Notes
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[1]
Angélina Etiemble et Omar Zanna, « Des typologies pour faire connaissance avec les mineurs isoles etrangers et mieux les accompagner - Synthèse », Topik/Mission de Recherche Droit et Justice, juin 2013 ; http://www.infomie.net/IMG/pdf/synthese_-_actualisation_typologie_mie_2013-2.pdf
Cass. - Ch. crim. - 26 janvier 2016 - N˚ de pourvoi : 14-85258 / Délit - Outrage à personne chargée d’une mission de service public - Aide sociale à l’enfance - Éducateur
Aide sociale à l’enfance de mon c...
1 La Cour d’appel a caractérisé en tous ses éléments, tant matériel qu’intentionnel, le délit d’outrage dont elle a déclaré les prévenus coupables, et a ainsi justifié l’allocation, au profit des parties civiles, de l’indemnité propre à réparer le préjudice en découlant, en retenant les propos suivants : « vous êtes des incapables, aide sociale à l’enfance de mon cul, bande de bons à rien », « vous êtes des incapables, ça n’en restera pas là, vous allez voir... ».
- M. Adrien X...,
- Mme Belinda X..., épouse Y...,
contre l’arrêt de la cour d’appel de Versailles, 18 e chambre, en date du 25 juin 2014, qui, pour outrage à personne chargée d’une mission de service public en réunion, les a condamnés, chacun, à 300 euros d’amende avec sursis, et a prononcé sur les intérêts civils ;
(...)
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu le mémoire produit, commun aux demandeurs ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 433-5 du Code pénal, 551, 592 et 593 du Code de procédure pénale ;
En ce que l’arrêt attaqué a déclaré M. X... coupable d’outrage à une personne chargée d’une mission de service public commis en réunion et a prononcé sur les intérêts civils ;
Aux motifs que, par ordonnance du juge des enfants de Versailles, rendue le 27 juin 2012, Henry Y..., né le 6 août 1997, Paul Y...né le 10 août 1998 et Sophie Y...née le 14 septembre 2001 ont été confiés au TAS Val-de-Seine-et-Oise, secteur de Verneuil, aide sociale à l’enfance, (...), avec droit de visite médiatisé sur le lieu de placement pour chaque parent une fois par semaine au moins, dont les modalités seront à établir avec le service gardien et de réserver en l’état jusqu’à l’audience le droit d’hébergement ;
Que, le 16 juillet 2012, un jugement de placement est intervenu, les enfants étant maintenus à l’aide sociale à l’enfance avec pour chaque parent des droits de visite et d’hébergement fixés au dispositif ;
Que, le 4 septembre 2012, au vu de ce qui est indiqué comme un comportement transgressif de Mme X..., épouse Y..., qui fait obstacle à la décision du juge des enfants, les droits de visite et d’hébergement de Mme X..., épouse Y..., ont été suspendus jusqu’au 11 septembre 2012 ;
Que, selon les éléments de la procédure, le 4 septembre 2012, soit le jour de la rentrée scolaire, Sophie a été conduite par un éducateur à l’école, et Mme X..., épouse Y..., a indiqué qu’elle viendrait la chercher le midi même, il lui a été précisé que ce n’était pas possible ;
Que, toutefois, elle est venue chercher sa fille et aurait fait un tel esclandre que l’éducateur lui a laissé reprendre sa fille ; qu’elle a, de la même façon, repris son fils Henry au lycée Techno parc de Poissy, puis en compagnie de son frère M. Adrien X..., s’est rendue en voiture jusqu’au collège Jean Zay où est scolarisé Paul, et où l’éducateur devait le conduire, Mme X..., épouse Y..., a tenté de récupérer son fils puis elle lui a parlé et est partie en faisant du scandale ;
Qu’à 17 heures, une réunion était prévue avec les éducateurs, les enfants et les parents. ; que Mme X..., épouse Y..., est arrivée avec son frère et ils ont été invités à se rendre en salle d’attente, mais M. X... a commencé à ouvrir les portes des bureaux d’entretien, et se voyant faire une remontrance par la personne de l’accueil, disait chercher les toilettes ; qu’à ce moment Mme X..., épouse Y..., disait à son frère où se trouvait la salle enfance où les éducateurs étaient avec Paul, Mme a frappé à la porte en disant ouvrez immédiatement puis Paul, l’entendant, a voulu sortir, et Mme X..., épouse Y..., et son frère ont ouvert la porte et récupéré Paul ;
