Couverture de RJE_194

Article de revue

L’affaire Quassia Amara : un cas emblématique de biopiraterie catalyseur de nombreuses évolutions sociales et juridiques

Pages 677 à 703

Notes

  • [1]
    S. Bertani, E. Houël, D. Stien, L. Chevolot, V. Jullian, G. Garavito, G. Bourdy, E. Deharo, « Simalikalactone D is responsible for the antimalarial properties of an amazonian traditional remedy made with Quassia amara L. (Simaroubaceae) », Journal of Ethnopharmacology n° 108 :1 2006, p. 155-157. Voir aussi M. Vigneron, Ethnopharmacologie quantitative : contexte d’usage et caractérisation de quelques traitements antipaludiques en Guyane française, DEA Environnement tropical et valorisation de la biodiversité, Université Antilles-Guyane 2003 [Vigneron, 2003].
  • [2]
    G. Bourdy, E. Deharo, « Étude ethnopharmacologique du paludisme en Amazonie bolivienne et guyanaise », Ethnopharmacologia n° 41, 2008, p. 38-39 [Bourdy et Deharo, 2008].
  • [3]
    Vigneron, supra note 1.
  • [4]
    Ibid.
  • [5]
    Ibid., p. 24 ; M. Vigneron et al., « Antimalarial remedies in French Guiana : A knowledge attitudes and practices study », Journal of Ethnopharmacology n° 98, 2005, p. 356- 357 [Vigneron et al.].
  • [6]
    Les remèdes incluant des extraits de Quassia Amara sont parmi les plus efficaces selon les résultats des analyses. Les chercheurs soulignent par ailleurs qu’il s’agit du remède le plus connu parmi les personnes interrogées. Vigneron, supra note 1, p. 51.
  • [7]
    S. Bertani, G. Bourdy, I. Landau, J.C. Robinson, Ph. Esterred, E. Deharo, « Evaluation of French Guiana traditional antimalarial remedies », Journal of Ethnopharmacology n° 98, 2005, p. 46 [Bertani et al.].
  • [8]
    Brevet EP2443126 « Simalikalactone E et son utilisation comme médicament », publié au Bulletin européen des brevets le 4 mars 2015. La molécule SkE présente également un intérêt pour la lutte contre le cancer : Brevet EP2663302 « Utilisation de la Simalikalactone E comme agent anticancéreux ».
  • [9]
    La situation est la même pour le brevet EP2663302 « Utilisation de la Simalikalactone E comme agent anticancéreux ».
  • [10]
    Acte d’opposition au brevet EP2443126, 23 octobre 2015 [Acte d’opposition]. Je fais partie, avec la Fondation Danielle Mitterrand - France Libertés et Cyril Costes, des opposants au brevet EP2443126. L’ensemble des documents relatifs à l’opposition, notamment ceux cités dans cet article sont disponibles dans le dossier en ligne du brevet EP2443126 : https://register.epo.org/application?number=EP10734771&tab=main.
  • [11]
    Soulignons que la légitimité du brevet en tant qu’outil de protection de l’innovation n’est pas contestée. C’est d’ailleurs également quelque chose qui est très clairement précisé par les autorités coutumières : « Nous ne nous opposons pas à l’exploitation d’un médicament industriel basé sur nos remèdes traditionnels, sur nos façons de traiter les maladies, sur les plantes que nous utilisons. Les Peuples autochtones ont partagé généreusement ces informations, car nous possédons des connaissances qui peuvent aider les autres peuples. Mais cela ne peut pas être fait de n’importe quelle façon ». « Lettre du Grand Conseil des Chefs Coutumiers de Guyane à l’attention de la Division d’opposition de l’Office européen des brevets », 11 décembre 2017. Voir aussi France Libertés, « Production des pièces et documents pour procédure orale », 19 décembre 2017, p. 3 [France Libertés, procédure orale].
  • [12]
    Selon le Comité consultatif de déontologie et d’éthique de l’IRD, la biopiraterie se définit comme : « l’utilisation, par les entreprises et instituts de recherche, généralement du Nord, de substances actives, issues de plantes ou d’animaux des pays du Sud, sans l’autorisation des instances de ces pays, pour élaborer de nouveaux produits pharmaceutiques ou autres, et déposer des brevets à leur seul profit. Ceci constitue un acte de bio-piraterie. Cela pose aussi la question de l’utilisation de la médecine et des connaissances traditionnelles, dans des conditions analogues ». Comité consultatif de déontologie et d’éthique de l’IRD, Éthique du partenariat dans la recherche scientifique à l’IRD, 2012, p. 10. En ligne : https://www.ird.fr/content/download/46084/353880/version/3/file/Partenariat+def+avril+2012.pdf.
  • [13]
    Ph. Karpe et C. Aubertin, « Une occasion manquée pour les droits des autochtones (et au-delà)… », RJE 2/2009, p. 313 [Karpe et Aubertin].
  • [14]
    Article 53(a), Convention sur le Brevet Européen.
  • [15]
    Décision T 0356/93 du 21 février 1995 (JO 1995, 545).
  • [16]
  • [17]
    Acte d’opposition, supra note 10, p. 15-18.
  • [18]
    Ibid., p. 19-21.
  • [19]
    Ibid., p. 22-23.
  • [20]
    Ibid., p. 24-27.
  • [21]
    Ibid., p. 27-36.
  • [22]
    Ibid., p. 37.
  • [23]
    Ibid., p. 38.
  • [24]
    Lettre de madame Chantal Berthelot et le sénateur de Guyane monsieur Antoine Karam à l’attention du PDG de l’IRD, 29 janvier 2016 (ajouté au dossier d’opposition).
  • [25]
    Fanny Lavigne, La Recherche sur la Biodiversité au défi de la mise en place de l’APA : cas de la Guyane, Rapport de stage de Master 2 « Ingénierie et Économie du développement et de l’environnement », Université de Guyane, 2017, p. 52.
  • [26]
    T. Burelli et C. Aubertin, « Pourquoi la recherche publique est-elle parfois accusée de "biopiraterie" ? », Inf’OGM, 2017, en ligne : https://www.infogm.org/6135-pourquoi-recherche-publique-accusee-biopiraterie.
  • [27]
    Réponse du titulaire du brevet (EP2443126) à l’acte (aux actes) d’opposition, 30 novembre 2016, p. 2-3. [Réponse du titulaire du brevet (EP2443126)].
  • [28]
    Ibid., p. 3.
  • [29]
    Ibid.
  • [30]
    Ibid., p. 5.
  • [31]
    Les normes professionnelles en matière de recherche impliquant les communautés autochtones et locales sont pourtant nombreuses. Voir notamment les exemples mentionnés dans l’acte d’opposition, supra note 10, p. 27-36.
  • [32]
    Réponse du titulaire du brevet (EP2443126), supra note 27, p. 6.
  • [33]
    Motifs de la décision de l’OEB, 30 juillet 2018, p. 16 [Motifs décision OEB].
  • [34]
    Décision T 0356/93 du 21 février 1995 (JO 1995, 545).
  • [35]
    Motifs décision OEB, supra note 33, p. 11.
  • [36]
    Ibid., p. 10.
  • [37]
    J. Lindgaard, « Des chercheurs français sur le paludisme accusés de biopiraterie », Mediapart, 25 janvier 2016, en ligne : https://www.mediapart.fr/journal/france/250116/des-chercheurs-francais-sur-le-paludisme-accuses-de-biopiraterie.
  • [38]
    Lavigne, supra note 25, p. 53 ; Voir aussi la déclaration suivante du PDG de l’IRD : « même si nous n’en avions pas l’obligation réglementaire, il eût été sans aucun doute préférable d’informer plus officiellement la collectivité territoriale de Guyane lors du dépôt du brevet en 2009 », in Jade Lindgaard, « À son tour, la Guyane accuse des chercheurs de biopiraterie », Mediapart, 1er février 2016, en ligne : https://www.mediapart.fr/journal/france/300116/son-tour-la-guyane-accuse-des-chercheurs-de-biopiraterie.
  • [39]
    Institut de Recherche pour le Développement, « L’IRD va proposer aux autorités guyanaises un protocole d’accord conjoint pour le partage des avantages issus du brevet SkE », 5 février 2016. En ligne : https://www.ird.fr/content/download/244533/3731261/version/1/file/CP_protocole_accord_IRD_guyane.pdf.
  • [40]
    En février 2016, l’IRD a annoncé que « ce protocole d’accord pourrait être signé lors d’un prochain déplacement en Guyane du Secrétaire d’État ». À ce jour, 18 mai 2019, aucun projet d’accord n’a été présenté. Ibid.
  • [41]
  • [42]
    Motifs décision OEB, supra note 33, p. 7.
  • [43]
    Ibid., p. 7.
  • [44]
    Ibid., p. 20.
  • [45]
    Motifs décision OEB, supra note 33, p. 20.
  • [46]
    Vandana Shiva, La biopiraterie, ou le pillage de la nature et de la connaissance, Paris, ALiAS etc., 2002, p. 14-15.
  • [47]
    Motifs décision OEB, supra note 33, p. 20.
  • [48]
    France Libertés, procédure orale, supra note 11, p. 41-42.
  • [49]
    Motifs décision OEB, supra note 33, p. 20-21.
  • [50]
    Ibid., p. 21-22.
  • [51]
    Certificat d’analyse n° 18123 du 23 novembre 2018 (fourni avec deux chromatogrammes et un spectre de masse), du Centre de valorisation agro-alimentaire de composants bioactifs de l’Amazonie, de l’Université Fédérale du Para, Brésil.
  • [52]
    Ibid., p. 2.
  • [53]
    Mémoire du recours T2510/18-3.3.02, 7 décembre 2018, p. 21-22.
  • [54]
  • [55]
    S. Bertani, Simalikalactone D, molécule issue de la pharmacopée traditionnelle amazonienne : activité antipaludique et mécanisme d’action, thèse de doctorat, Université Pierre & Marie Curie, Paris 6, 2006 [non publiée], p. 13.
  • [56]
    Les chercheurs ont souvent tendance dans leurs travaux à ne mentionner que la plante et à oublier les savoirs associés et leur apport pour l’identification et l’étude de celle-ci. Voir aussi Bertani et al., supra note 7, p. 46.
  • [57]
    Motifs décision OEB, supra note 33, p. 8.
  • [58]
    Vigneron, supra note 1.
  • [59]
    Ibid., p. 23.
  • [60]
    Karpe et Aubertin, supra note 13, p. 318.
  • [61]
    « A request which is made shortly before or at the oral proceedings should in the absence of exceptional circumstances be refused, unless each opposing party agrees to the making of the oral submissions requested ». Décision de la Grande Chambre de Recours, G 4/95, 1996, p. 22.
  • [62]
    La Grande Chambre de Recours dans la décision G2/88 (voir le motif 5 de la décision) précise : « il est généralement admis comme un principe de base de la CBE qu’un brevet qui revendique une chose en tant que telle confère une protection absolue à cette chose ; et cela, en toutes circonstances et dans n’importe quel contexte (et donc, confère une telle protection à toutes les utilisations de cette chose, connues ou inconnues) ».
  • [63]
    Karpe et Aubertin, supra note 13, p. 317.
  • [64]
    Motifs décision OEB, supra note 33, p. 19.
  • [65]
    Mémoire du recours, supra note 53, p. 19.
  • [66]
    Ibid., p. 19-20.
  • [67]
    Karpe et Aubertin, supra note 13, p. 314.
  • [68]
    Ils affirment notamment plus loin qu’une demande d’annulation du brevet n’était pas la solution idéale étant donné le contexte de l’affaire Quassia Amara. Karpe et Aubertin, supra note 13, p. 315.
  • [69]
    Voir notamment : T. Burelli, « Collaboration entre scientifiques et communautés autochtones et locales : Le patrimoine culturel immatériel autochtone face aux logiques de développement et de valorisation de l’innovation », in H. Gaumont-Prat (dir.), Innovation et Droit, LGDJ, 2013, p. 135-154 ; T. Burelli, « Une "aventure scientifique passionnante" d’ethnopharmacologie remise en cause par l’OEB », Propriété industrielle, 2014, p. 16-18 ; T. Burelli et T. Rouby, « Entretien : biopiraterie et préservation des savoirs traditionnels », Revue Palabre n° 24, 2016, p. 34-35. En ligne : https://issuu.com/awa-com/docs/palabre_n__24?e=6279808/35220254 ; J. Lindgaard, supra note 37.
  • [70]
    Karpe et Aubertin, supra note 13, p. 314.
  • [71]
    Voir notamment : T. Burelli, « Collaboration entre scientifiques et communautés autochtones et locales », Nouméa (Nouvelle-Calédonie) Séminaire de recherche en sciences sociales de l’IRD de Nouméa, 2012 ; T. Burelli, « Les détenteurs de savoirs traditionnels associés à la biodiversité et le droit d’auteur français », Moorea (Polynésie française) Séminaire « savoirs traditionnels et biodiversité du Pacifique », Criobe et Institut des Récifs Coralliens du Pacifique (IRCP), 2011.
  • [72]
    Voir notamment Burelli (2013) et Burelli (2014), supra note 69.
  • [73]
    Nos échanges avec le service de la valorisation de l’IRD sont disponibles sur demande.
  • [74]
    Karpe et Aubertin, supra note 13, p. 314.
  • [75]
    En l’occurrence, le brevet permet à l’IRD de contrôler seul l’exploitation de l’invention et donc d’exclure toute autre partie. L’IRD s’est défendue à plusieurs reprises de vouloir exclure notamment la Guyane et les communautés autochtones, reste qu’il s’agit d’un droit reconnu à l’IRD. En d’autres termes, il ne s’agit pas de juger des intentions de l’IRD mais plutôt des droits dont dispose cet institut. De fait, jusqu’à aujourd’hui l’IRD n’a associé aucune autre personne ou entité à jouir des droits associés au brevet.
  • [76]
    Karpe et Aubertin, supra note 13, p. 315.
  • [77]
    Voir notamment : Organisation des Nations Autochtones de Guyane (ONAG), « L’appropriation illégitime de ressources biologiques et de connaissances traditionnelles des peuples autochtones de Guyane par les scientifiques de l’Institut de recherche pour le développement (IRD) », communiqué du 27 janvier 2016 ; Cabinet du Président de la collectivité territoriale de Guyane, « Biopiraterie sur le territoire guyanais : Réaction du Président de la Collectivité Territoriale de Guyane », communiqué du 26 janvier 2016 ; Lettre de Madame la députée de Guyane Chantal Berthelot et de Monsieur le sénateur de Guyane Antoine Karam à l’attention de Monsieur Jean-Paul Moatti Président Directeur Général de l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD) ; Bénédicte Fjeke, Présidente du Conseil des chefs coutumiers de Guyane, « Lettre à l’attention de la Division d’opposition de l’Office européen des brevets », 11 décembre 2017 ; Christophe Yanuwana Pierre, Vice-Président du Grand Conseil Coutumier en charge de la commission permanente amérindienne, « Lettre à l’attention de M. le Professeur Hervé Rogez – demande d’expertise », 8 décembre 2018. Ces documents sont disponibles dans le dossier en ligne (base de données de l’Office européen des brevets – Registre européen des brevets) du brevet EP2443126 : https://register.epo.org/application?number=EP10734771&tab=main.
  • [78]
    Voir en ce sens la position de l’IRD selon laquelle il est important de respecter un principe comme le consentement préalable libre et éclairé uniquement si et seulement si celui-ci est reconnu par le droit étatique. Réponse du titulaire, supra note 27, p. 2-3.
  • [79]
    Voir en ce sens la participation de la Fondation France Libertés lors du 18ème Forum permanent des Nations unies sur les questions autochtones et notamment l’événement parallèle intitulé « Lutte contre la biopiraterie : outils à disposition et bonnes pratiques », en ligne : https://www.france-libertes.org/fr/lutte-contre-biopiraterie-outils-a-disposition-bonnes-pratiques/. Voir aussi la brochure spécialement conçue pour l’activité : https://www.france-libertes.org/wp-content/uploads/2019/06/le-cas-de-biopiraterie-couachi-en-guyane.pdf [France libertés].
  • [80]
    Rappelons que l’OEB n’est pas une juridiction (ni la division d’opposition, ni la Grande chambre de recours).
  • [81]
    Karpe et Aubertin, supra note 13, p 319.
  • [82]
    Voir en ce sens les cas du Neem et du Hoodia. Décision T 0543/04 de l’Office Européen des Brevets [Hoodia] (2005), en ligne : http://www.epo.org/law-practice/case-law-appeals/pdf/t040543eu1.pdf ; Décision T 0416/01 de l’Office Européen des Brevets [Neem], (2005), en ligne : http://www.epo.org/law-practice/case-law-appeals/pdf/t010416eu1.pdf.
  • [83]
    Karpe et Aubertin, supra note 13, p. 319.
  • [84]
    Ibid.
  • [85]
    Voir en ce sens, D. F. Robinson, Confronting Biopiracy : Challenges, Cases and International Debates, Washington, Earthscan, 2010.
  • [86]
    T. Burelli, « Les chercheurs : incorrigibles flibustiers de la connaissance ? », Journal Le Monde du mercredi 8 janvier 2014.
  • [87]
    France Libertés, supra note 79.
  • [88]
    La question se pose de la signature avec les autorités autochtones, mais celle-ci est passée sous silence par la direction de l’IRD.
  • [89]
  • [90]
  • [91]
    T. Rouby, « Une restitution en forme de pacte », Revue Palabre n° 24, p. 36-37. En ligne : https://issuu.com/awa-com/docs/palabre_n__24?e=6279808/35220254.
  • [92]
    T. Burelli, L’encadrement de la circulation des savoirs traditionnels médicinaux : Le rôle et l’apport des chercheurs et des peuples autochtones, Rapport de recherche, 2015, p. 6-9. En ligne : https://www.academia.edu/23360731/Rapport_de_misison_de_terrain_en_Nouvelle-Cal%C3%A9donie_IRD_2015.
  • [93]
    Chaque fiche correspond à une plante et répertorie les connaissances traditionnelles identifiées dans les différentes régions de la Nouvelle-Calédonie. Ibid., p. 7.
  • [94]
    T. Burelli et T. Bambridge, « L’encadrement des recherches scientifiques impliquant les communautés autochtones en France », Journal International de Bioéthique n° 26 :4, 2015, p. 83-84. Le code éthique est disponible à l’adresse suivante :
    https://www.academia.edu/16300402/Le_code_%C3%A9thique_du_Centre_de_Recherches_Insulaires_et_Observatoire_de_l_Environnement_Criobe.
  • [95]
    Pour une présentation et une analyse des arguments de l’IRD, voir notamment https://www.academia.edu/36121562/De_la_plante_et_des_savoirs_traditionnels_au_m%C3%A9dicament.
  • [96]
    C’est le cas, par exemple, de l’emploi de la théorie de la Terra Nullius. Shiva, supra note 46, p. 14-15.
  • [97]
    T. Burelli, « La régulation de la circulation des savoirs traditionnels en France et au Canada : entre immobilisme étatique et dynamisme infra-étatique », Elohi, Peuples indigènes et environnement, n° 5-6, 2015, p. 151-170.
  • [98]
    Rappelons, par ailleurs, que les participants ne sont pas reconnus comme co-inventeurs malgré leur contribution.

