Notes
-
[1]
Loi n° 2019-759 du 24 juillet 2019 portant création d’une taxe sur les services numériques et modification de la trajectoire de baisse de l’IS.
-
[2]
M. Leroy, « L’évasion … », op. cit., 2016.
-
[3]
Cf. OCDE, « Appliquer l’instrument multilatéral étape par étape », juin 2017.
-
[4]
Ce qui était sans doute une condition de sa réussite.
-
[5]
Algérie, Kenya, Liban, Oman, Swaziland, Thaïlande.
-
[6]
Autriche, Ile de Man, Israël, Jersey, Lituanie, Nouvelle-Zélande, Pologne, Royaume-Uni, Serbie, Slovénie, Suède.
-
[7]
Articles concrétisant les préconisations du Rapport final de l’OCDE de 2015 pour l’action 6 du plan BEPS.
-
[8]
Articles concrétisant les préconisations du Rapport final de l’OCDE de 2015 pour l’action 14 du Plan BEPS.
-
[9]
Sur les limites de l’arbitrage, cf. D. Gutmann, « Brèves réflexions sur les règles de l’arbitrage fiscal international post-BEPS, Revue européenne et internationale de droit fiscal, 2017, n° 4, p. 396-401.
-
[10]
J’ai proposé ce concept pour la première fois dans M. Leroy, « L’approche sociologique du contrôle fiscal », Revue Tunisienne de Fiscalité, n° 7, 2007, p. 23.
-
[11]
L. Ayrault, « La pénalisation de la lutte contre la fraude fiscale », REIDF, 2015, 1, p. 36-42.
-
[12]
Fraude fiscale aggravée, blanchiment, escroquerie à la TVA.
-
[13]
Conseil constitutionnel, décision CC n° 2010-72/75/82 du 10 décembre 2010 : l’affichage obligatoire ne respecte pas le principe de l’individualisation des peines et est donc contraire à la constitution.
-
[14]
La peine de prison encourue est toujours de 5 ans en cas de fraude simple ou aggravée.
-
[15]
Loi relative à la lutte contre la fraude et la grande délinquance économique et financière (suite de l’affaire Cahuzac).
-
[16]
Réduction de moitié des peines de prison encourues.
-
[17]
Exception prévue pour tenir compte de la décision du Conseil constitutionnel précitée. La décision d’inéligibilité est mentionnée au casier judiciaire. La durée des peines complémentaires est limitée à 5 ans (10 ans si elle vise, au moment des faits, un membre du gouvernement ou un élu).
-
[18]
Le nouvel article 228 C du LPF, issu de l’article 36 de la loi de 2018, dispose que l’action publique peut concerner sans nouvelle plainte ou dénonciation d’autres faits, impôts ou périodes. L’article 142 A du LPF, issu aussi de l’article 36 de la loi de 2018, délie les agents des impôts du secret professionnel envers le procureur.
-
[19]
Article 1732 du CGI.
-
[20]
Article 1728-1-c du CGI.
-
[21]
Article 1729 b du CGI.
-
[22]
Article 1729 c du CGI.
-
[23]
Article 1729-0-A du CGI.
-
[24]
Article 1758 du CGI : trafic de drogue, monnaie, armes, alcools, tabac, contrefaçons.
-
[25]
Avant la loi de 2018, la CIF était compétente, mais le contribuable n’était ni averti de sa saisine ni informé de l’avis en cas de risque de dépérissement des preuves.
-
[26]
En 2017, 4785 dossiers de la CIF avaient des droits supérieurs à 100 000 €.
-
[27]
TGI de Paris, 32ème chambre correctionnelle, jugement du 20 février 2019, n° 11055092033. HBS a interjeté appel de la décision
-
[28]
Cf. aussi CE n° 372282 du 17 janvier 2014, Commentaire L. Ayrault, Procédures, LexisNexis, mars 2014, n° 3.
-
[29]
Dont la participation à une fraude « carrousel » à la TVA intracommunautaire.
-
[30]
Avant l’adoption de la loi n° 2018-898 du 23/10/2018 relative à la lutte contre la fraude, seule l’absence de dépôt réitéré de la déclaration mensuelle de TVA était concernée. Désormais, pour les impôts visés, le texte retient 2 défaillances déclaratives au titre de la dernière période échue ou 1 défaillance sur les 2 dernières périodes échues.
-
[31]
Article 12 de la loi n° 2018-898 du 23/10/2018 (avant il était de 8 jours). Si le juge des référés ne statue pas, il est dessaisi au profit du tribunal administratif qui se prononce en urgence.
-
[32]
Décret 2010-1318 du 4 novembre 2010 portant création d’une brigade nationale de répression de la délinquance fiscale : ce décret instaure les officiers fiscaux judiciaires (OFJ) qui ont certaines prérogatives de police judiciaire.
-
[33]
Il existait déjà des officiers douaniers judiciaires qui demeurent, les OFJ renforçant ce service sous l’autorité d’un magistrat. Le parquet national financier pourra saisir ces agents pour expertiser les dossiers complexes.
-
[34]
Le dispositif d’affichage et de diffusion de la décision du juge pénal prévu à l’article 16 de la loi de 2018 est déjà une forme de name and shame (cf. Encadré 4).
-
[35]
Les pouvoirs d’investigation de l’administration, outre les innovations indiquées, comprennent notamment le droit de communication (art. L81 et s. du LPF), le droit d’enquête en matière de TVA (art. L80F à J du LPF), le droit de visite et de saisie (art. L 16B du LPF), les demandes d’information, d’éclaircissements et de justifications (art. L10 du LPF).
-
[36]
Cf. le détail précisé ci-dessus dans le cas de la levée du verrou de Bercy.
-
[37]
Dissimulation d’identité, de situation ou d’activité, obtention injustifiée d’un avantage fiscal, acte destiné à égarer l’administration.
-
[38]
On a vu aussi que la directive n° 2018/22 du 25 mai 2018 impose la déclaration des montages potentiellement agressifs par les intermédiaires.
-
[39]
Sur les obligations de ces acteurs de la fiscalité numérique, cf. l’article 242 bis du CGI. En cas de manquement, une amende de 5 % s’appliquera dans les conditions de l’article 1736 du CGI. Dans le sens du name and shame, l’article 55 du projet de loi de finances pour 2020 prévoit aussi une publication des plateformes en ligne qui ne coopèrent pas avec l’administration fiscale.
-
[40]
Notamment la possibilité de saisir le comité de l’abus de droit.
-
[41]
CE Ass. Plénière, 21 juillet 1989, n° 58871, Lalande.
-
[42]
CE du 27 septembre 2006, n° 260050, Société Janfin ; CE du 27 juillet 2009, n° 306998, Faillette. CE, Plénière, 21 juillet 1989, n° 59970, Benjador. Cass, com., 23 juin 2015, n° 13-19.486, Gihr-Chitarrini.
-
[43]
L’article 202 de la loi de finances n° 2018-1317 du 28 décembre 2019 a modifié l’article L64 du LPF en supprimant la charge de la preuve qui incombait à l’administration si elle ne suivait pas l’avis du comité de l’abus de droit.
-
[44]
Non négligeables : CE 17 juillet 2013, Sarl Garnier Choiseul Holding, n° 352989, Droit fiscal, 2013, n° 41, comm. 477, note F. Deboissy et G. Wicker.
-
[45]
Même si l’arrêt Halifax, CJCE du 21 février 2006, Affaire C-255/02, vise les montages dont le but essentiel est fiscal, d’autres décisions ont retenu les montages effectués à la seule fin d’obtenir un avantage fiscal.
-
[46]
Cette nouvelle procédure dite du « mini-abus de droit », basée sur le critère d’un montage « principalement » à but fiscal, est applicable en 2020 (la sanction pouvant être moins forte selon les cas), sachant que la définition classique de l’abus de droit (but exclusivement fiscal) subsiste..
-
[47]
La lutte contre la fraude est un objectif à valeur constitutionnelle : CC, Décision n° 99-424 DC du 29 décembre 1999, § 52, comme la lutte contre l’évasion : CC décision n° 2010-70 QPC du 26 novembre 2010, § 4.
-
[48]
En France, l’article 212-Ib du CGI vise ce type de montage : cf. D. Lecomte, « Optimisation fiscale versus optimisation budgétaire. L’exemple de l’article 212-Ib du CGI », REIDF, 2016, n° 4, p. 507-515.
-
[49]
Pour les entreprises soumises à l’IR, dépendantes ou contrôlant (directement ou par une autre entreprise ou un groupe) des entreprises hors de France, l’article 57 du CGI s’applique au transfert de bénéfices.
-
[50]
L’article 155 A du CGI prévoit que la personne qui rémunère des prestations rendues par des personnes hors de France est imposable sur le montant versé à 3 conditions alternatives : si les personnes domiciliées ou établies hors de France contrôlent directement ou indirectement la personne qui perçoit la rémunération des services ; si elles n’établissent pas que cette personne exerce, de manière prépondérante, une activité industrielle ou commerciale, autre que la prestation de services ; si, en tout état de cause, lorsque la personne qui perçoit la rémunération des services est domiciliée ou établie dans un État étranger ou un territoire situé hors de France où elle est soumise à un régime fiscal privilégié au sens mentionné à l’article 238A du CGI.
-
[51]
M. Leroy, « Le gouvernement européen par la rigueur budgétaire », Gestion et Finances Publiques, n° 4, juillet-août 2018, p. 22-31.
-
[52]
Cour des comptes, La DGFIP, Dix ans après la fusion Une transformation à accélérer, Rapport, juin 2018
-
[53]
M. Leroy, Le contrôle fiscal, Paris, L’Harmattan, 1993.
-
[54]
Indicateurs inclus dans les projets annuels de performance associés à chaque programme (article 51 de la Lolf) en annexe du projet de loi de finances puis, pour la réalisation, dans les rapports annuels de performances annexés à la loi de règlement.
-
[55]
Article 1729 du CGI : 40 % en cas de manquement délibéré et 80 % en cas de manœuvres frauduleuses.
-
[56]
Cf. aussi sur la priorité donnée au recouvrement : É. Théodore, La politique de lutte contre la déviance fiscale dans le contexte de crise, Thèse de doctorat, sous la direction de Marc Leroy, Université de Reims, 15 décembre 2017.
-
[57]
Une partie du rendement du contrôle fiscal résulte des données mises à jour par le Consortium international des journalistes d’investigation et par l’aviseur Falciani : par exemple, 243,5 M€ de droit et pénalités notifiés dans l’affaire Swissleaks impliquant la banque HSBC pour 2846 personnes physiques détenant des avoirs non déclarés en Suisse (cf. le rapport d’Émilie Cariou et de Pierre Cordier, Bilan de la lutte contre les montages transfrontaliers, Rapport n° 2252, Assemblée Nationale, 25 septembre 2019).
-
[58]
Article 47A-1 du LPF.
-
[59]
Article L13 du LPF : « Lorsque la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés, le contrôle porte sur l’ensemble des informations, données et traitements informatiques qui concourent directement ou indirectement à la formation des résultats comptables ou fiscaux et à l’élaboration des déclarations rendues obligatoires par le code général des impôts ainsi que sur la documentation relative aux analyses, à la programmation et à l’exécution des traitements ».
