Couverture de RJE_194

Article de revue

Le stockage agricole de l’eau : l’adaptation idéale au changement climatique ?

Pages 751 à 767

Notes

  • [1]
    B. Grimonprez, « Les "biens nature" : précis de recomposition juridique », in B. Grimonprez (dir.) Le droit des biens au service de la transition écologique, Dalloz, 2018, p. 13.
  • [2]
    Qui se consomme (se détruit) par l’usage.
  • [3]
    G. Hardin, La tragédie des communs, PUF, 2018.
  • [4]
    F. Denier-Pasquier, La gestion et l’usage de l’eau en agriculture, CESE, 2013.
  • [5]
    Entre 1970 et 2000, on assiste à un triplement de la surface irriguée en France.
  • [6]
    Science Eaux et territoires, IRSTEA, L’irrigation en France, État des lieux, enjeux et perspectives, 2013.
  • [7]
    Agreste primeur, n° 292, novembre 2012 ; A.-G. Figureau, M. Montginoul et J.-D. Rinaudo, « Scénarios de régulation décentralisée des prélèvements agricoles en eau souterraine. Évaluation participative dans le bassin du Clain », Économie rurale, n° 342, 2014, p. 27-44.
  • [8]
    J.-P. Amigues et al., Sécheresse et agriculture. Réduire la vulnérabilité de l’agriculture à un risque accru de manque d’eau, 2006, INRA.
  • [9]
    H. Tandonnet et J.-J. Lozach, Eau : urgence déclarée, rapport d’information Sénat n° 616, 2016, p. 68.
  • [10]
    Sur ce chiffre-là, 75 milliards s’écoulent en surface et 100 milliards s’infiltrent en eau souterraine pour rejoindre ensuite les rivières.
  • [11]
    CGAAER, Eau, agriculture et changement climatique : statu quo ou anticipation ?, rapport n° 16072, 2017, p. 18.
  • [12]
    À côté de chez nous, l’Espagne mobilise 19,2 % de sa ressource pour l’irrigation, prévoyant même une augmentation de 20 % de la superficie irriguée de 2015 à 2021 (v. « Les effets du changement climatique en Espagne et la planification hydrologique », Ecologistas en Acción, novembre 2015).
  • [13]
    V. H. Hervieu, E. Jannès-Ober, « L’exercice Aqua2030 : comment imaginer les politiques de demain sur l’eau et les milieux aquatiques à la fois dans ses dimensions nationale et territoriale ? », Revue Science Eaux & Territoires, Ressources, territoires et changement climatique, n° 22, 2017, p. 62-67 ; Rapport Garonne 2050 : étude prospective sur les besoins et les ressources en eau à l’échelle du bassin de la Garonne, 2014 ; Projet Explore 2070 – Eau et changement climatique, 2015.
  • [14]
    Valeurs qui seront plus importantes que la moyenne (qui inclut les océans) sur les terres émergées.
  • [15]
    L’étude « Explore 2070 » sur la variabilité et l’écart de la recharge entre aujourd’hui et 2070 pointe une baisse de la recharge, globalement, entre 10 et 25 %, pouvant aller, par endroits, jusqu’à 50 % (Synthèse du projet Explore 2070. Hydrologie souterraine).
  • [16]
    CGAAER, Eau, agriculture et changement climatique : Statu quo ou anticipation ?, préc., p. 28 à 32.
  • [17]
    J.-M. Gilardeau, « Le dopage de l’activité agricole. Une mission de service public ? », in Mélanges J.-F. Lachaume, Dalloz, 2007, p. 573.
  • [18]
    CGAAER, Eau, agriculture et changement climatique : Statu quo ou anticipation ?, préc., p. 45.
  • [19]
    En témoigne l’article L. 211-1, II du Code de l’environnement qui ne fait pas de l’agriculture une priorité pour l’usage de l’eau, la mettant au même niveau que la pêche, l’industrie, l’énergie ou les autres activités humaines.
  • [20]
    H. Tandonnet et J.-J. Lozach, Eau : urgence déclarée, préc. p. 70.
  • [21]
    V. Rapport, Garonne 2050, préc.
  • [22]
    P. Martin, La gestion quantitative de l’eau en agriculture. Une nouvelle vision, pour un meilleur partage, Rapport, 2013.
  • [23]
    Cette gestion doit, selon l’article L. 211-1, I, 5° bis, du Code de l’environnement, assurer « la promotion d’une politique active de stockage de l’eau pour un usage partagé de l’eau permettant de garantir l’irrigation, élément essentiel de la sécurité de la production agricole et du maintien de l’étiage des rivières, et de subvenir aux besoins des populations locales ». Il complète ainsi l’article L. 210-1, pour qui le développement de la ressource utilisable, dans le respect des équilibres naturels, est d’intérêt général.
  • [24]
    En tant qu’instrument de prévention des risques, de maintien de la diversité et de l’emploi, de garantie de l’autonomie alimentaire.
  • [25]
    Instruction du 4 juin 2015, NOR : DEVL1508139J. Abrogée par Instruction du 7 mai 2019 : NOR : TREL1904750J.
  • [26]
    P. Martin, La gestion quantitative de l’eau en agriculture, préc. p. 32.
  • [27]
    V. après Sivens, le cas emblématique du barrage de Caussade.
  • [28]
    CGAAER, rapport n° 11176, Retenues de stockage d’eau en France, 2012 ; CGAAER, rapport n° 14061, Eau et agriculture, 2015, p. 14.
  • [29]
    Par exemple, SDAGE Loire-Bretagne : 7D - Faire évoluer la répartition spatiale et temporelle des prélèvements par stockage hivernal.
  • [30]
    V. Contrat territorial de gestion quantitative du bassin du Clain, dans la région de Poitiers.
  • [31]
    MEEDE, Guide juridique. Construction de retenues, mars 2013.
  • [32]
    Instruction du 4 juin 2015, préc.
  • [33]
    Instruction du 7 mai 2019 : NOR : TREL1904750J.
  • [34]
    Il s’agit simplement de directives données aux corps de l’administration qui, théoriquement, ne modifient pas le droit en vigueur.
  • [35]
    Art. R. 122-2 C. env., annexe rubr. 21 ; rubr. 3.2.5.0.
  • [36]
    V., art. R. 122-2 C. env., annexe rubr. 21 ; rubr. 3.2.3.0, 3.2.5.0 ; 3.2.6.0.
  • [37]
    TA Poitiers, 31 décembre 2009, Association Nature Environnement 17, n° 0801414.
  • [38]
    Sur le constat de ces impacts sur le milieu : F. Habets et al., « Small farm dams : impact on river flows and sustainability in a context of climate change », Hydrol. Earth Syst. Sci., 18, 4207-4222, https://doi.org/10.5194/hess-18-4207-2014, 2014.
  • [39]
    Décret n° 2011-2019, 29 décembre 2011.
  • [40]
    N. Carluer et alii., Impact cumulé des retenues d’eau sur le milieu aquatique, Expertise scientifique collective, 2016.
  • [41]
    Par une coopérative anonyme de l’eau, un syndicat mixte, ou une association syndicale autorisée.
  • [42]
    CE, 21 novembre 2018, n° 408175. V. pour un commentaire : G. Audrain-Demey, « Protection des zones humides et construction d’un village-vacances : note sous CE, 21 novembre 2018, n° 408175 », RJE 3/2019, p. 631.
  • [43]
    CAA Bordeaux, 5e ch., 29 décembre 2017, n° 15BX04118.
  • [44]
    CAA Bordeaux, 5e ch., 29 décembre 2017, préc.
  • [45]
    CAA Nantes, 2 mars 2010, n° 09NT00076 ; TA Lyon, 2e ch., 13 décembre 2007, n° 0504898.
  • [46]
    CAA Bordeaux, 5e ch., 29 décembre 2017, préc.
  • [47]
    Circulaire du 4 mai 2011, NOR : DEVL1108399C, annexe 2.
  • [48]
    On entend, par cette expression, un changement opéré dans les systèmes naturels ou humains qui conduit (de manière non intentionnelle) à augmenter la vulnérabilité au lieu de la réduire.
  • [49]
    Couverture végétale plus systématique, limitation des labours qui déstructurent le sol (réseaux de galeries) et réduisent sa porosité.
  • [50]
    V. le protocole d’accord pour une agriculture durable signé dans les Deux-Sèvres le 18 décembre 2018.
  • [51]
    CGAAER, rapport n° 14061, Eau et agriculture, préc., p. 15.
  • [52]
    Sur l’existence réelle ou supposée de ce fameux projet, voir infra.
  • [53]
    Instruction du 7 mai 2019, préc., p. 10.
  • [54]
    V. par exemple, l’Agence Loire-Bretagne, qui en fait un enjeu prioritaire de son 11ème programme pour « La quantité des eaux et l’adaptation au changement climatique ».
  • [55]
    Certaines études montrent cependant que ces avantages ne sont pas uniformes et systématiques selon les points d’eau.
  • [56]
    Qualifiables de véritables services environnementaux : plantation de haies, restauration de biodiversité, de la vie des sols…
  • [57]
    Dans la mesure où tous les agriculteurs y sont astreints.
  • [58]
    V. supra, p. 754.
  • [59]
    F. Denier-Pasquier, La gestion et l’usage de l’eau en agriculture, préc., p. 16 et s.
  • [60]
    P.-E. Bisch, Cellule d’expertise relative à la gestion quantitative de l’eau pour faire face aux épisodes de sécheresse, Rapport CGEDD, CGAAER, mai 2018.
  • [61]
    Ceux-ci sont mesurés au moyen de compteurs dont les ouvrages de stockage sont obligatoirement équipés.
  • [62]
    Instruction du 7 mai 2019, préc., p. 9.
  • [63]
  • [64]
    La raison semble être que l’administration avait autorisé des prélèvements supérieurs aux capacités de la ressource : Faut-il subventionner la création de réserves d’eau pour l’irrigation ?, rapport du Cemagref pour l’ONEMA, 2011.
  • [65]
    En ce sens, et conformément aux conclusions du rapporteur public, le tribunal administratif de Poitiers (TA Poitiers, 9 mai 2019) a annulé deux arrêtés d’irrigation (Charente et Marais Poitevin) au motif, notamment, que les nouveaux volumes autorisés sont très nettement supérieurs aux volumes effectivement prélevés par les irrigants jusqu’à présent.
  • [66]
    Instruction du 7 mai 2019, préc., annexe 2.
  • [67]
    Selon l’instruction précitée du 7 mai 2019 (annexe 5), « on veillera à une logique de solidarité amont-aval et à laisser suffisamment d’eau arriver jusqu’au littoral pour les usages et le milieu à l’aval, y compris pour sauvegarder la biodiversité du littoral et préserver les zones conchylicoles d’un excès de salinité ».
  • [68]
    « Plus l’ambition de stockage sera grande, plus le risque de non remplissage annuel sera important » : Rapport Garonne 2050, 2014, p. 44.
  • [69]
    V. Explore 2070, préc.
  • [70]
    En raison de la localisation de leurs exploitations, de l’impossibilité financière de s’engager dans le projet, de la préférence pour d’autres modes de cultures…
  • [71]
    Instruction du 7 mai 2019, préc., annexe 5.
  • [72]
    F. Denier-Pasquier, La gestion et l’usage de l’eau en agriculture, préc., p. 16.
  • [73]
    V. par exemple, le protocole d’accord des Deux-Sèvres du 18 décembre 2018. Les irrigants s’y sont engagés, en contrepartie de la création de retenues, à réaliser un diagnostic de leurs exploitations et à adopter des pratiques plus vertueuses, sous peine de perdre leurs volumes de prélèvement. Un comité scientifique et technique (CST) a été mis en place pour assurer le suivi des actions promises (arrêté du 15 février 2019).
  • [74]
    F. Denier-Pasquier, La gestion et l’usage de l’eau en agriculture, préc., p. 42.
  • [75]
    Principalement pour nourrir le bétail, à défaut de pâturage.
  • [76]
    V. Freins et leviers à la diversification des cultures. Étude au niveau des exploitations agricoles et des filières, INRA, janvier 2013.
  • [77]
    D. Soltner, Agroécologie : Guide de la nouvelle agriculture sur sol vivant, Coll. Sciences et techniques agricoles, 2018, p. 20.
  • [78]
    L’instruction du 7 mai 2019 insiste désormais sur cet aspect qualitatif (réduction des pollutions diffuses).

