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Article de revue

La famille d’accueil et la place centrale de l’enfant

Page 45

Notes

  • [1]
    Directrice Générale de la Fondation Grancher. La fondation est en charge de l’accueil chez des assistants familiaux d’enfants et d’adolescents séparés de leur famille ; 119, rue de Lille, 75007 Paris.
  • [2]
    Loi du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfant, art. 1er modifiant l’art. L112-3 du Code de l’action sociale et des familles : al. 1 à 3 : « La protection de l’enfance vise à garantir la prise en compte des besoins fondamentaux de l’enfant, à soutenir son développement physique, affectif, intellectuel et social et à préserver sa santé, sa sécurité, sa moralité et son éducation, dans le respect de ses droits.
    Elle comprend des actions de prévention en faveur de l’enfant et de ses parents, l’organisation du repérage et du traitement des situations de danger ou de risque de danger pour l’enfant ainsi que les décisions administratives et judiciaires prises pour sa protection. Une permanence téléphonique est assurée au sein des services compétents.
    Les modalités de mise en œuvre de ces décisions doivent être adaptées à chaque situation et objectivées par des visites impératives au sein des lieux de vie de l’enfant et en sa présence et s’appuyer sur les ressources de la famille et l’environnement de l’enfant. Elles impliquent la prise en compte des difficultés auxquelles les parents peuvent être confrontés dans l’exercice de leurs responsabilités éducatives et la mise en œuvre d’actions de soutien adaptées en assurant, le cas échéant, une prise en charge partielle ou totale de l’enfant. Dans tous les cas, l’enfant est associé aux décisions qui le concernent selon son degré de maturité ».
  • [3]
    Art. L226-3-1 : « Dans chaque département, un observatoire départemental de la protection de l’enfance, placé sous l’autorité du président du conseil départemental, a pour missions : (…)
    5° De réaliser un bilan annuel des formations continues délivrées dans le département en application de l’article L. 542-1 du Code de l’éducation, qui est rendu public, et d’élaborer un programme pluriannuel des besoins en formation de tous les professionnels concourant dans le département à la protection de l’enfance ».
  • [4]
    M. DAVID, Le placement familial, de la théorie à la pratique, Paris, Dunod, 2004.

1 Les nouvelles dispositions issues de la loi du 14 mars 2016 sont prometteuses et porteuses de sens. En effet, si une partie de ce texte renforce ou réaffirme les principes de la loi de 2007, cette nouvelle loi s’en démarque toutefois attribuant une place centrale à l’enfant au sein du système de protection. Une cohérence globale apparaît dès l’article 1er qui nous invite à nous recentrer sur lui sans l’opposer à ses parents afin d’éviter le mouvement de balancier jusqu’à présent à l’œuvre dans une visée de dépassement de la binarité entre « famille » et « placement »[2].

2 Par ailleurs, la démarche de consensus sur les besoins fondamentaux de l’enfant en protection de l’enfance - démarche annoncée dans la feuille de route du ministère - constituera une pierre angulaire pour l’avenir de la mise en œuvre de cette loi.

3 Dans son esprit, cette nouvelle loi ne peut donc qu’agréer les professionnels du secteur. Cependant, des voix s’élèvent déjà quant aux difficultés d’application de ces nouvelles dispositions. Dans un contexte de restriction budgétaire croissante, celles-ci pourraient s’avérer être des vœux pieux avec un questionnement majeur : qu’en sera-t-il de l’appropriation de cette loi par les départements ?

4 Cette appropriation constituera l’élément nodal dans l’application de cette loi. L’appropriation, concept usité en sociologie, trouve son origine dans l’anthropologie de Marx ; ce dernier l’inscrit dans sa conception du travail comme l’impulsion motrice primordiale. L’appropriation se définit alors comme un processus de contrôle, de création ou d’acquisition d’un pouvoir sur les choses avec un pendant en cas d’échec, l’aliénation.

5 L’enjeu est donc majeur pour les conseils départementaux de pouvoir accompagner leurs professionnels. La formation, véritable levier de changement, à ce titre, sera primordiale. L’article 3 de la loi de 2016, toujours dans une recherche de cohérence, souhaite renforcer cette mesure encore insuffisamment mise en œuvre [3]. Mais comment accompagner des professionnels souvent pris dans des injonctions paradoxales entre la volonté de s’inscrire dans l’esprit de la loi et la difficulté de sa mise en œuvre ?