-
[60]
Ainsi, l’article 56 du projet de loi de finances (PLF) pour 2020 prévoit la mise en œuvre entre 2023 et 2025 d’une facturation électronique, entre entreprises, en matière de TVA qui permettra de collecter des informations en vue de la lutte contre la fraude fiscale. Afin de mieux détecter la fraude, l’article 57 du PLF pour 2020 propose d’expérimenter, sur une durée de 3 ans, la collecte et l’exploitation des données publiques sur les sites internet des réseaux sociaux et des opérateurs de plateformes : cette disposition a été discutée (avis du 30 septembre 2019) par la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) qui souligne les risques d’une atteinte à la protection des données personnelles et à la libre expression.
-
[61]
Sur ce point, à l’instar du contrôle formel et du contrôle sur pièces.
-
[62]
« Si le droit répressif perd du terrain, le droit restitutif, qui n’existait pas du tout à l’origine, ne fait que s’accroître », É. Durkheim, De la division du travail social, Paris, PUF, 1986 [1893], p. 182.
-
[63]
Selon Durkheim (ibid. p. 91) le droit restitutif exprime la coopération des sociétés modernes, c’est-à-dire dans les sociétés à solidarité organique (différenciation des individus dans des rôles sociaux complémentaires issue de la division du travail) : « Un système non moins défini qui comprend le droit domestique, le droit contractuel, le droit commercial, le droit des procédures, le droit administratif et le droit constitutionnel. Les relations qui y sont réglées (…) expriment un concours positif, une coopération qui dérive essentiellement de la division du travail ».
-
[64]
Le Monde du 17 février 2019, p. 8.
-
[65]
Le Monde du 11 mai 2019, p. 16.
-
[66]
Sur le contentieux : T. Lambert (dir.), Le contentieux fiscal en débats, Paris, LGDJ, 2014.
-
[67]
CE n° 95585 du 26 avril 1976.
-
[68]
CE n° 393754 du 16 novembre 2016, Société Oddo : le contribuable peut soulever au regard de cette demande un moyen nouveau lors du contentieux devant le juge, mais ne peut pas évoquer un autre impôt ou demander une décharge totale s’il avait demandé une décharge partielle dans la réclamation préalable.
-
[69]
Pour le montant des droits supérieurs à une certaine limite fixée par décret.
-
[70]
Dans le cadre du Pacte pour la croissance, la compétitivité et l’emploi du 6 novembre 2012 la relation de confiance avait été expérimentée en matière d’audit des entreprises (pour avis) par l’administration avec pour objectif la sécurité juridique.
-
[71]
L’intérêt de retard (art. 1727 du CGI) n’est pourtant pas une sanction mais répare le préjudice financier du Trésor.
-
[72]
À condition que la bonne foi soit retenue et que le contribuable dépose une déclaration complémentaire dans les 30 jours de la demande.
-
[73]
La relation de confiance est en œuvre depuis 2013 et concerne une trentaine d’entreprises.
-
[74]
Pour le cas de l’Italie, au regard des droits du contribuable, cf. C. Sacchetto, « Du respect des droits fondamentaux en matière de contrôle fiscal en Italie », Revue européenne et internationale de droit fiscal, 2018, n° 1, p. 77-82.
-
[75]
Dans le sens du droit coopératif des affaires, un « Comité des experts » créé en avril 2015 émet des avis sur les dossiers les plus complexes avec une composition indépendante de l’administration : le Président honoraire de la section des finances du Conseil d’État, 4 directeurs fiscaux d’entreprises, 1 secrétaire général de société, 2 professeurs d’université.
-
[76]
L’article L80 B du LPF institue une sécurité pour le contribuable dans le cas où l’administration a formellement pris position sur l’appréciation d’une situation de fait que celui-ci a exposée de bonne foi au regard d’un texte fiscal. Mais dans le cadre de ce rescrit général, l’absence de réponse ne vaut pas approbation. Outre ce rescrit général, il existe des rescrits spéciaux en matière de crédit impôt recherche ; innovation, amortissements exceptionnels, mécénat, etc. : Par rapport à la déviance fiscale par évasion, le rescrit établissement stable (articles L 80 B-6° et R80B-9° du LPF), qui vise, pour les États liés à la France par une convention internationale, l’imposition ou non d’entreprises étrangères en France, prévoit un délai de réponse de 3 mois avec accord tacite en cas d’absence de réponse de l’administration. En revanche, le rescrit abus de droit prévoit un délai de réponse de 6 mois et, en l’absence de réponse, une interdiction d’activer la procédure d’abus de droit de l’article L. 64 du LPF (accord tacite). Le rescrit prix de transfert, qui ne limite pas le délai de réponse, demande un accord explicite de l’administration pour garantir l’entreprise d’un rehaussement ultérieur.
-
[77]
X. Cabannes, « Le rescrit », Gestion et Finances Publiques, 2015, n° 3/4, p. 76-80. M. Leroy, « Le repositionnement… », 2017, op. cit., p. 426.
-
[78]
O. Fouquet, « Sécurité fiscale et fraude fiscale », RFFP, n° 127, avril 2014, p. 151-161. D. Ury, « La sécurité juridique en droit fiscal », Gestion et Finances Publiques, n° 9/10, septembre-octobre 2015, p. 75-82.
-
[79]
La « Charte pour une nouvelle gouvernance fiscale » du 1/12/2014 du Ministère des finances prévoit ainsi un « accroissement de la sécurité juridique ».
-
[80]
La possibilité du recours à l’interlocuteur départemental, qui doit être saisi avant la mise en recouvrement, est une formalité substantielle du débat avec le contribuable en cas de contrôle sur place, sachant que la fonction doit être occupée par un agent de rang supérieur au vérificateur : CE n° 421809 du 26 décembre 2019.
-
[81]
L’article 25 de la loi de 2018 étend à la fraude fiscale le « plaider-coupable » créée par l’article 137 de la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 (loi Perben 2) qui est codifiée aux articles 495-7 et suivants du code de procédure pénale (CPP).
-
[82]
Article 22 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (loi Sapin 2).
-
[83]
Dans la version issue de la loi Sapin 2 de 2016, la CJIP était d’application limitée en matière fiscale (notamment pour le blanchiment de fraude fiscale).
-
[84]
L’initiative de la CJIP appartient au procureur soit directement (art. 41-1-2 du CPP) ou sur saisine du juge d’instruction (art. 180-2 du CPP).
-
[85]
La loi du 25 octobre 2018 (art. 35) met fin à l’impossibilité pour l’administration de proposer une transaction en cas de poursuites pénales. La loi n° 2018-2317 du 28 décembre 2018 étend le champ d’application des remises, réservées auparavant aux impôts directs, au cas d’un rappel de TVA basé sur la caractérisation d’un établissement stable d’une entreprise étrangère. L’article L247 du LPF a donc été modifié.
-
[86]
La responsive regulation inscrite dans le new public management valorise l’information et l’auto-régulation pour les contribuables, et, seulement en cas d’échec, admet des sanctions croissantes : V. Braithwaite (ed.), Taxing Democracy, Understanding Tax Avoidance and Evasion, Aldershot, Ashgate, 2003. J. Job, A. Stout, R. Smith “Culture Change in Three Taxation Administrations : From Command-and-Control to Responsive Regulation”, Law & Policy, 2007, 29, 1, p. 84-10.
Des progrès importants ont été accomplis pour créer de nouveaux instruments de lutte contre l’évasion fiscale internationale mais leur mise en œuvre nationale ne transforme pas les fondements du système socio-fiscal qui demeure marqué par une tendance néolibérale.
1Dans une première partie de ses réflexions sur la lutte contre l’évasion fiscale internationale, publiée dans le N°5-2019 de Gestion & Finances Publiques, le Professeur Marc Leroy a exposé les données de la régulation internationale de l’évasion fiscale. Nos lecteurs trouveront ici la deuxième partie consacrée aux aléas de la mise en œuvre au niveau national (NDLR).
2La régulation internationale de la lutte contre l’évasion fiscale internationale a mis en avant de nouveaux instruments juridiques et gestionnaires de répression, de coopération et d’information entre les États. La première partie de cet article, publiée dans le numéro précédent de la revue, en a montré les limites, tout en soulignant les progrès accomplis. Cette seconde partie de la réflexion s’intéresse à la mise en œuvre des normes fiscales et organisationnelles qui constituent un enjeu crucial pour comprendre le système de régulation du marché des affaires de l’après-crise.
3Ce système connaît des mutations rapides, de détail ou de plus grande importance, qui en compliquent le suivi minutieux, même si on peut en dégager la logique tendancielle. Par exemple, depuis la parution de la première partie de cette étude, la directive anti-évasion UE 2016/1164 du Conseil du 12 juillet 2016 (ATAD 1 pour anti-avoidance directive), qui, en France, avait d’abord été transposée partiellement par les articles 34 et 108 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019, fait l’objet de l’article 13 du projet de loi de finances pour 2020 qui prévoit la suite de cette transposition. De même, la directive (UE) 2017/952 du 29 mai 2017 ATAD 2, qui étend les mesures relatives aux dispositifs hybrides aux pays tiers à l’UE, est visée par l’article 13 du projet de loi de finances pour 2020 pour sa transposition. Il faut mentionner aussi la directive (UE) n° 2017/2455 du 5 décembre 2017 relative à la TVA sur le commerce électronique transfrontalier, qui comprend des éléments sur la lutte contre la fraude, dont la transposition est prévue par l’article 53 du projet de loi de finances pour 2020…
4La réforme de la fiscalité du numérique connaît une avancée avec la proposition de l’OCDE d’octobre 2019 que les ministres des finances du G20 ont examinée le 18 octobre 2019 : l’idée est d’imposer les multinationales du numérique dans les pays et juridictions où elles ont leurs marchés, y compris quand elles n’ont pas de présence physique : de nouvelles règles de territorialité fiscale définiraient le lieu où l’impôt est dû (règle du « lien ») tenant compte des clients réels, des consommateurs (incluant ceux concernés par des distributeurs) et la fraction des bénéfices sur laquelle l’impôt serait établi (règle de « répartition des bénéfices ») ; un accord à négocier entre les 134 pays du cadre inclusif OCDE/G20 (comité des affaires fiscales de l’OCDE) sur le BEPS est programmé comme objectif pour juin 2020. Le devenir de cette réforme aura un impact sur la France qui a élaboré, comme indiqué en première partie de l’article, une taxe sur les services numériques [1] au taux de 3 % du chiffre d’affaires, à partir de 750 millions (M) d’euros (€) au niveau mondial dont 25 M€ en France.
5Au niveau (micro) de la relation entre les administrations fiscales et les contribuables, trois enjeux principaux structurent la mise en œuvre des réformes par les administrations nationales : la complexification des normes internationales et européennes (A), l’évolution du fonctionnement du contrôle fiscal (B) et le renforcement du droit coopératif des affaires en vue de la prévention des litiges (C).
