Couverture de RJE_203

Article de revue

Les glaciers de montagne à l’épreuve du réchauffement climatique (une protection juridique à inventer)

Pages 559 à 568

Notes

  • [1]
    Par exemple, C. Le Bris, « Le dégel en Arctique : briser la glace entre États dans l’intérêt de l’humanité », RGDIP 2008, p. 329 ; F. Quilleré-Majzoub, « Glaces polaires et icebergs : quid juris gentium ? », AFDI 2006, p. 432 ; « À qui appartiennent les icebergs ? Discussion autour du statut des icebergs en droit international public », Rev. québécoise dr. international 2007, p. 199. Auparavant, S. Pannatier, « La protection du milieu naturel antarctique et le droit international de l’environnement », European Journal of International Law, 1996, p. 431.
  • [2]
    S. Beerens-Bettex, « Le droit de la montagne face au changement climatique », RJE, n° spécial 2017, p. 187 ; T. Kohler et al., Mountains and Climate Change - From Understanding to Action, FAO/ Geographica Bernensia, 3e éd., 2012. V. également les dossiers relatifs à la loi « Montagne 2 » du 28 décembre 2016 (AJDA n° 14/2017 et RJE n° 2/2017). Pour une présentation vulgarisée, Montagne Magazine n° 469, octobre 2019.
  • [3]
    Des expériences ont été tentées, surtout en Suisse et en Italie, par des émules du défunt Christo (sur les glaciers du Rhône, d’Andermatt, du Gurschen, de Presena…). Elles ne règlent évidemment rien (faibles surfaces, coût exorbitant, sort des bâches usagées, etc.). V. Neirinck, « On emballe bien les glaciers », Bull. Mountain Wilderness n° 63, printemps 2005, p. 8.
  • [4]
    Sur le temps long, E. Le Roy Ladurie, Histoire humaine et comparée du climat [canicules et glaciers – XIIIe / XVIIIe siècles], Fayard, 2004.
  • [5]
    J. G. Cogley et al., « Global glacier mass changes and their contributions to sea-level rise from 1961 to 2016 », Nature,‎ 8 avril 2019, p. 1. Pour une synthèse plus ancienne en langue française, B. Francou, C. Vincent, Les glaciers à l’épreuve du climat, Belin, IRD, 2007.
  • [6]
    H. Zekollari et al., « Modelling the future evolution of glaciers in the European Alps under the EURO-CORDEX RCM ensemble », The Cryosphere, vol. 13, avril 2019, 1125.
  • [7]
    Titre judicieux d’un article publié sur le site internet du Nouvel Observateur (28 juin 2019).
  • [8]
    Sur cette dimension, voir not. R. Vivian, « Les glaciers alpins, mémoires et miroirs des civilisations et des environnements montagnards », Rev. géographie alpine 1989, p. 79. Ajoutons que les glaciers apparaissent souvent, spécialement chez les Romantiques, dans la peinture (peintres paysagistes comme Turner, Friedrich) ou en littérature (Shelley, Hugo, Mallarmé, Baudelaire, Nietzsche, etc.).
  • [9]
    Ph. Wester et al., The Hindu Kush Himalaya Assessment, ICIMOD, 2019 ; S. P. Singh et al., Climate change in the Hindu Kush-Himalayas. The state of current knowledge, ICIMOD, 2011.
  • [10]
    En Italie, les autorités ont mis sur pied un dispositif de surveillance des glaciers du Mont-Blanc dont les risques d’effondrement constituent une menace pour la sécurité des populations. Le maire de Courmayeur a restreint par ordonnance, en septembre 2019, la circulation sur une route municipale du Val Ferret dans le secteur du glacier de Planpincieux.
  • [11]
    Rappelons qu’en 1892, une débâcle avait libéré 200 000 m3 d’eau du lac glaciaire de Tête Rousse, tuant 177 personnes à Saint-Gervais. Aujourd’hui, la question des risques en rapport avec de telles poches d’eau est posée, que ce soit en France (des travaux de purge ont été menés dans ce même lac à partir de 2010 ; celui de Rochemelon, en Haute-Maurienne, avait dû être vidangé en 2004-2005), dans d’autres pays européens (comme en Suisse, au glacier du Trient) ou ailleurs, avec des conséquences redoutables vu la taille des glaciers et le manque de moyens techniques des pays en développement : ainsi, dans les Andes (par ex., catastrophe glaciaire du Tronador [à la frontière entre Argentine et Chili, en mai 2009]) ou en Himalaya (formation d’un lac au glacier Shisper, dans l’Hindou Kouch, qui a pu être drainé in extremis en 2019, mais se remplit de nouveau dangereusement).
  • [12]
    J. D. Taillant, Glaciers.The Politics of Ice, Oxford University Press, 2015.
  • [13]
    Sur cette revendication de peuples septentrionaux tels que les Inuits, S. Watt-Cloutier, Le droit au froid, Ecosociété, 2019.
  • [14]
    V., en dernier lieu, le rapport présenté lors de la 51e session du GIEC (Monaco, septembre 2019) : https://www.ipcc.ch/srocc/.
  • [15]
    Deux illustrations, parmi de nombreuses : la performance sonore « Requiem for a Glacier » (Paul Walde, juillet 2013, en Colombie-Britannique) ; l’exposition photographique « Montagne défaite » (Olivier de Sépibus, 2017-2018, Grenoble).
  • [16]
    V., pour le Canada, J. Cox, « Finding a place for glaciers within environmental law : an analysis of ambiguous legislation and impractical common law », Appeal vol. 21, 2016, p. 21.
  • [17]
    M. Bütler, « Glaciers as objects of law and international treaties », in Alpine space - man & environment, vol. 3, Psenner et Lackner/Univ. Innsbruck, 2007 ; A. Iza, M. B. Rovere, Aspectos jurídicos de la conservación de los glaciares, UICN, 2006. V. plus généralement, M. Naylor, L’émergence d’un droit transnational de la montagne, Th. droit public, Grenoble, 2020.
  • [18]
    Ceci, d’abord dans les bulletins du Club alpin italien, sur la propriété des « glacières » et en relation avec des formes d’exploitation économique traditionnelles liées aux besoins de réfrigération. V. [d’un auteur suisse, en langue française], P. Cérésole, « De la propriété des glaciers », Boll. CAI 7 [21], 1873 ; A. Grober, « Une pagina di giurisprudenza alpina. Proprietà dei ghiacciai », Boll. CAI 10 [25], 1876 ; F. Lampertico, « Della proprietà dei ghiacciai », Boll. CAI 12 [35], 1878 ; E. Mussa, « La proprietà dei ghiacciai », Riv. mensile CAI 16 [3], 1897. Ensuite, dans des supports académiques, à propos de la domanialité publique : A. Padula, « Sulla demanialità dei ghiacciai », Riv. dir. publico 1910, p. 482 ; moins anciennement, C. Vivan, « La natura giuridica dei ghiacciai : profili dominicali e di tutela ambientale », Geografia Fisica e Dinamica Quaternaria, vol. 18 [2], 1995, p. 345.
  • [19]
    V., pour l’Uruguay, E. Sayaguès Laso, Traité de droit administratif, IDC, 1964, T. II, p. 294. L’auteur se réfère aussi à des « pères » du droit public argentin, comme Miguel S. Marienhoff et Alberto Spota.
  • [20]
    M. Bütler, Gletscher im Blickfeld des Rechts, Stämpfli, 2006. Ouvrage de référence, sans équivalent.
  • [21]
    P. I. Anacona et al., « Glacier protection laws : potential conflicts in managing glacial hazards and adapting to climate change », Ambio, vol. 47, 2018, p. 835.
  • [22]
