Couverture de RJE_203

Article de revue

Thèses de droit de l’environnement

Pages 629 à 632

Notes

  • [1]
    En mai 2020, elle ne comptait que 14 ratifications, alors que son entrée en vigueur requiert l’adhésion des 2/3 des États membres de l’UA.
  • [2]
    L’Agenda 2063 s’articule autour de sept aspirations, exprimées en 20 objectifs assortis de 66 indicateurs. L’aspiration 5 est celle d’une Afrique « dotée d’une forte identité culturelle ». Son objectif est de réaliser une « renaissance africaine en pleine apogée », par le truchement d’une stratégie panafricaine valorisant la culture, l’héritage, l’identité et le destin communs du continent. À noter que la thèse n’évoque l’Agenda 2063 que rapidement, surtout à propos de sa dimension relative au libre-échange et au commerce intra-africain.

Guy Marcel NONO, L’effectivité des normes du développement durable dans le processus d’intégration en Afrique, sous la direction de Charles-Emmanuel CÔTÉ et Emmanuel KAM YOGO, Université de Laval, Québec, 2019, xviii+564 pages

1Cette thèse offre une lecture optimiste des perspectives d’intégration africaine grâce à une mise en œuvre effective des normes du développement durable (DD), sous la houlette de l’Union africaine (UA). Se démarquant des « afro-pessimistes » qui relèguent l’Afrique à une « damnée de la terre », elle soutient que ce continent recèle d’étonnantes réserves d’espoir pour son DD. L’UA ayant sciemment consacré ce concept dans son Acte constitutif, elle s’est résolument engagée dans la voie du DD. Ainsi inscrit dans le traité fondateur de l’organisation panafricaine, le DD est logiquement appelé, estime l’auteur, à innerver le droit régional africain tout entier. Partant de cette prémisse, il entreprend d’étudier l’effectivité des normes africaines de DD au regard des dispositifs juridiques africains conférant un contenu substantiel à cette notion, puis au prisme de leur mise en œuvre à l’échelle régionale. Au préalable, une partie préliminaire est centrée sur la genèse du concept de DD en droit international public, retraçant l’historique de sa construction et de sa transformation, puis scrutant sa cristallisation dans les conventions et la jurisprudence internationales. L’auteur en déduit que, « omniprésent » dans presque tous les instruments internationaux en tant que « métaprincipe », le DD apparaît comme à même de répondre « aux problèmes fondamentaux qui affectent à la fois l’écosystème et le socio-système de notre planète ». Et fort de la consolidation de son assise normative, jurisprudentielle et doctrinale, le droit international du DD devrait être reconnu en tant que discipline juridique distincte.

2Tout en revisitant l’acception classique de la notion de DD, l’auteur se rallie à la vision canonique des trois piliers – économique, social et environnemental – qui le sous-tendent, n’étant guère convaincu de la pertinence de leur adjoindre la culture comme pilier autonome. À ses yeux, un quatrième pilier culturel du DD serait prématuré dans la mesure où l’UA n’a pas œuvré à son émergence et n’y serait donc pas favorable, préférant traiter les questions culturelles par le biais du pilier social, lequel renvoie à la protection des droits de l’Homme, y compris le droit à la culture. Preuve en est, selon lui, que la Charte de la renaissance culturelle africaine de 2006 n’est toujours entrée en vigueur faute de ratifications suffisantes [1]. Toutefois, n’est-ce pas là oublier que la culture représente précisément l’un des axes cardinaux de l’Agenda 2063, adopté en 2015 par l’UA elle-même en tant que cadre stratégique pour le DD à long terme du continent [2] ?

