Notes
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[1]
Le document utilise le terme de comptabilité d’exercice, équivalent à celui de « comptabilité générale ». Dans la littérature comptable on rencontre aussi les expressions « comptabilité en droits constatés » ou « comptabilité d’engagement » ou encore « comptabilité patrimoniale ». Ces dénominations font porter l’accent sur certains aspects de cette comptabilité, mais elles doivent être considérées comme synonymes en ce sens qu’elles n’ont qu’une traduction anglaise « accrual accounting ».
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[2]
Loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001.
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[3]
Le premier système normalisé au niveau mondial a été adopté par l’ONU en 1968 (SCN 68) et transposé en Europe en 1970 (SEC 70). Le système actuellement en vigueur est le SCN 2008 (SNA en anglais). L’UE a transposé le SCN en SEC 2010 (ESA en anglais) et l’a adopté sous forme de règlement européen.
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[4]
SCN 2008 : § 4.117 et SEC 2010 : § 20.06.
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[5]
Le cadre conceptuel assimile par hypothèse les comptes des administrations publiques aux comptes publics.
La notion de cadre conceptuel comptable s’inspire d’une pratique anglo-saxonne et a été développée en France pour la comptabilité des entités publiques. Le cadre conceptuel précise les spécificités de l’action publique pouvant avoir des conséquences comptables. Il s’intéresse aux utilisateurs des comptes publics, définit les caractéristiques qualitatives des états financiers et les principales notions (actif, passif, situation nette…) ainsi que les méthodes de comptabilisation et d’évaluation.
Pourquoi un cadre conceptuel des comptes publics ?
1Par un avis du 4 juillet 2016, le Conseil de normalisation des comptes publics (CNOCP) a adopté un cadre conceptuel applicable aux comptes publics établis selon les principes de la comptabilité d’exercice [1]. Ce document a été élaboré par un groupe de travail qui s’est réuni pour la première fois en 2013. Des versions intermédiaires ont été discutées à de nombreuses reprises par les instances permanentes du CNOCP et une consultation publique a été organisée en décembre 2014. Il s’agit donc du résultat d’une réflexion approfondie sur les principes sous-tendant les normes utilisées pour l’établissement des comptes individuels des entités comptables publiques. Cette réflexion doit se prolonger dans une seconde phase de travaux centrée sur les problématiques de comptes de regroupements d’entités et d’extension de l’information à des domaines situés à la limite de l’information comptable.
2Ce cadre conceptuel fait suite à celui qui figure dans le recueil des normes comptables de l’État, adopté en 2004 et est destiné à le remplacer. Il a vocation à s’appliquer à l’ensemble des entités publiques et doit faciliter ainsi la convergence des normes comptables publiques.
3Le cadre conceptuel de l’État constituait une nouveauté dans le paysage normatif français, la comptabilité d’entreprise, établie suivant les normes nationales, ne s’étant jamais inscrite dans un tel processus. Il convient donc d’expliquer pourquoi cela a paru utile, voire nécessaire, dans le domaine des comptes publics.
4La notion de cadre conceptuel comptable vient du monde anglo-saxon où elle s’applique aussi bien aux comptes publics qu’aux comptes privés. Il n’est pas question de discuter ici des avantages et des inconvénients d’un cadre conceptuel pour les comptes privés. Il suffit de rappeler la démarche suivie, en France comme dans les autres pays qui pratiquent ce genre d’exercice, pour élaborer les normes comptables devant être appliquées dans la sphère publique. Dans tous les cas, même si des variantes sont discernables, il est prescrit de partir des normes applicables aux entreprises et de ne s’en écarter que si des spécificités liées à l’action publique le justifient expressément. Ce principe est affirmé dans l’article 30 de la LOLF [2], il était déjà présent, sous une forme atténuée, dans le décret du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique (article 52 notamment).