1Un bien en commun. À l’instar des autres éléments de la nature, l’eau se présente à la fois comme un milieu et une ressource (pour l’homme). Son double visage de bien écologique et économique lui confère un statut particulier [1]. Depuis la loi n° 92-3 du 3 janvier 1992, l’eau est expressément affiliée au patrimoine commun de la nation par l’article L. 210-1 du Code de l’environnement qui ajoute que « sa protection, sa mise en valeur et le développement de la ressource utilisable, dans le respect des équilibres naturels, sont d’intérêt général ».

2Pour reprendre le langage économique, l’eau fait partie de la catégorie des biens rivaux, c’est-à-dire limités et convoités par une multitude de prétendants pour des fins différentes (alimentation, irrigation, énergie, pêche, vie des écosystèmes…). Elle est, en même temps, marquée par un principe de non-exclusion : « l’usage de l’eau appartient à tous » (art. L. 210-1 C. env.). Il s’avère cependant que l’usage de l’eau peut entraîner son appropriation. En tant que chose « consomptible » [2], la part de l’eau bue par les animaux ou les végétaux est rendue indisponible pour autrui. Dans ces conditions, le libre accès ne peut conduire qu’à l’épuisement de la ressource, chacun étant tenté de maximiser ses propres prélèvements au détriment des autres [3]. L’un des moyens d’éviter la tragédie est de subordonner la maîtrise individuelle à l’intérêt collectif. Cette méthode correspond à ce que Elinor Ostrom a décrit dans ses travaux comme la « gouvernance des biens communs », à savoir un système global chargé d’organiser le partage d’une ressource entre les différents usagers dans le respect de son intégrité. Le droit français illustre cette approche, confiant à l’autorité étatique le soin d’ouvrir ou de fermer les vannes de l’accès à l’eau sur la base d’une planification établie au niveau de chaque bassin hydrographique.

3L’irrigation en procès. L’eau constitue pour l’agriculture une ressource essentielle à son développement. La production agricole végétale est en effet le résultat du triptyque soleil/eau/sol. Au même titre que les autres intrants, la ressource hydraulique satisfait les besoins des plantes et influe sur les rendements des cultures. L’agriculture française n’en demeure pas moins essentiellement pluviale : seulement 6 % de la surface agricole utile a recours à l’irrigation, pour 15 % des exploitations [4]. Ces pratiques sont liées aux conditions pédo-climatiques et aux choix d’aménagements techniques historiques [5]. Les réseaux d’irrigation ont, depuis longtemps, alimenté les régions du Sud-Est. Le bassin de l’Ouest (Poitou-Charentes, Pays de Loire, Centre), où la pluviométrie est aléatoire, est également devenu une grande terre d’irrigation. Autrefois collectifs, les équipements se sont progressivement individualisés, notamment sous l’effet de l’agrandissement des structures [6]. Partout où elle est en vogue, la technique est reconnue comme un facteur d’augmentation et de sécurisation des rendements en période estivale : l’équivalent d’une assurance-récolte. Malgré une tendance à la baisse, le maïs grain représente toujours en France près de la moitié de la sole arrosée [7]. Mais l’irrigation soutient aussi des productions à haute valeur ajoutée, comme les semences, le maraîchage, l’horticulture, ou l’arboriculture [8]. Elle fait souvent partie des obligations contractuelles liant les exploitants agricoles aux entreprises de l’aval des filières.