    A. Brenning, « The impact of mining on rock glaciers and glaciers. Examples from central Chile », in Darkening peaks : Glacier retreat, science and society, coord. B. S. Orlove et al., Berkeley, University of California Press, 2008, p. 196.
  • [23]
    Ley de Presupiutos Mínimos para la Preservación de los Glaciares y del Ambiente Periglacial (promulguée le 28 octobre 2010). V., S. Radovich, « La Evolución del Derecho Ambiental en la República Argentina : el principio precautorio en la Ley de Bosques y en la Ley de Glaciares », Rev. catalana de dret ambiental vol. 9 [n° 1], 2018 ; L. Christel, D. Torunczyk, « Sovereignties in Conflict : Socio-environmental Mobilization and the Glaciers Law in Argentina », European Review of Latin American and Caribbean Studies n° 104, 2017, p. 47 ; L. Martin, I. Pinto, « La protección del ambiente glacial », Rev. derecho administrativo económico n° 18, 2014, p. 99.
  • [24]
    Les atteintes à l’état naturel des glaciers pour l’exploitation de domaines skiables ne sont pas rares. À titre d’illustration, d’impressionnantes images de pelleteuses en train de creuser le glacier Pitztal (Tyrol) avaient suscité un certain émoi dans les médias en août/septembre 2019.
  • [25]
    Un article fondateur datant de 1972 (pour la version française, C. Stone, Les arbres doivent-ils pouvoir plaider ? Vers la reconnaissance de droits juridiques aux objets naturels, Le Passager clandestin, 2018, préf. C. Larrère) servit d’appui à une opinion dissidente du juge Douglas dans l’affaire Sierra Club c./ Morton (19 avril 1972). La Cour suprême américaine avait alors refusé de bloquer un projet de station de ski (porté par l’entreprise Walt Disney, puis abandonné) dans la Mineral King Valley, vallée californienne célèbre pour ses séquoias (V. David, « La lente consécration de la nature, sujet de droit. Le monde est-il enfin Stone ? », RJE 2012, p. 469). Plus récemment, un accord a été conclu entre le gouvernement néo-zélandais et des tribus maories afin de reconnaître la personnalité juridique au mont Taranaki (décembre 2017).
  • [26]
    En Suisse, l’initiative populaire pour les glaciers (déposée par le groupe des Verts le 15 décembre 2017) a recueilli plus de 112 000 signatures. Elle a cependant été rejetée par le Conseil fédéral (https://www.parlament.ch/fr/ratsbetrieb/suche-curia-vista/geschaeft?AffairId=20174312).
  • [27]
    La Haute Cour d’Uttarakhand (Inde) l’a reconnue, en ce qui concerne les glaciers Gangotri [d’où sourd le Gange] et Yamunotri (source de la rivière Yamuna, élevée comme le précédent au rang de « mère divine » par les Hindous), dans un arrêt du 31 mars 2017. V., E. O’ Donnell, « At the intersection of the sacred and the legal : rights for nature in Uttarakhand, India », Journal of Environmental Law n° 30, mars 2018, p. 135.
  • [28]
    Par exemple, V. David, « La nouvelle vague des droits de la nature. La personnalité juridique reconnue aux fleuves Whanganui, Gange et Yamuna », RJE 2017, p. 409. Et l’article de T. Deleuil dans ce numéro, p. 437.
  • [29]
    On pense aux glaciers sacrés des Andes, où se trouvent honorés à la fois le Christ et la Pachamama, déesse mère de la Terre (pour une approche anthropologique, A. Molinié, « La transfiguration eucharistique d’un glacier : une construction andine de la Fête-Dieu », Rev. Ateliers, n° 25, 2003).
  • [30]
    Après des décennies de procédures (et en dépit d’une décision contraire de la Cour suprême du Canada : CSC, 2 novembre 2017, Ktunaxa Nation c./ Colombie-Britannique [Forests, Lands and Natural Resource Operations], n° 36664, Rec. p. 386), un projet de station de ski portant atteinte aux droits d’un peuple autochtone sur le glacier Jumbo a été abandonné et la zone classée en réserve protégée (janvier 2020).
  • [31]
    V., ayant rejeté un recours contre la décision de préemption, TGI Chambéry, 10 février 2005, Besson (n° 2004/00774).
  • [32]
    V., J.-P. Zuanon (collab. Fr. Gerbaux), « Chronique d’un parc oublié : du parc de la Bérarde [1913] au parc national des Écrins [1973] », Rev. géographie alpine, n° hors-série, 1995, spéc. p. 85.
  • [33]
    Par application de CE, 28 avril 2014, Cne de Val-d’Isère (Grandes décisions du droit administratif des biens, Dalloz, 3e éd., 2018, comm. n° 32, avec les références.).
  • [34]
    V., en dernier lieu, « Brèves remarques sur l’environnementalisation du droit domanial », in Études S. Caudal, dir. C. Roux, IFJD/ Lextenso, 2020, p. 263.
  • [35]
    Sur les cours d’eau internationaux issus de glaciers, F. Quilleré-Majzoub, T. Majzoub, « À qui profitent les eaux des glaciers de montagne ? », Cahiers de droit, septembre-décembre 2010, p. 659.
  • [36]
    Avec parfois des difficultés en zone frontalière. V., sur les mesures de sécurité prises par le maire de Chamonix, en rapport avec la fréquentation touristique engendrée par l’exploitation du téléphérique de Courmayeur. J. Estrangin, « Mont-Blanc. Le morceau de glacier qui jette un froid entre France et Italie », Le Dauphiné Libéré, 11 septembre 2015.
  • [37]
    V. directement, à propos de la taxe foncière, CE, 29 octobre 2012, Sté des téléphériques de la Grande-Motte, n° 336354, Dr. fiscal 2013, n° 3, comm. 68. Indirectement, pour la répartition de la taxe sur les remontées mécaniques, en arrière-plan d’un litige territorial entre deux communes se disputant une portion de glacier, CE, 11 juillet 2001, Cne de St-Christophe-en-Oisans, n° 202837, Lebon ; RFDA 2002, p. 952, note Verpeaux. Cf., Fr. Barque, « La fiscalité des remontées mécaniques », in Les remontées mécaniques et le droit : regards croisés, PU Savoie/ Lextenso, 2019, p. 395.
  • [38]
    Par ex., CAA Marseille, 24 octobre 2005, X. c./ Cne de La Grave, n° 03MA02097 ; CAA Lyon, 23 décembre 1999, Ochem, n° 97LY00747, n° 99LY01877 et n° 99LY02812 ; Cass. crim., 24 juin 1992, X., n° 91-83598 ; Cass. civ. 1, 24 mai 1989, X. c./ SAF, n° 87-17931, Bull. n° 211 ; CA Bastia, 4 novembre 2015, X. c./ SAS Allibert Montagnes et déserts (n° RG 14/ 00251 : accident à l’étranger).
  • [39]
    Arr. 14 juin 1951. V., concernant la rénovation de remontées mécaniques [1re esp.] ou l’exploitation illégale de cristaux [2nde esp.], CE, 22 avril 1988, SCP de la Montagne de Blaitière, n° 42902, Lebon ; Cass. crim., 17 mai 1982, n° 81-93699, Bull. n° 126.
  • [40]
    Arr. 19 mars 1943. V., s’agissant de la reconstruction du refuge de l’Aigle, CAA Marseille, 29 octobre 2015, n° 13MA03668 (sur la même affaire, CE, 25 mars 2013, n° 352588 ; CAA Marseille, 11 juillet 2011, n° 09MA03369 ; TA Marseille, 9 juillet 2013, n° 1206328).
  • [41]
    La revendication d’une personnalité légale des glaciers commence néanmoins à être timidement portée, par-delà le cercle des juristes (http://collectifglacier.net/tag/sujet-de-droit/).
  • [42]
    Sur le projet de recherche COMON (Communs en montagne) : https://www.fondation-usmb.fr/projet/projet-comon/.