Qu’à ce moment M. X... est revenu vers Mme Z..., l’éducatrice, M. A...est intervenu car l’attitude de M. X... était menaçante, ils étaient face à face et Mme X..., épouse Y..., était alors près de la sortie ; que M. X... a dit les termes suivants : « Vous allez voir, ça ne va pas en rester là, je vais appeler votre responsable et vous ne serez plus responsable », alors que Mme X..., épouse Y..., disait « je vous emmerde, ça commence à bien faire avec la puissance, vous êtes des incapables, aide sociale à l’enfance de mon cul » ; que M. X... a dit également « vous allez voir ce qu’il va vous arriver, on n’en a pas fini ensemble » ; que cette scène était décrite de la même façon par Mme Z..., Mme B..., et M. A..., lequel, chef de service, est descendu alerté par un autre collègue qui lui avait dit que des choses graves étaient en train de se passer ;
Que Mme X..., épouse Y..., et M. X... ont été placés en garde à vue ; que l’un comme l’autre ont contesté les faits ; que Mme X..., épouse Y..., a indiqué être venue avec son frère, mais M. X... a indiqué ne pas l’avoir accompagnée dans les lieux ; que M. X... a précisé ne pas s’y être rendu ; qu’il en a été de même devant le tribunal correctionnel ; (...) ; que M. X... a indiqué avoir seulement conduit sa sœur au service,car elle n’a pas de voiture, et c’est donc toujours lui qui la véhicule ; qu’il n’est pas entré et il n’a pas outragé les services éducatifs ; qu’il pense avoir été accusé pour obtenir ensuite de l’argent, et pense que ces personnes lui en veulent ;
Que Mme X..., épouse Y..., a indiqué avoir pénétré seule dans l’espace territorial pour, pensait-elle, chercher ses enfants, elle ignorait qu’une décision avait été rendue suspendant son droit d’hébergement ; qu’elle n’a pas proféré d’outrages ;
Que Mme Z..., entendue, a réitéré les déclarations déjà faites, l’intrusion par les deux personnes dans le bureau, les outrages et injures des deux personnes ; que Mme B...a été entendue, expliqué qu’on avait tambouriné à la porte qui ensuite avait été ouverte par Mme X..., épouse Y... ; que M. X... était là et s’est rapproché aussitôt ; qu’elle a entendu les outrages et exprime la crainte réelle due à un contexte violent, crainte aussi pour les enfants ;
Que M. A..., responsable du service, est arrivé dans un second temps, appelé en renfort par une stagiaire qui lui avait parlé des insultes et des menaces ; que M. X... a été très insultant et menaçant à son encontre, il était menaçant envers ses collègues et il s’est interposé ;
Que l’enfant a entendu ; que, sur question de l’avocat général, il a indiqué qu’il s’agit de la première fois où il dépose une plainte (...) ;
Que les faits objets de la procédure, sont contestés par les deux appelants, Mme X..., épouse Y..., indiquant ne pas avoir proféré les outrages tels que ci-dessus rappelés et M. X... affirmant ne pas avoir été présent, remettant deux attestations l’une émanant de sa mère et l’autre de sa nièce, indiquant qu’il était avec elles les jour et heure des faits ; que, sur ce dernier point, M. X... n’a jamais contesté avoir amené sa sœur sur les lieux où les faits objets de la prévention ont été commis, et que ce point permet de penser que les attestations produites peuvent commettre une erreur de date ;
Que, par contre, tant Mme Z...que Mme B... et Mme A..., ainsi que la personne chargée de l’accueil ont bien attesté de la présence de l’intéressé dans les lieux, M. X... ouvrant les portes sans y être autorisé, à tel point que l’hôtesse a dû lui demander ce qu’il cherchait ;
Qu’il peut donc être considéré comme acquis qu’il était avec sa sœur sur le lieu des faits à la date où ils ont été commis ;
Que Mme X..., épouse Y..., vivait alors une situation certainement très douloureuse pour une mère, dont les enfants ont été placés en assistance éducative, et qui pensait ce jour-là pouvoir reprendre ses enfants en hébergement ; que, toutefois, une mesure a été prise par le juge des enfants le même jour, au vu d’incidents liés au comportement de Mme et M. X..., qui suspendait les droits d’hébergement ; que cet élément a pu provoquer un comportement totalement inadapté, que l’intéressée conteste également mais dont les éléments, à savoir les mots outrageants prononcés à l’encontre des éducateurs, l’attitude, qui ont été décrits tant durant l’enquête qu’à l’audience, confirmés par le fait qu’une personne du service, non visée, a dû aller chercher le responsable eu égard à la violence de la scène ;
Que, dès lors, les faits de la prévention sont effectivement établis et le jugement sera donc confirmé sur la culpabilité ;
Que, si le ministère public a requis l’aggravation de la peine, eu égard à la façon dont les faits se sont passés, il apparaît que la nature du comportement peut avoir une explication dans une forme de détresse morale, qui peut basculer, et que la cour prendra cet élément en compte pour confirmer la peine prononcée ;
