Couverture de RJE_191

Article de revue

Cadre de vie

Pages 187 à 193

I – Droit de la publicité extérieure

A – Textes

Loi n° 2018-202 du 26 mars 2018 relative à l’organisation des Jeux olympiques et paralympiques de 2024 (JO du 27 mars 2018) et décret n° 2018-510 du 26 juin 2018 (JO du juin 2018)

1Anticipant comme il est rarement coutume l’événement que constituent les Jeux olympiques et paralympiques de 2024, qui se tiendront principalement à Paris, le législateur a adopté un ensemble de dispositions dont certaines viennent modifier le droit de la publicité extérieure. Plus exactement, et à l’instar des dispositions applicables durant les périodes électorales, le législateur a institué un droit dérogatoire applicable à la publicité du trentième jour précédant celui de la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de 2024 au quinzième jour suivant la date de la cérémonie de clôture des Jeux paralympiques de 2024. Durant cette période, la publicité réalisée par les sponsors des JO (la loi dit « partenaires de marketing olympique ») peut être autorisée dans un périmètre de 500 m autour de chaque site lié à l’organisation et au déroulement des jeux même si les lieux ou les immeubles en question sont en principe interdits à toute forme de publicité soit parce qu’il s’agit de monuments historiques (classés ou inscrits), de monuments naturels, de sites (inscrits ou classés), de sites patrimoniaux remarquables (SPR) soit parce que des règlements locaux de publicité (RLP) éventuellement en vigueur le prévoient.

2La contrepartie de ce régime libéral est la soumission des dispositifs à un régime d’autorisation préalable organisé par le décret du 26 juin 2018. La demande d’autorisation est établie sur un formulaire déterminé par l’arrêté du 26 septembre 2018. On notera parmi les pièces à produire, l’avis du comité d’organisation des JO qui veillera à cette occasion que l’afficheur est bien un sponsor officiel des jeux. Lorsque l’implantation publicitaire est prévue sur un monument historique, la demande est adressée par le sponsor à la DRAC et l’autorisation est délivrée par le préfet de Région ou le ministre chargé de la culture en cas d’évocation. Lorsque l’implantation est envisagée dans les autres lieux, la demande est adressée à l’autorité de police de droit commun de la publicité, à savoir le préfet lorsque la commune concernée n’est pas couverte par un RLP et le maire lorsqu’il existe un RLP.

B – Jurisprudence

CAA Paris, 20 décembre 2018, req. n° 18PA00771. Régime de la vitrophanie (règlement de publicité de Paris)

3La présente décision est intéressante en ce qu’elle donne l’occasion d’apporter un éclairage sur ce qu’il convient d’appeler un « angle mort » du droit de la publicité. Son champ d’application est précisé par l’article L. 581-2 du Code de l’environnement qui prévoit en son principe que la publicité est soumise aux dispositions du Code de l’environnement dès lors qu’elle est visible d’une voie ouverte à la circulation publique. Mais le même article prévoit une exception lorsque la publicité est installée à l’intérieur d’un local à la condition toutefois que ce dernier ne soit pas destiné à un usage exclusivement publicitaire. C’est dans une affaire jugée également à Paris que le Conseil d’État a indiqué que les affiches installées à l’intérieur d’un local commercial, même si elles étaient visibles de la rue, échappaient aux dispositions restrictives du règlement de publicité de Paris (CE, 28 octobre 2009, Ministre de l’écologie contre Sté Zara France, req. n° 322758, mentionné aux tables). À la suite de quoi, comme une trainée de poudre, s’est développé un marché de l’enseigne adhésive – dite vitrophanie – collée derrière les surfaces vitrées et non devant de manière à échapper à la réglementation. S’en est également suivi le développement de l’apposition de dispositifs numériques accolés derrière les baies vitrées. Le procédé est grossier et il conduit à détourner le sens du texte et les efforts entrepris par les collectivités qui adoptent des dispositions visant à encadrer l’implantation des enseignes sur les bâtiments à l’architecture remarquable. Jusqu’à ce jour, le juge administratif n’a pas eu l’occasion de statuer sur une telle situation, soit parce que les autorités de police ont acté, à leur corps défendant, qu’elles ne pouvaient imposer le respect des prescriptions publicitaires pour ce type d’installation, soit que les RLP ne prévoient pas de dispositions particulières à ce propos, une manière de se soumettre à la dictature de la jurisprudence Zara.