1L’émergence d’un droit du changement climatique s’est traduite dans la période récente par une multiplication d’études sectorielles portant sur la vulnérabilité territoriale au regard du réchauffement de la planète. Ainsi les auteurs ont-ils eu l’occasion de s’intéresser aux conséquences de ces dérèglements sur les masses glaciaires (arctiques ou antarctiques) [1] comme sur les zones de montagne [2]. En croisant les deux approches, un questionnement relatif au traitement juridique des glaciers de montagne prolonge d’autant plus utilement la réflexion que ce sujet est jusqu’à présent demeuré dans un angle mort, du moins au sein de la doctrine francophone.

2S’il est vrai que l’on peut éprouver une montagne de doutes sur l’utilité de la démarche – celle-ci restant dans la dépendance de négociations climatiques d’ensemble, penser une protection des glaciers par le droit fait songer (diront les sceptiques) aux efforts dérisoires de ceux qui les mettent sous bâche [3] –, l’aventure vaut malgré tout (croit-on) d’être tentée. Car s’il est certain que le droit seul n’empêchera pas la glace de fondre (autant poser un pansement juridique sur une jambe de bois climatique), on ne l’empêchera assurément pas de fondre sans droit. Et ce dernier doit aller du global au local, des sommets internationaux jusqu’à ceux de la terre et à leurs « blancs manteaux ».

I – La fonte des « neiges inéternelles » : quelques enjeux (géo)politiques

3Les masses glaciaires figurent parmi les principaux « marqueurs » de l’évolution du climat. Leur diminution – si elle n’est ni homogène ni nouvelle [4] – s’est accélérée dans les dernières décennies pour atteindre des proportions inquiétantes, dont les études scientifiques prennent la mesure. Qu’il suffise d’indiquer, pour en donner une idée, que les glaciers (banquises comprises) auraient perdu plus de 9 000 milliards de tonnes entre 1961 et 2016 [5]. La fonte annuelle globale correspondrait actuellement à trois fois le volume de glace stocké dans l’ensemble des Alpes européennes (soit 335 milliards de tonnes). Du train où vont les choses, les glaciers alpins risquent de fondre à 90 % d’ici 2100, bon nombre disparaissant [6]. Nous entrons probablement dans « l’âge sans glace » [7].

4Il en résulte des conséquences potentiellement dramatiques. Non seulement en termes patrimoniaux et culturels [8], mais surtout parce que les glaciers constituent des « châteaux d’eau », qui rendent l’aval vivable et régulent eux-mêmes le climat ; moyennant quoi leur disparition progressive contribue à une hausse du niveau des mers et à un état de sécheresse qui devient très préoccupant, surtout dans les plaines densément peuplées (c’est le cas au pied de la chaîne himalayenne, l’accès à l’eau étant menacé – notamment en raison de la baisse du débit de l’Indus – pour des centaines de millions de personnes en Inde et au Pakistan [9], deux nations nucléaires dont le partage des ressources hydriques est réglé par l’Indus Treaty Water signé le 19 septembre 1960) ; parce que la fonte des glaciers est un vecteur de risques naturels, qu’il s’agisse des chutes de matériaux solides (séracs, etc.) [10] ou de la formation de poches d’eau menaçant les zones de vie qu’elles dominent [11] ; ou encore, parce que les glaciers représentant des accumulateurs de la pollution atmosphérique, leur fonte libère des polluants nocifs (métaux lourds, résidus radioactifs, pesticides, etc.).

