Couverture de JDJ_356

Article de revue

Droit scolaire

C.A. Limoges - Ch. corr.. - 27 mai 2016 - N° parquet P16/00113

Pages 120 à 127

Notes

  • [1]
    Code civil, art. 388-1, al. 1 : « Dans toute procédure le concernant, le mineur capable de discernement peut, sans préjudice des dispositions prévoyant son intervention ou son consentement, être entendu par le juge ou, lorsque son intérêt le commande, par la personne désignée par le juge à cet effet ».
  • [2]
    Décision du Défenseur des droits MDE-2016-090, 22 mars 2016, Observations devant la cour d’appel de Limoges, présentées dans le cadre de l’article 33 de la loi n°2011-333 du 29 mars 2011, dans lesquelles le Défenseur des droits mentionne un arrêt du 16 juin 2005 de la Cour de Justice des Communautés européennes (n° C-105/03 qui rappelle que « les articles 2, 3 et 8, paragraphe 4, de la décision-cadre [n° 2001/220/JAI du Conseil, du 15 mars 2001, relative au statut des victimes dans le cadre de procédures pénales], doivent être interprétées en ce sens que la juridiction nationale doit avoir la possibilité d’autoriser des enfants en bas âge, qui (…) allèguent avoir été victimes de mauvais traitements, à faire leur déposition selon des modalités permettant de garantir à ces enfants un niveau approprié de protection, par exemple, en dehors de l’audience publique et avant la tenue de celle-ci. La juridiction nationale est tenue de prendre en considération l’ensemble des règles du droit national et de les interpréter, dans toute la mesure du possible, à la lumière du texte ainsi que de la finalité de ladite décision-cadre » et mentionne les dispositions de droit interne et les dispositifs mis en place pour recueillir la parole de l’enfant victime ».

C.A Limoges - Ch. corr.. - 27 mai 2016 - N˚ parquet P16/00113 / Enseignement - Classes maternelles - Violences sur enfants - Institutrice - Preuve - Témoignages - Parole de l’enfant

Violence institutionnelle

1 La question du discernement de l’enfant n’est pas à prendre en compte lorsque sa parole est recueillie dans la cadre d’une procédure pénale où il apparaît comme victime d’un délit, contrairement à ce qui a pu être avancé par le premier juge ; la parole des enfants ayant fréquenté l’école maternelle ne saurait dès lors être écartée au seul motif que ces derniers ne seraient pas dotés de discernement.

2 S’agissant des faits de violences, il est démontré que la prévenue, enseignante dans une école maternelle, a adopté auprès des très jeunes enfants un comportement inadapté qui s’est manifesté de manière répétée par des cris, qualifiés par les témoins de véritables hurlements, par des brimades physiques, comme la mise brutale au couloir sur la « chaise à grandir », les tapettes derrière la tête ou les tirages par les bras ou les vêtements, et qui, outrepassant les seules manifestations d’autorité qu’un maître est autorisé à avoir à l’égard d’un élève turbulent, ne peuvent trouver d’explication à cet égard.

3 De tels faits répétés ont nécessairement fait naître, pour les élèves d’une classe de petite section, tout juste âgés de trois ans, même en l’absence de tout contact physique, de geste les menaçant directement ou de propos les dévalorisant, un sentiment d’angoisse face à une maîtresse dont le rôle était au contraire de se montrer en toutes circonstances sécurisante lors de l’apprentissage des premiers rudiments de l’école.

4 Il s’en est suivi pour ces élèves un trouble émotionnel et/ou psychologique qui a été suffisamment intense pour caractériser le délit de violences sans incapacité totale de travail au sens de l’article 222-13 du Code pénal.

5 La prévenue doit en conséquence être retenue dans les liens de la prévention pour l’ensemble des faits visant les douze enfants qu’elle a accueillis entre septembre 2014 et février 2015, qui, soit comme victimes directes, soit comme témoins de ces faits répétés, ont tous subi à un moment ou à un autre un tel trouble émotionnel et/ou psychologique ;

