Couverture de RJE_194

Article de revue

La compensation préalable des atteintes à la biodiversité dans le cadre des projets d’aménagement

Biodiversité protégée et biodiversité ordinaire : deux poids, deux mesures ?

Pages 705 à 724

Notes

  • [1]
    Ce texte est issu d’une conférence donnée à l’Université de Laval (Québec) dans le cadre du projet Nénuphar : « Comment le droit peut-il contribuer à un développement durable, sans perte nette de milieux humides ? » dirigé par Sophie Lavallée et Monique Poulin. Le projet est financé par le Conseil de recherche en sciences humaines du Canada (CRSH).
  • [2]
    Les lignes directrices françaises sur la séquence éviter, réduire, compenser, les décrivent comme des mesures ayant pour objet d’apporter une contrepartie aux impacts résiduels négatifs du projet qui n’ont pu être évités ou suffisamment réduits (Commissariat général au développement durable, Lignes directrices nationales sur la séquence éviter, réduire et compenser les impacts sur les milieux naturels, octobre 2013).
  • [3]
    CGDD, 2012.
    La Commission générale de terminologie et de néologie définit la compensation comme « un ensemble d’actions en faveur de l’environnement permettant de contrebalancer les dommages causés par la réalisation d’un projet qui n’ont pu être évités ou limités » (JO du 4 février 2010, texte n° 97).
  • [4]
    F. Haumont, « La compensation en droit de l’urbanisme et de l’environnement », Aménagement-Environnement, Bruxelles, Kluwer, numéro spécial, 2012, p. 2.
  • [5]
    CJCE, 26 octobre 2006, C-239/04, Com. c/Portugal. Dans cette affaire, la Cour de justice sanctionne le Portugal pour avoir mis à exécution un projet d’autoroute dont le tracé traversait une zone de protection spéciale (Natura 2000) sans avoir démontré l’absence de solutions alternatives audit tracé.
  • [6]
    Les mesures de réduction pourront consister à installer un écoduc de part et d’autre d’une voirie à grande circulation afin de permettre le passage de la petite et moyenne faune.
  • [7]
    V. P. Steichen, « Le principe de compensation, un nouveau principe du droit de l’environnement ? », in C. Cans (dir.), La responsabilité environnementale, prévention, imputation, réparation, Paris, Dalloz, Actes, 2009, p. 143-163.
  • [8]
    « La compensation en droit de l’urbanisme et de l’environnement », Aménagement-Environnement, numéro spécial, 2012 ; M. Lucas, Étude juridique de la compensation écologique, LGDJ, Coll. Thèses, 2015, 652 p. ; I. Doussan et A. Douai (dir.), « Construire des marchés pour la compensation et les services écologiques : enjeux et controverses », numéro spécial, RIDE, 2015-2.
  • [9]
    « (…) l’article 6, § 4, de la directive "habitats" vise toute mesure compensatoire apte à protéger la cohérence globale du réseau Natura 2000 qu’elle soit mise en œuvre dans le site affecté ou dans un autre site de ce réseau » : CJUE 15 mai 2014, C-521/12, Briels, p. 38.
  • [10]
    La Convention est entrée en vigueur en France le 1er décembre 1986.
  • [11]
    Le principe de la Convention est bien connu : au moment de son adhésion, chaque Partie doit désigner au moins une zone humide (art. 2.4. de la Convention). Elle prend alors toute mesure nécessaire pour garantir le maintien des caractéristiques écologiques de la zone (art. 2.5 de la Convention). En France, la Camargue par exemple est une zone Ramsar.
  • [12]
    Art. 4, §2 : « Lorsqu’une Partie contractante, pour des raisons pressantes d’intérêt national, retire une zone humide inscrite sur la liste ou en réduit l’étendue, elle devrait compenser autant que possible toute perte de ressources en zones humides et, en particulier, elle devrait créer de nouvelles réserves naturelles pour les oiseaux d’eau et pour la protection, dans la même région ou ailleurs, d’une partie convenable de leur habitat antérieur ».
  • [13]
    Résolution VIII.20 : Orientations générales pour interpréter « les raisons pressantes d’intérêt national » dans le contexte de l’article 2.5 de la Convention et envisager une compensation dans le contexte de l’article 4.2.
  • [14]
    Il est ainsi reconnu que « plus les valeurs et fonctions du site sont élevées, plus les avantages sociaux, économiques ou écologiques du projet proposé devraient être élevés ».
  • [15]
    Il faut y ajouter : « le maintien de la valeur globale, à l’échelle nationale et mondiale, de la superficie en zones humides inscrite par la Partie contractante sur la Liste de Ramsar ; l’existence d’une solution de compensation ; la pertinence des mesures de compensation du point de vue des caractéristiques écologiques, de l’habitat ou de la valeur du (des) site(s) Ramsar affecté(s) ».
  • [16]
    CE, 17 novembre 1995, n° 159855 : « que d’autre part si les obligations internationales (…) de la convention de Ramsar du 2 février 1971, également ratifiée et rendue applicable par le décret du 20 février 1987 (…), imposent à la France (…) la conservation des zones humides et des oiseaux d’eau, les stipulations desdites conventions créent seulement des obligations entre États sans ouvrir de droits aux intéressés ; que l’association requérante n’est donc pas fondée à se prévaloir d’une prétendue méconnaissance de ces engagements internationaux pour demander l’annulation du décret attaqué ».
  • [17]
    TA Caen, 12 mai 1998, n° 97-14, Association Manche Nature.
  • [18]
    La directive 79/409/CEE concernant la conservation des oiseaux sauvages a été, depuis, remplacée par la directive 2009/147/CE du 30 novembre 2009 concernant la conservation des oiseaux sauvages.
  • [19]
    Directive 92/43/CEE du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages.
  • [20]
    5 572 ZPS pour 74,3 millions d’hectares.
  • [21]
    23 726 ZSC pour 91,7 millions d’hectares.
  • [22]
    399 sites pour 79 375 km².
  • [23]
  • [24]
    Directive n° 85/337/CEE du 27 juin 1985 concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement puis directive 2011/92/UE du 13 décembre 2011 concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement.
  • [25]
    Cela vise de manière large la réalisation de travaux de construction ou d’autres installations ou ouvrages ainsi que « d’autres interventions dans le milieu naturel ou le paysage, y compris celles destinées à l’exploitation des ressources du sol » (art. 1er, §2, a). La Cour de justice a, par exemple, considéré qu’une activité telle que la pêche mécanique à la coque (coquillage) rentrait dans la notion de « projet » (CJCE, 7 septembre 2004, C-127/02, mer de Wadden).
  • [26]
    3. « Tout plan ou projet non directement lié ou nécessaire à la gestion du site mais susceptible d’affecter ce site de manière significative, individuellement ou en conjugaison avec d’autres plans et projets, fait l’objet d’une évaluation appropriée de ses incidences sur le site eu égard aux objectifs de conservation de ce site ».
  • [27]
    CJCE, 7 septembre 2004, C-127/02, Landelijke Vereniging tot Behoud van de Waddenzee, §40.
  • [28]
    Idem, §44
  • [29]
    CJCE, 7 novembre 2018, C-461/17, Holohan et crts, La revue foncière, n° 26, 2018, p. 40, obs. F. Haumont, P. Steichen.
  • [30]
    « Compte tenu des conclusions de l’évaluation des incidences sur le site et sous réserve des dispositions du paragraphe 4, les autorités nationales compétentes ne marquent leur accord sur ce plan ou projet qu’après s’être assurées qu’il ne portera pas atteinte à l’intégrité du site concerné et après avoir pris, le cas échéant, l’avis du public ».
  • [31]
    CJUE, 17 avril 2018, Commission c. Pologne (forêt de Bialowieza), C-441/17, §116.
  • [32]
    C.-H. Born, L’intégration de la biodiversité dans les plans d’aménagement du territoire, Thèse UCL, 2008, p. 886.
  • [33]
    Commission européenne, Gérer les sites Natura 2000 – Les dispositions de l’article 6 de la directive « habitats » 92/43/CEE, 2000, 69 p. ; Commission européenne, Évaluation des plans et projets ayant des incidences significatives sur des sites Natura 2000 – Guide de conseils méthodologiques de l’article 6, paragraphes 3 et 4, de la directive « habitats » 92/43/CEE, 2002, 76 p.
  • [34]
    Toujours selon la Commission, ces mesures compensatoires peuvent prendre différentes formes : la recréation d’un habitat sur un site nouveau ou agrandi et l’incorporation de ce site dans le réseau Natura 2000, l’amélioration d’un habitat sur une partie du site ou sur un autre site Natura 2000, dans une mesure proportionnelle aux pertes provoquées par le projet, et enfin, exceptionnellement, la proposition d’un nouveau site au titre de la directive « Habitats ». Il est précisé que le résultat de ces mesures doit être en principe opérationnel au moment où les dégâts du projet sont effectifs sauf s’il peut être établi que cette simultanéité est inutile pour assurer la contribution de ce site au réseau Natura 2000.
  • [35]
    CJUE, 25 juillet 2018, C-164/17, Grace et Sweetmann c. An Bord Pleanala, obs. F. Haumont, P. Steichen, Revue foncière, n° 25, p. 45.
  • [36]
    CJUE, 25 juillet 2018, C-164/17, Grace et Sweetmann, §26.
  • [37]
    Idem, §52.
  • [38]
    CJUE, 21 juillet 2016, Orleans et crst, C-387/15 et C-388/15.
  • [39]
    CJUE, 15 mai 2014, Briels e.a., C-521/12.
  • [40]
    Idem, §31.
  • [41]
    Article L. 414-IV-II du Code de l’environnement.
  • [42]
    Il est précisé que, sauf mention contraire, les plans, projets et manifestations listés sont soumis à l’obligation d’évaluation des incidences Natura 2000, que le territoire qu’ils couvrent ou que leur localisation géographique soient situés ou non dans le périmètre d’un site Natura 2000 (art. R. 414-19-II C. env.).
    Dans les faits, les mentions contraires ne sont pas rares. En tout état de cause, la liste est large et vise, outre les plans d’urbanisme, tous les projets soumis à évaluation environnementale au titre de l’article R. 122-2 du Code de l’environnement.
  • [43]
    La liste de référence précise à de multiples reprises que seuls les projets situés en tout ou partie à l’intérieur d’un site Natura 2000 sont concernés. Un régime d’autorisation ad hoc pour ces opérations est prévu (art. R. 414-29 C. env.).
  • [44]
    CAA Nantes, 25 janvier 2013, n° 12NT02289.
  • [45]
    En l’espèce d’ailleurs, la déclaration d’utilité publique a été annulée pour d’autres raisons. L’étude d’impact jointe au dossier de l’enquête publique ne comportait aucune analyse du coût des pollutions et nuisances et des avantages induits résultant du contournement routier projeté.