5Cette référence pose donc la question des spécificités de l’action publique ayant des implications comptables. Poser le problème en ces termes a des conséquences lourdes. On ne part pas en effet de l’idée de construire un système des comptes publics ex nihilo, s’attachant à fournir les informations jugées adéquates, en considérant de manière pragmatique que, si la comptabilité d’entreprise peut convenir il faut l’utiliser là où elle peut convenir. On part de l’idée inverse, la comptabilité d’entreprise convient a priori et si tel n’est pas le cas il faut en tirer les conséquences. Ce n’est pas le lieu de discuter des mérites respectifs de ces deux approches, le législateur ayant tranché cette question.
6La principale justification du cadre conceptuel des comptes publics français est de fournir des repères pour traiter la question des spécificités. En cela, il se distingue des cadres conceptuels anglo-saxons, même s’il en reste très proche sur les conclusions. Les cadres applicables aux entreprises ne traitent évidemment pas de spécificités particulières, même si les considérations sur l’utilité de la comptabilité et ses destinataires privilégiés peuvent être justifiées par des spécificités du secteur privé. Le cadre conceptuel de l’IPSAS Board n’aborde pas non plus ouvertement ces questions dans la mesure où il veut rester aussi proche que possible du cadre de l’IASB. Cependant il est accompagné d’une préface très substantielle qui évoque cette problématique.
7Le CNOCP a choisi de traiter ce sujet au sein même du cadre, considérant qu’il s’agit d’une question fondamentale qui détermine largement le travail normatif qu’est censé guider un cadre conceptuel.
La nature des spécificités et ses conséquences comptables
Le périmètre
8La détermination des spécificités doit s’appuyer sur une caractérisation des entités entrant dans le périmètre des comptes publics. Le cadre conceptuel consacre un chapitre à ce sujet et si le cadre de l’IPSAS Board ne contient pas un tel chapitre, le sujet est traité dans la préface aux normes IPSAS.
9Les entités publiques sont assez diverses et toutes ne présentent pas toutes les spécificités relevées ou ne les présentent pas au même niveau. Il ne peut donc s’agir que d’une réflexion générale qui délimite des éléments caractéristiques que l’on retrouve à des degrés divers dans les entités publiques.
10Il existe maintenant un consensus solide, en France comme au niveau international, pour assimiler le champ des comptes publics au périmètre du secteur des administrations publiques (APU) défini par la comptabilité nationale. Ce choix s’explique largement par le fait qu’il existe depuis longtemps une normalisation de la comptabilité nationale au niveau mondial, et que ce système a été à la fois adapté et adopté par l’Union européenne [3]. Cette ancienneté a permis de développer une expérience et une culture partagée sur les principaux points clés.
11La définition du périmètre des APU se fonde sur des considérations économiques et fonctionnelles. Il s’agit des entités ayant pour activité principale de redistribuer le revenu et la richesse en se finançant, directement ou indirectement, par des prélèvements obligatoires. L’exercice d’une activité non marchande, caractéristique importante des APU selon la comptabilité nationale, doit être regardé comme une modalité particulière de la redistribution. Le statut juridique des entités n’est pas un élément de la définition, même s’il peut constituer un indice important.
La notion d’entité comptable
12Mais ces définitions et critères reposent sur un préalable qui porte sur une spécificité majeure de la sphère publique. Le SCN et le SEC notent comme une caractéristique importante de la spécificité des APU le fait qu’elles sont créées par une décision politique [4]. Or il est difficile de considérer que le processus politique qui détermine les droits et les obligations des APU est, en lui-même, une APU, même si ces textes ne tirent pas une telle conclusion. Mais la comptabilité nationale s’intéresse plus au secteur qu’aux unités le composant et comme le compte du secteur des APU est l’agrégation des comptes des APU, on peut en déduire qu’il n’est pas le compte de ce processus politique.
13Cette observation prend une importance beaucoup plus grande pour la comptabilité générale qui s’applique d’abord à une entité comptable (généralement une personne morale) dont le patrimoine est clairement identifié, au moins au sens comptable. Si la comptabilité nationale est construite pour fournir des données agrégées et ne cherche pas nécessairement l’exhaustivité au niveau de chaque entité de base, la comptabilité générale suppose au contraire une précision complète dans les critères de comptabilisation des éléments.
