Couverture de RJE_191

Article de revue

Notes bibliographiques

Pages 211 à 217

Notes

Marie CORNU, Fabienne ORSI, Judith ROCHFELD (sous la direction de), Dictionnaire des biens communs, PUF, coll. Quadrige, Paris, 2017

1L’intérêt de ce Dictionnaire des biens communs va bien au-delà de ses incontestables qualités scientifiques : c’est un ouvrage « plaisir », de ceux dans lesquels on se perd au gré des articles, et que l’on reprend avec une curiosité intacte à chaque fois. Certes, ce n’est pas là sa finalité première : il était temps de rassembler la grande famille scientifique autour de cette notion de « biens communs », devenue incontournable dans nombre de domaines, et en particulier s’agissant d’environnement. Au demeurant, il est heureux que M. Cornu, F. Orsi et J. Rochfeld aient intelligemment concilié la rigueur intransigeante de l’approche encyclopédique et l’invitation au voyage intellectuel, nous faisant ainsi passer de Acqua bene comune à « ZAD (zone à défendre) ». La dimension pluridisciplinaire de cet ouvrage en fait une référence fédératrice pour la communauté des chercheurs. En amont, comme source d’inspiration, ou en aval, comme instance de vérification, cet ouvrage est un appui pour tous travaux dans le champ du droit de l’environnement, qu’ils touchent à l’écologie, la santé publique, l’aménagement ou encore à la démocratie participative, etc. C’est enfin un outil remarquable pour appréhender des sujets moins familiers et intéressant potentiellement le droit de l’environnement, comme par exemple la révolution numérique. En somme, s’égarer dans ce dictionnaire ne sera jamais une perte de temps…

2Jeanne-Louise DESCHAMPS

3Doctorante OMIJ-CRIDEAU EA 3177

Christian HUGLO et Fabrice PICOD (sous la direction de), Déclaration universelle des droits de l’humanité. Commentaire article par article, Bruylant, 2018, 139 p.

4Cet ouvrage est dirigé par Christian Huglo et Fabrice Picod, préfacé par Corinne Lepage et publié par l’éditeur Bruylant. Il traite de la déclaration universelle des droits et devoirs de l’humanité rédigée par un groupe de travail composé de juristes notamment des spécialistes en droit de l’environnement et des spécialistes du climat. Il compile, en dehors du texte in extenso et d’une bibliographie sélective sur les droits de l’humanité, la vision doctrinale d’un ensemble d’auteurs éminents que ce soit dans l’avant-propos rédigé par Jean-Paul Laborde, spécialiste de la lutte contre le terrorisme, dans l’aperçu général par les directeurs de l’ouvrage ou dans les commentaires des principes (articles 1er à 4), des droits (articles 5 à 10) et des devoirs (articles 11 à 16) de l’humanité énoncés. En cette année anniversaire des soixante-dix ans de la déclaration universelle des droits de l’Homme, cet ouvrage prend tout son sens dans la mesure où l’accès à ces droits individuels reconnus comme fondamentaux pour l’homme est désormais conditionné par la survie de l’humanité menacée aujourd’hui du fait de l’effondrement de la biodiversité, du réchauffement climatique et des limites planétaires, en particulier en matière de ressources naturelles. Ainsi, cette déclaration universelle des droits de l’humanité ne vient pas en remplacement de celle des droits de l’Homme (individuels) mais devrait lui permettre une meilleure efficience. Elle devrait, dans un objectif d’efficacité, s’articuler également avec un pacte mondial pour l’environnement si celui-ci voit le jour. En effet, si classiquement ce dernier n’est du ressort que des États, la déclaration universelle des droits de l’humanité quant à elle permet, selon Corinne Lepage, le passage vers un droit mondial puisqu’elle peut être signée par tous. Elle a fait ainsi l’objet de plus de 12 000 signatures dont celles d’un État, Les Comores, sept villes (Paris, Strasbourg, Metz…), une région, de nombreux barreaux dans le monde, les 10 000 entreprises du MENE (Mouvement des Entrepreneurs de la Nouvelle Économie), des ONG et de nombreux citoyens. Les commentaires permettent à chaque auteur réputé dans son domaine de se positionner de manière très synthétique non seulement sur l’article qu’ils ont à analyser mais également sur l’ensemble de la déclaration et sa contextualisation ce qui est finalement tout l’intérêt de cet opuscule qui donne la possibilité au lecteur qu’il soit spécialisé ou non de se faire sa propre opinion sur cet instrument d’initiative française et ayant acquis une place certaine sur la scène internationale.