5Les enjeux sont donc majeurs, qui autorisent à évoquer une politique et une géopolitique des glaces [12] (la question environnementale étant de surcroît en lien direct – s’il faut l’écrire – avec celle des droits humains, qui se manifeste entre autres par la revendication d’un « droit au froid » [13]). Dans le contexte décrit, les glaciers sont devenus sans conteste des « objets politiques ». L’ONU lance régulièrement des cris d’alarme concernant leur fonte [14] et les initiatives nationales (ante ou post mortem) se multiplient dans le sens d’une protection. En France, la Mer de Glace – qui recule (30 m par an, en moyenne) et perd de la masse (5 m d’épaisseur annuellement, pour sa langue terminale) de façon spectaculaire – a vu défiler des responsables politiques en état de contrition écologique (Ségolène Royal et Manuel Valls [septembre 2015], alors ministres ; dernièrement, le chef de l’État Emmanuel Macron [février 2020]). Des artistes se mobilisent pour attirer l’attention de l’opinion (« performances » sur les glaciers, expositions, etc.) [15]. En 2019, un glacier islandais disparu – l’Okjökull – a perdu son statut et fut, si l’on peut dire, enterré en grande pompe (cérémonie relayée dans les médias, pose d’une plaque commémorative…) ; des funérailles symboliques ont pareillement été organisées en Suisse la même année, s’agissant de la disparition du glacier Pizol.

6Mais face au constat unanime d’une situation devenue critique, les réponses juridiques restent à la fois limitées et contrastées.

II – Un peu de « glaciologie juridique comparée »

7L’enjeu est naturellement d’intégrer les glaciers dans le droit de l’environnement [16], ce qui se joue en bonne part dans un cadre transnational [17] (ainsi le préambule du Protocole « Protection de la nature et entretien des paysages » de la Convention alpine [1994] reconnaît-il leur importance exceptionnelle). Le comparatisme montre toutefois que certains systèmes étrangers se sont bel et bien emparés du sujet à l’échelon national.

8Des réflexions doctrinales sur le statut juridique des glaciers de montagne ont été développées de plus ou moins longue date. Les glaciers sont essentiellement pensés en continuité des cours d’eau qui leur succèdent, dans une perspective domaniale, par exemple en Italie (doctrine ancienne et fournie [18]) ou dans certains États d’Amérique latine [19]. En Suisse, ils sont visés par l’article 664 du Code civil du 10 décembre 1907, relatif aux choses sans maître et aux biens du domaine public (qui réserve cependant l’appropriation privée en cas de preuve de propriété) [20].

9De très rares lois de protection existent [21], dont l’adoption et l’efficacité se heurtent toutefois à un fort lobbying industriel, surtout de la part de compagnies minières qui sévissent en Amérique du Sud ou en Asie centrale : pressions pour paralyser les processus normatifs, recherche d’accords avec les gouvernements locaux afin d’échapper aux poursuites liées à des dommages environnementaux, menaces de saisine de tribunaux arbitraux internationaux pour obtenir des indemnisations (bref, l’habituel arsenal des firmes transnationales en économie capitaliste globalisée). Au Chili [22], une initiative lancée en ce sens n’a pu aboutir ; discuté au milieu des années 2010, un projet de loi spécifique devait échouer, l’idée s’étant finalement diluée dans des objectifs plus généraux de lutte contre le changement climatique. Au Kirghizistan, l’exploitation du site minier de Kumtor (par le groupe canadien Centerra) a entraîné la destruction des glaciers Davydov et Lysy. Le gouvernement a renoncé par accord à toutes poursuites et le Code de l’eau fut assoupli en 2017, de sorte que l’exploitant n’a pas été inquiété.

10L’Argentine est en revanche parvenue à adopter en 2010 – à l’instigation de parlementaires déterminés (Miguel Bonasso et Daniel Filmus) – une loi n° 26.639 sur la protection des glaciers et des zones périglaciaires. Voté à la suite d’un premier veto de la Présidente Cristina Kirchner, ce texte est laborieusement entré en vigueur après l’achèvement (marqué par une décision de la Cour suprême du 3 juillet 2012) d’une véritable « guérilla » menée par la société canadienne Barrick Gold [23]. La loi, dont l’application s’est vite heurtée à des difficultés (en raison de la revendication par certaines provinces du contrôle de leurs ressources minières), affirme la propriété publique des glaciers (déclarés « bienes de carácter público »). Elle définit une liste d’activités interdites – notamment, industrielles et minières – ou soumises à évaluation environnementale, ainsi qu’un régime de sanctions et de responsabilité. Mais le temps travaille pour les compagnies minières, compte tenu du recul glaciaire et du fait que l’obligation d’inventaire prévue par ce texte n’est assortie d’aucun calendrier précis.

11Les dommages aux glaciers alimentent aussi les jurisprudences européennes, comme deux exemples l’illustrent, s’agissant d’atteintes réalisées localement ou imputées à des opérateurs économiques du Vieux Continent. En premier lieu, la Cour de cassation italienne a confirmé le 22 avril 2010 la condamnation de la société d’exploitation d’un domaine skiable et de ses dirigeants pour dégradation du glacier de la Marmolada (Dolomites) lors d’un chantier [24] ; ceci, pour atteinte au paysage, le glacier étant considéré comme « patrimoine public » et une association de protection de l’environnement [Mountain Wilderness] pouvant se substituer à une collectivité publique défaillante [en l’occurrence, la Province autonome de Trento] afin de le défendre.