Que la partie civile non appelante ne peut demander plus qu’il n’a été attribué en première instance ; que le jugement sera confirmé en ses dispositions civiles ;
1˚) Alors que l’outrage consiste en des paroles, adressées à une personne chargée d’une mission de service public, dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de sa mission, et de nature à porter atteinte à sa dignité ou au respect dû à la fonction dont elle est investie ;
Que les propos reprochés à M. X... étaient les suivants : « vous allez voir, ça ne va pas en rester là, je vais appeler votre responsable et vous ne serez plus responsable » et « vous allez voir ce qu’il va vous arriver, on n’en a pas fini ensemble » ;
Que la seule menace de se plaindre des personnes en cause auprès de leur hiérarchie ne constitue pas un outrage, de sorte que la cour d’appel n’aurait pas dû retenir l’existence de ce délit à la charge de M. X... ;
2˚) Alors que l’outrage est un délit intentionnel ; qu’en ne caractérisant pas la volonté de M. X... de commettre un outrage, la cour d’appel a privé sa décision de motifs ;
3˚) Alors qu’en se bornant à rappeler les déclarations des parties, puis à énoncer en une phrase que les faits de la prévention étaient établis, la cour d’appel n’a pas montré la réunion des conditions nécessaires à caractériser le délit d’outrage ;
4˚) Alors que la citation énonce le fait poursuivi ; que la cour d’appel aurait dû rechercher si la citation délivrée à M. X... n’était pas nulle dans la mesure où elle visait des faits commis à Poissy, quand les parties civiles se plaignaient de faits commis à Verneuil-sur-Seine ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 433-5 du Code pénal, 551, 592 et 593 du Code de procédure pénale ;
En ce que l’arrêt attaqué a déclaré Mme X... coupable d’outrage à une personne chargée d’une mission de service public commis en réunion et a prononcé sur les intérêts civils ;
Aux motifs que (même description...)
1˚) alors que (mêmes moyens...)
Les moyens étant réunis ;
Attendu que, pour déclarer les prévenus coupables, du chef d’outrage à personne chargée d’une mission de service public en réunion à l’encontre d’éducateurs mandatés par le juge des enfants afin de suivre les enfants de Mme Y..., pour leur avoir dit, notamment, d’une part, en ce qui concerne celle-ci : « vous êtes des incapables, aide sociale à l’enfance de mon cul, bande de bons à rien », d’autre part, s’agissant de M. X... : « vous êtes des incapables, ça n’en restera pas là, vous allez voir... », l’arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu’en l’état de ces énonciations, exemptes d’insuffisance comme de contradiction, la cour d’appel, qui n’avait pas à relever d’office une exception tirée de la prétendue nullité d’une citation que n’ont pas soulevée les parties avant toute défense au fond, a caractérisé en tous ses éléments, tant matériel qu’intentionnel, le délit d’outrage dont elle a déclaré les prévenus coupables, et a ainsi justifié l’allocation, au profit des parties civiles, de l’indemnité propre à réparer le préjudice en découlant ;
D’où il suit que les moyens ne sauraient être accueillis ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 475-1, 592 et 593 du Code de procédure pénale ;
En ce que l’arrêt attaqué a condamné M. et Mme X... à payer une somme de 1 000 euros à la partie civile au titre des frais irrépétibles d’appel ;
Aux motifs qu’il est équitable que les intéressés soient condamnés à des frais irrépétibles d’appel ;
Alors que la cour d’appel ne pouvait pas prononcer une condamnation globale aux frais irrépétibles, sans prévoir qu’elle était in solidum ni la répartir entre les deux personnes condamnées ;
Attendu que la cour ayant fait une juste application des dispositions de l’article 475-1 susvisé, le moyen n’est pas de nature à être admis ;
Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;
Rejette les pourvois ;
(...)
Prés. : M. Guérin, président
Cons. rapp. : M. Buisson,
Cons. ch. : M. Straehli ;
Av ; gén. : Mme Le Dimna ;
Plaid. : Me Occhipinti.
Brièvement
2 On se rappellera que la loi du 9 septembre 2002 d’orientation et de programmation pour la justice, dite « Loi Perben 1 » avait introduit dans le Code pénal une disposition supposée protéger les agents des services publics et ceux qui accomplissent une mission de service public. Les motifs en étaient que des enseignants se sentaient menacés par les agressions verbales dont ils pouvaient être l’objet venant des élèves, voire de leurs parents.