  • [46]
    CJUE, 12 avril 2018, C-323/17, People Over Wind et Sweetman c. Coillte Teoranta, obs. F. Haumont, P. Steichen. La revue foncière, n° 24, 2018, p. 44.
  • [47]
    Art. L. 411-1 et L. 411-2. C. env.
    L’article L. 411-2 C. env. renvoie la fixation de listes d’espèces animales non domestiques et végétales à un décret pris en Conseil d’État. L’article R. 411-1 C. env. renvoie à son tour à des arrêtés le soin de fixer ces listes faisant l’objet des interdictions définies par les articles L. 411-1 et L. 411-3 C. env. Ces listes sont établies par arrêté conjoint du ministre chargé de la protection de la nature et du ministre chargé de l’agriculture ou, lorsqu’il s’agit d’espèces marines, du ministre chargé des pêches maritimes. Il revient également aux arrêtés, pris sur le fondement de l’article R. 411-2 du même Code, de déterminer, d’une part, la nature des interdictions et, d’autre part, la durée de ces interdictions, ainsi que les parties du territoire et les périodes de l’année où elles s’appliquent (art. R. 411-3 C. env.). Enfin, des arrêtés préfectoraux peuvent fixer localement les dates d’entrée en vigueur et la cessation des interdictions (art. R. 411-4 C. env.).
  • [48]
    Art. L. 415-3 C. env.
    Par exemple, a été condamné l’auteur de la cueillette de spécimens de « Reine des Alpes » dans le parc national des Écrins (Cass. crim., 13 juin 1989, n° 89-80.090).
  • [49]
    Art. L. 411-2, 4°, C. env.
    Sur cette question, voir Xavier Braud, « Aménagement : le contrôle du juge sur la dérogation à la protection des espèces », Dr. env. n° 238, p. 334 ; « La consistance de la motivation d’une dérogation à la protection des espèces », Dr. env. n° 231, février 2015, p. 63.
  • [50]
    Arrêté du 19 février 2007 fixant les conditions de demande et d’instruction des dérogations définies au 4° de l’article L. 411-2 du code de l’environnement portant sur des espèces de faune et de flore sauvages protégées.
  • [51]
    À l’époque, la directive avait engendré une réforme considérable en droit de l’environnement, notamment pour les États membres qui, au contraire de la France, ne connaissaient pas ce type de mécanisme.
  • [52]
    CJCE, 16 mars 2006, C-322/04, Commission c. Espagne. Celle-ci a été condamnée pour n’avoir pas mentionné l’interaction entre les facteurs.
  • [53]
    La Cour de justice insiste sur l’analyse des effets cumulatifs d’un projet : il ne faut pas se limiter à examiner isolément l’impact d’un projet ; il faut aussi examiner l’impact qu’il pourrait avoir en étant cumulé à d’autres activités (CJUE, 24 novembre 2011, C-404/09, Commission c. Espagne ; CJUE, 15 décembre 2011, C-560/08, Commission c. Espagne).
  • [54]
    Cette description devrait expliquer dans quelle mesure les incidences négatives notables sur l’environnement sont évitées, prévenues, réduites ou compensées et devrait couvrir à la fois les phases de construction et de fonctionnement.
  • [55]
    Doctrine relative à la séquence éviter-réduire-compenser les impacts sur le milieu naturel, Ministère de l’Écologie, du Développement durable, des Transports et du Logement, mars 2012.
  • [56]
    Commissariat général au développement durable, Lignes directrices nationales sur la séquence éviter, réduire et compenser les impacts sur les milieux naturels, octobre 2013.
  • [57]
    Selon ces lignes directrices, les mesures compensatoires devaient viser trois objectifs :
    • être au moins « équivalentes », c’est-à-dire permettre de rétablir la qualité environnementale du milieu naturel endommagé à un niveau au moins équivalent à son état initial en essayant, autant que faire se peut, d’obtenir un gain net ;
    • « faisables » ce qui suppose qu’elles aient été validées techniquement, évaluées financièrement et sécurisées juridiquement, au regard notamment des éventuelles autorisations administratives à obtenir pour les mettre en œuvre ;
    • enfin, « efficaces », ce qui suppose qu’elles soient assorties d’objectifs de résultats et de modalités de suivi pour en mesurer les effets.
  • [58]
    TA Lyon, 1er octobre 2005, n° 0506497, Cne Sainte Catherine et a.
  • [59]
    Le juge relève également « qu’il ressort encore de l’étude d’incidences que cette dernière a principalement porté, du point de vue hydrographique, ainsi que le relèvent les requérantes, sur le lit mineur de la rivière de la Platte, sur la qualité des eaux ainsi que sur les mesures compensatoires définies en termes de sauvegarde du débit réservé et de restitution du débit ».
  • [60]
    « que les mesures compensatoires à la suppression d’une telle superficie de zones humides, lesquelles, outre leur intérêt faunistique et floristique, assurent l’épuration des eaux d’écoulement tout autant qu’elles font office de régulation des cours d’eau en permettant le stockage d’eau en cas de crue et le soutien de l’étiage, constituent un élément substantiel de l’autorisation de réaliser les travaux en cause ; qu’il résulte toutefois de l’instruction à cet égard que l’ensemble des études et documents d’incidence soumis à enquête publique ne comporte aucune mesure compensatoire de cette suppression en se limitant à un engagement de compensation par équivalence des fonctionnalités écologiques des zones, dont la méthode n’est pas déterminée et est conditionnée, par renvoi, aux résultats d’une étude ultérieure devant quantifier la valeur des zones concernées, tant s’agissant de leur pouvoir d’épuration des eaux que de leur pouvoir tampon sur les cours d’eau », TA Châlons-en-Champagne, 1re ch., 11 février 2014, n° 1101772.
  • [61]
    TA Besançon, 1re ch., 18 février 2014, n° 1201.
  • [62]
    CAA Nantes, 2ème chambre, 14 novembre 2014, n° 12NT01802.
  • [63]
    « que des mesures ont ainsi été prévues page 23 de l’étude d’impact pour limiter, supprimer ou compenser l’impact des travaux sur les amphibiens, consistant notamment à créer un réseau de 12 mares dont la moitié déconnectée du réseau de drainage et à aménager ou réaménager les plans d’eau existants ou à créer en pente douce ; que l’objectif poursuivi, selon l’étude d’impact, est d’augmenter la population d’amphibiens après projet, le suivi prévu sur cinq ans devant permettre les ajustements nécessaires ; que, par suite, cette étude était suffisante quant à la description de l’état initial de la batrachofaune et des mesures compensatoires destinées à assurer la préservation et le développement de cette population protégée ».
  • [64]
    Th. Dubreuil, « Mesures compensatoires : le dossier de l’aéroport de Notre-Dame-Des-Landes et les apports de la loi Biodiversité », RJE 4/2017, p. 621-628.
  • [65]
    Jugements du TA de Nantes : 17 juillet 2015, n° 1400329, 1400339, 140343, 140355, 1401285, 1401296, 1401304, 1401302, 1401685, 1401689, 1401692, 1401673, 1410918 et arrêts du 14 novembre 2016, n° 15NT02883, 15NT02884, 15NT02864, 15NY02858, 15NT02859, 15NT02386 et 15NT02863.
  • [66]
    Th. Dubreuil, art. préc.
  • [67]
    Loi n° 2016-1087 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages,
  • [68]
    M. Lucas, « Quel avenir juridique pour le triptyque ERC », RJE 4/2017, p. 637.
  • [69]
    I. Doussan, « Quand les parlementaires débattent de la compensation écologique : des occasions manquées », Natures Sciences Sociétés 26, 2, p. 159-169 (2018).
  • [70]
    Idem.
  • [71]
    Art. L. 110-1, II, 2°, C. env.
  • [72]
    Art. L. 110-1, II, 2°, C. env. repris à l’art. L. 163-1 C. env.
  • [73]
    I. Doussan, « Quand les parlementaires débattent de la compensation écologique : des occasions manquées », art. préc.
  • [74]
    P. Steichen, « Le principe de compensation, un nouveau principe du droit de l’environnement ? », in La responsabilité environnementale, prévention, imputation, réparation, op. cit., p. 143.
  • [75]
    Par la Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire de l’Assemblée Nationale.
  • [76]
    Art. R. 163-1 C. env.
  • [77]
    Art. L. 163-1. II C. env.
  • [78]
    G.-J. Martin, « La compensation écologique, de la clandestinité à l’affichage », RJE 4/2016, p. 611.
  • [79]
    Décrets n° 2017-264 et 2017-265 du 28 février 2017 relatifs à l’agrément des sites naturels de compensation.
  • [80]
    Art. L. 163-4 C. env.
  • [81]
    Bien que ces garanties ne soient pas non plus pleinement satisfaisantes.
  • [82]
    Art. L. 163-4 C. env.
  • [83]
    Art. L. 163-4 C. env.
  • [84]
    G.-J. Martin, « La compensation écologique, de la clandestinité à l’affichage », RJE 4/2016, p. 607.
  • [85]
    La ministre notamment y était nettement défavorable, v. I. Doussan, art. préc. p. 165.
  • [86]
    Pour un exemple contraire, v. le projet ITER. Dans le cadre du projet « International Thermonuclear Experimental Reactor », dit ITER à Cadarache, Iter France avait prévu, à titre compensatoire, l’acquisition foncière de 480 hectares pour un montant de 816 000 euros. ITER a décidé de rester propriétaire de ces terrains et d’en confier la gestion à des organismes habilités (l’ONF et le Conservatoire d’espaces naturels PACA).
  • [87]
    B. Grimonprez, N. Reboul-Maupin, « Les obligations réelles environnementales : chronique d’une naissance annoncée », D. 2016, 2074 ; William Dross, « L’originalité de l’obligation réelle environnementale en droit des biens », Énergie - Environnement - Infrastructures n° 6, juin 2017, dossier 16.
  • [88]
    La loi dispose expressément que « les obligations réelles environnementales peuvent être utilisées à des fins de compensation » (art. L. 132-3, al. 2, C. env.)
  • [89]
    Le dispositif permet en effet à un propriétaire de mettre à sa charge, comme à celle de tous les propriétaires successifs du bien pendant la durée de la convention, des obligations de faire ou de ne pas faire. Les obligations sont consenties au bénéfice de personnes publiques ou privées agissant pour la protection de l’environnement et ont pour objet le maintien, la conservation, la gestion ou la restauration d’éléments de biodiversité ou de fonctions écologiques.
  • [90]
    CJCE, 7 novembre 2018, C-461/17, Holohan et crts, La revue foncière, n° 26, 2018, p. 40, obs. F. Haumont, P. Steichen.
  • [91]
    En droit interne, l’article R. 122-5, 7°, du Code de l’environnement exige du maître d’ouvrage qu’il procède dans son étude d’impact à « une description des solutions de substitution raisonnables ».
  • [92]
    Directive 2011/92 concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement (EIE).