(…)
La Cour
X. enseignante, après avoir exercé en petite section, puis en grande section à l’école (…) a pris en septembre 2011 la direction de l’école maternelle de Feytiat comprenant sept classes.
À la suite de la dénonciation de faits susceptibles de caractériser des faits de violences morales ou physiques exercées sur de très jeunes enfants et d’une enquête judiciaire ouverte le 26 février 2015, elle a été poursuivie devant le tribunal correctionnel de Limoges pour avoir à (…) en ayant autorité sur les victimes :
  • courant septembre 2014 jusqu’au 12 février 2015 exercé volontairement des violences ayant entraîné une incapacité totale de travail n’excédant pas 8 jours sur l’enfant A. né le 3 décembre 2011 ;
  • courant septembre 2014 jusqu’au 12 février 2015, exercé volontairement des violences n’ayant entraîné aucune incapacité totale de travail sur les enfants :
B. né le 3 octobre 20011,, C. né le 07 janvier 2011,, D. née le 7 mars 2011,, E. né le 26 mai 2011, F. né le 5 mars 2011, G. née le 14 septembre 2011, H. le 1er décembre 2011, I. né le 5 avril 2011,, J. né le 10 juillet 2011, K. née le 19 août 2011,, L. né le 28 novembre 2011, M. née le 22 novembre 2011 ;
  • courant septembre 2013 jusqu’à juin 2014, exercé volontairement des violence n’ayant entraîné aucune incapacité totale de travail sur les enfants :
N. né le 6 janvier 2010, O. née le 9 janvier 2010 ;
  • courant septembre 2012 jusqu’à juin 2013 exercé volontairement des violence n’ayant entraîné aucune incapacité totale de travail sur les enfants :
P. née le 04 septembre 2009, Q. née le 24 novembre 2009, R. né le 3 décembre 2009, S. né le 4 juillet 2009 ;
  • courant février 2012 à juin 2012, exercé volontairement des violences n’ayant entraîné aucune incapacité totale de travail sur les enfants :
S. née le 11 septembre 2008,, T. née le 8 avril 2008, U. née le 9 octobre 2008 et V. né le 21 novembre 2008
Par jugement en date du 15 janvier 2016, le tribunal correctionnel après avoir relevé la prescription des faits visés à la poursuite comme ayant été commis antérieurement au 26 février 2012, a renvoyé des fins de la poursuite et a déclaré irrecevables les constitutions de parties civiles formées par les représentants légaux des enfants, la Caisse primaire d’assurance maladie et la Caisse de mutualité sociale agricole
Il a été interjeté appel de ce jugement :
  • le 15 janvier 2016 par le ministère public
etc. (parties civiles)
Ces appels sont recevables.
Les faits de la procédure
Le 10 février 2015, Madame Y. mère de l’enfant scolarisé depuis septembre 2014 en classe de petite section à l’école maternelle a effectué une déclaration de main courante auprès du commissariat de police de en indiquant que la veille le lundi 9 février 2015 son fils avait été giflé par sa maîtresse, Madame X., que ce n’était pas un fait isolé, que son fils avait peur de se rendre à l’école et que d’autres parents se plaignaient de violences exercées sur leurs enfants.
Entendue le 27 février 2015, Madame Y. a réitéré cette déposition et a produit un certificat médical établi le 11 février 2015 par le docteur mentionnant que l’enfant ne présentait pas de trace physique de cette agression, mais des traces psychologiques, qu’il était angoissé lorsqu’il racontait son histoire et que le petit garçon, déjà anxieux et agité, voyait ces deux symptômes majorés ; que cet état justifiait une incapacité totale de travail de moins de huit jours.
Madame Y. a également produit un écrit de Madame X. sur le carnet de liaison de l’enfant en date du 20 novembre 2014 mentionnant qu’il faisait souvent « pipi » à la sieste depuis la rentrée de Toussaint, avec cette question « pourquoi cette régression ? ».
L’enfant, entendu par un enquêteur le 27 février 2015 en présence de sa mère, a expliqué que sa maîtresse l’avait tapé, qu’elle lui avait mis une gifle et qu’elle le prenait aussi par ses habits au niveau de l’épaule pour aller au coin en dehors de la classe.
Madame W. agent territorial spécialisé des écoles maternelles (ci-après Atsem) affectée à la classe de Madame X. lors d’une audition du 1er avril 2015 a confirmé que l’enfant avait pris une gifle et qu’avant cela, Madame X. le lançait habituellement dans le couloir.
Par ailleurs, Z., jeune fille de 16 ans en stage de découverte à l’école maternelle durant la semaine du 9 février 2015 auprès de l’Atsem, indiquait dans une audition du 3 avril 2015 qu’à un moment où elle sortait de la classe pour aller aux toilettes, elle avait entendu le bruit de la gifle sur la joue de l’enfant qui s’était mis à pleurer, qu’elle avait entendu Madame X. lui dire « tu l’as mérité ta calotte » et avoir remarqué la trace de la gifle sur la joue de l’enfant.
Madame X. tout en reconnaissant avoir touché le visage de l’enfant, a soutenu n’être intervenue que pour le séparer d’autres enfant qu’il commençait à agresser, puisqu’il allait jusqu’à mordre ses camarades, que son geste n’avait pas été violent, mais seulement vif pour agir rapidement. Elle a réfuté les accusations de Madame W. et de la stagiaire décrite comme étant sous l’emprise de Madame W.
Madame X. a seulement admis que les enfants pouvaient être punis en allant s ‘asseoir sur la chaise « qui fait grandir » qui est dans le couloir du vestiaire, à l’extérieur de la classe, mais qu’en aucun cas elle n’aurait lancé l’enfant dans ce couloir.
Dès avant cet « incident » du 9 février 2015, Madame W. avait alerté non seulement d’autres Atsem et le personnel enseignant de l’école, mais également la mairie de son employeur, sur le comportement de Madame X. à 1’égard des enfants et les faits suivants ont été rapportés au cours de l’enquête :
  • le 13 octobre 2011, Madame X. aurait agrippé l’enfant (…) par les vêtements, l’aurait jetée et l’enfant aurait heurté un banc avec sa tête ; selon Madame W., ce geste aurait été volontaire alors que, selon Madame X., elle se serait elle-même pris les pieds dans ceux de l’enfant, occasionnant involontairement a chute ;
  • le 22 novembre 2011, Madame X., dans un mouvement d’énervement contre l’enfant (…) l’aurait poussée en la prenant par le col et faite chuter sur le rebord d’une table, lui occasionnant une plaie au niveau de l’oreille ; Madame AB., adjoint technique, entendue le 21 avril 2015, a indiqué avoir été témoin de cette scène et avoir bien vu Madame X. pousser l’enfant ;