4Ce n’est pas le cas du règlement de Paris qui prévoit, au contraire, des dispositions applicables aux enseignes adhésives « devant ou immédiatement derrière une baie », plus précisément le document les interdit sauf si le commerçant établit qu’il est dans l’impossibilité d’apposer des enseignes sur des éléments externes à la devanture. Dans un contentieux opposant un commerçant souhaitant bénéficier du régime applicable à cette vitrophanie, la CAA de Paris a eu l’occasion de se prononcer sur l’application de cette disposition. Son arrêt doit retenir l’attention car il a confirmé la décision de refus du maire de Paris d’autoriser que des autocollants soient appliqués sur la totalité des baies vitrées pour être vus de l’extérieur au motif que des enseignes pouvaient être installées sur le lambris de la devanture du commerce. En en faisant application, elle a implicitement mais nécessairement jugé que cette disposition ne contrevenait pas au principe posé par l’article L. 581-2 du Code de l’environnement.

CAA Bordeaux, 4 décembre 2018, sté Cocktail Développement, req. n° 16BX03856. RLPI. Dispositions interdisant la publicité numérique aux abords des giratoires pour des motifs de sécurité routière. Illégalité (oui)

5La communauté d’agglomération d’Agen est l’une des premières intercommunalités à avoir adopté un RLPi « nouvelle génération », c’est-à-dire conformément aux dispositions issues de la loi du 12 juillet 2010. C’est aussi l’une des premières à être contestée devant la juridiction administrative. La CAA de Bordeaux a ainsi eu l’occasion d’examiner les dispositions applicables à la publicité numérique qu’un afficheur spécialisé dans ce procédé publicitaire contestait. La disposition querellée interdisait la publicité numérique aux abords de plusieurs carrefours giratoires de la ville d’Agen identifiés comme étant particulièrement accidentogènes. Si en première instance, la disposition a été annulée au motif que le juge administratif n’a pas été convaincu par les arguments avancés par le défendeur, en appel c’est sur une question de principe que la Cour a statué. En effet, après avoir rappelé que la police de la publicité tout en poursuivant un objectif de protection du cadre de vie, pouvait prendre en compte l’intérêt de la sécurité routière, la Cour a jugé en revanche que si le but déterminant de la disposition était la poursuite d’un tel intérêt elle était illégale au motif que la sécurité routière n’est pas une composante du cadre de vie. Autrement dit, si un RLP peut avoir pour effet d’assurer la sécurité routière il ne peut pas avoir un tel objet. On avouera que la nuance est subtile surtout qu’à l’occasion de l’instruction des demandes d’implantation de publicité numérique – seul procédé publicitaire soumis à autorisation préalable eu égard à son impact visuel – l’article R. 581-15 du Code de l’environnement précise bien que l’autorisation d’installer un dispositif de publicité lumineuse est accordée, compte tenu notamment du cadre de vie environnant et de la nécessité de limiter les nuisances visuelles pour l’homme et les interdictions faites à la publicité par l’article R. 418-4 du Code de la route. Or ce dernier permet notamment d’interdire la publicité de nature à solliciter leur attention dans des conditions dangereuses pour la sécurité routière. Autrement dit, il n’est pas possible d’encadrer réglementairement la publicité numérique, on ne peut que l’interdire au cas par cas. Si cette solution devait constituer l’état du droit définitif, la tâche des rédacteurs de RLP risque de se trouver grandement compliquée.

CAA Marseille, 26 janvier 2018, ministre de l’Environnement, de l’Énergie et de la Mer, req. n° 16MA01608. Notion d’enseigne et de publicité (article L. 581-3 du Code de l’environnement). Dispositif se dissociant matériellement du lieu d’activité

