Couverture de RFDC_087

Article de revue

Jurisprudence du Conseil constitutionnel Octobre 2010-mars 2011

Pages 547 à 639

Notes

  • [1]
    Les grandes décisions du Conseil constitutionnel, n° 45, 16e éd., septembre 2011. A. Levade, « Epilogue d’un débat juridique : l’interdiction de la dissimulation du visage dans l’espace public validée !, » Semaine juridique, Éd. générale, n° 43, 25 octobre 2010, n° 1043 ; F. Dieu « Le droit de dévisager et l’obligation d’être dévisagé : vers une moralisation de l’espace public ? », Semaine juridique, Administrations et collectivités territoriales, n° 48, novembre 2010, p. 35-42 ; B. Mathieu, « La validation par le Conseil constitutionnel de la loi sur “le voile intégral” », Semaine juridique, Éd. Générale, n° 42, 2010, p. 1930-1932 ; D. Rousseau et P.-Y. Gadhoun, chron. et juris. constitutionnelle, RDP, n° 1-2011, p. 278- 280. M. Verpeaux, « Dissimulation du visage, la délicate conciliation entre la liberté et un nouvel ordre public », AJDA, 2010, n° 42, p. 2373-2377.
  • [2]
    Le rapport d’information fait au nom de la mission d’information sur la pratique du port du voile intégral sur le territoire national avait recensé des cas de port de niqab mais non de burqa (rapporteur Éric Raoult, rapport rendu public le 26 janvier 2010).
  • [3]
    Décision n° 2010-625 DC du 11 mars 2011.
  • [4]
    Mais seulement à condition que l’entreprise l’accepte la Cour de cassation ayant rappelé qu’il n’existe pas de liberté de se vêtir à sa guise sur le lieu de travail (arrêt de la Chambre sociale de la Cour de cassation du 28 mai 2003, pourvoi n° 02-40.273).
  • [5]
    Circulaire relative à l’application de la loi interdisant la dissimulation du visage dans l’espace de public adressé par le ministère de l’Intérieur aux préfets et hauts commissaires de la République, p. 4.
  • [6]
    Dans le Coran 24.31, il est écrit simplement : « Dis aux Croyantes de baisser leurs regards, d’être chastes, de ne montrer de leurs atours que ce qui en paraît. Qu’elles rabattent leurs voiles sur leurs gorges ! Qu’elles montrent seulement leurs atours à leurs époux, ou à leurs pères, ou aux pères de leurs époux, ou à leurs fils, ou aux fils de leurs époux, ou à leurs frères, ou aux fils de leurs frères, ou aux fils de leurs sœurs, ou à leurs femmes, ou à leurs esclaves, ou à leurs serviteurs mâles que n’habite pas le désir [charnel], ou aux garçons qui ne sont pas [encore] au fait de la conformation des femmes. Que [les Croyantes] ne frappent point [le sol] de leurs pieds pour montrer les atours qu’elles cachent ! (…) ». Voir plus largement, le rapport de la mission d’information sur la pratique du port du voile intégral, p. 25 et suivantes.
  • [7]
    Voir le rapport de la mission d’information précité, p. 25 et s.
  • [8]
    Sous les réserves émises par le législateur (art 2. II de la loi) et le Conseil constitutionnel (cons. n° 5 de la décision).
  • [9]
    Décisions n° 88-244 DC du 20 juillet 1988, cons. n° 22 (qui dégage cette liberté) et décision n° 2003-484 DC du 20 novembre 2003, cons. n° 94 qui en précise les fondements. Sur cette liberté, voir notamment Alain Pariente « La liberté personnelle dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel », La Constitution et les valeurs, Mélanges en l’honneur de Dmitri Georges Lavroff, Dalloz, 2005, p. 260- 282 et H. Roussillon et X. Bioy (dir.), La liberté personnelle : une autre conception de la liberté ?, Presse de l’Université des sciences sociales de Toulouse, coll. de l’IFR, 2006, 160 p.
  • [10]
    « Droit constitutionnel civil », Jurisclasseur administratif, 1997, fasc. 1449, 1990, p. 5.
  • [11]
    « L’identité de la personne devant le Conseil constitutionnel », cette Revue, 65-2006, p. 94.
  • [12]
    Voir Xavier Bioy, « Le libre développement de la personnalité en droit constitutionnel, essai de comparaison », RIDC, 2003, p. 123 et du même auteur « L’identité de la personne devant le Conseil constitutionnel », cette Revue, 2006, n° 65, p. 95.
  • [13]
    Arrêts Pretty c/ Royaume-Uni, CEDH, 29 avril 2002 ; Christine Goodwin c/Royaume-Uni, CEDH 11 juillet 2002 ; KA et AD c/Belgique, CEDH, 17 février 2005.
  • [14]
    Voir F. Sudre, Droit international et européen des droits de l’homme, PUF, 2006, p. 450-451.
  • [15]
    Xavier Bioy résume très justement cette idée : « Le mouvement contemporain de défense de l’identité comme droit fondamental en liaison avec le concept de personne conduit à la reconnaissance du thème de l’identité personnelle appelant une politique positive de l’État allant bien au-delà de la seule tolérance. Il se heurte à la vigilance du Conseil constitutionnel fervent défenseur du pacte républicain, décelant sous chaque revendication identitaire la poussée d’un groupe concurrent du peuple français », « L’identité… », p. 88.
