Notes
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[1]
Muskhadzhiyeva et autres c. Belgique, 41442/07, 19 janvier 2010 (JDJ n° 292, février 2010, pp. 51 et s., comm. F. Cogulet) ; Popov c. France, 39472/07, 19 janvier 2012 (JDJ n° 312, février 2012, pp. 37 et s., comm. J.-L. Rongé).
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[*]
ATER de droit public (Université Paris Ouest Nanterre la Défense) et doctorant au CREDOF. Article publié dans La Revue des droits de l’homme [En ligne], Actualités Droits-Libertés, mis en ligne le 29 août 2016, consulté le 31 août 2016. URL : http://revdh.revues.org/2513
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[2]
Merci à Elsa B., Benjamin F. et Serge S. pour leur aide précieuse. L’auteur demeure seul responsable des erreurs, omissions et opinions exprimées ici.
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[3]
CEDH, 5ème section, 19 janvier 2012, Popov c. France, Req. n° 39472/07 et 39474/07. Voir : Nicolas Hervieu, « Confirmations, novations, et incertitudes conventionnelles sur la détention de famille d’étrangers accompagnés d’enfants », in Lettres « Actualités Droits-Libertés » du Credof, 22 janvier 2012 et Serge Slama, « Rétention des enfants étrangers : Un désaveu cinglant pour les juridictions françaises », in Recueil Dalloz, n°13, 2012, p. 864 et « Voici venu le temps d’en finir avec la rétention arbitraire des enfants (à propos de l’arrêt Popov) », in AJ Pénal, n°5, 2012, pp. 281-285, Marie-Françoise Valette, « La fin du placement en rétention administrative des familles accompagnées d’enfant ? », in LPA, n°43, 29 février 2012, p. 5.
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[4]
La Cour utilise plutôt l’expression d’étranger mineur accompagné, mais il apparaît préférable de mentionner les mineurs étrangers accompagnés, conformément même à la jurisprudence de la Cour qui juge que : « la situation d’extrême vulnérabilité de l’enfant est déterminante et prédomine sur la qualité d’étranger en séjour illégal ». CEDH, 1ère sect., 12 octobre 2006, Mubilanzila Mayeka et Kaniki Mitunga c. Belgique, Req. n°13178/03, § 55 (s’agissant d’un mineur étranger isolé cette fois).
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[5]
Voir à ce sujet, la lettre adressée par le candidat François Hollande à certaines associations de défense des droits de l’Homme en date du 20 février 2012 dans laquelle il manifeste sa volonté « de mettre fin dès mai 2012 à la rétention des enfants, et donc des familles avec enfants ».
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[6]
En vertu de l’article 39 du règlement de la Cour : « La chambre ou, le cas échéant, le président de la section ou un juge de permanence désigné conformément au paragraphe 4 du présent article peuvent, soit à la demande d’une partie ou de toute autre personne intéressée, soit d’office, indiquer aux parties toute mesure provisoire qu’ils estiment devoir être adoptée dans l’intérêt des parties ou du bon déroulement de la procédure ».
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[7]
Au motif que le placement en rétention n’entre pas dans le cadre du référé-suspension et fait l’objet d’une procédure spécifique.
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[8]
Le juge administratif conclut à l’absence d’erreur manifeste d’appréciation quant au risque que les requérants se soustraient à la mesure d’éloignement dont ils faisaient l’objet et rejette, comme inopérant, le moyen fondé sur l’intérêt supérieur de l’enfant.
-
[9]
Voir à ce sujet : Nicolas Hervieu et Serge Slama, « Enfants en rétention : une tragédie franco-européenne en quatre actes », in Combats pour les droits de l’Homme (CPDH), [En ligne], publié le 6 mars 2012, consulté le 18 juillet 2016.
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[10]
Ils demeurèrent toutefois sur le territoire français en raison de l’état de santé du mineur.
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[11]
Il réfutait l’atteinte à une vie familiale normale au motif que « le préfet n’a pas commis d’erreur d’appréciation en estimant que la requérante ne présentait pas de garanties de représentation suffisantes justifiant son assignation à résidence au lieu d’un placement en rétention, nonobstant le fait qu’elle ait deux enfants en bas âge ». Pour réfuter le mauvais traitement, il relevait que le centre était habilité à recevoir des familles et considère que la requérante, par son refus d’embarquer, a elle-même allongée la durée de la rétention.
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[12]
Au motif que le prochain éloignement était organisé, que le centre était habilité à recevoir des familles, et que la requérante, faute de pièce d’identité, n’offrait pas de garantie de représentation suffisante.
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[13]
Cette requête a fait l’objet d’une tierce intervention de la part du Défenseur des droits matérialisée par la décision MDE 2015-035 du 16 février 2015.
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[14]
En raison de l’état psychiatrique de la requérante.
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[15]
Il allait jusqu’à considérer que, « par la rétention critiquée, le mineur n’a été soumis à aucune torture ou traitement dégradant ; au regard de l’infraction commise par son père, il a été au contraire protégé, sa vie privée et familiale a été respectée et enfin sa sûreté et sa liberté ont été assurés ».
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[16]
Au sujet de laquelle des observations avaient été émises par plusieurs associations de défense des droits des étrangers (GISTI, ADDE, LDH) en vertu de l’article 36, § 2 de la Convention.
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[17]
Il considérait que l’assignation à résidence et le placement sous surveillance électronique « ne permettrait pas d’empêcher le risque de fuite, ni de garantir sa présence à tous les actes de la procédure, alors dans ce cas précis, ces mesures, quelles qu’en soient leurs modalités, ne présentent pas un degré de coercition suffisant pour atteindre ces finalités ».
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[18]
Les requérants s’étaient concentrés sur le mauvais traitement du mineur, puisque dans l’arrêt Popov la Cour avait jugé que si, pour les parents, le fait d’être retenu « avec leurs enfants dans un centre collectif a pu créer un sentiment d’impuissance et causer angoisse et frustration », néanmoins, « le fait qu’ils n’étaient pas séparés d’eux durant la période de rétention a dû apaiser quelque peu ce sentiment » (§ 105). Une telle position est à l’origine de l’opinion partiellement dissidente de la juge Power-Forde qui accompagne l’arrêt Popov.
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[19]
La Cour mentionne deux décisions : CEDH, 1ère sect., 12 octobre 2006, Mubilanzila Mayeka et Kaniki Mitunga c. Belgique, Req. n°13178/03 et CEDH, Rahimi c. Grèce, n° 8687/08, 5 avril 2011. Voir : Nicolas Hervieu, « Obligations conventionnelles de protection des mineurs migrants non accompagnés », in Lettres « Actualités Droits-Libertés » du Credof, 6 avril 2011.
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[20]
Cour EDH, 2e Sect. 13 décembre 2011, Kanagaratnam c. Belgique, Req. n° 15297/09. Voir : Nicolas Hervieu, « Cour européenne des droits de l’Homme : Arrêts et décisions signalés en bref », in Lettres « Actualités Droits-Libertés du Credof, 27 décembre 2011 et surtout Nicolas Hervieu, « Confirmations, novations, et incertitudes… », op. cit.
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[21]
Déjà, les observateurs les plus avisés distinguaient les critères personnel (tenant à l’âge), temporel (tenant à la durée de la rétention) et matériel (tenant à l’adaptation des locaux à la présence d’enfants). Voir encore : Nicolas Hervieu, « Confirmations, novations, et incertitudes… », op. cit.
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[22]
Article 2 de l’arrêté du 21 mai 2008 pris en application de l’article R. 553-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, remplacé par l’article 2 de l’arrêté du 27 juillet 2009 pris en application de l’article R. 553-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.
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[23]
Au moment de la publication de la circulaire du 6 juillet 2012, le ministère de l’Intérieur précisait dans un communiqué de presse que l’assignation est « moins coercitive, plus humaine et respectueuse de l’intérêt supérieur de l’enfant » que la rétention. Voir Michel Henry, « Rétention des enfants, l’exception », Libération, [En ligne], publié le 6 juillet 2012, consulté le 18 juillet 2016. Pour les défenseurs des droits de l’Homme, le passage de la cathode rétensive à l’anode assignative constituera un progrès somme toute limité.