A – La complexité d’application des normes
6On sait que la complexité du droit fiscal favorise l’évasion des grandes entreprises et des personnes privilégiées. Comme on l’a vu (première partie), la concurrence fiscale continue d’alimenter, à travers les dispositifs particuliers des dépenses fiscales, la complexité des normes applicables. De surcroît, les réformes de crise ne simplifient pas toujours le problème de l’application du nouveau régime international du droit fiscal. Ainsi, la définition de l’évasion comme optimisation agressive se précise, mais reste difficile à mettre en œuvre. En effet, la frontière entre l’évasion comme optimisation agressive et l’optimisation pertinente est délicate à définir [2] : à mon sens, l’évasion se définit comme la décision d’un contribuable recherchant, par le recours à un montage (artificiel), non voulu par la politique publique, à diminuer son impôt. Au niveau collectif, l’évasion doit s’apprécier par les effets sociaux négatifs qu’elle engendre : à l’instar de la fraude, elle est constitutive d’une déviance qui transgresse les finalités socio-politiques du système fiscal…
7Le cas de l’application de la convention multilatérale est emblématique de la complexité d’application des nouvelles normes internationales [3] en raison de la flexibilité laissée aux parties signataires pour en déterminer le contenu précis [4] (Encadré 1). La notification définitive des réserves et des choix pour les dispositions alternatives assure la sécurité juridique, mais ne résout pas la question de la complexité. De nombreux cas particuliers continueront à coexister, ce qui pourrait encourager de nouvelles formes d’évasion, au premier chef en raison des restrictions : conventions bilatérales non couvertes par l’instrument multilatéral (IM), réserves des États sur l’application, ou rédaction de clauses de compatibilité restrictives.
Encadré 1. La complexité de l’application des normes de l’IM
- Il faut ensuite que la convention fiscale particulière entre les 2 États concernés soit « couverte » par l’IM (article 1), c’est-à-dire qu’elle ait été expressément mentionnée dans la notification à l’OCDE par chacun des 2 États. Cette position notifiée au moment de la signature peut changer en fonction du contenu du texte de ratification de l’IM par les organes compétents de chaque pays. Au 18 septembre 2018, seuls 11 pays avaient déposé leur « instrument de ratification, d’acceptation ou d’approbation » qui seul indique si une convention est couverte ou non par l’IM [6].
- Même si la convention bilatérale est couverte par l’IM, chaque signataire a la possibilité d’émettre des réserves et de retenir ou non les dispositions facultatives de l’IM. Les réserves sont plus ou moins encadrées.
Il faut donc vérifier quelles sont les dispositions de l’IM valables (« existantes ») pour les 2 pays. Les États ont la possibilité d’émettre des réserves. Sur l’ensemble des articles 3 à 26 regroupant les mesures anti-évasion, le règlement des différends et l’arbitrage (donc hors introduction et dispositions finales), la plupart des articles peuvent faire l’objet d’une réserve intégrale. La partie VI (articles 18 à 26) de l’IM portant sur l’arbitrage est optionnelle.
Les articles correspondant à une norme minimale du plan BEPS ne peuvent pas être écartés intégralement, à savoir les articles 6 et 7 sur l’abus de conventions [7], l’article 16 sur le règlement des différends [8]. L’article 15 (définition d’une personne étroitement liée à une entreprise) restreint la réserve à l’émission de réserves aux articles 4 et 6 sur l’établissement stable et 14 sur le fractionnement de contrats dont il est la conséquence.
Ainsi la France a émis des réserves sur l’application de la Partie VI afin de faire prévaloir les dispositions du droit de l’UE sur l’arbitrage, notamment la directive UE 2017/1852 du 10 octobre 2017 relative aux mécanismes de règlement des différends fiscaux dans l’UE.
- Pour les dispositions applicables aux 2 États, il faut vérifier quel en est le champ d’application exact : les États ont en effet la possibilité de prévoir plusieurs types de clauses de compatibilité entre l’IM et la convention bilatérale. L’IM retient 5 formes de rédaction selon les cas (et donc selon les articles) : « la clause « s’applique à la place de », « s’applique », « modifie », « s’applique en l’absence de », « s’applique à la place ou en l’absence de ». Or, pour que la disposition de l’IM s’applique, il ne suffit pas qu’elle soit prévue par les 2 États en cause, car il faut que le champ d’application soit le même, c’est-à-dire qu’il n’y ait pas de différences substantielles, (une différence mineure ne joue pas) : pour reprendre les termes du guide de l’OCDE, une « différence d’appariement » entre la rédaction d’une disposition existante dans les notifications officielles des 2 juridictions conduit à en écarter l’application.
Or l’IM prévoit pour plusieurs dispositions des options, avec parfois des exceptions.
Ainsi, en cas d’option pour la partie VI sur l’arbitrage, l’article 19 prévoit que l’arbitrage est obligatoire et contraignant, mais prévoit des exceptions importantes qui en réduisent la portée : sans tout énumérer, il faut citer le cas où une personne impliquée recourt à une action contentieuse et le cas où un juge invalide l’arbitrage (article 19, §4b). L’article 24 de l’IM autorise les autorités compétentes des États concernés à s’entendre sur une autre solution que celle proposée par l’arbitrage (dans un délai de 3 mois suivant la communication de la décision) [9].
Le plan BEPS prévoit des normes minimales dans certains cas (standard minimum) visés aux articles 6 et 7 de l’IM. L’article 6, qui entre dans les mesures contre l’abus de conventions, impose l’inclusion d’un préambule dans les conventions couvertes, qui vise à exclure l’évitement de l’impôt (le texte dit : évasion, fraude, évitement fiscal) sous la forme d’une double non-imposition ou d’imposition réduite (art. 6, §1). Ici la seule réserve (article 6, §4) possible est quand un préambule similaire existe déjà dans la convention bilatérale visée. L’article 7 vise à prévenir l’utilisation abusive des conventions et laisse 3 choix en fonction des règles retenues pour qualifier l’abus de convention : l’objet principal du montage (arrangement) ou de la transaction (Principal Purposes, art. 7, §1), cette règle de l’objet principal plus la règle simplifiée de la limitation des avantages qui consiste à prévoir les cas où la convention ne s’applique pas (Limitation Of Benefit ou LOB, art. 7, §6), la règle détaillée de la limitation des avantages complétée par d’autres mesures (art. 7, §15). Dans le cadre d’une convention bilatérale, si l’État A ne retient que la règle de l’objet principal, alors que l’État B ajoute à ce critère la règle simplifiée de la limitation de l’avantage, la règle de l’objet principal s’applique, sauf si A a accepté (et notifié) qu’il optait pour l’application de la règle de la limitation simplifiée des avantages, soit de manière symétrique aux 2 États (option art. 7, §a), ou de manière asymétrique (option art. 7, §7b), c’est-à-dire que A applique uniquement la règle de l’objet principal et B les 2 règles.
Un État peut émettre une réserve pour ne pas appliquer les 2 premiers choix si son intention est d’adopter la règle détaillée de limitation des avantages (complétée par des mesures visant les sociétés-relais ou par une règle de l’objet principal), l’ensemble devant se conformer à la norme minimale (art. 7, §15a).
Par exemple, l’article 5 de l’IM relatif aux méthodes d’élimination de la double imposition (dans la partie II sur les dispositifs hybrides), laisse 4 choix entre les options A, B ou C ou aucune option : si un État a retenu un choix qui diffère de l’autre État pour la convention couverte par l’IS qui les relie, l’option retenue par chaque signataire s’applique à ses propres résidents.
Un autre exemple est donné par l’article 13 (évasion à partir des exceptions à la définition de l’établissement stable) avec cette fois 3 choix entre l’option A, l’option B ou l’absence d’option.
En outre, l’entrée en vigueur des dispositions applicables diffère selon qu’il s’agit d’impôts prélevés à la source (entrée en vigueur au 1er janvier) ou non.
- Enfin, l’IM ne remplace pas la convention fiscale spécifique en vigueur entre 2 pays, mais se superpose à elle, ce qui pose le problème de la consolidation des 2 sources.
8Ainsi la France a ratifié l’IM par la loi 2018-604 du 12 juillet 2018. Elle a notifié 88 conventions bilatérales (sur les 125 environ conventions existantes). La France a présenté plusieurs réserves provisoires :
- une réserve sur l’article 3 (entités transparentes) qui ne lui semble pas compatible avec la définition des sociétés de personnes (transparence fiscale) de l’article 8 du CGI, même si elle introduira au cas par cas la disposition de l’article 3.
- une réserve sur l’article 4 (entités à double résidence) car elle dispose de la règle du siège de direction effectif comme critère dans la plupart de ses conventions.
- une réserve sur l’article 5 (méthodes d’élimination de la double imposition) dans la mesure où la plupart des conventions françaises incluent déjà un mécanisme d’élimination de la double imposition en excluant la double exonération.
- une réserve sur l’article 10 (établissement stable dans une juridiction tierce) en raison des difficultés d’articulation avec ses conventions.
- une réserve sur l’article 11 (imposition de ses propres résidents) car la plupart des conventions françaises prévoient déjà ce dispositif.
- une réserve sur l’article 19 (arbitrage) par rapport au délai d’attente pour soumettre un cas à l’arbitrage, délai porté à 3 ans au lieu de 2 ans dans l’IM.
9La France a retenu aussi plusieurs options de l’IM :
- pour l’article 6, outre la norme minimale portant sur la clause générale anti-abus prévue comme préambule aux conventions, elle inclura la disposition (article 6, §3) sur l’objectif de promotion des relations économiques et d’amélioration de la coopération fiscale.
- pour l’article 7 (prévention de l’abus de convention), elle s’en tient à la règle de l’objet principal et écarte donc les options, jugées trop complexes, sur la limitation simplifiée ou détaillée des exceptions.
- pour l’article 13 (abus d’utilisation des exceptions à la définition de l’établissement stable), la France a opté pour l’option B qui permet de maintenir les exceptions pour certaines activités.
- pour l’article 23 (méthodes d’arbitrage), elle retient la méthode de la meilleure offre (venant des États), mais accepte la méthode de l’opinion indépendante avec les pays qui le choisissent.
- pour l’article 24 (décision d’arbitrage), elle retient la possibilité d’appliquer une autre solution que l’arbitrage dans un délai de 3 mois après communication.
10Concernant le droit fiscal européen, le cas des modifications répétées des directives de lutte contre l’évasion (cf. avant) est caractéristique d’un jeu pervers du chat et de la souris entre les multinationales et les contribuables les plus riches,- qui accentuent la sophistication de leurs montages d’optimisation-, et les administrations fiscales, qui renforcent leurs moyens d’information. N’oublions cependant pas que ce jeu, où on ne sait pas toujours qui est le chat et qui est la souris, est inscrit dans la procédure fiscale comme « dialectique de pouvoir » [10] : la période est au renforcement des pouvoirs d’information et de contrôle des administrations fiscales, mais on peut prédire une réaction, alimentée par le lobbying des élites d’affaires, en vue de renforcer les droits et garanties du contribuable.
11La complexité des normes introduites par les instruments juridiques internationaux s’explique par le choix de cibler les pratiques précises d’évasion, tout en ne remettant pas en cause les dérives néolibérales qui perturbent le système fiscal. Par ailleurs, les réformes accentuent la coopération internationale des administrations pour faciliter le contrôle fiscal.
B – L’organisation du contrôle fiscal (cas de la France)
12Dans de nombreux pays, dans la ligne des mesures prises par l’OCDE et l’UE, les pouvoirs d’information, de contrôle et de sanction de la fraude et de l’évasion basée sur une optimisation agressive ont été renforcés.
13La France a renforcé la répression du délit intentionnel de fraude fiscale [11] dans le cadre général de l’article 1741 du CGI (Encadré 2) ou dans le cadre d’autres mesures spécifiques. Ainsi, la loi du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude et la grande délinquance économique et financière notamment allonge dans certains cas les délais de reprise de l’administration et instaure un procureur financier avec toutefois une compétence limitée [12].
Encadré 2. L’aggravation de la répression du délit de fraude (art. 1741 du CGI)
- L’article 63 de la loi de finances rectificative n° 2010-1658 du 29 décembre 2010 supprime le caractère obligatoire de l’affichage et de la diffusion de la décision, qui devient une simple possibilité pour se conformer à la position du conseil constitutionnel [13].