4Très logiquement, l’irrigation exerce sur la ressource aquatique une pression considérable, qui devrait aller crescendo avec le réchauffement climatique. Au plus fort de la saison sèche, la consommation agricole de l’eau peut déjà atteindre 79 % [9] ! Il faut dire que l’eau destinée aux plantes n’est pas remise en circulation, ni restituée au bassin versant ; elle reste stockée par les végétaux ou est évapotranspirée dans l’atmosphère, sans pouvoir être disponible pour le milieu naturel.

5Rareté ou abondance de l’eau : le grand débat. L’acceptabilité des prélèvements agricoles dépend de la capacité de la ressource à pourvoir les différents besoins. La moyenne annuelle des précipitations depuis cinquante ans est estimée à 486 milliards de m3. Sur ce volume, 311 milliards de m3 sont immédiatement évaporés ou stockés dans la biomasse (sol, plantes) : on appelle cette partie « l’eau verte ». Quant à « l’eau bleue », la portion utilisable et qui alimente les ressources continentales (nappes phréatiques, aquifères), elle représente 175 milliards de m3[10]. Comparativement, « seulement » 4,9 milliards de m3 d’eau sont puisés chaque année en France pour les usages agricoles. Au plan global, l’agriculture irriguée ne consomme donc que 2,8 % du volume d’eau disponible en moyenne annuelle en France [11]. Le niveau relativement faible peut faire croire qu’aucune économie d’eau n’est nécessaire, la ressource paraissant sous-utilisée [12]. Ces données générales ne sont cependant pas totalement probantes. Elles masquent de grandes disparités tant spatiales que temporelles. En réalité, la pression est la plus forte là et quand il y a le moins d’eau disponible. L’écosystème malade n’est pas imaginaire.

6Le réchauffement climatique va incontestablement aggraver la situation en ce qu’il devrait augmenter les besoins des cultures et diminuer la ressource disponible [13]. Les projections scientifiques montrent une hausse moyenne des températures de l’air, de 0,8 à 2 °C d’ici à 2070 [14], avec plus de jours de forte chaleur, une baisse probable des précipitations l’été et une hausse en hiver, une augmentation de l’évapotranspiration potentielle (ETP), une diminution des débits annuels des cours d’eau (10 à 40 %), ainsi qu’une moindre recharge des aquifères. L’avenir sera ainsi marqué par une très grande variabilité de la quantité d’eau disponible [15]. Dans les régions où les besoins hydriques ne seront pas satisfaits (Lozère, Drôme, Poitou-Charentes), les pires conséquences sont à craindre : citons – pêle-mêle – la disparition de la polyculture élevage et de la vigne, les pertes fourragères, le renforcement de l’agrandissement et de la simplification des assolements, l’étalement urbain, le développement de la friche [16]

7Reconnaissance de l’exception agricole. La gestion équilibrée et durable de la ressource en eau doit désormais prendre en compte les adaptations nécessaires au changement climatique (art. L. 211-1 C. env.). Cette stratégie doit assurément préserver l’état des milieux aquatiques et l’étiage des nappes d’eau. Elle mériterait, à notre avis, d’intégrer la sécurisation de l’approvisionnement en eau pour les cultivateurs.

8Si l’eau fait partie de notre patrimoine commun, l’agriculture représente une richesse nationale à sauvegarder. Loin de se réduire à une activité marchande, elle s’apparente à une véritable activité de service public [17], fournissant des biens collectifs matériels et immatériels : ce sont la nourriture, les paysages, la gestion de la biodiversité, le stockage du carbone, la lutte contre l’artificialisation des terres, la prévention des feux et des inondations… La sécurité alimentaire pour les populations est bien évidemment vitale : le droit fondamental d’accéder à une alimentation suffisante s’exprime en termes de disponibilité, de coût et de qualité des denrées. « Le concept de souveraineté alimentaire met en avant le caractère stratégique des enjeux alimentaires et leur dimension de bien public, au même titre que la sécurité d’accès à l’eau potable » [18]. Ces considérations sont trop négligées dans les pays riches [19], qui ont vu le spectre des famines remplacé par la surconsommation et le gaspillage. La donne pourrait cependant changer avec la croissance démographique et celle des températures qui, conjuguées, menacent notre indépendance alimentaire. 70 %, c’est l’augmentation de la production qui va être nécessaire d’ici 2050 pour alimenter 9 milliards d’individus. Il faut avoir conscience que l’usage de l’eau est finalement dans l’intérêt commun des agriculteurs et des consommateurs [20].

9Relance par l’offre et par la demande. Les rapports et études d’experts s’accordent pour fonder la nouvelle politique de l’eau sur un savant dosage entre gestion par l’offre et gestion par la demande d’eau.

10Le premier volet porte sur l’accroissement de l’offre, en procurant davantage d’eau disponible pour l’agriculture, via surtout le stockage des surplus hivernaux [21]. Les prévisions de précipitations plus abondantes en saison humide plaident pour cette stratégie [22], d’ailleurs reprise par le Plan national d’adaptation au changement climatique 2018-2022 (PNACC-2). La loi n° 2016-1888 du 28 décembre 2016 a également promu le stockage de l’eau au rang des objectifs concourant à la gestion durable de la ressource [23]. Le second volet cible la limitation de la demande d’eau agricole. Elle passe par l’optimisation des moyens et la réduction des besoins. D’où l’encouragement de techniques culturales nouvelles, comme l’agriculture de précision, le décalage des dates de semis, la sélection variétale, ou encore l’agroécologie (paillage, couverture végétale, limitation du labour)…

11Complémentaires, les deux approches nourrissent le débat, tout en cristallisant les oppositions. Schématiquement, un courant d’opinion mise tout sur l’offre, quand un autre ne se focalise que sur la demande. Or, la question est de savoir si, dans la construction d’une trajectoire pérenne, on peut se permettre d’écarter l’une des deux options. Stocker ou réduire, l’erreur ne serait-elle pas de choisir ? Loin de s’exclure, les solutions pourraient être intelligemment combinées dans l’esprit d’un « mix hydrique » (à l’image du mix énergétique). Qui sait si l’irrigation, aujourd’hui diabolisée, ne pourrait pas, sous d’autres climats, faire partie des facteurs de durabilité [24] ? Ne jamais dire « bassine », je ne boirai pas de ton eau.

12Retiens la pluie… Le stockage de l’eau n’a rien d’une pratique nouvelle ; elle est en fort développement à l’échelle mondiale depuis les années 1950. En France, les ouvrages chargés de collecter et de conserver l’eau étaient essentiellement des retenues collinaires ou des barrages recueillant les eaux de ruissellement. Traditionnellement l’eau retenue peut avoir plusieurs utilités : l’irrigation bien sûr, mais aussi l’alimentation en eau potable, le soutien aux étiages ou encore la lutte contre les incendies. Dans les pays voisins du nôtre, la récupération des eaux hivernales est aussi mise en place. En Espagne, par exemple, la capacité de stockage est de 48 % des flux annuels (contre 4,7 % en France).

13Nouvelles « réserves de substitution ». C’est l’essor d’une véritable politique nationale de stockage qui est inédite en France, avec des projets d’infrastructures nombreux et colossaux. On a baptisé « retenues de substitution » les ouvrages artificiels exclusivement destinés à l’irrigation permettant de capter en hiver les volumes jusqu’à présent prélevés à l’étiage. « Les retenues de substitution permettent de stocker l’eau par des prélèvements anticipés ne mettant pas en péril les équilibres hydrologiques, biologiques et morphologiques, elles viennent en remplacement de prélèvements existants : c’est la notion de substitution » [25]. Lesdites retenues doivent se caractériser par une dimension collective et s’inscrire dans une logique territoriale globale prenant en compte l’ensemble des usages de l’eau et des outils permettant de rétablir l’équilibre quantitatif [26].

