Notes
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[1]
Cette manière de procéder est classique, voir par exemple CE, 14 juillet 2001, Mme Gaillard, n° 202301, aux Tables.
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[2]
Article R. 331-11 du Code de l’environnement.
-
[3]
CE, 14 novembre 1979, Cruse et autres, n° 7104, aux Tables.
-
[4]
CE, 26 novembre 2010, Société Groupe Pizzorno Environnement et autres, n° 331078, 331079 et 331092, aux Tables. Cette décision reprend la solution qui prévalait pour l’état du droit antérieur à la loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité (29 juillet 1998, Mme Pesson, n° 176992, aux Tables) et, encore auparavant, sous l’empire de la loi du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature (CE, 2 octobre 1981, Société agricole foncière solognote, n° 20835, au Recueil).
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[5]
Les limites de la réserve étaient antérieurement fixées à un mile nautique autour des parties émergées, ce qui en faisait des limites fluctuantes. Les limites sont désormais définies par référence à des coordonnées géographiques.
-
[6]
CE, Section, 13 mars 1970, Mme Benoist d’Anthenay, n° 75820, au Recueil ; CE, 20 février 1987, Compagnie des salins du midi et des salines de l’Est, n° 56407, aux Tables.
-
[7]
Voir les conclusions du président Genevois sur CE, 2 octobre 1981, Société agricole foncière solognote, n° 20835, au Recueil.
-
[8]
CE, 14 novembre 1979, Cruse et autres, n° 7104, aux Tables.
-
[9]
Et ne peut l’être, au sein des zones de protection intégrales, qu’à des fins scientifiques (II de l’article 12).
-
[10]
À l’est, sa limite est constituée par une ligne située à 300 m du trait de côte de la commune de la Teste-de-Buche et, au nord, par un parallèle qui ne conduit pas à empiéter sur le territoire de la commune de Lège-Cap-Ferret.
-
[11]
CE, 19 mars 2003, Fédération départementale des chasseurs de la Charente-Maritime et autres, n° 212029, aux Tables.
-
[12]
Article L. 334-4 du Code de l’environnement. Cette gestion a depuis lors été transférée à l’Office français de la biodiversité.
-
[13]
Voir en particulier CE, Section, 19 décembre 1980, Revillod et autres, n° 12387, au Recueil et CE, Section, 19 décembre 1980, Association pour la protection de la nature de la région de Damgan et autre, n° 17661, au Recueil.
-
[14]
Cela ne découle pas de l’article L. 334-4 du Code de l’environnement, qui dispose que le conseil de gestion du parc « se prononce sur les questions intéressant le parc » car cette disposition, qui détermine un champ de compétence, n’impose pas selon nous que cet organe soit saisi pour avis.
-
[15]
Article 6 du décret n° 2005-491 du 18 mai 2005.
-
[16]
Article L. 219-6-1 du Code de l’environnement.
Zones ne revêtant pas elles-mêmes une importance écologique ou scientifique particulière mais qui contribuent directement à la sauvegarde de parties du territoire protégées à ce titre.
Note introductive sur Conseil d’État, 3 juin 2020, n° 414018, Association des amis du banc d’Arguin du bassin d’Arcachon : Le joyau et l’écrin, théorie étayée bel et bien
1Cette théorie, issue du contentieux de la légalité relatif à la loi mythique sur les sites et monuments naturels (loi du 2 mai 1930, JO 4 mai 1930), vise à étendre la protection au-delà du noyau (joyau) pour englober des parcelles alentour (écrin). En effet, lors de l’appréciation de l’intérêt général reconnu au point de vue artistique, historique, scientifique, légendaire ou pittoresque, le juge administratif admet parfois l’inscription à l’inventaire des parcelles contribuant à la sauvegarde des sites (CE, 13 mars 1970, Ministre d’État chargé des affaires culturelles c/ Dame Benoist d’Anthenay, Lebon, p. 182, AJDA 1970, p. 223, note Denoix de Saint-Marc et Labetoulle ; RD pub. 1971, p. 224, note Waline) – assimilant donc au site lui-même des « parcelles qui contribuent à leur sauvegarde ». C’est là une acclimatation du droit très singulière qui s’est étendue au régime juridique du classement (CE 10 octobre 1973, SCI L’Ajaccienne et SCI du 27-29, rue Molitor, Dr. adm. 1973, n° 324), et qui consacre une conception patrimoniale fondée sur la science en ses éléments constitutifs (É. Naim-Gesbert, Les dimensions scientifiques du droit de l’environnement. Contribution à l’étude des rapports de la science et du droit, Bruylant et VUBPress, 1999, p. 156-171). Cette mise en œuvre dilatée du principe de prévention, juridiquement conditionnée (si « la nature du site le justifie »), aussi nommée de la perle et de l’écrin selon les mots du président Rougevin-Baville dans ses conclusions, permet ainsi de protéger plus efficacement les sites ; tel est le cas d’un massif rocheux composé de 8 000 hectares de garrigues méditerranéennes et de vignes et qui, malgré le morcellement des propriétés, forme une « unité paysagère » (CE ass. 2 mai 1975, Dame Ébri et Union syndicale de défense des propriétaires du massif de la Clape, Lebon, p. 280, concl. Guillaume, AJDA 1975, p. 311 ; Dr. adm. 1975, n° 220).
2Et, comme en l’espèce, sa transposition au droit de la réserve naturelle paraît pure logique puisque ces deux législations sont sœurs (cf. concl. B. Genevoix sous CE, 2 octobre 1981, req. n° 20835, Sté agric. Foncière solognote et Compagnie des sablières de la Seine), et véritablement consanguines dans leur écriture. Grâce à cette interprétation jurisprudentielle extensive est née la notion de site étendu. Signe de l’acclimatation du droit, cette théorie du joyau et de l’écrin a pris ainsi, pas à pas, une allure scientifique englobante (cf. notre manuel-essai Droit général de l’environnement. Introduction au droit de l’environnement, LexisNexis, 3e édition, 2019, §384), à tel point qu’elle est devenue aujourd’hui une méthode du cœur et de l’écorce, forme écologiquement ajustée de la territorialisation du droit de l’environnement (cf. nos observations in Les grands arrêts du droit de l’environnement, Ph. Billet et É. Naim-Gesbert (dir.), Dalloz, 2017, p. 275-281).