- L’article 15 de la loi de finances rectificative n° 2012-354 du 14 mars 2012 porte l’amende encourue à 500 000 € au lieu de 37 500 €, à 750 000 € au lieu de 75 000 € en cas de circonstances aggravantes [14], et à 1 million (M€) en cas de comptes ou contrats souscrits dans un État ou un territoire qui n’a pas signé avec la France depuis au moins 5 ans une convention d’assistance administrative ou en cas de personne physique ou morale interposée établie dans ce type d’État ou de territoire : dans ce dernier cas, la peine de prison encourue est de 7 ans.
- L’article 27 de la loi n° 2013-907 du 13 octobre 2013 complète par une référence à l’article 131-26-1 du code pénal le fondement juridique de la possibilité de privation des droits prévue à l’article 1741 du CGI.
- L’article 9 de la loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013 [15] élargit les circonstances aggravantes en alourdissant la peine à 2 M€ (avant 1 M€) : faits commis en bande organisée ou dans 5 cas : comptes ou contrats à l’étranger (et non plus les États sans convention d’assistance d’au moins 5 ans avec la France), interposition d’une entité établie à l’étranger (idem), usage de faux, domiciliation fictive, acte fictif ou artificiel ou interposition d’une entité fictive ou artificielle. Un dispositif pour les « repentis » qui, ayant averti les autorités ont permis d’identifier les autres délinquants fiscaux, est aussi ajouté [16].
- L’article 106 de la loi de finances n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 modifie encore l’article 1741 du CGI en cas de circonstances aggravantes en portant à 3 M€ l’amende prévue et en établissant le principe d’une peine complémentaire obligatoire de privation des droits civiques, civils et familiaux, sauf en cas de décision spéciale du juge [17].
- Les articles 16 et 23 de la loi n° 2018-898 du 23 octobre 2018, relative à la lutte contre la fraude, prévoient la possibilité de dépasser le seuil de 500 000 € en retenant comme amende le double du gain tiré de l’infraction et rend obligatoire le principe de l’affichage et de la diffusion de la décision du juge, sauf décision spéciale du juge (cf. avant pour les raisons).
14Par rapport aux poursuites pénales, l’article 36 de la loi 2018-898 du 23 octobre 2018 a réformé la procédure codifiée à l’article L228 du LPF. Désormais, l’obligation d’obtenir un avis conforme de la commission des infractions fiscales (la CIF ou « verrou » de Bercy) est écartée dans le cas de fraudes importantes. Ainsi, l’administration est tenue de dénoncer au procureur [18] des faits ayant conduit à des droits supérieurs à 100 00 € assortis de la majoration de 100 % pour opposition à contrôle fiscal [19], ou d’une des majorations de 80 % prévue en cas d’activité occulte [20], d’abus de droit [21], de manœuvres frauduleuses ou de dissimulation de prix [22], de compte ou d’assurance-vie non déclarés ou de trust à l’étranger [23], de trafic [24]. La saisine du procureur est obligatoire aussi en cas d’application d’une majoration de 40 % (à des droits supérieurs au seuil indiqué) si dans les 6 années précédentes, une majoration du type indiqué ci-dessus ou une plainte pénale ont été mises en œuvre.
15L’administration est tenue aussi de saisir le procureur dans le cadre de l’article LO 135-1 du code électoral et aux articles 4 et 11 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique si les droits rappelés dépassent 50 000 € et que des majorations de 40 % ou 80 % ou 100 % sont appliquées. L’application des majorations s’apprécie lors de la mise en recouvrement ou, en cas de transaction, lors des dernières conséquences financières portées à la connaissance du contribuable dans le cadre des procédures de l’article L57 du LPF (motivation de la notification de rectification en procédure contradictoire) ou de l’article L76 du LPF (information sur la base d’imposition et sur les éléments retenus pour une imposition d’office). Toutefois, le dépôt d’une déclaration rectificative spontanée fait obstacle aux poursuites pénales.
16Dans les cas où il « existe un risque de dépérissement des preuves », l’avis de la CIF n’est pas requis (même si les conditions énoncées ci-dessus ne sont pas respectées) selon la nouvelle mouture de l’article 228 du LPF issu de l’article 36 de la loi 2018-898 du 23 octobre 2018 [25].
17Dans les autres cas, la compétence de la CIF est maintenue, et le ministre reste lié par l’avis rendu. La levée partielle du verrou de Bercy devrait multiplier par cinq le nombre de saisines, selon la projection réalisée d’après l’année 2017 [26].
18La volonté française de réprimer la fraude fiscale a été récemment illustrée par la condamnation du groupe bancaire suisse UBS à une amende de 3,7 Md€ pour démarchage bancaire illicite et blanchiment aggravé de fraude fiscale [27]. Le juge a aussi condamné UBS France à une amende de 15 M€ et les dirigeants en cause à des peines de prison avec sursis de 6 à 10 mois ainsi qu’à des amendes de 50 000 à 300 000 €. Le montant des dommages et intérêts a été fixé à 800 M€.
19Une procédure de flagrance fiscale a été créée par l’article 15 de la loi de finances rectificative n° 2007-1834 du 25 décembre 2007 [28]. Cette procédure visée par l’article L16-0 BA du LPF permet à l’administration de procéder à des constatations de fraude au titre des périodes pour lesquelles l’obligation d’adresser une déclaration n’est pas échue, et de saisir à titre conservatoire les preuves. Trois conditions de fond cumulatives sont nécessaires. Elle vise d’abord les contribuables ayant une activité professionnelle soumise à une obligation déclarative en BIC, BNC, BA, IS ou TVA. Elle doit ensuite concerner l’un de ces cas : activité occulte ; activité illicite (trafics) ; factures fictives (émission ou comptabilisation) [29] : achats ou recettes non comptabilisés ou usage de logiciels tronqués privant la comptabilité de valeur probante ; travail dissimulé ; défaillance dans le dépôt des déclarations de TVA [30], IR, BIC, IS et en matière de retenue à la source. La troisième condition suppose une menace sur le recouvrement d’un des impôts concernés.
20La flagrance fiscale est utilisée dans le cadre d’autres procédures mentionnées à l’article L16-0 BA du LPF : droit de visite et de saisie (art. L16B du LPF), droit d’enquête (art. L80F du LPF), contrôle inopiné (art. L47 du LPF), contrôle sur place de la TVA (art. L16D du LPF), contrôle du respect des seuils de paiement en espèces (art. L112-6 du code monétaire et financier, appliqué depuis 2018), contrôle du respect par les banques des conditions de constitution des comptes d’épargne bénéficiant d’une aide publique (exemple des plafonds du livret A, texte appliqué depuis 2018). Le procès-verbal, établi par des agents de l’administration ayant au moins le grade de contrôleur, est signé par le contribuable (en cas de refus, mention en est faite). Le contribuable dispose de la possibilité de saisir le juge, dans un délai de 15 jours après la réception du PV [31], dans le cadre d’un référé pour contester le PV ou les saisies. Des amendes sont appliquées dont le montant (à partir de 5 000 €) varie selon le chiffres d’affaires. Leur contestation doit se faire par la voie ordinaire, et non dans le cadre du référé.
21La loi de finances rectificative n° 2009-1674 pour 2009 du 30 décembre 2009 instaure une police fiscale pour rechercher les délits de fraude. Cette police fiscale accueille, outre des officiers et des agents de police judiciaire, des agents des services fiscaux habilités à effectuer des enquêtes judiciaires. Elle est installée au sein de la Brigade nationale de répression de la délinquance fiscale [32] qui dépend du ministère de l’intérieur. Une seconde police fiscale a été créée par la loi du 23 octobre 2018 dans le cadre du Service national d’enquêtes judiciaires en matière douanière et fiscale, service rattaché au ministère des finances avec des officiers fiscaux judiciaires (OFJ) [33].
22L’article 18 de la loi du 23 octobre 2018 initie une procédure de « name and shame » [34] codifiée à l’article 1729 A bis du CGI. L’administration est autorisée à publier sur son site internet, sur avis conforme et motivé de la CIF, le montant des rappels d’impôts (droits fraudés) et des amendes ou majorations visant un contribuable qui est nominalement désigné. Cette procédure s’applique en cas d’abus de droit (art. 1729 b du CGI) ou de manœuvres frauduleuses ou de dissimulation de prix (art. 1729 c du CGI), dès lors que le montant des droits fraudés est d’au moins 50 000 €. La décision de publication intervient 60 jours après sa notification au contribuable et ne peut excéder un an. Si celui-ci exerce un recours contre l’imposition et les majorations ou amendes, la publication est suspendue tant que les impositions et amendes ou majorations ne sont pas définitives.
23Si le recours intervient après le délai de 60 jours, la décision est retirée tant que n’est pas intervenue une décision juridictionnelle de confirmation.
24Sans pouvoir être exhaustif [35], mentionnons encore deux dispositifs. L’article 19 de la loi du 23 octobre 2018 instaure une amende à l’encontre des intermédiaires ayant fourni des conseils conduisant à une fraude sanctionnée par une des majorations de 80 % [36] : l’article 1740 A bis du CGI définit la liste des montages concernés [37] et fixe le montant de l’amende à 50 % du revenu tiré par le conseil fiscal de sa prestation [38], avec un minimum de 10 000 €. L’article 10 de la loi de 2018 cible les plateformes numériques de l’économie collaborative par rapport à l’information des utilisateurs sur leurs obligations fiscales et sociales, l’indication des sites officiels, l’envoi d’un relevé des opérations aux utilisateurs et la déclaration à l’administration de ces opérations [39].
25Concernant les paradis fiscaux, la France établit sa propre liste des États et territoires non coopératifs avec des dispositifs spécifiques de lutte contre l’évasion fiscale (Encadré 3), mais a intégré la liste publiée par l’UE (art. 31 de la loi du 23 octobre 2018).
Encadré 3. Les principales dispositions de la France contre l’évasion des multinationales
D’une manière générale, le Conseil constitutionnel, tout en reconnaissant la valeur constitutionnelle de l’objectif de lutte contre l’évasion [47], contrôle les mesures renforçant la lutte contre l’évasion au regard notamment de l’imprécision de la loi, de l’atteinte à la sécurité juridique et à la liberté du commerce (déclaration des schémas).
- L’article L212-Ib du CGI organise la limitation des intérêts financiers déductibles [48].
- L’article 238 A du CGI fait obstacle notamment à la déduction de sommes sans contrepartie à des personnes domiciliées ou établies dans des pays à régime fiscal privilégié, ce qui suppose que les personnes concernées ne soient pas imposables, ou qu’elles soient soumises à des impôts sur les bénéfices ou les revenus dont le montant est inférieur de plus de la moitié à celui dont elles auraient été redevables en France dans les conditions de droit commun. L’article 32 de la loi du 23 octobre 2018 abaisse à 40 % ce seuil (applicable en 2020).
- Cette définition sert à l’application de l’article 209-B du CGI qui vise l’imposition des établissements ou des sociétés filiales pratiquant l’évasion par transfert de bénéfices (notamment la délocalisation des capitaux dans des pays à fiscalité privilégiée) [49].
- L’article 238-O A du CGI vise les États et territoires non coopératifs, soit ceux (hors UE) qui n’ont pas conclu avec la France une convention d’assistance administrative, ni signé avec au moins 12 États une telle convention. Cet article a été modifié par l’article 31 de a loi du 23 octobre 2018 qui ajoute la liste établie par l’UE.