1En 2003, une équipe de chercheurs de l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD) a effectué une étude auprès des communautés autochtones et locales de Guyane française afin de recueillir leurs connaissances traditionnelles pour le traitement du paludisme [1]. Selon les chercheurs, il s’agissait de valoriser les remèdes traditionnels qui ont largement prouvé leur efficacité [2].

2117 personnes issues de différentes communautés de la Guyane ont participé à cette étude [3] (des membres de la communauté Kali’na, Palikur, des créoles, un Hmong, des brésiliens et des européens). Les chercheurs ont notamment collecté les données suivantes : « le nom vernaculaire des plantes ; les parties de la plante utilisées ; la recette ou le mode de préparation, le mode d’administration, la posologie, les contre-indications, etc. » [4].

3Le projet de recherche a conduit à l’identification de 45 remèdes traditionnels et de 27 plantes [5] dont la plus utilisée : Quassia Amara [6]. Les chercheurs ont reproduit et étudié en laboratoire les remèdes collectés [7]. Ils sont parvenus à identifier à partir de la plante Quassia Amara deux molécules – la Simalikalactone D (SkD) et la Simalikalactone E (SkE) – présentant un intérêt pour la lutte contre le paludisme. Le 18 juin 2009, l’IRD a déposé une demande de brevet portant sur l’utilisation de la SkE pour le traitement du paludisme (EP2443126) [8]. En 2015, le brevet a été délivré par l’Office Européen des Brevets (OEB).

4Le titulaire du brevet, c’est-à-dire le propriétaire des droits de propriété intellectuelle, est l’IRD. Les inventeurs désignés dans la demande sont Jullian Valérie, Valentin Alexis, Deharo Eric, Bourdy Geneviève, Ho-A-Kwie Franciane et Cachet Nadia, c’est-à-dire uniquement les chercheurs scientifiques qui ont participé au projet. Les personnes issues des populations autochtones et locales (notamment les 117 personnes interrogées) ayant contribué au développement de l’innovation par la transmission de leurs connaissances, innovations et pratiques ne sont ni associées comme titulaires ni comme inventeurs au brevet [9].

5En octobre 2015, une opposition relative au brevet portant sur la Simalikalactone E et son usage contre le paludisme a été déposée auprès de l’Office Européen des Brevets [10]. Cette opposition demandant l’annulation du brevet EP2443126 repose sur trois motifs [11] :

61- L’exploitation commerciale de l’invention protégée est contraire à l’ordre public et aux bonnes mœurs (art. 53(a) CBE) étant donné les conditions de développement de l’invention et les conditions de sa protection ; conditions caractéristiques d’actes de biopiraterie [12]. Plus précisément, il est reproché à l’IRD :

  • 1.1. de ne pas avoir informé les participants au projet de la volonté de développer et de déposer un brevet découlant des recherches sur la plante Quassia Amara et les savoirs traditionnels collectés par les chercheurs de l’IRD ;
  • 1.2. de ne pas avoir obtenu le consentement préalable libre et éclairé des participants au projet pour l’utilisation de leurs savoirs ;
  • 1.3. mais également de ne pas avoir organisé de partage juste et équitable des avantages découlant du projet de recherche, parmi lesquels les droits sur le brevet.

72- L’invention revendiquée n’est pas nouvelle (art. 54 CBE) en raison de l’existence de nombreux savoirs traditionnels antérieurs à la demande.

83- L’invention n’implique pas une activité inventive et découle d’une manière évidente de l’état de technique, en raison notamment de l’existence de savoirs traditionnels connus et antérieurs à la demande.

9Le 21 février 2018, la division d’opposition a néanmoins validé le brevet déposé par l’IRD.

10Dans un article récent [13], Philippe Karpe et Catherine Aubertin parlent, à propos de l’action engagée par France Libertés devant l’OEB, d’une occasion manquée pour l’évolution des droits des peuples autochtones. Dans cette contribution, nous proposons d’analyser les arguments développés par ces auteurs.