12En second lieu, un paysan et guide de haute montagne péruvien (Saùl Luciano Lliuya) a demandé une compensation à l’entreprise RWE pour les dommages causés par le réchauffement climatique dans sa commune de Huaraz. Ceux-ci tiennent en particulier à la fonte des glaciers, qui entraîne la formation de lacs menaçant d’engloutir les habitations. En 2015, avec l’appui d’une ONG, l’intéressé a déposé plainte contre l’énergéticien allemand (qui ne possède aucune centrale au Pérou, mais fait partie des principaux émetteurs de gaz à effet de serre de la planète), en réclamant le financement par la firme de travaux de sécurisation. Cette requête, la première du genre en Europe, avait été rejetée par le Tribunal de Essen le 15 décembre 2016 (comme irrecevable et infondée). La Cour d’appel de Hamm (30 novembre 2017) l’a jugée au contraire recevable et devait ordonner une série d’expertises en vue d’un examen au fond ; l’affaire suit actuellement son cours.

13Dans cette mesure, la protection des glaciers s’inscrit dans l’histoire de la construction d’une justice climatique, nourrie en outre par une réflexion fondamentale sur les droits de la nature (qui s’est d’ailleurs développée – entre autres – à partir d’atteintes au milieu montagnard [25]). Sur le fondement d’un tel mouvement de pensée, la personnalité juridique de glaciers a pu être revendiquée [26], voire reconnue par certaines juridictions étrangères [27] (dans la continuité de précédents concernant des fleuves [28]), en relation avec le caractère sacré accordé à certains d’entre eux [29] (qui a permis de bloquer des projets d’aménagement touristique) [30]. Tout cela ouvre des perspectives majeures – qui conduisent à réexaminer la distinction issue du droit romain entre les choses et les personnes –, au regard desquelles le droit et les acteurs du système juridique français apparaissent pour l’heure nettement en retrait.

III – Montagnes de France : le droit sans la glace (et réciproquement)

14Par rapport à ce qui précède, notre pays part en effet de loin. Un bref état des lieux montre sans ambages qu’en tant que tels, les glaciers ne font l’objet d’aucune prise en compte spécifique par le droit français en termes de protection (raison pour laquelle, sans doute, la doctrine académique n’en parle pas). Quelques constats impressionnistes suffisent à en rendre compte.

15Un examen des normes écrites en droit positif livre un résultat sans appel. Mis à part les textes intéressant la protection de l’Antarctique, elles n’intéressent – en fait de glaciers – que l’honorable profession de pâtissier-glacier-chocolatier-confiseur, sous deux maigres réserves : une allusion concernant les limites de prérogatives des accompagnateurs de moyenne montagne (art. A. 212-1 C. sport, Annexe II-1) ; et une autre, à propos de la désignation aux fins de protection par les prescriptions particulières de massif (art. L. 122-26, 2° C. urb.), dont aucune n’a été édictée à ce jour. Les glaciers qui subsistent ne font l’objet d’aucune protection propre, que ce soit par la législation et la réglementation relatives aux zones de montagne ou par le droit de l’environnement. Ils ne sont en réalité protégés que s’ils figurent dans un espace l’étant (songeons aux glaciers en zone cœur du parc national des Écrins ou de la Vanoise). Et il y a comme une ironie cruelle à voir des glaciers intégrés dans des sites classés alors qu’ils sont en train de disparaître (cas du glacier de Saint-Sorlin, qui fait partie du massif de l’Etendard [Grandes Rousses], classé par un décret du 9 avril 2008).

16On est donc ici dans une « zone blanche » du droit de la protection de l’environnement ; droit en dehors duquel il n’existe au demeurant pas davantage de ressources juridiques. Ainsi les glaciers français font-ils partie du domaine privé des communes supports (le seul glacier qui était propriété de personnes privées, celui de Gébroulaz – en Vanoise [Savoie] – a été préempté en 2003 par la SAFER locale, puis rétrocédé à la commune des Allues [31]), comme en témoignent certaines pratiques administratives. Pour mémoire, des débats inédits avaient eu lieu dans les années 1920, lorsque fut imaginé un projet de parc national qui fournira plus tard la matrice de celui des Écrins. Des tractations entre communes et État s’engagèrent pour la maîtrise du foncier, à l’occasion desquelles la question insolite du statut juridique des glaciers devait être posée. Les administrations des domaines d’une part, des eaux et forêts d’autre part, rendirent des avis contradictoires. La qualification de biens sans maître (avec à la clef une propriété de l’État, à l’époque : art. 713 C. civ., ancienne rédaction) céda finalement devant la propriété communale et la domanialité privée [32].

17Paradoxalement, seules les parties aménagées pour le ski – c’est-à-dire, à l’état naturel desquelles il a déjà été porté atteinte (remontées mécaniques, etc. On pense aux glaciers de la Grande Motte [Tignes, Savoie], des Grands Montets [Argentière, Haute-Savoie] ou encore du Mont-de-Lans [Deux Alpes, Isère]) – peuvent être protégées (sic) par la domanialité publique [33]. Ce constat doit induire une réflexion sur certains effets pervers du Code général de la propriété des personnes publiques comme de la jurisprudence du Conseil d’État, en même temps que sur la nécessité d’une inflexion environnementale du droit domanial [34].

18Au-delà, il convient de s’interroger sur le type de domanialité publique qui pourrait être reconnu. Et ce sujet est plus complexe qu’il n’y paraît. D’une part, il imposerait de prendre position sur la dissociabilité ou l’indivisibilité « verticale » des glaciers (faut-il traiter de manière globale le volume de glace et le sol sous-jacent ou au contraire les distinguer ? Les enjeux sont très concrets, comme l’atteste l’exploitation minière de zones glaciaires dans certains pays). D’autre part et corrélativement, il est permis d’hésiter entre la domanialité publique fluviale et la domanialité publique terrestre. Si un rapprochement du statut des glaciers et de celui des fleuves qui leur font suite semble privilégié par les droits étrangers évoqués plus haut comme d’ailleurs par le droit international [35], la domanialité publique fluviale rencontrerait tout de même des obstacles. Rappelons qu’historiquement, elle était arrimée dans notre système juridique aux notions de flottabilité et de navigabilité, qui n’ont pas de sens ici ; et que la délimitation du domaine public fluvial est fonction de « la hauteur des eaux coulant à pleins bords avant de déborder » (art. L. 2111-9 CGPPP), ce qui se conçoit moins avec la glace. Il n’est donc pas sûr qu’un « fleuve gelé » puisse être absolument appréhendé comme un fleuve ordinaire, d’autant que la domanialité fluviale ne permettrait pas de protéger les zones périglaciaires (qui méritent pourtant de l’être, l’exemple argentin en témoignant). Quant à l’intégration des glaciers au domaine public terrestre, elle se heurte pour sa part à une carence du droit français, qui ignore quasiment (bien à tort) la domanialité publique naturelle terrestre.