- L’article 212 du CGI permet de lutter contre les montages d’évasion par sous-capitalisation des entreprises et limite la déduction des intérêts aux entreprises liées au groupe et à la condition que ces intérêts soient soumis pour le bénéficiaire à une taxation au moins égale à 25 % de l’impôt sur les bénéfices.
- L’article 123 bis vise les personnes physiques domiciliées en France qui perçoivent des bénéfices par des entités établies dans un pays à régime fiscal privilégié dont l’actif est financier, dès lors qu’elles détiennent plus de 10 % des droits.
- L’article 155 A du CGI vise les rémunérations de prestations (fictives) rendues par des personnes hors de France sous certaines conditions [50].
- L’article 167 bis (tel que modifié par la loi 2017-1837 du 30 décembre 2017) autorise sous conditions à imposer les plus-values latentes sur les droits sociaux, titres et assimilés d’une personne qui transfère son domicile à l’étranger.
26L’efficacité du contrôle fiscal dépend de l’organisation formelle des services et de l’adaptation gestionnaire au regard du tissu fiscal. En France, les politiques de rigueur budgétaire issues des contraintes européennes [51] ont conduit à la baisse des effectifs, ce qui complique le contrôle : le PLF pour 2019 avait programmé une baisse des effectifs de 2227 pour l’ensemble du ministère des finances, ce qui affecte encore l’administration fiscale qui a perdu 20 000 emplois entre 2008, date de la fusion des administrations fiscale et de recouvrement, et 2018 [52], où les effectifs sont de 103 000 agents. Le PLF pour 2020 prévoit une baisse de 1683 agents pour le ministère de l’action et des comptes publics.
27J’ai montré dans mes travaux que le contrôle fiscal externe (entreprises, dirigeants et indépendants) répond traditionnellement à une norme gestionnaire de la contrainte de rendement négociée : ce compromis entre le rendement statistique et la négociation explique que le vérificateur, agent qualifié de catégorie A, doit rendre un nombre défini de dossiers avec une moyenne annuelle significative de rehaussements, en évitant le contentieux [53]. Ainsi le vérificateur tient compte de la résistance du contribuable et de ses conseils, résistance qui est particulièrement forte dans le cas des propositions de rectification portant sur des pratiques sophistiquées d’évasion par les entreprises multinationales.
28Aujourd’hui, le fonctionnement bureaucratique du contrôle fiscal reste structuré par la même logique tout en évoluant en raison principalement de deux facteurs : la mise en œuvre à partir de 2006 de la réforme du cadre des finances publiques par la Lolf n° 2001-692 du 1er août 2001 qui introduit la mesure de la performance ; le traitement automatisé (data mining) des nombreuses données numériques disponibles.
29Les normes gestionnaires de la performance du contrôle fiscal cherchent à concilier trois objectifs : la répression de la fraude et de l’évasion graves, le rendement budgétaire et le civisme fiscal comme dissuasion à se soustraire à ses obligations. Sans reprendre le détail de mes observations sur la pertinence de chaque indicateur de performance (Encadré 4), il convient de mettre en avant trois constats. L’administration reprend bien sûr les indicateurs votés [54], mais ajoute aussi des indicateurs internes à ceux contenus dans la loi de finances (au total environ 45 indicateurs encadrent le travail des agents chargés du contrôle fiscal). Les normes organisationnelles sont orientées sur la fraude et pas directement sur l’évasion, avec une cible sur les fraudes graves chiffrée à 22 % en 2018 et 2019. Il est à noter que la répression pénale de la fraude est limitée, bien qu’elle progresse par rapport au passé : seulement 2,3 % des affaires examinées, soit 47 900 en 2017, dans le cadre du contrôle fiscal externe font l’objet de poursuites pénales (1095 poursuites). Toutefois, des normes spécifiques à l’administration mettent l’accent sur les dossiers à fort enjeux avec la possibilité d’appliquer des sanctions administratives élevées [55], sachant que la réforme du verrou de Bercy (cf. avant) devrait améliorer ce ratio. La norme du rendement statistique, qui était mesurée par la moyenne des redressements confirmés sans se préoccuper du recouvrement réel, bien plus faible, prend désormais en compte la moyenne des redressements encaissés [56] : un indicateur de rendement budgétaire a été fixé dans le cadre de la performance [57], soit 65 % en 2018 et 2019. On notera qu’un indicateur, interne à l’administration, de qualité du contrôle sur pièces (effectué du bureau à partir du dossier et des données disponibles) porte sur le nombre de dossiers ayant donné lieu à une taxation ou à une proposition de contrôle fiscal externe. Cet indicateur confirme la logique du rendement statistique dans sa conception première. La part des contrôles portant sur la fraude et l’évasion internationale reste modeste, 11,5 % en 2018 et 2019.
Encadré 4. Les normes gestionnaires de la lutte contre la fraude
Objectif 1 : Garantir le recouvrement des recettes publiques et lutter contre la fraude.
Indicateur 1-1 : Civisme fiscal mesuré par le taux de déclaration et de recouvrement spontanés.
Observation : Un indicateur, ventilé en sous-indicateurs (déclarations et recouvrement, professionnels et particuliers, amendes), déjà largement acquis (au moins 95 % de déclarations et de paiements). Absence d’un indicateur de sincérité des déclarations. La mise en œuvre du prélèvement à la source en matière d’impôt sur le revenu (IR) restreint le champ d’application de cet indicateur.
Indicateur 1-2 : Efficacité de la lutte contre la fraude fiscale avec 4 sous-indicateurs :
Sous-indicateur a : Taux net de recouvrement du contrôle fiscal (externe plus contrôle sur pièces) en droits et pénalités.
Observation : Fixé à 65 % en 2018 et 2019, et à 67 % en 2020, cet indicateur pertinent incite néanmoins à la négociation pour assurer le recouvrement avec l’accord du contribuable vérifié.
Sous-indicateur b : Part des contrôles réprimant les fraudes les plus caractérisées (jusqu’en 2019), c’est-à-dire soumises à des pénalités exclusives de bonne foi (ou des amendes répressives) supérieures à 7500 € et représentant plus de 30 % des droits éludés (impôts dus). En 2020 : Part des dossiers répressifs transmis au Parquet.
Observation : Fixé à 22 % en 2018 et 2019, cet indicateur de répression n’isole pas les cas d’évasion. Il limite le levier classique de la négociation des pénalités. Le rapprochement du taux de plaintes pénales pour fraude fiscale, inférieur à 1000 par an (879 en 2017, 1095 avec les escroqueries et divers délits), avec le nombre de contrôles sur place (en 2017, 44 287 vérifications de comptabilité d’entreprises et 3613 vérifications personnelles, soit un total de 47 900), donne un ratio de 2,29 %, ce qui reste limité, bien qu’en hausse. Toutefois, la réforme de la procédure des poursuites pénales change la donne. En 2020, l’indicateur est supprimé au profit du nombre de dossiers transmis au Parquet, avec un ratio de 12 %, ce qui va dans le sens de la pénalisation de la fraude, bien que le niveau choisi (taux) reste à évaluer.
Sous-indicateur c : Part des contrôles en fiscalité internationale.
Observation : Fixé à 11,5 % en 2018, 2019 et 2020, un taux modeste, cet indicateur est important pour lutter contre la fraude et l’évasion internationales. En 2020, l’indicateur est recentré sur les seules directions spécialisées du contrôle fiscal, ce qui devrait améliorer les résultats.
Sous-indicateur d : Taux d’abandon des rappels suite au contrôle fiscal externe.
Observation : Fixé à 14 % en 2018 et 2019, cet indicateur, qui vise le contentieux, est à relier à la jurisprudence sur la responsabilité de l’administration pour faute simple (et non plus lourde, CE n° 306225 du 21 mars 2011, Krupa), incite à la négociation (pour éviter de perdre devant le juge). En 2020, l’indicateur est purement abandonné.
Sous-indicateur e : Part des contrôles ciblés par Intelligence artificielle et data mining.
Observation : Cet indicateur a été ajouté par le PLF pour 2020, avec une cible de 35 %, concrétisant la mutation en cours de la programmation des contrôles fiscaux.
Sous-indicateur f : Part des contrôles se concluant par acceptation du contribuable.
Observation : Ajouté pour 2020, cet indicateur, fixé à 25 % en 2020, incite à la négociation des redressements.
Sous-indicateur g : taux d’avis rendus en réponse à une demande de rescrit général dans le délai de 3 mois.
Observation : Ajouté par le PLF pour 2020, cet indicateur, fixé à 84 % en 2020, va dans le sens de l’amélioration des services aux grandes entreprises (en pratique les plus concernées) et encourage cette procédure.
- Mission Remboursements et dégrèvements, Programme 200 Impôts d’État et Programme 201 Impôts locaux.
Indicateurs : Taux de traitement de remboursement de TVA et d’IS dans le délai d’un mois (ratio de 80 % en 2018, 2019 et 2020 pour les demandes acceptées et ratio de 60 % en 2018, 2019 et 2020 pour le taux d’ancienneté de la demande) et taux de réclamations contentieuses en matière d’IR et de contribution à l’audiovisuel public et de TH traitées dans le délai d’un mois (ratio de 94,6 % en 2018, 2019 et 2020).
Observation : Ces indicateurs assurent un meilleur service aux usagers, mais découragent les investigations complexes.
- Mission Économie, Programme 305 Stratégie économique et fiscale.
Objectif : Accessibilité et clarté de la norme.
Indicateur : Délai de production de la doctrine fiscale mesurée par la part des instructions publiées dans un délai de 6 mois par rapport à l’entrée en vigueur du texte.
Observation : Fixé à 75 % pour 2018, 2019 et 2020, cet objectif d’accessibilité, mesuré par un indicateur de délai, ne prend pas en compte le contenu de la norme (simplicité déjà prônée par Adam Smith au XVIIIe siècle) et est contredit par le nombre de niches fiscales (457 en 2018).
30En matière fiscale, le big data, favorisé par la diffusion sociale des outils numériques, marque l’avènement de l’e-administration, avec la dématérialisation des déclarations et des paiements sous forme de télé-procédures et la généralisation des comptabilités informatisées. On a vu aussi que le renforcement des instruments internationaux de l’échange de renseignements accroît considérablement la masse des informations disponibles. L’administration peut ainsi procéder à des traitements automatisés des données pour établir des suspicions de fraude et programmer des contrôles. Depuis 2014, en cas de contrôle fiscal, les contribuables tenant une comptabilité informatique doivent fournir à l’administration le « fichier des écritures comptables » qui reprend toutes les données de leur comptabilité. La tenue de ce fichier est standardisée [58] et porte sur une définition large des informations à transmettre [59]. L’article 47A du LPF précise que « l’administration peut effectuer des tris, classements ainsi que tous calculs aux fins de s’assurer de la concordance entre la copie des enregistrements comptables et les déclarations fiscales du contribuable. L’administration détruit, avant la mise en recouvrement, les copies des fichiers transmis ».
31Ainsi, l’arrêté de la DGFIP du 21 février 2014, modifié par l’arrêté du 16 juillet 2015, met en place un traitement automatisé des données en vue de lutter contre la fraude des entreprises. L’arrêté du 28 août 2017 étend le data mining aux particuliers à titre expérimental pour 2 ans. La modélisation des comportements frauduleux est donc désormais réalisée et la programmation du contrôle fiscal repose de plus en plus sur cette logique [60].