11Dans une première partie, nous proposons d’effectuer une analyse critique complète de la décision de l’OEB afin d’apporter des éclairages supplémentaires à ceux offerts par Philippe Karpe et Catherine Aubertin (I). Dans un second temps, nous analyserons les critiques qui sont adressées à France Libertés et à la stratégie adoptée. Nous déterminerons si ces critiques sont fondées et si le recours de France Libertés (et ses effets) devrait être ou non interprété comme une occasion manquée pour l’évolution des droits des peuples autochtones (II).

I – Une décision de l’OEB riche en enseignements

12Philippe Karpe et Catherine Aubertin proposent, dans leur article, une analyse de la décision de l’OEB se focalisant uniquement sur un des motifs d’opposition. Dans cette partie, nous proposons de discuter de l’ensemble des motifs d’opposition et de leur réception par la division d’opposition de l’OEB (A et B). Nous discuterons également de certains éléments procéduraux (C) et de certaines questions soulevées par France Libertés, mais non traitées par la division d’opposition (D).

A – Sur les bonnes mœurs et l’ordre public

13En ce qui concerne le respect des bonnes mœurs et de l’ordre public, la question que devait trancher l’OEB était la suivante : Les conditions de développement d’une invention peuvent-elles rendre son exploitation commerciale contraire aux bonnes mœurs et à l’ordre public ? (1). L’OEB a évité de répondre à la question en avançant que le respect du consentement des participants ne constitue pas un critère de brevetabilité et relèverait de la compétence des juges nationaux (2). Finalement, l’OEB n’a pas discuté les pratiques de biopiraterie mises en évidence dans l’opposition (3).

1 – Les conditions de développement d’une invention peuvent-elles rendre son exploitation commerciale contraire aux bonnes mœurs et à l’ordre public ?

1.1 – Les notions de bonnes mœurs et leur application par l’OEB

14Selon l’article 53(a) de la Convention sur le Brevet Européen (ci-après CBE), toute invention dont l’exploitation commerciale serait contraire à l’ordre public ou aux bonnes mœurs est explicitement exclue de la brevetabilité [14].

15Alors que les notions d’ordre public et de bonnes mœurs ne sont pas définies avec précision dans la CBE, la chambre des recours de l’Office européen considère qu’elles sont fondées sur la conviction selon laquelle :

16

« Certains comportements sont conformes à la morale et acceptables, tandis que d’autres ne le sont pas, eu égard à l’ensemble des normes acceptées et profondément ancrées dans une culture donnée. Aux fins de la CBE, la culture en question est la culture inhérente à la société et à la civilisation européenne. » [15]

17En ce sens, les notions de bonnes mœurs et d’ordre public recouvrent un ensemble de comportements indéfinis et non codifiés dans la CBE. Il s’agit également de notions dont le contenu est susceptible d’évoluer au cours du temps au sein d’une culture donnée. Selon la CBE et l’OEB, peu importe la nature des comportements dès lors qu’ils ne sont pas conformes à l’ensemble des normes acceptées et profondément ancrées dans une culture donnée.

18Afin de déterminer si l’exploitation d’une invention serait contraire à l’ordre public ou aux normes de conduite conventionnelles adoptées dans la culture européenne, il faut se demander si l’invention revendiquée apparaîtrait au public européen si répugnante qu’il serait inconcevable de la breveter [16].

1.2 – Une invention dont l’exploitation apparaît répugnante aux yeux du public

19Selon le mémoire d’opposition déposé par France Libertés, les conditions de développement et de dépôt de l’invention rendent son exploitation commerciale répugnante aux yeux du public. En d’autres termes, le non-respect du consentement préalable libre et informé des participants au projet ainsi que l’absence de partage juste et équitable des avantages (notamment des droits sur le brevet) viennent vicier la légalité de la mise en œuvre de l’invention. Selon l’opposition, ces principes constituent des normes acceptées et profondément ancrées dans la culture européenne. Afin de démontrer cela, France Libertés s’appuie sur de nombreuses sources : 1- le droit international [17] ; 2- les guides de mise en pratique du droit international [18] ; 3- le droit européen [19] ; 4- le droit national [20] ; 5- les normes en matière d’éthique de la recherche [21] ; 6- les déclarations établies par les peuples autochtones [22] ; 7- le droit des peuples autochtones [23].

20France Libertés s’est également appuyée sur un faisceau de témoignages de personnes dépositaires de l’autorité publique, d’élus locaux et nationaux, de représentants des citoyens guyanais, d’organismes de représentation de la société civile ou encore d’observateurs réguliers et reconnus de la société (en l’occurrence des chercheurs reconnus).

21Les parlementaires guyanais (la députée de Guyane, Chantal Berthelot, et le sénateur de Guyane, Antoine Karam) ont ainsi, dès la médiatisation de l’exploitation de l’invention, réagi et adressé des lettres à l’IRD afin de lui demander d’abandonner l’exploitation de l’invention [24]. Le président de la région Guyane a également exprimé son dégoût quant à l’exploitation de l’invention en adressant une lettre à l’IRD [25].

22Plusieurs organisations autochtones se sont également exprimées et ont réaffirmé à plusieurs reprises leurs positions. Il s’agit notamment de l’Organisation des Nations Autochtones de Guyane, mais également du Conseil des Grands Chefs qui ont rendu publiques des lettres de contestation.

23Ainsi, dans sa lettre adressée le 11 décembre 2017 à la division d’opposition de l’Office Européen des Brevets, ce dernier souligne le caractère répugnant de l’exploitation des objets revendiqués :

24

« Mesdames, Messieurs, cette demande de brevet n’est pas à nos yeux une simple question d’argent. C’est une question de dignité. De notre dignité. Confirmer que l’IRD est l’auteur de cette découverte, ce serait confirmer ce préjugé, ce serait rester aveugle à la souffrance que cela nous cause. Vous pouvez l’empêcher, vous pouvez nous rendre notre dignité en reconnaissant nos savoirs. Ceci est notre droit. »

25Les chercheurs directement concernés par les projets de recherche impliquant les communautés autochtones ont également pu constater le caractère répugnant de la mise en œuvre de l’invention. Ainsi, selon Catherine Aubertin, les révélations de biopiraterie ont eu pour conséquence de remettre en cause la confiance des populations et à freiner la recherche [26].

1.3 – Le non-respect du consentement préalable libre et éclairé et du partage des avantages, mais le respect du droit selon l’IRD

26Dans un premier temps, l’IRD semble avoir reconnu le consentement préalable libre et éclairé et le partage juste et équitable des avantages comme faisant partie des normes acceptées et profondément ancrées dans la culture européenne. En effet, selon la réponse de l’IRD devant l’OEB : « tout manquement en la matière n’est pas conforme aux bonnes pratiques de recherche avec des populations locales » [27].

27Néanmoins, l’absence de consentement ne serait problématique que lorsque celui-ci serait « légalement requis » [28]. Or, en l’occurrence, l’IRD soutient « qu’aucun dispositif légal (…) n’obligeait les chercheurs [de l’IRD] à mettre en place le CPI » [29].

28En matière de partage des avantages, selon l’IRD, « les incitations aux partages des avantages dans le droit international s’adressent aux États. Leurs ressortissants, et particulièrement leurs chercheurs ne sont en mesure d’appliquer ces recommandations que dans la mesure où les dispositifs réglementaires nationaux le permettent » [30].

29Dans son raisonnement, l’IRD subordonne donc le respect du consentement préalable libre et éclairé et du partage des avantages à l’existence de droits reconnus par les États. Ce faisant, l’IRD assimile les bonnes mœurs et l’ordre public au droit étatique, or il s’agit de domaines normatifs qui ne se recoupent pas nécessairement. Cette approche implique que les chercheurs de l’IRD n’auraient pas à respecter les normes éthiques propres à la recherche impliquant les communautés autochtones et locales [31] à moins qu’elles ne soient transposées dans le droit du territoire où les projets sont menés.

30En matière de définition de l’exploitation de l’invention, l’IRD adopte par ailleurs une approche restrictive en excluant l’existence des savoirs traditionnels et de leur lien avec l’invention. Pour l’IRD, les revendications telles que déposées et notamment la première – l’utilisation de la Simalikalactone E pour le traitement du paludisme – concernent « des activités bien acceptées et couramment mises en œuvre en Europe par les organismes de recherches publics et les groupes pharmaceutiques » [32]. L’IRD exclut volontairement les conditions de développement de l’invention et de son exploitation.

1.4 – Une interprétation étroite et littérale des revendications pour l’OEB

31L’OEB adopte l’approche proposée par l’IRD, c’est-à-dire une prise en considération uniquement des revendications telles que présentées par le demandeur et excluant l’utilisation des savoirs traditionnels. Cette approche est contestable.

32En effet, lors de son examen, l’OEB ne peut pas s’en tenir aux seules revendications telles que formulées dans la demande de brevet. Dans l’affaire G2/06, la Grande Chambre des recours « a examiné une invention revendiquée qui avait entre autres pour objet des cultures de cellules souches embryonnaires humaines qui ne pouvaient être obtenues, à la date du dépôt, qu’à l’aide d’une méthode impliquant nécessairement la destruction des embryons humains à l’origine desdits produits ». Or, « ladite méthode ne faisait pas partie des revendications ». La Grande Chambre a souligné « que la règle 28 c) CBE ne se réfère pas aux "revendications", mais à une "invention" dans le contexte de son exploitation. Il convient d’examiner non seulement le libellé explicite des revendications, mais également l’enseignement technique de la demande dans son ensemble eu égard à la manière de mettre en œuvre l’invention ».

33En ce sens, il convient d’examiner non seulement le libellé explicite des revendications, mais également l’enseignement technique de la demande dans son ensemble eu égard à la manière de mettre en œuvre l’invention. L’OEB ne peut pas se permettre de ne considérer que les revendications telles que mentionnées dans la demande et d’omettre les étapes préalables au développement de l’invention.

34Dans un second temps, l’OEB refuse les arguments de France Libertés selon lesquels les nombreuses prises de position publiques constitueraient des preuves du caractère répugnant de l’invention aux yeux du public européen. Selon l’OEB, le poids probant de ces déclarations ne serait pas suffisant. Elles démontreraient seulement l’opposition d’un certain groupe, ou d’une ou plusieurs personnes. L’OEB poursuit en indiquant que les témoignages produits ne constituent que des opinions particulières qui sont « encore moins représentative[s] de l’opinion publique qu’un sondage » [33]. Peu importe donc pour l’OEB qu’il s’agisse de personnes dépositaires de l’autorité publique, de personnes désignées ou élues comme représentants ou encore d’experts reconnus. De fait, l’OEB est très réticent à reconnaître le caractère répugnant d’une invention. Des sondages démontrant l’hostilité de la population européenne à la mise en œuvre de certaines inventions ont déjà été refusés par le passé [34].

2 – Le respect du consentement et du partage des avantages n’est pas traité dans le cadre de l’examen de la brevetabilité et relèvait de la compétence des États

35Les raisons qui expliquent le refus de l’OEB de considérer l’argument du non-respect des bonnes mœurs et de l’ordre public sont au nombre de deux. D’une part, le respect du consentement libre et éclairé et du partage juste et équitable des avantages ne sont pas définis comme des conditions de brevetabilité par le droit européen des brevets [35]. D’autre part, l’application de ces principes relèverait du droit national [36].

36Le cadre de l’examen de la brevetabilité par l’OEB ne prévoit pas en effet l’analyse des droits sur l’invention. Cependant, la CBE prévoit que l’examen de brevetabilité par l’OEB doit traiter de la conformité de la mise en œuvre de l’invention aux bonnes mœurs et à l’ordre public. Pour cela, l’OEB doit examiner les comportements dont il est question dans le cas d’espèce et déterminer s’ils sont conformes aux normes acceptées et profondément ancrées dans la culture européenne. Ainsi, dans la mesure où certains comportements tels que, par exemple, le respect du consentement des communautés autochtones et locales ou leur information constituent des normes de conduite conventionnelles au sein de la culture européenne, il est impératif au regard de la CBE d’en tenir compte lors de l’examen d’une opposition.