14Lorsque les droits et obligations portés par les entités publiques sont d’origine contractuelle, ou quasi contractuelle, les prescriptions de la comptabilité d’entreprise trouvent assez facilement à s’appliquer, soit directement soit avec des aménagements mineurs. Il en va de même lorsque ces éléments sont d’origine législative ou réglementaire et s’imposent aux entités publiques pour leurs opérations non spécifiques.
15Mais l’action publique consiste avant tout à conduire des politiques décidées au niveau politique. Si des droits et obligations d’origine contractuelle sont mobilisés dans cette activité, ils sont plus relatifs aux moyens mis en œuvre qu’aux fondements de ces politiques. Pour conduire ces dernières, le processus politique, que le cadre conceptuel désigne comme le pouvoir souverain, dote également les entités comptables publiques de moyens et de responsabilités spécifiques, liés à l’exécution des missions qui leur sont confiées. Ces derniers ne deviennent des actifs et des passifs des entités qu’à partir du moment où ces dernières en obtiennent le contrôle opérationnel. Les droits et obligations caractéristiques de l’action publique ne peuvent ainsi être, dès leur naissance, imputés à des entités comptables. Il revient aux normes comptables de préciser les critères de leur comptabilisation dans les entités publiques.
16Le cas de l’État ne doit pas, de ce point de vue, se distinguer de celui des autres entités. Il présente cependant une difficulté de compréhension dans la mesure où l’État est parfois assimilé aux pouvoirs publics en général. Or s’il est bien prévu l’établissement d’un compte général de l’État (CGE), il convient d’en préciser la nature. Les pouvoirs publics sont effectivement compris dans le CGE en tant qu’ensemble de moyens supports de leur action. Ainsi, les comptes du Parlement, intégrés dans le CGE, retracent les moyens matériels et financiers qui lui sont attribués. Ils ne retracent pas sa capacité à créer, modifier ou supprimer des droits et obligations liés aux politiques publiques qu’il décide.
Les principales conséquences comptables
17Limiter le champ de la comptabilité aux droits et obligations effectivement contrôlés par les entités comptables entraîne des conséquences importantes. Cela implique l’inexistence des obligations implicites puisqu’une entité comptable ne peut agir que par autorisation du pouvoir souverain. C’est ce dernier qui porte ces engagements, particulièrement nombreux dans la sphère publique.
18Pour les mêmes raisons, le champ des informations portées dans les comptes des entités est restreint aux éléments effectivement sous la responsabilité explicite de ces entités. Ce point a été débattu longuement car, pour certains, il ne devrait s’appliquer qu’au bilan et au compte de résultat. Mais la possibilité de fournir des informations sur des engagements à long terme, dont l’entité n’est pas responsable mais qui sont la suite (à droit constant) de la mission qui lui est confiée, dans l’annexe de ses comptes n’a pas été retenue. La difficulté tenait moins au principe qu’à la possibilité de délimiter concrètement le périmètre de cette information complémentaire qui relève plus de la soutenabilité que de la comptabilité. Or dans la sphère publique, la soutenabilité n’a souvent pas de sens au niveau d’une entité individuelle.
19Cela pose ainsi les deux questions qui ne sont pas traitées dans le document approuvé et qui vont faire l’objet des travaux de la seconde phase : peut-on étendre le champ des informations en considérant non plus des entités comptables mais des regroupements d’entités et comment le faire dans la mesure où certains de ces regroupements (dont la pertinence paraît établie) ne pourront être considérés comme des entités comptables d’un niveau supérieur ?
L’essentiel du contenu du cadre conceptuel des comptes publics
20Une fois précisées les principales spécificités de l’action publique, ce qui constitue la plus forte originalité du document, le cadre conceptuel des comptes publics reprend l’architecture classique des cadres conceptuels comptables.
Des états financiers, pour qui et pour quoi ? Les utilisateurs et les objectifs des comptes publics
21Le cadre conceptuel s’intéresse aux « utilisateurs » des comptes publics. Ceux-ci font l’objet d’une forte exigence de qualité puisque la Constitution dispose, en son article 47-2 alinéa II, que « les comptes des administrations publiques sont réguliers et sincères. Ils donnent une image fidèle du résultat de leur gestion, de leur patrimoine et de leur situation financière » [5]. Il reste à identifier les utilisateurs de ces comptes. L’idée sous-jacente est bien que le langage comptable s’adresse à un destinataire et qu’il faut tenir compte de ses besoins, en fixant des objectifs précis aux états financiers établis selon les normes de la comptabilité d’exercice.