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[24]
Article L. 551-1 du CESEDA. Cette durée sera ramenée à 2 jours (la durée retenue antérieurement à la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité) par la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative aux droits des étrangers en France.
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[25]
Article L. 552-7 CESEDA. Cette durée sera ramenée, concernant la seconde prolongation seulement, à une durée de 15 jours par la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative aux droits des étrangers en France. On passe donc de 32 jours maximum de rétention avant 2011 à 45 après qui seront ramené à 37 en novembre 2016. Ainsi, le partage des compétences semble clair : « le juge administratif - seul compétent pour prononcer « l’annulation ou la réformation des décisions prises, dans l’exercice des prérogatives de puissance publique, par les autorités exerçant le pouvoir exécutif [ou] leurs agents » - connaît des recours en annulation dirigés contre les décisions de maintien en rétention et de placement en zone d’attente, tandis que le juge judiciaire - « gardien de la liberté individuelle » - contrôle la durée, les conditions et les modalités de la rétention administrative et du maintien en zone d’attente ». Mais dans les faits, cette situation ne va pas sans poser problème. Voir : François Julien-Laferrière, « La délimitation des compétences de la juridiction administrative et de la juridiction judiciaire en matière de rétention administrative et de maintien en zone d’attente », Revue critique de droit international privé, 2002, pp. 255 et s’agissant seulement des zones d’attentes dont le régime est très proche : Christophe Pouly, « Le juge des libertés, une garantie de façade », Plein droit, n° 94, octobre 2012, pp. 40-43.
-
[26]
L’article L. 511-4, 1° du CESEDA prévoit que l’OQTF ne peut pas concerner le mineur étranger.
-
[27]
Il opérait un revirement jurisprudentiel par rapport à l’arrêt Muskhadzhiyeva qui considérait que s’agissant des mineurs accompagnés de leurs parents, la rétention ne pose pas de « problème de réunification familiale ». CEDH, 2e Sect. 19 janvier 2010, Muskhadzhiyeva et autres c. Belgique, Req. n ° 41442/07, § 98. Voir Nicolas Hervieux, « Détention d’enfants accompagnés de leurs mères au titre de l’irrégularité de leur séjour », in Lettres « Actualités Droits-Libertés » du CREDOF du 20 janvier 2010.
Dans l’arrêt Popov, ce revirement est justifié au regard de « récents développements jurisprudentiels concernant l’« intérêt supérieur de l’enfant » dans le contexte de la rétention de mineurs migrants » (§ 147). -
[28]
Sauf dans la première affaire pour laquelle la Cour considère que le grief est irrecevable, puisqu’il n’a pas été soulevé dans un délai de 6 mois suivant la fin de la rétention
(§§ 93-96). -
[29]
Thomas Dumortier, « L’intérêt de l’enfant : les ambivalences d’une notion
« protectrice » », in JDJ, n°329, 2013, pp. 13-20. -
[30]
Il est ici possible de distinguer à nouveau un critère personnel tenant au risque, un critère matériel relatif à la recherche d’alternatives à la rétention et un critère temporel lié à la célérité des autorités nationales pour organiser l’éloignement.
-
[31]
Ce constat emporte inconventionnalité de la circulaire du 23 juillet 2012, puisque cette dernière prévoyait qu’« en cas de refus d’embarquement », les autorités administratives pouvaient « constater que la famille s’est volontairement soustraite à l’OQTF » et qu’en conséquence, il leur était possible « de procéder à la mise en rétention administrative selon les conditions de droit commun ».
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[32]
La Cour relève à plusieurs reprises que la France fait partie des rares pays européens qui recourt presque systématiquement à la rétention pour les mineurs migrants accompagnés (2ème affaire, Arrêt A.B. c. France, § 83, § 87). Selon un rapport publié en janvier 2016 par les associations présentes en CRA, le nombre de familles a plus que doublé en métropole entre 2014 et 2015, passant à 52 familles et 105 enfants comme le précise le rapport de la Cimade.
Et ce, sans compter la situation à Mayotte où certains mineurs isolés sont artificiellement rattachés à des majeurs afin de pouvoir les placer en détention et au sujets desquelles des instances sont actuellement en cours devant la CEDH. Voir : Camille Escuillé, « Un encadrement cosmétique du renvoi des mineurs étrangers arbitrairement rattachés à des adultes accompagnants », La Revue des droits de l’homme [En ligne], Actualités Droits-Libertés, mis en ligne le 27 février 2015, consulté le 21 juillet 2016. -
[33]
La France vient d’ailleurs d’asseoir un peu plus cette pratique avec la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative aux droits des étrangers en France. Son article 35 modifie la rédaction de l’article L 551-1 du CESEDA qui indiquera, au 1er novembre 2016 que le placement en rétention d’un mineur n’est en principe pas applicable sauf : « 1° S’il n’a pas respecté l’une des prescriptions d’une précédente mesure d’assignation à résidence. 2° Si, à l’occasion de la mise en œuvre de la mesure d’éloignement, il a pris la fuite ou opposé un refus. 3° Si, en considération de l’intérêt du mineur, le placement en rétention de l’étranger dans les quarante-huit heures précédant le départ programmé préserve l’intéressé et le mineur qui l’accompagne des contraintes liées aux nécessités de transfert ». Dans ces cas, « la durée du placement en rétention est la plus brève possible, eu égard au temps strictement nécessaire à l’organisation du départ » et « le placement en rétention d’un étranger accompagné d’un mineur n’est possible que dans un lieu de rétention administrative bénéficiant de chambres isolées et adaptées, spécifiquement destinées à l’accueil des familles ». La disposition énonce enfin que : « L’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale pour l’application du présent article ». Cette réforme peut donc être lue soit comme une tentative, de la part des autorités françaises, de se conformer au droit européen des droits de l’Homme.
-
[34]
Le Défenseur des droits, dans un communiqué de presse daté du jour de ces décisions, indique : « qu’il doit être immédiatement mis fin à la rétention des enfants et que la loi du 7 mars 2016 - contraire à la Convention européenne des droits de l’Homme - doit être réformée sur ce point ».
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[35]
Claire Rodier, « L’arrêt Popov : un répit et une étape », Plein droit, n° 92, 2012, pp. 25-26.
CEDH - 12 juillet 2016 - A.B. et autres c. France - N˚ 11593/12 (résumé) / Étranger - Séjour irrégulier - Enfants - Privation de liberté - Rétention - Traitement inhumain ou dégradant - Détention irrégulière
La France encore condamnée...
1 Le placement en rétention administrative d’enfants mineurs dans le cadre de procédures d’éloignement constitue une violation de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’Homme garantissant contre les traitements inhumains ou dégradants.
2 Les autorités ont l’obligation de rechercher des mesures alternatives au placement en rétention d’enfants dans le cadre des procédures d’éloignement, qui ne peut être qu’une mesure de dernier ressort.
3 Ce résumé concerne également les arrêts suivants du 12 juillet 2016 : R.K. et autres c. France (68264/14) ; R.C. et V.C. c. France (76491/14 ; R.M. et autres c. France (33201/11) ; A.M. et autres c. France (24587/12)]
Dans le cadre de procédures d’éloignement, les requérants, familles avec enfants mineurs originaires de Russie, d’Arménie et de Roumanie, furent placés aux centres de rétention administrative de Toulouse-Cornebarrieu et de Metz-Queuleu.
En droit
Article 3 : Dans des affaires concernant le placement en rétention d’enfants étrangers mineurs accompagnés, la Cour a notamment conclu à la violation de l’article 3 en raison de la conjonction de trois facteurs : le bas âge des enfants, la durée de leur rétention et le caractère inadapté des locaux concernés à la présence d’enfants [1].
Concernant les conditions matérielles de rétention, les centres de Toulouse-Cornebarrieu et de Metz-Queuleu comptent parmi ceux « habilités » à recevoir des familles. Les autorités ont pris soin de séparer les familles des autres retenus, de leur fournir des chambres spécialement équipées et de mettre à leur disposition du matériel de puériculture adapté.
Cependant, pour ce qui est du centre de Toulouse-Cornebarrieu, il est construit en bordure immédiate des pistes de l’aéroport ; il est donc exposé à des nuisances sonores particulièrement importantes. Les enfants, pour lesquels des périodes de détente en plein air sont nécessaires, sont ainsi particulièrement soumis à ces bruits d’une intensité excessive.
