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Article de revue

Loi du 14 mars 2016 : la promotion des assistantes familiales

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1 « La gestion tue le social » affirme Michel Chauvières. Ce chargé de recherches au CNRS, spécialisé dans notre sphère d’activités, pèse ses mots. Mais aussi milite, entre autres, pour le soutien aux travailleurs sociaux qui « résistent encore et toujours à l’envahisseur », selon la légende gauloise dans la bande dessinée. Mais la gangrène s’obstine : il faut sans cesse recommencer le combat. La protection de l’enfance n’est pas à l’abri de cette tendance générale : la difficulté à mettre en œuvre des prises en charges de jeunes majeurs, toujours possibles dans les textes, les questions que l’on pose quant aux orientations en placement familial au détriment d’autres solutions parfois plus adaptées mais plus coûteuses constituent une illustration parmi tant d’autres de ce phénomène.

2 C’est dans ce contexte que l’on devrait percevoir les effets de la loi du 14 mars 2016, laquelle entre autres, promeut l’assistante familiale. Celle-ci devrait être plus étroitement associée aux synthèses et aux projets pour l’enfant, tandis que le déplacement de ce dernier ne devrait plus être uniquement conditionné à l’arbitraire de l’Aide sociale à l’enfance. Constats, suggestions, orientations : « Le changement, c’est maintenant » ?

3 Il s’impose et dans l’immédiateté « En théorie la cohérence est de mise entre clinique et juridique. En cela la loi me convient » explique Christian Allard, responsable du placement familial de Joinville-le-Pont. Mais la déclinaison pratique est d’une tout autre nature, sur fond de logique financière, mais aussi administrative « Plus on déplace un enfant et plus on accentue ses troubles. Par ailleurs ce qui coûte cher ce n’est pas le placement familial…, mais les changements successifs » déclare-t-il.

4 Pourtant, certaines pratiques favorisent le processus dénoncé tout en augmentant les coûts à l’inverse du but recherché. « On me demande de me dessaisir de la situation d’un enfant dont j’ai organisé le placement familial à partir de son séjour à la pouponnière, au prétexte que la mère a encore changé de département. Mais en Île-de-France on peut faire 500 mètres et se retrouver dans une autre collectivité territoriale. Le gosse venait déjà de la pouponnière de Loire-Atlantique où sa mère a accouché » précise-t-il. Ces procédés vont à l’encontre de la clinique et de la loi, puisque celle de 2007 met en exergue l’importance de la continuité.

5 Autre écueil : la place des assistantes familiales et ses effets pervers. La professionnalisation, elles l’ont voulue, réclamée, et gagnée. Tant mieux !

6 Sauf qu’il ne faut pas considérer cette avancée hors de son contexte, avec l’illusion qu’une assistante familiale peut tout réparer. « Associer des assistantes familiales c’est fondamental, mais cela ne veut pas dire les mettre à toutes les places avec le risque qu’elles perdent la proximité avec l’enfant qui fait l’essence de leur métier » ajoute-t-il.

7 Or la pénurie de lieux médiatisés fait qu’on leur demande d’ouvrir leur porte aux parents alors que ce n’est pas à elles de jouer le rôle de tiers. Les turn-over dans les équipes favorise aussi cette tendance.

Des perceptives ?

8 Oui, sous réserve de ménager des alliances et d’être propositionnel. « Les juges des enfants ne sont pas pour la plupart dans la logique de l’Aide sociale à l’enfance. Ils peuvent donc être un appui quant à l’application de la loi de 2007 relative à la continuité » dit-il.

9 Par ailleurs, l’appel à l’État coordinateur semble, face aux disparités des politiques territorialisées, incontournable, tant pour rappeler les exigences précédentes que pour inviter les départements à distinguer les difficultés ponctuelles de l’incapacité parentale définitive.

10 Autre proposition : suggérer aux administrations de déléguer davantage aux équipes formées. Les premières ont en effet une vision quantitative, par exemple, à travers le nombre d’enfants pouvant être accueillis chez une assistante familiale. Mais les secondes ont une perception qualitative et peuvent donc prendre en compte les éventuelles difficultés temporaires de l’assistante familiale inhérentes, par exemple, à l’explosion de son couple ou à la succession de placements très lourds, facteur d’usure.

11 « Une assistante familiale en difficulté ponctuelle peut très bien, sous réserve de souffler, reprendre des placements plus complexes ultérieurement. Il y a un lien étroit entre la bien-traitance institutionnelle et la bientraitance à l’enfant » analyse-t-il.

12 C’est là où force est de constater l’écart entre l’éthique et les preuves des faits. Ainsi, certaines subissent des pressions d’envergure, telles que la menace de licenciement, si elles n’acceptent pas n’importe quel placement.

13 Dans le même ordre d’idées, elles n’ont souvent pas le droit de mettre fin à la présence d’un jeune confié même si leur famille est menacée, par exemple, par un dealer en contact avec un jeune bénéficiaire. Conclusion : elles craquent, ce qui peut parfois les pousser à frapper l’enfant. Dans ce contexte, on observe d’ailleurs une certaine montée en puissance des informations préoccupantes concernant des assistantes familiales, pourtant dûment reconnues.


Date de mise en ligne : 20/01/2017

https://doi.org/10.3917/jdj.356.0041

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