19En tout état de cause, une qualification domaniale supposerait un acte de volonté fort du législateur pour surmonter un double obstacle. Celui-ci tient, d’une part, aux incertitudes relatives à l’ « appropriabilité » de la glace prise en masse (les eaux courantes sont en général considérées comme des choses communes et des objections doctrinales ont pu être opposées de ce fait à leur « domanialisation » ; quid alors de l’eau solidifiée, qui se meut très lentement ?). Il concerne, d’autre part, les difficultés qui existent pour rattacher les glaciers à la catégorie des immeubles ou à celle des meubles (ce sont selon toute vraisemblance des ensembles mixtes, aux confins des deux classes, entre espaces et flux. Le tréfonds est indiscutablement immobilier tandis que la glace en masse présente un caractère plus délicat à cerner, en raison de cette faible mobilité, de l’ordre de quelques mètres par an, qui pourrait commander une qualification mobilière au regard des canons du droit civil et en dépit d’une apparence d’immeuble). C’est dire que la question glaciaire offre par contrecoup l’occasion de réfléchir plus largement à certaines insuffisances des qualifications classiques à l’aune des exigences de la protection de l’environnement.

20L’examen de la jurisprudence confirme un sentiment de lacune. Les contentieux demeurent rares et les glaciers n’y apparaissent jamais qu’en arrière-plan, sans que leur protection soit directement en cause : au titre du droit de la police [36] et de l’exploitation des domaines skiables (sur le terrain fiscal [37] ; ou lorsque des responsabilités sont recherchées à la suite d’accidents sportifs en zone glaciaire [38]). S’il arrive que les juridictions visent explicitement les glaciers au sujet de l’application de la réglementation sur les espaces naturels protégés – en l’occurrence, les sites classés –, leur protection ne se trouve pas à proprement parler en jeu (cas des glaciers du Mont-Blanc [39] ; ou de ceux de la Meije, en Oisans [40]).

21Chefs-d’œuvre naturels en péril, les glaciers apparaissent finalement en France comme des impensés du discours juridique, des « non objets » (a fortiori, des « non sujets ») [41] de droit. Compte tenu de leurs nombreuses et considérables aménités, avançons qu’ils pourraient fournir un champ privilégié pour les réflexions relatives aux biens communs environnementaux, revivifiant par là d’anciennes notions comme celles de choses communes et de patrimoine commun [42]. Mais il faudrait faire vite, sous peine d’avoir à pratiquer la paléontologie juridique dans un âge post-glaciaire sec, minéral et stérile.


Mots-clés éditeurs : choses communes, fonte des masses glaciaires, glaciers de montagne, statut juridique des glaciers, changement climatique, droit comparé