14Loin du consensus rêvé, les reproches d’accaparement de la ressource par une minorité d’acteurs se font de plus en plus durs. Ainsi, partout où les projets fleurissent, la situation vire au conflit ouvert (Deux-Sèvres, Lot-et-Garonne [27]…). Certains blocages sont d’ordre réglementaire, en raison de procédures longues, complexes et mal maîtrisées, tant de la part des maîtres d’ouvrage que des décideurs publics. Plus grave, ce sont des manifestations sociales d’hostilité aux projets de réserves qui s’intensifient, révélant des fractures au sein même de la profession agricole. Pour l’heure, les oppositions dogmatiques s’avèrent stériles à défaut de pouvoir déboucher sur le moindre plan alternatif. D’où l’urgence de dépasser les clivages, volonté qui n’est intellectuellement possible qu’en sortant de la pensée binaire (celle du « ou bien, ou bien »).

15Pour tenter de faire la part des choses, on propose ici de distinguer deux aspects du sujet qui, bien que liés, peuvent être traités séparément. Il s’agit, en premier lieu, de l’ouvrage lui-même, la retenue, afin de déterminer à quelles conditions (juridiques, économiques) elle peut être installée (I). C’est, en second lieu, la question de son usage, laquelle renvoie aux modalités de remplissage et à la destination finale de l’eau stockée (II).

I – La maîtrise de l’ouvrage

16Cadre institutionnel. Le déploiement de retenues de substitution sur les territoires se situe dans un certain cadre institutionnel et stratégique [28]. La planification des projets incombe en principe aux schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) adoptés à l’échelle de chaque bassin hydrographique [29]. Les prescriptions peuvent être adaptées, au niveau des petits bassins, par les schémas d’aménagement et de gestion des eaux (SAGE) votés par les commissions locales de l’eau. Dans certaines régions (Loire-Bretagne), des contrats territoriaux de gestion quantitative (CTGQ) servent de socle à la gestion quantitative de l’eau en définissant, à la fois, des mesures d’économie et des programmes de construction de retenues [30].

17Cadre opérationnel. L’inscription des réserves dans les paysages physique et juridique soulève deux grandes questions pratiques. La première a trait à l’autorisation de construire l’ouvrage (A) ; la seconde porte sur les conditions de son financement (B).

A – La construction de l’ouvrage

18Autorisation environnementale. La réalisation d’ouvrages de stockage d’eau doit être autorisée par les représentants de l’État qui contrôlent sa légitimité autant que son innocuité pour l’environnement. En raison de leurs divers impacts potentiels, les projets relèvent d’une pluralité de régimes de police administrative : nomenclature « Eau », zones Natura 2000, espèces protégées, défrichement, permis d’urbanisme, archéologie préventive… Un Guide juridique des constructions de retenues avait été édité par le ministère de l’Écologie en 2013 pour faciliter l’instruction des dossiers [31]. Un régime d’autorisation environnementale unique a depuis été créé par l’ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 (art. L. 181-1 et s. C. env.) qui simplifie, en partie seulement, les démarches.

19Instructions gouvernementales. La complexité du droit provient, en l’occurrence, de l’empilement irréfléchi des couches normatives. Aux règles habituelles de police environnementale, le gouvernement a ajouté des prescriptions propres, d’abord destinées aux réserves de substitution, ensuite aux « projets de territoire pour la gestion de l’eau » (PTGE). Le document de référence était jusqu’à récemment l’instruction du 4 juin 2015 [32]. Sa portée était cependant limitée au financement des ouvrages de stockage par les agences de l’eau. Les conditions formulées par l’instruction n’avaient donc pas d’effet en droit de l’environnement. Dit autrement, leur non-respect n’était pas de nature à entacher d’illégalité la décision préfectorale d’autoriser l’ouvrage. C’est dorénavant une instruction gouvernementale du 7 mai 2019 qui pose le cadre méthodologique de l’élaboration de futurs PTGE [33]. Le nouveau texte ne dissipe malheureusement pas la confusion qui s’est installée entre tous les critères énoncés ici ou là. Déjà la force normative de l’instruction n’est pas évidente [34]. Ensuite, son articulation avec le « droit dur », celui de la police de l’eau notamment, n’est absolument pas explicitée. De tels flottements juridiques sont regrettables car paralysants. Ils témoignent d’une impuissance politique à créer du droit par les voies institutionnelles classiques. Or, si les PTGE doivent devenir la norme, le minimum serait de leur donner un réel statut – ce qu’ils n’ont pas – en les écrivant dans la loi, aux côtés ou en remplacement des instruments existants.

20Étude d’impact des projets. Les dispositifs de stockage, en fonction de leur dimension, sont soumis à un régime de déclaration ou d’autorisation administrative au titre de la police de l’eau. Dans les deux cas, le pétitionnaire doit fournir aux services de l’État un document d’incidences (art. R. 181-14 C. env.). Pour les ouvrages relevant du régime d’autorisation, cela prend la forme d’une étude d’impact, soit systématique [35], soit après un examen au cas par cas [36]. L’évaluation des conséquences notables du projet est un point essentiel de sa légalité [37] et souvent de sa fragilité. L’analyse doit porter sur les incidences, positives comme négatives, directes et indirectes, temporaires et permanentes de la construction sur la ressource en eau et le milieu aquatique.

21En premier lieu, il importe d’envisager l’impact cumulé de tous les ouvrages programmés sur un même territoire [38]. L’exigence résulte de l’article R. 122-5, II, 5°, du Code de l’environnement [39], ainsi que de plusieurs SDAGE 2016-2021 (Loire-Bretagne, Rhône-Méditerranée, Adour Garonne). Dans les faits, la prise en compte des effets de l’ensemble des projets s’avère éminemment complexe. Une expertise scientifique collective a pu mettre en évidence la grande diversité des types d’ouvrages au regard de leurs caractéristiques (usages, modes d’alimentation, position dans le bassin versant…), avec des conséquences très variables quant à leurs impacts cumulés [40]. Une maîtrise d’ouvrage collective [41] est clairement à privilégier pour permettre une appréhension globale des projets envisagés.

22Compatibilité avec le SDAGE. En second lieu, le document d’incidences doit justifier de la compatibilité de l’ouvrage avec le SDAGE, mais aussi avec les objectifs de qualité des eaux fixés au plan européen (art. R. 181-14, II, C. env.). Il n’est ici question que d’une simple obligation de compatibilité – et non pas de conformité. Selon un récent arrêt du Conseil d’État, « pour apprécier cette compatibilité, il appartient au juge administratif de rechercher, dans le cadre d’une analyse globale le conduisant à se placer à l’échelle de l’ensemble du territoire couvert, si l’autorisation ne contrarie pas les objectifs qu’impose le schéma, compte tenu des orientations adoptées et de leur degré de précision, sans rechercher l’adéquation de l’autorisation au regard de chaque disposition ou objectif particulier » [42]. Autant dire qu’il existe une certaine souplesse dans l’appréciation du rapport de compatibilité. Par exemple, lorsque le SDAGE édicte des critères de volumes de prélèvement pour autoriser les créations de réserves, le dépassement du seuil « ne doit conduire l’autorité compétente à rejeter la demande d’autorisation que si ce dépassement revêt une importance telle que le projet devient incompatible avec les objectifs poursuivis par le SDAGE » [43].

23Par principe, « permettant de stocker l’eau par des prélèvements anticipés dans le but de préserver les équilibres biologiques et hydrologiques existants, les réserves de substitution doivent être regardées comme contribuant elles aussi à l’atteinte de l’objectif de gestion équilibrée de l’eau » [44]. Nonobstant, plusieurs chefs d’annulation ont pu barrer la voie à des programmes de retenues, soit qu’ils affectaient une zone humide [45], soit qu’ils étaient situés dans le périmètre de protection rapprochée d’un captage d’eau potable ne pouvant accueillir de plans d’eau [46].

24La situation est légèrement différente en présence d’un SAGE approuvé et publié ; son règlement et ses documents cartographiques sont alors opposables aux projets de retenues relevant de la nomenclature « eau » (art. L. 212-5-2 C. env.). L’opposabilité signifie, pour le coup, une obligation de conformité des projets aux dispositions du règlement [47].