En général, les contraintes inhérentes à un lieu privatif de liberté, particulièrement lourdes pour les jeunes enfants, ainsi que les conditions d’organisation des centres ont nécessairement eu un effet anxiogène sur les enfants des requérants. Notamment, ils ont subi en permanence les annonces délivrées par les haut-parleurs du centre. En outre, dans le centre de Metz-Queuleu, la cour intérieure de la zone famille n’est séparée de la zone « hommes » que par un grillage permettant de voir tout ce qui s’y passe.
Au-delà d’une brève période, la répétition et l’accumulation de ces agressions psychiques et émotionnelles ont nécessairement des conséquences néfastes sur un enfant en bas âge, dépassant le seuil de gravité requis pour tomber sous le coup de l’article 3. Dès lors, l’écoulement du temps revêt à cet égard une importance primordiale.
Cette brève période a été dépassée, s’agissant de la rétention, dans les conditions exposées ci-dessus, d’un enfant de quatre ans qui s’est prolongée pendant dix-huit jours (affaire A.B. et autres). De surcroît, celui-ci, ne pouvant être laissé seul, a dû assister avec ses parents à tous les entretiens que requérait leur situation, ainsi qu’aux différentes audiences judiciaires et administratives. Lors des déplacements, il a été amené à côtoyer des policiers armés en uniforme. Enfin, il a vécu la souffrance morale et psychique de ses parents dans un lieu d’enfermement ne lui permettant pas de prendre la distance indispensable.
La brève période susmentionnée a également été dépassée, s’agissant de la rétention :
- des enfants de deux ans et demi et de quatre mois, qui s’est prolongée pendant au moins sept jours (affaire A.M. et autres) ;
- d’un enfant de sept mois, qui s’est prolongée pendant au moins sept jours (affaire R.M. et autres) ;
- d’un enfant de deux ans, qui s’est prolongée pendant dix jours (affaire R.C. et V.C.) ;
- d’un enfant de quinze mois, qui s’est prolongée pendant au moins neuf jours (affaire R.K. et autres).
violation à l’égard des enfants des requérants (unanimité).
Article 5, § 1, f) : La présence en rétention d’un enfant accompagnant ses parents n’est conforme à cette disposition qu’à la condition que les autorités internes établissent qu’elles ont recouru à cette mesure ultime seulement après avoir vérifié concrètement qu’aucune autre moins attentatoire à la liberté ne pouvait être mise en œuvre.
a) Affaires A.B. et autres, R.M. et autres et R.K. et autres : Des mesures alternatives au placement en rétention des familles n’ont pas été recherchées.
Conclusion : violation à l’égard des enfants des requérants (unanimité).
b) Affaire A.M. et autres : La possibilité de recourir à une mesure moins coercitive fut écartée par le préfet en raison du refus de la requérante de se mettre en relation avec le service de la police aux frontières afin d’organiser son départ, de l’absence de document d’identité et de caractère précaire de son logement.
c) Affaire R.C. et V.C. : La possibilité de recourir à une mesure moins coercitive fut écartée par le préfet en raison de la condamnation pénale de la requérante pour des faits graves, de sa volonté affichée de ne pas retourner dans son pays d’origine et de son absence d’adresse connue.
Les autorités internes ont donc recherché de façon effective si le placement en rétention administrative des familles était une mesure de dernier ressort à laquelle aucune autre moins coercitive ne pouvait se substituer.
Conclusion : non-violation (unanimité).
La Cour conclut également à la non-violation de l’article 3 de la Convention dans l’éventualité du renvoi des requérants vers la Russie (affaires R.M. et autres et R.K. et autres).
La Cour constate aussi une violation de l’article 5, § 4 à l’égard des enfants des requérants (affaires A.B. et autres, R.M. et autres et R.K. et autres) et une violation de l’article 8 pour l’ensemble des requérants (affaires A.B. et autres et R.K. et autres).
En revanche, la Cour constate une non-violation de l’article 5, § 4 à l’égard des enfants des requérants et une non-violation de l’article 8 pour l’ensemble des requérants (affaires A.M. et autres et R.C. et V.C.).
La CEDH et la pratique française de rétention des mineurs étrangers : l’impossibilité pratique plutôt que l’interdiction de principe ? Rétention des enfants (Art. 3, 5 et 8 CEDH)
5 La Cour européenne des droits de l’Homme a, par cinq arrêts rendus le 12 juillet 2016, condamné la France pour traitements inhumains et dégradants, violation du droit à la liberté et à la sûreté et violation du droit à une vie familiale normale pour sa gestion des mineurs étrangers accompagnants leurs parents en centre de rétention. Mais la portée symbolique de ces arrêts, et leur caractère infamant pour les autorités nationales, ne doit pas dissimuler le fait que la Cour se refuse à consacrer une interdiction de principe de cette pratique. Toutefois, la juridiction strasbourgeoise cherche tout de même à durcir globalement les conditions qu’elles imposent aux États pour que ces derniers soient autorisés à y recourir.
6 1. Par cinq arrêts en date du 12 juillet 2016 [2], la Cour européenne des droits de l’Homme vient, quatre ans après une première condamnation [3], infliger un nouveau désaveu cinglant à la politique française de rétention des mineurs étrangers accompagnant leur famille en centre de rétention [4]. Et ce d’autant plus que la fin de la rétention des mineurs était une promesse de campagne du président de la République [5]. La France se voit ainsi condamnée au titre de l’article 3 qui prohibe les traitements inhumains et dégradants (dans les cinq arrêts), de l’article 5 qui proclame le droit à la liberté et à la sûreté (dans quatre d’entre eux) et de l’article 8 qui consacre le droit à une vie familiale normale (dans trois des cinq décisions).
7 Pourtant, le principe même de la rétention n’est pas interdit, la Cour semblant plutôt opter pour une stratégie visant à dresser un maximum d’obstacles dans le but de dissuader les autorités nationales de recourir à une telle pratique. Dès lors, elle opte pour une démarche casuistique qui nécessite de retracer précisément les différentes procédures dont les requérants ont fait l’objet dans ces cinq affaires ; notamment les traitements juridictionnels internes qui vont conditionner les solutions auxquelles parvient la Cour.
8 2. Les requêtes, introduites entre novembre 2011 et décembre 2014 concernaient toutes la rétention, dans l’attente d’un éloignement ou d’une réadmission (à la suite du refus d’une demande d’asile déposée en France), de mineurs étrangers accompagnant leurs parents.
9 3. - Dans la première affaire R.M. c. France (§§ 14 à 25) : Les requérants, ressortissants russes d’origine tchétchène, arrivent en France en 2008 et ont un enfant en 2010. Ils firent l’objet, d’un refus de séjour assorti d’une OQTF en 2011. Interpellés le 23 mai de la même année, les requérants, dont le mineur furent placés en CRA. Ils déposèrent alors une demande de mesures provisoires devant la CEDH [6] qui indiqua deux jours plus tard au Gouvernement français qu’il était souhaitable que celui-ci n’expulse pas les requérants pour la durée de la procédure devant la Cour. Finalement, la rétention dura au moins une semaine.
10 4. - Dans la seconde affaire A.B. c. France (§§ 6 à 18), les requérants, Arméniens, arrivent en France en 2009 et font, l’objet d’un refus de séjour assortie d’une OQTF en 2011.
11 Placés en rétention en février 2012, ils contestèrent la légalité de cet arrêté de placement et introduisirent parallèlement un référé-suspension. Le tribunal administratif de Toulouse rejeta tant la requête en référé [7] que la requête en annulation [8]. Saisi d’une demande de prolongation de la rétention par le préfet, le JLD, suivi en cela par la Cour d’appel de Toulouse, rejeta le moyen fondé sur l’incompatibilité des conditions de rétention avec la présence d’un enfant mineur.
