscrivent dans le système juridique français. Ils cherchent à mesurer l’impact de la Charte de l’environnement en droit administratif français [8] puis, plus spécialement, la portée de certains de ses principes – le principe de précaution ou le principe de responsabilité des dommages causés à l’environnement – en droit des sociétés [9] et en économie [10]. Le dernier enfin déplace la réflexion à l’échelle de l’Union européenne. Son auteur s’interroge sur l’existence d’un constitutionnalisme environnemental dans le système juridique de l’Union, ravivant les débats qui animèrent la ratification du Traité Établissant une Constitution pour l’Europe [11].

4Chacune de ces contributions présente son propre intérêt. Toutefois, leur lecture croisée atteste des incertitudes communes qui frappent les dimensions idéologiques et juridiques du constitutionnalisme environnemental. Examiné sous l’angle de ses diverses significations, mises en lumière par Jochen Sohnle dans l’introduction et la conclusion de l’ouvrage [12], le constitutionnalisme environnemental révèle son état embryonnaire.

5Si la contribution de James R. May et Erin Daly démontre la diffusion indiscutable d’un socle commun de principes juridiques constitutionnels protecteur de l’environnement, leur concrétisation dans les systèmes juridiques examinés est souvent incertaine.

6Ces incertitudes semblent devoir s’analyser de deux points de vue. Tout d’abord, en tant « qu’idéologie consistant à intégrer dans la Constitution à la fois le libéralisme politique et l’écologisme » (Jochen Sohnle, « Conclusions générales », p. 229), le constitutionnalisme environnemental n’apparaît pas comme une proposition univoque. Les contributions françaises, brésiliennes, allemandes et indiennes attestent de la diversité des sources qui portent et alimentent la quête de ce nouvel équilibre entre l’Homme et la Nature. D’ailleurs, la genèse des normes constitutionnelles du droit de l’environnement s’en fait souvent l’écho. Que l’on pense aux débats à propos de la normativité de la Charte de l’environnement (p. 85) ou aux débats qui accompagnèrent l’inscription à l’article 20 a) de la Constitution fédérale allemande d’un principe de protection animale et de l’environnement, les auteurs rappellent combien les règles du constitutionnalisme environnemental ont été le produit de vifs débats et combien les compromis ont influencé le choix des formes de la protection constitutionnelle de l’environnement.

7Ainsi, en Suisse et en Allemagne, la protection de l’environnement n’est pas reconnue en tant que droit public subjectif. Elle constitue un principe juridique qui, concilié aux autres principes constitutionnels, guide l’action du législateur et l’interprétation juridictionnelle des normes législatives infrafédérales. À ce propos, Alexander Proelfs rappelle qu’en Allemagne, ce choix est la conséquence d’un compromis acquis entre les approches anthropocentrique et écocentrique de l’environnement alors en concurrence. Le principe juridique de protection de l’environnement qui en résulte encadre peu la discrétion du législateur national dans l’exercice de ses compétences (p. 96) et son application nourrit d’intenses débats doctrinaux qui révèlent son caractère encore en partie indéterminé (p. 99).

8Ensuite, du point de vue de ses normes, le droit constitutionnel de l’environnement apparaît largement tributaire de l’indétermination de ses principes. L’effectivité des règles du constitutionnalisme environnemental suscite de nombreux débats. Chacune des contributions met en exergue la relativité de la contrainte juridique abritée par ces nouveaux droits ou principes. En France, bien que la Charte de l’environnement se présente comme un texte « assez substantiel, important, structuré et complet » (p. 74), l’auteur relève son « ineffectivité ou pour le moins l’effectivité relative[ment] faible » de ses normes (p. 85). En Suisse, poussée par l’action de l’Association des Aînées pour la protection du climat, « la portée normative des principes constitutionnels qui animent le droit [constitutionnel] de l’environnement est en phase de développement » (p.), mais cette évolution trébuche sur la difficulté de donner « un contenu suffisamment précis aux obligations positives de l’État qui en découleraient ou de devoir reconnaître des effets horizontaux à un tel droit dans un système où la portée des droits fondamentaux est essentiellement verticale » (p. 118).

9Finalement, la définition du constitutionnalisme environnemental semble fortement tributaire des juges chargés de l’application du droit constitutionnel de l’environnement. La recension des nombreux cas difficiles évoqués par l’ensemble des contributeurs en témoigne. Elle illustre le rôle central des juridictions dans l’effectivité des principes du droit constitutionnel de l’environnement. D’un côté, l’analyse de la jurisprudence de la Cour suprême indienne illustre combien l’accès à la justice a été moteur d’une plus grande effectivité des normes du constitutionnalisme environnemental (p. 138). D’un autre, dans le cas brésilien, la reprise en main par le politique des conditions de protection des animaux trahit la précarité de l’équilibre construit par le Tribunal Suprême Fédéral entre la protection constitutionnelle de l’animal et l’exercice des droits culturels (p. 153).