6Il faut le souligner, la jurisprudence de la Cour de Marseille a le mérite de la constance, y compris dans ses errements ! L’an passé, nous avions vivement critiqué la manière dont elle avait appliqué la jurisprudence du Conseil d’État relative à la notion d’enseigne (cf. RJE 1/2018, p. 184). Après les enseignes en toiture, elle récidive quelques mois plus tard concernant cette fois la qualification de mâts comportant des drapeaux. C’est devenu une manie préjudiciable au cadre de vie, de nombreuses entreprises commerciales – en particulier les concessionnaires automobiles – installent d’innombrables dispositifs de ce genre sur les unités foncières où sont implantés leurs établissements. Leur qualification juridique est un enjeu car, s’ils sont considérés comme des enseignes, en l’occurrence installées directement sur le sol, l’article R. 581-64 du Code de l’environnement les limite, lorsqu’elles font plus de 1 m2, à un dispositif placé le long de chacune des voies ouvertes à la circulation publique bordant l’immeuble où est exercée l’activité signalée. Et c’est tout l’enjeu du litige ici. Une entreprise vendant des fenêtres, portes et volets en avait installé plusieurs sur le parking implanté devant son local commercial. Le préfet, autorité de police de l’affichage, avait pris un arrêté de mise en demeure invitant à les déposer pour violation de l’article R. 581-64, arrêté qui fut contesté devant le juge administratif. Confirmant la juridiction du fond, la Cour de Marseille a annulé l’arrêté au motif que la disposition en cause était inapplicable, les dispositifs n’étant pas selon elle des enseignes mais des publicités. Pour fonder sa décision, la cour a considéré que les dispositifs étaient séparés de l’établissement où s’exerce l’activité signalée par une aire de stationnement. Elle en a déduit que les mâts étaient dissociés matériellement du lieu d’activité, ils ne pouvaient pas être des enseignes ; ils s’agissaient donc de publicités. Un tel raisonnement est tout à fait contestable car, non seulement il conditionne la qualité d’enseignes à la distance qui les séparent du lieu où s’exerce l’activité mais, en outre, il a une lecture très restrictive de la définition de l’enseigne telle qu’elle résulte de l’article L. 581-3 du Code de l’environnement. En effet, ce dernier dispose que constitue une enseigne toute inscription, forme ou image apposée sur un immeuble et relative à une activité qui s’y exerce. Autrement dit, selon la Cour, il faut entendre l’immeuble comme étant le bâtiment où s’exerce l’activité et non l’unité foncière où est implanté ledit bâtiment. Si l’on va au bout de cette logique, cela signifie que les dispositifs scellés au sol devant un bâtiment ne peuvent pas être, par nature, des enseignes. Or le Code de l’environnement prévoit expressément des dispositions les concernant.

7Enfin, dernier élément qui montre que la Cour de Marseille a une bien piètre connaissance du droit de la publicité extérieure, si tant est que l’on admette que les mâts en question soient des publicités et non des enseignes, la règle nationale de densité des publicités installées au sol n’a pas davantage été respectée. En effet, l’article R. 581-25 du Code de l’environnement prévoit qu’il ne peut y avoir que deux dispositifs par unité foncière lorsque la longueur de son côté bordant la voie ouverte à la circulation publique est inférieure à 80 m, plus un dispositif par tranche de 80 mètres entamée. En l’espèce, il y avait huit mâts. Par conséquent, par application de cette règle, la longueur du côté de l’unité foncière devait être au minimum de 480 mètres. Ce qui n’était probablement pas le cas. Autrement dit, par substitution de motifs, la Cour aurait dû rejeter le recours car les dispositifs, ou tout du moins une partie d’entre eux, étaient implantés irrégulièrement…

II – Loi Littoral

A – Textes

Loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (JO du 24 novembre)

8Il existe une loi qui ne souffre d’aucune exception selon laquelle à chaque modification de la loi Littoral du 3 janvier 1986, les possibilités d’urbaniser augmentent au détriment de la protection du littoral. La loi ELAN du 23 novembre 2028 n’échappe malheureusement pas à cette règle. À cet égard, elle annonce clairement ces objectifs. Son titre premier, qui prétend simplifier et améliorer les procédures d’urbanisme, le dit, il faut construire plus, mieux et moins cher. C’est ainsi que l’obligation de construire en continuité avec les agglomérations et villages existants fait désormais l’objet d’une exception notable puisque dans les secteurs déjà urbanisés identifiés par le SCoT qui ne sont pour autant pas des agglomérations et villages existants, les constructions et installations pourront être autorisées « à des fins exclusives d’amélioration de l’offre de logement ou d’hébergement et d’implantation de services publics » dit le nouvel article L. 121-8 du Code de l’urbanisme. De même, a disparu l’exigence de leur incompatibilité avec le voisinage des zones habitées qui permettait aux constructions nécessaires aux activités agricoles ou forestières d’échapper à l’obligation d’être édifiées en continuité avec les agglomérations et villages existant. Désormais, c’est par principe qu’elles peuvent déroger à l’article L. 121-8 dès lors, toutefois, que l’on ne soit pas dans un espace proche du rivage.