12 Selon eux, « il n’appartient pas à l’autorité judiciaire d’interférer dans la gestion des centres de rétention administrative ». En mars 2012, après avoir échoué à obtenir de la CEDH la suspension de la mesure de placement [9], les requérants furent libérés, mais seulement après qu’ils eurent accepté la procédure de retour volontaire en Arménie [10]. Finalement, par deux arrêts du 15 novembre 2012, la CAA de Bordeaux annula les décisions de placement au motif que le juge de première instance n’avait pas recherché, « au regard de la présence de l’enfant, si une mesure moins coercitive que la rétention était possible pour la durée nécessairement brève de la procédure d’éloignement ».
13 5. - Dans la troisième affaire, A.M. c. France (§§ 6 à 20), il s’agissait d’une requérante d’origine tchétchène, mère d’une première fille à son arrivée en France en octobre 2011, puis d’une deuxième deux mois plus tard. Elle déposa une demande d’asile et bénéficia d’abord d’un hébergement d’urgence. En janvier 2012, elle fit l’objet, en application du règlement « Dublin II », d’un arrêté préfectoral de réadmission vers la Pologne. Après rejet de sa demande d’annulation, elle fut interpellée avec ses filles et placée en rétention le 18 avril 2012. Le 20, le tribunal administratif de Nancy refusa d’annuler le placement en rétention [11]. Le lendemain, le JLD, suivi par le président de la Cour d’appel de Metz, autorisa la prolongation préfectorale de la rétention pour une durée de 20 jours [12]. Le 24 avril, la requérante introduisit et obtint une demande de suspension de la décision de placement par la Cour européenne qui indiqua au gouvernement français qu’il était souhaitable de trouver une alternative à la rétention. Le préfet s’exécuta en assignant la requérante à résidence. Finalement, elle quitta le CRA le lendemain.
14 6. - La quatrième affaire R.K. c. France [13] (§§ 11 à 25) concerne également des ressortissants russes d’origine tchétchènes, arrivés en France en 2010 pour obtenir l’asile. Ils furent placés en rétention en vue de l’exécution d’une procédure de réadmission vers la Pologne finalement abandonnée [14] ce qui entraîna la remise en liberté de la famille. Le 28 septembre 2012, ils firent l’objet d’un refus de séjour assorti d’une OQTF dont la légalité fut confirmée en première instance, puis en appel. Leur enfant naquit en novembre 2013, alors que les requérants sollicitaient, sans succès, le réexamen de leur demande d’asile. Ils furent ensuite assignés à résidence entre le 12 mai et le 15 octobre 2014, date à laquelle ils furent conduit à l’aéroport, mais refusèrent d’embarquer. Considérant ce refus comme une volonté de se soustraire à l’éloignement, le préfet abrogea l’assignation à résidence dont ils faisaient jusqu’ici l’objet et ordonna le placement en rétention que le TA de Toulouse refusa d’annuler. Le 17 octobre, les requérants demandèrent à la CEDH la suspension de la mesure de placement. La Cour indiqua le lendemain qu’il était souhaitable de ne pas éloigner les requérants vers la Russie pour le temps de la procédure et précisa que cette décision était justifiée au regard de la jurisprudence antérieure de la Cour ayant conduit à une première condamnation de la France. Le même jour, le JLD validait la prolongation préfectorale de la rétention pour une durée de 20 jours et refusait de se prononcer sur les conditions de rétention au nom de la séparation des pouvoirs. Sa compatibilité avec la CESDH ayant « nécessairement été abordée par le juge administratif ». Le premier Président de la Cour d’appel de Toulouse confirma cette décision le lendemain [15]. L’application de la mesure provisoire indiquée par la CEDH fut finalement mise en œuvre par le préfet quatre jours plus tard, qui abrogea le placement en rétention au profit d’une nouvelle assignation à résidence.
15 7. - La cinquième et dernière affaire R.C et V.C. c. France [16] (§§ 7 à 18) concernait une requérante arrivée en France en 2012 et placée en détention préventives relativement à diverses infractions pénales en octobre de la même année. Son enfant naquit au centre de détention deux mois plus tard. Elle fut condamnée en novembre 2014 à trois ans d’emprisonnement et à une peine d’interdiction du territoire français de 10 ans. Un mois plus tard, elle fit l’objet d’un arrêté de placement en rétention dont la légalité fut confirmée par le TA de Toulouse et son prolongement validé par le JLD et le premier président de la Cour d’appel de Toulouse [17]. La CEDH fut alors saisie d’une demande de suspension de l’arrêté de placement qu’elle accueillit en demandant au Gouvernement de prendre les mesures nécessaires « pour s’assurer que la détention de la requérante et de son enfant, si elle se poursuit, est compatible avec les critères posés dans l’arrêt Popov c. France ». En conséquence, le préfet mit fin par arrêté à la rétention de la requérante et l’assigna à résidence. Mais plutôt que de l’assigner dans sa famille à Marseille, elle fut installée dans un hôtel toulousain, puis, finalement, éloignée vers la Roumanie le 20 décembre 2014.
16 8. Au vu de la jurisprudence antérieure de la Cour et des mesures provisoires qu’elle avait été amenée à prononcer relativement à ces affaires, c’est peu dire que ces décisions étaient attendues, voire annoncées. Si certains arrêts (1ère et 4ème affaires) traitent également du risque de mauvais traitement « par ricochet » qu’ils pourraient subir dans leur pays d’origine si la mesure d’éloignement était mise à exécution, le présent commentaire se concentrera sur la question du placement en rétention des mineurs étrangers et de leurs familles au regard du mauvais traitement qu’il est susceptible d’infliger (1°), de l’atteinte au droit à la liberté, à la sûreté qu’il peut provoquer (2°) et de la perturbation du droit à mener une vie familiale normale qu’il entraine (3°).
1° Le cadre matériel de la rétention des mineurs
17 9. La juridiction strasbourgeoise commence par réaffirmer sa position de principe selon laquelle la rétention des mineurs accompagnés n’est pas en tant que telle inconventionnelle (A) avant de rehausser le niveau d’exigence nécessaire pour que les conditions de rétention d’un mineur ne soient pas constitutives d’un mauvais traitement (B).
A – Le refus de consacrer une interdiction de principe de la rétention des mineurs
18 10. Les requérants alléguaient de ce que les conditions de rétentions dans les CRA de Toulouse-Cornebarrieu (affaire 1, 2, 4 et 5) et de Metz-Queuleu (affaire 3), s’agissant spécifiquement de mineurs étrangers accompagnés, étaient constitutives d’un traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 3 CESDH [18]. Avant d’examiner le raisonnement de la Cour, il faut noter qu’elle a dû, dans la seconde affaire, écarter une exception d’irrecevabilité soulevée par le Gouvernement. La Cour considère que l’annulation de l’arrêté de placement par la juridiction administrative, si elle peut s’apparenter à un constat de violation des articles 5 et 8, ne reconnaît ni ne répare la violation de l’article 3.
19 11. Pour répondre au fond, la Cour commence par rappeler sa jurisprudence la plus classique selon laquelle la violation de l’article 3 implique que le traitement en cause dépasse un certain seuil de gravité dont l’appréciation s’effectue in concreto. Le rappel de cette position jurisprudentielle permet à la Cour de justifier, fût-ce implicitement, son refus de consacrer une interdiction de principe du placement en rétention de cette catégorie de mineurs. Elle rappelle à ce titre qu’elle a par le passé pu conclure à la conformité de ce type de rétention aux regards des exigences fondées sur l’article 3 CESDH [19]. On peut alors penser que ces cinq arrêts, tous rendu par la cinquième section, visent sans doute à mettre fin à la divergence jurisprudentielle qui semblait exister au sein de la Cour, la seconde section ayant pu paraître plus favorable à une interdiction de principe [20].
20 12. Une fois ce premier point réglé, la Cour rappelle la manière dont elle procède pour évaluer la conformité des conditions de rétention de ces mineurs au regard de l’article 3 CESDH. Or la Cour systématise ici pour la première fois les facteurs qu’elle entend prendre en compte pour apprécier si le traitement en question atteint le seuil de gravité emportant violation de l’article 3. La Cour précise qu’elle peut être amenée à conclure à la violation de l’article 3 « en raison de la conjonction de trois facteurs : le bas âge des enfants, la durée de leur rétention et le caractère inadapté des locaux concernés à la présence d’enfants » (respectivement § 70, § 109, § 46, § 66 et § 34) [21].