  • [16]
    Voir les décisions n° 96-377 DC, 2001-446 DC, 2004-498 DC, 2006-539 DC, 2007- 557 DC, 2009-593 DC, 2010-25 QPC, 2010-71 QPC, 2010-80 QPC. La décision n° 94- 343/344 DC, dans laquelle le Conseil constitutionnel a dégagé cette notion à partir du préambule de 1946, pose ce principe de manière très large qui peut sous-entendre une conception « objective » de la dignité, la dignité pouvant alors être sauvegardée par la collectivité au-delà de la liberté de la personne.
  • [17]
    CE, ass., 27 octobre 1995, Commune de Morsang-sur-Orge et ville d’Aix-en-Provence (2 espèces), Rec. p. 372.
  • [18]
    G. Girard et S. Hennette-Vauchez, « Le principe de dignité dans la doctrine administrativiste », in La dignité de la personne humaine. Recherche sur un processus de juridicisation, PUF, Mission droit et justice, 2005, p. 24.
  • [19]
    Voir M. Canedo-Paris, « La dignité humaine en tant que composante de l’ordre public : l’inattendu retour en droit administratif d’un concept controversé » ? RFDA, 2008, p. 979-998.
  • [20]
    Précité, p. 20.
  • [21]
    Voir également en ce sens, B. Mathieu, « La validation par le Conseil constitutionnel de la loi sur le voile intégral », précité, p. 1932.
  • [22]
    Rapport précité, p. 28.
  • [23]
    Garreth Anver Prince v. President of the Cape Law Society et al of 25 January 20022001 (2) BCLR [Butterworth Constitutional Law Report, South Africa] 388 (CC) ; Employment Division, Department of Human Resources of Oregon, et al. v. Smith et al., 494 U.S. 872, 911 (1990). The South African judges appear to have also followed the doctrine debate criticizing the judgment used by them by citing James D. Gordon, Free Exercise on the Mountaintop, 79 Cal. L. Rev., 91 (1991) ; Michael McConnel, Free Exercise Revisionism and the Smith Decision, 57 U. Chi. L. Rev. 1109 (1990) ; Abner S. Green, The Political Balance of the Religion Clauses, 102 Yale L.J., 1611 (1993).
  • [24]
    Le débat est cependant loin d’être terminé car la conventionnalité de la loi, question que nous avons choisi de ne pas aborder dans le cadre limité de cette chronique, n’a pas encore été analysée.
  • [25]
    CC n° 86-225 DC, Loi portant diverses mesures d’ordre social, cons. n° 4.
  • [26]
    L’article 1er de ce texte dispose que « les membres du Parlement ne sont autorisés à déléguer leur droit de vote que dans les cas suivants :
    1° Maladie, accident ou événement familial grave empêchant le parlementaire de se déplacer ;
    2° Mission temporaire confiée par le Gouvernement ;
    3° Service militaire accompli en temps de paix ou en temps de guerre ;
    4° Participation aux travaux des assemblées internationales en vertu d’une désignation faite par l’Assemblée nationale ou le Sénat ;
    5° En cas de session extraordinaire, absence de la métropole ;
    6° Cas de force majeure appréciés par décision des Bureaux des assemblées… ».
  • [27]
    CC n° 2010-609 DC, Loi organique relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution.
  • [28]
    CC n° 61-16 DC, Loi organique modifiant l’ordonnance n° 58-1066 du 2 novembre 1958 autorisant exceptionnellement les parlementaires à déléguer leur droit de vote.
  • [29]
    CEDH, Oneryildiz c. turquie, 30 novembre 2004, n° 48939/99.
  • [30]
    CEDH, n° 46044/99.
  • [31]
    CE, SCP Machoir et Bailly, n° 263944.
  • [32]
    CC n° 2000-440 DC du 10 janvier 2001, Loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine des transports.
  • [33]
    CC n° 2010-14/22 QPC du 30 juillet 2010, M. Daniel W. et autres.
  • [34]
    CC 18 janvier 1985, n° 84-182 DC.
  • [35]
    Cass. civ. 1re, 22 mars 1983, n° 82-10940 et 82-19994.
  • [36]
    CC, n° 2003-489 DC du 29 décembre 2003, Loi de finances pour 2004, cons. 37 ; n° 2007-558 DC du 13 décembre 2007, Loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, cons. 4 ; n° 2008-573 DC du 8 janvier 2009, Loi relative à la commission prévue à l’article 25 de la Constitution et à l’élection des députés, cons. 30.
  • [37]
    Gazette du Palais, 23 au 25 janvier 2011.
  • [38]
    Le second alinéa de l’article L. 222-1 du code de justice administrative dispose que « les juges délibèrent en nombre impair ».
  • [39]
    D. Chauvaux et J. Courtial, « Le décret du 22 février 2010 relatif aux compétences et au fonctionnement des juridictions administratives » AJDA, 2010, p. 605 ; L. Erstein, « La justice administrative menée vers de nouvelles règles de compétence et de fonctionnement juste après avoir été soumise à la question prioritaire de constitutionnalité », JCP A, 2010, n° 2095 ; B. Noyer et F. Melleray, « Une nouvelle étape de la réforme des juridictions administratives. Commentaire du décret n° 2010-164 du 22 février 2010 relatif aux compétences et au fonctionnement des juridictions administratives », Droit administratif, mai 2010, étude n° 10.
  • [40]
    L’article 21 du décret du 22 février 2010 crée un article R. 222-34, lequel permet au président de la cour administrative d’appel (ou au magistrat qu’il désigne) de rejeter par ordonnances les requêtes qui ne sont manifestement pas susceptibles d’entraîner l’infirmation de la décision attaquée dans les litiges relatifs aux obligations de quitter le territoire français.
