Couverture de RJE_194

Article de revue

Thèses de droit de l’environnement

Pages 841 à 843

Gaëtan BAILLY, Les usages traditionnels de l’eau à l’épreuve du droit de l’environnement, sous la direction de Philippe Billet, Université Jean Moulin - Lyon 3, 2018, 633 pages

1L’eau constitue un élément naturel fondamental dans la constitution des communautés humaines qui se sont regroupées autour d’elle. Ces sociétés de l’eau se sont organisées en fonction de la ressource qui fonde les liens juridiques entre leurs membres. L’on remarque alors l’existence d’une solidarité écologique qui lie les individus entre eux, et conduit à l’émergence de règles de droit en fonction des pratiques mises en œuvre au sein de ces communautés. Généralement qualifiées de coutumes, ces règles sont spontanées dans le sens où ses promoteurs en sont également les récepteurs, et sont transmises à l’échelle d’un groupement identifié qui assure leur pérennité. Les usages de l’eau désignent alors tant les utilisations qui sont faites de la ressource, que les règles de droit qu’elles induisent. La généralisation d’un droit commun à vocation uniformisatrice du système juridique français conduit à marginaliser l’existence de systèmes de droit traditionnels. Pour autant, certains territoires ruraux, à l’image de la Dombes des étangs (01), appliquent encore des règles spontanées et coutumières dans le cadre de l’exploitation de la ressource en eau, à des fins d’irrigation ou de pisciculture. Ces usages sont alors désormais confrontés aux règles propres à la préservation de la propriété et à la protection des ressources naturelles. Bien que leurs finalités diffèrent radicalement, le droit spontané contribue à la réalisation des objectifs du droit de l’environnement dans la mesure où il participe à une gestion équilibrée et durable de la ressource en eau. Le renouvellement des formes juridiques des règles traditionnelles permet ainsi d’envisager la coexistence de ces deux ordres normatifs sur certains territoires ruraux dans la perspective de consacrer un pluralisme juridique. L’étude du droit spontané permet donc d’observer l’articulation complexe avec celle du droit commun, dans un pluralisme guidé par le souci de respecter les objectifs de chaque norme, le partage de l’eau et la préservation d’un système d’exploitation agricole traditionnel pour le droit spontané, et la gestion durable et équilibrée de l’eau pour le droit de l’environnement. Le droit traditionnel a pour effet indirect et implicite de favoriser un usage durable et respectueux de l’eau, ce qui démontre la complémentarité que cette source empirique de droit offre du fait de sa territorialisation. L’existence manifeste d’un tel pluralisme juridique invite à repenser l’ordonnancement classique des sources de droit. La rigueur du modèle kelsenien de la hiérarchie des normes vacille donc, face à la complexité des relations normatives que suppose le pluralisme des sources de droit. En définitive, les usages de la ressource en eau constituent un exemple concret de la complémentarité des ordres normatifs dans la perspective d’un développement durable.

Julien DELLAUX, Le mécanisme visant la conservation des forêts tropicales de la convention-cadre sur les changements climatiques (REDD+) : illustration de l’adaptativité du droit international, sous la direction de Sandrine Maljean-Dubois et Marcelo D. Varella, Université Aix-Marseille et Centre universitaire de Brasilia (UniCEUB, 2017), 726 pages