32Dans cette ligne, une nouvelle procédure de contrôle, appelée examen de comptabilité, a été instaurée par les articles L13 G et L47 AA du LPF. Ce contrôle, qui s’ajoute aux vérifications de comptabilité et à l’examen des situations fiscales personnelles (impôt sur le revenu) est réalisé à distance [61], c’est-à-dire du bureau du vérificateur, à partir du fichier des écritures comptables transmis par l’entreprise (article L47 AA du LPF). Le Conseil constitutionnel a été saisi par rapport à l’article 14 §II 3° de la loi de finances rectificative du 29 décembre 2016, à l’origine de ces nouvelles mesures. Dans sa décision n° 2016-743 DC du 29 décembre 2016, il a validé la procédure en considérant qu’elle ne porte pas atteinte en soi aux droits de défense du contribuable, en particulier à l’exigence d’un débat oral et contradictoire.
33Face à l’évasion fiscale internationale, le cadre juridique français dispose de procédures variées et solides dont la mise en œuvre dépend des normes gestionnaires qui orientent l’action de l’administration. La dialectique procédurale de l’équilibre entre les pouvoirs de l’administration et les droits du contribuable connaît par ailleurs un mouvement opposé à cette extension des pouvoirs d’information et de contrôle de l’administration, avec en particulier la généralisation du règlement amiable des litiges et de l’arbitrage.
C – La prévention des litiges et le droit coopératif des affaires
34Le grand sociologue classique Émile Durkheim relie le droit à la nature de la solidarité dans les sociétés. Le droit pénal est un droit qui réprime les atteintes à la « conscience collective », aux sentiments communs sur les règles de conduite à respecter. Prépondérant dans les sociétés traditionnelles à « solidarité mécanique », il devient moins central dans les sociétés à « solidarité organique » apparues avec la division du travail des sociétés industrielles du xixe siècle. Dès lors, le droit « restitutif » répare les préjudices [62] et s’exprime notamment dans le droit des affaires pour devenir « coopératif » [63], en s’appuyant sur le contrat qui pour Durkheim ne reflète pas uniquement la volonté des parties, mais des normes (d’origine sociale) qui règlent les droits et obligations…
35Si la répression des fraudes les plus graves est mieux prise en compte, sans mettre fin complètement au traitement privilégié de la délinquance économique, d’autres normes et procédures confirment la prégnance du droit coopératif des affaires.
36Ainsi les parties V et VI de la convention multilatérale de l’OCDE relative aux conventions fiscales de 2016 mettent en place des procédures de règlement des différends et d’arbitrage. Ces dispositions peuvent s’interpréter comme une volonté d’équilibrer le renforcement de la lutte contre l’évasion par la généralisation à terme de la procédure amiable (article 16), en particulier pour le contrôle des prix de transfert (article 17 sur les ajustements corrélatifs) et le recours à un arbitrage indépendant. Certes, aux termes de l’instrument multilatéral, ces procédures restent pour l’instant largement dans les mains des États qui peuvent émettre des réserves générales ou spécifiques, refuser tout recours à l’arbitrage ou limiter celui-ci aux choix proposés par eux (article 23-1-c de l’IM). Mais le mouvement de cette réforme s’inscrit bien dans la logique durkheimienne d’une contractualisation coopérative des solutions aux litiges avec les entreprises.
37Pour l’UE, la directive du 10 octobre 2017 sur le règlement des différends propose un cadre normatif garantissant « la sécurité juridique et un environnement favorable aux investissements des entreprises ». Le délai de saisine par le contribuable est de 3 ans, à compter de la réception de la première mesure entraînant le litige (qu’il y ait ou non recours). Les États (article 4) ont un délai de 2 ans pour prendre une décision, mais ils peuvent y renoncer. Si aucune solution amiable n’est trouvée, une commission ou un comité d’arbitrage (article 4) est constituée. La décision est prise dans les 6 mois de la constitution de la commission (article 16). La procédure est, au choix des États (article 10), celle de l’avis indépendant ou notamment celle de la meilleure dernière offre des États. La décision de la commission est contraignante, sauf si un accord des deux États sur une solution différente intervient (article 16).
38En dépit de leur souplesse d’application, ces règles internationales sur le règlement coopératif des litiges confirment une tendance générale à la prévention du contentieux juridictionnel. Ainsi les multinationales mises en cause dans des affaires d’évasion préfèrent parfois négocier avec les États plutôt que de risquer une sanction pénale plus sévère (cf. ci-dessus pour UBS). C’est le cas d’Apple qui a passé un accord avec l’administration française sur 500 M€ de rappels sur 2008-2017 [64] ou du groupe français Kering qui a accepté un rappel de 894 M€ sur la période 2011-2017 dans le cadre des prix de transferts organisés à travers un établissement stable de la société de luxe Gucci [65].
39En France, la prévention du contentieux juridictionnel [66], en œuvre déjà depuis longtemps pour le contrôle fiscal, se manifeste à travers diverses procédures mais aussi dans les normes de la gestion administrative. Cet objectif explique la nécessité de présenter une réclamation préalable devant l’administration avant de saisir le juge administratif ou judiciaire, en application de l’article R190-1 du LPF. Cette phase administrative limite ainsi la phase juridictionnelle du contentieux. Toute demande directe au juge de l’impôt est irrecevable [67] et le juge ne peut pas examiner une demande qui n’a pas été soulevée dans la réclamation préalable devant l’administration [68]. Une demande de sursis à paiement peut être incluse (article L277 du LPF) pour le montant des impositions contestées, à condition de préciser le montant ou les bases du dégrèvement demandé. Le sursis à paiement est de droit, mais des garanties peuvent être demandées [69] par le comptable public pour assurer le recouvrement des impôts. Ces garanties ne sont pas exigibles sur les pénalités d’assiette.
40La procédure de recours gracieux qui est encouragée par la hiérarchie de l’administration participe aussi à la prévention du contentieux : par exemple, 1 021 503 demandes gracieuses ont été reçues en 2017.
41On peut citer encore, sans être exhaustif, la publication depuis 2015 de la carte des pratiques et montages abusifs sur le site de l’administration fiscale (DGFIP) qui entre aussi dans cette politique de prévention des recours juridictionnels. On a vu aussi que la crainte d’être condamnée pour faute simple (arrêt Krupa) en cas d’erreur poussait l’administration à résoudre directement les litiges.
42La coopération avec les entreprises est au centre de la loi du 10 août 2018 qui revendique une relation de confiance à l’État, même si certaines mesures concernent l’ensemble des contribuables (Encadré 5).
Encadré 5. La loi ESSOC de 2018 pour une société de confiance et l a s écurité fiscale
La procédure de régularisation prévue à l’article L62 du L PF est étendue par l’article 9 de loi ESSOC. L’article L62 du LPF permettait déjà de réduire de 30 % le montant de l’intérêt de retard en cas de régularisation spontanée lors d’une vérification de comptabilité d’une entreprise. Sa nouvelle rédaction étend l’application de cette réduction à l’ensemble des procédures de contrôle fiscal, y compris le contrôle sur pièces [72].
L’article 7 de la loi ESSOC légalise une pratique déjà admise par l’administration en matière de régularisation des déclarations d’honoraires et des commissions versés par une entreprise. En cas de non-déclaration sur le document spécial joint à la déclaration de bénéfices (article 1736-I-I du CGI), une amende de 5 % est applicable, mais une régularisation spontanée était admise par l’administration. L’article 7 légalise cette pratique. De même, la loi ESSOC (article 8) reprend la pratique administrative relative à la possibilité de régulariser l’oubli de déclarations d’un certain nombre d’éléments sur des relevés ou états spécifiques, comme pour les provisions, les plus-values, etc. : le nouvel article 1763 du CGI écarte l’application de l’amende de 5 %.
L’article 9 de la loi ESSOC étend également le domaine de la garantie contre le changement de doctrine de l’administration. Ainsi le champ d’application du rescrit général prévu à l’article L80A du LPF a été étendu par l’instauration d’un « rescrit du contrôle fiscal ». Ce texte qui garantit la sécurité juridique pour le contribuable dans le cas où l’administration a formellement pris position sur l’appréciation d’une situation de fait exposée de bonne foi au regard d’un texte fiscal, est désormais applicable au contrôle fiscal externe (vérification de comptabilité et examen contradictoire de la situation fiscale personnelle) : « dès lors qu’elle a pu se prononcer en toute connaissance de cause, l’administration a pris position sur les points du contrôle, y compris tacitement par une absence de rectification » (disposition ajoutée à l’article L80A du LPF).
L’article 12 de la loi ESSOC étend au contrôle sur pièces les possibilités d’un recours hiérarchique et l’article 25 ajoute l’examen du caractère d’immobilisation au champ de compétences de la commission des impôts directs et taxes sur le chiffre d’affaires prévu par l’article 1651 du CGI.
Dans l’esprit de cette loi, une nouvelle relation de confiance [73] a été initiée le 14 mars 2019 par le ministre de l’action et des comptes publics sur la base de ces mesures : l’accompagnement des PME, le partenariat pour les entreprises intermédiaires et les grandes entreprises, la régularisation spontanée, le dialogue et les recours en cas de contrôle, les rescrits (guichet unique et publication des rescrits d’intérêt général), l’appui à l’internationalisation des entreprises.
43Ces instruments de la gestion administrative améliorant légitimement les droits des usagers [74] participent à l’État de droit et à la démocratie, mais elles nourrissent aussi les possibilités de négociation des grandes entreprises et des particuliers privilégiés pratiquant l’optimisation. Elles prolongent un certain nombre de mesures [75] qui étaient réclamées par les lobbies représentant les grandes entreprises, notamment en matière de rescrit. Ainsi outre le rescrit général de l’article L80A du LPF, des rescrits spéciaux sont prévus [76]. Objet d’un vif débat parmi les professeurs [77] et les magistrats [78], ces rescrits, au-delà de l’opposition entre sécurité juridique [79] et évasion par les tax rulings, relèvent en tout état de cause de l’axiologie coopérative analysée ici.
44On peut aussi lire en ce sens l’instauration du conciliateur départemental qui constitue aussi, au sein des services fiscaux, une instance de prévention du contentieux devant le juge où la capacité à présenter des arguments est indispensable… Le conciliateur peut être saisi par tout contribuable, dès lors qu’il a effectué une démarche préalable devant le service de base en matière gracieuse ou contentieuse. Sont exclus les cas couverts par l’interlocution départementale (procédures de contrôle sur place) [80]. Le conciliateur répond en principe dans les 30 jours ou informe le contribuable de la nécessité d’un délai supplémentaire. Cet échelon de dialogue traite plus de 70 000 demandes par an, dont 90 % en moins de 30 jours. Il a la possibilité de réformer la décision prise par le service. La saisine du conciliateur n’interrompt pas les délais de recours contentieux et il est parfois saisi en même temps que le juge. Cette saisine ne dispense pas du paiement des sommes réclamées, mais un sursis à paiement peut être demandé. Le contrôle sur pièces est notamment concerné, mais plus généralement les opérations d’assiette et de recouvrement, ainsi que la qualité du fonctionnement des services de l’administration. Aucun délai n’est imposé au contribuable pour la saisine. La décision de rejet peut faire l’objet d’un recours devant le juge de l’impôt (ou par la voie d’un REP s’il s’agit d’un rejet sur un recours gracieux).
