Notes
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[1]
Philip Selznick, Leadership in Administration. A Sociological Interpretation, Evanston (IL), Row Peterson, 1957.
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[2]
Notamment, dans une perspective bourdieusienne, Carole Waldvogel, Imposer « l’environnement » : le travail révélateur des associations alsaciennes (1965-2005), Strasbourg, Presses universitaires de Strasbourg, 2011.
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[3]
Sylvie Ollitrault, Militer pour la planète : sociologie des écologistes, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2008.
Un patrimoine vivant, entre nature et culture, Mélanges en l’honneur de Jérôme Fromageau, L. Fonbaustier et G. Goffaux Callebaut (dir.), mare & martin, 2019, 934 pages
1Éclats patrimoniaux. Voilà ce qui, présents en ce livre, forme la somme d’hommages à notre collègue et ami Jérôme Fromageau – en cette ferveur d’estime propre au Liber amicorum.
2L’idée des directeurs de l’ouvrage, les professeurs Laurent Fonbaustier et Géraldine Goffaux Callebaut, consiste à lier le dédicataire des mélanges à son œuvre bien entendu, mais aussi, ce qui est assez rare et stimulant, à ses contributeurs : « Les lecteurs ne s’y tromperont pas : parce qu’il est prudent et fuit tout dogmatisme, Jérôme ouvre des pistes, crée des brèches, tisse des liens et noue des fils, entre les savoirs mais aussi parmi les gens. Il y a certainement en effet, entre tous les contributeurs des pages à venir, des points communs qu’ils ignorent mais qu’on retrouve en lui. Et ceci explique en partie l’unité, qui n’est pas qu’artifice, du recueil que ses collègues et ami.e.s sont heureux de lui offrir. » (Avant-propos, p. 36).
3Comme le patrimoine, le livre est vivant ainsi.
4Et c’est cette vitalité qui fait le terreau de ce livre, vraie somme sur la notion de patrimoine – synthèse et multiples facettes exposées. Les quatre parties le montrent aisément : « Protéger la nature », « Préserver la culture », « Lier nature et culture », « Analectes », telle l’image du jardin reprise au fil de la quatrième de couverture : « Un peu comme dans un jardin, où la nature, dans sa dimension première, biologique et sauvage, apparaît domestiquée par l’homme, du fait de savoirs et d’expériences lentement sédimentés. L’immatériel donne la main au matériel, pour promouvoir une conception du patrimoine essentiellement vivante et produire le meilleur ».
5Sa lecture force à admettre, en tous ses écrits réunis, que la notion de patrimoine est aujourd’hui moderne et vertueuse, qu’elle s’inscrit dans la durée au nom de l’éthique et de la solidarité pour aider à la transmission, qu’elle est peut-être l’ultime recours de l’épistémologie en ces temps de grande destruction – irrésistible héliotrope qui ne peut que se tourner vers le soleil.
6In fine, l’on notera la très belle allocution du doyen Georges Vedel prononcée au musée Carnavalet lors de la remise du prix de thèse de l’Association nationale des docteurs en droit honoré par la ville de Paris (4 février 1991), et qui ouvre merveilleusement ces mélanges.
7Ont contribué au livre (dans l’ordre d’apparition – sic) : P. Abadie, P. Billet, N. de Sadeleer, S. Doumbé-Billé, B. Drobenko, S. Galera Rodrigo, C. Huglo, G.J. Martin, É. Naim-Gesbert, M. Prieur, J. Untermaier, C. Armbrüster, J.-P. Branlard, J.-M. Breton, M. T. Carrancho Herrero, A. Charlez, C. de Noblet, S. Duroy, P. Even, E. Fortis, M. Frigo, N. Goedert, N. Maillard, G. Goffaux Callebaut, S. Herman, F. Julien-Lafferrière, A. Maget Dominicé, J.-Y. Marin, A. Marinos, L. Mauger-Vielpeau, P. Montillet, J. Morand-Deviller, J.-M. Peyrical, J.-F. Poli, M.-A. Renold, P. Restrepo-Navarro, F. Rolin, J.-G. Sorbara, F. Tarlet, J. A. Sanchez Cordero Davila, L. Touzeau-Mouflard, A. Verjat, S. Vigneron, M. Cornu, M. Dejeant-Pons, A. Farinetti, L. Fonbaustier, J. Liagre, M. A. Mekouar, V. Négri, J.-R. Pellas, N. Wagener, Li Wang, S. Ferrand-Nagel, J. Francillon, P. A. L. Machado, V. Magnier, N. Mallet-Poujol, Y. Paclot, J.-M. Poughon, C. Teitgen-Colly.
8Éric NAIM-GESBERT
9Professeur à l’université Toulouse 1 Capitole
L’agriculture et les paiements pour services environnementaux : Quels questionnements juridiques ?, sous la direction d’Alexandra Langlais, Presses Universitaires de Rennes, Collection L’univers des normes, 2019, 446 pages
10Cet ouvrage, issu de la première rencontre internationale du réseau thématique BIODISCEE, retient tout d’abord l’attention du fait de ce sujet économique peu abordé par les juristes. Il apporte alors un éclairage juridique novateur sur l’outil économique que constituent les Paiements pour Services Environnementaux (PSE), appliqué ici au champ de l’agriculture.
