Notes
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Rédactrice à Émergence, revue de l’ANPASE (Association nationale des personnels de l’action sociale en faveur de l’enfance et de la famille) ; secretariatanpase@free.fr
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Christian Allard , Réussir le placement familial, Édit. ESF, Action sociale, 2015
1 À l’évocation du nom de Christian Allard, elle exprime du soulagement, un mieux-être et le plaisir d’être comprise.
2 Madame Vissa a en effet lu « Réussir le placement familial » [2], à travers lequel elle a senti l’empathie de l’auteur pour ces fantassins de terrain que sont les assistantes familiales.
3 Peu d’entre elles prennent la parole, la peur au ventre. Elle a accepté de se livrer au Journal du droit des jeunes, on l’écoute et on est tout ouïe.
Les dysfonctionnements
4 Elle sait de quoi elle parle quant au refus face au forcing pour prendre un enfant à tout prix, soit « parce que l’on a eu trop de cas lourd, mais aussi parce que les profils ne sont pas articulables ». Elle a en effet été licenciée par un département autour de cette position « je dois les protéger, par définition. Par exemple, j’accueille en ce moment un mineur très insécurisé. S’il est en présence d’un autre en trop grande souffrance, assortie de comportements qui en découlent, ses angoisses sont accrues » explique-t-elle.
5 Elle a du métier comme on dit et à ce titre argumente. Mais parfois en vain. Ainsi, a-t-elle remarqué pour un jeune accueilli que l’accroissement des visites médiatisées le déstabilise. Trop et trop tôt. D’ailleurs l’administration a fini par faire marche arrière. « Mais on ne m’a pas demandé mon avis pourtant c’est moi qui observe le gosse au quotidien. Le pire c’est la réponse du service placeur qui annule mes remarques en adoptant une formule éducative classique à savoir que ce n’est pas le mineur qui décide ».
6 Autre sujet sensible : les sorties d’accueil. Cohabitent en effet deux tendances contradictoires. La première concerne les retraits intempestifs pour cause de sévices sexuels (lesquels dans une grande majorité des cas s’avèrent infondés). La seconde est relative à la maltraitance psychologique, voire matérielle qui peut durer longtemps sur fond de pénurie d’accueil « si on peut les laisser casés, tant mieux » déplore-t-elle.
7 C’est à l’occasion d’un accueil relais effectué par notre interlocutrice que deux sorties d’accueil ont été réalisées. « Les mômes ont parlé, et l’ASE avait des doutes, mais il y a eu un manque de courage de sa part » me semble-t-il.
8 Pourtant, sur le principe, les relais constituent des outils intéressants (vacances de l’assistante familiale, crise relationnelle). Mais ils ne sont pas faits pour détecter de la maltraitance dont une collègue est l’auteur : « On ne nous explique pas le contexte créateur de doutes, ce qui rend après les relations compliquées avec nos homologues » commente-t-elle. « Quelle équipe ? » interroge-t-elle, acerbe à l’évocation de ce concept.
9 « Je vois le référent deux fois par an et nous avons une réunion au même rythme… pour préparer les audiences. Le reste du temps je peux faire appel au psychologue… si besoin est ! ».
Des propositions
10 Des réunions, elles les souhaiteraient mensuelles. Pour lutter contre la parcellisation.
11 « À l’émergence d’un problème, l’éducateur rencontre l’école, la psychologue de cet institution me téléphone, mais on ne met pas les matériaux dont disposent les uns et les autres en commun dans un objectif d’élaboration » regrette-t-elle.
12 Sans pour cela jeter la pierre aux travailleurs sociaux… ce qui constitue une position ouverte et atypique. « Les travailleurs sociaux ne sont pas forcément malveillants à notre égard, et je comprends qu’ils soient en difficulté qualitative avec vingt-sept situations. Nous sommes tous en souffrance et la seule solution serait de construire une alliance pour interpréter le dispositif dans son ensemble » analyse-t-elle.
13 Cela n’empêcherait pas, de son point de vue, de faire en sorte que la loi oblige ces interlocuteurs à lire les rapports concernant les assistantes familiales avant remise. La synergie entre ces deux entrées pourrait modifier ce rapport de force qui gagnerait à n’en être plus un.
14 Autre suggestion : avoir un lien direct avec le cadre de l’ASE pour faire entendre sa voix sans intermédiaires.
15 Sur un autre plan, elle estime que les assistantes familiales pourraient être force de proposition sur des versants techniques tels que les relais. « Nous avons l’impression que l’étau se resserre pour que l’on n’en demande plus eu égard aux contraintes budgétaires. Nous n’avons pas dit que nous ne les comprenions pas, mais nous aimerions la réciproque quant à leur utilité pour l’enfant et les professionnelles. Ainsi, celles qui sont payées en continu pourraient en réalisé sans ajouter un coût supplémentaire pour la collectivité territoriale ».
16 À ses yeux, ces mutations, sur des versants différents, pourraient contribuer à « changer la vie ».
17 Et c’est urgent, car « les enfants trinquent » face au burn-out des professionnels… Avec les arrêts maladie, c’est l’urgence et la dépatouille au dernier moment. On confie ainsi à de très nouvelles embauchées des accueils avant qu’elles n’aient la formation de soixante heures. C’est aussi la porte ouverte à l’arrivée de personnes au chômage pas forcément motivées, qui se faufilent dans un secteur où règne exceptionnellement la pénurie de postes » s’insurge-t-elle.
18 Alors la loi du 14 mars, en a fait une réalité vivante ?
Notes
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[1]
Rédactrice à Émergence, revue de l’ANPASE (Association nationale des personnels de l’action sociale en faveur de l’enfance et de la famille) ; secretariatanpase@free.fr
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Christian Allard , Réussir le placement familial, Édit. ESF, Action sociale, 2015