25Éviter, réduire, compenser. Enfin, les études d’incidences ou d’impacts doivent faire apparaître les mesures que le maître de l’ouvrage prévoit pour éviter les effets négatifs notables du projet sur l’environnement ou la santé humaine, réduire ceux jugés imparables, et compenser, lorsque cela est possible, les dommages résiduels (art. R. 122-5, II, 8° et R. 181-14 C. env.). L’expérience témoigne, pour l’instant, d’une approche très restrictive de la séquence, cantonnée aux répercussions directes de l’ouvrage, notamment par rapport à son emprise au sol (défrichement, destruction de l’habitat d’une espèce, proximité d’une zone humide…). Ce qui explique des mesures de réduction et d’évitement souvent marginales, se limitant à la modification de l’emplacement, de la taille ou du mode d’alimentation de la réserve. Même constat avec la quasi-inexistence de la compensation effective des atteintes.

26La mal-adaptation au changement climatique [48] : là est le risque d’un mauvais calibrage des projets. Une conception bien plus globale de la séquence ERC permettrait de le conjurer. Ainsi, c’est l’évitement de la construction même des réserves qui devrait tenir le haut du pavé, par des propositions crédibles visant à baisser au maximum la demande d’eau : changement des pratiques culturales [49], diversification des cultures, rotation des assolements… Cette démarche méthodologique imprègne les instructions du 4 juin 2015 et du 7 mai 2019, qui prescrivent d’étudier toutes les alternatives à la création de nouveaux ouvrages, lesquels ne sont envisagés qu’en dernier ressort pour soutenir un projet agricole et territorial novateur. Y compris dans ce cas, de véritables mesures compensatoires devraient être opérées sous la forme de contreparties écologiques fournies par les exploitations utilisatrices de la ressource stockée. C’est à cet endroit que devraient prendre place les engagements ad hoc parfois négociés par les parties prenantes [50].

27On soulignera, pour clore ce chapitre, l’absence de prise en compte de l’intérêt économique des projets au stade de leur autorisation. Pour cause, il ne s’agit pas là d’un critère de leur légalité sur lequel l’autorité administrative, puis le juge, peuvent s’appuyer pour les annihiler. Or, la pertinence économique d’un certain nombre d’initiatives reste à démontrer, tant pour les structures qui ont décidé d’y participer, que pour les territoires où elles doivent naître. Peu d’éléments chiffrés garantissent la rentabilité d’investissements aussi lourds, risqués et coûteux, ce qui nous amène à la controverse sur le financement des ouvrages.

B – Le financement de l’ouvrage

28« Un pognon de dingue ». Les équipements de stockage nécessitent un budget colossal dont la source, là aussi, alimente la polémique. Force est de constater que l’autofinancement des ouvrages par les porteurs de projets est exclu par le montant des sommes en jeu et le niveau dérisoire des cours agricoles. Le discours politique national a donc été d’ouvrir au financement public les projets de nature collective [51]. En 2011, le « Plan de soutien à la création de retenues d’eau et à l’adaptation des cultures » prévoyait un soutien par les Agences de l’eau à hauteur de 70 %. Un an plus tard cependant, la nouvelle ministre de l’Écologie instaure un moratoire sur le financement public des « bassines », le temps d’organiser une large concertation pour définir une nouvelle stratégie de la gestion quantitative de l’eau en agriculture.

29Conditionnalité des aides publiques. À l’issue de la conférence environnementale de 2013, la Commission nationale de l’eau lève le moratoire, mais à des conditions strictes, reproduites dans l’instruction gouvernementale du 4 juin 2015. C’est maintenant l’instruction du 7 mai 2019 qui fait de l’élaboration d’un projet de territoire la condition essentielle de la participation des deniers publics [52]. « Plus spécifiquement, pour pouvoir bénéficier d’aides financières des Agences de l’eau, les infrastructures de stockage ou de transfert d’eau doivent avoir été incluses dans une analyse économique du programme d’actions permettant d’en apprécier l’opportunité économique » [53]. Telles sont dorénavant les bases textuelles permettant aux Agences d’inscrire dans leurs programmes le soutien à la création des retenues [54].

30Théorie du ruissellement. En dépit du cadre « réglementaire » dessiné, l’ampleur des subventions allouées fait toujours débat. Comment les justifier dans un contexte où la plupart des aides (bio, MAEC) en faveur de la transition agroécologique tarde à être versée ?

31Une première explication est purement formelle : l’eau paye l’eau. Autrement dit, les financements n’ont pas la même source. Les vases agricoles et aquatiques ne communiquent pas…

32Un deuxième argument, de fond celui-ci, est que les équipements procureraient des services écologiques, par l’amélioration significative des niveaux estivaux du fait de la baisse corrélative des prélèvements [55]. Le soutien public se justifierait par la nature collective et non-économique de ces bénéfices. Pareil discours appelle deux remarques. D’abord, il ne vaut que si la substitution apporte une réelle plus-value écologique pour le milieu ; donc si les prélèvements, dans leur globalité, baissent effectivement en période d’étiage. Ensuite, il n’est audible, par l’ensemble de la communauté des agriculteurs, que s’il s’accompagne d’un changement des pratiques culturales. En effet, un paiement public ne saurait rémunérer que des prestations positives [56] – allant au-delà de la simple substitution – et non le simple respect des volumes prélevables [57].

33En dernier lieu, l’on trouve l’idée que les retenues de substitution contribueraient à l’amélioration de l’économie locale. Elles permettraient de stabiliser la filière agricole par le maintien de son tissu d’entreprises et de ses emplois. L’agriculture, de par sa multifonctionnalité [58], joue à l’évidence un rôle majeur dans l’aménagement de l’espace rural. Les systèmes irrigués participent de cette valorisation, comme dans le sud-ouest où ils garantissent la viabilité économique des « petites » structures agricoles en maïsiculture, ou dans les Pays de Loire où ils aident au maintien de la polyculture élevage. Le plaidoyer mérite d’être entendu, même s’il doit être corroboré par une analyse économique beaucoup plus fine du rôle de la ressource hydraulique dans le développement des entreprises et des territoires. Du reste, il convaincrait davantage s’il admettait, en même temps, que l’engouement pour l’irrigation, à grands renforts de subventions, a appauvri certaines régions par des cultures intensives spécialisées à faible valeur ajoutée.

II – La maîtrise de l’usage

34Dessine-moi un projet de territoire. La légitimité des dispositifs de stockage dépend de l’usage auquel est destinée la ressource capturée : quels sont les volumes de prélèvements admis ? Pour qui et pour quoi faire ? Moyennant quelle prise en compte des intérêts collectifs ? Le sûr est que la construction des retenues ne peut aller sans une meilleure utilisation de l’eau à l’échelle des bassins hydrographiques [59]. La doctrine de l’instruction du 4 juin 2015 était justement d’asseoir la politique de stockage sur la mise en œuvre de projets de territoire. Accréditée par la cellule d’expertise pilotée par le préfet Pierre-Étienne Bisch [60], la logique des « projets de territoire pour la gestion de l’eau » (PTGE) a été formellement actée par la nouvelle instruction du 7 mai 2019. Elle est définie comme « une démarche reposant sur une approche globale et co-construite de la ressource en eau sur un périmètre cohérent d’un point de vue hydrologique ou hydrogéologique. Il aboutit à un engagement de l’ensemble des usagers d’un territoire (eau potable, agriculture, industries, navigation, énergie, pêches, usages récréatifs…) permettant d’atteindre, dans la durée, un équilibre entre besoins et ressources disponibles en respectant la bonne fonctionnalité des écosystèmes aquatiques, en anticipant le changement climatique et en s’y adaptant ». Le gouvernement propose, ce faisant, un outil méthodologique à l’adresse des préfets coordonnateurs de bassin chargés d’animer le dialogue territorial.

35L’élaboration d’un cadre de discussion ne fait cependant pas tout. La maîtrise des usages suppose concrètement de s’attaquer à trois points de discorde : d’abord les prélèvements effectués à partir des retenues pour leur remplissage (A) ; ensuite le partage de la ressource stockée (B) ; et, enfin, le changement corrélatif des pratiques agricoles associées à ces dispositifs (C).