11Cette application, qualifiée de « terrain fertile », rend en effet compte de la transversalité de l’agriculture et de son lien intrinsèque avec la protection de la biodiversité. À l’heure où l’agriculture traverse une crise majeure et fait face à de très nombreuses critiques, où le changement climatique nécessite de penser le stockage du carbone dans les sols agricoles, cet ouvrage mène à des réflexions sur l’évolution et l’importance de la profession agricole dont les membres ne cultivent plus seulement des denrées alimentaires mais aussi des services environnementaux, qu’il convient de reconnaître et rétribuer.
12Les contributeurs, pluridisciplinaires et complémentaires, s’interrogent sur les contours de ces PSE, leur définition juridique et leurs enjeux ; de leur émergence à leur reconnaissance avec les difficultés inhérentes ; leur intégration dans la Politique Agricole Commune ou encore les différents types de contractualisation par lesquels ces PSE sont mis en œuvre.
13Les contributions arpentent le sujet sous des éclairages variés, du droit interne au droit international, avec des illustrations de droit comparé (Brésil, Costa Rica), sans oublier une nécessaire approche critique eu égard au courant actuel de la monétarisation du vivant.
14Sous l’angle du droit de l’environnement, cet ouvrage nous amène à considérer les différentes manières dont les PSE impactent l’agriculture et les possibilités de la reconsidérer à l’aune des services rendus.
15Clarisse PINEL
16Doctorante en droit public
17OMIJ (EA 3177)
18équipe thématique CRIDEAU
Nathalie BERNY, Défendre la cause de l’environnement. Une approche organisationnelle, Rennes, Presses universitaires de Rennes, coll. Res Publica, 2019, Préface d’Olivier Borraz, 298 pages
19Publié dans la collection de sciences sociales du politique Res Publica, l’ouvrage fait suite à une habilitation à diriger les recherches en science politique soutenue à Bordeaux en 2016. Maître de conférences au Centre Émile Durkheim, Nathalie Berny livre une contribution substantielle à l’analyse des politiques de l’environnement en France, croisant un socle de science politique avec des regards sociologiques. Elle montre en quoi les organisations environnementales se construisent et se recomposent à la fois dans leurs interactions avec les publics extérieurs visés et par rapport à des logiques organisationnelles endogènes. Le livre est de belle facture et la démonstration solidement charpentée. Encadrés, figures, illustrations et tableaux renforcent l’assise empirique du propos, fondée sur une étude documentaire approfondie et une cinquantaine d’entretiens.
20Ce travail est réellement de large portée, tant sur le plan des apports scientifiques que du lectorat qu’il est susceptible d’intéresser. D’une part, l’auteure retient pas moins de cinq organisations, significatives du mouvement environnemental en France dans ses diverses tendances : les Amis de la Terre, France Nature Environnement, Greenpeace, la Ligue de protection des oiseaux et le WWF France. On gagne ainsi une vision d’ensemble sur le plan national en même temps qu’une analyse fouillée des évolutions propres de chacune des structures. D’autre part, les références conceptuelles croisent de façon féconde des paradigmes français et anglophones, notamment états-uniens, à commencer par les publications de Philip Selznick [1] sur la place des valeurs dans les processus d’institutionnalisation et le sens investi dans l’action.
21C’est en cela et à la suite de P. Selznick que N. Berny s’ancre dans une approche pragmatiste, appuyée à la fois sur une comparaison entre les organisations retenues et un suivi longitudinal, des années 1960 à 2015, permettant de restituer la dimension processuelle des enjeux et de dégager un apport central : à savoir, au-delà d’épisodes de crise bien rendus, la continuité de ces structures, qui ne peut simplement se ramener à des jeux d’accumulation de ressources ou à un ajustement normatif aux contraintes et opportunités externes.
22Il s’ensuit deux leçons importantes. Premièrement, N. Berny fait éclater toute lecture « en bloc » des associations d’environnement, en soulignant les singularités de chacune, même lorsqu’elles sont soumises à des pressions similaires, de la part de leurs membres comme des publics auxquels elles s’adressent. Il n’y a donc pas de modèle unique de professionnalisation de ces associations. Deuxièmement, l’auteure fait dialoguer la sociologie des organisations avec celle des mouvements sociaux, autour des processus de changement et de formalisation des collectifs enquêtés, ainsi que la sociologie de l’action publique, souvent centrée sur les instruments et les discours et moins sur les groupes professionnels et le travail militant. Or, la mise sur agenda des enjeux d’environnement confronte nombre d’organisations : appareils administratifs et collectivités, agences, entreprises, associations, etc. En ce sens, le livre permet de mieux comprendre la gouvernance de l’environnement, pouvant conduire des associations à miser sur la coopération avec les pouvoirs publics, à l’exemple du Grenelle de l’environnement en 2007 – moment bien analysé par N. Berny.