3Ce qu’étaye bel et bien le cas d’espèce à propos de l’inclusion de zones qui, ne revêtant pas elles-mêmes une importance écologique ou scientifique particulière, contribuent directement à la sauvegarde de la réserve naturelle du banc d’Arguin en ce qu’elles « constituent, d’un point de vue écologique, une extension nécessaire ou qu’elles jouent un rôle de transition entre la zone la plus riche en biodiversité et le reste du territoire » (voir le point 15 de l’arrêt en particulier sur la justification scientifique, ainsi que les points 17 à 20).
4Et ce que confirment les conclusions en une phrase essentielle : « Nous pensons que, au regard de ces enseignements de l’écologie, vous pourriez actualiser et préciser cette jurisprudence cinquantenaire ».
5Laissons donc place à l’explicite arrêt de la Haute juridiction et aux éclairantes conclusions du rapporteur public Olivier Fuchs.
6Éric NAIM-GESBERT
Conseil d’État, 6ème et 5ème chambres réunies, 3 juin 2020, n° 414018, Association des amis du banc d’Arguin du bassin d’Arcachon
7« (…) En ce qui concerne la légalité externe du décret attaqué :
83. En premier lieu, aux termes de l’article R. 332-14 du code de l’environnement : « L’extension du périmètre ou la modification de la réglementation d’une réserve naturelle nationale, son déclassement partiel ou total font l’objet des mêmes modalités d’enquête et de consultation et des mêmes mesures de publicité que celles qui régissent les décisions de classement. / L’extension du périmètre ou la modification de la réglementation est prononcée par décret. Elle est prononcée par décret en Conseil d’État en cas de désaccord d’un ou plusieurs propriétaires ou titulaires de droits réels. (…) ». Aux termes de l’article L. 2111-4 du code général de la propriété des personnes publiques : « Le domaine public maritime naturel de l’État comprend : / 1° Le sol et le sous-sol de la mer entre la limite extérieure de la mer territoriale et, côté terre, le rivage de la mer. / Le rivage de la mer est constitué par tout ce qu’elle couvre et découvre jusqu’où les plus hautes mers peuvent s’étendre en l’absence de perturbations météorologiques exceptionnelles ; (…) ».
94. Il ressort des pièces du dossier que la réserve naturelle du banc d’Arguin est située au large de la côte dans la mer territoriale. Elle fait ainsi partie du domaine public maritime de l’État en vertu de l’article L. 2111-4 du code général de la propriété des personnes publiques précité. La commune de La-Teste-de-Buch n’est par suite ni propriétaire ni titulaire de droits réels dans cette réserve, Il en résulte que son opposition à l’extension de la réserve n’impliquait pas l’intervention d’un décret en Conseil d’État sur le fondement des dispositions précitées de l’article R. 332-14 du code de l’environnement.
105. En deuxième lieu, d’une part, il ressort des pièces du dossier que le syndicat intercommunal du bassin d’Arcachon a été consulté par le préfet de la Gironde sur le projet de décret. Par suite, le moyen tiré de ce que ce syndicat n’aurait pas été consulté manque en fait. D’autre part, il ressort également des pièces du dossier que l’agence des aires marines protégées, qui assurait, à la date des consultations préalables, la gestion provisoire du parc naturel marin du bassin d’Arcachon en attendant la mise en place du conseil de gestion de ce parc, a été consultée. Dans ces conditions, et alors même que les organes de gestion du parc naturel marin du bassin d’Arcachon ont été installés postérieurement à ces consultations mais avant l’entrée en vigueur du décret attaqué, le moyen tiré de ce que ce parc n’aurait pas été consulté, contrairement à ce que prévoit l’article L. 334-4 du code de l’environnement, doit être écarté.
116. En troisième lieu, en vertu de l’article R. 332-2 du code de l’environnement, dans sa rédaction alors applicable, le préfet consulte, lorsque le projet de réserve comporte une partie maritime, « (…) en zone maritime, le conseil maritime de façade ou ultramarin (…) ». Ces dispositions sont issues du décret du 27 février 2017 portant diverses dispositions relatives aux parcs nationaux et aux réserves naturelles et sont entrées en vigueur le 1er mars 2017, lendemain de sa publication au Journal officiel de la République française. Selon l’article L. 219-6-1 du même code, « Il est créé pour chaque façade maritime métropolitaine un conseil pour l’utilisation, l’aménagement, la protection et la mise en valeur des littoraux et de la mer, dénommé conseil maritime de façade. Ce conseil est composé de représentants de l’État, des collectivités territoriales, de leurs établissements publics, des ports décentralisés, des professionnels du littoral et de la mer, de la société civile et des associations de protection de l’environnement (…) / Le conseil maritime de façade émet des recommandations sur tous les sujets relevant de sa compétence et notamment sur la cohérence de l’affectation des espaces en mer et sur le littoral. Sans préjudice de l’article L. 923-1-1 du code rural et de la pêche maritime, il identifie les secteurs naturels à protéger en raison de la richesse de la faune et de la flore, les secteurs propices au développement des activités économiques, y compris l’aquaculture, et les secteurs pouvant faire l’objet d’une affectation future. (…) ».
127. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d’une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n’est de nature à entacher d’illégalité la décision prise que s’il ressort des pièces du dossier qu’il a été susceptible d’exercer, en l’espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu’il a privé les intéressés d’une garantie. L’application de ce principe n’est pas exclue en cas d’omission d’une procédure obligatoire, à condition qu’une telle omission n’ait pas pour effet d’affecter la compétence de l’auteur de l’acte.
138. Il ressort des pièces du dossier que la phase des consultations préalables obligatoires s’est achevée au mois de juin 2016 et que le conseil maritime de façade sud atlantique, dont la consultation n’est devenue obligatoire qu’à compter du 1er mars 2017 ainsi qu’il est dit au point 6, n’a pas été consulté par le préfet de la Gironde sur le projet de décret attaqué. Cette consultation, prévue par les dispositions précitées de l’article R. 332-2 du code de l’environnement, ne constitue toutefois pas une garantie, et son omission n’a pas eu pour effet d’affecter la compétence de l’auteur du décret attaqué. Il y a cependant lieu de vérifier si, dans les circonstances de l’espèce, l’absence de consultation du conseil maritime de façade sud atlantique a été susceptible d’exercer une influence sur le sens de la décision prise.