37En ce qui concerne l’argument selon lequel le contrôle du respect du consentement et du partage des avantages relèverait des États et donc, qu’en conséquence, l’OEB n’aurait aucun rôle à jouer dans ce domaine, il nous apparaît problématique pour plusieurs raisons.

38Il existe effectivement des recours au niveau national en matière de non-respect du consentement et du partage des avantages. Ces recours n’ont néanmoins pas nécessairement le même objet qu’une opposition devant l’OEB. En ce sens, ces différentes voies ne sont pas redondantes, et quand bien même elles le seraient, nous pourrions au contraire nous en réjouir, car cela faciliterait l’accès au droit pour les citoyens (disposant de plusieurs voies et recours) et cela permettrait de renforcer la validité des brevets déposés. En refusant de traiter de cette problématique et en renvoyant les citoyens devant les juges nationaux, l’OEB leur rend la tâche plus complexe et plus coûteuse. L’OEB prend ainsi le risque que des brevets à la validité douteuse soient accordés et non contestés ou, plus dommageable pour les acteurs économiques, qu’ils soient contestés plus tard pour des motifs plus élargis et avec des conséquences financières plus importantes (par exemple au travers de l’octroi de réparations de préjudice(s) civil(s)).

39De plus, en adoptant cette approche, l’OEB envoie un signal très négatif aux acteurs économiques puisque ces derniers voient ici confirmer que l’OEB ne contrôlera pas le respect du consentement des participants pour l’octroi d’un brevet. Dans ce cas, pourquoi obtenir ce consentement ou encore organiser un partage des avantages ? Les acteurs économiques peuvent anticiper et établir les probabilités pour leur brevet de faire l’objet ou non d’une contestation devant un juge national. Comme nous l’avons vu, dans le cadre de l’affaire Quassia Amara, les acteurs guyanais locaux ont appris l’existence du brevet peu avant l’opposition ou lors de son dépôt. Sans la veille et l’action de France Libertés, combien d’années aurait-il fallu attendre pour qu’ils soient informés et puissent déposer un recours devant un juge national ?

3 – L’OEB ne s’est pas positionné sur les pratiques de biopiraterie

40L’OEB n’a donc pas discuté et tranché la question du non-respect du consentement des communautés autochtones, celle du non-partage des avantages ainsi que l’absence de reconnaissance des participants à titre de co-inventeurs. L’OEB encourage néanmoins les personnes concernées à se tourner vers le juge français. En somme, l’OEB n’a pas reconnu une absence de pratiques de biopiraterie.

41De fait, dans le cadre de ses différentes prises de position et de ses réponses à l’OEB, l’IRD, les chercheurs impliqués dans le dépôt de brevets et certains représentants ont reconnu les pratiques de biopiraterie révélées par France Libertés. Les co-inventeurs ont ainsi rapidement confirmé l’absence de recueil du consentement des personnes interrogées : « Les chercheurs ne réfutent pas ne pas avoir demandé le consentement des personnes qu’ils ont interrogées avant d’isoler la molécule. » [37]

42Le non-respect (à tout le moins) des règles éthiques en matière de recherche avec les communautés autochtones et locales est par ailleurs reconnu par le président-directeur général de l’IRD : « Si dans les faits les chercheurs de l’IRD n’ont pas failli à la réglementation en vigueur, du point de vue de l’éthique un meilleur dialogue avec les autorités et les populations sur la valorisation des recherches aurait cependant été nécessaire. » [38]

43Suite à plusieurs semaines de pressions médiatiques et face aux réactions des acteurs locaux guyanais ainsi que des autorités publiques françaises, l’IRD a néanmoins annoncé en mars 2015 la signature à venir d’un accord de partage des avantages [39]. À ce jour, aucune proposition n’a été rendue publique, et plus de trois ans après l’annonce de la signature imminente d’une entente, l’IRD n’a conclu aucune entente [40].

B – Analyse des critères de nouveauté et d’activité inventive

44Nous analyserons dans un premier temps le traitement du critère de nouveauté (1) puis celui de l’activité inventive (2).

1 – Nouveauté : une application de la théorie de la Terra Nullius

45Pour pouvoir être brevetée, une invention doit être nouvelle, cela signifie qu’elle ne doit pas porter sur une innovation qui a déjà été rendue accessible au public, quels qu’en soient l’auteur, la date, le lieu, le moyen et la forme de cette présentation au public [41].

46Selon France Libertés, le critère de nouveauté n’est pas respecté dans la mesure où il est possible de déduire des documents produits la présence de la molécule SkE dans les préparations traditionnelles qui contiennent des feuilles de Q. Amara.

47L’IRD avance au contraire qu’aucun document présenté « ne décrit la molécule SkE, ni son procédé d’isolement ni son activité antipaludique » [42]. L’IRD ajoute que France Libertés « n’a apporté aucune preuve que la molécule SkE ait été présente dans les décoctions traditionnelles ou dans les feuilles ou d’autres parties de la plante Q. amara » [43]. De fait, l’IRD conteste le fait même « que la molécule SkE soit présente dans les remèdes traditionnels ou dans les parties de la Q. amara » [44]. L’IRD avance que la molécule SkE « pourrait se former au cours des étapes particulières d’extraction » [45]. Il s’agit là d’une supposition de la part de l’IRD qui ne fournit aucune preuve empirique.

48Il s’agit ici d’une application de la théorie de la Terra Nullius dans le champ de la propriété intellectuelle [46]. Puisque les communautés n’ont pas explicitement identifié et nommé la molécule, elle pourrait faire l’objet d’une appropriation exclusive de la part de l’IRD. Il revient aux communautés de prouver la présence de la molécule dans les remèdes traditionnels qu’ils ont partagés et qui ont permis le développement de l’innovation biotechnologique.

49La division d’opposition de l’OEB adopte l’argumentaire de l’IRD. Selon elle, la question qui se pose est la suivante : « Est-il prouvé par l’opposant et est-ce qu’on peut conclure sans ambiguïté qu’au moins un des extraits divulgués dans l’art antérieur, le savoir traditionnel et les parties de la plantes inclus, comprend de façon inéquivoque la molécule SkE ? » [47].

50France Libertés a tenté de démontrer la présence de la SkE dans les remèdes traditionnels en s’appuyant sur le caractère hydrophile de la molécule [48]. Néanmoins, l’OEB considère que cette déduction établie à partir de la formule chimique de la molécule SkE ne permet pas de prouver de manière incontestable sa présence dans les remèdes traditionnels [49].

51La division de l’opposition précise néanmoins comment les communautés auraient pu prouver l’absence de nouveauté, notamment en présentant une analyse chimique des remèdes traditionnels :

52

« Avec les connaissances de la structure chimique de la molécule, même par un document publié après la date de dépôt du brevet en cause, la preuve que la molécule SkE se trouvait ou non dans les extraits alcooliques de D2 et/ou dans les produits de décoction de D3 et D5 et/ou dans la plante elle-même aurait pu être possible, grâce par exemple à une analyse spectrométrique. Cette détermination aurait été nécessaire dans le cas présent pour prouver que la molécule SkE n’est pas un produit de la transformation, mais qu’elle était invariablement dans le produit utilisé dans les documents cités et/ou dans les remèdes traditionnels de façon intrinsèque [50]. »

53La division d’opposition adopte ici une approche stricte de l’application du critère de nouveauté qui oblige les communautés autochtones à défendre la valeur et le contenu de leurs savoirs en utilisant les logiques de la science occidentale. Il s’agit là d’un fardeau très lourd dans la mesure où les analyses demandées sont difficiles et coûteuses à mettre en place (qui plus est dans les délais très courts prescrits par l’OEB). Au contraire, l’IRD maitrise les procédures d’analyse et détient par ailleurs de nombreux résultats qui pourraient prouver ou non la présence de la molécule dans les remèdes traditionnels.

54Malgré les obstacles que ce type de preuve implique, le Grand Conseil des Chefs Coutumiers de Guyane a mandaté un expert pour prouver la présence de la molécule dans les remèdes traditionnels [51]. Les analyses confirment bien sa présence [52]. Ces éléments ont été ajoutés à l’appel de la décision de la division d’opposition [53]. L’IRD ne prétend plus que la molécule serait le résultat d’une procédure d’extraction extrêmement complexe.

2 – Activité inventive : la non-prise en compte des savoirs traditionnels

55Pour pouvoir être brevetée, une invention doit également satisfaire le critère d’activité inventive, c’est-à-dire qu’elle ne doit pas découler de manière évidente de la technique connue par « l’homme du métier » [54].

56Selon France Libertés, ce critère n’est pas respecté en raison de l’existence des savoirs traditionnels qui ont constitué des pistes de recherche essentielles pour l’obtention de l’identification de la molécule SkE. En ce sens, les chercheurs s’appuyant sur les savoirs traditionnels n’ont pas fait preuve d’activité inventive.

57Il s’agit d’ailleurs d’un constat également établi par les chercheurs impliqués dans le projet. Selon eux, la mobilisation des savoirs traditionnels a notamment permis d’obtenir un taux de rendement d’identification de plantes présentant une activité biologique de 26 %. Selon Stéphane Bertani, chercheur ayant participé à l’analyse des remèdes, ce taux de rendement aurait été de l’ordre de 0,5 % si les chercheurs avaient procédé de manière aléatoire [55]. En d’autres termes, les savoirs traditionnels ont joué un rôle crucial et ont largement contribué au succès du projet. Le choix de l’analyse détaillée de la plante Quassia Amara repose d’ailleurs sur sa présence récurrente dans les remèdes traditionnels [56].

58Dans sa réponse auprès de l’OEB, l’IRD affirme au contraire que les savoirs traditionnels (tels que reproduits et discutés dans les publications scientifiques) ne les ont pas incités à rechercher la présence d’un composé comme la SkE. Ces documents ne contiennent « aucun enseignement ni aucune suggestion qui aurait incité l’homme du métier ni à rechercher dans une direction donnée, ni à choisir les feuilles par rapport à la tige, ni à choisir le type de feuille (feuille jeune ou feuille mature) et ni à prévoir le composé à isoler à partir des feuilles et ses propriétés en termes d’activité et de toxicité » [57]. Rappelons que parmi les informations collectées par les chercheurs figuraient : « le nom vernaculaire des plantes ; les parties de la plante utilisées ; la recette ou le mode de préparation, le mode d’administration, la posologie, les contre-indications, etc. » [58].

59L’OEB a décidé d’adopter la position de l’IRD en se basant uniquement sur les articles scientifiques qui, pour certains, évoquent les savoirs traditionnels. Il s’agit néanmoins de résultats présentés par les chercheurs qui sont à l’origine de la demande de brevet. Or, ces derniers ainsi que l’IRD ont clairement intérêt à minimiser l’apport des savoirs traditionnels au développement de l’innovation afin de pouvoir conserver leur brevet.

60Pour l’OEB, « on ne trouve aucune incitation dans l’art antérieur qui puisse motiver l’homme du métier à considérer les feuilles matures et sèches de Q. amara pour commencer le programme d’isolement et d’identification de nouvelles molécules avec des propriétés antipaludiques » [59]. L’OEB n’accorde ici aucun poids au fait que ce type de feuilles est utilisé en médecine traditionnelle, mais puisque l’IRD décrit les extraits obtenus à partir de ces feuilles comme n’étant pas actifs, l’OEB en conclut que rien n’incitait les chercheurs à poursuivre leurs recherches à partir de ce type de feuilles.