  • ce même témoin a indiqué que, passant souvent devant la classe de Madame X. pour se rendre au coin cuisine où son matériel est entreposé, elle l’entendait tous les jours crier et hurler contre les enfants dans des termes comme « quel empoté » ou « tu ne feras jamais rien », avoir assisté plusieurs fois à la punition des enfants qui, après avoir été saisis aux bras, étaient, selon ses termes, littéralement jetés dans le couloir ; que des faits de ce type se seraient produits dès 2011 ;
  • le 2 décembre 2013, l’enfant (…) décrite comme étant une enfant bavarde et ayant du caractère et donc souvent punie, et qui, selon un témoin Madame (…) mère d’un autre enfant, aurait été surnommée « la peste » par Madame X., aurait, à titre de punition, été mise dans le dortoir en fin de matinée - vers 11h30 - et oubliée jusqu’à ce qu’à 12h35 une Atsem, Madame (…) ne perçoive ses pleurs alors que l’enfant aurait dû être présente à la cantine à 12h et que personne ne s’était rendu compte : de son oubli :
  • en décembre 2014, l’enfant (…) décrit comme turbulent et aimant jouer dans la boue, aurait été remis à sa mère à midi couvert de boue de la tête aux pieds et tout mouillé, car, pour le punir et lui apprendre à ne plus jouer dans la boue, Madame aurait interdit à Madame (…) de le changer ;
  • selon l’Atsem (…) le 20 janvier 2015, alors que les deux classes de petite section devaient regarder un dessin animé, Madame X. s’impatientant, aurait pris un à un plusieurs enfants pour les « jeter » plus loin sur un banc et elle aurait qualifié l’enfant (…) de « naine » ; selon ce même témoin, le 23 janvier 2015 au matin, Madame X., au motif pris de l’énervement des enfants de sa classe, les aurait tous et contre toute pratique couchés dans le dortoir ;
  • le 23 janvier 2015, les deux Atsem (…) et (…), alertées par Madame W. et selon leurs propres dires attentives et même en surveillance de ce qui pouvait se passer dans la classe de Madame X., auraient entendu cette dernière hurler contre un enfant, l’avoir vue ouvrir la porte de la classe et traîner et jeter dans le couloir en direction d’un banc l’enfant (…) au risque de la blesser compte tenu de la violence du geste ;
  • le 29 janvier 2015, l’Atsem venant en salle de motricité quérir une information auprès de sa responsable Madame X., aurait été témoin, le temps que celle-ci aille recueillir cette information, d’un fait de violence commis sur l’enfant (…) qui, se trouvant en cris et à une hauteur de 1,70 m sur la plate-forme d’une structure qui relie une échelle à un toboggan, aurait été volontairement poussé par Madame et aurait chuté sur le matelas en contrebas ;
  • le 2 février 2015, Madame (…), étudiante en stage à l’école maternelle, aurait été témoin d’un fait de violence commis sur l’enfant qui, n’arrivant pas à aspirer de l’encre avec une pipette, aurait été saisie au bras et secouée par Madame X. qui, en criant, lui aurait dit qu’elle ne savait jamais rien faire et qu’elle ne la supportait plus ; l’enfant, apeurée, aurait appelé (…) à son secours ; ce témoin relate que l’enfant était un peu « le vilain petit canard » de Madame X. et qu’elle se faisait tout le temps fâcher ;
  • Madame (…) relate également avoir été témoin le 5 février 2015, en salle de motricité, des termes adressés aux deux enfants et qui, apeurés pour monter sur la « tour » se seraient entendu dire « regardez moi ces deux-là, aucun courage, qu’allons-nous faire de vous pour nous défendre ».
Dans un tel contexte, après l’incident du 9 février 2015 concernant l’enfant (…) et après que Madame (…) soit venue à l’école le 10 février 2015 pour avoir une explication avec Madame X., deux enseignants, Madame (…) maîtresse de la grande section en poste depuis une dizaine d’années, et Monsieur (…) en remplacement depuis début février 2015 de Madame X. pour le temps de sa décharge administrative, tous deux convaincus de la nocivité de son comportement à l’égard des enfants, ont pris l’initiative d’une entrevue avec elle le 11 février 2015 afin de l’inciter à s’arrêter.
Lors de cette entrevue, et selon ce qui est rapporté par ces deux enseignants, Madame X., alors déstabilisée et en pleurs, aurait reconnu avoir été violente, en expliquant qu’elle aurait reproduit ce qu’elle aurait vécu en tant que femme battue : s’il est acquis que Madame X. qui enseignait jusque-là à (…) a pris son poste à l’école maternelle en septembre 2011 après son divorce, l’indication selon laquelle elle aurait subi la violence de son ex-époux a été formellement démentie par elle lors de son audition par les enquêteurs, et n’a fait l’objet d’aucune vérification.
Madame X. en arrêt de travail à compter du 12 février 2015, n’a pas depuis repris son poste à l’école maternelle
Dans le même temps de février-mars 2015 :
  • les parents d’élèves de l’école maternelle notamment à la suite d’initiatives prises par Madame (…), mère de l’enfant (…). pour contacter d’autres parents, se sont constitués en un « collectif pour la protection des enfants de l’école maternelle de (…) » qui est un regroupement informel dont Madame (…) mère de l’enfant a été la représentante ;
  • les enseignants, Monsieur (…), qui succédait en petite section à Madame X. et Madame (…) qui lui succédait par intérim dans sa fonction de directrice, ont recueilli de manière informelle la parole des enfants, de ceux scolarisés en petite section pour l’année en cours, et également de ceux qui avaient pu l’être antérieurement ;
  • les Atsem faisaient parvenir leurs témoignage au maire de (…).
Le déroulement des débats :
(…)
Sur l’action publique :
Attendu que deux observations s’imposent à titre liminaire :
1. s’agissant de la parole de l’enfant :
  • ainsi que l’a fait observer le Défenseur des droits, la question du discernement de l’enfant n’est pas à prendre en compte lorsque sa parole est recueillie dans la cadre d’une procédure pénale où il apparaît comme victime d’un délit, contrairement à ce qui a pu être avancé par le premier juge ; la parole des enfants ayant fréquenté l’école maternelle ne saurait dès lors être écartée au seul motif que ces derniers ne seraient pas dotés de discernement ;
  • il doit toutefois être observé que dès le départ de Madame X. de l’école maternelle le 12 février 2015, les enfants ont eu connaissance du contexte dans lequel leur enseignante partait, qu’elle était « punie » et qu’ils ont également été avisés qu’elle ne reviendrait plus ; que les mots tels que « maîtresse X. n’est pas gentille, elle est méchante, elle tape… » ont vraisemblablement pu circuler au sein de l’école et la parole des enfants, qui a été recueillie dans ce contexte, notamment pour des faits remontant à une ou deux années en arrière, doit être appréciée avec tout le recul qui y est nécessaire ;