A – Captage de l’eau

36Volumes prélevables. Avant de servir à l’irrigation, les réserves doivent préalablement être remplies en période de hautes eaux (de novembre à mars). Contrairement aux retenues collinaires, l’alimentation ne se fait pas ici par ruissellement ou gravité, mais par pompage dans le milieu. L’infrastructure est normalement déconnectée du réseau aquatique afin d’être considérée comme autonome. L’intérêt est d’éviter la moindre ponction l’été et de pouvoir précisément quantifier les volumes prélevés l’hiver [61].

37Solution de substitution. À la base, les prélèvements hors étiage sont censés venir en remplacement des puisages estivaux. C’est la notion de substitution qui était au cœur de l’instruction de 2015. L’instruction du 7 mai 2019 se montre plus souple [62]. Déjà, le volume de substitution peut maintenant inclure des « transferts » (pendant l’étiage) depuis une ressource qui n’est pas en déficit. Ensuite le texte admet, lorsque le milieu le permet, que les projets puissent aller au-delà de la simple substitution, autrement dit que les prélèvements globaux puissent augmenter.

38Le débat – houleux – sur les volumes prélevables porte en fait sur les références choisies pour les déterminer. En préambule, on observera que les prélèvements hivernaux au profit des réserves ne sont pas comptabilisés dans les « volumes cibles », qui ne concernent que les ponctions du printemps/été. Ainsi le potentiel d’irrigation global (dit « volume projet ») doit additionner les volumes cibles de l’été avec ceux stockés en hiver. Certains détracteurs font, à ce titre, valoir qu’il existerait une augmentation du volume total prélevé par rapport aux références autorisées par le passé [63]. L’explication serait qu’ont été pris comme base de calcul les anciens volumes (théoriques) autorisés et non ceux réellement prélevés (bien inférieurs du fait des restrictions liées à la sécheresse) [64]. La conséquence serait, après le stockage, un accroissement du volume net des prélèvements dans le milieu [65].

39De leur côté, les représentants des irrigants, en phase avec la politique des agences de l’eau, affirment qu’absolument tous les volumes stockés sont substitués. Mais leurs estimations ne s’appuient pas sur le même raisonnement. À leur sens, les réserves sont un palliatif indispensable de la réduction drastique des prélèvements autorisés l’été. De sorte que le stockage devrait permettre de maintenir les pompages sensiblement au même niveau qu’avant la baisse des volumes, en les décalant simplement dans la saison.

40Par-delà les divergences, il appartient au préfet d’approuver, dans le cadre de la législation sur l’eau, le volume de prélèvement estival à partir duquel le volume de substitution est déterminé. Selon la nouvelle instruction du 7 mai 2019, le calcul doit prendre en compte une analyse rétrospective s’appuyant sur les cinq à dix dernières années, ainsi qu’une démarche prospective visant à intégrer les conséquences des dérèglements climatiques sur la disponibilité de la ressource en eau [66].

41La voix du milieu. La disponibilité de l’eau est bien la pierre d’achoppement du dispositif. En effet, les prélèvements hivernaux demeurent dictés par les besoins, en creux, du milieu naturel. L’abondance de l’eau en saison hivernale doit permettre, en priorité, la recharge des aquifères, sans oublier l’alimentation en aval du littoral [67]. Façon de dire que les autorisations de remplissage ne pourront porter que sur la part non nécessaire à l’écosystème : le fameux trop plein ! À l’administration, il incombe de déterminer, chaque année, les seuils de remplissage et sa période, laquelle ne peut logiquement être que postérieure à la recharge, afin de ne pas parier sur une hypothétique pluviométrie élevée. L’alimentation des ouvrages sera donc fatalement marquée par l’imprévisibilité [68].

42Anticipation du changement. Déjà observables, les aléas seront forcément accentués par le changement climatique. C’est un point que l’économie de la plupart des projets engagés hélas néglige ; rares sont ceux qui osent intégrer les évolutions probables des conditions météorologiques, leurs conséquences sur la ressource [69] et donc sur les volumes prélevables. Dit brutalement, il n’existe aucune garantie que le remplissage des « bassines » dans le futur puisse avoir lieu dans les conditions espérées aujourd’hui. Si l’urgence d’anticiper la pénurie d’eau commande d’agir dans un temps court, elle n’exclut pas de mesurer la pertinence à moyen et long terme de projets de si grande ampleur.

B – Partage de l’eau

43Qui dit « réserves » dit réserver une part de l’eau à certains acteurs et non à d’autres. Or la ressource aquatique est, en tant qu’élément du patrimoine commun, placée sous le signe du partage. Le partage doit s’envisager à l’échelle de deux communautés : celle du monde agricole d’abord ; celle de tous les usagers du territoire ensuite.

44Au sein du monde agricole. C’est la loi sur l’eau n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 qui a formellement organisé les agriculteurs irrigants en communauté. Cette structuration positive a eu pour effet de considérablement modifier leurs prérogatives. Aux traditionnelles autorisations individuelles de prélèvement, le nouveau système entend substituer une gestion globale des besoins d’irrigation confiée à des organismes uniques de gestion collective (OUGC). Ainsi, dans les périmètres où ils sont reconnus, les OUGC reçoivent désormais, de la part du préfet, une autorisation unique pluriannuelle pour un volume total prélevable.

45Dans ce contexte de restriction généralisée de l’offre, le stockage de l’eau divise profondément la communauté agricole. Le plus étonnant est que cette ligne de fracture ne passe pas par les clivages traditionnels (productivistes/écologistes). La raison semble tenir à l’inégal accès à la ressource des différents cultivateurs. Il faut bien mesurer que, même sur les territoires en tension, les irrigants représentent une minorité des exploitations. Aussi, contrairement à un discours syndical homogène, la majorité de la profession est, sinon hostile, du moins perplexe sur l’intérêt des projets de retenues. Parmi les irrigants, tous n’ont pas non plus fait le choix d’adhérer à une structure (coopérative de l’eau) chargée de porter un projet de stockage [70]. Position qui peut générer, en pratique, des différences de traitement mal vécues. Ainsi les irrigants utilisant la « bassine » ont-ils vu leurs quotas maintenus (au motif qu’ils puiseront l’hiver), quand les autres ont été amputés d’une part très substantielle de leurs volumes ! S’ajoutent encore d’autres dissensions possibles entre les anciens allocataires et les nouveaux demandeurs de droits d’irriguer.

46Au-delà du monde agricole. Tandis que les projets de territoire pour la gestion de l’eau sont censés impliquer l’ensemble des usagers de la ressource, les retenues de substitution ont une vocation exclusive d’irrigation. Cet évident hiatus amène à se demander si les ouvrages ne pourraient pas rendre des services qui débordent le petit cercle des agriculteurs. Le grief d’accaparement de l’eau tomberait si le stockage était aussi animé d’autres desseins : le soutien à l’étiage des rivières, la recharge des nappes, la prévention des inondations, ou encore les besoins en eau potable des populations locales. Cet esprit d’ouverture a, semble-t-il, touché l’instruction du 7 mai 2019 qui évoque directement le financement d’ouvrages multi-usages ; et de préciser que « le PTGE privilégie autant que possible les solutions qui bénéficient à plusieurs usages de l’eau, ou conciliant plusieurs fonctions ou intérêts énumérés à l’article L. 211-1 du Code de l’environnement » [71].

C – Mutation des pratiques

47Transition agroécologique. Les avis convergent pour dire que les PTGE ne peuvent se déployer à pratiques culturales constantes. En regard d’un contexte environnemental alarmant, l’irrigation et ses infrastructures ne seront socialement acceptables que si elles sont le vecteur d’une véritable transition agroécologique [72]. C’est le sens de la doctrine gouvernementale qui subordonne les actions de stockage à la recherche de la sobriété des usages. Outre l’amélioration de l’efficience de l’irrigation (modernisation du matériel, pilotage), l’instruction du 7 mai 2019 souhaite inscrire l’agriculture dans la logique de développement durable. Le texte insiste notamment sur la transformation des systèmes de cultures, la modification des espèces et des variétés cultivées, les pratiques bénéfiques pour le cycle de l’eau (agroforesterie, haies, bonne gestion des sols). Le flou persiste cependant sur la forme, la précision et la portée des engagements pris par ceux qui auront le privilège de jouir de cette nouvelle assurance climatique. Afin d’éviter les énièmes déclarations d’intentions, une véritable contractualisation collective doit être mise en place avec des obligations de résultats significatives dotées d’une force juridique contraignante [73]. En substance, les agriculteurs peuvent s’engager dans deux types de changements.