3Après cet essai louable de conceptualisation du DD, la première partie de la thèse se penche sur la transposition des standards internationaux du DD dans le droit positif régional africain. Les sources et les caractéristiques de ce dernier sont d’abord dégagées, dans la mesure où il constitue le cadre d’élaboration des instruments régionaux africains relatifs au DD, et donc celui où naissent les normes et les obligations y afférentes vis-à-vis des États membres de l’UA. Ensuite, l’analyse proprement dite des traités africains pertinents révèle qu’ils comportent de multiples références au DD. Opérées de manière explicite ou implicite, elles y occupent une place « centrale » suivant l’auteur, ce qui atteste « l’ancrage positif de ce concept dans l’ordre juridique régional africain ». C’est dire que, d’après lui, les conditions de l’effectivité du DD, telles que prescrites par les standards internationaux, « ont connu une réception favorable » par leur transposition dans des instruments juridiquement contraignants de l’UA. Désormais, la notion de DD « fait partie du droit régional africain en tant qu’obligation de moyens », l’UA ayant créé des normes reflétant ses piliers économique, social et environnemental dans l’ordre juridique africain.

4Néanmoins, les conventions africaines n’affirment pas systématiquement l’interdépendance des trois piliers du DD. L’accent mis sur la codification de certains objectifs primordiaux conduit parfois à occulter le pilier environnemental. Mais la priorisation des dimensions économique et sociale, compréhensible dans le contexte africain, ne fait pas l’impasse sur l’environnement, en ce sens que le souci de cohérence et d’équilibre entre les trois piliers permet de les concilier en assurant leur articulation. Par exemple, la libéralisation du commerce intra-africain, le droit au développement et la résolution des conflits civils, domaines d’action privilégiés de l’UA, sont étroitement liés aux trois piliers, lesquels sont ainsi pareillement pris en considération. De sorte que la démarche africaine englobe en pratique les trois piliers, apparaissant au final en ligne avec les standards internationaux du DD. Dès lors, l’auteur n’hésite pas à affirmer que « les Africains se sont appropriés le concept de développement durable et qu’ils contribuent à l’enrichissement de sa compréhension ».

5Après avoir illustré l’insertion du DD dans le droit conventionnel africain, l’auteur s’attèle, dans la deuxième partie de la thèse, à appréhender la mise en œuvre régionale des normes africaines de DD au miroir des standards internationaux. À cette fin, il examine tour à tour les mécanismes de contrôle contentieux et non-contentieux de ces normes, puis les mécanismes de sanction de leur inexécution. Il ressort de cette analyse que, malgré les carences tenant notamment à la non-soumission des rapports nationaux, les mécanismes institués pour contrôler l’application des normes africaines de DD sont conformes aux standards internationaux, les rendant en général justiciables. Le contrôle contentieux permet la mise en œuvre de la responsabilité de l’État pour violation de ses obligations liées au DD, témoignant d’une contribution originale de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples à la justiciabilité du droit au développement, et dénotant également des progrès au regard de l’effectivité des piliers économique et social dans l’optique de la protection de l’environnement. Cependant, la Cour de justice de l’UA n’étant pas opérationnelle, le recours contentieux auprès d’elle reste ineffectif, d’autant plus qu’il n’est pas ouvert aux personnes privées. L’auteur déplore par ailleurs que le pouvoir d’appliquer les sanctions demeure entre les mains de la Conférence des chefs d’État de l’UA, ce qui paralyse souvent leur concrétisation. C’est pourquoi il préconise l’institution d’un « exequatur régional » qui permettrait de rendre directement exécutoires, par les juridictions nationales, les recommandations et les décisions émanant de la Commission et de la Cour africaines des droits de l’homme et des peuples.

6Du point de vue méthodologique, pour jauger la conformité des normes africaines de DD aux standards internationaux, l’auteur a opté pour une approche fondée uniquement sur la théorie analytique du droit, sans chercher à confronter la règle de droit avec la réalité sociale des États africains. Ce faisant, il n’ignore pas que sa démarche est « en rupture avec la sociologie du droit qui soutient que l’effectivité d’une norme se mesure à l’aune de son degré de réalisation sociale ». Pour autant, il considère que la positivité des normes régionales africaines de DD, combinée à l’existence de mécanismes effectifs de contrôle et de sanction de leur mise en œuvre, en harmonie avec les standards internationaux, peuvent garantir l’effectivité du DD en vue de l’intégration africaine. En catalysant ces efforts, l’UA a su apprivoiser le concept de DD, l’interpréter en fonction de ses priorités et le mettre au service de l’unité africaine.