  • en revanche, un changement de comportement de l’enfant - tel qu’énurésie, troubles de l’appétit ou du sommeil - peut être un indicateur permettant d’étayer sa parole ;
2. s’agissant du délit de violences volontaires
  • en dehors de tout contact matériel avec le corps de la victime, il peut être constitué par tout acte ou comportement de nature à impressionner la personne de la victime et à lui causer un choc émotif ou une perturbation psychologique ;
Attendu que le recueil de la parole des enfants par Madame (…) et par Monsieur (…) s’est fait de manière spontanée et non sur interrogation ainsi qu’ils s’en sont expliqués au cours de leurs auditions par les enquêteurs et de leurs dépositions sous serment à l’audience ; qu’il résulte de ce recueil, ainsi que des témoignages apportés par les Atsem, Madame (…), Madame (…) et Madame (…), par l’adjoint technique (…), par la stagiaire (…) de l’audition des parents ayant eux-mêmes recueilli la parole de leurs enfants et des déclarations recueillies au cours des débats que :
1°) pour ce qui est de l’année scolaire 2011-2012, outre les faits ci-dessus relatés pour avoir concerné en octobre et novembre 2011 les deux fillettes (…) et (…), mais dans une période couverte par la prescription, puisqu’antérieure de plus de trois années au premier acte interruptif en date du 25 février 2015 :
  • le 2 février 2012, l’enfant (…) a été victime d’une fracture du tibia, cet accident aurait été imputé à un défaut de surveillance de l’enfant qui a glissé sur une plaque de verglas dans la cour de l’école ; selon Madame (…), cette enfant aurait souvent été laissée seule dans le dortoir à titre de punition ;
  • les jumeaux (…) et (…) ont rapporté à leur mère en avril 2015, sur question de cette dernière, qu’ils avaient été secoués et poussés vers le banc de la classe en se cognant et avoir reçu des claques, mais sans être très affirmatif en ce qui concerne les claques ;
2°) pour ce qui est de l’année scolaire 2012-2013 :
  • l’enfant qui, entendue le 5 mars 2015. a répondu par la négative à la question « la directrice de l’école, elle te gronde ? » a, selon Madame été traitée d’attardée mentale et d’autiste et secouée non physiquement, mais mentalement même s’il est rapporté par l’Atsem, Madame (…), que lors d’une séance d’initiation informatique fin janvier 2015, elle aurait été traînée jusque dans sa classe en étant tenue par les vêtements par Madame X.] qui hurlait contre elle, car elle n’avait pas su manier la souris (la prévention est limitée pour cette enfant à la période 2012-2013 et ne porte donc pas sur ce fait de 2015) ; selon son père, [l’enfant] lui a dit avoir été poussée et tapée au niveau de la tête, du ventre et des bras, et même serrée au cou (mais il convient d’observer que l’enfant avait évoqué qu’on lui faisait faire le jeu du foulard et qu’une ceinture ne lui appartenant pas avait été retrouvée par son père dans la poche de son blouson et que, pour ce fait, totalement étranger à ceux de la prévention, ce dernier avait déposé une main courante le 11 février 2015) ; selon le témoignage de la mère de l’enfant (…), camarade de classe de celle-ci ayant fait un malaise en classe avait été secouée par Madame X. qui pensait à une simulation ;
  • l’enfant (…), coquin et agité, est décrit par Madame (…) comme ayant été le souffre-douleur de Madame X., et comme ayant beaucoup souffert pour avoir fait des séjours dans le couloir, pris par la peau du dos et jeté ; Madame (…) indique ne pas avoir assisté à la scène où on lui a mis du scotch sur la bouche, alors que cette scène a été rapportée par son camarade et par l’enfant à Madame (…) ; entendu le 10 mars 2015, l’enfant a dit en parlant de Madame X. « elle n’est pas gentille, elle a été méchante avec des copains, elle me poussait, car on faisait des bêtises », il a indiqué ne pas avoir vu donner de claques, ni à lui, ni aux autres ;
  • l’enfant (…) a dit à sa mère que Madame aurait mis du scotch sur la bouche d’un copain et qu’elle l’aurait mis dans un placard pour le punir ;
  • l’enfant (…. a confié en mars 2015 à Madame (…) et à sa mère que maîtresse X. n’était pas gentille et que, lorsqu’elle ne faisait pas bien son travail, elle allait souvent dans « le placard aux sorcières », dans le noir, porte fermée et qu’elle avait peur des objets au-dessus de sa tête, ce qui a été confirmé par son frère jumeau ; qu’en outre maîtresse X. tordait fort les bras et pinçait les enfants ;
3°) pour ce qui est de l’année scolaire 2013-2014
  • la mère de l’enfant (…) tout en indiquant n’avoir pas rencontré de problème avec Madame X. durant durant cette année scolaire et que sa fille ne s’est pas plainte de faits de violence, précise que la seule chose que disait sa fille était que la maîtresse criait très, très fort et qu’elle l’attrapait par le bras pour la mettre en punition ; il est en outre indiqué que l’enfant qui aurait été surnommée « la peste » par Madame X., oubliée dans le dortoir le 2 décembre 2013, y a été retrouvée en pleurs ;
  • l’enfant (…) a confié à sa maîtresse, Madame (…) en mars 2015 avoir reçu des calottes, mais questionné par son père qui dit ne s’être douté de rien, il n’a évoqué aucun fait précis ; la mère d’un autre enfant, Madame (…), a mentionné dans un récit du 21 avril 2015 avoir, au cours de cette année scolaire, entendu Madame X. hurler contre cet enfant, d’une voix remplie de rage et d’agressivité ;
4° pour ce qui concerne l’année 2015-2015
  • l’enfant (…) dont le comportement aurait commencé à changer quelques semaines après la rentrée de septembre 2014 en refusant d’aller à l’école et en devenant agressive, ne parlant plus, ne jouant plus, se mordant les doigts et disant « maîtresse X. est méchante », « elle tape », a, selon Madame (…) été le souffre-douleur de Madame X. en n’ayant pas droit à l’erreur ; outre le fait du 2 février 2015 relatif à la pipette dont Madame (…) a été le témoin, Madame (…) rapporte qu’elle recevait des tapes sur la tête, qu’elle était prise par les vêtements et secouée dans tous les sens, que Madame X. lui disait en hurlant qu’elle était affreuse et qu’elle ne pouvait plus la supporter ; selon Madame (…), enseignante les mardis et mercredis lors de la décharge administrative de Madame X., cette enfant lui a dit « quand maîtresse X. est là, je cache vite mon dessin parce qu’elle dit que c’est du grabouillage » ; selon l’enfant (…), Madame X. lui criait dessus tous les jours ; la régression de cette enfant est attestée par les deux témoins Madame (…) et Madame (…), cette dernière précisant toutefois ne pas avoir vu Madame X. être violente avec elle ;