5Marie-Pierre CAMPROUX DUFFRENE

6Professeure de droit privé, Université de Strasbourg

Emmanuel D. KAM YOGO, Manuel judiciaire de droit de l’environnement en Afrique, Québec, Institut de la Francophonie pour le développement durable, 2018, ix+236 pages [1]

7En dépit de son essor grandissant en Afrique francophone, le droit de l’environnement y demeure faiblement intégré dans la formation des acteurs judiciaires, y compris celle des magistrats. D’où le souci de renforcer leurs capacités en la matière, qui est à l’origine de l’élaboration du présent manuel par le professeur Emmanuel Kam Yogo. Ayant enseigné cette discipline à l’École nationale d’administration et de magistrature du Cameroun, il a mis à profit les acquis de son expérience pour concevoir cet ouvrage comme un outil didactique polyvalent, servant de support à une formation professionnelle spécifique, à l’usage aussi bien des élèves magistrats que des formateurs des magistrats.

8Délibérément axé sur les besoins de formation pratique des magistrats, le manuel met peu l’accent sur les débats théoriques, privilégiant plutôt l’exposé concret des instruments juridiques régissant l’environnement en Afrique francophone. Les 13 chapitres qu’il compte sont agencés en trois parties : (i) la première traite d’aspects généraux d’ordre conceptuel (principes fondamentaux) et opératoire (outils de protection et fiscalité de l’environnement) ; (ii) la seconde porte sur la réglementation sectorielle (biodiversité, forêts, mines, pollutions et nuisances, déchets et substances dangereuses, patrimoine culturel, catastrophes et risques) ; (iii) la troisième se penche sur les mécanismes de mise en œuvre (institutions, inspections et contentieux de l’environnement).

9Les différents sujets sont abordés en général sous l’angle du droit international et du droit comparé, à travers l’étude des conventions universelles et africaines pertinentes, ainsi que l’examen des législations nationales de plusieurs pays africains francophones, tels le Burkina Faso, le Cameroun, le Congo, la Côte d’Ivoire, le Gabon, la R.D. Congo ou le Sénégal. À la fin du manuel, quatre études de cas et quatre exercices pratiques illustrent utilement divers thèmes étudiés, comme le droit à l’environnement, la participation du public, l’inspection environnementale, la délinquance faunique, la responsabilité civile ou la transaction pénale.

10Issu d’un partenariat fructueux entre l’IFDD, l’UICN, ONU Environnement et la CEDEAO, cet ouvrage vient combler un vide qui n’avait été jusqu’ici que partiellement comblé par un manuel similaire [2], mais non conçu en fonction des spécificités de l’Afrique francophone. Il est souhaitable que ce nouvel ouvrage soit régulièrement actualisé, si possible tous les deux ou trois ans, afin de tenir compte de l’évolution rapide du droit de l’environnement au sein de l’Afrique francophone. Ces mises à jour du manuel fourniraient aussi l’occasion de l’enrichir en y incluant d’importants secteurs qui en sont absents – comme l’élevage et le pastoralisme, les énergies vertes et la transition énergétique –, en élargissant le champ du droit comparé [3] et en accordant une attention accrue à la jurisprudence.

11Mohamed Ali MEKOUAR

12Associé au CRIDEAU

Paulo Affonso LEME MACHADO, Direito Ambiental Brasileiro, 26ème édition, São Paulo, Malheiros Editores, 2018, 1430 pages

13Régulièrement actualisé et amplifié depuis sa première parution en 1982, ce traité de droit de l’environnement au Brésil en est désormais à sa 26ème édition. Ayant fait l’objet d’une note bibliographique relativement détaillée dans cette revue l’année dernière (RJE, 1/2018, p. 210-212), il n’est ici rendu compte, de façon succincte, que des développements additionnels qui ont enrichi l’ultime édition.

14Au regard de son articulation générale, la structure de l’ouvrage reste inchangée : les 18 titres qui le façonnent sont maintenus comme tels, y compris leurs intitulés respectifs. L’éventail des matières qui y sont traitées est très large, recouvrant pratiquement l’intégralité du champ substantiel du droit brésilien de l’environnement, dans sa double dimension normative et institutionnelle.