B – Le renforcement des exigences tenant aux conditions de rétentions des mineurs
21 13. C’est relativement au dernier facteur, tenant à l’adaptation des locaux à la présence d’enfants, que l’application par la Cour aux cas d’espèce fournit le plus d’enseignements. En effet ici, et à la différence de l’arrêt Popov, les conditions matérielles de rétention stricto sensu ne posaient pas de problème. Si la Cour ne s’estime toujours pas liée par l’« habilitation à recevoir des familles » (délivré en vertu d’un arrêté du 21 mai 2008 pris en application de l’article R. 553-3 du CESEDA [22]) et vérifie elle-même les conditions de détention, elle note que tant le CRA de Toulouse que celui de Metz sont adaptés à la présence d’enfants. Elle appuie cette conclusion sur la réunion de trois critères : la séparation des familles et des autres retenus, la fourniture d’équipements spéciaux au sein des chambres et la mise à disposition d’un matériel de puériculture adapté (resp. § 73, § 112, § 49, § 69, § 37).
22 14. Pour autant, la Cour ne conclut pas à la conventionnalité de la détention et c’est en cela qu’elle manifeste sa volonté d’empêcher, autant que possible, le recours par les autorités françaises à la rétention de ces mineurs et de leurs familles. S’agissant du centre de Toulouse-Cornebarrieu, c’est sa construction « en bordure immédiate des pistes de l’aéroport de Toulouse-Blagnac, est exposé à des nuisances sonores particulièrement importantes qui ont d’ailleurs conduit au classement du terrain en « zone inconstructible » » qui retient l’attention de la Cour. S’agissant du centre de Metz-Queuleu, c’est l’absence de véritable séparation « entre la cour intérieure de la zone famille et la zone « hommes » » à laquelle s’ajoute « l’environnement sonore relativement anxiogène » causé par « les appels diffusés toute la journée au moyen de haut-parleurs au volume sonore élevé » qui l’interpelle (resp. § 74, § 113, § 50, § 70, § 38).
23 15. Pour la Cour, ces éléments « bien que nécessairement sources importantes de stress et d’angoisse pour un enfant en bas âge » ne suffisent pas à eux seuls à atteindre le seuil de gravité emportant violation de l’article 3. Toutefois, elle se déclare convaincue « en revanche, qu’au-delà d’une brève période, la répétition et l’accumulation de ces agressions psychiques et émotionnelles ont nécessairement des conséquences néfastes sur un enfant en bas âge, dépassant le seuil de gravité » constitutif d’un mauvais traitement (resp. § 75, § 114, § 51, § 71, § 39). In fine, ces éléments particuliers viennent durcir « par ricochet » l’appréciation des deux autres critères. La Cour juge, dans ces conditions, excessive la détention qui dépasse une semaine s’agissant d’enfants âgés de 4 mois à 7 ans et conclut à la violation de l’article 3 dans les cinq décisions (resp. § 76, § 115, § 52, § 72, § 40).
24 16. Si l’on peut se réjouir de la solution retenue au fond, on peut également regretter le chemin emprunté pour y parvenir. La Cour donne en effet l’impression de préférer sanctionner ce type de rétention en retenant des éléments factuels accessoires plutôt que d’oser affirmer clairement une position de principe en faveur de son interdiction. En outre, le raisonnement complexe et casuistique auquel s’adonne la juridiction européenne ne favorise pas la lisibilité et la prévisibilité de sa jurisprudence.
2° Le cadre juridique de la rétention des mineurs
25 17. S’agissant de mineurs accompagnant leurs parents, le cadre juridique de la rétention est conventionnel si, et seulement si, les autorités nationales ont préalablement recherché des solutions alternatives pour la famille (A) et que les recours ouverts contre la rétention des parents permettent un d’assurer « par ricochet » un recours effectif contre la rétention des enfants (B).
A – La réaffirmation de l’obligation de rechercher des mesures alternatives à la rétention des mineurs accompagnés
26 18. La Cour rappelle ici sa position selon laquelle « pour qu’une détention se concilie avec l’article 5, § 1, f) de la Convention, il suffit qu’une procédure d’expulsion soit en cours et que celle-ci soit effectuée aux fins de son application ». La Cour n’entend donc pas, en principe, contrôler la conformité de la mesure d’expulsion au regard du droit interne ou son caractère proportionné au but poursuivi. Toutefois, elle entend prendre en compte la situation particulière de la personne retenue. Dès lors, par exception, s’agissant d’un enfant, la privation de liberté « doit être nécessaire pour atteindre le but poursuivi, à savoir pour assurer l’expulsion de la famille » (§ 83, § 120, § 64, § 82, § 52). La Cour réaffirme ainsi clairement que la rétention n’est conventionnelle « qu’à la condition que les autorités internes établissent qu’elles ont recouru à cette mesure ultime seulement après avoir vérifié concrètement qu’aucune autre moins attentatoire à la liberté ne pouvait être mise en œuvre » (§ 86, § 123, § 67, § 85, § 55).
27 19. Appliquant ce principe aux espèces, la Cour conclut à la violation de l’article 5, § 1 dans trois cas sur cinq. Dans la première affaire, la France est condamnée pour ne pas avoir recherché de solution alternative (§ 87). Elle conclut à l’identique dans la seconde affaire en soulignant que, « tout en ayant égard aux motifs figurant dans la décision préfectorale de placement en rétention », la Cour estime « ne pas avoir d’éléments suffisants pour se persuader que les autorités internes ont effectivement recherché si le placement en rétention administrative de la famille était une mesure de dernier ressort à laquelle aucune alternative ne pouvait se substituer » (§ 124). Il en va de même dans la quatrième affaire, la Cour juge d’ailleurs qu’en l’espèce, le refus des requérants d’embarquer pour la Russie, n’est pas, à elle seule, suffisante pour « caractériser un risque de fuite tel que le placement en rétention s’imposait », et ce d’autant qu’ils avaient jusqu’ici respecté scrupuleusement leur mesure d’assignation à résidence. Elle conclut donc à la violation de l’article 5, § 1 (§ 86). A contrario, dans les troisième et cinquième affaires, la Cour juge établie cette recherche infructueuse de mesures alternatives eu égard à la motivation des arrêtés préfectoraux qui justifient le placement par la conjonction de plusieurs facteurs, « dont le refus de la première requérante de se mettre en relation avec le service de la police aux frontières afin d’organiser son départ, l’absence de document d’identité et le caractère précaire de son logement », dans la troisième affaire (§ 68), et « la condamnation pénale de la requérante pour des faits graves, sa volonté affichée de ne pas retourner dans son pays d’origine et son absence d’adresse connue » dans la cinquième (§ 56). En conséquence, dans ces deux affaires, la Cour estime que les autorités internes ont bien, au vu des circonstances, « recherché de façon effective si le placement en rétention administrative de la famille était une mesure de dernier ressort à laquelle aucune autre moins coercitive ne pouvait se substituer ».
28 20. En concluant à la violation de l’article 5, § 1 dans trois des cinq affaires, la Cour confirme que la mise en œuvre de mesures alternatives à la rétention (à savoir l’assignation à résidence sous surveillance électronique [23]) est bien une obligation de moyens. Mais pour s’assurer de son respect, la Cour semble se borner à vérifier l’existence d’une motivation suffisante de l’arrêté préfectoral.