22Jusqu’ici, force est de constater que peu d’attentes se sont clairement exprimées en matière de comptabilité générale, mis à part des demandes génériques de « transparence ». Le cadre conceptuel considère que les comptes publics s’adressent en priorité aux citoyens et à leurs représentants. Il présume en effet que les comptes publics intéressent potentiellement toute personne, sans qu’elle ait nécessairement la volonté ou la capacité d’avoir une action particulière vis-à-vis des entités qui produisent l’information comptable. Le cadre conceptuel cite les « autres » utilisateurs potentiels des comptes énumérés selon leurs fonctions : les gestionnaires d’entités publiques et leurs tutelles d’une part, les bénéficiaires de services, les contributeurs financiers, les contractants des entités publiques, etc. d’autre part. Il n’établit pas de hiérarchie entre ces différents groupes, estimant qu’une telle hiérarchie est inutile dès lors qu’elle n’emporte pas de conséquence comptable.
23L’utilisateur des comptes est également qualifié de « lecteur des comptes ». Cette dénomination montre bien que le destinataire présumé des comptes publics n’a pas nécessairement l’intention de décider ou d’agir autrement qu’en s’informant sur les comptes publics. En cela, le cadre conceptuel des comptes publics diffère d’autres cadres conceptuels, pour lesquels l’information doit également aider l’utilisateur des comptes à prendre des décisions éclairées. Cependant, même si le cadre conceptuel ne met pas en exergue la prise de décision, les utilisateurs des comptes doivent pouvoir y trouver des informations pertinentes à cette fin.
24Tel est en effet l’objectif assigné par le cadre conceptuel aux comptes publics : donner, à échéances régulières, une image fidèle du patrimoine, de la situation financière et du résultat d’une entité comptable publique. L’objectif des états financiers est véritablement de « rendre compte ». Rendre compte du résultat et de la situation financière de l’entité publique, tels qu’ils résultent d’évènements passés, dans le champ de responsabilité de l’entité et dont elle devra assumer les conséquences.
25Le chapitre consacré aux utilisateurs et aux objectifs des états financiers insiste enfin sur les précautions qui doivent entourer l’utilisation des comptes : toutes les informations financières ne s’y trouvent pas puisque d’autres outils renseignent également les utilisateurs sur d’autres aspects financiers de la vie des entités publiques. C’est aussi pourquoi le cadre conceptuel préconise d’expliciter la cohérence entre la comptabilité d’exercice et les autres comptabilités et outils de gestion, au premier rang desquels le budget.
Caractéristiques qualitatives des états financiers
26Ce chapitre décrit ce que l’on appelait parfois les « principes comptables ». Le cadre distingue les « principes généraux » que doivent respecter les états financiers et les « caractéristiques qualitatives » qu’ils présentent.
27L’incipit rappelle que les états financiers sont établis selon le principe de continuité d’existence, spécifique au secteur public, fondé sur la pérennité de l’action publique.
28Le cadre propose des définitions des principes généraux de sincérité, régularité et fidélité mentionnés dans la Constitution et des caractéristiques qualitatives que sont la neutralité, la pertinence, la fiabilité, l’exhaustivité, l’intelligibilité, la prudence, la comparabilité, la prééminence de la substance sur l’apparence, la spécialisation des exercices, la non-compensation et la vérifiabilité.
29Si le cadre n’établit pas de hiérarchie entre ces caractéristiques qualitatives, une note sur leur équilibre précise qu’en cas de conflit, le producteur des comptes doit exercer son jugement pour arbitrer entre elles, afin de respecter au mieux les objectifs des états financiers.
30Ce chapitre se conclut par les contraintes ou limites que le producteur des comptes doit prendre en considération en établissant ses états financiers. Il s’agit du rapport coûts/avantages, de l’importance relative et du respect de la confidentialité de certaines opérations ou transactions.