1Le consensus se fait autour de la définition de la compensation [2]. Les mesures compensatoires sont généralement définies comme « des actions écologiques permettant de contrebalancer les pertes de biodiversité dues à des projets d’aménagement, lorsque l’aménageur n’a pu ni éviter ces pertes, ni les réduire » [3]. Il n’y a donc aucun doute sur le fait que la compensation est une composante du triptyque « éviter-réduire-compenser » mis en œuvre dans le cadre de la réalisation de projets d’aménagement ou de construction d’une certaine envergure. La compensation ne se confond pas avec les deux autres séquences auxquelles elle est systématiquement associée [4]. Les mesures d’évitement visent à empêcher un impact négatif, par la recherche de solutions alternatives. Il peut s’agir d’une variante géographique ou d’une variante technique [5]. Les mesures de réduction des impacts sur l’environnement visent, pour leur part, à minimiser l’ampleur des impacts négatifs d’un projet lors de sa conception et de sa mise en œuvre. Celles-ci sont directement liées au projet [6]. Les mesures de réparation, à l’inverse, interviennent dans le cadre de la mise en œuvre d’un régime de responsabilité (civile, pénale ou administrative) pour réparer, prioritairement par une remise en état du site endommagé, les dommages résultant d’un acte non autorisé. Nous ne les examinerons pas dans le cadre de cette étude [7]. Se distinguant des mesures d’évitement et de réduction, les mesures de compensation [8] se positionnent en amont d’un plan ou d’un projet autorisé par les autorités publiques et visent à anticiper les conséquences d’un dommage futur. À la différence des mesures de réduction, ces mesures de compensation sont mises en œuvre, en principe [9], sur un autre site. Si, par exemple, une mare temporaire méditerranéenne venait à être détruite lors d’un projet, il faudrait recréer une mare sur un autre site.

2Les mesures compensatoires sont apparues relativement tôt en droit international. La Convention internationale de Ramsar du 1er février 1971 « relative aux zones humides d’importance internationale, particulièrement comme habitats des oiseaux d’eau » [10] a été la première à utiliser la notion [11]. Si une partie contractante veut déclasser une zone humide, elle ne peut le faire que pour des raisons pressantes d’intérêt national [12]. Elle doit, dans ce cas, compenser autant que possible, toute perte de ressources en zones humides et créer de nouvelles réserves, soit dans la même région, soit ailleurs. Une résolution des Parties de 2002 [13] prescrit des orientations générales aux fins d’interprétation de ces mesures compensatoires [14]. Les Parties doivent prendre en compte, notamment, le maintien de la valeur globale, à l’échelle nationale et mondiale, de la superficie en zones humides. Les incertitudes scientifiques et les effets négatifs que la mesure de compensation pourrait elle-même entraîner doivent également être intégrés [15]. Rappelons que les dispositions de la Convention de Ramsar ne créent d’obligations qu’entre les États. La Convention est donc inopposable aux décisions individuelles [16]. Dans les faits, elle constitue davantage un indice permettant d’attester de l’intérêt écologique particulier d’une zone [17]. En Europe, les mesures compensatoires accompagnent la réalisation des projets d’aménagement dans la séquence « éviter-réduire-compenser » de l’évaluation préalable des incidences sur l’environnement. Toutefois, les mesures compensatoires n’ont pas la même force, selon qu’elles sont mises en œuvre pour compenser des atteintes à la biodiversité protégée ou à la nature ordinaire.

I – Les mesures compensatoires des atteintes à la biodiversité protégée

3Le droit de l’Union européenne attache une importance particulière à la conservation des habitats naturels et des espèces de flore et de faune sauvages. Consécutivement, le droit français transpose formellement ces obligations.

A – Les mesures compensatoires dans la réalisation des projets susceptibles d’affecter un site Natura 2000 en droit de l’Union

4En 1979, ce sont d’abord les zones de protection spéciale (ZPS) destinées à protéger les oiseaux sauvages qui ont vu le jour [18]. De manière plus précise, la directive « oiseaux » concerne la conservation de toutes les espèces d’oiseaux vivant naturellement à l’état sauvage sur le territoire européen des États membres. Elle a pour objet la protection, la gestion et la régulation de ces espèces et elle en réglemente l’exploitation. Par suite, en 1992, la directive « concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages », dite « habitats » [19], a appelé les États à désigner des zones spéciales de conservation (ZSC) destinées à protéger, en dehors des sites ornithologiques, certains espaces naturels d’intérêt communautaire. La directive « habitats » a pour objectif de contribuer à préserver la biodiversité sur le territoire européen des États membres. Elle fixe, dans ses annexes, une liste des habitats et des espèces protégées dont certaines sont prioritaires. Les mesures prises en vertu de cette directive visent à assurer le maintien ou le rétablissement, dans un état de conservation favorable, des habitats naturels et des espèces de faune et de flore sauvages d’intérêt communautaire.

5Ces zones de protection spéciales pour les oiseaux et ces zones spéciales de conservation pour les habitats naturels forment le réseau européen de protection Natura 2000. Ces sites couvrent 18,15 % de la surface terrestre du territoire de l’UE, soit près de 75 millions d’hectares [20] pour la directive « oiseaux » et près de 92 millions d’hectares [21] pour la directive « habitats ». En France, les sites couvrent 12,9 % de la surface terrestre métropolitaine, soit près de 8 millions d’hectares pour la directive « oiseaux » [22] et près de 7,5 millions d’hectares pour la directive « habitats » [23].

6Dans les sites Natura 2000, les autorités nationales ont l’obligation de contrôler les activités qui s’y déroulent afin d’en assurer la compatibilité avec la conservation de la biodiversité protégée. Cet objectif se matérialise, à titre principal, par l’obligation de réaliser une évaluation des incidences dite « appropriée » pour tout plan, programme ou projet susceptible d’affecter un site Natura 2000 de manière significative. Cette évaluation se rapproche par certains aspects de l’étude d’impact requise par la directive 2011/92/UE du 13 décembre 2011 concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement [24]. La Cour de justice renvoie d’ailleurs pour interpréter la notion de « projet » au sens de la directive « habitats », à la directive 2011/92 [25].

7Dans les sites Natura 2000, tout plan ou projet susceptible d’affecter un site de manière significative, doit faire l’objet d’une évaluation appropriée de ses incidences au regard des objectifs de conservation du site (art. 6, §3, 1ère phrase [26]). La Cour de justice subordonne l’exigence de l’évaluation appropriée à la condition qu’il y ait une probabilité ou un risque que le site soit affecté de manière significative [27]. Le principe de précaution a en outre amené la Cour de justice à considérer qu’un tel risque existe dès lors qu’il ne peut être exclu, sur la base d’éléments objectifs, que ledit plan ou projet affecte le site concerné de manière significative, ce qui est le cas notamment lorsque le plan ou projet risque de compromettre les objectifs de conservation du site [28]. S’agissant du point de savoir s’il faut, lors d’une évaluation appropriée Natura 2000 se concentrer sur la biodiversité protégée ou étendre l’évaluation à la biodiversité ordinaire, la Cour de justice, dans un arrêt du 7 novembre 2018, précise que : « l’article 6, paragraphe 3, de la directive "habitats" doit être interprété en ce sens qu’une "évaluation appropriée" doit, d’une part, recenser la totalité des types d’habitats et des espèces pour lesquels un site est protégé, ainsi que, d’autre part, identifier et examiner tant les incidences du projet proposé sur les espèces présentes sur ce site, et pour lesquelles celui-ci n’a pas été répertorié, que celles sur les types d’habitats et les espèces situés hors des limites dudit site, pour autant que ces incidences sont susceptibles d’affecter les objectifs de conservation du site » [29].

8En tout état de cause, la directive « habitats » limite l’autorisation d’un plan ou projet à la condition que celui-ci ne porte pas atteinte à l’intégrité du site concerné (art. 6, §3, 2ème phrase [30]) [31]. Cela signifie que les autorités nationales compétentes ne peuvent marquer leur accord sur la faisabilité d’un plan ou projet qu’après s’être assurées qu’il ne portera pas atteinte à l’intégrité du site concerné. Dans le cas contraire, elles ne peuvent octroyer l’autorisation. Il existe toutefois un processus dérogatoire strictement encadré qui permet, en dépit des atteintes à l’intégrité du site, de réaliser le projet à une triple condition que le plan ou projet réponde à des raisons impératives d’intérêt public majeur, qu’il n’existe pas de solutions alternatives, et enfin que des mesures compensatoires soient adoptées (art. 6, §4). La Commission en est informée. Dans le cas où le site concerné abrite un type d’habitat naturel et/ou une espèce prioritaire, les conditions de réalisation sont encore plus restrictives : seules peuvent être évoquées des considérations liées à la santé de l’homme et à la sécurité publique ou à des conséquences bénéfiques primordiales pour l’environnement ou, après avis de la Commission, à d’autres raisons impératives d’intérêt public majeur.