48Changer de cultures. La modification des assolements est un premier levier facile à actionner [74]. Force est de constater que le procès de l’irrigation est surtout celui du maïs (grain, semence). Il est en effet une des plantes les plus cultivées en France [75], mobilisant près de la moitié de l’eau d’irrigation ! Sur un plan global, le maïs consomme moins d’eau que le blé ou le soja, avec de meilleures performances énergétiques. Sauf qu’il sollicite la ressource à l’époque où elle est la plus faible. Céréale d’origine tropicale, le maïs aime chaleur et humidité ; il doit être arrosé pendant sa période de floraison, soit en plein été. Dès lors, son adaptation à nos climats pose question.

49Depuis plusieurs années, les programmes se multiplient pour substituer au maïs d’autres cultures, plus résistantes et économes, notamment les légumineuses. Reste que la diversification des assolements ne dépend pas que de l’exploitant agricole, mais aussi des filières présentes sur son territoire [76]. La réorientation culturale suppose en effet la synergie – et l’engagement – de tous les maillons de la chaîne agroalimentaire : semenciers, conseillers, organismes de collecte, transformateurs…

50Changer d’agriculture. L’évolution du modèle agricole est l’autre horizon à explorer. À l’heure de l’effondrement de la biodiversité et de l’adaptation au changement climatique, la politique de stockage ne peut être dissociée de pratiques agroécologiques innovantes. L’effort consiste à développer la production de biens et services environnementaux, la réduction de l’usage des pesticides, la complémentarité entre production animale et végétale, l’autonomie énergétique des exploitations… L’on sait, du reste, que la manière de travailler les sols, et de les couvrir, influence grandement leurs capacités d’absorption et de rétention de l’eau [77]. Ainsi une agriculture intelligente et résiliente passe-t-elle par une approche systémique qui prenne en compte aussi bien la dimension quantitative que qualitative de l’eau [78].

51À l’issue de cette réflexion, l’on comprend que le stockage n’est pas, contrairement à une idée reçue, la solution miracle permettant l’adaptation de l’agriculture au réchauffement climatique. Il ne s’agit pas, pour autant, de l’exclure catégoriquement. S’il a sa place, c’est en tant que composante possible d’une stratégie de gestion de l’eau plus vaste, à construire collectivement à l’échelle des territoires. La difficulté de la tâche ne peut être niée, mais elle est la seule voie d’un changement local qui soit à la mesure du changement global.


Mots-clés éditeurs : irrigation, stockage, gestion de l’eau, transition agroécologique, retenues de substitution, projet de territoire pour la gestion de l’eau