10Ces analyses croisées de l’impact du constitutionnalisme environnemental agissent comme autant de révélateurs des incertitudes qui le frappent encore. Le constitutionnalisme libéral s’est construit en vue de justifier la fin de l’absolutisme étatique. Il s’agissait de fonder le pouvoir de l’État et ses limites dans la reconnaissance de l’autonomie de l’individu s’incarnant dans un ensemble de principes, de droits et de libertés [13]. Si le constitutionnalisme environnemental cherche son lit dans ces mêmes techniques, il prétend aussi encadrer voire supprimer l’absolutisme des Hommes sur la Nature. L’analyse des impacts du constitutionnalisme environnemental sur les systèmes juridiques illustre la stabilisation du versant normatif du constitutionnalisme vert dans un socle de principes constitutionnels largement répandus dans les constitutions. En revanche, leur régime de protection et leur articulation avec les autres principes du constitutionnalisme libéral signent les incertitudes qui frappent encore les relations entre le constitutionnalisme environnemental et le constitutionnalisme libéral.

11Marine FLEURY

12Maîtresse de conférences en droit public

13Université de Picardie Jules Verne - CURAPP

14Chercheuse associée à l’ISJPS (UMR 8103) et au ClimaLex (GDR 2032)

Revue marocaine de l’environnement, premier numéro, juillet-décembre 2019, Imprimerie El Maârif Al Jadida, Rabat, mars 2020, 312 pages

15En renfort bienvenu aux périodiques académiques consacrés à l’environnement, la Revue marocaine de l’environnement (RME) vient de voir le jour, à l’orée de cette année 2020 d’importance topique pour l’éco-calendrier mondial.

16Publication semestrielle bilingue – en arabe et en français –, la RME se veut polyvalente et plurielle, au carrefour de toutes les disciplines et ouverte à tous les acteurs, dans le dessein d’embrasser tous les champs de la connaissance et de l’expertise environnementales, au niveau national comme à l’échelle internationale.

17Cette ambition d’inclusion et de synergie transdisciplinaire affichée par la RME est clairement perceptible dans son premier numéro. Sur la vingtaine d’articles qu’il recueille, écrits à peu près paritairement dans les deux langues, un quart portent sur des questions d’envergure mondiale, les autres étant axés sur des sujets de portée nationale. Les thématiques abordées relèvent, du reste, aussi bien de l’urbanisme, de l’écologie ou de l’hydrologie, que de l’économie, du droit, des sciences politiques ou des sciences de l’éducation. Cependant, les études juridiques prédominent largement, occupant environ les deux tiers du volume.

18La teneur éminemment juridique de ce numéro inaugural la RME n’est assurément pas étrangère à la spécialisation et au militantisme de son fondateur, M. Samih Hamdaoui, professeur de droit de l’environnement à l’Université Mohamed V de Rabat, qui s’est considérablement investi en vue de son épanouissement au Maroc.

19La RME paraît ainsi encline à réserver au droit de l’environnement une place de choix. Une telle ligne éditoriale, si elle est confirmée, permettrait à la RME de servir de tremplin à des avancées continues du droit de l’environnement, tout en essayant de conjurer d’éventuelles régressions. Elle contribuerait ainsi, au final, à la jouissance du droit à environnement sain, constitutionnellement garanti au Maroc depuis 2011.

20Quoi qu’il en soit, l’heureux avènement de la RME est à saluer chaleureusement. Bon vent dans ses voiles pour une navigation persévérante et durable, en faveur de la protection et de la valorisation de l’environnement dans les sphères nationale, régionale et universelle.

21Mohamed Ali MEKOUAR

22Associé au CRIDEAU


Date de mise en ligne : 14/10/2020

Notes

  • [1]
    L’ouvrage se présente comme les actes du colloque du même nom organisé à l’Université de Lorraine, à Nancy, le 27 septembre 2017.
  • [2]
    J. R. May et E. Daly, « Six tendances dans le constitutionnalisme environnemental mondial », p. 45-66.
  • [3]
    M.-A. Cohendet, « La Charte de l’environnement comme modèle du constitutionnalisme environnemental ? », p. 67-90.
  • [4]
    A. Proelfs, « "Le droit constitutionnel de l’environnement" en Allemagne : nature juridique, domaine d’application et contenu du principe de protection environnementale », p. 91-106.
  • [5]
    A.-C. Favre, « La protection environnementale en droit constitutionnel suisse », p. 107-124.
  • [6]
    G. Nain Gill, « Le constitutionnalisme en Inde : reconnaissance et mise en œuvre judiciaire », p. 125- 144.
  • [7]
    L. Albuquerque, « Le droit constitutionnel de l’environnement et la protection de l’animal : le Brésil en voie de régression », p. 145-159.
  • [8]
    S. Jolivet « Le constitutionnalisme environnemental du droit administratif français : progrès et limites », p. 163-180.
  • [9]
    O. Cachard, « L’État actionnaire et le principe constitutionnel de précaution », p. 181-194.
  • [10]
    S. Fery, « Qu’est-ce que l’économiste peut apporter à l’interprétation de la Charte de l’environnement ? L’exemple de l’article 4 et des dommages causés à l’environnement », p. 195-210.
  • [11]
    S. Kaufmann, « Constitutionnalisme environnemental et droit de l’Union européenne », p. 211-228.
  • [12]
    J. Sohnle, « Le constitutionnalisme environnemental–une notion multidimensionnelle », p. 23-42 ; « Conclusions générales », p. 229-239.
  • [13]
    M. Troper, « Le concept de constitutionnalisme et la théorie moderne du droit », in Pour une théorie juridique de l’État, 1994, chapitre XIII, p. 199 à 221.

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