9L’objectif des mesures compensatoires est donc d’assurer, en dépit de la destruction ou de la détérioration d’un site du réseau, le maintien ou le rétablissement de l’état de conservation favorable des espèces et habitats touchés [32]. La Commission a publié des documents relatifs à l’interprétation de cette procédure dérogatoire largement conditionnée par la qualité des mesures compensatoires [33]. Elle distingue ainsi les « mesures d’atténuation au sens large, visant à réduire, voire supprimer des effets négatifs sur le site lui-même » et les « mesures compensatoires stricto sensu[34] » qui sont clairement des mesures indépendantes du projet qui visent à contrebalancer les effets négatifs d’un plan ou d’un projet de manière à sauvegarder la cohérence écologique globale du réseau Natura 2000.

10À chaque fois qu’elle est saisie d’un contentieux portant sur l’évaluation des impacts d’un projet dans un site Natura 2000, la Cour de justice ne manque pas de rappeler la distinction à opérer entre les mesures d’atténuation et les mesures de compensation. On en veut pour exemple un arrêt du 25 juillet 2018 [35], Grace et Sweetman c An Bord. La Cour de justice était saisie d’une question préjudicielle portant sur un projet de parc éolien dans une zone de protection spéciale pour les oiseaux en Irlande. La question posée était celle de savoir dans quelle mesure un projet peut ab initio inclure des mesures d’atténuation, voire de compensation qui seraient prises en compte dans l’évaluation appropriée, cette dernière pouvant dès lors conclure à l’absence d’impact négatif sur l’habitat ou l’espèce concernée.

11La Cour de justice rappelle que l’effet utile des mesures de protection prévues à l’article 6 de la directive « Habitats » vise précisément à éviter que, par des mesures dites « d’atténuation » mais qui correspondent en réalité à des mesures compensatoires, l’autorité nationale compétente contourne les procédures spécifiques énoncées à cet article en autorisant des projets susceptibles de porter atteinte à l’intégrité du site concerné [36]. Selon la Cour de justice, ces mesures ne sauraient prospérer au titre des mesures d’atténuation visant à éviter ou réduire les impacts pour la simple raison « qu’en règle générale, les éventuels effets positifs du développement futur d’un nouvel habitat, qui vise à compenser la perte de surface et de qualité de ce même type d’habitat sur une zone protégée, ne sont que difficilement prévisibles ou ne sont visibles que plus tard » [37]. Les bénéfices ne sont qu’éventuels parce que leur mise en œuvre n’est pas achevée, précise encore la Cour.

12Ce faisant, elle ne fait que reprendre sa jurisprudence antérieure [38]. Dans une affaire équivalente du 15 mai 2014 [39], où était proposée la création de prairies bleues sur un site affecté, la Cour avait déjà énoncé « qu’en règle générale, les éventuels effets positifs du développement futur d’un nouvel habitat, qui vise à compenser la perte de surface et de qualité de ce même type d’habitat sur un site protégé, quand bien même d’une superficie plus grande et de meilleure qualité, ne sont que difficilement prévisibles, et en tout état de cause ne seront visibles que dans quelques années » [40].

13Le mécanisme procédural des paragraphes 3 et 4 de l’article 6 de la directive « habitats » est donc très clair. La Cour de justice exige que l’on procède en deux temps : en premier lieu, une évaluation appropriée du plan ou du projet en application du paragraphe 3 excluant les mesures compensatoires et, en second lieu, si les conclusions de cette évaluation démontrent l’atteinte significative à un site Natura 2000, l’enclenchement de la procédure dérogatoire du paragraphe 4 (démonstration de l’existence d’un intérêt public majeur et de l’absence de solution alternative suivie de la détermination des mesures compensatoires).

14C’est l’ensemble de ce mécanisme que l’on retrouve en droit français, dont la transposition mériterait d’être clarifiée.

B – Les mesures compensatoires pour la biodiversité protégée en droit français

15En droit français, on retrouve formellement les exigences de la directive « habitats » concernant l’évaluation appropriée des incidences sur les sites Natura 2000. En dehors de ces sites, des mesures compensatoires peuvent être imposées au titre de la dérogation à l’interdiction de porter atteinte aux espèces protégées.

16Le champ d’application des évaluations Natura 2000 figure à l’article L. 414-4 du Code de l’environnement. Le droit distingue les plans, programmes ou projets soumis à un régime administratif d’autorisation, d’approbation ou de déclaration [41] et les autres. Les premiers ne sont évalués que s’ils figurent sur une liste nationale (art. R. 414-19 C. env.) éventuellement complétée par une liste locale [42].

17Pour les plans, programmes ou projets non soumis à un régime administratif d’autorisation, d’approbation ou de déclaration, ils doivent figurer sur une liste locale établie à partir d’une liste nationale de référence (art. R. 414-27 C. env.) [43]. Il est toujours possible, en dehors de ces listes, de soumettre à une évaluation appropriée Natura 2000 (art. L. 414-IV bis C. env.) tout document de planification, programme, projet ou toutes interventions susceptibles d’affecter un site Natura 2000 de manière significative. Cette disposition répond à l’obligation posée par la directive « habitats ». En effet, le système des listes positives ne peut assurer, en toutes circonstances, qu’une activité ne figurant sur aucune des listes applicables ne sera jamais susceptible d’affecter un site Natura 2000 de manière significative.

18Pour le juge français, la présence de mesures compensatoires au stade de l’évaluation des incidences du projet sur l’état de conservation du site n’est pas nécessairement inadéquate. On en veut pour exemple un arrêt rendu par la Cour administrative de Nantes en 2013 [44]. Était en cause la création d’une voie de contournement d’une route départementale traversant l’extrémité d’un site Natura 2000. La Cour d’appel énonce que pour déterminer si un projet entre dans le champ des dérogations à l’interdiction de porter atteinte à un site Natura 2000, en particulier pour des raisons impératives d’intérêt public majeur, il convient d’apprécier si sa réalisation est de nature à porter atteinte à l’état de conservation d’un site Natura 2000, « une fois pris en compte l’impact des mesures de nature à supprimer ou réduire ses effets dommageables ». Mais, pour le juge, « n’est pas de nature à faire apparaître que le projet aurait un impact significatif sur l’état de conservation du site Natura 2000, et sur les espèces qu’il abrite, la seule circonstance que, dans le but de contrebalancer l’impact résiduel du projet sur le site, des mesures compensatoires spécifiques ont été prévues, telles la réhabilitation en prairies de parcelles agricoles afin de restaurer les biotopes détruits par le projet, le rétablissement de corridors de déplacement pour la faune, l’enfouissement des réseaux, l’adoption d’un profil en travers adapté et la réalisation d’un revêtement routier apte à diminuer le bruit de roulement des véhicules ; qu’ainsi, le projet ne peut être regardé comme portant atteinte à l’état de conservation du site » [45]. La question est celle de savoir si seules les mesures d’atténuation ont été prises en compte pour apprécier les incidences du projet.

19On notera que, depuis un décret n° 2010-365 du 9 avril 2010 relatif à l’évaluation des incidences Natura 2000, la procédure a été affinée. L’évaluation des incidences s’opère en trois phases (art. R. 414-23 C. env.). Dans une première phase, l’opérateur présente son projet identifiant les sites Natura 2000 susceptibles d’être concernés par le projet. Il expose, de manière sommaire, les raisons pour lesquelles le projet est susceptible d’avoir ou non une incidence sur le site. Cela signifie qu’une évaluation simplifiée peut donc suffire si une première analyse conduit à constater l’absence de risque. À cet égard, un arrêt de la CJUE du 12 avril 2018 est venu préciser que les mesures d’évitement et de réduction sont exclues de la phase de pré-évaluation des incidences d’un projet sur un site Natura 2000 : « l’article 6, paragraphe 3, de la directive "habitats" doit être interprété en ce sens que, afin de déterminer s’il est nécessaire de procéder, ultérieurement, à une évaluation appropriée des incidences d’un plan ou d’un projet sur un site concerné, il n’y a pas lieu, lors de la phase de pré-évaluation, de prendre en compte les mesures visant à éviter ou à réduire les effets préjudiciables de ce plan ou de ce projet sur ce site » [46].

20Par suite, en droit interne, s’il y a un risque d’atteinte à un site Natura 2000, l’exposé précise la liste des sites susceptibles d’être affectés et les effets directs ou indirects du projet sur l’état de conservation des habitats ou espèces qui ont justifié la désignation du ou des sites. S’il résulte de cette analyse que le projet peut avoir des effets significatifs dommageables pendant ou après sa réalisation, le dossier comprend un exposé des mesures qui seront prises pour supprimer ou réduire ces effets dommageables. L’impact du projet est donc clairement apprécié en tenant compte des mesures d’évitement et de réduction. L’évaluation doit catégoriquement se comprendre, en vertu de la jurisprudence de la Cour de justice, comme excluant toute mesure compensatoire à ce stade. L’article L. 414-4, VI, du Code de l’environnement prévoit que l’autorité s’oppose à tout plan, programme ou projet s’il résulte de l’évaluation que leur réalisation porterait atteinte aux objectifs de conservation du site.

21Lorsque des effets négatifs subsistent après ces mesures d’évitement ou de réduction, le dossier d’évaluation expose, en outre, les solutions alternatives envisageables ainsi que les éléments qui permettent de justifier la réalisation du projet dans les conditions prévues aux paragraphes VII et VIII de l’article L. 414-4 C. env., à savoir la démonstration des raisons impératives d’intérêt public majeur et la proposition des mesures compensatoires. Si le site abrite un habitat ou une espèce prioritaire, les exigences tirées des motifs liés à la santé ou à la sécurité publique, ou d’avantages importants procurés à l’environnement, ou après avis de la Commission, d’autres raisons impératives d’intérêt public majeur, s’appliquent. Ce n’est donc que dans le cas où ces deux obstacles seraient franchis – absence de solution alternative et intérêt public majeur – que les mesures compensatoires devraient « permettre une compensation efficace et proportionnée au regard de l’atteinte portée aux objectifs de conservation du ou des sites Natura 2000 concernés et du maintien de la cohérence globale du réseau Natura 2000 » (art. R. 414-23, IV, 2° C. env.).