149. À cet égard, il ressort des pièces du dossier qu’ont été consultés, au titre des administrations, le préfet maritime, le commandant de la zone maritime atlantique, le directeur interrégional de la mer sud Atlantique, le chef d’état-major du soutien de la défense de Bordeaux, la directrice régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement, le directeur régional de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale, la déléguée régionale du conservatoire du littoral et le directeur de l’Agence des aires maritimes protégées, ainsi que, au titre des collectivités territoriales, le président du conseil régional, le président du conseil général, le président de la communauté d’agglomération du bassin d’Arcachon nord, le président du syndicat intercommunal du bassin d’Arcachon, le président du syndicat mixte de la dune du Pilat, le maire de la Teste-de-Buch et le maire de Lège-Cap Ferret. Il ressort également des pièces du dossier que des membres de la société civile, des professionnels du littoral de la mer et des associations de protection de l’environnement ont participé effectivement à l’enquête publique et fait valoir leurs avis sur le projet de décret. Par suite, dans les circonstances particulières de l’espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier que le défaut de consultation préalable du conseil maritime de façade sud atlantique ait pu exercer une influence sur les dispositions du décret attaqué. Le moyen tiré de l’irrégularité du décret attaqué faute de sa consultation préalable doit, en conséquence, être écarté.
1510. En quatrième lieu, le décret attaqué ne modifiant pas les limites territoriales maritimes entre les communes de Lège-Cap-Ferret et de La-Teste-de-Buch, le moyen tiré de l’irrégularité de la consultation préalable de la commune de Lège-Cap-Ferret, faute pour elle d’avoir été informée de ce que le décret attaqué modifierait, à l’intérieur du périmètre de la réserve nationale, les limites de son territoire maritime est inopérant.
16En ce qui concerne la légalité interne du décret attaqué :
17S’agissant de la légalité du décret dans son entier :
1811. Aux termes de l’article L. 332-1 du code de l’environnement : « I. - Des parties du territoire terrestre ou maritime d’une ou de plusieurs communes peuvent être classées en réserve naturelle lorsque la conservation de la faune, de la flore, du sol, des eaux, des gisements de minéraux et de fossiles et, en général, du milieu naturel présente une importance particulière ou qu’il convient de les soustraire à toute intervention artificielle susceptible de les dégrader. / II. - Sont prises en considération à ce titre : / 1° La préservation d’espèces animales ou végétales et d’habitats en voie de disparition sur tout ou partie du territoire national ou présentant des qualités remarquables ; / 2° La reconstitution de populations animales ou végétales ou de leurs habitats ; / 3° La conservation des jardins botaniques et arboretums constituant des réserves d’espèces végétales en voie de disparition, rares ou remarquables ; / 4° La préservation de biotopes et de formations géologiques, géomorphologiques ou spéléologiques remarquables ; / 5° La préservation ou la constitution d’étapes sur les grandes voies de migration de la faune sauvage (…) ». Aux termes de l’article L. 332-3 du même code : « I. - L’acte de classement d’une réserve naturelle nationale peut soumettre à un régime particulier et, le cas échéant, interdire à l’intérieur de la réserve toute action susceptible de nuire au développement naturel de la faune et de la flore, au patrimoine géologique et, plus généralement, d’altérer le caractère de ladite réserve. Peuvent notamment être réglementées ou interdits, notamment la chasse, la pêche, les activités agricoles, forestières, pastorales, industrielles, commerciales, sportives et touristiques, l’exécution de travaux publics ou privés, l’utilisation des eaux, la circulation ou le stationnement des personnes, des véhicules et des animaux. (…) / II. - L’acte de classement tient compte de l’intérêt du maintien des activités traditionnelles existantes dans la mesure où elles sont compatibles avec les intérêts définis à l’article L. 332-1. ».
1912. En vertu de ces dispositions, peuvent être classées en réserve naturelle nationale les parties du territoire au sein desquelles la conservation des espèces et du milieu naturel revêt une importance écologique ou scientifique particulière ou qu’il convient de soustraire à toute intervention artificielle susceptible de les dégrader, ainsi que les zones qui contribuent directement à la sauvegarde de ces parties du territoire, en particulier lorsqu’elles en constituent, d’un point de vue écologique, une extension nécessaire ou qu’elles jouent un rôle de transition entre la zone la plus riche en biodiversité et le reste du territoire.
2013. En premier lieu, aucune disposition législative ou réglementaire n’interdit, contrairement à ce que soutient la requérante, de faire coïncider le périmètre d’une réserve naturelle avec celui d’une zone Natura 2000.
2114. En deuxième lieu, si le décret attaqué crée, au sein de la réserve naturelle, des zones de protection renforcée, une telle possibilité est prévue par l’article L. 332-3 du code de l’environnement précité, qui permet de soumettre à un régime particulier, voire d’interdire à l’intérieur de la réserve toute action susceptible de nuire au développement naturel de la faune et de la flore.
2215. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier, d’une part, que la réserve naturelle du banc d’Arguin, telle que définie par le décret attaqué, est un secteur privilégié pour de nombreuses espèces d’avifaune qui y vivent et s’y reproduisent, revêt une importance nationale pour la conservation du gravelot à collier interrompu, de l’huîtrier pie et de la sterne caugek, classés comme espèces vulnérables, qu’elle est l’une des principales voies de migration de l’avifaune européenne et d’autre part, que les dérangements humains, qui peuvent être importants notamment en été du fait d’activités touristiques et de loisirs, provoquent des réactions d’envol intempestives et un abandon des nids, perturbent le processus de reproduction et sont à l’origine directe de la dégradation des conditions de vie de ces espèces et de leur diminution, en particulier pour la sterne caugek. Il ressort également des pièces du dossier que la majeure partie de l’extension des limites de la réserve naturelle par le décret attaqué concerne des zones marines où les oiseaux viennent en nombre pour stationner ou s’alimenter, et que l’établissement, par ce texte, de limites fixes et non fluctuantes en fonction des déplacements des bancs de sable permet une application plus efficace de la réglementation. Il ressort également des pièces du dossier que le banc du Toulinguet, qui faisait partie de la réserve naturelle du banc d’Arguin en application de l’article 6 du décret du 9 janvier 1986 portant création de cette réserve naturelle, est une zone de nidification, en particulier pour l’huîtrier pie. Il résulte de l’ensemble de ces éléments que le décret attaqué ne méconnait pas l’article L. 332-1 du code de l’environnement et n’est pas entaché, dans la définition de son périmètre, d’une erreur d’appréciation.