Date de mise en ligne : 14/10/2020

Notes

  • [1]
    Par exemple, C. Le Bris, « Le dégel en Arctique : briser la glace entre États dans l’intérêt de l’humanité », RGDIP 2008, p. 329 ; F. Quilleré-Majzoub, « Glaces polaires et icebergs : quid juris gentium ? », AFDI 2006, p. 432 ; « À qui appartiennent les icebergs ? Discussion autour du statut des icebergs en droit international public », Rev. québécoise dr. international 2007, p. 199. Auparavant, S. Pannatier, « La protection du milieu naturel antarctique et le droit international de l’environnement », European Journal of International Law, 1996, p. 431.
  • [2]
    S. Beerens-Bettex, « Le droit de la montagne face au changement climatique », RJE, n° spécial 2017, p. 187 ; T. Kohler et al., Mountains and Climate Change - From Understanding to Action, FAO/ Geographica Bernensia, 3e éd., 2012. V. également les dossiers relatifs à la loi « Montagne 2 » du 28 décembre 2016 (AJDA n° 14/2017 et RJE n° 2/2017). Pour une présentation vulgarisée, Montagne Magazine n° 469, octobre 2019.
  • [3]
    Des expériences ont été tentées, surtout en Suisse et en Italie, par des émules du défunt Christo (sur les glaciers du Rhône, d’Andermatt, du Gurschen, de Presena…). Elles ne règlent évidemment rien (faibles surfaces, coût exorbitant, sort des bâches usagées, etc.). V. Neirinck, « On emballe bien les glaciers », Bull. Mountain Wilderness n° 63, printemps 2005, p. 8.
  • [4]
    Sur le temps long, E. Le Roy Ladurie, Histoire humaine et comparée du climat [canicules et glaciers – XIIIe / XVIIIe siècles], Fayard, 2004.
  • [5]
    J. G. Cogley et al., « Global glacier mass changes and their contributions to sea-level rise from 1961 to 2016 », Nature,‎ 8 avril 2019, p. 1. Pour une synthèse plus ancienne en langue française, B. Francou, C. Vincent, Les glaciers à l’épreuve du climat, Belin, IRD, 2007.
  • [6]
    H. Zekollari et al., « Modelling the future evolution of glaciers in the European Alps under the EURO-CORDEX RCM ensemble », The Cryosphere, vol. 13, avril 2019, 1125.
  • [7]
    Titre judicieux d’un article publié sur le site internet du Nouvel Observateur (28 juin 2019).
  • [8]
    Sur cette dimension, voir not. R. Vivian, « Les glaciers alpins, mémoires et miroirs des civilisations et des environnements montagnards », Rev. géographie alpine 1989, p. 79. Ajoutons que les glaciers apparaissent souvent, spécialement chez les Romantiques, dans la peinture (peintres paysagistes comme Turner, Friedrich) ou en littérature (Shelley, Hugo, Mallarmé, Baudelaire, Nietzsche, etc.).
  • [9]
    Ph. Wester et al., The Hindu Kush Himalaya Assessment, ICIMOD, 2019 ; S. P. Singh et al., Climate change in the Hindu Kush-Himalayas. The state of current knowledge, ICIMOD, 2011.
  • [10]
    En Italie, les autorités ont mis sur pied un dispositif de surveillance des glaciers du Mont-Blanc dont les risques d’effondrement constituent une menace pour la sécurité des populations. Le maire de Courmayeur a restreint par ordonnance, en septembre 2019, la circulation sur une route municipale du Val Ferret dans le secteur du glacier de Planpincieux.
  • [11]
    Rappelons qu’en 1892, une débâcle avait libéré 200 000 m3 d’eau du lac glaciaire de Tête Rousse, tuant 177 personnes à Saint-Gervais. Aujourd’hui, la question des risques en rapport avec de telles poches d’eau est posée, que ce soit en France (des travaux de purge ont été menés dans ce même lac à partir de 2010 ; celui de Rochemelon, en Haute-Maurienne, avait dû être vidangé en 2004-2005), dans d’autres pays européens (comme en Suisse, au glacier du Trient) ou ailleurs, avec des conséquences redoutables vu la taille des glaciers et le manque de moyens techniques des pays en développement : ainsi, dans les Andes (par ex., catastrophe glaciaire du Tronador [à la frontière entre Argentine et Chili, en mai 2009]) ou en Himalaya (formation d’un lac au glacier Shisper, dans l’Hindou Kouch, qui a pu être drainé in extremis en 2019, mais se remplit de nouveau dangereusement).
  • [12]
    J. D. Taillant, Glaciers.The Politics of Ice, Oxford University Press, 2015.
  • [13]
    Sur cette revendication de peuples septentrionaux tels que les Inuits, S. Watt-Cloutier, Le droit au froid, Ecosociété, 2019.
  • [14]
    V., en dernier lieu, le rapport présenté lors de la 51e session du GIEC (Monaco, septembre 2019) : https://www.ipcc.ch/srocc/.
  • [15]
    Deux illustrations, parmi de nombreuses : la performance sonore « Requiem for a Glacier » (Paul Walde, juillet 2013, en Colombie-Britannique) ; l’exposition photographique « Montagne défaite » (Olivier de Sépibus, 2017-2018, Grenoble).
  • [16]
    V., pour le Canada, J. Cox, « Finding a place for glaciers within environmental law : an analysis of ambiguous legislation and impractical common law », Appeal vol. 21, 2016, p. 21.
  • [17]
    M. Bütler, « Glaciers as objects of law and international treaties », in Alpine space - man & environment, vol. 3, Psenner et Lackner/Univ. Innsbruck, 2007 ; A. Iza, M. B. Rovere, Aspectos jurídicos de la conservación de los glaciares, UICN, 2006. V. plus généralement, M. Naylor, L’émergence d’un droit transnational de la montagne, Th. droit public, Grenoble, 2020.
  • [18]
    Ceci, d’abord dans les bulletins du Club alpin italien, sur la propriété des « glacières » et en relation avec des formes d’exploitation économique traditionnelles liées aux besoins de réfrigération. V. [d’un auteur suisse, en langue française], P. Cérésole, « De la propriété des glaciers », Boll. CAI 7 [21], 1873 ; A. Grober, « Une pagina di giurisprudenza alpina. Proprietà dei ghiacciai », Boll. CAI 10 [25], 1876 ; F. Lampertico, « Della proprietà dei ghiacciai », Boll. CAI 12 [35], 1878 ; E. Mussa, « La proprietà dei ghiacciai », Riv. mensile CAI 16 [3], 1897. Ensuite, dans des supports académiques, à propos de la domanialité publique : A. Padula, « Sulla demanialità dei ghiacciai », Riv. dir. publico 1910, p. 482 ; moins anciennement, C. Vivan, « La natura giuridica dei ghiacciai : profili dominicali e di tutela ambientale », Geografia Fisica e Dinamica Quaternaria, vol. 18 [2], 1995, p. 345.
  • [19]
    V., pour l’Uruguay, E. Sayaguès Laso, Traité de droit administratif, IDC, 1964, T. II, p. 294. L’auteur se réfère aussi à des « pères » du droit public argentin, comme Miguel S. Marienhoff et Alberto Spota.
  • [20]
    M. Bütler, Gletscher im Blickfeld des Rechts, Stämpfli, 2006. Ouvrage de référence, sans équivalent.
  • [21]
    P. I. Anacona et al., « Glacier protection laws : potential conflicts in managing glacial hazards and adapting to climate change », Ambio, vol. 47, 2018, p. 835.
  • [22]
    A. Brenning, « The impact of mining on rock glaciers and glaciers. Examples from central Chile », in Darkening peaks : Glacier retreat, science and society, coord. B. S. Orlove et al., Berkeley, University of California Press, 2008, p. 196.