22Il est précisé que, dans le cadre des évaluations appropriées, ces mesures compensatoires devront être mises en place selon un calendrier permettant d’assurer une continuité dans les capacités du réseau Natura 2000 à assurer la conservation des habitats naturels et des espèces. Lorsque ces mesures compensatoires sont fractionnées dans le temps et dans l’espace, elles résultent d’une approche d’ensemble, permettant d’assurer cette continuité (art. R 414-23, IV, 2°, C. env.). Le dossier doit également comporter l’estimation des dépenses correspondantes et les modalités de prise en charge des mesures compensatoires qui doivent être assumées par le maître d’ouvrage ou le pétitionnaire pour les projets (art. R. 414-23, IV, 3°, C. env.).

23En dehors des zones Natura 2000, la loi interdit de porter atteinte aux habitats et aux espèces animales et végétales protégées qui figurent sur des listes des espèces protégées et ce, quel que soit l’endroit où elles se trouvent [47]. Le Code de l’environnement [48] fixe les peines principales venant sanctionner les délits d’atteinte à la biodiversité. Toutefois, il est possible de déroger à cette interdiction pour des « raisons impératives d’intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique », à la double condition qu’il « n’existe pas d’autre solution satisfaisante » et « que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle » [49] (art. L. 411-2, 4°, C. env.). L’arrêté du 19 février 2007 [50] indique que le dossier de demande de dérogation mentionne « s’il y a lieu, des mesures d’atténuation ou de compensation mises en œuvre, ayant des conséquences bénéfiques pour les espèces concernées ». Dans les faits, les autorités publiques considèrent que la nécessité de maintenir dans un état de conservation favorable les populations d’espèces concernées justifie bien souvent que des mesures compensatoires soient rendues obligatoires.

24Ainsi, alors que des mesures compensatoires accompagnent quasi systématiquement les projets d’aménagement portant atteinte à la nature protégée, la compensation dans la nature ordinaire paraît, à première vue du moins, encore globalement insuffisante.

II – Les mesures compensatoires des atteintes à la nature ordinaire

25En droit de l’Union, les évaluations des incidences pour les projets menés en dehors des sites Natura 2000 ne comportent pas le même degré d’exigence. En particulier, les mesures compensatoires sont peu visibles (A). En France, toutefois, la loi de 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages a considérablement transformé le paysage des mesures compensatoires en créant un régime commun à tous ces types de mesures (B).

A – L’évaluation des projets dans la nature ordinaire : la directive 2011/92/UE et sa transposition en droit français

26La directive 2011/92/UE concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement a succédé à la directive 85/337/CEE [51]. Elle a été modifiée par la directive 2014/52/UE du 25 avril 2014. L’évaluation des incidences sur l’environnement est désormais appréhendée comme un processus complet constitué de l’élaboration, par le maître d’ouvrage, d’un rapport d’évaluation des incidences sur l’environnement ; de la réalisation de consultations ; de l’examen par l’autorité compétente des informations présentées dans le rapport d’évaluation ainsi que de toute information pertinente reçue dans le cadre des consultations ; de la conclusion motivée de l’autorité compétente sur les incidences notables du projet ; enfin de l’intégration de la conclusion motivée de l’autorité compétente dans les décisions.

27La directive « évaluation des incidences » est fondée sur l’article 192, §1, du Traité sur le fonctionnement de l’UE, c’est-à-dire sur la politique environnementale stricto sensu, ce qui signifie que les États membres peuvent adopter une législation de transposition plus sévère que la directive. Nous le verrons, c’est la voie choisie depuis peu par la France à propos des mesures compensatoires. L’idée de la directive 2011/92 est que les projets publics ou privés susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement, notamment en raison de leur nature, de leurs dimensions ou de leur localisation, sont soumis à une évaluation en ce qui concerne leurs incidences, et ce avant l’octroi de l’autorisation administrative les concernant (art. 2).

28L’évaluation des incidences sur l’environnement identifie, décrit et évalue de manière appropriée les effets directs et indirects d’un projet sur les facteurs suivants : l’homme, la faune et la flore, le sol, l’eau, l’air, le climat et le paysage, les biens matériels et le patrimoine culturel, l’interaction entre les facteurs visés ci-dessus [52]. La directive de 2014 modifiant la directive de 1992 y a ajouté la population et la santé humaine, la biodiversité et la vulnérabilité aux risques d’accidents majeurs ou catastrophes [53]. On le voit, la directive 2011/92 dépasse largement la seule prise en compte de la biodiversité.

29La directive prévoit un contenu minimum pour cette évaluation (art. 5). Outre la traditionnelle description du projet et de ses incidences notables probables sur l’environnement, la description des solutions de substitution raisonnable est requise. En outre, le pétitionnaire doit fournir « une description des caractéristiques du projet et/ou des mesures envisagées pour éviter, prévenir ou réduire et, si possible, compenser les incidences négatives notables probables sur l’environnement ». La directive prévoit un contenu plus complet à son annexe IV, sans que les mesures compensatoires soient davantage développées. Il est fait simplement référence à « d’éventuelles » modalités de suivi. Il est, en outre, précisé que les mesures destinées à éviter, réduire, compenser, couvrent à la fois les phases de construction et de fonctionnement [54].

30Le vocabulaire employé : mesures compensatoires « si possible », les « éventuelles » modalités de suivi, attestent de la place discrète que peuvent prendre ces mesures dans la nature ordinaire. C’est d’ailleurs ainsi que l’étude d’impact a été comprise en France depuis quarante ans.

31Le triptyque éviter-réduire-compenser a été introduit en droit français par la loi du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature. La loi prévoyait que les études préalables aux projets risquant de porter atteinte à l’environnement devaient être complétées par une étude d’impact contenant « les mesures envisagées pour éviter, réduire et, si possible compenser les conséquences dommageables pour l’environnement ». En réalité, la séquence de la compensation a été pendant de longues années occultée, sans doute en raison de l’imprécision du cadre juridique. Les mesures compensatoires se sont surtout développées, à la faveur d’un document présentant la doctrine de l’administration en 2012 [55] et des lignes directrices nationales de 2013 [56] s’efforçant d’en préciser la portée [57]. C’est ainsi que ces mesures ont peu à peu gagné la faveur des magistrats, tout particulièrement pour ce qui concerne la protection des zones humides. Ainsi, le tribunal administratif de Lyon a, par exemple, le 1er octobre 2005 [58], suspendu l’exécution d’un arrêté d’autorisation pris au titre de la loi sur l’eau, en tenant compte de l’insuffisance des mesures compensatoires. En l’espèce, il était acquis qu’une zone humide de cinq hectares disparaîtrait en cas de réalisation du projet d’irrigation avec retenue collinaire. Le juge relève « que les explications données à l’audience et les documents produits à leur appui ont fait ressortir d’importantes incertitudes (…) sur les modalités techniques de reconstitution, au titre des mesures compensatoires, d’une zone humide en amont de la retenue collinaire » [59]. L’association France Nature Environnement a, de son côté, obtenu du juge administratif de Châlons-en-Champagne, le 11 février 2014, l’annulation d’un arrêté préfectoral qui aurait eu pour effet de supprimer plus de 203 hectares de zones humides. Le juge estime « qu’en renvoyant ainsi à des mesures ultérieures indéterminées la définition de l’ensemble des mesures compensatoires de la suppression des zones humides pédologiques impactées, le dossier soumis à l’enquête publique ne peut qu’être regardé comme incomplet, en méconnaissance des dispositions de l’article R. 214-6 du code de l’environnement » [60].

32De même, le tribunal administratif de Besançon a, le 18 février 2014 [61], estimé, à propos de la réalisation de travaux de contournement routier « que la compensation de la suppression des milieux humides étant un des objectifs du SDAGE Rhône-Méditerranée 2010-2015 applicable à la décision contestée, c’est illégalement que le préfet a refusé de prendre des mesures compensatoires à la suppression de cette zone humide ». Ce qui n’empêche pas le juge de valider les projets lorsqu’il estime que les mesures compensatoires sont suffisantes. Dans une affaire où l’association Eaux et rivières de Bretagne avait obtenu l’annulation d’un arrêté préfectoral autorisant la création d’un golf et d’un complexe hôtelier sur un ancien terrain militaire, la Cour d’appel de Nantes [62] infirme la décision des premiers juges en estimant que les mesures compensatoires, consistant à créer un réseau de douze mares, permettent de valider le projet [63].

33Mais sans doute le projet de Notre-Dame-des-Landes a-t-il également contribué à faire évoluer la perception de ces mesures compensatoires. Les moyens convergents développés par les requérants (associations de protection de l’environnement, agriculteurs et particuliers) portaient sur le caractère inapproprié des mesures d’atténuation et de compensation validées par le préfet au titre de la loi sur l’eau et des espèces protégées [64]. L’absence de chiffrage précis des mesures compensatoires était soulignée. Par ailleurs, les opposants faisaient encore valoir l’absence de localisation précise des mesures compensatoires qui visaient la souscription de contrats avec les agriculteurs sur des milliers d’hectares autour de la zone… sans le moindre début de promesse de contrat. Enfin, le calendrier des mesures prévoyait la mise en œuvre de ces mesures bien après la destruction des milieux. Pour autant, la Cour administrative de Nantes en novembre 2016 [65] valide le dispositif estimant que l’interdiction de porter atteinte aux espèces protégées ne requiert aucunement le chiffrage et la localisation des mesures de compensation. En outre, la seule circonstance que les mesures compensatoires ne seraient pas encore engagées ne suffit pas à démontrer qu’elles seraient impossibles à mettre en œuvre, tout comme le recours à la contractualisation. Comme le remarque T. Dubreuil, « les juges administratifs ont refusé de faire de la suffisance de la compensation une condition de légalité des arrêtés, renvoyant l’appréciation de la cohérence du dispositif de compensation à l’exécution des actes administratifs » [66].

34Le premier ministre Édouard Philippe ayant annoncé le 17 janvier 2018 la décision du gouvernement de mettre fin au projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, la question n’est plus d’actualité. En revanche, les mesures compensatoires reviennent sur le devant de la scène avec la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages.

B – L’harmonisation législative récente des mesures compensatoires

35Au-delà de leur présence plutôt discrète dans les études d’impact de droit commun, les mesures compensatoires ont reçu une consécration inattendue avec la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages [67] qui est venue entériner un régime juridique commun à la majorité des mesures de compensation [68]. Les débats parlementaires révèlent que, au-delà de l’affichage politique entérinant « une nouvelle alliance entre l’homme et la nature » [69] l’idée est de rendre plus acceptable la protection de la biodiversité par les acteurs économiques [70]. De manière incidente, les mesures compensatoires rejoignent les principes généraux du droit de l’environnement [71], par le biais du principe de l’action préventive et de correction par priorité à la source des atteintes à l’environnement auxquels elles s’intègrent.