  • [41]
    CE, 16 juillet 2010, Union syndicale des magistrats administratifs, n° 338829.
  • [42]
    Les Cahiers du Conseil constitutionnel indiquent que M. Denoix de Saint Marc a décidé, en vertu de l’article 4 du règlement intérieur sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité de s’abstenir sur cette affaire.
  • [43]
    V. par ex., les articles R. 611-22 et R. 612-5 (ou encore R. 775-5) du code de justice administrative sur le désistement d’office pour défaut de production, après mise en demeure, du mémoire complémentaire annoncé.
  • [44]
    Article 23-7 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel.
  • [45]
    Disponible, dans ses grandes lignes, sur le site internet du syndicat.
  • [46]
    CC, décision n° 2010-33 QPC du 22 septembre 2010, Société Esso SAF, cons. 2.
  • [47]
    CC, décisions n° 80-113 L du 14 mai 1980, Rec. p. 61 et n° 88-153 L du 23 février 1988, Rec. p. 34 ; CE, 17 décembre 2003, Meyet, n° 258253.
  • [48]
    CC, décision n° 75-56 DC du 23 juillet 1975, Rec. p. 22.
  • [49]
    Décision n° 2010-62 QPC du 17 décembre 2010, JORF du 19 décembre 2010, p. 22372.
  • [50]
    Articles 145, 145-1, 145-2 et 199 du code de procédure pénale.
  • [51]
    Crim., 26 février 2003, Bull. crim., n° 55.
  • [52]
    Magalie Nord-Wagner, « La détention provisoire : un équilibre renforcé ? », AJ pénal 2007, p. 113.
  • [53]
    Jean-Baptiste Perrier, « Procédure écrite et exigence du contradictoire pour l’examen de demandes de mise en liberté par le juge des libertés et de la détention », AJ Pénal, 2011, p. 136.
  • [54]
    Cass. crim., 14 septembre 2010, pourvoi n° 10-90.090, n° 4979, M. Thibault G., JurisData n° 2010-016533.
  • [55]
    Article R 413-14-1 du code de la route : « I. Le fait, pour tout conducteur d’un véhicule à moteur, de dépasser de 50 km/h ou plus la vitesse maximale autorisée fixée par le présent code ou édictée par l’autorité investie du pouvoir de police est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe.
    II. Toute personne coupable de cette infraction encourt également les peines complémentaires suivantes : 1° La suspension du permis de conduire pour une durée de trois ans au plus, cette suspension ne pouvant pas être limitée à la conduite en dehors de l’activité professionnelle, ni être assortie du sursis, même partiellement ; 2° L’interdiction de conduire certains véhicules terrestres à moteur, y compris ceux pour la conduite desquels le permis de conduire n’est pas exigé, pour une durée de trois ans au plus ; 3° L’obligation d’accomplir, à ses frais, un stage de sensibilisation à la sécurité routière ; 4° La confiscation du véhicule dont le prévenu s’est servi pour commettre l’infraction, s’il en est propriétaire.
    III. Cette contravention donne lieu de plein droit à la réduction de six points du permis de conduire. »
  • [56]
    CE, 12 février 1960, Société Eky, n° 47810, Rec. 101 ; S. 1960.131, concl. Kahn ; D. 1960.236, note L’Huillier ; JCP 1960. II.11629 bis, note Vedel.
  • [57]
    En matière contraventionnelle et notamment en ce qui concerne la détermination des peines par le pouvoir réglementaire, la principale limite que le Conseil constitutionnel ait posée est que ces peines ne puissent être des mesures privatives de liberté. Décision n° 73- 80 L du 28 novembre 1973, Nature juridique de certaines dispositions du code rural, de la loi du 5 août 1960 d’orientation agricole, de la loi du 8 août 1962 relative aux groupements agricoles d’exploitation en commun et de la loi du 17 décembre 1963 relative au bail à ferme dans les départements de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et de la Réunion.
  • [58]
    Cons. constit., décision n° 2010-66 QPC, 26 novembre 2010, M. Thibault G.
  • [59]
    Les Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel, n° 30, décision n° 2010-66 QPC, 26 novembre 2010, M. Thibault G., p. 4.
  • [60]
    Ibid., p. 5.
  • [61]
    CE, 6 novembre 1936, Arrighi, Rec. 966 ; D. 1938.3.1, concl. R. Latournerie ; S.1937.3.33, concl. R. Latournerie, note Mestre.
  • [62]
    Cons. constit., décision n° 2010-66 QPC, 26 novembre 2010, M. Thibault G., considérant n° 6.
  • [63]
    Les Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel, n° 30, décision n° 2010-66 QPC, 26 novembre 2010, M. Thibault G., p. 8.
  • [64]
    « Toute personne suspectée ou poursuivie est présumée innocente tant que sa culpabilité n’a pas été établie », art. préliminaire, III, du code de procédure pénale, introduit par l’article 1er de la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000, publiée au JORF du 16 juin 2000, p. 9038.
  • [65]
    Article 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789, « Tout homme étant présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable, s’il est jugé indispensable de l’arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s’assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi », la valeur de cette disposition a été consacrée par le Conseil dans sa décision du 20 janvier 1981, Cons. constit., décision n° 80- 127 DC des 19-20 janvier 1981, Loi renforçant la sécurité et protégeant la liberté des personnes, considérant 33.
  • [66]
    Article 14, § 2 du Pacte international relatifs aux droits civils et politiques des Nations Unies du 16 décembre 1966 ; article 6, § 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du Conseil de l’Europe du 4 novembre 1950 ; article 48, § 1 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, adoptée le 7 décembre 2000.