2316. En quatrième et dernier lieu, le moyen tiré de ce que l’extension, par le décret attaqué, de la surface de la réserve nationale aurait pour effet de remettre en cause la souveraineté du parc naturel marin du bassin d’Arcachon n’est pas, en tout état de cause, assorti des précisions permettant d’en apprécier le bien-fondé.
24S’agissant de la légalité des articles 6, 7, 12, 17 et 19 du décret attaqué :
2517. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier, d’une part, qu’avant l’entrée en vigueur du décret attaqué, la surface de la zone de protection intégrale de la réserve naturelle était de cent quatre-vingts hectares et, d’autre part, que l’augmentation de la fréquentation humaine dans le périmètre de la réserve naturelle et ses effets sur l’avifaune nécessitent un accroissement de la surface des zones de protection intégrale afin de renforcer la quiétude de celle-ci, en particulier des sternes caugek, en lui garantissant une zone exempte de toute activité humaine pour s’alimenter, se reproduire et nicher. Par suite, les moyens tirés de ce que l’article 6 du décret attaqué méconnaitrait les dispositions de l’article L. 332-3 du code de l’environnement et serait entaché d’une erreur d’appréciation, en tant qu’il fixe à cent hectares la surface minimale de la zone de protection intégrale au sein de la réserve nationale, ne peuvent qu’être rejetés.
2618. En deuxième lieu, l’association requérante soutient que les articles 7 et 12 du décret attaqué, qui interdisent la pêche dans tout le périmètre de la réserve naturelle, méconnaissent les dispositions de l’article L. 332-3 du code de l’environnement et sont entachés d’une erreur d’appréciation en ce qu’il ne serait pas établi que cette activité est susceptible de nuire au patrimoine géologique ou écologique et au développement de la faune ou de la flore, et en ce qu’aucune mesure transitoire n’a été instituée alors que des professionnels de la pêche exercent leur activité sur le territoire de la réserve. Toutefois, les articles 7 et 12 du décret attaqué n’édictent une interdiction totale de la pêche que dans les zones de protection intégrale et soumettent, en dehors de ces zones, cette activité à autorisation préfectorale. Le préfet de la région Nouvelle-Aquitaine a d’ailleurs, par arrêtés des 4 août 2017 et 6 avril 2018, autorisé à certaines conditions la pêche dans la réserve naturelle à l’exclusion des zones de protection intégrale. Enfin, il ressort également des pièces du dossier, notamment du rapport d’enquête publique que, contrairement à ce qui est soutenu, la pêche, qu’il s’agisse de la pêche à pied, embarquée, en filet ou à la ligne, a un impact direct et certain sur la flore, la faune et l’avifaune. Par suite, les moyens dirigés contre les articles 7 et 12 du décret attaqué doivent être écarté.
2719. En troisième lieu, l’association requérante soutient que l’article 17 du décret attaqué, qui interdit, du coucher au lever du soleil, le stationnement ou la circulation des personnes de quelque manière que ce soit, y compris à pied sur l’estran et les terres émergées, méconnaît les dispositions de l’article L. 332-3 du code de l’environnement ou est entaché d’une erreur d’appréciation, en ce qu’il interdit la pratique nocturne de la pêche à la ligne dans les vagues, pratiquée depuis les rochers, les plages ou les digues, alors que cette pratique serait sans danger pour la faune aviaire dès lors que les pêcheurs ne peuvent prélever que des poissons dont la taille est supérieure à celle des poissons dont les oiseaux se nourrissent. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que cette interdiction est justifiée non pas, comme il est soutenu, par les prélèvements piscicoles des pêcheurs mais par les effets de la présence humaine sur les espaces émergés qui, ainsi qu’il a été dit précédemment, perturbe l’avifaune. Par suite, le moyen tiré de l’illégalité de l’article 17 du décret attaqué doit être écarté.
2820. En quatrième lieu, l’association requérante soutient que l’interdiction et la limitation du mouillage des navires auxquelles procède l’article 19 du décret attaqué sont contraires aux objectifs recherchés par les dispositions de l’article L. 332-3 du code de l’environnement, sont entachées d’une erreur d’appréciation, constituent une discrimination en faveur des plaisanciers les plus proches de la réserve nationale et ont des conséquences disproportionnées sur l’activité touristique. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que l’interdiction du mouillage la nuit et la limitation du mouillage le jour sont justifiées en raison des effets précédemment évoqués de la présence humaine sur l’avifaune, qui imposent d’assurer sa quiétude nocturne dans l’ensemble de la réserve, dès lors que ces espèces s’y reposent ou s’y reproduisent en tout point, et sa quiétude diurne dans certains espaces des zones de protection renforcée. Ensuite, cette interdiction et cette limitation du mouillage concernent l’ensemble des plaisanciers nautiques, quelle que soit la proximité de leur lieu de mouillage avec le périmètre de la réserve nationale. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que ces mesures portent une atteinte disproportionnée à l’activité économique de la région. Par suite, les moyens soulevés à l’encontre de l’article 19 du décret attaqué doivent être rejeté.
2921. Il résulte de tout ce qui précède que l’association requérante n’est pas fondée à demander l’annulation du décret attaqué. Ses conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu’être rejetées.
30Décide
31Article 1er : L’intervention de l’association Coordination Environnement du bassin d’Arcachon n’est pas admise.
32Article 2 : La requête de l’association Amis du banc d’Arguin du bassin d’Arcachon est rejetée.
33Article 3 : La présente décision sera notifiée à l’association Coordination Environnement du bassin d’Arcachon, à l’association Amis du banc d’Arguin du bassin d’Arcachon, au Premier ministre et à la ministre de la transition écologique et solidaire.