36Le nouveau principe implique « d’éviter les atteintes à la biodiversité et aux services qu’elle fournit ; à défaut, d’en réduire la portée ; enfin, en dernier lieu, de compenser les atteintes qui n’ont pu être évitées ni réduites, en tenant compte des espèces, des habitats naturels et des fonctions écologiques affectées. Ce principe doit viser un objectif d’absence de perte nette de biodiversité, voire tendre vers un gain de biodiversité » [72]. Cette disposition suscite deux observations. D’une part, on peut s’étonner de la place attribuée aux mesures compensatoires dans le principe de prévention alors que celles-ci n’ont en réalité aucunement pour objectif de prévenir un dommage mais bien de suppléer sa survenance. Certains auteurs considèrent qu’il eut été plus logique de les rapprocher du principe pollueur-payeur [73]. Par ailleurs, l’absence de reconnaissance de la compensation en tant que principe autonome [74] est regrettable alors le législateur crée un véritable régime général des compensations (art. L. 163-1 à L. 163-5 C. env.) à l’inverse des mesures d’évitement et de réduction.

37À noter que le projet de loi qui ne comportait à l’origine que l’intégration de la compensation dans le principe de prévention a, par la suite, été enrichi [75] de trois articles consacrés aux obligations de compensation écologique, aux opérateurs de compensation et à la mise en place de réserves d’actifs naturels. Ce nouveau régime couvre toutes les mesures rendues obligatoires par un texte législatif ou réglementaire « pour compenser, dans le respect de leur équivalence écologique, les atteintes prévues ou prévisibles à la biodiversité occasionnées par la réalisation d’un projet de travaux ou d’ouvrage ou par la réalisation d’activités ou l’exécution d’un plan, d’un schéma, d’un programme ou d’un autre document de planification » [76].

38Le législateur a, dans ce contexte, prévu trois modalités d’exécution de ces mesures compensatoires qui peuvent être mises en œuvre de manière alternative ou cumulative. Ces mesures devront être précisées dans l’étude d’impact du projet lorsque celle-ci est requise [77]. La personne soumise à l’obligation de compensation peut d’abord y satisfaire directement, c’est-à-dire par elle-même. En pratique, cette option sera rarement retenue, tant la compensation n’est pas le cœur de métier des opérateurs [78]. C’est la raison pour laquelle la loi a prévu, dans une deuxième option, que le maître d’ouvrage pouvait confier la mission à un opérateur de compensation, personne publique ou privée chargée de mettre en œuvre les mesures et de les coordonner à long terme. La dernière option – et sans doute la plus facile – permet au maître d’ouvrage d’acquérir des unités de compensation dans le cadre de sites naturels de compensation. Deux décrets sont venus préciser, en février 2017, la nécessité, pour les sites de compensation, d’obtenir un agrément [79]. Les pouvoirs publics tendent à s’assurer que les personnes, d’une part, disposent des capacités techniques et financières nécessaires à la mise en œuvre des mesures de compensation et, d’autre part, justifient de droits permettant la mise en œuvre des obligations de compensation sur les terrains d’assiette des sites naturels de compensation. La durée de validité de l’agrément ne peut être inférieure à trente ans. Dans tous les cas, le maître d’ouvrage reste seul responsable à l’égard de l’autorité administrative qui a prescrit les mesures de compensation (art. L. 163-1, II, C. env.) ce qui pourra s’avérer compliqué en particulier pour cette dernière option.

39On notera avec intérêt qu’aux termes de la loi, toute personne soumise à une obligation de mettre en œuvre des mesures de compensation peut être contrainte de constituer des garanties financières [80]. Pour notre part, nous aurions souhaité que ces garanties ne soient pas facultatives et qu’elles soient rajoutées aux garanties souscrites au titre, par exemple, des dossiers d’autorisation unique en matière d’installations classées [81]. En outre, les mesures compensatoires sont désormais soumises aux sanctions administratives qui permettent à l’autorité compétente d’en obtenir le respect dans les conditions prévues par la loi [82]. L’autorité compétente peut ainsi, après mise en demeure du responsable, faire procéder d’office aux mesures compensatoires, soit en confiant la réalisation de ces mesures à un opérateur de compensation, soit en acquérant directement des unités de compensation [83].

40Nous ne pouvons que nous réjouir de la formalisation juridique des mesures compensatoires nonobstant les difficultés d’application de ces dispositions. La première portera sur la mise en œuvre de la compensation. La loi a prévu que les mesures de compensation des atteintes à la biodiversité devaient se traduire par une obligation de résultat (art. L. 163-1 C. env.). Comme le martèle la Cour de justice, les bénéfices des mesures compensatoires sont difficilement prévisibles ou ne seront visibles que plus tard. Dès lors, il faudrait que le processus de compensation soit terminé pour pouvoir en évaluer les résultats. La deuxième difficulté part d’un constat. Alors même que la loi précise que les mesures compensatoires ne peuvent pas se substituer aux mesures d’évitement ou de réduction (art. L. 163-1 C. env.), le législateur de 2016 considère que « si les atteintes liées au projet ne peuvent être ni évitées, ni réduites, ni compensées de façon satisfaisante, celui-ci n’est pas autorisé en l’état ». C’est donc bien, l’ensemble de la séquence ERC qui est prise en compte pour apprécier la validité écologique du projet. Gilles Martin estime pour sa part que le risque est alors grand de voir les opérateurs déporter sur la compensation ce qu’ils n’auront pas pu ou pas voulu éviter ou réduire [84].

41La troisième difficulté porte sur la nécessité que les mesures soient effectives pendant toute la durée des atteintes (art. L. 163-1-I C. env.). Cela suppose que la durée de la compensation soit alignée sur la durée de l’exploitation du projet. Dans la mesure où les aménagements sont souvent pérennes, il faudrait alors pouvoir, au-delà d’une certaine période, rétrocéder le bien ayant bénéficié des mesures compensatoires à un organisme public en charge d’une mission de protection, comme le conservatoire du littoral par exemple. Malheureusement, un amendement dans ce sens n’a pas prospéré [85] lors des débats parlementaires.

42Dans le même ordre d’idées, le législateur a prévu – hypothèse qui pourrait se révéler être assez fréquente en pratique [86] – que la compensation pouvait être effectuée sur un terrain n’appartenant pas au maître d’ouvrage (art. L. 163-2 C. env.). La loi a prévu en conséquence la possibilité, pour le maître d’ouvrage, de passer des contrats avec le propriétaire, le locataire ou l’exploitant du terrain de compensation. Ce contrat définira la nature des mesures de compensation et leurs modalités de mise en œuvre, ainsi que leur durée. Peut-être le législateur devra-t-il intervenir à l’avenir pour encadrer ces contrats. Un croisement avec l’obligation réelle environnementale [87] issue de la même loi de 2016 n’est bien entendu pas à exclure [88] d’autant qu’elle permet son utilisation pour les mesures compensatoires [89].

43En définitive, qu’en est-il de la compensation des atteintes à la biodiversité dans la nature protégée et dans la nature ordinaire ? La différence est-elle si marquée que cela ? A priori la biodiversité extraordinaire semblait privilégiée notamment au regard du régime juridique de l’évaluation appropriée dans les sites Natura 2000 qui interdit la réalisation d’un projet susceptible de porter atteinte à un site Natura 2000. Toutefois, la préservation de la nature ordinaire semble gagner du terrain. En premier lieu, parce que le juge de l’Union, nous l’avons vu, exige désormais, au titre de l’évaluation appropriée des incidences sur un site Natura 2000, d’examiner les incidences du projet proposé sur toutes les espèces « présentes sur le site », pour autant que « ces incidences sont susceptibles d’affecter les objectifs de conservation du site » [90].

44En second lieu, le régime général des mesures compensatoires, issu de la loi de 2016 sur la reconquête de la biodiversité, tel que nous l’avons vu, va concrètement obliger les aménageurs à porter un soin tout particulier à la compensation de la biodiversité ordinaire.

45Enfin, cette dernière pourrait indirectement bénéficier du renforcement de l’évaluation des mesures alternatives au stade de l’étude d’impact de droit commun. La Cour de justice vient en effet de juger, le 7 novembre 2018, que les solutions alternatives proposées par le maître d’ouvrage [91], au titre de la directive 2011/92 [92] devront désormais faire l’objet d’une évaluation environnementale, même si, précise la Cour, cette évaluation des incidences ne doit pas être équivalente à celle du projet retenu : « le maître d’ouvrage doit fournir des informations relatives aux incidences environnementales tant de la solution retenue que de chacune des principales solutions de substitution examinées par celui-ci ainsi que les raisons de son choix, au regard, à tout le moins, de leurs incidences sur l’environnement, même en cas de rejet à un stade précoce d’une telle solution de substitution. ».

46Sans doute la mise en œuvre des solutions alternatives à un stade précoce du projet permettra-t-elle de concentrer enfin l’attention sur les mesures d’évitement qui serviront la biodiversité dans son ensemble.