C – La participation des représentants autochtones devant l’OEB

61Dans le cadre des différentes étapes de l’opposition au brevet déposé par l’IRD, France Libertés a régulièrement associé les communautés autochtones de Guyane. L’Organisation des Nations Autochtones de Guyane a ainsi été approchée avant le dépôt de l’opposition à l’été 2015. Lors de l’audition devant la division de l’opposition, France Libertés a également invité un représentant du Grand Conseil des Chefs Coutumiers de Guyane. Malheureusement ce dernier n’a pu s’exprimer.

62Selon Philippe Karpe et Catherine Aubertin, la raison qui explique cette absence de prise de parole est la suivante : « La demande relative à l’intervention n’ayant pas été faite en temps et en heure, elle n’était pas recevable. » [60]

63Cette affirmation ne reflète pourtant que partiellement ce qui explique la non-participation de M. Tapo Aloïke. En effet, sa demande de participation a été faite tardivement. Ceci s’explique par les délais liés à la création du Grand Conseil des Chefs Coutumiers et de la désignation d’un représentant.

64Néanmoins, selon les règles de l’OEB, M. Tapo Aloïke aurait pu être entendu avec l’accord de l’IRD en raison des circonstances exceptionnelles de sa nomination [61]. Face à la possibilité de le laisser s’exprimer, les représentants de l’IRD ont décidé de lui refuser la parole. De fait, les effets de ce refus sont à nuancer puisque la déclaration de M. Tapo Aloïke a pu être lue devant la division d’opposition. Il ne s’agit néanmoins pas d’une solution idéale ni respectueuse du représentant du Grand Conseil des Chefs Coutumiers qui s’est déplacé en personne jusqu’à Munich.

D – Un brevet permettant à l’IRD d’interdire la valorisation des savoirs traditionnels

65La première revendication de l’IRD porte sur l’utilisation de la Simalikalactone E pour le traitement du paludisme. Il n’est pas précisé qu’il s’agirait de la molécule isolée. Il s’agit ici d’une revendication de produit. Or, comme le rappelle France Libertés dans son mémoire d’appel, « un brevet qui revendique un produit confère une protection absolue à ce produit, y compris tout ce qui peut comprendre ce produit et toute utilisation de ce produit » [62].

66Ceci signifie que l’IRD peut en principe interdire l’exploitation de tout produit pour le traitement du paludisme comprenant la molécule SkE. Ceci inclut donc les remèdes traditionnels à base de Quassia Amara dont il a été prouvé qu’ils contiennent bien la molécule SkE.

67Philippe Karpe et Catherine Aubertin affirment dans leur article que « l’OEB explique clairement que le brevet SkE ne peut empêcher les populations d’avoir recours à leurs remèdes traditionnels » [63]. Néanmoins, ils ne précisent pas leur référence exacte. Or, selon notre lecture attentive de la décision de la division d’opposition, celle-ci ne précise pas ce qu’ils affirment.

68La division d’opposition adopte néanmoins une approche originale en considérant que la revendication initiale de l’IRD doit logiquement s’interpréter comme portant sur la molécule de SkE isolée [64]. Or, comme le souligne France Libertés, « il est de pratique habituelle dans les demandes de brevet et les brevets, que les déposants précisent de manière expresse dans la revendication lorsqu’un composé chimique naturel doit être compris comme étant isolé de son environnement naturel en utilisant le terme "isolé" » [65].

69Selon France Libertés, il s’agit d’une redéfinition indue des revendications de l’IRD par la division de l’opposition : « Il ne revient pas à la division d’opposition d’atténuer les conséquences du choix volontaire, quand bien même il s’agirait d’un choix malheureux, du déposant de revendiquer une protection plus large que celle à laquelle il pouvait prétendre. » [66]

70La chambre des recours de l’OEB sera amenée à trancher cette interprétation libérale de la division d’opposition qui ne correspond pas aux revendications telles que déposées par l’IRD. Soulignons d’ailleurs que l’Institut avait, dans le cadre de sa réponse à l’opposition, déposé un jeu de revendications subsidiaires (dans le cas où le premier jeu aurait fait l’objet d’une annulation) portant cette fois-ci sur la molécule isolée. Dans le cadre de l’appel, l’IRD a déposé pas moins de huit jeux de revendications subsidiaires, y compris un jeu de revendications précisant que la molécule revendiquée est « isolée ».

II – Un recours inévitable aux répercussions multiples pour les droits des peuples autochtones

71Au-delà de l’analyse d’une partie de la décision de la division de l’opposition, Philippe Karpe et Catherine Aubertin s’interrogent également sur la pertinence même d’une action auprès de l’OEB. Dans cette partie, nous montrerons pourquoi ce recours était inévitable (A). Nous discuterons par la suite des multiples répercussions de cette action pour les droits des peuples autochtones et ce bien au-delà de la décision rendue par la division de l’opposition (B).

A – Un recours inévitable et adapté au cas de l’affaire Quassia Amara

72Philippe Karpe et Catherine Aubertin formulent plusieurs critiques à l’encontre de l’action de France Libertés. Ce faisant, ils soulèvent des questions juridiques très intéressantes. D’abord, un recours devant l’OEB constitue-t-il une manière d’attiser les conflits entre les autochtones et les chercheurs ? (1) D’autre part, quels arguments et quelles stratégies France Libertés aurait-elle dû mobiliser afin de contribuer à l’évolution des droits des autochtones ? (2)

1 – Un recours devant l’OEB : une manière d’attiser les conflits entre les autochtones et les chercheurs ?

73Dans leur article, Philippe Karpe et Catherine Aubertin posent le principe suivant : « le rôle fondamental du juriste investi dans les questions autochtones est de faire avancer le droit vers plus de justice sociale, vers une meilleure protection des populations en accompagnant les évolutions législatives en cours. Le but n’est pas d’attiser les conflits, opposant Autochtones et non-Autochtones, Autochtones et chercheurs, mais de préserver, construire, restaurer ou approfondir une paix sociale » [67]. Il existerait donc des modalités d’action du juriste qui consisteraient ou qui auraient pour effet d’attiser les conflits entre les acteurs sociaux. Il conviendrait d’éviter d’avoir recours à ces types d’action.

74Philippe Karpe et Catherine Aubertin ne vont pas jusqu’à affirmer explicitement que, dans le cas d’espèce, l’action de France Libertés devant l’OEB a consisté à « attiser les conflits, opposant (…) Autochtones et chercheurs ». Néanmoins cette critique semble fortement suggérée par ces auteurs [68]. L’interprétation de Philippe Karpe et de Catherine Aubertin est très intéressante en ce qu’elle nous questionne sur les différents modes d’action juridiques qui s’offrent aux juristes et sur l’opportunité de les mobiliser selon les cas. En ce qui concerne l’affaire Quassia Amara, plusieurs remarques peuvent être formulées.

75Tout d’abord, bien que Philippe Karpe et Catherine Aubertin excluent volontairement toute discussion concernant les pratiques des chercheurs dans l’affaire Quassia Amara, ils semblent néanmoins reconnaître l’existence de conflits entre les chercheurs et les autochtones. C’est effectivement le cas dans le champ de la bioprospection avec la mise en évidence ces dernières années de pratiques de biopiraterie impliquant des chercheurs du secteur de la recherche publique, notamment dans l’outre-mer français [69]. L’affaire Quassia Amara n’est que le dernier exemple en date.

76Philippe Karpe et Catherine Aubertin sous-entendent dans leur déclaration que déposer un recours devant une autorité compétente et utiliser des procédures légales afin d’obtenir le respect de certains droits pourrait conduire à attiser des conflits préexistants. Il conviendrait donc de refréner toute action juridique afin de « préserver, construire, restaurer ou approfondir une paix sociale ». Selon le texte de ces auteurs, le juriste ne devrait intervenir qu’en « accompagnant les évolutions législatives en cours » [70]. Ainsi, le juriste ne pourrait pas employer toutes les voies de recours légales existantes (ou d’autres moyens de recours) dans la mesure où certaines d’entre elles pourraient « attiser les conflits ». Il ne s’agit pas de nier ici le caractère conflictuel ainsi que la violence inhérente à certaines procédures juridiques, il n’en reste pas moins que pour atteindre l’idéal dressé par Philippe Karpe et Catherine Aubertin et auquel nous ne pouvons qu’adhérer, il est parfois nécessaire d’avoir recours à ces actions. La vision de ces auteurs du rôle du juriste, et surtout des outils et des stratégies dont il dispose, nous apparaît donc particulièrement réductrice.

77Il est par ailleurs important de souligner que l’action de France Libertés dans ce dossier ne se résume pas au dépôt d’une opposition qui n’est en pratique que le dernier recours après l’épuisement de plusieurs tentatives de dialogue et de négociation en dehors de la sphère publique. En effet, au-delà du cas Quassia Amara, depuis au moins 2012, l’IRD est régulièrement informé de l’existence de plusieurs cas potentiels de biopiraterie en lien avec des projets de ses chercheurs. Nous avons personnellement organisé plusieurs ateliers de sensibilisation, notamment dans les locaux de l’IRD, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et sur le territoire continental [71]. Nous avons également publié plusieurs articles contenant pour certains les références précises des brevets ou des travaux problématiques selon nous [72]. Enfin, nous avons contacté en 2014, le service de la valorisation de l’IRD afin de l’informer du caractère problématique de certains brevets de son portefeuille [73].

78Bien sûr, la question qui se pose est alors la suivante : un recours devant l’OEB est-il nécessaire, voire indispensable, dans le cas de l’affaire Quassia Amara ? Il n’est pas étonnant de voir l’IRD et ses représentants tenter de répondre par la négative à cette question, mais qu’en est-il dès lors que l’on se pose comme objectif « de faire avancer le droit vers plus de justice sociale, vers une meilleure protection des populations » ?

79Dans le cadre du cas Quassia Amara, la direction de l’IRD a été contactée à deux reprises l’été précédant le dépôt de l’opposition à propos du brevet en cause. Celle-ci a néanmoins ignoré ces demandes d’information. Le dépôt d’une opposition constituait donc le dernier recours possible pour tenter d’atteindre l’objectif fixé par Philippe Karpe et Catherine Aubertin. De plus, comme nous le verrons plus loin, les répercussions du recours (auprès de l’OEB, mais également au-delà) nous conduisent à penser que cette stratégie était appropriée.

2 – Quels arguments et quelles stratégies pour une évolution des droits des autochtones ?

80Philippe Karpe et Catherine Aubertin poursuivent leur raisonnement en expliquant que, selon eux, « Il ne s’agit pas tant d’aboutir à l’énoncé de droits propres aux Autochtones (ou d’autres populations ou communautés), mais bien mieux à l’émergence, à la protection et à la promotion de droits d’une véritable et nouvelle "communauté de vie" incluant les non-Autochtones pour que chacun puisse "vivre bien" (les Communs ?) » [74].

81Cet énoncé nous interpelle dans la mesure où ces auteurs ne nous disent rien de la manière dont nous pourrions arriver à une nouvelle « communauté de vie ». Or, il est fort probable que la reconnaissance de droits en faveur des communautés (ou plutôt l’application des droits d’ores et déjà reconnus) puisse contribuer à l’émergence de cette « communauté de vie » qu’ils appellent de leurs vœux. Il ne nous semble pas que la reconnaissance de droits en faveur des communautés autochtones serait incompatible avec cet objectif. Au contraire, il nous semble qu’il s’agit plutôt d’un préalable ou d’une condition nécessaire.

82Néanmoins, Philippe Karpe et Catherine Aubertin affirment dans leur article qu’un recours devant l’OEB, pouvant conduire à la reconnaissance de certains droits pour les autochtones, ne constituait pas une solution adaptée : « La lecture du contexte y compris historique nous conduirait à penser que le recours devait tendre non pas à l’annulation du brevet (ce qui permettrait à n’importe quel industriel d’utiliser l’invention rendue au domaine public). » [75]. Il aurait fallu selon eux s’en tenir à un recours politique [76].