45Dans l’hypothèse d’un rejet de la demande par le conciliateur (ou par le service compétent), le contribuable-négociateur peut saisir le médiateur du ministère de l’économie et des finances instauré par le décret n° 2002-612 du 26 avril 2012. Celui-ci émet simplement une recommandation pour l’administration, en considération notamment de l’équité. Il peut néanmoins saisir le ministre des finances si sa recommandation est rejetée (et c’est le ministre qui décide). L’intérêt est qu’il ne s’agit pas, contrairement au conciliateur, d’un agent de l’administration…
46Pour achever ce propos, il convient de souligner que la loi précitée du 23 octobre 2018 étend à la fraude fiscale les procédures de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC ou « plaider-coupable » [81]) ainsi que la convention judiciaire d’intérêt public (CJIP) réservée aux personnes morales, issue de la loi Sapin 2 de 2016 [82], à la fraude fiscale [83]. Si le « plaider-coupable » n’efface pas la culpabilité de l’auteur, ce n’est pas le cas de la CJIP [84]. L’article 41-1-2 du code de procédure pénale (CPP), créé par la loi Sapin 2, dispose que les sociétés concluent un accord judiciaire sur le montant de l’amende et sur l’engagement à se soumettre au contrôle de l’Agence française anticorruption (durée maximale de 3 ans). Ce dispositif s’analyse ainsi comme une négociation d’autant plus intéressante pour les sociétés que l’ordonnance de validation de la CJIP proposée par le procureur au Président du TGI « n’emporte pas déclaration de culpabilité et n’a ni la nature ni les effets d’un jugement de condamnation », même si des poursuites pénales des dirigeants restent possibles. En matière fiscale, le procureur financier, Éliane Houlette, a mis en œuvre ces dispositions pour la première fois en novembre 2017 dans l’affaire de la banque HSBC (Swissleaks). Le montant de l’amende est de 300 M€, sachant qu’un blanchiment de fraude fiscale et un démarchage illicite auprès de 3000 clients pour un montant de 1,6 milliard € étaient évoqués. En dépit des obligations mises à la charge de la banque et de la certitude d’un recouvrement rapide, la décision évite l’audience publique sur les faits et l’inscription au casier. La seconde CJIP a concerné en juin 2018 la Société Générale (fonds avec la Lybie) avec une amende de 250 M€ et la troisième convention judiciaire, en juin 2019, Carmignac Gestion pour un montant de 30 M€.
47Il faut enfin revenir au cas de Google qui a accepté le 12 septembre 2019 de verser 500 M€ d’amende, et 465 M€ de rappels d’impôts, dans le cadre de la question de la territorialité fiscale de sa société irlandaise (cf. la première partie de cet article, Encadré 3) : malgré la décision de la CAA de Paris en avril 2019 qui lui avait donné raison, le géant numérique a préféré, sans admettre sa culpabilité, éviter le risque d’une décision défavorable du Conseil d’État, l’État français ayant retiré son pourvoi en cassation… Sociologiquement, ces négociations tendent à renforcer, quand elles sont connues, le sentiment d’injustice fiscale partagé par une majorité de Français. Pour des raisons de rendement budgétaire à court terme, la loi organise la coopération avec le monde des affaires au détriment de la répression [85]…
48Ainsi, le mouvement séculaire de développement du droit coopératif, qui a été encouragé depuis les années 1990 sous la forme du new public management par la responsive regulation, persiste [86]. De ce point de vue, la loi du 23 octobre 2018 renforçant la lutte contre la fraude a été présentée officiellement comme complémentaire à la loi ESSOC.
Conclusion
49La mondialisation faisait l’objet d’une régulation publique internationale biaisée par rapport aux fonctions sociales de l’impôt. La norme collective du marché s’est imposée aux États qui ont encouragé l’évasion fiscale par une lecture extensive des libertés économiques au détriment de l’égalité des contributions de l’ensemble des acteurs de la société.
50Des progrès ont été accomplis pour faire obstacle aux pratiques choquantes d’optimisation agressive des multinationales. Mais le changement porte peu sur le système socio-fiscal qui demeure marqué par une dérive néolibérale dangereuse pour nos démocraties.
51L’arsenal des instruments de la lutte contre l’évasion s’est renforcé, mais on assiste aussi à des formes négociées d’individualisation du droit coopératif des affaires qui risquent d’accentuer la délégitimation de l’impôt-contribution du citoyen ordinaire. Face à la crise de nos sociétés démocratiques, il est urgent de refonder le contrat social portant sur un système fiscal juste et pertinent.
Mots-clés éditeurs : plan BEPS, évasion fiscale, fiscalité, fraude fiscale, sanctions pénales, OCDE, contrôle fiscal
Date de mise en ligne : 14/01/2020
https://doi.org/10.3166/gfp.2019.6.012Notes
-
[1]
Loi n° 2019-759 du 24 juillet 2019 portant création d’une taxe sur les services numériques et modification de la trajectoire de baisse de l’IS.
-
[2]
M. Leroy, « L’évasion … », op. cit., 2016.
-
[3]
Cf. OCDE, « Appliquer l’instrument multilatéral étape par étape », juin 2017.
-
[4]
Ce qui était sans doute une condition de sa réussite.
-
[5]
Algérie, Kenya, Liban, Oman, Swaziland, Thaïlande.
-
[6]
Autriche, Ile de Man, Israël, Jersey, Lituanie, Nouvelle-Zélande, Pologne, Royaume-Uni, Serbie, Slovénie, Suède.
-
[7]
Articles concrétisant les préconisations du Rapport final de l’OCDE de 2015 pour l’action 6 du plan BEPS.
-
[8]
Articles concrétisant les préconisations du Rapport final de l’OCDE de 2015 pour l’action 14 du Plan BEPS.
-
[9]
Sur les limites de l’arbitrage, cf. D. Gutmann, « Brèves réflexions sur les règles de l’arbitrage fiscal international post-BEPS, Revue européenne et internationale de droit fiscal, 2017, n° 4, p. 396-401.
-
[10]
J’ai proposé ce concept pour la première fois dans M. Leroy, « L’approche sociologique du contrôle fiscal », Revue Tunisienne de Fiscalité, n° 7, 2007, p. 23.
-
[11]
L. Ayrault, « La pénalisation de la lutte contre la fraude fiscale », REIDF, 2015, 1, p. 36-42.
-
[12]
Fraude fiscale aggravée, blanchiment, escroquerie à la TVA.
-
[13]
Conseil constitutionnel, décision CC n° 2010-72/75/82 du 10 décembre 2010 : l’affichage obligatoire ne respecte pas le principe de l’individualisation des peines et est donc contraire à la constitution.
-
[14]
La peine de prison encourue est toujours de 5 ans en cas de fraude simple ou aggravée.
-
[15]
Loi relative à la lutte contre la fraude et la grande délinquance économique et financière (suite de l’affaire Cahuzac).
-
[16]
Réduction de moitié des peines de prison encourues.
-
[17]
Exception prévue pour tenir compte de la décision du Conseil constitutionnel précitée. La décision d’inéligibilité est mentionnée au casier judiciaire. La durée des peines complémentaires est limitée à 5 ans (10 ans si elle vise, au moment des faits, un membre du gouvernement ou un élu).
-
[18]
Le nouvel article 228 C du LPF, issu de l’article 36 de la loi de 2018, dispose que l’action publique peut concerner sans nouvelle plainte ou dénonciation d’autres faits, impôts ou périodes. L’article 142 A du LPF, issu aussi de l’article 36 de la loi de 2018, délie les agents des impôts du secret professionnel envers le procureur.
-
[19]
Article 1732 du CGI.
-
[20]
Article 1728-1-c du CGI.
-
[21]
Article 1729 b du CGI.
-
[22]
Article 1729 c du CGI.
-
[23]
Article 1729-0-A du CGI.
-
[24]
Article 1758 du CGI : trafic de drogue, monnaie, armes, alcools, tabac, contrefaçons.
-
[25]
Avant la loi de 2018, la CIF était compétente, mais le contribuable n’était ni averti de sa saisine ni informé de l’avis en cas de risque de dépérissement des preuves.
-
[26]
En 2017, 4785 dossiers de la CIF avaient des droits supérieurs à 100 000 €.
-
[27]
TGI de Paris, 32ème chambre correctionnelle, jugement du 20 février 2019, n° 11055092033. HBS a interjeté appel de la décision
-
[28]
Cf. aussi CE n° 372282 du 17 janvier 2014, Commentaire L. Ayrault, Procédures, LexisNexis, mars 2014, n° 3.
-
[29]
Dont la participation à une fraude « carrousel » à la TVA intracommunautaire.
-
[30]
Avant l’adoption de la loi n° 2018-898 du 23/10/2018 relative à la lutte contre la fraude, seule l’absence de dépôt réitéré de la déclaration mensuelle de TVA était concernée. Désormais, pour les impôts visés, le texte retient 2 défaillances déclaratives au titre de la dernière période échue ou 1 défaillance sur les 2 dernières périodes échues.
-
[31]
Article 12 de la loi n° 2018-898 du 23/10/2018 (avant il était de 8 jours). Si le juge des référés ne statue pas, il est dessaisi au profit du tribunal administratif qui se prononce en urgence.
-
[32]
Décret 2010-1318 du 4 novembre 2010 portant création d’une brigade nationale de répression de la délinquance fiscale : ce décret instaure les officiers fiscaux judiciaires (OFJ) qui ont certaines prérogatives de police judiciaire.
-
[33]
Il existait déjà des officiers douaniers judiciaires qui demeurent, les OFJ renforçant ce service sous l’autorité d’un magistrat. Le parquet national financier pourra saisir ces agents pour expertiser les dossiers complexes.
-
[34]
Le dispositif d’affichage et de diffusion de la décision du juge pénal prévu à l’article 16 de la loi de 2018 est déjà une forme de name and shame (cf. Encadré 4).
-
[35]
Les pouvoirs d’investigation de l’administration, outre les innovations indiquées, comprennent notamment le droit de communication (art. L81 et s. du LPF), le droit d’enquête en matière de TVA (art. L80F à J du LPF), le droit de visite et de saisie (art. L 16B du LPF), les demandes d’information, d’éclaircissements et de justifications (art. L10 du LPF).
-
[36]
Cf. le détail précisé ci-dessus dans le cas de la levée du verrou de Bercy.
-
[37]
Dissimulation d’identité, de situation ou d’activité, obtention injustifiée d’un avantage fiscal, acte destiné à égarer l’administration.
-
[38]
On a vu aussi que la directive n° 2018/22 du 25 mai 2018 impose la déclaration des montages potentiellement agressifs par les intermédiaires.
-
[39]
Sur les obligations de ces acteurs de la fiscalité numérique, cf. l’article 242 bis du CGI. En cas de manquement, une amende de 5 % s’appliquera dans les conditions de l’article 1736 du CGI. Dans le sens du name and shame, l’article 55 du projet de loi de finances pour 2020 prévoit aussi une publication des plateformes en ligne qui ne coopèrent pas avec l’administration fiscale.
-
[40]
Notamment la possibilité de saisir le comité de l’abus de droit.
-
[41]
CE Ass. Plénière, 21 juillet 1989, n° 58871, Lalande.
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[42]
CE du 27 septembre 2006, n° 260050, Société Janfin ; CE du 27 juillet 2009, n° 306998, Faillette. CE, Plénière, 21 juillet 1989, n° 59970, Benjador. Cass, com., 23 juin 2015, n° 13-19.486, Gihr-Chitarrini.
-
[43]
L’article 202 de la loi de finances n° 2018-1317 du 28 décembre 2019 a modifié l’article L64 du LPF en supprimant la charge de la preuve qui incombait à l’administration si elle ne suivait pas l’avis du comité de l’abus de droit.