B – L’assouplissement de l’obligation d’assurer le droit au recours des mineurs accompagnés
29 21. Le droit français prévoit deux types de contrôle juridictionnel du placement en rétention des étrangers faisant l’objet d’une mesure d’éloignement. L’arrêté préfectoral de placement, d’une durée maximum de cinq jours, peut-être contestée devant le juge administratif [24]. Au-delà, le JLD peut, sur saisine du préfet, prolonger, par deux fois, cette rétention pour une durée de vingt jours [25]. Mais il interdit dans le même temps l’éloignement forcé des mineurs [26]. Par conséquent, ces derniers ne sont « accueillis » en CRA qu’en qualité d’« accompagnants » de leurs parents qui eux font l’objet d’une mesure d’expulsion. Se pose dès lors la question des voies de recours ouvertes contre la rétention des mineurs étrangers accompagnés. Dans l’arrêt Popov, cette situation avait conduit la Cour à conclure à une violation du droit au recours prévu par l’article 5, § 4 de la CESDH. Selon elle, le droit français conduisait à ce que « les enfants « accompagnant » leurs parents tombent dans un vide juridique ne leur permettant pas d’exercer le recours garanti à leurs parents. En effet, les enfants n’ont pas, en l’espèce, fait l’objet d’un arrêté préfectoral prévoyant leur expulsion que ceux-ci auraient pu contester devant les juridictions. De même, ils n’ont pas non plus fait l’objet d’un arrêté prévoyant leur placement en rétention administrative et le JLD n’a ainsi pas pu se prononcer sur la légalité de leur présence au centre de rétention administrative » (§ 124). La Cour semblait condamner le principe même de ce « vide juridique ». Mais dans les cinq décisions commentées, la Cour semble dorénavant s’en accommoder plus facilement et acter une évolution des jurisprudences internes en la matière. La Cour semble sensible à l’argument du Gouvernement selon lequel, les voies de recours qui s’offraient aux parents permettaient nécessairement aux juges internes de s’assurer « par ricochet » de la conventionnalité de la situation de l’enfant. Elle l’admet, mais seulement si ce recours parental par ricochet rempli deux conditions cumulatives. Les juges internes doivent d’abord prendre en compte la situation particulière de l’enfant pour apprécier la conventionnalité de sa rétention. Ils doivent ensuite contrôler le respect par le Gouvernement de son obligation de rechercher des mesures alternatives à la rétention. Dès lors, et en attendant l’entrée en vigueur de la loi du 7 mars 2016, la Cour valide le fait que la base légale de la rétention des mineurs réside dans le « consentement » des parents qui apparaît pourtant fortement contraint.
30 Les enfants n’ont donc pas à faire l’objet d’une mesure de police administrative spécifique et motivée, alors même qu’il s’agit d’une privation de liberté.
31 22. Dans les deux premières affaires, la Cour juge que les deux conditions manquent et conclut en conséquence à la violation de l’article 5, § 4 (resp. § 91 et §§ 136-137). Dans la quatrième affaire, une seule des deux conditions cumulatives est remplie. Si les juges ont bien pris en compte la situation du mineur, ils n’ont pas vérifié que le préfet a bien cherché à mettre en œuvre des mesures alternatives et n’ont donc pas, aux yeux de la Cour, garanti un recours effectif au mineur (§ 94). Par contre dans les troisième et cinquième affaires, elle estime que les juges internes ont bien pris en compte ces deux conditions et conclut au respect du droit au recours.
32 La diversité des solutions retenues indique donc que la juridiction strasbourgeoise, si elle prend acte d’une évolution de la jurisprudence interne, entend montrer la voie à suivre pour que cette dernière permette véritablement d’assurer ce qu’elle considère être un droit au recours effectif du mineur étranger qui suit ses parents en rétention. Ce faisant, la Cour épargne sans doute au législateur français une modification des textes en vigueur alors qu’elle semblait pourtant en déplorer les lacunes en 2012. C’est donc au juge, et non au législateur, d’assurer lui-même le droit au recours de ces mineurs dans le cadre des procédures déjà ouvertes contre le placement en rétention des parents.
3° Le cadre familial du mineur en rétention
33 23. La Cour offre dans ces cinq arrêts une grille de lecture formalisée de la proportionnalité du placement en rétention au regard de la perturbation qu’il entraîne dans le droit du mineur à mener une vie familiale normale (A) et en fait une première application (B).
A – La formalisation des conditions d’une rétention proportionnée à l’intérêt supérieur de l’enfant
34 24. L’apport majeur de l’arrêt Popov venait de sa reconnaissance de ce qu’un mineur, même accompagné, voyait sa vie familiale bouleversée par un placement en rétention [27]. La CEDH affirmait à l’occasion que « l’intérêt supérieur de l’enfant ne peut se limiter à maintenir l’unité familiale, mais que les autorités doivent mettre en œuvre tous les moyens nécessaires afin de limiter autant que faire se peut la détention de familles accompagnées d’enfants et préserver effectivement le droit à une vie familiale » (§ 147). Dès lors, la rétention de la famille s’analyse nécessairement pour un mineur comme une ingérence dans son droit à mener une vie familiale normale. Reste à savoir si celle-ci est prévue, poursuit un but légitime et lui est proportionnée.
35 La juridiction strasbourgeoise considère la première condition pourvue par l’article L. 554-1 du CESEDA et assimile la situation des mineurs à celle de leurs parents. Concernant la seconde condition, la Cour réaffirme que la lutte contre l’immigration clandestine constitue à ses yeux un « but légitime ». Mais c’est bien évidemment la dernière condition qui fait l’objet de toute son attention [28]. Elle qui rappelle à cet égard que « lorsqu’il s’agit de familles, les autorités doivent, dans leur évaluation de la proportionnalité, tenir compte de l’intérêt supérieur de l’enfant » (§ 151, § 92, § 112, § 78). La notion d’intérêt de l’enfant est ainsi intégrée comme composante du droit au respect d’une vie familiale normale [29]. La Cour synthétise alors, en se fondant sur l’arrêt Popov, les conditions que doit remplir une mesure de rétention pour que, compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant, l’ingérence dans la vie familiale soit proportionnée au but poursuivi. Il s’agit du risque particulier de fuite nécessitant la détention, de la recherche d’alternative à la détention et de la mise en œuvre rapide de la mesure d’expulsion pour limiter le temps d’enfermement [30].
B – Le contrôle des conditions d’une rétention proportionnée à l’intérêt supérieur de l’enfant
36 25. Son appréciation varie alors en fonction des espèces. Dans les deuxième et quatrième affaires, ce sont l’ensemble des conditions précitées qui font défaut selon la Cour, qui conclut donc à la violation de l’article 8. Dans l’arrêt A.B, s’agissant des deux premières conditions tenant au risque de fuite et à la recherche d’alternative, le juge européen s’appuie sur la décision du juge administratif ayant annulé l’arrêté préfectoral dont la motivation fondait pourtant la défense du Gouvernement. Quant à l’exigence de célérité, elle est insatisfaite car « les requérants furent maintenus en rétention pendant dix-huit jours sans qu’aucun vol ne soit organisé et sans que des laissez-passer consulaires ne soient obtenus » (§ 155). Dans l’arrêt R.K., la Cour précise que le refus d’embarquer ne suffit pas à caractériser le risque de fuite, car « l’absence de volonté des requérants d’être expulsés du territoire français » ne suffit pas à établir à lui seul « leur volonté de se soustraire aux autorités » et des mesures alternatives auraient donc dû être recherchée (§ 115) [31]. En outre, pour juger du non-respect de la dernière condition, la CEDH se fonde sur le fait que les autorités n’ont remis en liberté les requérants que quatre jours après que, saisie d’une demande de mesures provisoires, elle eut elle-même indiqué son « souhait » que ne soient pas éloignés les requérants (§ 116). Dans les troisième et cinquième affaires au contraire, les conditions lui apparaissent toutes réunies. La Cour « estime ne pas pouvoir remettre en cause l’appréciation portée par les autorités nationales » sur les deux premières conditions (resp. § 95 et § 81). Dans l’affaire R.C., elle s’appuie notamment sur l’arrêt de la Cour d’appel de Toulouse ayant confirmé qu’il s’agissait de la seule mesure à même de prévenir le risque de fuite. Elle estime qu’elles ont toutes deux satisfait à l’exigence de célérité, en prévoyant, dans l’affaire A.M., un vol pour le lendemain de la détention, dans lequel la requérante a refusé d’embarquer (la durée lui est donc imputable) et, dans l’affaire R.C. en sollicitant, dès le lendemain, un laissez-passer consulaire (la durée est donc imputable aux autorités roumaines qui n’ont pas souhaité intervenir dans la procédure). Le juge strasbourgeois conclut donc au respect de l’article 8 dans les deux cas.
37 Dès lors, on ne sait si ces exigences, dont la formalisation constitue un des apports de ces arrêts, sont alternatives ou cumulatives pour que soit proportionnée l’ingérence dans la vie familiale normale que constitue la rétention.
38 26. Malgré quelques hésitations, il apparaît que globalement, et à défaut d’une interdiction de principe, la Cour tente bien de durcir les conditions du recours national à la rétention des mineurs étrangers accompagnés, conçue comme une mesure exceptionnelle, de dernier ressort.