7Mohamed Ali MEKOUAR

8Associé au CRIDEAU

Pantelina EMMANOUILIDOU, L’île nouvel objet juridique : vers un statut écologique particulier pour les îles de la Méditerranée, sous la direction de Gérard MONÉDIAIRE, Université de Limoges, 2018

9Le présent travail repose sur l’hypothèse que les îles sont des territoires où les tensions entre protection de l’environnement et développement économique se manifestent de manière exacerbée. D’une part, la conservation de l’écologie insulaire, très vulnérable, nécessite des mesures de protection stricte de la nature. D’autre part, la demande croissante de développement dans les îles où l’espace disponible est limité, alimente les conflits territoriaux. Le droit est appelé à réguler ces conflits, c’est pourquoi l’auteure interroge l’adéquation des normes pour ce faire. Dans ce cadre, la question notamment posée est de savoir si les particularités des îles, ou « l’insularité », sont suffisamment intégrées dans la loi pour faire face à ces conflits.

10Le champ de l’étude est l’espace insulaire méditerranéen, qui est examiné en adoptant une approche comparative et territorialisée du droit. Tout d’abord, sont examinées les normes du droit international et méditerranéen de l’environnement, comme cadre applicable à toutes les îles de l’étude. En droit international, les normes sur la délimitation maritime attribuent aux îles un intérêt géopolitique important, alors que leurs caractéristiques écologiques en font des épicentres de la biodiversité mondiale. Au sein de l’Union européenne, les îles bénéficient d’une politique spéciale, qui met l’accent sur les aspects socio-économiques de l’insularité.

11Ces éléments des droits international et supra-national compliquent la gestion des conflits au niveau local. Pour observer ces difficultés, l’auteure analyse, dans la seconde partie, la prise en compte de l’insularité dans les pays concernés, en examinant les droits et politiques publiques au niveau national. Plusieurs études de cas illustrent, d’une part, l’insuffisance des normes juridiques actuelles pour la gestion des conflits sur les îles et, d’autre part, l’existence d’un corpus thématique nécessitant un traitement particulier sur les îles (gestion des déchets, de l’eau, du littoral).

12La conclusion inclut des recommandations pour une meilleure prise en compte de l’insularité dans tous les ordres juridiques, en faisant apparaître les bases théoriques d’un futur et souhaitable « droit environnemental des îles ».


Date de mise en ligne : 14/10/2020

Notes

  • [1]
    En mai 2020, elle ne comptait que 14 ratifications, alors que son entrée en vigueur requiert l’adhésion des 2/3 des États membres de l’UA.
  • [2]
    L’Agenda 2063 s’articule autour de sept aspirations, exprimées en 20 objectifs assortis de 66 indicateurs. L’aspiration 5 est celle d’une Afrique « dotée d’une forte identité culturelle ». Son objectif est de réaliser une « renaissance africaine en pleine apogée », par le truchement d’une stratégie panafricaine valorisant la culture, l’héritage, l’identité et le destin communs du continent. À noter que la thèse n’évoque l’Agenda 2063 que rapidement, surtout à propos de sa dimension relative au libre-échange et au commerce intra-africain.

Domaines

Sciences Humaines et Sociales

Sciences, techniques et médecine

Droit et Administration

bb.footer.alt.logo.cairn

Cairn.info, plateforme de référence pour les publications scientifiques francophones, vise à favoriser la découverte d’une recherche de qualité tout en cultivant l’indépendance et la diversité des acteurs de l’écosystème du savoir.

Retrouvez Cairn.info sur

Avec le soutien de

18.97.14.90

Accès institutions

Rechercher

Toutes les institutions