Conclusions
34« Sur la dune de l’océan, rien ne donne l’époque ; on se croirait aux premiers âges du monde ». Le bassin d’Arcachon, un siècle après ces mots de Jean Cocteau, présente encore de nombreux et appréciables charmes, mais son caractère sauvage et reculé s’est émoussé. La pression des activités anthropiques a rendu nécessaire la protection de certains sites et c’est ainsi qu’a été créée, par arrêté du 9 novembre 1972, la réserve naturelle du banc d’Arguin. Le banc d’Arguin est composé de vastes bancs de sable situés à l’entrée du bassin, qui se déplacent et dont les archipels émergés constituent, notamment, un lieu de nidification d’espèces protégées.
35La réglementation de la réserve a été modifiée par un décret du 9 janvier 1986, mais les activités économiques, principalement ostréicoles et de tourisme, ont continué à se développer. Afin de trouver un nouvel équilibre avec la préservation des biotopes, le plan de gestion de la réserve naturelle adopté en 2005 a prévu une refonte de la réglementation applicable. Celle-ci est intervenue avec le décret du 10 mai 2017 qui porte extension de la réserve, qui passe d’une superficie de 2 600 à 4 300 hectares, et modifie la réglementation qui y est applicable. Juridiquement, l’article 25 du décret attaqué procède à l’abrogation du décret du 9 janvier 1986 et à un nouveau classement en réserve naturelle nationale [1].
36Ce décret est attaqué devant vous par l’association des amis du banc d’Arguin du bassin d’Arcachon, qui en demande l’annulation. Celle-ci a intérêt à agir puisqu’aux termes de ses statuts, elle rassemble des usagers « adeptes de liberté et de loisirs qu’offre la nature en ces lieux » et qu’elle œuvre notamment pour garantir la pratique de la pêche ainsi que l’accès et le stationnement des bateaux dans la zone du banc d’Arguin. Vous avez également reçu deux courriers de l’association Coordination Environnement du bassin d’Arcachon, mais par ceux-ci cette association déclare simplement vouloir intervenir à l’instance, sans qu’elle ne dépose toutefois de mémoire à cette fin. À notre sens, eu égard au contenu de ces courriers, vous pourrez considérer qu’aucune intervention volontaire n’a été présentée.
37De nombreux moyens, d’inégale importance, sont soulevés. Nous vous proposons, par exception à l’ordre classique, de commencer par l’examen des moyens de légalité interne, lesquels posent nous semble-t-il des questions moins ardues que les moyens de légalité externe.
381. Deux séries de moyens sont présentées au titre de la légalité interne tenant, d’une part, au périmètre de la réserve et, d’autre part, à la réglementation applicable.
391.1. En ce qui concerne le périmètre de la réserve, les requérants mettent d’abord en cause le fait qu’il se superpose avec celui du parc naturel marin du bassin d’Arcachon. Cela n’est toutefois ni incongru, ni juridiquement problématique. Le Code de l’environnement prohibe en effet parfois la superposition de deux aires protégées, par exemple entre un parc national et une réserve naturelle [2], mais cela n’est pas le cas entre les réserves naturelles et les parcs naturels marins, ce qui est au demeurant pertinent puisque le régime juridique de tels parcs est loin d’être aussi protecteur que celui d’une réserve naturelle. Vous pourrez donc écarter les moyens tirés de ce que la réserve serait « soumise à une double réglementation » et qu’elle porterait atteinte à la « souveraineté » de ce parc.
401.2. L’association requérante soutient ensuite que le périmètre de la réserve naturelle défini par le décret attaqué est entaché d’erreur d’appréciation et méconnaît l’article L. 332-1 du Code de l’environnement. Aux termes du I de cet article, lorsque la conservation « du milieu naturel présente une importance particulière ou qu’il convient de les soustraire à toute intervention artificielle susceptible de les dégrader », des parties du territoire peuvent être classées en réserve naturelle. Le II de ce même article énonce les éléments à prendre en considération pour procéder à ce classement, notamment l’état de conservation des espèces, la préservation de biotopes remarquables ou encore la préservation des grandes voies de migration de la faune sauvage. Vous exercez un contrôle normal tant sur la décision de classer un territoire en réserve naturelle [3] que sur la délimitation du périmètre de cette réserve [4].
41L’argumentation de l’association ne tend pas à remettre en cause le classement des territoires qui faisaient déjà partie de la réserve en 1986, mais uniquement au-delà de ce périmètre historique. Elle soumet ce choix du pouvoir réglementaire à un feu croisé de critiques : le périmètre, désormais fixe, serait beaucoup plus étendu que les bancs de sable alors qu’il en suivait auparavant l’évolution [5], il n’est pas justifié qu’il coïncide avec une zone Natura 2000 ni qu’il inclut le banc du Toulinguet et que seules les zones désignées comme de protection renforcée nécessiteraient réellement une protection.
42Pour répondre à ces diverses critiques, il convient de rechercher si le périmètre institué est justifié au regard de l’article L. 332-1 du Code de l’environnement. Il faut ici apporter deux précisions. D’abord, le débat autour de l’intensité de la pression anthropique à laquelle est soumise le banc d’Arguin nous paraît inopérant à ce stade du raisonnement, seuls les critères énoncés par le Code de l’environnement devant être pris en compte. D’autre part, l’analyse de votre jurisprudence, qui remonte à une décision de Section Mme Benoist d’Anthenay du 13 mars 1970 relative aux sites protégées et a été étendue aux réserves naturelles, montre que vous ne limitez pas la protection aux seuls terrains présentant une valeur écologique significative mais que vous considérez que peuvent également être classées les parcelles qui « contribuent à la sauvegarde de ces terrains » [6], entérinant la théorie dite de « de l’écrin et des joyaux » [7].
43Votre intuition en 1970 était bonne car il a depuis été démontré que cette façon de procéder est écologiquement pertinente. Les biologistes de la conservation ont en effet mis en évidence les liens qui existent entre les cœurs ou zones nodales, les plus riches en biodiversité, et les zones dites d’extension et tampons, qui constituent des secteurs intermédiaires entre le cœur et le reste du territoire et qui créent, en lien avec d’autres zones, des continuums écologiques favorables à la préservation des espèces. Cette approche a d’ailleurs été consacrée par le législateur en 2006 en ce qui concerne les parcs nationaux, qui sont constitués d’un ou plusieurs cœurs et d’une aire d’adhésion. Nous pensons que, au regard de ces enseignements de l’écologie, vous pourriez actualiser et préciser cette jurisprudence cinquantenaire.