39 C’est implicitement, mais clairement, la politique française de recours systématique à la rétention qui est visée et fait ici l’objet du courroux strasbourgeois. On peut considérer cette jurisprudence comme reflétant une stratégie visant à contraindre la France de se doter des moyens de sa politique [32], plutôt que de lui intimer frontalement d’en changer. La juridiction vise l’impossibilité pratique plutôt que l’interdiction juridique du placement en rétention des mineurs accompagnés [33]. Suivant cette dernière option, elle s’engagerait dans un rapport de force qu’elle peut considérer comme lui étant défavorable. Surtout, la Cour parvient tout de même à assurer un retentissement important à ces cinq arrêts qui condamnent tous la France sur le fondement infamant d’une violation de l’article 3 [34]. Néanmoins, le choix d’une telle stratégie contraint, en retour, le juge strasbourgeois à s’exposer à la critique des défenseurs des droits de l’Homme. L’arrêt Popov avait en effet pu être perçu, par certains d’entre eux, à la fois comme « un répit et une étape » [35]. Dès lors, ces arrêts apporteront sans doute, compte tenu de leur portée symbolique, un nouveau répit. Mais il est plus difficile d’y voir une nouvelle étape vers la disparition pure et simple du recours à la rétention des mineurs étrangers, puisque ces cinq arrêts paraissent, in fine, compenser de discrets reculs par de timides avancées.
40 27. Cour EDH, 5e section, 12 juillet 2016, R.M. et autres c. France, Req. n°33201/11
41 28. Cour EDH, 5e section, 12 juillet 2016, A.B. et autres c. France, Req. n° 11593/12
42 29. Cour EDH, 5e section, 12 juillet 2016, A.M. c. France, Req. n° 56324/13
43 30. Cour EDH, 5e section, 12 juillet 2016, R.K. et autres c. France, Req. n° 68264/14
44 31. Cour EDH, 5e section, 12 juillet 2016, R.C. et V.C. c. France, Req. n°76491/14
Notes
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[1]
Muskhadzhiyeva et autres c. Belgique, 41442/07, 19 janvier 2010 (JDJ n° 292, février 2010, pp. 51 et s., comm. F. Cogulet) ; Popov c. France, 39472/07, 19 janvier 2012 (JDJ n° 312, février 2012, pp. 37 et s., comm. J.-L. Rongé).
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[*]
ATER de droit public (Université Paris Ouest Nanterre la Défense) et doctorant au CREDOF. Article publié dans La Revue des droits de l’homme [En ligne], Actualités Droits-Libertés, mis en ligne le 29 août 2016, consulté le 31 août 2016. URL : http://revdh.revues.org/2513
-
[2]
Merci à Elsa B., Benjamin F. et Serge S. pour leur aide précieuse. L’auteur demeure seul responsable des erreurs, omissions et opinions exprimées ici.
-
[3]
CEDH, 5ème section, 19 janvier 2012, Popov c. France, Req. n° 39472/07 et 39474/07. Voir : Nicolas Hervieu, « Confirmations, novations, et incertitudes conventionnelles sur la détention de famille d’étrangers accompagnés d’enfants », in Lettres « Actualités Droits-Libertés » du Credof, 22 janvier 2012 et Serge Slama, « Rétention des enfants étrangers : Un désaveu cinglant pour les juridictions françaises », in Recueil Dalloz, n°13, 2012, p. 864 et « Voici venu le temps d’en finir avec la rétention arbitraire des enfants (à propos de l’arrêt Popov) », in AJ Pénal, n°5, 2012, pp. 281-285, Marie-Françoise Valette, « La fin du placement en rétention administrative des familles accompagnées d’enfant ? », in LPA, n°43, 29 février 2012, p. 5.
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[4]
La Cour utilise plutôt l’expression d’étranger mineur accompagné, mais il apparaît préférable de mentionner les mineurs étrangers accompagnés, conformément même à la jurisprudence de la Cour qui juge que : « la situation d’extrême vulnérabilité de l’enfant est déterminante et prédomine sur la qualité d’étranger en séjour illégal ». CEDH, 1ère sect., 12 octobre 2006, Mubilanzila Mayeka et Kaniki Mitunga c. Belgique, Req. n°13178/03, § 55 (s’agissant d’un mineur étranger isolé cette fois).
-
[5]
Voir à ce sujet, la lettre adressée par le candidat François Hollande à certaines associations de défense des droits de l’Homme en date du 20 février 2012 dans laquelle il manifeste sa volonté « de mettre fin dès mai 2012 à la rétention des enfants, et donc des familles avec enfants ».
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[6]
En vertu de l’article 39 du règlement de la Cour : « La chambre ou, le cas échéant, le président de la section ou un juge de permanence désigné conformément au paragraphe 4 du présent article peuvent, soit à la demande d’une partie ou de toute autre personne intéressée, soit d’office, indiquer aux parties toute mesure provisoire qu’ils estiment devoir être adoptée dans l’intérêt des parties ou du bon déroulement de la procédure ».
-
[7]
Au motif que le placement en rétention n’entre pas dans le cadre du référé-suspension et fait l’objet d’une procédure spécifique.
-
[8]
Le juge administratif conclut à l’absence d’erreur manifeste d’appréciation quant au risque que les requérants se soustraient à la mesure d’éloignement dont ils faisaient l’objet et rejette, comme inopérant, le moyen fondé sur l’intérêt supérieur de l’enfant.
-
[9]
Voir à ce sujet : Nicolas Hervieu et Serge Slama, « Enfants en rétention : une tragédie franco-européenne en quatre actes », in Combats pour les droits de l’Homme (CPDH), [En ligne], publié le 6 mars 2012, consulté le 18 juillet 2016.
-
[10]
Ils demeurèrent toutefois sur le territoire français en raison de l’état de santé du mineur.
-
[11]
Il réfutait l’atteinte à une vie familiale normale au motif que « le préfet n’a pas commis d’erreur d’appréciation en estimant que la requérante ne présentait pas de garanties de représentation suffisantes justifiant son assignation à résidence au lieu d’un placement en rétention, nonobstant le fait qu’elle ait deux enfants en bas âge ». Pour réfuter le mauvais traitement, il relevait que le centre était habilité à recevoir des familles et considère que la requérante, par son refus d’embarquer, a elle-même allongée la durée de la rétention.
-
[12]
Au motif que le prochain éloignement était organisé, que le centre était habilité à recevoir des familles, et que la requérante, faute de pièce d’identité, n’offrait pas de garantie de représentation suffisante.
-
[13]
Cette requête a fait l’objet d’une tierce intervention de la part du Défenseur des droits matérialisée par la décision MDE 2015-035 du 16 février 2015.
-
[14]
En raison de l’état psychiatrique de la requérante.
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[15]
Il allait jusqu’à considérer que, « par la rétention critiquée, le mineur n’a été soumis à aucune torture ou traitement dégradant ; au regard de l’infraction commise par son père, il a été au contraire protégé, sa vie privée et familiale a été respectée et enfin sa sûreté et sa liberté ont été assurés ».
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[16]
Au sujet de laquelle des observations avaient été émises par plusieurs associations de défense des droits des étrangers (GISTI, ADDE, LDH) en vertu de l’article 36, § 2 de la Convention.
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[17]
Il considérait que l’assignation à résidence et le placement sous surveillance électronique « ne permettrait pas d’empêcher le risque de fuite, ni de garantir sa présence à tous les actes de la procédure, alors dans ce cas précis, ces mesures, quelles qu’en soient leurs modalités, ne présentent pas un degré de coercition suffisant pour atteindre ces finalités ».
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[18]
Les requérants s’étaient concentrés sur le mauvais traitement du mineur, puisque dans l’arrêt Popov la Cour avait jugé que si, pour les parents, le fait d’être retenu « avec leurs enfants dans un centre collectif a pu créer un sentiment d’impuissance et causer angoisse et frustration », néanmoins, « le fait qu’ils n’étaient pas séparés d’eux durant la période de rétention a dû apaiser quelque peu ce sentiment » (§ 105). Une telle position est à l’origine de l’opinion partiellement dissidente de la juge Power-Forde qui accompagne l’arrêt Popov.