3 Voici ce qui en est résulté :
4 Code pénal, art. 433-5 : « Constituent un outrage puni de 7 500 euros d’amende les paroles, gestes ou menaces, les écrits ou images de toute nature non rendus publics ou l’envoi d’objets quelconques adressés à une personne chargée d’une mission de service public, dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de sa mission, et de nature à porter atteinte à sa dignité ou au respect dû à la fonction dont elle est investie.
5 Lorsqu’il est adressé à une personne dépositaire de l’autorité publique, l’outrage est puni de six mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende.
6 Lorsqu’il est adressé à une personne chargée d’une mission de service public et que les faits ont été commis à l’intérieur d’un établissement scolaire ou éducatif, ou, à l’occasion des entrées ou sorties des élèves, aux abords d’un tel établissement, l’outrage est puni de six mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende.
7 Lorsqu’il est commis en réunion, l’outrage prévu au premier alinéa est puni de six mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende, et l’outrage prévu au deuxième alinéa est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende ».
– C.A.A Versailles - 19 juillet 2016 - N° 15VE01828 / Responsabilité - Aide sociale à l’enfance - Décès de l’enfant - Mineur isolé - Perte d’une chance - Transmission aux héritiers (non) - Dommage moral - Intensité des liens avec la famille - Défaut de preuve - Pas d’indemnités
Perte de chance… de vivre
8 Si la famille de la victime d’un dommage dont la survenance a été rendue possible par le comportement d’un agent à l’occasion de l’exécution d’un service public, peut demander au juge administratif de condamner l’administration ou la personne publique qui l’employait à réparer ce préjudice, il appartient aux membres de la famille de démontrer le caractère direct et certain du préjudice dont ils demandent réparation.
9 N’entre pas dans le patrimoine de la victime décédée la perte de chance de survivre dès lors que cette perte de chance apparaît de façon concomitante au décès de la victime et n’a pu donner naissance à aucun droit entré dans son patrimoine avant ce jour qui peut revenir à ses héritiers.
10 C’est à bon droit que les premiers juges ont estimé que le préjudice moral subi par les requérants - le père et les autres membres de la famille - du fait de la disparition du défunt, confié comme mineur isolé à l’aide sociale à l’enfance, n’était pas justifié et que leurs conclusions tendant à l’indemnisation de ce chef de préjudice devaient être rejetées, dès lors qu’ils n’apportent aucune preuve de la réalité et de l’intensité de leurs liens avec lui avant son arrivée en France.
Procédure contentieuse antérieure :
M. D… C…et ses enfants ont demandé au tribunal administratif de Montreuil de condamner solidairement le département de la Seine-Saint-Denis et le Centre départemental enfants et famille de les indemniser des préjudices subis du fait du décès de leur fils, frère et demi-frère E…C… le 21 août 2010.
Par un jugement n° 1401345 du 7 avril 2015, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 10 juin 2015, les consorts C…,
(…) demandent à la Cour :
1° d’annuler ce jugement ;
2° de condamner solidairement le département de la Seine-Saint-Denis et le Centre départemental enfants et famille (CDEF) à verser à M. D…C… la somme de 50 000 euros, aux frères et sœurs de E…C… la somme de 15 000 euros chacun et aux demi-frères et sœurs de E…C… la somme de 10 000 euros chacun ;
3° de mettre à la charge du département de la Seine Saint-Denis et du CDEF la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du Code de justice administrative ;
(…)
1. Considérant que le jeune E…C… s’est trouvé, du fait de sa situation de jeune mineur étranger isolé sur le territoire français, confié par une ordonnance du procureur de la République près le tribunal de grande instance de Bobigny au service de l’aide sociale à l’enfance du département de la Seine-Saint-Denis ;
Que le département l’a ensuite confié à la garde du foyer pour adolescents de Montfermeil géré par le A… ;
Qu’à l’occasion d’une sortie sur les bords de Marne, E…C… s’est noyé après s’être jeté du haut d’un ponton dans la Marne ; Que le père, les frères et sœurs et demi-frères et sœurs de la victime recherchent la responsabilité du département et du CDEF et demandent que ceux-ci soient condamnés à les indemniser des préjudices subis du fait du décès de E…C… ;
2. Considérant que, si la famille de la victime d’un dommage dont la survenance a été rendue possible par le comportement d’un agent à l’occasion de l’exécution d’un service public, peut demander au juge administratif de condamner l’administration ou la personne publique qui l’employait à réparer ce préjudice, il appartient aux membres de la famille de démontrer le caractère direct et certain du préjudice dont ils demandent réparation ;