  • [67]
    V., sur ce double aspect, Ph. Conte et P. Maistre du Chambon, Procédure pénale, A. Colin, 2002, 4e édition, n° 38 à n° 45 ; v. également S. Guinchard et J. Buisson, Procédure pénale, préc., n° 380 et s., ou F. Desportes et L. Lazerges-Cousquer, Traité de procédure pénale, préc., n° 231 et s. ; v. encore P. Auvret, « Le droit au respect de la présomption d’innocence », JCP G, 1994, I, 3802, pour lequel le principe est devenu un véritable droit.
  • [68]
    Cass. civ. 2, 24 septembre 2010, pourvoi n° 10-40.026.
  • [69]
    Cons. constit. 2010-69 QPC, 26 novembre 2010, considérant 5, ces dispositions « n’ont pas pour effet de faire obstacle à l’application des dispositions législatives ou réglementaires instituant une procédure contradictoire en cas de redressement de l’assiette de ces cotisations ou contributions après constatation du délit de travail dissimulé ».
  • [70]
    Cons. constit. 2010-69 QPC, 26 novembre 2010, considérant 5.
  • [71]
    V. ici la décision du Conseil constitutionnel n° 99-411 DC du 16 juin 1999, Loi portant diverses mesures relatives à la sécurité routière et aux infractions sur les agents des exploitants de réseau de transports publics de voyageurs, publiée au JORF du 19 juin 1999, p. 9018.
  • [72]
    J.-H. Robert, Pronostics déçus, Dr. pénal, 2010, comm. 122.
  • [73]
    Cons. const., déc. 29 septembre 2010, n° 2010-40 QPC.
  • [74]
    Ibid.
  • [75]
    A. Lepage et H. Matsopoulou, « Des peines complémentaires obligatoires déclarées conformes aux principes constitutionnels », JCP G 2010, 1149.
  • [76]
    Loi n° 52-401 du 14 avril 1952, Loi de finances pour l’exercice 1952, art. 48.
  • [77]
    Considérant 4.
  • [78]
    Cass. crim., 17 juillet 1991, n° 90-83905.
  • [79]
    Considérant 5.
  • [80]
    D. 1982, p. 441, note Dekeuwer ; JCP 1981, II, 19701, note Franck.
  • [81]
    Cons. const., décision 21 février 1992, n° 92-35 DC.
  • [82]
    Scoppola contre Italie, n° 10249/03, JCP G 2010, doctr. 70, n° 8, chron. Sudre.
  • [83]
    V. par exemple, Cass. crim., 3 février 1986, Bull. crim. 1986, n° 41 ; Cass. crim., 16 février 1987, Bull. crim. 1987, n° 73 ; Cass. crim., 25 mai 1988, Bull. crim. 1988, n° 222 ; Cass. crim., 13 novembre 1989, Bull. crim. 1989, n° 409.
  • [84]
    Arrêt de la chambre criminelle du 22 septembre 2010.
  • [85]
    Crim. 4 octobre 2006, D., 2007, p. 58, note P.-J. Delage ; AJ pénal, 2007, p. 79, obs. J. Leblois-Happe ; RSC, 2007, p. 118, obs. A. Giudicelli, Crim., 14 octobre 2008, D. 2008, p. 2796, note M. Léna ; AJ Pénal, 2008, p. 517, obs. M.-E. Charbonnier.
  • [86]
    Ci-après désignée par l’acronyme CRPC.
  • [87]
    Expression qui ne peut que poursuivre un objectif humoristique.
  • [88]
    Loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d’allégement des procédures, publiée au JORF du 13 mai, p. 7920, article 129. V.P.-J. Delage, « Plaider-coupable : la clarification par l’entérinement des pratiques », D, 2009, p. 1650 et Y. Joseph-Ratineau, « De quelques difficultés issues de la légalisation de la double convocation dans le cadre de la CRPC », JCP G, 2009, 230.
  • [89]
    Observons que ce n’est pas la première fois que le législateur consacre une pratique parquetière censurée par la Cour de cassation. La loi n° 2005-847, à article unique, en date du 26 juillet 2005 (loi précisant le déroulement de l’audience d’homologation de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, JO 27 juillet, validée par le Conseil constitutionnel en sa décision n° 2005-520 DC du 22 juillet 2005, JO 27 juillet) a en effet permis au ministère public de ne pas assister à l’audience d’homologation alors que la Cour de cassation et le Conseil d’État avaient exigé cette présence (Cass., avis 18 avril 2005, n° 05-00.001, D. 2005. 1200, obs. C. Girault, note J. Pradel ; Rev. science crim. 2005.592, obs. A. Giudicelli ; ibid. 2006. 124, obs. V. Bück ; RTD civ. 2005. 553, obs. R. Encinas de Munagorri ; CE, 11 mai 2005, n° 279834, Syndicat des avocats de France, D. 2005. 1379, obs. A. Astaix ; A. Giudicelli, obs. préc. ; V. Bück, obs. préc. ; R. Encinas de Munnagori, obs. préc.).
  • [90]
    « Vaut citation à personne la convocation en justice notifiée au prévenu, sur instructions du procureur de la République et dans les délais prévus par l’article 552, soit par un greffier ou un officier ou agent de police judiciaire, soit, si le prévenu est détenu, par le chef de l’établissement pénitentiaire ».
  • [91]
    L’article poursuit ainsi en son second alinéa : « La saisine du tribunal résultant de cette convocation en justice est caduque si la personne accepte la ou les peines proposées et que celles-ci font l’objet d’une ordonnance d’homologation ».