  • l’enfant (…) dont le comportement a également changé, poussant ses parents et en devenant violent au point de les taper, en régressant sur la propreté, et qui a été pris en charge par un pédopsychiatre à partir du 15 janvier 2015, aurait été secoué et tapé sur la tête et, selon Madame (…), a développé une peur de Madame X. ; l’enfant entendu par les enquêteurs le 9 avril 2015, a indiqué que Madame X. était méchante, qu’elle tapait et qu’elle donnait des gifles mais que lui-même n’aurait pas été victime de tels comportements de Madame X., ce qui est contraire au recueil de sa parole par Monsieur (….) ;
  • selon Madame (…), l’enfant (…) a « valdingué dans le couloir » ; selon sa mère, il a reçu des tapettes et a eu le bras tordu ; l’enfant (…) a rapporté à sa mère qu’il aurait été tapé parce qu’il avait fait « caca » ; selon Madame (…) c’est l’un des enfants (comme…, …. et ….) dont le comportement a été le plus affecté par les propos ou le comportement de Madame X ;
  • selon la mère de l’enfant (…), qui ne voulait pas dormir seul, lui a confié en décembre 2014 avoir été giflé et elle a ensuite appris qu’il aurait subi des gifles à plusieurs reprises, ainsi que des tirages d’oreille ; selon Madame (…), cet enfant, souvent puni, a été secoué et jeté dans le couloir ; sa mère rapporte qu’un jour de pluie, elle l’a retrouvé à la sortie de l’école tout mouillé et couvert de boue ; Madame X. reconnaît que l’enfant n’avait pas été changé, par manque de vêtements de rechange disponibles alors que peu de temps devait s’écouler entre le moment où il s’était sali et celui où sa mère venait le chercher ; Madame (…) soutient que Madame X. lui avait interdit de le changer ;
  • selon Madame (…) et Madame (…) l’enfant (…) a connu un changement de comportement de manière régressive après les vacances de Toussaint, pleurant le matin au moment de la séparation d’avec sa mère, et avec un retour à la normale après le départ de Madame X. (D35 et D23) ; ce n’est qu’auprès de Monsieur (…) qu’il a confié avoir été giflé et même « étranglé », se limitant à dire à ses parents, lors du jeu de rôle et en serrant le cou de son père « t’as peur, t’as mal » et un peu plus tard en évoquant un retour de Madame X « j’ai peur, j’ai eu mal ».
  • l’enfant (…), selon Madame, (…) était souvent dans le couloir, comme dans la scène du 23 janvier 2015, où elle pleurait et hurlait en appelant sa maman ; elle a aussi reçu des tapes sur la tête ; elle a confié à sa mère avoir reçu des claques et des fessées en disant « maîtresse X., elle est méchante, elle crie beaucoup » ; selon sa mère, à la rentrée de janvier 2015, elle a commencé à faire des réveils toutes les nuits ;
  • l’enfant, selon Madame (…), ne supportait pas d’aller en salle de motricité et il hurlait lorsque Madame X. le forçait à monter sur la structure, à passer par le tuyau et à sauter ; selon sa mère, il n’a pas été frappé ; selon Madame (…), alors que du temps de Madame X. cet enfant ne parlait pas et souriait, mais sans avoir l’air de comprendre, depuis la rentrée des vacances de Pâques, Il s’exprime avec de belles phrases biens construites ;
  • l’enfant (…) a connu le même problème en salle de motricité, il a indiqué tant à Monsieur (…) qu’à sa mère ne pas avoir été tapé mais que Madame X. avait frappé des camarades comme (…) et (…) ;
  • l’enfant a également connu ce problème avec Madame en salle de motricité ; seul Monsieur (…) a recueilli sa parole selon laquelle il aurait été jeté par terre et tapé, ce qui ne résulte absolument pas du recueil de sa parole par sa mère à laquelle il aurait dit que la maîtresse X. était gentille ; alors qu’il n’en avait pas peur auparavant, il aurait pendant une certaine période fait un blocage au toboggan ;
  • l’enfant (…) a dit à Monsieur (…) qu’elle a été frappée ; Madame (…) indique seulement que c’était une enfant qu’on n’entendait pas tellement elle avait peur de Madame X. et sa mère fait état d’un changement dans son comportement ; elle indiquait dans une lettre du 10 février 2015 que sa fille ne s’était jamais plainte du comportement de sa maîtresse ;
  • l’enfant (…), selon Madame (…) aurait été secouée une fois car elle n’arrivait pas à faire un puzzle, elle aurait eu peur et fait pipi dans sa culotte ; cette peur de l’enfant est attestée par Madame (…)
  • l’enfant selon Madame (…) a été marquée par ce qui se passait avec les autres enfants, elle-même n’ayant eu aucun souci particulier.
Sur la culpabilité :
Attendu que Madame X., qui rejette les accusations portées contre elle, fait valoir qu’à l’exception de Madame (…) aucun parent ne lui a jamais exprimé la moindre doléance sur la façon dont leurs enfants étaient accueillis à l’école ; qu’elle considère que c’est à la suite des problèmes qu’elle a rencontrés avec les Atsem, et ce dès sa prise de fonction en septembre 2011, puisqu’il y avait déjà eu des accrochages avec les Atsem en fin d’année scolaire 2010-2011, que celles-ci ont installé des rumeurs et que de petits incidents anodins ont pris de l’ampleur avec le ressenti des parents ; qu’elle affirme que tous les propos tenus par Madame (…), comme ceux des autres personnes venues en témoigner sont faux, ou transformés dans leur réalité ;
Qu’elle admet seulement avoir fait preuve d’autorité à l’égard d’enfants devant être considérés comme des élèves à part entière et non comme de simples enfants confiés à une garderie, avoir pu tapoter la tête des enfants, avoir mis du scotch sur la bouche de mais sous forme de jeu, et avoir eu un seul geste malheureux à l’égard de l’enfant
Qu’elle avance enfin qu’elle n’a pas été en mesure au cours d’une enquête menée exclusivement à charge, de faire valoir des éléments matériels et objectifs pour sa défense et qu’elle produit à cet égard :
  • un rapport d’inspection du 12 juin 2014 mentionnant son très bon travail tant en classe qu’à la direction de l’école ;
  • l’attestation datée du 21 octobre 2015 de Madame (…) ayant enseigné en classe de petite section à l’école maternelle de septembre 2011 à juin 2014, faisant état de ses profondes qualités professionnelles et de son attitude adaptée, bienveillante et sécurisante à l’égard des élèves et relatant avoir travaillé ensemble, leurs deux classes réunies, dans la salle de motricité ;
  • l’attestation datée du 25 octobre 2015 de Madame (…) ayant enseigné à l’école maternelle de Feytiat de septembre 2007 à juin 2012, et donc une dernière année auprès d’elle en petite et moyenne section, faisant également état des relations bienveillantes et affectueuses qu’elle entretenait avec ses élèves, précisant qu’allant fréquemment dans sa classe à l’improviste, elle avait pu en constater l’ambiance sereine et relatant qu’elle avait dû faire face à un climat souvent pesant avec les Atsem ;
