Valentin BAUDOUIN, Étude juridique sur les petites et moyennes sociétés commerciales en transition écologique : l’entreprise sobre en contribution à une nouvelle approche de la RSE, sous la direction de Marie-Pierre CAMPROUX DUFFRENE, Université de Strasbourg, 2019 (récompensée par le Prix de la meilleure thèse en droit privé de la faculté de droit de Strasbourg pour l’année 2019)
1L’entreprise est une liberté ambigüe, elle est autant un facteur de progrès que de risque. La crise écologique actuelle conduit les entreprises à prendre conscience des effets de leurs activités sur la société dans son ensemble et l’environnement. Pressées par de nouvelles normes sociales de la société civile, les entreprises sont amenées à modifier leur comportement, notamment à travers une démarche de responsabilité sociétale et environnementale. C’est alors la société commerciale – enveloppe juridique de l’entreprise, non définie par le droit quant à elle – qui est interrogée dans sa définition et sa fonction sociale. En témoigne la récente réforme du contrat de société commerciale pour y intégrer la prise en compte d’enjeux sociaux et environnementaux. C’est surtout l’adoption d’engagements volontaires qui participe d’une modification de la société commerciale à travers l’élaboration par des personnes de droit privé, de normes de droit souple, c’est-à-dire dénuées de la contrainte. Phénomène qualifié de droit post-moderne, les engagements volontaires amènent l’entreprise à hisser son comportement standard à un degré de responsabilité supérieur au droit de lege lata, permettant éventuellement d’aboutir à l’engagement de sa responsabilité juridique par l’introduction d’une action en justice. Aussi, le développement des formes sociétaires de l’économie sociale et solidaire et l’apparition de sociétés inspirées de modèles étrangers sont une première brèche dans l’approche classique de la société commerciale. Constatant l’insuffisance de la RSE et des formes sociétaires de sociétés commerciales responsables à prendre véritablement en considération les enjeux environnementaux, il est proposé de conceptualiser une « entreprise sobre ». Un travail de réflexion sur la sobriété, concept juridique émergent, est effectué à partir de la terminologie déjà présente dans la législation. La définition juridique de la sobriété, et plus précisément ce qui constitue un comportement sobre, doit permettre de fournir une aide à l’intégration de l’environnement dans l’entreprise. Ou pour le juge, de caractériser le standard juridique du comportement sobre. Des instruments de caractérisation d’un comportement sobre sont envisagés à travers une relecture des éléments du contrat de société commerciale (associé, apport, bénéfice, objet social et intérêt social). Ces développements soulevés à l’appui d’une dynamique de changement de la société commerciale, doivent permettre de mettre en exergue la nécessité de définir l’entreprise à partir de sa fonction sociale et comme un système en vue de satisfaire des intérêts communs.
Pierre LEQUET, L’ordre public environnemental et le contrat de droit privé, sous la direction de M. MALAURIE-VIGNAL, Université Versailles Saint-Quentin, Paris-Saclay, 2019 (à paraître coll. « Bibliothèque des thèses : droit de l’environnement et de l’urbanisme »)
2Afin de juguler la crise écologique, le législateur a édicté une multitude de normes environnementales impératives qui, quoique de natures diverses, doivent être interprétées comme formant un ordre public spécifique : l’ordre public environnemental. Ce sujet, d’une actualité brûlante, est cependant trop peu étudié. L’influence réciproque de l’ordre public environnemental et du contrat de droit privé a été analysée, pour la première fois, dans notre thèse.
3Les deux critères de l’ordre public environnemental sont l’impérativité de la norme et sa finalité originale : la conservation de l’intérêt environnemental. Cet ordre public exerce une influence notable sur le contrat de droit privé. Soutenant le caractère spécial et non pas autonome des normes d’ordre public environnemental, elles nous semblent devoir intégrer la théorie générale du contrat. Ainsi, au stade de la formation du contrat, le respect de l’ordre public environnemental conditionne sa validité (Partie I), au stade de l’exécution, l’ordre public environnemental instrumentalise le contrat (Partie II).
4Ce constat débouche sur la formulation d’un certain nombre de propositions. Il s’est avéré que l’ordre public environnemental était un nouveau terrain d’illustration de la pertinence de la distinction de l’ordre public de protection et de direction. Il serait utile que les associations de protection de l’environnement soient habilitées à agir en nullité absolue des contrats portant atteinte à l’ordre public environnemental de direction.
5Mais l’ordre public environnemental ne permet pas seulement d’assurer la conformité du contrat avec le développement durable. Il renouvelle également les utilités du contrat. À sa traditionnelle fonction d’échange économique, s’ajoute une fonction de régulation des risques environnementaux. Les informations environnementales précontractuelles invitent les parties à modérer leur impact environnemental. De plus, la stipulation de clauses de surveillance habilite une partie à contrôler le comportement environnemental de son cocontractant. Enfin, la conclusion de contrats de compliance fournit au client une prestation dont l’objet est le respect de l’ordre public environnemental.
Date de mise en ligne : 06/07/2020