  • [92]
    Forte de cent quarante articles dont la fameuse disposition ayant abrogé la peine de dissolution en matière d’escroquerie. V.B. Bouloc, « Responsabilité des personnes morales, une bévue législative », D. 2009. 2286. ; A. Maron, « Un Outreau législatif », Dr. pénal, 2009, repère 9 ; A.-G. Robert, « Chron. légis », RSC, 2009, p. 869 ; M. Véron, « Responsabilité pénale des personnes morales : où en est-on ? L’occasion manquée de la loi du 12 mai 2009 », Dr. pénal, 2009, comm. n° 92 ; J.-C. Planque, « L’Église de scientologie miraculeusement sauvée de la dissolution ? », D., 2009, p. 2287.
  • [93]
    Considérant n° 3 : « la méconnaissance de l’objectif de valeur constitutionnelle de bonne administration de la justice, qui découle des articles 12, 15 et 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, ne peut, en elle-même, être invoquée à l’appui d’une question prioritaire de constitutionnalité sur le fondement de l’article 61-1 de la Constitution ».
  • [94]
    Pour la liste de ces objectifs à valeur constitutionnelle, v. F. Luchaire, « Brèves remarques sur une création du Conseil constitutionnel : l’objectif de valeur constitutionnelle », cette Revue, 2005, p. 675 et s.
  • [95]
    Considérant n° 6.
  • [96]
    Considérant n° 7.
  • [97]
    Évidence qui ne constitue pas une réserve d’interprétation puisqu’elle n’est pas reprise dans le dispositif de la décision.
  • [98]
    Cons. constit., 2 mars 2004, décision n° 2004-492 DC, Loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, considérants 106 à 108.
  • [99]
    La chambre criminelle contrôle le respect de cette exigence v. Crim. 17 septembre 2008, Bull. n° 192. V.C. Saas, « L’autonomie de la CRPC », AJ Pénal, 2008, p. 515 ; v. également J. Lasserre Capdeville, « De l’usage limité de la reconnaissance de culpabilité », D, 2008, p. 2904 et s. ; F. Desprez, « La limitation par la Cour de cassation de la portée de l’aveu en cas d’échec d’une procédure de CRPC », Gaz. Pal., 9-13 novembre 2008, p. 8 et s. ; Y. Joseph-Ratineau, « L’aveu de culpabilité fait au cours de la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité ne peut être repris devant la juridiction de jugement », JCP G, 2008, II-10194.
  • [100]
    Sans parler des situations où le président refusant d’homologuer est le même magistrat statuant par la suite sur la COPJ puisqu’aucune incompatibilité n’est prévue par le code…
  • [101]
    Rappelons que par renvoi de l’article 390-1, l’article 552 CPP prévoit un délai d’au moins 10 jours entre la convocation et l’audience devant le tribunal correctionnel.
  • [102]
    Edgar Morin, La Méthode. 4. Les idées, Seuil, Paris, 1991.
  • [103]
    Qui, selon l’article 495-9 CPP, tel que modifié par la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 (art. 129), peut même intervenir dans un délai inférieur ou égal à un mois si le prévenu n’est pas détenu.
  • [104]
    L’on doit néanmoins observer que l’article 495-15 CPP prévoit depuis l’instauration de la CRPC une entorse à l’unité d’action. Un individu convoqué ou cité devant le tribunal correctionnel peut en effet demander à bénéficier d’une CRPC. Si le Procureur y consent et que cette comparution va à son terme, l’action initiale sera caduque. À l’inverse, en cas de refus des peines proposées ou d’homologation, l’action initiale subsistera.
  • [105]
    Article 495-12 CPP : « Lorsque la personne déclare ne pas accepter la ou les peines proposées ou que le président du tribunal de grande instance ou son délégué rend une ordonnance de refus d’homologation, le procureur de la République saisit, sauf élément nouveau, le tribunal correctionnel selon l’une des procédures prévues par l’article 388 ou requiert l’ouverture d’une information ».
  • [106]
    Loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 de finances rectificative pour 2004, art. 43, § 4 : « Sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée et de l’application des dispositions des deuxième, troisième et quatrième alinéas du 4 bis de l’article 38 du Code général des impôts, les impositions établies avant le 1er janvier 2005 ou les décisions prises sur les réclamations contentieuses présentées sur le fondement du deuxième alinéa de l’article L. 190 du livre des procédures fiscales sont réputées régulières en tant qu’elles seraient contestées par le moyen tiré de ce que le contribuable avait la faculté de demander la correction des écritures du bilan d’ouverture du premier exercice non prescrit. Toutefois, ces impositions ne peuvent être assorties que des intérêts de retard ».
  • [107]
    CE, 7 juillet 2004, Ministre de l’Économie, des Finances et de l’Industrie c. SARL Ghesquière Équipement, n° 230169, Leb., p. 310.
  • [108]
    Consacrée par le Conseil d’État dans un arrêt du 31 octobre 1973 (n° 88207).
  • [109]
    En vertu de ce principe, lorsque des erreurs comptables sont corrigées dans le bilan de clôture d’un exercice non prescrit, elles doivent l’être dans les bilans antérieurs erronés qui doivent être symétriquement modifiés, même lorsqu’ils sont prescrits.
  • [110]
    Décision n° 2010-78 QPC, 10 déc. 2010, Société Imnoma (intangibilité du bilan d’ouverture), cons. 3.
  • [111]
    DDHC, art. 16 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution ».