44Une fois ce cadre juridique fixé, nous n’avons pas d’hésitation quant au périmètre retenu. En l’espèce, l’importance écologique de la zone nodale de la réserve naturelle est forte. Il ressort ainsi des pièces du dossier que les unités écologiques concernées constituent des habitats naturels d’intérêt communautaire et que les bancs de sable émergés jouent un rôle prépondérant pour la protection de l’avifaune, dont plusieurs espèces bénéficient d’une protection au titre de la directive « Oiseaux ». En particulier, la réserve naturelle est un site d’importance internationale pour les sternes caugeks, espèce migratrice qui s’y installe au printemps pour s’y reproduire et qui y demeure jusqu’à la mi-août, soit au moment où la pression anthropique est la plus forte. On notera en outre que le banc du Toulinguet présente aussi par lui-même un intérêt, notamment pour la nidification de l’huîtrier pie, une espèce rare en France.
45Nous croyons également qu’il ressort des pièces du dossier la nécessité de protéger le site plus largement que les bancs émergés. D’une part, parce qu’en elles-mêmes les zones maritimes de la réserve ne sont pas sans intérêt écologique : elles sont notamment une zone de passage pour les espèces amphialines et abritent des espèces classées comme vulnérables sur la liste rouge française de l’UICN. D’autre part, la zone élargie contribue au maintien du bon état écologique de la zone nodale. Une diminution préoccupante du nombre de spécimens de sternes caugeks a par exemple été observée les dernières années, tenant principalement à la diminution de la capacité trophique du milieu, en particulier la baisse du stock de poissons et la disparition progressive d’un ilot de reproduction, déplaçant la colonie vers des secteurs plus soumis aux dérangements humains.
46Il en résulte que le périmètre fixé nous paraît répondre à la protection non seulement d’une zone nodale, mais d’un espace écologique pertinent, et qu’il est adéquat d’avoir fixé ce périmètre largement et par référence non à l’évolution des bancs, mais à des coordonnées géographiques. Vous pourrez, compte tenu de ces éléments, écarter l’ensemble des arguments de l’association requérante quant au périmètre de la réserve, qui répond bien aux objectifs fixés par l’article L. 332-1 du Code de l’environnement et particulièrement par les 1° et 5° de son II.
471.3. Eu égard à ces éléments, vous pourrez également écarter les moyens suivants, qui portent sur les interdictions ou prescriptions définies par le décret attaqué. Rappelons que le I de l’article L. 332-3 dispose que l’acte de classement d’une réserve naturelle peut réglementer ou interdire à l’intérieur de la réserve toute action susceptible de nuire au développement naturel de la faune et de la flore et, plus généralement, d’altérer le caractère de la réserve. Peuvent notamment être réglementées ou interdites les activités sportives, touristiques et de pêche, ainsi que « la circulation ou le stationnement des personnes, des véhicules et des animaux ». Vous exercez un contrôle normal sur le caractère nécessaire du régime particulier défini par le décret de classement [8].
48Vous constaterez d’abord que les règles applicables à l’intérieur de la réserve naturelle du banc d’Arguin ne dépareillent pas de celles existantes dans nombre de réserves naturelles : interdiction de destruction et de prélèvement de spécimens et interdiction de toute activité susceptible de dégrader les milieux notamment.
49L’association soutient qu’il résulte des articles 7 à 12 du décret attaqué que la pêche serait interdite sur tout le territoire de la réserve naturelle, mais nous ne partageons pas cette lecture. Ainsi que cela résulte du 6° de l’article 9 et du I de l’article 12 du décret attaqué, la pêche peut en effet être autorisée par arrêté préfectoral en dehors des zones de protection intégrale [9] et le décret pouvait confier au préfet le pouvoir d’autoriser cette activité. Vous pourrez donc écarter le moyen tiré de ce que le décret, en lui-même, serait illégal ou entaché d’erreur d’appréciation en ce qu’il interdit la pratique de la pêche.
50L’association engage ensuite un débat sur le fait que la fréquentation et les atteintes humaines à la réserve ne seraient pas aussi fortes que l’avance la ministre. Nous croyons toutefois que le dossier permet de constater l’existence d’une pression anthropique marquée, en particulier à certaines périodes de l’année en ce qui concerne les activités de tourisme et loisirs, et que ces perturbations sont particulièrement gênantes pour nombre d’espèces à la tombée du jour et durant la nuit. Et nous en déduisons que les interdictions critiquées par l’association requérante sont justifiées, qu’il s’agisse des dispositions de l’article 17 du décret, qui interdit la circulation des personnes sur l’estran et les terres émergées de nuit, ou de celles de son article 19, qui édicte des interdictions relatives au mouillage et au stationnement des navires.
51Nous comprenons que ces dispositions sont parmi les plus critiquées, mais l’interdiction de certaines activités, telles que le surfcasting de nuit, le kitesurf ou la plaisance, qui découlerait mécaniquement de ces dispositions, qui sont limitées spatialement et temporellement, ne nous paraît en tout état de cause pas disproportionnée au regard de la richesse écologique à préserver et de la pression anthropique existante, ni méconnaître les dispositions de l’article L. 332-3 du Code de l’environnement. Il ne ressort par ailleurs pas des pièces du dossier que ces mesures porteraient une atteinte disproportionnée à l’activité touristique ou économique de la zone du bassin. Elles ne créent pas non plus une discrimination en faveur des plaisanciers qui seraient les plus proches de la réserve. Les atteintes, en outre, ne semblent pas telles que le pouvoir réglementaire aurait dû prévoir des mesures transitoires, contrairement à ce que soutient l’association requérante.
52Enfin, nous croyons que le décret attaqué pouvait légalement disposer que les zones de protection intégrale, qui sont des zones sanctuaires, sont définies par le préfet et ne peuvent être inférieures à 100 hectares. Il est vrai qu’il est plus usuel que ce soit le décret de création de la réserve naturelle lui-même qui délimite les zones de protection intégrale. Mais compte tenu du caractère mouvant des bancs de sable, on comprend l’intérêt qu’il y a à confier cette compétence au préfet afin d’ajuster au mieux l’évolution de ces zones et, dans le même temps, à l’encadrer pour éviter notamment des zonages insuffisants en termes de superficie.