  • [23]
    Ley de Presupiutos Mínimos para la Preservación de los Glaciares y del Ambiente Periglacial (promulguée le 28 octobre 2010). V., S. Radovich, « La Evolución del Derecho Ambiental en la República Argentina : el principio precautorio en la Ley de Bosques y en la Ley de Glaciares », Rev. catalana de dret ambiental vol. 9 [n° 1], 2018 ; L. Christel, D. Torunczyk, « Sovereignties in Conflict : Socio-environmental Mobilization and the Glaciers Law in Argentina », European Review of Latin American and Caribbean Studies n° 104, 2017, p. 47 ; L. Martin, I. Pinto, « La protección del ambiente glacial », Rev. derecho administrativo económico n° 18, 2014, p. 99.
  • [24]
    Les atteintes à l’état naturel des glaciers pour l’exploitation de domaines skiables ne sont pas rares. À titre d’illustration, d’impressionnantes images de pelleteuses en train de creuser le glacier Pitztal (Tyrol) avaient suscité un certain émoi dans les médias en août/septembre 2019.
  • [25]
    Un article fondateur datant de 1972 (pour la version française, C. Stone, Les arbres doivent-ils pouvoir plaider ? Vers la reconnaissance de droits juridiques aux objets naturels, Le Passager clandestin, 2018, préf. C. Larrère) servit d’appui à une opinion dissidente du juge Douglas dans l’affaire Sierra Club c./ Morton (19 avril 1972). La Cour suprême américaine avait alors refusé de bloquer un projet de station de ski (porté par l’entreprise Walt Disney, puis abandonné) dans la Mineral King Valley, vallée californienne célèbre pour ses séquoias (V. David, « La lente consécration de la nature, sujet de droit. Le monde est-il enfin Stone ? », RJE 2012, p. 469). Plus récemment, un accord a été conclu entre le gouvernement néo-zélandais et des tribus maories afin de reconnaître la personnalité juridique au mont Taranaki (décembre 2017).
  • [26]
    En Suisse, l’initiative populaire pour les glaciers (déposée par le groupe des Verts le 15 décembre 2017) a recueilli plus de 112 000 signatures. Elle a cependant été rejetée par le Conseil fédéral (https://www.parlament.ch/fr/ratsbetrieb/suche-curia-vista/geschaeft?AffairId=20174312).
  • [27]
    La Haute Cour d’Uttarakhand (Inde) l’a reconnue, en ce qui concerne les glaciers Gangotri [d’où sourd le Gange] et Yamunotri (source de la rivière Yamuna, élevée comme le précédent au rang de « mère divine » par les Hindous), dans un arrêt du 31 mars 2017. V., E. O’ Donnell, « At the intersection of the sacred and the legal : rights for nature in Uttarakhand, India », Journal of Environmental Law n° 30, mars 2018, p. 135.
  • [28]
    Par exemple, V. David, « La nouvelle vague des droits de la nature. La personnalité juridique reconnue aux fleuves Whanganui, Gange et Yamuna », RJE 2017, p. 409. Et l’article de T. Deleuil dans ce numéro, p. 437.
  • [29]
    On pense aux glaciers sacrés des Andes, où se trouvent honorés à la fois le Christ et la Pachamama, déesse mère de la Terre (pour une approche anthropologique, A. Molinié, « La transfiguration eucharistique d’un glacier : une construction andine de la Fête-Dieu », Rev. Ateliers, n° 25, 2003).
  • [30]
    Après des décennies de procédures (et en dépit d’une décision contraire de la Cour suprême du Canada : CSC, 2 novembre 2017, Ktunaxa Nation c./ Colombie-Britannique [Forests, Lands and Natural Resource Operations], n° 36664, Rec. p. 386), un projet de station de ski portant atteinte aux droits d’un peuple autochtone sur le glacier Jumbo a été abandonné et la zone classée en réserve protégée (janvier 2020).
  • [31]
    V., ayant rejeté un recours contre la décision de préemption, TGI Chambéry, 10 février 2005, Besson (n° 2004/00774).
  • [32]
    V., J.-P. Zuanon (collab. Fr. Gerbaux), « Chronique d’un parc oublié : du parc de la Bérarde [1913] au parc national des Écrins [1973] », Rev. géographie alpine, n° hors-série, 1995, spéc. p. 85.
  • [33]
    Par application de CE, 28 avril 2014, Cne de Val-d’Isère (Grandes décisions du droit administratif des biens, Dalloz, 3e éd., 2018, comm. n° 32, avec les références.).
  • [34]
    V., en dernier lieu, « Brèves remarques sur l’environnementalisation du droit domanial », in Études S. Caudal, dir. C. Roux, IFJD/ Lextenso, 2020, p. 263.
  • [35]
    Sur les cours d’eau internationaux issus de glaciers, F. Quilleré-Majzoub, T. Majzoub, « À qui profitent les eaux des glaciers de montagne ? », Cahiers de droit, septembre-décembre 2010, p. 659.
  • [36]
    Avec parfois des difficultés en zone frontalière. V., sur les mesures de sécurité prises par le maire de Chamonix, en rapport avec la fréquentation touristique engendrée par l’exploitation du téléphérique de Courmayeur. J. Estrangin, « Mont-Blanc. Le morceau de glacier qui jette un froid entre France et Italie », Le Dauphiné Libéré, 11 septembre 2015.
  • [37]
    V. directement, à propos de la taxe foncière, CE, 29 octobre 2012, Sté des téléphériques de la Grande-Motte, n° 336354, Dr. fiscal 2013, n° 3, comm. 68. Indirectement, pour la répartition de la taxe sur les remontées mécaniques, en arrière-plan d’un litige territorial entre deux communes se disputant une portion de glacier, CE, 11 juillet 2001, Cne de St-Christophe-en-Oisans, n° 202837, Lebon ; RFDA 2002, p. 952, note Verpeaux. Cf., Fr. Barque, « La fiscalité des remontées mécaniques », in Les remontées mécaniques et le droit : regards croisés, PU Savoie/ Lextenso, 2019, p. 395.
  • [38]
    Par ex., CAA Marseille, 24 octobre 2005, X. c./ Cne de La Grave, n° 03MA02097 ; CAA Lyon, 23 décembre 1999, Ochem, n° 97LY00747, n° 99LY01877 et n° 99LY02812 ; Cass. crim., 24 juin 1992, X., n° 91-83598 ; Cass. civ. 1, 24 mai 1989, X. c./ SAF, n° 87-17931, Bull. n° 211 ; CA Bastia, 4 novembre 2015, X. c./ SAS Allibert Montagnes et déserts (n° RG 14/ 00251 : accident à l’étranger).
  • [39]
    Arr. 14 juin 1951. V., concernant la rénovation de remontées mécaniques [1re esp.] ou l’exploitation illégale de cristaux [2nde esp.], CE, 22 avril 1988, SCP de la Montagne de Blaitière, n° 42902, Lebon ; Cass. crim., 17 mai 1982, n° 81-93699, Bull. n° 126.
  • [40]
    Arr. 19 mars 1943. V., s’agissant de la reconstruction du refuge de l’Aigle, CAA Marseille, 29 octobre 2015, n° 13MA03668 (sur la même affaire, CE, 25 mars 2013, n° 352588 ; CAA Marseille, 11 juillet 2011, n° 09MA03369 ; TA Marseille, 9 juillet 2013, n° 1206328).
  • [41]
    La revendication d’une personnalité légale des glaciers commence néanmoins à être timidement portée, par-delà le cercle des juristes (http://collectifglacier.net/tag/sujet-de-droit/).
  • [42]
    Sur le projet de recherche COMON (Communs en montagne) : https://www.fondation-usmb.fr/projet/projet-comon/.

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