  • [112]
    Décision n° 2010-78 QPC, 10 décembre 2010, Société Imnoma (intangibilité du bilan d’ouverture), cons. 7.
  • [113]
    Décision n° 2010-2 QPC, 11 juin 2010, Mme Vivianne L. (loi dite « anti-Perruche »), cons. 22 ; décision n° 2010-53 QPC du 14 octobre 2010, Société Plombinoise de Casino (Prélèvements sur le produit des jeux), cons. 4 ; décision n° 2010-78 QPC, 10 décembre 2010, Société Imnoma (intangibilité du bilan d’ouverture), cons. 4.
  • [114]
    Le point le plus attendu concernait la nécessité de poursuivre un « but d’intérêt général suffisant ». La disposition contestée représentant une substantielle économie pour l’État, le Conseil aurait pu dire si une diminution significative de coûts budgétaires constituait un « intérêt général suffisant ». Néanmoins, la censure laisse implicitement penser que ce but d’intérêt général n’était pas caractérisé en l’espèce.
  • [115]
    Décision n° 2010-15/23 QPC du 23 juillet 2010, Région Languedoc-Roussilon et autres (article 575 du code de procédure pénale), cons. 4 : « Si le législateur peut prévoir des règles de procédure différentes selon les faits, les situations et les personnes auxquelles elles s’appliquent, c’est à la condition que ces différences ne procèdent pas de distinctions injustifiées et que soient assurées aux justiciables des garanties égales, notamment quant au respect du principe des droits de la défense, qui implique en particulier l’existence d’une procédure juste et équitable garantissant l’équilibre des droits des parties ».
  • [116]
    Le Conseil d’État avait dans une décision Saupic (CE, 13 février 2009, SNC Saupic, n° 296117) reconnu que ces dispositions « ne peuvent être invoquées que par l’administration fiscale », ce que le rapporteur public dans cette affaire, Édouard Geffray, avait qualifié de « validation asymétrique ».
  • [117]
    Décision n° 2010-78 QPC, 10 décembre 2010, Société Imnoma (intangibilité du bilan d’ouverture), cons. 8.
  • [118]
    Voir par exemple, F. Dieu, « Les lois de validation asymétriques sont contraires à la Constitution : à propos de la loi limitant les effets de l’abandon de la règle de l’intangibilité du bilan d’ouverture », Lexbase Hebdo, éd. fiscale, n° 428, 17 février 2011.
  • [119]
    P. Cassia et E. Saulnier-Cassia, « La QPC peut-elle être “prioritaire” ? », D., 2010, p. 1637.
  • [120]
    J.-B. Auby, « Question prioritaire de constitutionnalité et droit de l’Union européenne : l’état du débat », DA, août-septembre 2010, p. 1-2.
  • [121]
    P. Cassia et E. Saulnier-Cassia, « Imbroglio autour de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) », D., 2010, p. 1234-1242 ; P. Fombeur, « Question prioritaire de constitutionnalité, droit constitutionnel et droit de l’Union européenne », D., 2010, p. 1229-1234.
  • [122]
    Voir not. B. Mathieu, « La Cour de cassation tente de faire invalider la question prioritaire de constitutionnalité par la Cour de Luxembourg », JCP-G, 26 avril 2010, p. 866-867 ; F. Rome, « QPC, KO ? », D., 2010, p. 1137 ; D. Rousseau, « La Cour de cassation et la question prioritaire de constitutionnalité : pourquoi tant de méfiance ? », Gaz. Pal., 25-27 avril 2010, p. 867-868.
  • [123]
    F. Donnat, « La Cour de justice et la QPC : chronique d’un arrêt prévisible et imprévu », D., 2010, p. 1640-1647 (spéc. p. 1645-1647).
  • [124]
    F. Donnat, ibid..
  • [125]
    CEDH, Soering c. Royaume-Uni, 7 juillet 1989, n° 14038/88, A161.
  • [126]
    P. Cassia et E. Saulnier-Cassia, « La QPC peut-elle être “prioritaire” ? », ibid.
  • [127]
    CEDH, 5e sect., Daoudi c. France, 3 décembre 2009, n° 19576/08.
  • [128]
    Voir notamment les décisions : n° 2004-496 DC du 10 juin 2004, Loi pour la confiance dans l’économie numérique, § 7 ; n° 2004-497 DC du 1er juillet 2004, Loi relative aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle, § 18 ; n° 2004-498 DC du 29 juillet 2004, Loi relative à la bioéthique, § 4 ; n° 2004-499 DC du 29 juillet 2004, Loi relative à la protection des personnes physiques à l’égard des traitements de données à caractère personnel et modifiant la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, § 7.
  • [129]
    Voir notamment les décisions : n° 2006-540 DC du 27 juillet 2006, Loi relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information, § 19 ; n° 2006-543 DC du 30 novembre 2006, Loi relative au secteur de l’énergie, § 6 ; n° 2008-564 DC du 19 juin 2008, Loi relative aux organismes génétiquement modifiés, § 44 ; n° 2010-605 DC du 12 mai 2010, Loi relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne, § 18.
  • [130]
    Pour une tentative d’éclairage, voir L. Eck, « Réflexions sur “les règles ou principes inhérents à l’identité constitutionnelle de la France” à la lumière de la pensée de Ronald Dworkin », RRJ, 2008/2, p. 1061 et s.
  • [131]
    M. Guyomar, « Le contrôle de constitutionnalité transposant une directive communautaire », concl. sur CE, Société Arcelor Atlantique et Lorraine et autres, 8 février 2007, RFDA, mars/avril 2007, p. 384-401.