  • l’attestation daté du 12 mars 2016 de Madame (…) ayant enseigné à l’école maternelle durant l’année scolaire 2011-2012, faisant état des difficultés rencontrées avec les Atsem au regard de la définition de leur rôle et de leurs missions, ayant conduit à un mouvement de grève en décembre 2011, et du professionnalisme de sa directrice ;
  • l’attestation de Madame (…), Atsem pendant quatre ans dans sa classe à l’école maternelle de (…) jusqu’à son départ en juin 2011, faisant état de son comportement adapté face aux enfants et également juste lorsqu’une sanction s’avérait nécessaire, ce qui, selon ce témoin, est fréquent en classe maternelle ;
Qu’elle verse également aux débats différents documents relatifs aux outils pédagogiques mis en place en petite section - dont les « Aventures de galipette » entre avril et juin 2013 destiné à établir au moyen d’une peluche un lien de l’école vers la maison - et des dessins d’enfants portant les mentions « maîtresse, je t’aime » ou « merci de m’avoir aidé à grandir » ;
Qu’elle était bien notée par sa hiérarchie et qu’une inspection de 2014-2015 n’avait soulevé aucune observation négative dans la relation enseignante/enfant ;
Attendu que, selon les témoignages recueillis, Madame X. est effectivement décrite comme une enseignante très consciencieuse mais ayant un niveau d’exigence très élevé auprès des élèves et demandant tellement aux enfants de la petite section que lorsque ceux-ci n’y arrivaient pas, elle ne le supportait pas ; que c’est alors que certains enfants pouvaient devenir ses cibles - comme (…) ou (…) - et que ce comportement, qualifié d’hystérique par Madame (…) s’est surtout accentué en 2014-2015 ;
Que les attestations qu’elle produit, émanent de collègues ayant travaillé dans le même établissement de l’école maternelle de (…) mais dans une configuration des locaux telle, puisque la classe de petite section de Madame X. est isolée des autres, qu’ils n’ont pu être témoins directs des événements comme cris ou jets dans le couloir qui s’y sont produits, sont insuffisants à remettre en cause les témoignages parfaitement concordants et circonstancié recueillis au cours des débats et dont il résulte que Madame X. :
  • s’est très souvent emportée en élevant la voix ;
  • a tenu des propos dévalorisants à l’égard de certains de ses élèves ;
  • les a malmenés physiquement en les tirant par les bras ou leurs vêtements, en leu donnant des tapes sur la tête et en les « balançant » dans le couloir à titre de punition ;
  • les a malmenés moralement en les punissant dans le noir ;
  • a été jusqu’à perdre son contrôle en giflant l’enfant.
Attendu, que le délit de violences ayant entrainé une incapacité totale de travail inférieure à huit jours commis sur la personne de l’enfant est parfaitement caractérisé par les témoignages de Madame (…) et de la stagiaire (…), par le certificat médical d u docteur (…) du 11 février 2015, et également par la déclaration de la prévenue qui ne tend qu’à minimiser la portée de son geste qu’elle reconnaît comme ayant été vif ; qu’elle doit être retenue dans les liens de cette prévention ;
Attendu. s’agissant des faits de violences sans incapacité totale de travail, qu’il est démontré que Madame X. a adopté auprès des très jeunes enfants un comportement inadapté qui s’est manifesté de manière répétée par des cris, qualifiés par les témoins de véritables hurlements, par des brimades physiques, comme la mise brutale au couloir sur la « chaise à grandir », les tapettes derrière la tête ou les tirages par les bras ou les vêtements, et qui, outrepassant les seules manifestations d’autorité qu’un maître est autorisé à avoir à l’égard d’un élève turbulent, ne peuvent trouver d’explication à cet égard ; que de tels faits répétés ont nécessairement généré pour les élèves d’une classe de petite section, tout juste âgés de trois ans, même en l’absence de tout contact physique, de geste les menaçant directement ou de propos les dévalorisant, un sentiment d’angoisse face à une maîtresse dont le rôle était au contraire de se montrer en toutes circonstances sécurisante lors de l’apprentissage des premiers rudiments de l’école ; qu’il s’en est suivi pour ces élèves un trouble émotionnel et/ou psychologique qui a été suffisamment intense pour caractériser le délit de violences sans incapacité totale de travail au sens de l’article 222-13 du Code pénal ;
Que Madame X. doit en conséquence être retenue dans les liens de la prévention pour l’ensemble des faits visant les douze enfants qu’elle a accueillis entre septembre 2014 et février 2015, qui, soit comme victimes directes, soit comme témoins de ces faits répétés, ont tous subi à un moment ou à un autre un tel trouble émotionnel et/ou psychologique ;
Attendu qu’il est cependant et également établi que le comportement de Madame X. est allé en s’aggravant après la rentrée de septembre 2014 et que c’est en début d’année 2015 que Madame (…), travaillant depuis septembre 2011 au quotidien au contact de la prévenue et de ses élèves, a eu l’obligation morale de réagir et qu’elle a pris l’initiative de dénoncer les faits auprès de ses collègues et du personnel enseignant ; qu’en l’absence d’élément suffisamment probant, il ne saurait être tenu pour acquis que le climat délétère, qui a régné au sein de la classe au cours de l’année 2014-2015, a également existé au cours des années scolaires précédentes 2011-2012, 2012-2013 ou encore 2013-2014 ; que c’est donc seulement au regard de faits précis et circonstanciés qu’il convient de rechercher si, pour les élèves de ces dernières classes, le délit de violences volontaires est caractérisé ;
Attendu que, s’agissant des enfants (…), (…) ou (…) et (…), en classe de petite section en 2011-2012, les seuls faits circonstanciées sont antérieurs au 25 février 2012 et qu’aucun événement particulier, constitutif de ce délit, n’est caractérisé sur la période non couverte par la prescription ;
Qu’il en est de même à l’égard :
  • de l’enfant (…) scolarisé dans la classe de Madame X. en 2012-2013 et pour lequel aucun fait particulier n’est rapporté, ni par l’enfant ni par témoin ;