-
[44]
Non négligeables : CE 17 juillet 2013, Sarl Garnier Choiseul Holding, n° 352989, Droit fiscal, 2013, n° 41, comm. 477, note F. Deboissy et G. Wicker.
-
[45]
Même si l’arrêt Halifax, CJCE du 21 février 2006, Affaire C-255/02, vise les montages dont le but essentiel est fiscal, d’autres décisions ont retenu les montages effectués à la seule fin d’obtenir un avantage fiscal.
-
[46]
Cette nouvelle procédure dite du « mini-abus de droit », basée sur le critère d’un montage « principalement » à but fiscal, est applicable en 2020 (la sanction pouvant être moins forte selon les cas), sachant que la définition classique de l’abus de droit (but exclusivement fiscal) subsiste..
-
[47]
La lutte contre la fraude est un objectif à valeur constitutionnelle : CC, Décision n° 99-424 DC du 29 décembre 1999, § 52, comme la lutte contre l’évasion : CC décision n° 2010-70 QPC du 26 novembre 2010, § 4.
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[48]
En France, l’article 212-Ib du CGI vise ce type de montage : cf. D. Lecomte, « Optimisation fiscale versus optimisation budgétaire. L’exemple de l’article 212-Ib du CGI », REIDF, 2016, n° 4, p. 507-515.
-
[49]
Pour les entreprises soumises à l’IR, dépendantes ou contrôlant (directement ou par une autre entreprise ou un groupe) des entreprises hors de France, l’article 57 du CGI s’applique au transfert de bénéfices.
-
[50]
L’article 155 A du CGI prévoit que la personne qui rémunère des prestations rendues par des personnes hors de France est imposable sur le montant versé à 3 conditions alternatives : si les personnes domiciliées ou établies hors de France contrôlent directement ou indirectement la personne qui perçoit la rémunération des services ; si elles n’établissent pas que cette personne exerce, de manière prépondérante, une activité industrielle ou commerciale, autre que la prestation de services ; si, en tout état de cause, lorsque la personne qui perçoit la rémunération des services est domiciliée ou établie dans un État étranger ou un territoire situé hors de France où elle est soumise à un régime fiscal privilégié au sens mentionné à l’article 238A du CGI.
-
[51]
M. Leroy, « Le gouvernement européen par la rigueur budgétaire », Gestion et Finances Publiques, n° 4, juillet-août 2018, p. 22-31.
-
[52]
Cour des comptes, La DGFIP, Dix ans après la fusion Une transformation à accélérer, Rapport, juin 2018
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[53]
M. Leroy, Le contrôle fiscal, Paris, L’Harmattan, 1993.
-
[54]
Indicateurs inclus dans les projets annuels de performance associés à chaque programme (article 51 de la Lolf) en annexe du projet de loi de finances puis, pour la réalisation, dans les rapports annuels de performances annexés à la loi de règlement.
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[55]
Article 1729 du CGI : 40 % en cas de manquement délibéré et 80 % en cas de manœuvres frauduleuses.
-
[56]
Cf. aussi sur la priorité donnée au recouvrement : É. Théodore, La politique de lutte contre la déviance fiscale dans le contexte de crise, Thèse de doctorat, sous la direction de Marc Leroy, Université de Reims, 15 décembre 2017.
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[57]
Une partie du rendement du contrôle fiscal résulte des données mises à jour par le Consortium international des journalistes d’investigation et par l’aviseur Falciani : par exemple, 243,5 M€ de droit et pénalités notifiés dans l’affaire Swissleaks impliquant la banque HSBC pour 2846 personnes physiques détenant des avoirs non déclarés en Suisse (cf. le rapport d’Émilie Cariou et de Pierre Cordier, Bilan de la lutte contre les montages transfrontaliers, Rapport n° 2252, Assemblée Nationale, 25 septembre 2019).
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[58]
Article 47A-1 du LPF.
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[59]
Article L13 du LPF : « Lorsque la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés, le contrôle porte sur l’ensemble des informations, données et traitements informatiques qui concourent directement ou indirectement à la formation des résultats comptables ou fiscaux et à l’élaboration des déclarations rendues obligatoires par le code général des impôts ainsi que sur la documentation relative aux analyses, à la programmation et à l’exécution des traitements ».
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[60]
Ainsi, l’article 56 du projet de loi de finances (PLF) pour 2020 prévoit la mise en œuvre entre 2023 et 2025 d’une facturation électronique, entre entreprises, en matière de TVA qui permettra de collecter des informations en vue de la lutte contre la fraude fiscale. Afin de mieux détecter la fraude, l’article 57 du PLF pour 2020 propose d’expérimenter, sur une durée de 3 ans, la collecte et l’exploitation des données publiques sur les sites internet des réseaux sociaux et des opérateurs de plateformes : cette disposition a été discutée (avis du 30 septembre 2019) par la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) qui souligne les risques d’une atteinte à la protection des données personnelles et à la libre expression.
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[61]
Sur ce point, à l’instar du contrôle formel et du contrôle sur pièces.
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[62]
« Si le droit répressif perd du terrain, le droit restitutif, qui n’existait pas du tout à l’origine, ne fait que s’accroître », É. Durkheim, De la division du travail social, Paris, PUF, 1986 [1893], p. 182.
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[63]
Selon Durkheim (ibid. p. 91) le droit restitutif exprime la coopération des sociétés modernes, c’est-à-dire dans les sociétés à solidarité organique (différenciation des individus dans des rôles sociaux complémentaires issue de la division du travail) : « Un système non moins défini qui comprend le droit domestique, le droit contractuel, le droit commercial, le droit des procédures, le droit administratif et le droit constitutionnel. Les relations qui y sont réglées (…) expriment un concours positif, une coopération qui dérive essentiellement de la division du travail ».
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[64]
Le Monde du 17 février 2019, p. 8.
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[65]
Le Monde du 11 mai 2019, p. 16.
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[66]
Sur le contentieux : T. Lambert (dir.), Le contentieux fiscal en débats, Paris, LGDJ, 2014.
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[67]
CE n° 95585 du 26 avril 1976.
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[68]
CE n° 393754 du 16 novembre 2016, Société Oddo : le contribuable peut soulever au regard de cette demande un moyen nouveau lors du contentieux devant le juge, mais ne peut pas évoquer un autre impôt ou demander une décharge totale s’il avait demandé une décharge partielle dans la réclamation préalable.
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[69]
Pour le montant des droits supérieurs à une certaine limite fixée par décret.
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[70]
Dans le cadre du Pacte pour la croissance, la compétitivité et l’emploi du 6 novembre 2012 la relation de confiance avait été expérimentée en matière d’audit des entreprises (pour avis) par l’administration avec pour objectif la sécurité juridique.
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[71]
L’intérêt de retard (art. 1727 du CGI) n’est pourtant pas une sanction mais répare le préjudice financier du Trésor.
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[72]
À condition que la bonne foi soit retenue et que le contribuable dépose une déclaration complémentaire dans les 30 jours de la demande.
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[73]
La relation de confiance est en œuvre depuis 2013 et concerne une trentaine d’entreprises.
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[74]
Pour le cas de l’Italie, au regard des droits du contribuable, cf. C. Sacchetto, « Du respect des droits fondamentaux en matière de contrôle fiscal en Italie », Revue européenne et internationale de droit fiscal, 2018, n° 1, p. 77-82.
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[75]
Dans le sens du droit coopératif des affaires, un « Comité des experts » créé en avril 2015 émet des avis sur les dossiers les plus complexes avec une composition indépendante de l’administration : le Président honoraire de la section des finances du Conseil d’État, 4 directeurs fiscaux d’entreprises, 1 secrétaire général de société, 2 professeurs d’université.
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[76]
L’article L80 B du LPF institue une sécurité pour le contribuable dans le cas où l’administration a formellement pris position sur l’appréciation d’une situation de fait que celui-ci a exposée de bonne foi au regard d’un texte fiscal. Mais dans le cadre de ce rescrit général, l’absence de réponse ne vaut pas approbation. Outre ce rescrit général, il existe des rescrits spéciaux en matière de crédit impôt recherche ; innovation, amortissements exceptionnels, mécénat, etc. : Par rapport à la déviance fiscale par évasion, le rescrit établissement stable (articles L 80 B-6° et R80B-9° du LPF), qui vise, pour les États liés à la France par une convention internationale, l’imposition ou non d’entreprises étrangères en France, prévoit un délai de réponse de 3 mois avec accord tacite en cas d’absence de réponse de l’administration. En revanche, le rescrit abus de droit prévoit un délai de réponse de 6 mois et, en l’absence de réponse, une interdiction d’activer la procédure d’abus de droit de l’article L. 64 du LPF (accord tacite). Le rescrit prix de transfert, qui ne limite pas le délai de réponse, demande un accord explicite de l’administration pour garantir l’entreprise d’un rehaussement ultérieur.
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[77]
X. Cabannes, « Le rescrit », Gestion et Finances Publiques, 2015, n° 3/4, p. 76-80. M. Leroy, « Le repositionnement… », 2017, op. cit., p. 426.
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[78]
O. Fouquet, « Sécurité fiscale et fraude fiscale », RFFP, n° 127, avril 2014, p. 151-161. D. Ury, « La sécurité juridique en droit fiscal », Gestion et Finances Publiques, n° 9/10, septembre-octobre 2015, p. 75-82.
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[79]
La « Charte pour une nouvelle gouvernance fiscale » du 1/12/2014 du Ministère des finances prévoit ainsi un « accroissement de la sécurité juridique ».
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[80]
La possibilité du recours à l’interlocuteur départemental, qui doit être saisi avant la mise en recouvrement, est une formalité substantielle du débat avec le contribuable en cas de contrôle sur place, sachant que la fonction doit être occupée par un agent de rang supérieur au vérificateur : CE n° 421809 du 26 décembre 2019.
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[81]
L’article 25 de la loi de 2018 étend à la fraude fiscale le « plaider-coupable » créée par l’article 137 de la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 (loi Perben 2) qui est codifiée aux articles 495-7 et suivants du code de procédure pénale (CPP).
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[82]
Article 22 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (loi Sapin 2).
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[83]
Dans la version issue de la loi Sapin 2 de 2016, la CJIP était d’application limitée en matière fiscale (notamment pour le blanchiment de fraude fiscale).
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[84]
L’initiative de la CJIP appartient au procureur soit directement (art. 41-1-2 du CPP) ou sur saisine du juge d’instruction (art. 180-2 du CPP).
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[85]
La loi du 25 octobre 2018 (art. 35) met fin à l’impossibilité pour l’administration de proposer une transaction en cas de poursuites pénales. La loi n° 2018-2317 du 28 décembre 2018 étend le champ d’application des remises, réservées auparavant aux impôts directs, au cas d’un rappel de TVA basé sur la caractérisation d’un établissement stable d’une entreprise étrangère. L’article L247 du LPF a donc été modifié.
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[86]
La responsive regulation inscrite dans le new public management valorise l’information et l’auto-régulation pour les contribuables, et, seulement en cas d’échec, admet des sanctions croissantes : V. Braithwaite (ed.), Taxing Democracy, Understanding Tax Avoidance and Evasion, Aldershot, Ashgate, 2003. J. Job, A. Stout, R. Smith “Culture Change in Three Taxation Administrations : From Command-and-Control to Responsive Regulation”, Law & Policy, 2007, 29, 1, p. 84-10.