  • [132]
    Sur ces différents points, voir ; B. de Lamy, « Peine de mort, de l’abolition à l’interdiction », RSC, 2008, p. 126.
  • [133]
    A. Ondoua, « Abolition de la peine de mort et Constitution », D., 2006, p. 634-637.
  • [134]
    CE, 16 octobre 2009, Mme Habyarimana, n° 311793.
  • [135]
    CEDH, GC, Saadi c. Italie, 28 février 2008, n° 37201/06.
  • [136]
    J.-F. Renucci, « La CEDH consacre le principe de compétence universelle », note sous CEDH, Ould Dah c. France, 17 mars 2009, n° 13113/03, D., 2009, p. 1573-1575.
  • [137]
    S. Manacorda, « L’abolition de la peine capitale en Europe : le cercle vertueux de la politique criminelle et les risques de rupture », RSC, juillet 2008, p. 563-573.
  • [138]
    S. Manacorda, ibid.
  • [139]
    Algeria-Watch – Information on the Human Rights Situation in Algeria, http://www.algeria-watch.org/en/hr/torture/kadri_rabah.htm, 18 avril 2008.
  • [140]
    Décision n° 2010-14/22 QPC du 30 juillet 2010, M. Daniel W. et autres.
  • [141]
    Décision n° 2010-32 QPC du 22 septembre 2010, M. Samir et autres.
  • [142]
    Voir Cass. crim., 28 septembre 2010, n° 10-90098.
  • [143]
    Cass. crim., 22 décembre 1959, Pesquet, Bull. crim., n° 569, D. 1960.1, concl. A. Besson.
  • [144]
    Cass. crim., 24 novembre 1977, Léger, n°77-92803, Bull. crim., n° 370.
  • [145]
    Le nom « chambre de l’instruction » sera utilisé suite à l’adoption de la loi n° 2000- 516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d’innocence et les droits des victimes.
  • [146]
    Cass. crim., 19 février 2002, n° 01-88028, Bull. crim., n° 30.
  • [147]
    Décision n° 2004-492 DC du 2 mars 2004, Loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité.
  • [148]
    E. Dreyer, Résurrection de la réserve de contentieux en matière de détention provisoire, D. 2001, p. 3571.
  • [149]
    Considérant n° 7.
  • [150]
    E. Dreyer, article précité, § 10.
  • [151]
    Article issu de la loi n° 64-1339 du 26 décembre 1964 portant réforme du code des pensions civiles et militaires de retraite.
  • [152]
    Art L. 27 du CPCMR. À noter que ce droit à rente viagère d’invalidité est également ouvert, selon les termes de l’article L. 28 al 2, au « fonctionnaire retraité qui est atteint d’une maladie professionnelle dont l’imputabilité au service est reconnue par la commission de réforme postérieurement à la date de la radiation des cadres, dans les conditions définies à l’article L. 31 ».
  • [153]
    CC, décision n° 2010-83 QPC, 13 janvier 2011, Claude G., cons. 4.
  • [154]
    « Le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit » (jurisprudence issue de la décision n° 87-232 DC du 7 janvier 1988, Loi relative à la mutualisation de la Caisse nationale de Crédit agricole, cons. 10).
    Il ajoute que le principe d’égalité n’oblige pas pour autant « à traiter différemment des personnes se trouvant dans des situations différentes » (jurisprudence issue de la décision n° 2003-489 DC du 29 décembre 2003, Loi de finances pour 2004, cons. 37).
  • [155]
    Aux termes de l’article L. 18, § I, du CPCMR, « Une majoration de pension est accordée aux titulaires ayant élevé au moins trois enfants ». Le § V dispose par ailleurs que « le taux de la majoration de la pension est fixé à 10 % de son montant pour les trois premiers enfants et à 5 % par enfant au-delà du troisième, sans que le montant de la pension majorée puisse excéder le montant des émoluments de base déterminés à l’article L. 15 ».
  • [156]
    CC, décision n° 2010-83 QPC, 13 janvier 2011, Claude G., cons. 5.
  • [157]
    Formule déjà utilisée avec une date fixée au 1er janvier 2011 dans la décision du Conseil constitutionnel n° 2010-1 QPC du 28 mai 2010, consorts L., Cons. 12.
  • [158]
    CE, 30 décembre 2010, Mme Marie-Chrisitine D., n° 343994.
  • [159]
    Loi n° 77-574 du 7 juin 1977 portant diverses dispositions d’ordre économique et financier, l’article 20 ouvrant ce droit aux enfants naturels.
  • [160]
    Loi n° 82-599 relative aux prestations de vieillesse, d’invalidité et de veuvage, article 15. Il convenait à travers cette modification, de prendre en compte le fait que le conjoint survivant n’est pas nécessairement la veuve.
  • [161]
    Cf. question écrite n° 98587 posée par le député J-C. Préel au ministre de la Défense et des Anciens combattants, question publiée au JO le 25 janvier 2011 p. 619, réponse publiée au JO le 12 avril 2011, p. 3646
  • [162]
    Conseil constitutionnel, décision n° 87-232 DC du 7 janvier 1988, Loi relative à la mutualisation de la Caisse nationale de Crédit agricole, cons. 10.
  • [163]
    On notera que la formulation retenue par le Conseil constitutionnel au considérant 6 de sa décision a été réutilisée dans la décision suivante de non-conformité totale avec effet différé (CC, décision n° 2011-112 QPC du 1er avril 2011, Mme Marielle D.).
  • [164]
    CC, n° 2010-87 QPC, 21 janvier 2011, Réparation du préjudice résultant de l’expropriation, JORF du 22 janvier 2011, p. 1384.