83Ces auteurs ne précisent pas ce qu’ils entendent par le « contexte, y compris historique » mais il est probable qu’il s’agit des relations entre les chercheurs et les communautés autochtones en matière de bioprospection. En effet, les rapports entre ces acteurs en Guyane ne sont pas caractérisés par une confiance mutuelle notamment en raison de cas répétés d’utilisations abusives des savoirs traditionnels. L’affaire Quassia Amara n’est que la dernière manifestation de ces pratiques abusives.

84La position de Philippe Karpe et de Catherine Aubertin apparaît par ailleurs en contradiction avec les demandes exprimées par de nombreux acteurs locaux guyanais. En effet, plusieurs organisations autochtones ont demandé (et continuent de le faire) à l’IRD d’abandonner son brevet étant donné les conditions de son dépôt et du partage des droits [77]. De fait, aucune autorité ou acteur impliqué n’a demandé à France Libertés de retirer son recours. Ceci peut s’expliquer par le fait que, depuis le début de la procédure, l’IRD n’a pas été en mesure d’apporter des réponses satisfaisantes (et de les mettre en pratique) face aux éléments problématiques mis en évidence.

85Il nous apparaît par ailleurs incongru sinon maladroit de voir des chercheurs tenter de nous convaincre que le plus important n’est pas la reconnaissance de droits en faveur des autochtones ou encore que les recours juridiques ne constituent pas la stratégie la plus adaptée. En effet, pendant de nombreuses années, certains chercheurs ont profité d’un cadre légal favorisant leurs intérêts. Encore aujourd’hui, certains organismes tels que l’IRD et certains chercheurs tentent de s’appuyer sur une absence de droits pour les autochtones afin de justifier des pratiques d’appropriation abusives [78]. On comprend bien l’intérêt d’un recours politique plutôt que juridique pour l’IRD, mais est-ce dans le meilleur intérêt pour les communautés autochtones ?

86Il est par ailleurs important de souligner que les pistes évoquées par Philippe Karpe et Catherine Aubertin ont bien été explorées par France Libertés. En effet, cette fondation participe régulièrement aux rencontres organisées sous l’égide de l’OMPI (mais également d’autres institutions onusiennes [79]). France Libertés a également bien tenté une stratégie alternative au recours devant l’OEB. Comme déjà souligné, France Libertés s’est d’abord adressée à l’IRD avant de déposer son opposition.

87Finalement, selon Philippe Karpe et Catherine Aubertin, il n’était pas opportun de s’adresser à l’OEB étant donné que cette « juridiction » [80] « n’a pas une connaissance spéciale sur la matière autochtone » [81]. Cette prise de position nous interpelle pour plusieurs raisons. En effet, si nous suivons ce raisonnement, dès lors que nous avons à faire à une problématique impliquant des enjeux autochtones, il ne faudrait s’adresser qu’aux institutions ayant une connaissance spéciale en matière autochtone. Il est alors très facile d’écarter de nombreuses juridictions qui n’ont pas de connaissance spéciale dans ce domaine. Ceci viendrait de fait écarter l’ensemble des juridictions de droit commun.

88De fait, l’OEB est compétent pour traiter d’une opposition à un brevet, et ce quand bien même des questions de droits des peuples autochtones se posent. L’opposition au brevet déposé par l’IRD, qui a été jugé recevable par l’OEB, n’est d’ailleurs pas le premier cas traité par l’OEB d’un brevet contesté en raison du non-respect des droits des peuples autochtones [82].

B – Un recours aux répercussions multiples pour les droits des peuples autochtones

89Selon Philippe Karpe et Catherine Aubertin, « le rôle de FL devait justement consister à apporter une connaissance pour faire bouger les lignes » [83]. Or pour eux, le recours contre le brevet déposé par l’IRD constitue « une occasion perdue de faire avancer le droit européen des autochtones » [84]. Dans cette partie nous verrons que l’affaire Quassia Amara a d’abord permis d’apporter un éclairage sur la biopiraterie dans l’outre-mer français, mais également de faire émerger et circuler de nombreuses connaissances (1). Nous exposerons par la suite l’ensemble des évolutions notamment juridiques et éthiques qui se sont produites dans le sillage du dépôt de l’opposition (2).

1 – Un éclairage sur la biopiraterie dans l’outre-mer français

90L’action de France Libertés a d’abord permis d’attirer l’attention du public à propos d’un cas majeur de biopiraterie dans l’outre-mer français. Jusqu’à présent, très peu d’attention avait été accordée aux travaux de bioprospection et d’ethnobotanie dans l’outre-mer français. La plupart des cas connus concernaient jusqu’alors l’étranger [85].

91Certes, le cas Quassia Amara n’est pas le premier de cette nature mis en évidence par France Libertés. En effet, cette fondation s’était également intéressée au cas du faux-tabac qui avait également fait l’objet d’un dépôt de brevet de la part de l’IRD [86]. Néanmoins le cas Quassia Amara est un cas emblématique de ce qu’est la biopiraterie telle que pratiquée par des acteurs et des institutions a priori insoupçonnables, c’est-à-dire les acteurs et les institutions de la recherche publique. En effet, en matière de biopiraterie, les entreprises du secteur privé sont très souvent montrées du doigt. La contribution de la recherche publique à ces pratiques est par ailleurs régulièrement passée sous silence. Les chercheurs sont pourtant dans de nombreux cas de biopiraterie les premiers maillons de la chaîne.

92L’action de France Libertés a ainsi permis à certains acteurs de la société civile guyanaise, mais également certaines autorités publiques guyanaises et métropolitaines, de découvrir l’existence du brevet déposé par l’IRD. L’action de France Libertés a donc contribué à sensibiliser les acteurs locaux à la problématique de la biopiraterie. De nombreux acteurs guyanais se sont joints aux échanges et ont pu faire entendre leurs voix. Ces échanges ne sont certes pas dénués de tensions, mais ils sont néanmoins féconds pour l’évolution des pratiques comme nous le verrons dans la section suivante.

93L’action de France Libertés s’est prolongée dans plusieurs instances et en particulier au sein de l’Instance permanente des Nations unies sur les questions autochtones. France Libertés y a notamment animé un événement parallèle sur le thème de la lutte contre la biopiraterie et l’affaire Quassia Amara[87]. Pour cela, France Libertés a notamment organisé la venue de deux représentants autochtones de Guyane et d’une représentante de Nouvelle-Calédonie.

94Le dépôt de l’opposition a aussi permis de mettre en lumière les pratiques des chercheurs de l’IRD en cause et leurs justifications ainsi que les arguments des opposants. Rappelons qu’avant l’opposition, l’IRD avait refusé de s’expliquer. Il aura fallu un recours officiel, une campagne médiatique et l’intervention des ministères de tutelle de l’IRD pour que ce dernier s’exprime et apporte certaines réponses.

95L’action de France Libertés a également permis de retrouver la trace des 117 participants au projet de 2003 ouvrant potentiellement la voie à leur reconnaissance en tant qu’inventeurs aux côtés des chercheurs.

96En ce sens, France Libertés a sans conteste contribué à l’émergence de nouvelles connaissances et fait « bouger les lignes » si l’on tient compte des réactions suscitées par l’opposition (devant l’OEB et en dehors), mais également par des évolutions juridiques et éthiques concrètes que nous détaillons dans la section suivante.

2 – Des évolutions juridiques et éthiques majeures depuis 2015

97Les évolutions juridiques et éthiques découlant de l’opposition ne peuvent pas être appréhendées seulement à l’aune de la décision de l’OEB. Il serait en effet simpliste de considérer que l’évolution des droits des autochtones passerait uniquement par une victoire devant l’OEB. Il faudrait par ailleurs définir ce que l’on entend par victoire. Il est possible, par exemple, de considérer le fait d’avoir été entendu par l’OEB comme une « victoire » étant donné les difficultés que comporte le traitement d’un cas comme celui de la plante Quassia Amara.

98La décision de l’OEB constitue, selon nous, une évolution (ou à tout le moins une contribution) juridique majeure. Il s’agit d’une nouvelle jurisprudence dans un champ qui en compte très peu. En effet, comme nous l’avons déjà dit, ce type de dossier requiert des ressources importantes ainsi qu’une veille régulière afin de respecter les délais très courts fixés par l’OEB pour s’opposer à un brevet (neuf mois). La décision rendue par l’OEB est riche en enseignements sur le traitement des pratiques mises en cause. D’un point de vue purement juridique, la décision de l’OEB constitue ainsi une balise à partir de laquelle il est possible de développer de nouvelles idées.

99Les échanges qui ont eu lieu durant la procédure constituent également une contribution majeure, car ils donnent à voir la perspective de l’IRD quant aux activités de bioprospection impliquant les communautés autochtones ainsi que celle de l’OEB. Elle permet de mettre en évidence certaines logiques et certains rapports de pouvoir qui perdurent. Il est par ailleurs très important de souligner que cette décision ne préfigure en rien des décisions futures qui pourront être rendues sur des cas similaires. Rappelons, enfin, que la décision dont il est question fait l’objet d’un appel devant la Chambre de Recours de l’OEB.

100Au-delà de la décision de l’OEB, le dépôt de l’opposition ainsi que la campagne médiatique qui a suivi ont entraîné plusieurs évolutions majeures. L’action de France Libertés a d’abord conduit la direction de l’IRD à annoncer en 2015 la signature d’un accord de partage des avantages avec les autorités guyanaises [88]. À ce jour, l’IRD n’a pas conclu cet accord et n’a communiqué aucune information sur son contenu potentiel. Il s’agit néanmoins d’une annonce forte qui confirme bien qu’aucun partage des avantages n’avait eu lieu ni aucun engagement à en organiser un.

101L’IRD a également engagé des réflexions en interne à propos du respect du protocole de Nagoya. Un Séminaire scientifique intitulé « Le protocole de Nagoya : enjeux et pratiques de recherches » a notamment été organisé en 2016 [89]. Le PDG de l’IRD, M. Jean-Paul Moatti a par ailleurs annoncé en 2018 une « redéfinition de la politique de valorisation en tenant compte de la nécessaire flexibilité des droits de propriété intellectuelle dans les transferts pour le développement ainsi que du partage des avantages garanti par le protocole de Nagoya et la loi française biodiversité du 8 août 2016 » [90].

102En Nouvelle-Calédonie, à la suite de la médiatisation de l’opposition, l’IRD a organisé en mars 2016 une restitution historique de données ethnobotaniques collectées dans les années 1970 par certains de ses chercheurs [91]. Suite à la découverte [92] de 1 171 fiches ethnobotaniques [93] dans les collections du centre IRD de Nouméa, il a été décidé de restituer ces fiches, qui n’avaient jamais été partagées avec les Kanaks, auprès de l’Agence de Développement de la Culture Kanak. Il s’agit d’une démarche très importante afin de refonder des liens avec les communautés autochtones qui ont contribué à l’avancement des recherches, mais qui bien souvent ne sont pas informées des résultats scientifiques.

103Enfin, dans le champ plus global de la recherche scientifique française, il est important de souligner l’adoption du code éthique du Criobe-CNRS qui découle de la prise de conscience d’une partie des milieux scientifiques suite aux révélations de biopiraterie dans l’outre-mer français [94]. Il s’agit du premier code éthique traitant spécifiquement des projets de recherche impliquant les populations autochtones et locales. L’adoption de ce code éthique démontre l’évolution progressive de l’encadrement de la recherche impliquant les communautés autochtones en France.