53Vous l’avez compris, aucun moyen de légalité interne ne nous semble devoir être accueilli et nous n’avons, sur le fond, pas de réserves sur la réserve.
542. En ce qui concerne la légalité externe, certains moyens peuvent d’abord être rapidement écartés, précision étant faite que l’article R. 332-14 du Code de l’environnement dispose que l’extension et la modification d’une réserve font l’objet des mêmes procédures que la procédure initiale de classement.
552.1. D’abord, il ressort des pièces du dossier que la réserve naturelle est intégralement située sur le domaine public maritime de l’État, tel que défini à l’article L. 2111- 4 du Code général de la propriété des personnes publiques [10]. Vous avez déjà jugé, dans un tel cas, que l’État doit être « regardé comme exerçant seul les droits qui s’attachent à la qualité de propriétaire des terrains » [11]. Dès lors, la circonstance que la commune de la Teste-de-Buche était défavorable à la réserve n’imposait pas que le projet de décret soit soumis à l’avis du Conseil d’État sur le fondement de l’article R. 332-14 du Code de l’environnement, cette commune ne pouvant être regardée comme propriétaire ou titulaire de droits réels dans le périmètre de la réserve au sens de cet article.
56Ensuite, la procédure n’est pas irrégulière en raison de vices supposés dans la consultation de la commune de Lège-Cap-Ferret : le courrier de saisine appelait l’attention de cette commune sur la modification du périmètre de la réserve et le décret attaqué n’emporte bien entendu aucune modification du territoire de cette commune. En outre, contrairement à ce que soutient l’association requérante, le syndicat intercommunal du bassin d’Arcachon a bien été consulté sur le projet de décret, à supposer au demeurant qu’une telle consultation soit obligatoire en vertu de l’article R. 332-2 du Code de l’environnement, qui vise les collectivités territoriales et non les établissements publics de coopération intercommunale.
572.2. Deux moyens de légalité externe sont plus délicats. Ils sont tirés de l’absence de consultation, d’une part, du conseil de gestion du parc naturel marin du bassin d’Arcachon et, d’autre part, du conseil maritime de la façade Sud Atlantique.
58Il est constant que ces consultations n’ont pas été réalisées. Il y a là une forme de logique, puisqu’il ressort des pièces du dossier que, si on se place à la date à laquelle les différentes phases de la procédure ont été menées, elles ont été correctement suivies. Après un premier avis du Conseil national de la protection de la nature, le préfet compétent a, au mois de juillet 2014, prescrit l’ouverture de l’enquête publique et saisi pour avis les personnes mentionnées à l’article R. 332-2 du Code de l’environnement. À cette date, le conseil de gestion du parc naturel marin n’avait pas encore été mis en place et le préfet a saisi, en lieu et place de ce conseil de gestion, l’Agence des aires marines protégées, qui assurait alors la gestion des parcs nationaux marins [12]. Le préfet n’a pas saisi le conseil maritime de façade, dont la consultation n’était pas alors obligatoire. Le préfet a rendu son avis sur le projet le 5 mai 2015 puis a transmis le dossier au ministre de l’Environnement. Après un second avis du Conseil national de protection de la nature, les ministres intéressés ont été saisis et, le 16 juin 2016, la procédure de consultation est concrètement achevée. À cette date, l’obligation de consultation maritime de façade n’existe pas encore. Tout ce processus a donc des apparences indéniables de régularité à la date à laquelle il est conduit.
59La problématique est toute différente lorsqu’on se place à la date d’édiction du décret attaqué, comme il se doit dans le cadre du recours pour excès de pouvoir. Vous le savez, est très fermement ancré dans votre jurisprudence le principe selon lequel la loi nouvelle s’applique aux procédures en cours [13]. Il est possible toutefois d’avoir un temps d’hésitation au regard des conséquences concrètes, comme en l’espèce, que cette règle fait peser sur l’administration. Vous pourriez alors être tentés d’assouplir ce cadre, par exemple en cristallisant les règles de procédure applicables à l’enclenchement de cette procédure ou à chacune des phases de celle-ci.
60Pour notre part, nous sommes toutefois sensibles à l’avertissement formulé par le président Genevois dans ses conclusions sur les décisions Revillod et Damgan, lorsqu’il pointait le risque qui consisterait pour le juge administratif à « ne pas appliquer les solutions juridiques les mieux établies, lorsque, dans tel ou tel cas particulier, il a le sentiment que leur application pure et simple n’est pas pleinement opportune ». Nous pensons en outre que l’adoption de mesures transitoires permet le plus souvent de contourner aisément les difficultés pouvant naître de l’émergence de nouvelles obligations procédurales. Nous vous proposons donc, très classiquement, d’apprécier la légalité des procédures conduites à la date d’édiction du décret.
612.3. À la date d’édiction du décret, donc, nous croyons, d’abord, que la consultation du conseil de gestion du parc national marin du bassin d’Arcachon était requise sur le fondement du deuxième alinéa de l’article R. 332-2 du Code de l’environnement qui prévoit que le préfet « recueille l’avis des administrations civiles (…) intéressées » lors du classement ou de la modification d’une réserve naturelle [14]. Il n’est pas tout à fait évident qu’un établissement public puisse être regardé comme constituant une administration civile intéressée au sens de ce texte, alors au demeurant que la suite de l’alinéa vise expressément un autre établissement public. Mais il nous semblerait tout de même judicieux de l’interpréter en ce sens et nous notons d’ailleurs que c’est bien ce qu’a fait l’administration.
62En effet, l’Agence des aires marines protégées, alors chargée de la gestion de ce parc a été saisie pour avis alors que le conseil de gestion n’était pas encore installé. Vous pourriez vouloir dès lors regarder la consultation comme régulièrement conduite, afin notamment de ne pas sanctionner le fait qu’il n’ait pas été procédé à une nouvelle consultation une fois ce conseil mis en place. Nous sommes plutôt dans le sens que compte tenu de cet élément, et alors au demeurant, même si cette circonstance n’est pas juridiquement déterminante, que le conseil de gestion, qui était au regard de sa composition nécessairement tenu informé du projet, pouvait s’autosaisir de la question et ne l’a pas fait, vous pourrez en tout état de cause sans grande difficulté juger nous semble-t-il que le vice en cause n’a, en l’espèce, pas privé les intéressés d’une garantie ni exercé une influence sur le sens de la décision prise et qu’il n’entache donc pas la décision d’illégalité.