15Les principaux apports de cette nouvelle édition portent essentiellement sur deux chapitres : celui relatif à la responsabilité civile environnementale sous le prisme du Code civil de 2002 ; et celui traitant des mines en lien avec la loi de 2017 régissant l’Agence nationale minière (ANM).

16S’agissant de la première thématique, l’accent est mis sur l’article 927 du Code civil, qui consacre la responsabilité objective en se fondant sur la théorie du risque. Indépendamment de toute faute, l’auteur d’un dommage est tenu de le réparer, d’une part, dans les cas spécifiés par la loi ; de l’autre, lorsque l’activité qu’il exerce normalement comporte, de par sa nature-même, un risque pour les droits d’autrui. La responsabilité sans faute de source légale peut ainsi résulter de la Constitution eu égard au dommage nucléaire, de la loi 6.938 de 1981 sur la politique nationale de l’environnement ou de la loi 11.105 de 2005 encadrant les activités impliquant l’utilisation d’OGM. Quant à la responsabilité objective découlant d’activités risquées, elle est engagée lorsque ces dernières sont pratiquées habituellement, et non de façon sporadique, et qu’elles sont intrinsèquement susceptibles de causer des dommages à autrui.

17Au titre du second volet, il est précisé que l’ANM, entité autonome relevant du Ministère des Mines et de l’Énergie, se substitue au Département national de la production minière. Dotée d’un mandat plus vaste, l’ANM est généralement chargée de promouvoir la gestion des ressources minières du pays. Plus spécialement, parmi les compétences étendues qui lui sont dévolues, on compte notamment la mise en œuvre de la politique minière nationale, la réglementation et le contrôle des activités minières, y compris les titres et droits miniers, l’application de la fiscalité minière et la lutte contre la délinquance minière. Il échoit aussi à l’ANM de fixer, conjointement avec les autres organes compétents, les mesures concernant la protection de l’environnement, la santé des travailleurs et l’hygiène du milieu du travail dans le secteur minier.

18Cet ouvrage majeur sur le droit de l’environnement au Brésil paraît tous les ans depuis près de deux décennies. On devrait donc s’attendre, très probablement, à sa réédition en 2019.

19Ali MEKOUAR

20Associé au CRIDEAU

Michel PRIEUR, avec le concours de Christophe BASTIN, Les indicateurs juridiques, outils d’évaluation de l’effectivité du droit de l’environnement, Québec, Institut de la Francophonie pour le développement durable, 2018, xxi+159 pages [4]

21Les indicateurs juridiques de l’environnement, jusqu’ici singulièrement timorés, commencent à sortir de l’ombre. Longtemps restés à l’écart de la sphère du droit, alors même qu’ils foisonnement en matière scientifique, écologique ou économique, ils y font aujourd’hui leur apparition sous l’éclairage de cette étude pionnière, fruit de la clairvoyance et de la ténacité de Michel Prieur.

22Déplorant l’absence d’indicateurs juridiques sur l’effectivité du droit de l’environnement, les participants à deux colloques internationaux sur le droit de l’environnement en Afrique, tenus à Abidjan en 2013 et à Rabat en 2016, ont recommandé leur élaboration afin de contribuer à éviter toute régression des mesures protectrices de l’environnement dans le continent africain. Il est heureux que le présent ouvrage ait répondu à cet appel insistant.

23Auparavant, Michel Prieur avait pris les devants en amorçant, au sein du Centre international de droit comparé de l’environnement (CIDCE), une réflexion innovante sur cette question, qui n’avait alors fait l’objet d’aucune recherche exhaustive. L’idée a ainsi progressivement mûri et s’est finalement concrétisée à travers cette étude, réalisée avec les soutiens conjugués de la Francophonie (IFDD), de l’UICN, d’ONU Environnement et de la CEDEAO.

24L’ouvrage propose une nouvelle méthodologie d’évaluation des politiques environnementales moyennant une batterie d’indicateurs juridiques conçus pour mesurer, sur une base scientifique, l’application effective du droit de l’environnement dans ses dimensions internationale, régionale et nationale.

25À cet effet, 127 indicateurs juridiques ont été identifiés en théorie et devront être testés et validés pour leur attribuer une valeur. Leur mesurage permettra ensuite de représenter mathématiquement leur importance respective par rapport à une effectivité idéale du droit de l’environnement. Enfin, il y aura lieu de quantifier et qualifier les données retenues, puis de les agréger afin de rendre compte de l’ensemble des secteurs du droit de l’environnement. Un programme de suivi dessine les modalités opérationnelles de ce cheminement.