Date de mise en ligne : 14/01/2020

Notes

  • [1]
    B. Grimonprez, « Les "biens nature" : précis de recomposition juridique », in B. Grimonprez (dir.) Le droit des biens au service de la transition écologique, Dalloz, 2018, p. 13.
  • [2]
    Qui se consomme (se détruit) par l’usage.
  • [3]
    G. Hardin, La tragédie des communs, PUF, 2018.
  • [4]
    F. Denier-Pasquier, La gestion et l’usage de l’eau en agriculture, CESE, 2013.
  • [5]
    Entre 1970 et 2000, on assiste à un triplement de la surface irriguée en France.
  • [6]
    Science Eaux et territoires, IRSTEA, L’irrigation en France, État des lieux, enjeux et perspectives, 2013.
  • [7]
    Agreste primeur, n° 292, novembre 2012 ; A.-G. Figureau, M. Montginoul et J.-D. Rinaudo, « Scénarios de régulation décentralisée des prélèvements agricoles en eau souterraine. Évaluation participative dans le bassin du Clain », Économie rurale, n° 342, 2014, p. 27-44.
  • [8]
    J.-P. Amigues et al., Sécheresse et agriculture. Réduire la vulnérabilité de l’agriculture à un risque accru de manque d’eau, 2006, INRA.
  • [9]
    H. Tandonnet et J.-J. Lozach, Eau : urgence déclarée, rapport d’information Sénat n° 616, 2016, p. 68.
  • [10]
    Sur ce chiffre-là, 75 milliards s’écoulent en surface et 100 milliards s’infiltrent en eau souterraine pour rejoindre ensuite les rivières.
  • [11]
    CGAAER, Eau, agriculture et changement climatique : statu quo ou anticipation ?, rapport n° 16072, 2017, p. 18.
  • [12]
    À côté de chez nous, l’Espagne mobilise 19,2 % de sa ressource pour l’irrigation, prévoyant même une augmentation de 20 % de la superficie irriguée de 2015 à 2021 (v. « Les effets du changement climatique en Espagne et la planification hydrologique », Ecologistas en Acción, novembre 2015).
  • [13]
    V. H. Hervieu, E. Jannès-Ober, « L’exercice Aqua2030 : comment imaginer les politiques de demain sur l’eau et les milieux aquatiques à la fois dans ses dimensions nationale et territoriale ? », Revue Science Eaux & Territoires, Ressources, territoires et changement climatique, n° 22, 2017, p. 62-67 ; Rapport Garonne 2050 : étude prospective sur les besoins et les ressources en eau à l’échelle du bassin de la Garonne, 2014 ; Projet Explore 2070 – Eau et changement climatique, 2015.
  • [14]
    Valeurs qui seront plus importantes que la moyenne (qui inclut les océans) sur les terres émergées.
  • [15]
    L’étude « Explore 2070 » sur la variabilité et l’écart de la recharge entre aujourd’hui et 2070 pointe une baisse de la recharge, globalement, entre 10 et 25 %, pouvant aller, par endroits, jusqu’à 50 % (Synthèse du projet Explore 2070. Hydrologie souterraine).
  • [16]
    CGAAER, Eau, agriculture et changement climatique : Statu quo ou anticipation ?, préc., p. 28 à 32.
  • [17]
    J.-M. Gilardeau, « Le dopage de l’activité agricole. Une mission de service public ? », in Mélanges J.-F. Lachaume, Dalloz, 2007, p. 573.
  • [18]
    CGAAER, Eau, agriculture et changement climatique : Statu quo ou anticipation ?, préc., p. 45.
  • [19]
    En témoigne l’article L. 211-1, II du Code de l’environnement qui ne fait pas de l’agriculture une priorité pour l’usage de l’eau, la mettant au même niveau que la pêche, l’industrie, l’énergie ou les autres activités humaines.
  • [20]
    H. Tandonnet et J.-J. Lozach, Eau : urgence déclarée, préc. p. 70.
  • [21]
    V. Rapport, Garonne 2050, préc.
  • [22]
    P. Martin, La gestion quantitative de l’eau en agriculture. Une nouvelle vision, pour un meilleur partage, Rapport, 2013.
  • [23]
    Cette gestion doit, selon l’article L. 211-1, I, 5° bis, du Code de l’environnement, assurer « la promotion d’une politique active de stockage de l’eau pour un usage partagé de l’eau permettant de garantir l’irrigation, élément essentiel de la sécurité de la production agricole et du maintien de l’étiage des rivières, et de subvenir aux besoins des populations locales ». Il complète ainsi l’article L. 210-1, pour qui le développement de la ressource utilisable, dans le respect des équilibres naturels, est d’intérêt général.
  • [24]
    En tant qu’instrument de prévention des risques, de maintien de la diversité et de l’emploi, de garantie de l’autonomie alimentaire.
  • [25]
    Instruction du 4 juin 2015, NOR : DEVL1508139J. Abrogée par Instruction du 7 mai 2019 : NOR : TREL1904750J.
  • [26]
    P. Martin, La gestion quantitative de l’eau en agriculture, préc. p. 32.
  • [27]
    V. après Sivens, le cas emblématique du barrage de Caussade.
  • [28]
    CGAAER, rapport n° 11176, Retenues de stockage d’eau en France, 2012 ; CGAAER, rapport n° 14061, Eau et agriculture, 2015, p. 14.
  • [29]
    Par exemple, SDAGE Loire-Bretagne : 7D - Faire évoluer la répartition spatiale et temporelle des prélèvements par stockage hivernal.
  • [30]
    V. Contrat territorial de gestion quantitative du bassin du Clain, dans la région de Poitiers.
  • [31]
    MEEDE, Guide juridique. Construction de retenues, mars 2013.
  • [32]
    Instruction du 4 juin 2015, préc.
  • [33]
    Instruction du 7 mai 2019 : NOR : TREL1904750J.
  • [34]
    Il s’agit simplement de directives données aux corps de l’administration qui, théoriquement, ne modifient pas le droit en vigueur.
  • [35]
    Art. R. 122-2 C. env., annexe rubr. 21 ; rubr. 3.2.5.0.
  • [36]
    V., art. R. 122-2 C. env., annexe rubr. 21 ; rubr. 3.2.3.0, 3.2.5.0 ; 3.2.6.0.
  • [37]
    TA Poitiers, 31 décembre 2009, Association Nature Environnement 17, n° 0801414.
  • [38]
    Sur le constat de ces impacts sur le milieu : F. Habets et al., « Small farm dams : impact on river flows and sustainability in a context of climate change », Hydrol. Earth Syst. Sci., 18, 4207-4222, https://doi.org/10.5194/hess-18-4207-2014, 2014.
  • [39]
    Décret n° 2011-2019, 29 décembre 2011.
  • [40]
    N. Carluer et alii., Impact cumulé des retenues d’eau sur le milieu aquatique, Expertise scientifique collective, 2016.
  • [41]
    Par une coopérative anonyme de l’eau, un syndicat mixte, ou une association syndicale autorisée.
  • [42]
    CE, 21 novembre 2018, n° 408175. V. pour un commentaire : G. Audrain-Demey, « Protection des zones humides et construction d’un village-vacances : note sous CE, 21 novembre 2018, n° 408175 », RJE 3/2019, p. 631.
  • [43]
    CAA Bordeaux, 5e ch., 29 décembre 2017, n° 15BX04118.
  • [44]
    CAA Bordeaux, 5e ch., 29 décembre 2017, préc.
  • [45]
    CAA Nantes, 2 mars 2010, n° 09NT00076 ; TA Lyon, 2e ch., 13 décembre 2007, n° 0504898.
  • [46]
    CAA Bordeaux, 5e ch., 29 décembre 2017, préc.
  • [47]
    Circulaire du 4 mai 2011, NOR : DEVL1108399C, annexe 2.
  • [48]
    On entend, par cette expression, un changement opéré dans les systèmes naturels ou humains qui conduit (de manière non intentionnelle) à augmenter la vulnérabilité au lieu de la réduire.
  • [49]
    Couverture végétale plus systématique, limitation des labours qui déstructurent le sol (réseaux de galeries) et réduisent sa porosité.
  • [50]
    V. le protocole d’accord pour une agriculture durable signé dans les Deux-Sèvres le 18 décembre 2018.
  • [51]
    CGAAER, rapport n° 14061, Eau et agriculture, préc., p. 15.
  • [52]
    Sur l’existence réelle ou supposée de ce fameux projet, voir infra.
  • [53]
    Instruction du 7 mai 2019, préc., p. 10.
  • [54]
    V. par exemple, l’Agence Loire-Bretagne, qui en fait un enjeu prioritaire de son 11ème programme pour « La quantité des eaux et l’adaptation au changement climatique ».
  • [55]
    Certaines études montrent cependant que ces avantages ne sont pas uniformes et systématiques selon les points d’eau.
  • [56]
    Qualifiables de véritables services environnementaux : plantation de haies, restauration de biodiversité, de la vie des sols…
  • [57]
    Dans la mesure où tous les agriculteurs y sont astreints.
  • [58]
    V. supra, p. 754.
  • [59]
    F. Denier-Pasquier, La gestion et l’usage de l’eau en agriculture, préc., p. 16 et s.
  • [60]
    P.-E. Bisch, Cellule d’expertise relative à la gestion quantitative de l’eau pour faire face aux épisodes de sécheresse, Rapport CGEDD, CGAAER, mai 2018.
  • [61]
    Ceux-ci sont mesurés au moyen de compteurs dont les ouvrages de stockage sont obligatoirement équipés.
  • [62]
    Instruction du 7 mai 2019, préc., p. 9.
  • [63]
  • [64]
    La raison semble être que l’administration avait autorisé des prélèvements supérieurs aux capacités de la ressource : Faut-il subventionner la création de réserves d’eau pour l’irrigation ?, rapport du Cemagref pour l’ONEMA, 2011.
  • [65]
    En ce sens, et conformément aux conclusions du rapporteur public, le tribunal administratif de Poitiers (TA Poitiers, 9 mai 2019) a annulé deux arrêtés d’irrigation (Charente et Marais Poitevin) au motif, notamment, que les nouveaux volumes autorisés sont très nettement supérieurs aux volumes effectivement prélevés par les irrigants jusqu’à présent.
  • [66]
    Instruction du 7 mai 2019, préc., annexe 2.
  • [67]
    Selon l’instruction précitée du 7 mai 2019 (annexe 5), « on veillera à une logique de solidarité amont-aval et à laisser suffisamment d’eau arriver jusqu’au littoral pour les usages et le milieu à l’aval, y compris pour sauvegarder la biodiversité du littoral et préserver les zones conchylicoles d’un excès de salinité ».
  • [68]
    « Plus l’ambition de stockage sera grande, plus le risque de non remplissage annuel sera important » : Rapport Garonne 2050, 2014, p. 44.
  • [69]
    V. Explore 2070, préc.
  • [70]
    En raison de la localisation de leurs exploitations, de l’impossibilité financière de s’engager dans le projet, de la préférence pour d’autres modes de cultures…
  • [71]
    Instruction du 7 mai 2019, préc., annexe 5.
  • [72]
    F. Denier-Pasquier, La gestion et l’usage de l’eau en agriculture, préc., p. 16.
  • [73]
    V. par exemple, le protocole d’accord des Deux-Sèvres du 18 décembre 2018. Les irrigants s’y sont engagés, en contrepartie de la création de retenues, à réaliser un diagnostic de leurs exploitations et à adopter des pratiques plus vertueuses, sous peine de perdre leurs volumes de prélèvement. Un comité scientifique et technique (CST) a été mis en place pour assurer le suivi des actions promises (arrêté du 15 février 2019).
  • [74]
    F. Denier-Pasquier, La gestion et l’usage de l’eau en agriculture, préc., p. 42.
  • [75]
    Principalement pour nourrir le bétail, à défaut de pâturage.
  • [76]
    V. Freins et leviers à la diversification des cultures. Étude au niveau des exploitations agricoles et des filières, INRA, janvier 2013.
  • [77]
    D. Soltner, Agroécologie : Guide de la nouvelle agriculture sur sol vivant, Coll. Sciences et techniques agricoles, 2018, p. 20.
  • [78]
    L’instruction du 7 mai 2019 insiste désormais sur cet aspect qualitatif (réduction des pollutions diffuses).

Domaines

Sciences Humaines et Sociales

Sciences, techniques et médecine

Droit et Administration

bb.footer.alt.logo.cairn

Cairn.info, plateforme de référence pour les publications scientifiques francophones, vise à favoriser la découverte d’une recherche de qualité tout en cultivant l’indépendance et la diversité des acteurs de l’écosystème du savoir.

Retrouvez Cairn.info sur

Avec le soutien de

18.97.14.86

Accès institutions

Rechercher

Toutes les institutions