632.4. Enfin, la consultation du conseil maritime de la façade Sud-Atlantique n’a pas été réalisée alors qu’elle était requise en vertu des articles L. 332-2 et R. 332-2 du Code de l’environnement. Ces conseils ont été créés à la suite du Grenelle de la mer par la loi du 27 juillet 2010, mais ce n’est toutefois que par la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité d’abord, puis le décret du 27 février 2017 relatif aux parcs nationaux et aux réserves naturelles qu’un pont a été fait avec la procédure de création et de modification des réserves naturelles. Et aucune disposition n’a été adoptée afin de cristalliser l’application des nouvelles règles de consultation aux projet dont l’instruction n’a pas encore commencé, contrairement à ce qui avait pu être fait, par exemple, par le décret du 18 mai 2005 relatif aux réserves naturelles pour une autre consultation [15].
64Ces conseils émettent des recommandations « sur la cohérence de l’affectation des espaces en mer et sur le littoral » et jouent un rôle dans l’identification des « secteurs naturels à protéger en raison de la richesse de la faune et de la flore » [16]. Ils rassemblent tant l’État et les collectivités territoriales que des représentants des activités professionnelles et des salariés concernés par les activités liées à la mer et au littoral, ainsi que des associations, à la fois d’usagers et de protection de l’environnement.
65Une telle consultation ne constitue pas à nos yeux une garantie. S’il est ensuite possible d’hésiter sur le fait de savoir si l’omission de cette consultation a eu une influence sur le sens de la décision, dans les circonstances particulières de l’espèce, nous vous proposons toutefois de répondre par la négative à cette question. En l’espèce, tant la nature de la consultation en cause que les raisons qui expliquent l’omission de celles-ci constituent des éléments en ce sens. Mais c’est surtout la richesse du processus de consultation mis en œuvre pour ce projet qui nous en convainc. Il nous semble en effet que les membres du conseil de façade maritime ont tous, d’une manière ou d’une autre, été mis à même de s’exprimer sur le projet à une ou plusieurs reprises. Bien entendu, cela ne remplace pas la délibération collégiale, mais nous pensons tout de même que vous pouvez en tirer des enseignements sur la question que l’absence de consultation a ou non exercé une influence sur la décision prise. Il ne fait en effet pas de doute que tant l’État que les collectivités territoriales intéressées ont pu pleinement exprimer leur avis. La société civile, les professionnels de la mer et du littoral, les associations de protection comme celles de protection des usagers ont, d’une part, participé à l’enquête publique et, d’autre part, ont été, pour une partie significative d’entre elles, associées au travers de la consultation de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites ainsi que de la commission départementale des espaces, sites et itinéraires relatifs aux sports de nature.
66Nous vous proposons donc d’écarter ce dernier moyen, tout en étant bien conscient de l’effort à faire en ce sens. Nous ne pensons toutefois pas, de ce fait, vous proposer d’être laxiste. Nous croyons en revanche fermement à l’idée énoncée par le président Odent selon laquelle il convient de s’attacher « davantage aux conséquences d’une formalité et aux raisons qui en justifient l’existence qu’à la formalité elle-même », ce qui est le sens même de votre jurisprudence Danthony.
67Et par ces motifs, nous concluons au rejet de la requête, y compris ses conclusions accessoires.
68Olivier FUCHS
Date de mise en ligne : 14/10/2020
Notes
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[1]
Cette manière de procéder est classique, voir par exemple CE, 14 juillet 2001, Mme Gaillard, n° 202301, aux Tables.
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[2]
Article R. 331-11 du Code de l’environnement.
-
[3]
CE, 14 novembre 1979, Cruse et autres, n° 7104, aux Tables.
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[4]
CE, 26 novembre 2010, Société Groupe Pizzorno Environnement et autres, n° 331078, 331079 et 331092, aux Tables. Cette décision reprend la solution qui prévalait pour l’état du droit antérieur à la loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité (29 juillet 1998, Mme Pesson, n° 176992, aux Tables) et, encore auparavant, sous l’empire de la loi du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature (CE, 2 octobre 1981, Société agricole foncière solognote, n° 20835, au Recueil).
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[5]
Les limites de la réserve étaient antérieurement fixées à un mile nautique autour des parties émergées, ce qui en faisait des limites fluctuantes. Les limites sont désormais définies par référence à des coordonnées géographiques.
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[6]
CE, Section, 13 mars 1970, Mme Benoist d’Anthenay, n° 75820, au Recueil ; CE, 20 février 1987, Compagnie des salins du midi et des salines de l’Est, n° 56407, aux Tables.
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[7]
Voir les conclusions du président Genevois sur CE, 2 octobre 1981, Société agricole foncière solognote, n° 20835, au Recueil.
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[8]
CE, 14 novembre 1979, Cruse et autres, n° 7104, aux Tables.
-
[9]
Et ne peut l’être, au sein des zones de protection intégrales, qu’à des fins scientifiques (II de l’article 12).
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[10]
À l’est, sa limite est constituée par une ligne située à 300 m du trait de côte de la commune de la Teste-de-Buche et, au nord, par un parallèle qui ne conduit pas à empiéter sur le territoire de la commune de Lège-Cap-Ferret.
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[11]
CE, 19 mars 2003, Fédération départementale des chasseurs de la Charente-Maritime et autres, n° 212029, aux Tables.
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[12]
Article L. 334-4 du Code de l’environnement. Cette gestion a depuis lors été transférée à l’Office français de la biodiversité.
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[13]
Voir en particulier CE, Section, 19 décembre 1980, Revillod et autres, n° 12387, au Recueil et CE, Section, 19 décembre 1980, Association pour la protection de la nature de la région de Damgan et autre, n° 17661, au Recueil.
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[14]
Cela ne découle pas de l’article L. 334-4 du Code de l’environnement, qui dispose que le conseil de gestion du parc « se prononce sur les questions intéressant le parc » car cette disposition, qui détermine un champ de compétence, n’impose pas selon nous que cet organe soit saisi pour avis.
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[15]
Article 6 du décret n° 2005-491 du 18 mai 2005.
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[16]
Article L. 219-6-1 du Code de l’environnement.