26Pour formuler les indicateurs proposés, 36 expériences d’évaluation de l’environnement par divers types d’indicateurs ont été examinées, en recherchant systématiquement la place faite au droit de l’environnement dans les indicateurs existants. À partir de cette revue, 17 fiches d’indicateurs, dont 9 en droit national et 8 en droit international, ont été établies et testées avec l’appui d’experts juristes de quatre pays africains : Bénin [5], Cameroun [6], Madagascar [7] et Tunisie [8]. Cette approche a permis d’expérimenter une méthode mathématique de mesurage ad hoc[9].

27L’évaluation du processus de mise en application des normes juridiques comporte des étapes communes au droit international et au droit interne, qui se rattachent à une série de questionnements : l’existence de la règle ; la validité de la règle ; l’entrée en vigueur de la règle ; l’invocabilité de la règle ; la conscience de la règle ; la substance de la règle ; le progrès ou la régression de la règle ; la précision de la règle ; les contrôles administratif et juridictionnel de la règle ; la sanction de la règle ; et l’application des sanctions.

28Les indicateurs juridiques énoncés ont trait au droit international conventionnel comme au droit national. En droit international, deux conventions universelles et trois conventions régionales sont examinées du point de vue de l’effectivité de leur application dans l’ordre juridique interne. En droit national, sont évalués cinq principes généraux du droit de l’environnement et deux domaines spéciaux : les aires protégées et les études d’impact.

29Les indicateurs juridiques formulés se déclinent par ailleurs en : (i) indicateurs existentiels (la norme existe-t-elle ?) pour identifier les lacunes ; (ii) indicateurs institutionnels concernant l’administration de l’environnement ; (iii) indicateurs substantiels portant sur le contenu du droit ; (iv) indicateurs procéduraux permettant l’exercice des droits ; et (v) indicateurs de contrôle citoyen et juridictionnel. Pour chaque catégorie d’indicateurs, l’évaluation de l’effectivité repose tant sur le texte juridique – évaluation formelle – que sur l’application concrète – évaluation matérielle du processus d’application.

30Si les indicateurs juridiques ainsi forgés n’ont pas la prétention de combler entièrement les déficits d’application du droit de l’environnement, du moins auront-ils des effets appréciables permettant notamment : (i) de rendre lisibles et visibles la place et le rôle du droit dans les politiques environnementales ; (ii) de donner une vision concrète de l’application effective du droit de l’environnement existant ; (iii) d’attirer l’attention sur les failles et les reculs du droit de l’environnement ; (iv) d’apprécier le niveau d’application effective des conventions internationales et des lois nationales relatives à l’environnement en vue d’apporter des correctifs ; etc.

31Somme toute, en procédant à l’évaluation de l’effectivité du droit de l’environnement grâce à des indicateurs juridiques pertinents, les pays se donnent les moyens de renforcer la mise en œuvre de la législation existante, comme de cibler les réformes juridiques à mener, améliorant ainsi l’effectivité des normes assurant la sauvegarde de l’environnement de façon continue et sans régression.

32En saluant cette étude ambitieuse et novatrice, sans doute la première du genre, et qui constituera assurément une référence majeure pour le développement futur des indicateurs juridiques de l’environnement, il faut espérer que la méthodologie qu’elle préconise puisse trouver, au-delà des quatre pays africains où elle a été initialement éprouvée, un terrain fertile ailleurs en Afrique-même et dans d’autres régions du monde. À cette fin, sa traduction en anglais et en espagnol la rendrait plus largement accessible et consentirait d’en généraliser graduellement la diffusion et l’acceptation.

33Mohamed Ali MEKOUAR

34Associé au CRIDEAU


Date de mise en ligne : 19/03/2019

Notes

Domaines

Sciences Humaines et Sociales

Sciences, techniques et médecine

Droit et Administration

bb.footer.alt.logo.cairn

Cairn.info, plateforme de référence pour les publications scientifiques francophones, vise à favoriser la découverte d’une recherche de qualité tout en cultivant l’indépendance et la diversité des acteurs de l’écosystème du savoir.

Retrouvez Cairn.info sur

Avec le soutien de

18.97.14.87

Accès institutions

Rechercher

Toutes les institutions