  • de l’enfant (…) scolarisée en 2012-2013 : sa parole telle qu’elle a été recueillie par le père en mars 2015 à la suite de l’incident dit du jeu du foulard, sur question posée à l’enfant et qui va jusqu’à mettre en cause Madame X. pour l’avoir tapée sur la tête, la gorge, le ventre et les bras et pour un serrage du cou, n’est d’aucune façon confirmée par l’audition de l’enfant par les enquêteurs le 5 mars 2015, ou même par Madame X. qui précise que celle-ci n’a pas été secouée physiquement, mais seulement moralement ; toutefois, il n’est pas rapporté et encore moins justifié que les propos dévalorisants tenus à l’égard de cette enfant, décrite comme réservée et très timide, pour avoir été traitée d’attardée mentale ou d’autiste, aient pu avoir un impact sur son comportement ; de telles paroles, si répréhensibles soient-elles, ne peuvent donc l’être pénalement ; par ailleurs, il est établi que cette enfant a subi un malaise en classe et les propos uniquement rapportés par d’autres enfants selon lesquels elle aurait alors été secouée par Madame autrement que de façon à lui faire reprendre conscience, et même jetée contre une chaise et contre un mur, ne peuvent être retenus comme crédibles alors qu’ils l’ont été deux ans après un événement qui les aura marqués et que Madame (…) ne rapporte rien de la sorte ;
  • de l’enfant (…). scolarisée en 2013-2014 : son oubli dans le dortoir, imputable à Madame X. même si elle n’était pas en charge du contrôle des enfants à la cantine, n’a pas revêtu un caractère intentionnel et ne peut être pénalement répréhensible ; par ailleurs la parole de l’enfant selon laquelle Madame criait très fort et l’a attrapée par les bras pour la mettre en punition, est insuffisante à caractériser le délit de violences volontaires ;
Que Madame doit donc être renvoyée de fins de la poursuites pour ces huit enfants ;
Attendu, en revanche, qu’elle doit être retenue dans les liens de la prévention en ce qui concerne ;
  • l’enfant (…) scolarisé en 2012-2013, qui a été jeté dans le couloir, qui a été décrit par Madame (…) comme ayant été le souffre-douleur de la prévenue, dont la bouche a été fermée par du scotch, qui a relaté auprès de sa mère avoir eu les cheveux tirés et le bras tordu, avoir été puni dans le noir et qui été hospitalisé en observation en décembre 2012 pour des spasmes du sanglot ;
  • l’enfant (…), scolarisée en 2012-2013 : la parole recueillie par sa mère le 20 mars 2015 selon laquelle elle a été punie dans le « placard aux sorcières » où elle a eu peur que « des jeux se transforment en sorcière » a été confirmée le 23 mars suivant devant Madame X. et par son frère jumeau, alors scolarisé dans la même classe qu’elle ; l’explication de la prévenue selon laquelle certains enfants se seraient d’eux-mêmes enfermés dans ce placard identifié comme étant celui où sont entreposés des jouets, ne peut être retenue, alors qu’un enfant même âgé de trois ans, sait parfaitement faire la différence entre un jeu entre camarades et une punition de la maîtresse ;
  • l’enfant scolarisé en 2013-2014 : alors qu’en mars 2015 l’enfant aurait dit à sa maîtresse, Madame (…) avoir reçu des calottes, il ne l’a pas confirmé auprès de sa mère qui précise n’avoir noté aucun changement dans le comportement de son fils ; toutefois le seul fait que Madame X. se soit une fois adressée à cet enfant selon un témoin, d’une voix remplie de rage et d’agressivité et donc de nature à provoquer un choc émotionnel, suffit à asseoir la prévention ;
Sur la répression :
Attendu que Madame placée sous contrôle judiciaire le 25 juin 2015 avec interdiction d’entrer en relation avec les victimes ou leurs familles et d’exercer toute activité en lien avec des enfants, est suspendue de ses fonctions à titre conservatoire depuis le mois de septembre 2015 ;
Qu’elle a été examinée le 3 juillet 2015 par le docteur psychiatre (…), qui n’a relevé aucune anomalie de quelque type que ce soit et conclu à des constatations médicales qui brillent par leur vacuité ; Attendu qu’au regard de la nature des faits dont elle est reconnue coupable et des circonstances de leur commission, il convient de la condamner :
  • à titre de peine principale, à la peine de 12 mois d’emprisonnement délictuel, laquelle peut être intégralement assortie du sursis simple ;
  • en application de l’article 222-45 3° du Code pénal à la peine complémentaire d’interdiction pour une durée de cinq années d’exercer une activité professionnelle impliquant un contact avec des mineurs ;
Sur l’action civile :
1. Constitutions de parties civiles :
a) recevabilité :
Attendu que seules les parties civiles appelantes, et déjà constituées en premier instance, sont recevables et fondées à solliciter la réformation du jugement déféré ;
Qu’il convient en conséquence de dire irrecevables les demandes formées pour la première fois en cause d’appel ou par les parties non appelantes soit de :
(…)
Attendu, en outre, qu’à raison de la relaxe partielle ci-dessus prononcée, il convient de dire recevables mais non fondées les constitutions de parties civiles formées par :
(…)
b) montant des réparations :
Attendu qu’il convient, au regard des faits commis et dont la prévenue est reconnue coupable et des observations formulées par les parties civiles, de fixer comme suit les indemnités réparatrices des préjudices moraux subis par les enfants et par leur parents qui, pour ces derniers, ne découlent pas de l’infraction stricto sensu mais s’y rattachent directement, ainsi que celles au titre de frais irrépétibles :
(…)
N.B. : les parties civiles obtiennent des sommes variant entre 1 500 et 3 000 pour les enfants, 1 et 500 euros pour les parents et 1 000 euros au titre de l’article 475-1 du Code de procédure pénale (frais non payés par l’État et exposés par la partie civile)
(…)
Par ces motifs
(…)
Réforme le jugement du tribunal correctionnel de Limoges en date du 15 janvier 2016, sauf en ce qu’il a renvoyé Madame X. des fins de la poursuite de violences volontaires sans incapacité totale de travail commis sur les personnes des mineurs de quinze ans (…), (…) et (…) ;
Statuant à nouveau
Sur l’action publique
Déclare Madame coupable :
  • de violences volontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail n’excédant pas huit jours sur l’enfant (…) ;
  • de violences volontaires n’ayant entraîné aucune incapacité totale de travail sur les enfants (…)
En répression, condamne Madame X. à la peine :
  • de 12 mois d’emprisonnement délictuel, à titre de peine principale,
Dit qu’il sera sursis à l’exécution de cette peine, conformément à 1’article 132-29 du Code pénal ;
(…)
Prés. : Mme. J. Perrier ;
Sièg. : M. L. Sarrazin et Mme. S. La Chaise ;
Subs. gén. : M. G. Borg ;
Plaid. : Mes E. Raynal, M.-F. Galbrun, D. Dudognon, H. Karoutsos, N. Seyt, L.-N. Moreau, Ph. Clerc, M.-C. Dugeny-Truffit, H. Lemasson-Deshoulières, B. Villette, M. Rossin-Boisseau, S. Rosas.