Éléments des états financiers et comptabilisation
31Le cadre conceptuel définit les éléments correspondant aux grandes catégories structurant les états financiers.
32« Un actif est une ressource actuelle contrôlée du fait d’un évènement passé ». Cette courte définition en appelle d’autres en cascade, principalement pour les notions de ressource et de contrôle. Relevons tout d’abord l’emploi du terme « ressource » dans la définition d’un actif, inspiré des référentiels internationaux, qui peut surprendre au premier abord pour qui a l’habitude des analyses « emplois / ressources » dans lesquelles les ressources figurent dans la colonne « crédit ». Pour autant, utiliser le terme « ressource » pour définir un actif est en fait plus intuitif : la ressource est un élément qui a la capacité de fournir un potentiel de service ou un avantage économique. La notion de « potentiel de service », qui avait été introduite de longue date dans le plan comptable général pour les entités du secteur public, figure en bonne place dans le cadre conceptuel des comptes publics, tant elle est nécessaire pour définir un actif d’entité publique. L’importance de cette notion, et sa complexité, réside dans le fait que le potentiel de service peut bénéficier à l’entité ou à des tiers, en fonction de sa mission ou de son objet.
33« L’entité publique contrôle la ressource si elle a la capacité de disposer de son potentiel de service, pour elle-même ou pour des tiers, ou de ses avantages économiques » ; il peut s’agir de déterminer les modalités d’utilisation de la ressource. L’inclusion de la notion de contrôle dans la définition d’un actif, contrôle que l’entité publique doit pouvoir exercer sur la ressource, permet de matérialiser la césure entre ce qui ressortit au pouvoir souverain, comme le pouvoir de lever l’impôt ou le domaine public en général, et les droits que le pouvoir souverain a attribués à des entités publiques identifiées qui, dès lors, pourront les contrôler et en être pleinement responsables.
34« Un passif est une obligation actuelle de l’entité publique résultant d’un évènement passé, qu’elle ne peut régler que par une sortie de ressources ». Là encore, la définition s’inspire fortement des référentiels internationaux. En présence d’une de ses obligations actuelles, le cadre invite à distinguer deux situations :
Le cas d’une obligation similaire ou assimilable à une obligation d’entreprise
35Tel est principalement le cas des obligations résultant de contrats ou qui peuvent être assimilables à des obligations contractuelles.
36Eu égard au principe selon lequel les entités publiques appliquent les règles comptables des entreprises sauf spécificité de leur action, ces obligations sont traitées comme en comptabilité d’entreprise.
Le cas d’une obligation spécifique de l’action publique
37Le cadre indique ce qu’il entend par là : « l’obligation est spécifique de l’action publique lorsqu’elle est la résultante de dispositions légales et règlementaires qui ne concernent que l’action publique, parmi lesquels les actes administratifs unilatéraux créateurs de droits pris en application de textes législatifs ou règlementaires ».
38Dans ce cas, il n’existe pas de règle d’entreprise directement applicable. Le cadre propose alors d’analyser ce qu’il appelle la maturité de cette obligation spécifique : il s’agit alors de se demander si le pouvoir souverain (qui peut modifier, théoriquement à tout moment, les contours de l’action publique et partant, des droits et obligations qui y sont attachés) peut, dans le cas d’espèce, modifier l’obligation. S’il n’est plus en mesure de le faire, l’obligation devient assimilable à une obligation d’entreprise. Elle peut être traitée comme si elle résultait d’un contrat. Pour identifier le moment où une obligation spécifique devient ainsi réellement une obligation de l’entité publique qui en devient alors responsable, le cadre conceptuel utilise le concept d’opposabilité, qu’il définit pour cet usage. Il est ainsi indiqué que : « Une obligation spécifique de l’action publique devient opposable à l’entité publique quand les conditions cumulatives suivantes sont remplies :
- l’obligation est relative à une prestation déterminée ;
- son bénéficiaire est clairement identifié et déclaré ;
- son terme est connu ;
- l’ensemble des conditions nécessaires à la constitution du droit du bénéficiaire envers l’entité publique est rempli ».