Conclusion

104S’il y a bien occasion manquée, c’est uniquement du strict point de vue de l’évolution de la jurisprudence dans le champ de la propriété intellectuelle en ce qui concerne le respect des droits des communautés autochtones. Les juristes savent néanmoins qu’il s’agit toujours d’une possibilité dans le cadre de recours, de ne pas obtenir gain de cause auprès des autorités compétentes. Certaines décisions demeurent néanmoins très pertinentes quand bien même elles n’auraient pas conduit à la reconnaissance de nouveaux droits. Certaines « défaites » peuvent constituer des « victoires » en dehors des lieux de recours ou constituer une approche qui pourra être adoptée dans le futur (par exemple dans le cadre d’un appel ou d’un autre recours). En tout état de cause, dans le cadre de l’affaire Quassia Amara, il est possible de considérer comme une avancée notable le fait que les arguments formulés par France Libertés ont été portés sur la place publique, qu’ils ont fait réagir et qu’ils ont été discutés par une autorité compétente.

105De plus, au-delà de la décision finale – maintenir ou non le brevet – il est essentiel d’analyser les raisonnements sur lesquels se fonde cette décision. Parmi les questions qu’il nous semble important de se poser : Sur la base de quels arguments et de quelles logiques la division d’opposition a-t-elle confirmé la validité du brevet de EP 2443126 ? S’agit-il d’arguments reflétant la prise en compte des intérêts, des valeurs et des droits des communautés autochtones et locales ? Ou, au contraire, s’agit-il d’arguments confirmant, voire renforçant, les rapports de pouvoir déséquilibrés entre les chercheurs et les communautés ? En d’autres termes, il est nécessaire de s’intéresser et de critiquer autant la décision finale que les arguments employés pour obtenir ce résultat.

106Ce faisant, la décision de la division d’opposition et l’ensemble de la procédure apparaissent comme très riches en enseignements au regard de ces questions. En effet, bien que l’OEB ait validé le brevet de l’IRD, les éléments soulevés durant l’opposition par les parties ainsi que la décision finale nous renseignent sur les manières de faire et de penser des différents acteurs en présence, en particulier l’OEB et l’IRD. En cela, la décision de l’OEB (et tous les éléments associés) constitue une contribution majeure dans un champ où les recours sont très rares.

107Il est par ailleurs important de souligner la responsabilité de l’IRD dans la concrétisation de l’occasion manquée décrite par Philippe Karpe et Catherine Aubertin. En effet, comme nous l’avons vu, depuis le dépôt de l’opposition, l’IRD emploie toute une série d’arguments, plus ou moins cohérents et compatibles les uns avec les autres [95], pour obtenir le maintien de son brevet. Certains des arguments soulevés sont très intéressants en ce qu’ils illustrent la persistance encore aujourd’hui de certaines pratiques et visions du monde coloniales en matière de recherche impliquant les peuples autochtones en France [96]. Ils sont aussi très intéressants du point de vue de l’éthique de la recherche en France par rapport à d’autres expériences étrangères [97].

108Ainsi, au regard des arguments employés par l’IRD, faut-il se réjouir que cet institut ait pu maintenir son brevet en affirmant notamment que ses chercheurs n’avaient pas à informer tout au long du projet les participants de leurs intentions de recherche, qu’ils n’avaient pas à respecter leur consentement préalable libre et éclairé ou encore qu’ils n’avaient pas à organiser de partage juste et équitable des avantages avec les participants ? Ou encore, faut-il se réjouir que l’IRD ait pu justifier de la nouveauté de son invention en arguant du fait que les communautés, dont certains représentants ont communiqué leurs savoirs traditionnels, n’avaient pas identifié et nommé la molécule objet des revendications de l’institut [98] ?

109Dans leur article, Philippe Karpe et Catherine Aubertin n’analysent pas les arguments et les stratégies déployées par l’IRD. Il serait pourtant très intéressant de connaître leur interprétation de la responsabilité de l’IRD dans la réalisation de ce qu’ils qualifient « d’occasion manquée ». À la lecture de leur article, il semble, en effet, que la responsabilité du résultat reposerait uniquement sur France Libertés qui aurait employé de mauvais arguments et plus encore aurait mobilisé une mauvaise stratégie, notamment en s’adressant à l’OEB.


Mots-clés éditeurs : Quassia Amara, biopiraterie, propriété intellectuelle, savoirs traditionnels, éthique, peuples autochtones