Mots-clés éditeurs : sites Natura 2000, mesures compensatoires, nature ordinaire, biodiversité

Date de mise en ligne : 14/01/2020

Notes

  • [1]
    Ce texte est issu d’une conférence donnée à l’Université de Laval (Québec) dans le cadre du projet Nénuphar : « Comment le droit peut-il contribuer à un développement durable, sans perte nette de milieux humides ? » dirigé par Sophie Lavallée et Monique Poulin. Le projet est financé par le Conseil de recherche en sciences humaines du Canada (CRSH).
  • [2]
    Les lignes directrices françaises sur la séquence éviter, réduire, compenser, les décrivent comme des mesures ayant pour objet d’apporter une contrepartie aux impacts résiduels négatifs du projet qui n’ont pu être évités ou suffisamment réduits (Commissariat général au développement durable, Lignes directrices nationales sur la séquence éviter, réduire et compenser les impacts sur les milieux naturels, octobre 2013).
  • [3]
    CGDD, 2012.
    La Commission générale de terminologie et de néologie définit la compensation comme « un ensemble d’actions en faveur de l’environnement permettant de contrebalancer les dommages causés par la réalisation d’un projet qui n’ont pu être évités ou limités » (JO du 4 février 2010, texte n° 97).
  • [4]
    F. Haumont, « La compensation en droit de l’urbanisme et de l’environnement », Aménagement-Environnement, Bruxelles, Kluwer, numéro spécial, 2012, p. 2.
  • [5]
    CJCE, 26 octobre 2006, C-239/04, Com. c/Portugal. Dans cette affaire, la Cour de justice sanctionne le Portugal pour avoir mis à exécution un projet d’autoroute dont le tracé traversait une zone de protection spéciale (Natura 2000) sans avoir démontré l’absence de solutions alternatives audit tracé.
  • [6]
    Les mesures de réduction pourront consister à installer un écoduc de part et d’autre d’une voirie à grande circulation afin de permettre le passage de la petite et moyenne faune.
  • [7]
    V. P. Steichen, « Le principe de compensation, un nouveau principe du droit de l’environnement ? », in C. Cans (dir.), La responsabilité environnementale, prévention, imputation, réparation, Paris, Dalloz, Actes, 2009, p. 143-163.
  • [8]
    « La compensation en droit de l’urbanisme et de l’environnement », Aménagement-Environnement, numéro spécial, 2012 ; M. Lucas, Étude juridique de la compensation écologique, LGDJ, Coll. Thèses, 2015, 652 p. ; I. Doussan et A. Douai (dir.), « Construire des marchés pour la compensation et les services écologiques : enjeux et controverses », numéro spécial, RIDE, 2015-2.
  • [9]
    « (…) l’article 6, § 4, de la directive "habitats" vise toute mesure compensatoire apte à protéger la cohérence globale du réseau Natura 2000 qu’elle soit mise en œuvre dans le site affecté ou dans un autre site de ce réseau » : CJUE 15 mai 2014, C-521/12, Briels, p. 38.
  • [10]
    La Convention est entrée en vigueur en France le 1er décembre 1986.
  • [11]
    Le principe de la Convention est bien connu : au moment de son adhésion, chaque Partie doit désigner au moins une zone humide (art. 2.4. de la Convention). Elle prend alors toute mesure nécessaire pour garantir le maintien des caractéristiques écologiques de la zone (art. 2.5 de la Convention). En France, la Camargue par exemple est une zone Ramsar.
  • [12]
    Art. 4, §2 : « Lorsqu’une Partie contractante, pour des raisons pressantes d’intérêt national, retire une zone humide inscrite sur la liste ou en réduit l’étendue, elle devrait compenser autant que possible toute perte de ressources en zones humides et, en particulier, elle devrait créer de nouvelles réserves naturelles pour les oiseaux d’eau et pour la protection, dans la même région ou ailleurs, d’une partie convenable de leur habitat antérieur ».
  • [13]
    Résolution VIII.20 : Orientations générales pour interpréter « les raisons pressantes d’intérêt national » dans le contexte de l’article 2.5 de la Convention et envisager une compensation dans le contexte de l’article 4.2.
  • [14]
    Il est ainsi reconnu que « plus les valeurs et fonctions du site sont élevées, plus les avantages sociaux, économiques ou écologiques du projet proposé devraient être élevés ».
  • [15]
    Il faut y ajouter : « le maintien de la valeur globale, à l’échelle nationale et mondiale, de la superficie en zones humides inscrite par la Partie contractante sur la Liste de Ramsar ; l’existence d’une solution de compensation ; la pertinence des mesures de compensation du point de vue des caractéristiques écologiques, de l’habitat ou de la valeur du (des) site(s) Ramsar affecté(s) ».
  • [16]
    CE, 17 novembre 1995, n° 159855 : « que d’autre part si les obligations internationales (…) de la convention de Ramsar du 2 février 1971, également ratifiée et rendue applicable par le décret du 20 février 1987 (…), imposent à la France (…) la conservation des zones humides et des oiseaux d’eau, les stipulations desdites conventions créent seulement des obligations entre États sans ouvrir de droits aux intéressés ; que l’association requérante n’est donc pas fondée à se prévaloir d’une prétendue méconnaissance de ces engagements internationaux pour demander l’annulation du décret attaqué ».
  • [17]
    TA Caen, 12 mai 1998, n° 97-14, Association Manche Nature.
  • [18]
    La directive 79/409/CEE concernant la conservation des oiseaux sauvages a été, depuis, remplacée par la directive 2009/147/CE du 30 novembre 2009 concernant la conservation des oiseaux sauvages.
  • [19]
    Directive 92/43/CEE du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages.
  • [20]
    5 572 ZPS pour 74,3 millions d’hectares.
  • [21]
    23 726 ZSC pour 91,7 millions d’hectares.
  • [22]
    399 sites pour 79 375 km².
  • [23]
  • [24]
    Directive n° 85/337/CEE du 27 juin 1985 concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement puis directive 2011/92/UE du 13 décembre 2011 concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement.
  • [25]
    Cela vise de manière large la réalisation de travaux de construction ou d’autres installations ou ouvrages ainsi que « d’autres interventions dans le milieu naturel ou le paysage, y compris celles destinées à l’exploitation des ressources du sol » (art. 1er, §2, a). La Cour de justice a, par exemple, considéré qu’une activité telle que la pêche mécanique à la coque (coquillage) rentrait dans la notion de « projet » (CJCE, 7 septembre 2004, C-127/02, mer de Wadden).
  • [26]
    3. « Tout plan ou projet non directement lié ou nécessaire à la gestion du site mais susceptible d’affecter ce site de manière significative, individuellement ou en conjugaison avec d’autres plans et projets, fait l’objet d’une évaluation appropriée de ses incidences sur le site eu égard aux objectifs de conservation de ce site ».
  • [27]
    CJCE, 7 septembre 2004, C-127/02, Landelijke Vereniging tot Behoud van de Waddenzee, §40.
  • [28]
    Idem, §44
  • [29]
    CJCE, 7 novembre 2018, C-461/17, Holohan et crts, La revue foncière, n° 26, 2018, p. 40, obs. F. Haumont, P. Steichen.
  • [30]
    « Compte tenu des conclusions de l’évaluation des incidences sur le site et sous réserve des dispositions du paragraphe 4, les autorités nationales compétentes ne marquent leur accord sur ce plan ou projet qu’après s’être assurées qu’il ne portera pas atteinte à l’intégrité du site concerné et après avoir pris, le cas échéant, l’avis du public ».
  • [31]
    CJUE, 17 avril 2018, Commission c. Pologne (forêt de Bialowieza), C-441/17, §116.
  • [32]
    C.-H. Born, L’intégration de la biodiversité dans les plans d’aménagement du territoire, Thèse UCL, 2008, p. 886.
  • [33]
    Commission européenne, Gérer les sites Natura 2000 – Les dispositions de l’article 6 de la directive « habitats » 92/43/CEE, 2000, 69 p. ; Commission européenne, Évaluation des plans et projets ayant des incidences significatives sur des sites Natura 2000 – Guide de conseils méthodologiques de l’article 6, paragraphes 3 et 4, de la directive « habitats » 92/43/CEE, 2002, 76 p.
  • [34]
    Toujours selon la Commission, ces mesures compensatoires peuvent prendre différentes formes : la recréation d’un habitat sur un site nouveau ou agrandi et l’incorporation de ce site dans le réseau Natura 2000, l’amélioration d’un habitat sur une partie du site ou sur un autre site Natura 2000, dans une mesure proportionnelle aux pertes provoquées par le projet, et enfin, exceptionnellement, la proposition d’un nouveau site au titre de la directive « Habitats ». Il est précisé que le résultat de ces mesures doit être en principe opérationnel au moment où les dégâts du projet sont effectifs sauf s’il peut être établi que cette simultanéité est inutile pour assurer la contribution de ce site au réseau Natura 2000.
  • [35]
    CJUE, 25 juillet 2018, C-164/17, Grace et Sweetmann c. An Bord Pleanala, obs. F. Haumont, P. Steichen, Revue foncière, n° 25, p. 45.
  • [36]
    CJUE, 25 juillet 2018, C-164/17, Grace et Sweetmann, §26.
  • [37]
    Idem, §52.
  • [38]
    CJUE, 21 juillet 2016, Orleans et crst, C-387/15 et C-388/15.
  • [39]
    CJUE, 15 mai 2014, Briels e.a., C-521/12.
  • [40]
    Idem, §31.
  • [41]
    Article L. 414-IV-II du Code de l’environnement.
  • [42]
    Il est précisé que, sauf mention contraire, les plans, projets et manifestations listés sont soumis à l’obligation d’évaluation des incidences Natura 2000, que le territoire qu’ils couvrent ou que leur localisation géographique soient situés ou non dans le périmètre d’un site Natura 2000 (art. R. 414-19-II C. env.).
    Dans les faits, les mentions contraires ne sont pas rares. En tout état de cause, la liste est large et vise, outre les plans d’urbanisme, tous les projets soumis à évaluation environnementale au titre de l’article R. 122-2 du Code de l’environnement.
  • [43]
    La liste de référence précise à de multiples reprises que seuls les projets situés en tout ou partie à l’intérieur d’un site Natura 2000 sont concernés. Un régime d’autorisation ad hoc pour ces opérations est prévu (art. R. 414-29 C. env.).
  • [44]
    CAA Nantes, 25 janvier 2013, n° 12NT02289.
  • [45]
    En l’espèce d’ailleurs, la déclaration d’utilité publique a été annulée pour d’autres raisons. L’étude d’impact jointe au dossier de l’enquête publique ne comportait aucune analyse du coût des pollutions et nuisances et des avantages induits résultant du contournement routier projeté.
  • [46]