39Tant qu’une obligation spécifique de l’action publique n’est pas opposable à une entité publique bien identifiée, il s’agit d’un engagement du pouvoir souverain, non susceptible de comptabilisation. L’objectif est de rendre possible une cohérence interne des états financiers, en présentant des éléments qui ont une consistance similaire pour l’entité, en ne mettant pas tout sur le même plan.
40En matière d’obligations, l’une des conclusions notables du cadre conceptuel est l’absence d’obligation spécifique implicite. En effet, l’action publique en France est strictement encadrée par les textes juridiques qui la régissent. Dès lors, le responsable d’une entité publique ne peut, de sa propre initiative, outrepasser les compétences qui lui sont confiées dans ce cadre, ni a fortiori susciter des attentes qui pourraient être constitutives de passifs.
41Le cadre conceptuel définit la « situation nette » comme la différence entre les actifs et les passifs. Elle coïncide avec la notion de « fonds propres », sauf pour l’État. Au sein des fonds propres, le cadre évoque le lien entre les dotations dont disposent une entité et les contreparties et droits qui en résultent pour l’entité qui les a consenties.
42Les définitions de produits et de charges sont classiques pour un cadre conceptuel comptable, en se fondant sur des variations de bilan, mais peuvent sembler originales dans un environnement public souvent plus familier d’une approche par les flux que par les stocks.
43La partie consacrée aux critères de comptabilisation présente les critères et donne des orientations sur les faits générateurs de comptabilisation pour les grandes catégories d’éléments. Le cadre introduit également la notion de décomptabilisation qui, sous des apparences de tautologie, pourra en fait constituer des enjeux importants en matière de fiabilisation des comptes publics.
44La mention de l’existence d’actifs et de passifs éventuels se rapproche très fortement des mentions équivalentes dans le plan comptable général.
45Le chapitre consacré à l’évaluation présente de fait une méthode d’évaluation privilégiée pour les actifs (le coût) et pour les passifs (la valeur de remboursement, avec ou sans actualisation), tout en prévoyant que les normes puissent prévoir d’autres méthodes d’évaluation dans des circonstances particulières qu’elles devront précisément décrire. Le producteur des comptes pourra choisir entre différentes méthodes permises par une norme selon la qualité de l’information en résultant et en fonction du coût nécessaire pour la produire.
46Le chapitre relatif à la présentation des états financiers est bref, l’essentiel des dispositions en la matière devant relever des normes elles-mêmes plus que du cadre conceptuel.
47Enfin, le document se conclut, avant le glossaire, par un chapitre intitulé « consolidation et combinaison d’entités comptables ». À ce stade, le cadre conceptuel prévoit que selon les textes qui lui sont applicables, une entité publique peut établir des comptes consolidés si elle contrôle une autre entité comptable ou dans certains cas, établir des comptes combinés. Dans ces deux situations, il existe une entité comptable qui est la résultante de la consolidation ou de la combinaison.
48Les réflexions sur les regroupements de comptes d’entités publiques vont se poursuivre à l’occasion des travaux sur la deuxième phase du cadre conceptuel que le CNOCP va désormais engager.
À propos du cadre conceptuel, GFP a publié :
Notes
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Le document utilise le terme de comptabilité d’exercice, équivalent à celui de « comptabilité générale ». Dans la littérature comptable on rencontre aussi les expressions « comptabilité en droits constatés » ou « comptabilité d’engagement » ou encore « comptabilité patrimoniale ». Ces dénominations font porter l’accent sur certains aspects de cette comptabilité, mais elles doivent être considérées comme synonymes en ce sens qu’elles n’ont qu’une traduction anglaise « accrual accounting ».
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Loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001.
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[3]
Le premier système normalisé au niveau mondial a été adopté par l’ONU en 1968 (SCN 68) et transposé en Europe en 1970 (SEC 70). Le système actuellement en vigueur est le SCN 2008 (SNA en anglais). L’UE a transposé le SCN en SEC 2010 (ESA en anglais) et l’a adopté sous forme de règlement européen.
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SCN 2008 : § 4.117 et SEC 2010 : § 20.06.
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[5]
Le cadre conceptuel assimile par hypothèse les comptes des administrations publiques aux comptes publics.