Date de mise en ligne : 14/01/2020

Notes

  • [1]
    S. Bertani, E. Houël, D. Stien, L. Chevolot, V. Jullian, G. Garavito, G. Bourdy, E. Deharo, « Simalikalactone D is responsible for the antimalarial properties of an amazonian traditional remedy made with Quassia amara L. (Simaroubaceae) », Journal of Ethnopharmacology n° 108 :1 2006, p. 155-157. Voir aussi M. Vigneron, Ethnopharmacologie quantitative : contexte d’usage et caractérisation de quelques traitements antipaludiques en Guyane française, DEA Environnement tropical et valorisation de la biodiversité, Université Antilles-Guyane 2003 [Vigneron, 2003].
  • [2]
    G. Bourdy, E. Deharo, « Étude ethnopharmacologique du paludisme en Amazonie bolivienne et guyanaise », Ethnopharmacologia n° 41, 2008, p. 38-39 [Bourdy et Deharo, 2008].
  • [3]
    Vigneron, supra note 1.
  • [4]
    Ibid.
  • [5]
    Ibid., p. 24 ; M. Vigneron et al., « Antimalarial remedies in French Guiana : A knowledge attitudes and practices study », Journal of Ethnopharmacology n° 98, 2005, p. 356- 357 [Vigneron et al.].
  • [6]
    Les remèdes incluant des extraits de Quassia Amara sont parmi les plus efficaces selon les résultats des analyses. Les chercheurs soulignent par ailleurs qu’il s’agit du remède le plus connu parmi les personnes interrogées. Vigneron, supra note 1, p. 51.
  • [7]
    S. Bertani, G. Bourdy, I. Landau, J.C. Robinson, Ph. Esterred, E. Deharo, « Evaluation of French Guiana traditional antimalarial remedies », Journal of Ethnopharmacology n° 98, 2005, p. 46 [Bertani et al.].
  • [8]
    Brevet EP2443126 « Simalikalactone E et son utilisation comme médicament », publié au Bulletin européen des brevets le 4 mars 2015. La molécule SkE présente également un intérêt pour la lutte contre le cancer : Brevet EP2663302 « Utilisation de la Simalikalactone E comme agent anticancéreux ».
  • [9]
    La situation est la même pour le brevet EP2663302 « Utilisation de la Simalikalactone E comme agent anticancéreux ».
  • [10]
    Acte d’opposition au brevet EP2443126, 23 octobre 2015 [Acte d’opposition]. Je fais partie, avec la Fondation Danielle Mitterrand - France Libertés et Cyril Costes, des opposants au brevet EP2443126. L’ensemble des documents relatifs à l’opposition, notamment ceux cités dans cet article sont disponibles dans le dossier en ligne du brevet EP2443126 : https://register.epo.org/application?number=EP10734771&tab=main.
  • [11]
    Soulignons que la légitimité du brevet en tant qu’outil de protection de l’innovation n’est pas contestée. C’est d’ailleurs également quelque chose qui est très clairement précisé par les autorités coutumières : « Nous ne nous opposons pas à l’exploitation d’un médicament industriel basé sur nos remèdes traditionnels, sur nos façons de traiter les maladies, sur les plantes que nous utilisons. Les Peuples autochtones ont partagé généreusement ces informations, car nous possédons des connaissances qui peuvent aider les autres peuples. Mais cela ne peut pas être fait de n’importe quelle façon ». « Lettre du Grand Conseil des Chefs Coutumiers de Guyane à l’attention de la Division d’opposition de l’Office européen des brevets », 11 décembre 2017. Voir aussi France Libertés, « Production des pièces et documents pour procédure orale », 19 décembre 2017, p. 3 [France Libertés, procédure orale].
  • [12]
    Selon le Comité consultatif de déontologie et d’éthique de l’IRD, la biopiraterie se définit comme : « l’utilisation, par les entreprises et instituts de recherche, généralement du Nord, de substances actives, issues de plantes ou d’animaux des pays du Sud, sans l’autorisation des instances de ces pays, pour élaborer de nouveaux produits pharmaceutiques ou autres, et déposer des brevets à leur seul profit. Ceci constitue un acte de bio-piraterie. Cela pose aussi la question de l’utilisation de la médecine et des connaissances traditionnelles, dans des conditions analogues ». Comité consultatif de déontologie et d’éthique de l’IRD, Éthique du partenariat dans la recherche scientifique à l’IRD, 2012, p. 10. En ligne : https://www.ird.fr/content/download/46084/353880/version/3/file/Partenariat+def+avril+2012.pdf.
  • [13]
    Ph. Karpe et C. Aubertin, « Une occasion manquée pour les droits des autochtones (et au-delà)… », RJE 2/2009, p. 313 [Karpe et Aubertin].
  • [14]
    Article 53(a), Convention sur le Brevet Européen.
  • [15]
    Décision T 0356/93 du 21 février 1995 (JO 1995, 545).
  • [16]
  • [17]
    Acte d’opposition, supra note 10, p. 15-18.
  • [18]
    Ibid., p. 19-21.
  • [19]
    Ibid., p. 22-23.
  • [20]
    Ibid., p. 24-27.
  • [21]
    Ibid., p. 27-36.
  • [22]
    Ibid., p. 37.
  • [23]
    Ibid., p. 38.
  • [24]
    Lettre de madame Chantal Berthelot et le sénateur de Guyane monsieur Antoine Karam à l’attention du PDG de l’IRD, 29 janvier 2016 (ajouté au dossier d’opposition).
  • [25]
    Fanny Lavigne, La Recherche sur la Biodiversité au défi de la mise en place de l’APA : cas de la Guyane, Rapport de stage de Master 2 « Ingénierie et Économie du développement et de l’environnement », Université de Guyane, 2017, p. 52.
  • [26]
    T. Burelli et C. Aubertin, « Pourquoi la recherche publique est-elle parfois accusée de "biopiraterie" ? », Inf’OGM, 2017, en ligne : https://www.infogm.org/6135-pourquoi-recherche-publique-accusee-biopiraterie.
  • [27]
    Réponse du titulaire du brevet (EP2443126) à l’acte (aux actes) d’opposition, 30 novembre 2016, p. 2-3. [Réponse du titulaire du brevet (EP2443126)].
  • [28]
    Ibid., p. 3.
  • [29]
    Ibid.
  • [30]
    Ibid., p. 5.
  • [31]
    Les normes professionnelles en matière de recherche impliquant les communautés autochtones et locales sont pourtant nombreuses. Voir notamment les exemples mentionnés dans l’acte d’opposition, supra note 10, p. 27-36.
  • [32]
    Réponse du titulaire du brevet (EP2443126), supra note 27, p. 6.
  • [33]
    Motifs de la décision de l’OEB, 30 juillet 2018, p. 16 [Motifs décision OEB].
  • [34]
    Décision T 0356/93 du 21 février 1995 (JO 1995, 545).
  • [35]
    Motifs décision OEB, supra note 33, p. 11.
  • [36]
    Ibid., p. 10.
  • [37]
    J. Lindgaard, « Des chercheurs français sur le paludisme accusés de biopiraterie », Mediapart, 25 janvier 2016, en ligne : https://www.mediapart.fr/journal/france/250116/des-chercheurs-francais-sur-le-paludisme-accuses-de-biopiraterie.
  • [38]
    Lavigne, supra note 25, p. 53 ; Voir aussi la déclaration suivante du PDG de l’IRD : « même si nous n’en avions pas l’obligation réglementaire, il eût été sans aucun doute préférable d’informer plus officiellement la collectivité territoriale de Guyane lors du dépôt du brevet en 2009 », in Jade Lindgaard, « À son tour, la Guyane accuse des chercheurs de biopiraterie », Mediapart, 1er février 2016, en ligne : https://www.mediapart.fr/journal/france/300116/son-tour-la-guyane-accuse-des-chercheurs-de-biopiraterie.
  • [39]
    Institut de Recherche pour le Développement, « L’IRD va proposer aux autorités guyanaises un protocole d’accord conjoint pour le partage des avantages issus du brevet SkE », 5 février 2016. En ligne : https://www.ird.fr/content/download/244533/3731261/version/1/file/CP_protocole_accord_IRD_guyane.pdf.
  • [40]
    En février 2016, l’IRD a annoncé que « ce protocole d’accord pourrait être signé lors d’un prochain déplacement en Guyane du Secrétaire d’État ». À ce jour, 18 mai 2019, aucun projet d’accord n’a été présenté. Ibid.
  • [41]
  • [42]
    Motifs décision OEB, supra note 33, p. 7.
  • [43]
    Ibid., p. 7.
  • [44]
    Ibid., p. 20.
  • [45]
    Motifs décision OEB, supra note 33, p. 20.
  • [46]
    Vandana Shiva, La biopiraterie, ou le pillage de la nature et de la connaissance, Paris, ALiAS etc., 2002, p. 14-15.
  • [47]
    Motifs décision OEB, supra note 33, p. 20.
  • [48]
    France Libertés, procédure orale, supra note 11, p. 41-42.
  • [49]
    Motifs décision OEB, supra note 33, p. 20-21.
  • [50]
    Ibid., p. 21-22.
  • [51]
    Certificat d’analyse n° 18123 du 23 novembre 2018 (fourni avec deux chromatogrammes et un spectre de masse), du Centre de valorisation agro-alimentaire de composants bioactifs de l’Amazonie, de l’Université Fédérale du Para, Brésil.
  • [52]
    Ibid., p. 2.
  • [53]
    Mémoire du recours T2510/18-3.3.02, 7 décembre 2018, p. 21-22.
  • [54]
  • [55]
    S. Bertani, Simalikalactone D, molécule issue de la pharmacopée traditionnelle amazonienne : activité antipaludique et mécanisme d’action, thèse de doctorat, Université Pierre & Marie Curie, Paris 6, 2006 [non publiée], p. 13.
  • [56]
    Les chercheurs ont souvent tendance dans leurs travaux à ne mentionner que la plante et à oublier les savoirs associés et leur apport pour l’identification et l’étude de celle-ci. Voir aussi Bertani et al., supra note 7, p. 46.
  • [57]
    Motifs décision OEB, supra note 33, p. 8.
  • [58]
    Vigneron, supra note 1.
  • [59]
    Ibid., p. 23.
  • [60]
    Karpe et Aubertin, supra note 13, p. 318.
  • [61]
    « A request which is made shortly before or at the oral proceedings should in the absence of exceptional circumstances be refused, unless each opposing party agrees to the making of the oral submissions requested ». Décision de la Grande Chambre de Recours, G 4/95, 1996, p. 22.
  • [62]
    La Grande Chambre de Recours dans la décision G2/88 (voir le motif 5 de la décision) précise : « il est généralement admis comme un principe de base de la CBE qu’un brevet qui revendique une chose en tant que telle confère une protection absolue à cette chose ; et cela, en toutes circonstances et dans n’importe quel contexte (et donc, confère une telle protection à toutes les utilisations de cette chose, connues ou inconnues) ».
  • [63]
    Karpe et Aubertin, supra note 13, p. 317.
  • [64]
    Motifs décision OEB, supra note 33, p. 19.
  • [65]
    Mémoire du recours, supra note 53, p. 19.
  • [66]
    Ibid., p. 19-20.
  • [67]
    Karpe et Aubertin, supra note 13, p. 314.
  • [68]
    Ils affirment notamment plus loin qu’une demande d’annulation du brevet n’était pas la solution idéale étant donné le contexte de l’affaire Quassia Amara. Karpe et Aubertin, supra note 13, p. 315.
  • [69]
    Voir notamment : T. Burelli, « Collaboration entre scientifiques et communautés autochtones et locales : Le patrimoine culturel immatériel autochtone face aux logiques de développement et de valorisation de l’innovation », in H. Gaumont-Prat (dir.), Innovation et Droit, LGDJ, 2013, p. 135-154 ; T. Burelli, « Une "aventure scientifique passionnante" d’ethnopharmacologie remise en cause par l’OEB », Propriété industrielle, 2014, p. 16-18 ; T. Burelli et T. Rouby, « Entretien : biopiraterie et préservation des savoirs traditionnels », Revue Palabre n° 24, 2016, p. 34-35. En ligne : https://issuu.com/awa-com/docs/palabre_n__24?e=6279808/35220254 ; J. Lindgaard, supra note 37.
  • [70]
    Karpe et Aubertin, supra note 13, p. 314.
  • [71]
    Voir notamment : T. Burelli, « Collaboration entre scientifiques et communautés autochtones et locales », Nouméa (Nouvelle-Calédonie) Séminaire de recherche en sciences sociales de l’IRD de Nouméa, 2012 ; T. Burelli, « Les détenteurs de savoirs traditionnels associés à la biodiversité et le droit d’auteur français », Moorea (Polynésie française) Séminaire « savoirs traditionnels et biodiversité du Pacifique », Criobe et Institut des Récifs Coralliens du Pacifique (IRCP), 2011.
  • [72]
    Voir notamment Burelli (2013) et Burelli (2014), supra note 69.
  • [73]
    Nos échanges avec le service de la valorisation de l’IRD sont disponibles sur demande.
  • [74]
    Karpe et Aubertin, supra note 13, p. 314.
  • [75]
    En l’occurrence, le brevet permet à l’IRD de contrôler seul l’exploitation de l’invention et donc d’exclure toute autre partie. L’IRD s’est défendue à plusieurs reprises de vouloir exclure notamment la Guyane et les communautés autochtones, reste qu’il s’agit d’un droit reconnu à l’IRD. En d’autres termes, il ne s’agit pas de juger des intentions de l’IRD mais plutôt des droits dont dispose cet institut. De fait, jusqu’à aujourd’hui l’IRD n’a associé aucune autre personne ou entité à jouir des droits associés au brevet.
  • [76]
    Karpe et Aubertin, supra note 13, p. 315.
  • [77]
    Voir notamment : Organisation des Nations Autochtones de Guyane (ONAG), « L’appropriation illégitime de ressources biologiques et de connaissances traditionnelles des peuples autochtones de Guyane par les scientifiques de l’Institut de recherche pour le développement (IRD) », communiqué du 27 janvier 2016 ; Cabinet du Président de la collectivité territoriale de Guyane, « Biopiraterie sur le territoire guyanais : Réaction du Président de la Collectivité Territoriale de Guyane », communiqué du 26 janvier 2016 ; Lettre de Madame la députée de Guyane Chantal Berthelot et de Monsieur le sénateur de Guyane Antoine Karam à l’attention de Monsieur Jean-Paul Moatti Président Directeur Général de l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD) ; Bénédicte Fjeke, Présidente du Conseil des chefs coutumiers de Guyane, « Lettre à l’attention de la Division d’opposition de l’Office européen des brevets », 11 décembre 2017 ; Christophe Yanuwana Pierre, Vice-Président du Grand Conseil Coutumier en charge de la commission permanente amérindienne, « Lettre à l’attention de M. le Professeur Hervé Rogez – demande d’expertise », 8 décembre 2018. Ces documents sont disponibles dans le dossier en ligne (base de données de l’Office européen des brevets – Registre européen des brevets) du brevet EP2443126 : https://register.epo.org/application?number=EP10734771&tab=main.
  • [78]
    Voir en ce sens la position de l’IRD selon laquelle il est important de respecter un principe comme le consentement préalable libre et éclairé uniquement si et seulement si celui-ci est reconnu par le droit étatique. Réponse du titulaire, supra note 27, p. 2-3.
  • [79]
    Voir en ce sens la participation de la Fondation France Libertés lors du 18ème Forum permanent des Nations unies sur les questions autochtones et notamment l’événement parallèle intitulé « Lutte contre la biopiraterie : outils à disposition et bonnes pratiques », en ligne : https://www.france-libertes.org/fr/lutte-contre-biopiraterie-outils-a-disposition-bonnes-pratiques/. Voir aussi la brochure spécialement conçue pour l’activité : https://www.france-libertes.org/wp-content/uploads/2019/06/le-cas-de-biopiraterie-couachi-en-guyane.pdf [France libertés].
  • [80]
    Rappelons que l’OEB n’est pas une juridiction (ni la division d’opposition, ni la Grande chambre de recours).
  • [81]
    Karpe et Aubertin, supra note 13, p 319.
  • [82]
    Voir en ce sens les cas du Neem et du Hoodia. Décision T 0543/04 de l’Office Européen des Brevets [Hoodia] (2005), en ligne : http://www.epo.org/law-practice/case-law-appeals/pdf/t040543eu1.pdf ; Décision T 0416/01 de l’Office Européen des Brevets [Neem], (2005), en ligne : http://www.epo.org/law-practice/case-law-appeals/pdf/t010416eu1.pdf.
  • [83]
    Karpe et Aubertin, supra note 13, p. 319.
  • [84]
    Ibid.
  • [85]
    Voir en ce sens, D. F. Robinson, Confronting Biopiracy : Challenges, Cases and International Debates, Washington, Earthscan, 2010.
  • [86]
    T. Burelli, « Les chercheurs : incorrigibles flibustiers de la connaissance ? », Journal Le Monde du mercredi 8 janvier 2014.
  • [87]
    France Libertés, supra note 79.
  • [88]
    La question se pose de la signature avec les autorités autochtones, mais celle-ci est passée sous silence par la direction de l’IRD.
  • [89]
  • [90]
  • [91]
    T. Rouby, « Une restitution en forme de pacte », Revue Palabre n° 24, p. 36-37. En ligne : https://issuu.com/awa-com/docs/palabre_n__24?e=6279808/35220254.
  • [92]
    T. Burelli, L’encadrement de la circulation des savoirs traditionnels médicinaux : Le rôle et l’apport des chercheurs et des peuples autochtones, Rapport de recherche, 2015, p. 6-9. En ligne : https://www.academia.edu/23360731/Rapport_de_misison_de_terrain_en_Nouvelle-Cal%C3%A9donie_IRD_2015.
  • [93]
    Chaque fiche correspond à une plante et répertorie les connaissances traditionnelles identifiées dans les différentes régions de la Nouvelle-Calédonie. Ibid., p. 7.
  • [94]
    T. Burelli et T. Bambridge, « L’encadrement des recherches scientifiques impliquant les communautés autochtones en France », Journal International de Bioéthique n° 26 :4, 2015, p. 83-84. Le code éthique est disponible à l’adresse suivante :
    https://www.academia.edu/16300402/Le_code_%C3%A9thique_du_Centre_de_Recherches_Insulaires_et_Observatoire_de_l_Environnement_Criobe.
  • [95]
    Pour une présentation et une analyse des arguments de l’IRD, voir notamment https://www.academia.edu/36121562/De_la_plante_et_des_savoirs_traditionnels_au_m%C3%A9dicament.
  • [96]
    C’est le cas, par exemple, de l’emploi de la théorie de la Terra Nullius. Shiva, supra note 46, p. 14-15.
  • [97]
    T. Burelli, « La régulation de la circulation des savoirs traditionnels en France et au Canada : entre immobilisme étatique et dynamisme infra-étatique », Elohi, Peuples indigènes et environnement, n° 5-6, 2015, p. 151-170.
  • [98]
    Rappelons, par ailleurs, que les participants ne sont pas reconnus comme co-inventeurs malgré leur contribution.

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