2Comment le droit international peut-il réglementer des phénomènes complexes ? Cette question se pose avec une acuité particulière en ce qui concerne la déforestation tropicale. En effet, les difficultés techniques et les intérêts divergents des États se sont jusqu’à aujourd’hui opposés à l’adoption d’une convention internationale sur les forêts. Les négociations menées au sein du régime international du climat se distinguent en ce domaine, en raison de l’adoption récente d’un mécanisme dit de « réduction des émissions résultant du déboisement et de la dégradation des forêts et le rôle de la conservation et de la gestion durable des forêts et du renforcement des stocks de carbone forestiers dans les pays en développement » (REDD+). Ce dernier a déjà permis d’initier, sur le territoire des pays en développement, un renforcement substantiel du contrôle des ressources forestières, ainsi que des réformes réglementaires et institutionnelles sans précédent. Or, formellement, le cadre normatif défini par les décisions de la conférence des Parties à la Convention-cadre sur les changements climatiques ne semble pas se distinguer des tentatives de réglementation antérieures, puisqu’il définit un cadre flexible et non contraignant. Son adoption et sa mise en œuvre rapide apparaissent alors paradoxales. Notre étude se propose d’évaluer les spécificités du système normatif et sa normativité réelle. Néanmoins, la conduite d’une telle recherche fait face à l’insuffisance des outils d’analyse juridiques dans le domaine de la soft law et impose d’identifier des critères permettant de distinguer et d’étudier les instruments appartenant à cette couche épaisse se situant à la frontière du droit. Dès lors, l’étude articule un double discours, analysant les spécificités de notre objet juridique et identifiant les moyens de l’étudier. La thèse révèle, en adoptant une approche fonctionnelle, que la structure normative étudiée n’est qu’une adaptation des formes empruntées par le droit international. Le système normatif sur la REDD+ traduit un assouplissement formel des normes internationales, afin de les rendre acceptables et adaptées à l’objet réglementé, mais révèle parallèlement la préservation de l’exigence de sécurité juridique. Ainsi, le système normatif étudié représente une adaptation réussie du droit international modélisé comme un système complexe. Notre étude révèle plus largement que certaines formes de soft law ne constituent pas un pré-droit ou un para-droit, mais traduisent une adaptation, par le système juridique, de ses structures normatives afin d’assurer sa fonction de régulation sociale dans un environnement distinct.

Thomas LECLERC, Les mesures correctives des émissions aériennes de gaz à effet de serre. Contribution à l’étude des interactions entre les ordres juridiques en droit international public, en cotutelle, sous la direction de Loïc Grard (université de Bordeaux) et de Pablo Mendes de Leon (université de Leiden aux Pays-Bas), 2017, 601 pages

3La recherche d’une mesure mondiale et corrective des émissions de gaz à effet de serre afin de réduire l’impact de l’activité aérienne internationale sur les changements climatiques a été confrontée à l’émergence d’obstacles, sous forme de conflits de normes, liés au défi général de l’interaction entre le droit international de l’aviation civile, le droit international des changements climatiques et le droit de l’Union européenne. La conciliation des normes matérielles et institutionnelles concernées, sur la base d’une interprétation évolutive de la convention relative à l’aviation civile internationale (signée à Chicago le 7 décembre 1944), est alors apparue comme l’unique solution pour remédier aux situations conflictuelles constatées. Cette solution a participé au succès de la 39ème session de l’Assemblée de l’Organisation de l’aviation civile internationale. Le 7 octobre 2016, cette Assemblée décidait en effet de la mise en œuvre d’un Programme mondial de compensation et de réduction de carbone pour l’aviation internationale ayant pour objectif principal de « faire face à toute augmentation annuelle du total des émissions de CO2 de l’aviation civile internationale (…) au-delà des niveaux de 2020, compte tenu des circonstances spéciales et des capacités respectives des États ». Le recours à cette démarche interprétative maintient néanmoins un climat d’insécurité juridique et pose la question des limites à l’adaptation du droit international de l’aviation civile au défi d’une protection du climat mondial. Ce travail d’analyse vise alors à démontrer qu’un recours à cette démarche interprétative n’est pas toujours nécessaire et qu’une application rigoureuse de la distinction intrinsèque au droit international de l’aviation civile séparant le domaine de la navigation aérienne du domaine du transport aérien international est la clef du problème. Elle permet en effet de proposer une solution corrective respectueuse des ordres juridiques fonctionnels concernés tout en rétablissant un climat de sécurité juridique indispensable au développement soutenable de l’aviation civile internationale.


Date de mise en ligne : 14/01/2020

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