6 Il est encore prématuré pour jauger de cette appropriation. Mais des premières limites émergent.

7 Ainsi, la disposition de l’attribution d’un pécule au jeune majeur ou au mineur émancipé constitué des sommes d’allocation de rentrée scolaire dues alors qu’il était confié à un service, à un établissement ou à un tiers s’est déjà vue appliquée sur certains territoires. Dans certains cas, la célérité de cette application, a généré des incompréhensions entre les professionnels et les parents, ceux-ci se trouvant privés de leur rôle d’accompagnement dans la scolarité de leur enfant. La généralisation de cette mesure, sans distinction aucune, représente une entrave à l’individualisation de la prise en charge de chaque enfant et au travail d’implication de ses parents.

8 Des limites donc, mais aussi des attentes fortes notamment pour les praticiens du placement familial concernant l’exercice des actes usuels en cas de placement. La clarification de ces modalités d’exercice des actes usuels de l’autorité parentale permettra notamment d’éviter aux enfants des situations disqualifiantes et discriminantes dans leur quotidien. Cette liste des actes usuels annexée au projet pour l’enfant va sans nul doute susciter des débats au sein des institutions.

9 La professionnalisation des assistants familiaux ne doit pas conduire à renforcer un isolement déjà préexistant de par la spécificité d’un travail à leur domicile. La délégation des actes usuels doit donc être confiée au dispositif d’accueil familial, à l’équipe pluriprofessionnelle et non pas au seul assistant familial.

10 En ce sens, il convient de convoquer Myriam David[4] et de rappeler qu’une « famille d’accueil ne peut exister que dans une équipe, que dans un cadre institutionnel structuré et repérant pour elle et pour l’enfant », et ce afin de développer une véritable « clinique de l’accompagnement » au sens d’une assistance, d’un soutien, d’une aide à apporter à tous les acteurs concernés : enfants, parents, parenté et professionnels.

11 Dans une perspective idéale, mais ne faut-il pas être ambitieux pour notre jeunesse, l’appropriation de cette nouvelle loi au sein de chaque territoire devrait se réaliser dans un processus de concertation avec l’ensemble des acteurs dans un esprit similaire à celui qui a permis son élaboration.

12 L’appropriation passe par le débat d’idées, les échanges, les désaccords, les consensus et surtout la rencontre, la connaissance et le respect des missions de chacun. Ainsi, le changement des regards et des pratiques est rendu possible.


Date de mise en ligne : 20/01/2017

https://doi.org/10.3917/jdj.356.0045

Notes

  • [1]
    Directrice Générale de la Fondation Grancher. La fondation est en charge de l’accueil chez des assistants familiaux d’enfants et d’adolescents séparés de leur famille ; 119, rue de Lille, 75007 Paris.
  • [2]
    Loi du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfant, art. 1er modifiant l’art. L112-3 du Code de l’action sociale et des familles : al. 1 à 3 : « La protection de l’enfance vise à garantir la prise en compte des besoins fondamentaux de l’enfant, à soutenir son développement physique, affectif, intellectuel et social et à préserver sa santé, sa sécurité, sa moralité et son éducation, dans le respect de ses droits.
    Elle comprend des actions de prévention en faveur de l’enfant et de ses parents, l’organisation du repérage et du traitement des situations de danger ou de risque de danger pour l’enfant ainsi que les décisions administratives et judiciaires prises pour sa protection. Une permanence téléphonique est assurée au sein des services compétents.
    Les modalités de mise en œuvre de ces décisions doivent être adaptées à chaque situation et objectivées par des visites impératives au sein des lieux de vie de l’enfant et en sa présence et s’appuyer sur les ressources de la famille et l’environnement de l’enfant. Elles impliquent la prise en compte des difficultés auxquelles les parents peuvent être confrontés dans l’exercice de leurs responsabilités éducatives et la mise en œuvre d’actions de soutien adaptées en assurant, le cas échéant, une prise en charge partielle ou totale de l’enfant. Dans tous les cas, l’enfant est associé aux décisions qui le concernent selon son degré de maturité ».
  • [3]
    Art. L226-3-1 : « Dans chaque département, un observatoire départemental de la protection de l’enfance, placé sous l’autorité du président du conseil départemental, a pour missions : (…)
    5° De réaliser un bilan annuel des formations continues délivrées dans le département en application de l’article L. 542-1 du Code de l’éducation, qui est rendu public, et d’élaborer un programme pluriannuel des besoins en formation de tous les professionnels concourant dans le département à la protection de l’enfance ».
  • [4]
    M. DAVID, Le placement familial, de la théorie à la pratique, Paris, Dunod, 2004.

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