3. Considérant que le droit à la réparation d’un dommage, quelle que soit sa nature, s’ouvre à la date à laquelle se produit le fait qui en est directement la cause ;
Que si la victime du dommage décède avant d’avoir elle-même introduit une action en réparation, son droit, entré dans son patrimoine avant son décès, est transmis à ses héritiers ;
Que le droit à réparation du préjudice résultant pour elle de la douleur morale qu’elle a éprouvée du fait de la conscience d’une espérance de vie réduite en raison d’une faute du service public, constitue un droit entré dans son patrimoine avant son décès qui peut être transmis à ses héritiers ;
Qu’il n’en va, en revanche, pas de même du préjudice résultant de la perte de chance de survivre dès lors que cette perte de chance apparaît de façon concomitante au décès de la victime et n’a pu donner naissance à aucun droit entré dans son patrimoine avant ce jour ;
Qu’il résulte de l’instruction que la noyade de E…C… est intervenue immédiatement après qu’il a sauté d’un ponton ;
Qu’ainsi, c’est à bon droit que le tribunal administratif a jugé que le préjudice résultant pour E…C… de la perte de chance de survivre s’est constitué lors de son décès brutal et n’a pu se transmettre à ses ayants droit, la conscience pour la victime d’une espérance de vie réduite n’étant pas établie ;
Que, par suite, les requérants ne sont pas fondés à demander l’indemnisation du préjudice subi du fait de la perte de chance de survie de leur fils, frère et demi-frère ;
4. Considérant qu’ainsi qu’il a été dit plus haut, le jeune E…C… était, à la date de son décès, pris en charge par les services de l’aide sociale à l’enfance du département de la Seine Saint-Denis ;
Que ses deux frères présents en France à la date de l’ordonnance du procureur de la République le confiant aux services départementaux n’apportent aucune explication sur les circonstances qui ont amené à ce qu’il puisse être regardé comme un mineur isolé ;
Que le père et les autres membres de la famille de E…C… n’apportent aucune preuve de la réalité et de l’intensité de leurs liens avec E…C… avant son arrivée en France ;
Que, par suite, c’est à bon droit que les premiers juges ont estimé que le préjudice moral subi par les requérants du fait de la disparition de E…C… n’était pas justifié et que leurs conclusions tendant à l’indemnisation de ce chef de préjudice devaient être rejetées ;
5. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que les consorts C… ne sont pas fondés à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande ;
Que, par ailleurs, il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge des consorts C… le versement de la somme que le département de la Seine-Saint-Denis et le CDEF demandent sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du Code de justice administrative ;
Décide :
Article 1 er : La requête des consorts C… est rejetée.
(…)
Rapp. : Mme Sophie Colrat ;
Rapp. pub. : Mme Lepetit-Collin ;
Plaid. : Me Beaumont.
Commentaire de Jean-Luc Rongé
11 Si l’on peut comprendre que les liens d’un mineur isolé étranger avec sa famille soient distendus - quoiqu’il faille lire ce que dit Angelina Etiemble sur leur présence en France et les rapports avec la famille [1] - on imagine mal que le décès soudain de cet enfant, par noyade, n’engendre aucun préjudice moral chez son géniteur et ses frères et sœurs, quel que soit l’éloignement géographique et temporel.
12 Certes, les éléments précis du dossier n’apparaissent guère dans cette décision surprenante. Elle apparaît plutôt comme la punition d’une famille d’avoir laissé un des leurs à la charge de la protection de l’enfance comme « mineur isolé ».
13 Et pourtant, le peu d’éléments révélés par la décision laissent croire à un défaut de surveillance de ce jeune qui s’est jeté à l’eau depuis un ponton alors qu’il participait à une sortie sur les bords de la Marne et qu’il avait été placé par le service départemental sous la garde d’un établissement de Montfermeil. La responsabilité de l’établissement était donc engagée.
14 On ne peut en dire plus sur cette décision sinon qu’elle donne une impression de mépris, mais ce n’est qu’un soupçon. Peut être les demandeurs se sont-ils pourvus en cassation devant le Conseil d’État. On l’apprendra plus tard…
Notes
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[1]
Angélina Etiemble et Omar Zanna, « Des typologies pour faire connaissance avec les mineurs isoles etrangers et mieux les accompagner - Synthèse », Topik/Mission de Recherche Droit et Justice, juin 2013 ; http://www.infomie.net/IMG/pdf/synthese_-_actualisation_typologie_mie_2013-2.pdf