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[19]
La Cour mentionne deux décisions : CEDH, 1ère sect., 12 octobre 2006, Mubilanzila Mayeka et Kaniki Mitunga c. Belgique, Req. n°13178/03 et CEDH, Rahimi c. Grèce, n° 8687/08, 5 avril 2011. Voir : Nicolas Hervieu, « Obligations conventionnelles de protection des mineurs migrants non accompagnés », in Lettres « Actualités Droits-Libertés » du Credof, 6 avril 2011.
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[20]
Cour EDH, 2e Sect. 13 décembre 2011, Kanagaratnam c. Belgique, Req. n° 15297/09. Voir : Nicolas Hervieu, « Cour européenne des droits de l’Homme : Arrêts et décisions signalés en bref », in Lettres « Actualités Droits-Libertés du Credof, 27 décembre 2011 et surtout Nicolas Hervieu, « Confirmations, novations, et incertitudes… », op. cit.
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[21]
Déjà, les observateurs les plus avisés distinguaient les critères personnel (tenant à l’âge), temporel (tenant à la durée de la rétention) et matériel (tenant à l’adaptation des locaux à la présence d’enfants). Voir encore : Nicolas Hervieu, « Confirmations, novations, et incertitudes… », op. cit.
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[22]
Article 2 de l’arrêté du 21 mai 2008 pris en application de l’article R. 553-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, remplacé par l’article 2 de l’arrêté du 27 juillet 2009 pris en application de l’article R. 553-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.
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[23]
Au moment de la publication de la circulaire du 6 juillet 2012, le ministère de l’Intérieur précisait dans un communiqué de presse que l’assignation est « moins coercitive, plus humaine et respectueuse de l’intérêt supérieur de l’enfant » que la rétention. Voir Michel Henry, « Rétention des enfants, l’exception », Libération, [En ligne], publié le 6 juillet 2012, consulté le 18 juillet 2016. Pour les défenseurs des droits de l’Homme, le passage de la cathode rétensive à l’anode assignative constituera un progrès somme toute limité.
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[24]
Article L. 551-1 du CESEDA. Cette durée sera ramenée à 2 jours (la durée retenue antérieurement à la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité) par la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative aux droits des étrangers en France.
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[25]
Article L. 552-7 CESEDA. Cette durée sera ramenée, concernant la seconde prolongation seulement, à une durée de 15 jours par la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative aux droits des étrangers en France. On passe donc de 32 jours maximum de rétention avant 2011 à 45 après qui seront ramené à 37 en novembre 2016. Ainsi, le partage des compétences semble clair : « le juge administratif - seul compétent pour prononcer « l’annulation ou la réformation des décisions prises, dans l’exercice des prérogatives de puissance publique, par les autorités exerçant le pouvoir exécutif [ou] leurs agents » - connaît des recours en annulation dirigés contre les décisions de maintien en rétention et de placement en zone d’attente, tandis que le juge judiciaire - « gardien de la liberté individuelle » - contrôle la durée, les conditions et les modalités de la rétention administrative et du maintien en zone d’attente ». Mais dans les faits, cette situation ne va pas sans poser problème. Voir : François Julien-Laferrière, « La délimitation des compétences de la juridiction administrative et de la juridiction judiciaire en matière de rétention administrative et de maintien en zone d’attente », Revue critique de droit international privé, 2002, pp. 255 et s’agissant seulement des zones d’attentes dont le régime est très proche : Christophe Pouly, « Le juge des libertés, une garantie de façade », Plein droit, n° 94, octobre 2012, pp. 40-43.
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[26]
L’article L. 511-4, 1° du CESEDA prévoit que l’OQTF ne peut pas concerner le mineur étranger.
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[27]
Il opérait un revirement jurisprudentiel par rapport à l’arrêt Muskhadzhiyeva qui considérait que s’agissant des mineurs accompagnés de leurs parents, la rétention ne pose pas de « problème de réunification familiale ». CEDH, 2e Sect. 19 janvier 2010, Muskhadzhiyeva et autres c. Belgique, Req. n ° 41442/07, § 98. Voir Nicolas Hervieux, « Détention d’enfants accompagnés de leurs mères au titre de l’irrégularité de leur séjour », in Lettres « Actualités Droits-Libertés » du CREDOF du 20 janvier 2010.
Dans l’arrêt Popov, ce revirement est justifié au regard de « récents développements jurisprudentiels concernant l’« intérêt supérieur de l’enfant » dans le contexte de la rétention de mineurs migrants » (§ 147). -
[28]
Sauf dans la première affaire pour laquelle la Cour considère que le grief est irrecevable, puisqu’il n’a pas été soulevé dans un délai de 6 mois suivant la fin de la rétention
(§§ 93-96). -
[29]
Thomas Dumortier, « L’intérêt de l’enfant : les ambivalences d’une notion
« protectrice » », in JDJ, n°329, 2013, pp. 13-20. -
[30]
Il est ici possible de distinguer à nouveau un critère personnel tenant au risque, un critère matériel relatif à la recherche d’alternatives à la rétention et un critère temporel lié à la célérité des autorités nationales pour organiser l’éloignement.
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[31]
Ce constat emporte inconventionnalité de la circulaire du 23 juillet 2012, puisque cette dernière prévoyait qu’« en cas de refus d’embarquement », les autorités administratives pouvaient « constater que la famille s’est volontairement soustraite à l’OQTF » et qu’en conséquence, il leur était possible « de procéder à la mise en rétention administrative selon les conditions de droit commun ».
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[32]
La Cour relève à plusieurs reprises que la France fait partie des rares pays européens qui recourt presque systématiquement à la rétention pour les mineurs migrants accompagnés (2ème affaire, Arrêt A.B. c. France, § 83, § 87). Selon un rapport publié en janvier 2016 par les associations présentes en CRA, le nombre de familles a plus que doublé en métropole entre 2014 et 2015, passant à 52 familles et 105 enfants comme le précise le rapport de la Cimade.
Et ce, sans compter la situation à Mayotte où certains mineurs isolés sont artificiellement rattachés à des majeurs afin de pouvoir les placer en détention et au sujets desquelles des instances sont actuellement en cours devant la CEDH. Voir : Camille Escuillé, « Un encadrement cosmétique du renvoi des mineurs étrangers arbitrairement rattachés à des adultes accompagnants », La Revue des droits de l’homme [En ligne], Actualités Droits-Libertés, mis en ligne le 27 février 2015, consulté le 21 juillet 2016. -
[33]
La France vient d’ailleurs d’asseoir un peu plus cette pratique avec la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative aux droits des étrangers en France. Son article 35 modifie la rédaction de l’article L 551-1 du CESEDA qui indiquera, au 1er novembre 2016 que le placement en rétention d’un mineur n’est en principe pas applicable sauf : « 1° S’il n’a pas respecté l’une des prescriptions d’une précédente mesure d’assignation à résidence. 2° Si, à l’occasion de la mise en œuvre de la mesure d’éloignement, il a pris la fuite ou opposé un refus. 3° Si, en considération de l’intérêt du mineur, le placement en rétention de l’étranger dans les quarante-huit heures précédant le départ programmé préserve l’intéressé et le mineur qui l’accompagne des contraintes liées aux nécessités de transfert ». Dans ces cas, « la durée du placement en rétention est la plus brève possible, eu égard au temps strictement nécessaire à l’organisation du départ » et « le placement en rétention d’un étranger accompagné d’un mineur n’est possible que dans un lieu de rétention administrative bénéficiant de chambres isolées et adaptées, spécifiquement destinées à l’accueil des familles ». La disposition énonce enfin que : « L’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale pour l’application du présent article ». Cette réforme peut donc être lue soit comme une tentative, de la part des autorités françaises, de se conformer au droit européen des droits de l’Homme.
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[34]
Le Défenseur des droits, dans un communiqué de presse daté du jour de ces décisions, indique : « qu’il doit être immédiatement mis fin à la rétention des enfants et que la loi du 7 mars 2016 - contraire à la Convention européenne des droits de l’Homme - doit être réformée sur ce point ».
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[35]
Claire Rodier, « L’arrêt Popov : un répit et une étape », Plein droit, n° 92, 2012, pp. 25-26.