B – Jurisprudence

CE, 11 juillet 2018, ministre de la Cohésion des territoires, req. n° 410084, mentionné aux tables du Rec

9Au vu des développements précédents, voilà probablement une des dernières applications de la jurisprudence développée par le Conseil d’État en matière d’extension de l’urbanisation. Celle-ci a pour objet de lutter contre un mitage progressif et rampant des parties non urbanisées des communes littorales. Elle ne permet l’extension de l’urbanisation qu’avec les zones déjà urbanisées caractérisées par un nombre et une densité significatifs de constructions. En revanche, aucune construction ne peut être autorisée, même en continuité avec d’autres, dans les zones d’urbanisation diffuse éloignées de ces agglomérations et villages. La question se posait dans cette affaire où il était envisagé d’édifier une maison individuelle à proximité d’un camping. Le préfet avait saisi, en vain, la juridiction du fond afin d’obtenir l’annulation du permis de construire. L’État avait fait appel de ce jugement à raison car le Conseil d’État l’a annulé pour erreur de droit. En effet, le tribunal administratif avait jugé que le camping pouvait être considéré comme une agglomération ou un village existant. Or, dans la mesure où il n’était pas lui-même en continuité avec une agglomération ou un village, le juge aurait dû se demander si le camping se caractérisait par un nombre et une densité significatifs de constructions, seule condition permettant l’édification de constructions à ses abords. L’affaire lui est renvoyée à cette fin.

III – RNU : Jurisprudence

CE, 26 juillet 2018, Commune de la Rochelle, req. n° 411386. Disposition d’un PLU comparable à l’article R. 111-21 du Code de l’urbanisme. Intérêt d’un quartier composé d’un habitat de type pavillonnaire (non)

10Bien qu’elle ne soit pas même mentionnée au Recueil, cette affaire mérite d’être relevée ici en ce qu’elle présente plusieurs intérêts. À l’occasion d’un recours contre un permis de construire permettant l’édification d’un immeuble collectif dans une zone pavillonnaire, les requérants avaient fondé leur demande d’annulation sur la méconnaissance de l’article R. 111-21 du Code de l’urbanisme (aujourd’hui article R. 111-27) qui permet à l’autorité administrative de refuser la délivrance d’un permis ou de l’assortir de prescriptions spéciales si les constructions par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l’aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l’intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu’à la conservation des perspectives monumentales. Après avoir relevé que le PLU de la commune comportait des dispositions présentant le même objet et posant des exigences qui ne sont pas moindres, le permis de construire a été apprécié par rapport à ces dispositions et non par rapport à l’article R. 111-21. Ce faisant, il en a fait une application identique. On le sait, le raisonnement du juge administratif se fait en deux temps (cf. RJE 1/2014, p. 108 et s.). D’une part, il s’attache à examiner la qualité du paysage environnant. Si celle-ci est sans grand intérêt et se caractérise par sa banalité, le permis de construire sera jugé légal. Si, en revanche, la qualité du paysage mérite d’être relevée, il mesure dans un second temps l’impact du projet sur les lieux avoisinants. Cette jurisprudence, souvent développée dans le contentieux de l’implantation des éoliennes, ne lui est cependant pas propre et a trouvé ici à s’appliquer.

11Le juge du fond avait annulé le permis sur le fondement du document d’urbanisme au motif que le quartier environnant présentait une harmonie architecturale et, par conséquent, le projet portait atteinte à l’intérêt des lieux. Le Conseil d’État n’a pas été de cet avis et a censuré le jugement pour dénaturation des pièces du dossier. Il faut croire qu’il n’a pas été sensible à la qualité d’un habitat de type pavillonnaire jugeant qu’il ne présentait pas un caractère ou un intérêt marqué ni même une unité particulière. Comme quoi au contraire, les goûts et les couleurs cela se discute…


Mots-clés éditeurs : loi Littoral, règlement de publicité, Jeux olympiques 2024, loi ELAN, Droit de la publicité extérieure

Date de mise en ligne : 19/03/2019

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