23L’ouvrage enrichit ainsi les débats par rapport à des travaux qui ont focalisé sur l’échelle régionale plus que nationale et mobilisé d’autres cadres sociologiques [2], ou encore ont mis l’accent sur la dimension de l’engagement en écologie plus que de l’organisation [3]. Les juristes apprécieront également de mieux connaître ces organisations largement à l’origine des dispositions participatives qui caractérisent le droit de l’environnement depuis les années 1980.
24Philippe HAMMAN
25Professeur de sociologie à l’Institut d’urbanisme et d’aménagement régional
26UMR 7363 SAGE, CNRS-Université de Strasbourg
Georges LABRECQUE, Les cours d’eau internationaux. Étude jurisprudentielle, L’Harmattan, Paris, 2019, 334 pages
27Dans cet essai, le Professeur Georges Labrecque se propose de revenir sur les différents statuts juridiques des cours d’eaux internationaux tels qu’envisagés par la Cour de justice internationale mais aussi par quelques tribunaux d’arbitrage. Découpé en dix chapitres chacun consacré à une ou plusieurs jurisprudences, l’ouvrage présente ainsi les cours d’eaux sous une grande diversité de visages, tour à tour appréhendés comme frontières entre États, « voies de navigation, sources d’approvisionnement très disputées en régions sèches, lieux d’aménagements à des fins agricoles et/ou industrielles, sanctuaires de la biodiversité et espaces où l’environnement est fragilisé ». Dès lors, si l’ouvrage se penche principalement sur des problématiques purement internationalistes, présentant à plusieurs reprises les modes et techniques jurisprudentielles de délimitation des frontières maritimes et fluviales entre États, il peut également intéresser le juriste en droit de l’environnement en revenant sur de grandes affaires telles que celle opposant la Hongrie et la Slovaquie quant au projet de barrage de Gabcikovo-Nagymaros sur le Danube ou encore celle dite des usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay.
28L’étude de Georges Labrecque s’avère ainsi intéressante par sa sélection de jurisprudences, où l’on découvre le cours d’eau tel qu’appréhendé par le juge, objet de conflits, d’enjeux frontaliers et de droit(s) mais néanmoins objet naturel, et donc en cela soumis aux aléas et difficultés de sa géographie. En ce sens, l’on s’arrêtera particulièrement sur les analyses des arrêts Honduras contre Nicaragua et El Salvador contre Honduras qui soulignent les difficultés rencontrées par la Cour internationale de justice dans la délimitation de frontières maritimes et fluviales, du fait de l’instabilité des cours d’eaux dont l’évolution dépend des courants et marées et donc des phénomènes d’avulsion et d’accrétion. En outre, au sein des chapitres quatre, cinq, six, huit et neuf, l’auteur s’attache à démontrer la prise en compte de plus en plus forte des préoccupations environnementales par le juge, notamment dans des régions fragiles ou très riches en biodiversité (v. Botswana contre Namibie). L’augmentation du recours aux ober dictums, la prise en compte des effets de plusieurs types d’activités sur la qualité des eaux (v. Argentine contre Uruguay) ainsi qu’un examen de plus en plus direct de l’état du droit actuel de l’environnement apparaissant comme tout autant d’indices de ce souhait d’une reconnaissance de « l’importance de l’environnement pour l’ensemble du genre humain et pour les États » (v. notamment l’affaire Hongrie contre Slovaquie). Toutefois, c’est un bilan en demi-teinte qui transparait de l’analyse de ces différentes jurisprudences. En effet, confrontée à ces problématiques, la Cour n’a finalement retenu que peu de violations sur le fond au profit de violations de nature purement procédurales (réciprocité, preuve, etc.), ne permettant ainsi qu’une avancée encore limitée en matière de responsabilité environnementale.
29Au gré des pages et des analyses jurisprudentielles, les cours d’eaux internationaux dévoilent ainsi progressivement leurs multiples facettes et leurs enjeux aux couleurs d’interdisciplinarité. Par cette étude, c’est donc tant leur délimitation matérielle que notionnelle qui est interrogée. Délimitation qui, comme le souligne George Labrecque dans ses propos conclusifs, devrait toutefois se préciser au fil des jurisprudences à venir…
30Amelia CROZES
31Université Toulouse 1 Capitole
32Doctorante à l’Institut Maurice Hauriou
33Doctorante contractuelle pour l’ANR Labex IAST (Institute for Advanced Study in Toulouse)
Date de mise en ligne : 14/01/2020
Notes
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[1]
Philip Selznick, Leadership in Administration. A Sociological Interpretation, Evanston (IL), Row Peterson, 1957.
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[2]
Notamment, dans une perspective bourdieusienne, Carole Waldvogel, Imposer « l’environnement » : le travail révélateur des associations alsaciennes (1965-2005), Strasbourg, Presses universitaires de Strasbourg, 2011.
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[3]
Sylvie Ollitrault, Militer pour la planète : sociologie des écologistes, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2008.