    CJUE, 12 avril 2018, C-323/17, People Over Wind et Sweetman c. Coillte Teoranta, obs. F. Haumont, P. Steichen. La revue foncière, n° 24, 2018, p. 44.
  • [47]
    Art. L. 411-1 et L. 411-2. C. env.
    L’article L. 411-2 C. env. renvoie la fixation de listes d’espèces animales non domestiques et végétales à un décret pris en Conseil d’État. L’article R. 411-1 C. env. renvoie à son tour à des arrêtés le soin de fixer ces listes faisant l’objet des interdictions définies par les articles L. 411-1 et L. 411-3 C. env. Ces listes sont établies par arrêté conjoint du ministre chargé de la protection de la nature et du ministre chargé de l’agriculture ou, lorsqu’il s’agit d’espèces marines, du ministre chargé des pêches maritimes. Il revient également aux arrêtés, pris sur le fondement de l’article R. 411-2 du même Code, de déterminer, d’une part, la nature des interdictions et, d’autre part, la durée de ces interdictions, ainsi que les parties du territoire et les périodes de l’année où elles s’appliquent (art. R. 411-3 C. env.). Enfin, des arrêtés préfectoraux peuvent fixer localement les dates d’entrée en vigueur et la cessation des interdictions (art. R. 411-4 C. env.).
  • [48]
    Art. L. 415-3 C. env.
    Par exemple, a été condamné l’auteur de la cueillette de spécimens de « Reine des Alpes » dans le parc national des Écrins (Cass. crim., 13 juin 1989, n° 89-80.090).
  • [49]
    Art. L. 411-2, 4°, C. env.
    Sur cette question, voir Xavier Braud, « Aménagement : le contrôle du juge sur la dérogation à la protection des espèces », Dr. env. n° 238, p. 334 ; « La consistance de la motivation d’une dérogation à la protection des espèces », Dr. env. n° 231, février 2015, p. 63.
  • [50]
    Arrêté du 19 février 2007 fixant les conditions de demande et d’instruction des dérogations définies au 4° de l’article L. 411-2 du code de l’environnement portant sur des espèces de faune et de flore sauvages protégées.
  • [51]
    À l’époque, la directive avait engendré une réforme considérable en droit de l’environnement, notamment pour les États membres qui, au contraire de la France, ne connaissaient pas ce type de mécanisme.
  • [52]
    CJCE, 16 mars 2006, C-322/04, Commission c. Espagne. Celle-ci a été condamnée pour n’avoir pas mentionné l’interaction entre les facteurs.
  • [53]
    La Cour de justice insiste sur l’analyse des effets cumulatifs d’un projet : il ne faut pas se limiter à examiner isolément l’impact d’un projet ; il faut aussi examiner l’impact qu’il pourrait avoir en étant cumulé à d’autres activités (CJUE, 24 novembre 2011, C-404/09, Commission c. Espagne ; CJUE, 15 décembre 2011, C-560/08, Commission c. Espagne).
  • [54]
    Cette description devrait expliquer dans quelle mesure les incidences négatives notables sur l’environnement sont évitées, prévenues, réduites ou compensées et devrait couvrir à la fois les phases de construction et de fonctionnement.
  • [55]
    Doctrine relative à la séquence éviter-réduire-compenser les impacts sur le milieu naturel, Ministère de l’Écologie, du Développement durable, des Transports et du Logement, mars 2012.
  • [56]
    Commissariat général au développement durable, Lignes directrices nationales sur la séquence éviter, réduire et compenser les impacts sur les milieux naturels, octobre 2013.
  • [57]
    Selon ces lignes directrices, les mesures compensatoires devaient viser trois objectifs :
    • être au moins « équivalentes », c’est-à-dire permettre de rétablir la qualité environnementale du milieu naturel endommagé à un niveau au moins équivalent à son état initial en essayant, autant que faire se peut, d’obtenir un gain net ;
    • « faisables » ce qui suppose qu’elles aient été validées techniquement, évaluées financièrement et sécurisées juridiquement, au regard notamment des éventuelles autorisations administratives à obtenir pour les mettre en œuvre ;
    • enfin, « efficaces », ce qui suppose qu’elles soient assorties d’objectifs de résultats et de modalités de suivi pour en mesurer les effets.
  • [58]
    TA Lyon, 1er octobre 2005, n° 0506497, Cne Sainte Catherine et a.
  • [59]
    Le juge relève également « qu’il ressort encore de l’étude d’incidences que cette dernière a principalement porté, du point de vue hydrographique, ainsi que le relèvent les requérantes, sur le lit mineur de la rivière de la Platte, sur la qualité des eaux ainsi que sur les mesures compensatoires définies en termes de sauvegarde du débit réservé et de restitution du débit ».
  • [60]
    « que les mesures compensatoires à la suppression d’une telle superficie de zones humides, lesquelles, outre leur intérêt faunistique et floristique, assurent l’épuration des eaux d’écoulement tout autant qu’elles font office de régulation des cours d’eau en permettant le stockage d’eau en cas de crue et le soutien de l’étiage, constituent un élément substantiel de l’autorisation de réaliser les travaux en cause ; qu’il résulte toutefois de l’instruction à cet égard que l’ensemble des études et documents d’incidence soumis à enquête publique ne comporte aucune mesure compensatoire de cette suppression en se limitant à un engagement de compensation par équivalence des fonctionnalités écologiques des zones, dont la méthode n’est pas déterminée et est conditionnée, par renvoi, aux résultats d’une étude ultérieure devant quantifier la valeur des zones concernées, tant s’agissant de leur pouvoir d’épuration des eaux que de leur pouvoir tampon sur les cours d’eau », TA Châlons-en-Champagne, 1re ch., 11 février 2014, n° 1101772.
  • [61]
    TA Besançon, 1re ch., 18 février 2014, n° 1201.
  • [62]
    CAA Nantes, 2ème chambre, 14 novembre 2014, n° 12NT01802.
  • [63]
    « que des mesures ont ainsi été prévues page 23 de l’étude d’impact pour limiter, supprimer ou compenser l’impact des travaux sur les amphibiens, consistant notamment à créer un réseau de 12 mares dont la moitié déconnectée du réseau de drainage et à aménager ou réaménager les plans d’eau existants ou à créer en pente douce ; que l’objectif poursuivi, selon l’étude d’impact, est d’augmenter la population d’amphibiens après projet, le suivi prévu sur cinq ans devant permettre les ajustements nécessaires ; que, par suite, cette étude était suffisante quant à la description de l’état initial de la batrachofaune et des mesures compensatoires destinées à assurer la préservation et le développement de cette population protégée ».
  • [64]
    Th. Dubreuil, « Mesures compensatoires : le dossier de l’aéroport de Notre-Dame-Des-Landes et les apports de la loi Biodiversité », RJE 4/2017, p. 621-628.
  • [65]
    Jugements du TA de Nantes : 17 juillet 2015, n° 1400329, 1400339, 140343, 140355, 1401285, 1401296, 1401304, 1401302, 1401685, 1401689, 1401692, 1401673, 1410918 et arrêts du 14 novembre 2016, n° 15NT02883, 15NT02884, 15NT02864, 15NY02858, 15NT02859, 15NT02386 et 15NT02863.
  • [66]
    Th. Dubreuil, art. préc.
  • [67]
    Loi n° 2016-1087 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages,
  • [68]
    M. Lucas, « Quel avenir juridique pour le triptyque ERC », RJE 4/2017, p. 637.
  • [69]
    I. Doussan, « Quand les parlementaires débattent de la compensation écologique : des occasions manquées », Natures Sciences Sociétés 26, 2, p. 159-169 (2018).
  • [70]
    Idem.
  • [71]
    Art. L. 110-1, II, 2°, C. env.
  • [72]
    Art. L. 110-1, II, 2°, C. env. repris à l’art. L. 163-1 C. env.
  • [73]
    I. Doussan, « Quand les parlementaires débattent de la compensation écologique : des occasions manquées », art. préc.
  • [74]
    P. Steichen, « Le principe de compensation, un nouveau principe du droit de l’environnement ? », in La responsabilité environnementale, prévention, imputation, réparation, op. cit., p. 143.
  • [75]
    Par la Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire de l’Assemblée Nationale.
  • [76]
    Art. R. 163-1 C. env.
  • [77]
    Art. L. 163-1. II C. env.
  • [78]
    G.-J. Martin, « La compensation écologique, de la clandestinité à l’affichage », RJE 4/2016, p. 611.
  • [79]
    Décrets n° 2017-264 et 2017-265 du 28 février 2017 relatifs à l’agrément des sites naturels de compensation.
  • [80]
    Art. L. 163-4 C. env.
  • [81]
    Bien que ces garanties ne soient pas non plus pleinement satisfaisantes.
  • [82]
    Art. L. 163-4 C. env.
  • [83]
    Art. L. 163-4 C. env.
  • [84]
    G.-J. Martin, « La compensation écologique, de la clandestinité à l’affichage », RJE 4/2016, p. 607.
  • [85]
    La ministre notamment y était nettement défavorable, v. I. Doussan, art. préc. p. 165.
  • [86]
    Pour un exemple contraire, v. le projet ITER. Dans le cadre du projet « International Thermonuclear Experimental Reactor », dit ITER à Cadarache, Iter France avait prévu, à titre compensatoire, l’acquisition foncière de 480 hectares pour un montant de 816 000 euros. ITER a décidé de rester propriétaire de ces terrains et d’en confier la gestion à des organismes habilités (l’ONF et le Conservatoire d’espaces naturels PACA).
  • [87]
    B. Grimonprez, N. Reboul-Maupin, « Les obligations réelles environnementales : chronique d’une naissance annoncée », D. 2016, 2074 ; William Dross, « L’originalité de l’obligation réelle environnementale en droit des biens », Énergie - Environnement - Infrastructures n° 6, juin 2017, dossier 16.
  • [88]
    La loi dispose expressément que « les obligations réelles environnementales peuvent être utilisées à des fins de compensation » (art. L. 132-3, al. 2, C. env.)
  • [89]
    Le dispositif permet en effet à un propriétaire de mettre à sa charge, comme à celle de tous les propriétaires successifs du bien pendant la durée de la convention, des obligations de faire ou de ne pas faire. Les obligations sont consenties au bénéfice de personnes publiques ou privées agissant pour la protection de l’environnement et ont pour objet le maintien, la conservation, la gestion ou la restauration d’éléments de biodiversité ou de fonctions écologiques.
  • [90]
    CJCE, 7 novembre 2018, C-461/17, Holohan et crts, La revue foncière, n° 26, 2018, p. 40, obs. F. Haumont, P. Steichen.
  • [91]
    En droit interne, l’article R. 122-5, 7°, du Code de l’environnement exige du maître d’ouvrage qu’il procède dans son étude d’impact à « une description des solutions de substitution raisonnables ».
  • [92]
    Directive 2011/92 concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement (EIE).

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