Commentaire de Jean-Luc Rongé

6 Cette longue décision valait la peine d’être publiée tant elle décrit un long calvaire d’enfants en bas âge soumis à la violence physique et psychologique de leur enseignante, maîtresse dans une école maternelle.

7 Cette affaire révèle la cécité d’une institution chargée de l’éducation des enfants dès leur plus jeune âge, l’Éducation nationale. Comment se fait-il qu’il ait fallu tant de temps pour que soient révélés les faits décrits alors que bruissaient les rumeurs et que des membres du personnel communal, les Atsem, agents qui assistent les enseignants dans les écoles maternelles, avaient déjà parlé de faits remontant à 2011… et les poursuites n’ont été intentées que fin février 2015 ?

8 Il s’agit de violences sur des « tout-petits », des gosses allant de trois ans - et même moins - fréquentant la première section maternelle à cinq ans pour ceux qui sont en grande section. Des êtres fragiles, dont les chocs émotionnels peuvent avoir de graves répercussions sur leur développement et la confiance qu’ils devraient avoir envers les adultes chargés de leur éducation.

9 Et bien non ! Les inspections de l’établissement n’ont jamais délivré que des satisfecit à cette maîtresse d’école - qui y gagna les galons de directrice - qui « pétait les plombs » depuis un certain temps et dont le comportement violent ne pouvait échapper à ses collègues et au personnel fréquentant l’établissement dès lors que ses hurlements, les pleurs d’enfants et les gosses traumatisés sortant de l’école n’auraient dû laisser personne indifférent.

10 Il fallut les plaintes de plusieurs parents, ramassant leurs marmots en état de choc, régressant, faisant « pipi au lit », pleurant pour ne pas retourner à l’école, les témoignages et le soutien des Atsem pour que le parquet s’empare de la plainte et entame les poursuites contre l’enseignante maltraitante.

11 Pour établir les préventions, le parquet recueillit les témoignages des enfants qui décrivirent avec précision les faits qu’ils avaient subis ou dont ils avaient été les témoins.

12 La violence institutionnelle se prolongea au tribunal correctionnel qui relaxa la maîtresse en n’accordant aucun crédit à la parole des enfants : ces « touts-petits » n’avaient pas le discernement suffisant pour que leur témoignage puisse établir quoi que ce soit, considérant qu’« une décision de justice ne saurait se fonder sur des propos tenus ou réputés avoir été tenus par des enfants âgés d’environ 3 à 5 ans ; cela serait contraire à la raison et au droit positif qui n’envisage la prise en compte de la parole d’un mineur qu’à condition qu’il soit capable de discernement ».

13 Les premiers juges confondirent la parole de l’enfant « au pénal » avec les règles du Code civil qui prévoient l’audition de l’enfant « pourvu de discernement » (art. 388-1 CC) [1], alors qu’au pénal, tous les modes de preuve sont recevables et, même si l’enfant ne peut prêter le serment de témoin, sa parole, comme celle de toute victime, peut être entendue et retenue dans la procédure. Les leçons tirées de l’affaire d’Outreau, puis les efforts consentis pour l’enregistrement audiovisuel des victimes, pour le recueil de la parole des enfants victimes de violences et d’abus sexuels dans les Unités médico-judiciaires (UMJ) auraient donc échappés complètement à ces juges… car « contraire à la raison ».

14 Alerté par les parents appelant du jugement, le Défenseur des droits n’hésita pas à intervenir comme les règles le lui permettent en s’adressant à la Cour d’appel pour préciser : « quand il s’agit de prendre en compte la parole du mineur victime d’un délit ou d’un crime, le droit européen et le droit interne ne font pas du discernement de ce mineur une condition préalable à son audition »[2].

15 Comment pourrait-on assurer la protection d’enfants en bas âge s’ils doivent « fermer leur g… » ? Quelle confiance pourraient-ils avoir envers les adultes si l’on refuse d’entendre leur parole ? Quelle confiance pourraient-ils avoir envers leurs parents si ceux-ci s’avèrent incapables de les protéger en faisant entendre leurs plaintes, nécessaire à faire cesser les violences dont ils sont l’objet… et que « justice soit faite » ?

16 Rappelons que sont punissables les violences « quelle que soit leur nature, y compris s’il s’agit de violences psychologiques » (art. 222-14-3 du Code pénal) et que, dans le cas de figure de ce dossier, celles « ayant entraîné une incapacité de travail inférieure ou égale à huit jours ou n’ayant entraîné aucune incapacité de travail sont punies de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende lorsqu’elles sont commises : 1° Sur un mineur de quinze ans » (art. 222-13).

17 La décision de la Cour d’appel de Limoges est salutaire, même si nous savons que la parole de l’enfant doit être recueillie avec le soin nécessaire, si possible dans des unités médico-judicaires, entourées de personnel formés pour l’entendre et l’interpréter. Et, comme toute preuve, celle-ci n’est pas plus sacro-sainte qu’une autre et peut être discutée contradictoirement au cours d’un procès équitable.


Date de mise en ligne : 20/01/2017

https://doi.org/10.3917/jdj.356.0120

Notes

  • [1]
    Code civil, art. 388-1, al. 1 : « Dans toute procédure le concernant, le mineur capable de discernement peut, sans préjudice des dispositions prévoyant son intervention ou son consentement, être entendu par le juge ou, lorsque son intérêt le commande, par la personne désignée par le juge à cet effet ».
  • [2]
    Décision du Défenseur des droits MDE-2016-090, 22 mars 2016, Observations devant la cour d’appel de Limoges, présentées dans le cadre de l’article 33 de la loi n°2011-333 du 29 mars 2011, dans lesquelles le Défenseur des droits mentionne un arrêt du 16 juin 2005 de la Cour de Justice des Communautés européennes (n° C-105/03 qui rappelle que « les articles 2, 3 et 8, paragraphe 4, de la décision-cadre [n° 2001/220/JAI du Conseil, du 15 mars 2001, relative au statut des victimes dans le cadre de procédures pénales], doivent être interprétées en ce sens que la juridiction nationale doit avoir la possibilité d’autoriser des enfants en bas âge, qui (…) allèguent avoir été victimes de mauvais traitements, à faire leur déposition selon des modalités permettant de garantir à ces enfants un niveau approprié de protection, par exemple, en dehors de l’audience publique et avant la tenue de celle-ci. La juridiction nationale est tenue de prendre en considération l’ensemble des règles du droit national et de les interpréter, dans toute la mesure du possible, à la lumière du texte ainsi que de la finalité de ladite décision-cadre » et mentionne les dispositions de droit interne et les dispositifs mis en place pour recueillir la parole de l’enfant victime ».

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