  • [165]
    Situation antérieure à CE (ass.), 24 novembre 1961, Ministre des travaux publics c. Consorts Letisserand, Rec. Leb., p. 661.
  • [166]
    CEDH, 11 avril 2002, Lallement c. France, req. n° 46044/99.
  • [167]
    Article 1er du premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme.
  • [168]
    R. Hostiou, « L’indemnité d’expropriation est-elle « juste » ? », AJDA, n° 8/2011, 7 mars 2011, p. 447-453.
  • [169]
    CC, n° 2010-87 QPC, 21 janvier 2011, préc.
  • [170]
    Ibidem, cons. 4 et 5.
  • [171]
    Ordonnance n° 58-997, 23 octobre 1958, portant réforme des règles relatives à l’expropriation, JORF du 24 octobre 1958, p. 9694.
  • [172]
    CC, n° 2010-87 QPC, 21 janvier 2011, cons. 3, préc.
  • [173]
    Article L. 13-13 du Code de l’urbanisme.
  • [174]
    CC, n° 2010-87 QPC, 21 janvier 2011, cons. 4, préc.
  • [175]
    Ibidem.
  • [176]
    En ce sens v. J. Lemasurier, Le droit de l’expropriation, Économica, 2001, p. 384.
  • [177]
    Cass., 3e civ., 8 mars 1995, Le Gall c. Commune d’Yquebeuf, pourvoi n° 93-70312 : dépréciation du surplus non exproprié ; Cass., 3e civ., 25 juin 1997, SARL Capineri c. SEM d’Aménagement et de Rénovation de la ville de Rueil-Malmaison, pourvoi n° 96-70030 : licenciement qui est la conséquence de l’expropriation ; Cass., 3e civ., 17 mars 1993, pourvoi n° 91- 70223 : frais de déménagement, pertes d’installation, reconstitution des clôtures ; Cass. 3e civ., 18 décembre 1991, n° 90-70107, Bull. civ. III, n° 326 : perte d’une nappe aquifère ; Cass., 3e civ., 30 juin 1992, n° 91-70220, Bull. civ. III, n° 233 : extinction d’un bail rural avant son terme ; Cass., 3e civ., 7 mai 1986, pourvoi n° 85-70031 : installation d’une clôture et d’un appentis à la suite de l’expropriation d’une partie d’un jardin clos ; Cass., 3e civ., 4 avril 2002, pourvoi n° 01-70038 : installation d’une clôture en remplacement d’une dune expropriée formant barrage naturel ; Cass., 3e civ., 13 juin 1990, n° 87-584, Bull. civ. III, n° 147 : impossibilité de reconstruire sur les fondations antérieures un établissement détruit par un incendie avant l’expropriation, en raison du fait que la superficie du terrain restant n’est plus suffisante au regard des règles d’urbanisme ; Cass., 3e civ., 7 mai 1986 : perte du capital de chasse pour une propriété expropriée clôturée ; Cass., 3e civ., 25 juin 1997, SARL Sté d’exploitation des Établissements Valério c. Département des Alpes-Maritimes, n° 95-70257 : perte de clientèle ou trouble commercial ; Cass., 3e civ., 27 février 1991, n° 89-70289 : frais de raccordement au réseau d’assainissement de la partie non expropriée alors que l’emprise supportait un plateau bactérien ; Cass., 3e civ., 7 mai 1986, n° 85-70059 : frais nés de l’obligation d’acquérir un outillage adapté aux nouvelles conditions de culture imposées par les restrictions de superficie résultant de l’emprise.
  • [178]
    CC, n° 89-256 DC, 25 juillet 1989, Loi portant dispositions diverses en matière d’urbanisme et d’agglomérations nouvelles, Rec., p. 53 ; CC, n° 2010-26 QPC, 17 septembre 2010, Immeubles insalubres, JORF du 18 septembre 2010, p. 16951.
  • [179]
    En ce sens v. R. Hostiou, « L’indemnité d’expropriation est-elle « juste » ? », préc., p. 551.
  • [180]
    Idem, p. 449-450.
  • [181]
    Les Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel, Cahier n° 32, décision ° 2010-87 QPC, 21 janvier 2011, M. Jacques S.
  • [182]
    CC, n° 85-198 DC, 13 décembre 1985, Loi modifiant la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 et portant diverses dispositions relatives à la communication audiovisuelle, Rec., p. 78, cons. 16 ; CC, n° 98-403 DC, 29 juillet 1998, Loi d’orientation relative à la lutte contre les exclusions, Rec., p. 276, cons. 33.
  • [183]
    En ce sens v. M. Long et al., Les grands arrêts de la jurisprudence administrative, Dalloz, 2007, 16e éd. n° 81, CE (ass.), 24 novembre 1961, Ministre des travaux publics c. Consorts Letisserand, p. 548-554.
  • [184]
    G. Ganez-Lopez, L’expropriation pour cause d’utilité publique, L’Harmattan, 2003, p. 86.
  • [185]
    Rép. min. à la question écrite n° 35596, de M.E. Pinte, JOAN du 5 septembre 1983, p. 3924.
  • [186]
    CE (ass.), 24 novembre 1961, Ministre des travaux publics c. Consorts Letisserand, préc.
  • [187]
    G. Morange, « À propos d’un revirement de jurisprudence : la réparation de la douleur morale par le Conseil d’État », Rec. Dalloz, 1962, chr., p.15.
  • [188]
    M. Long et al., Les grands arrêts de la jurisprudence administrative, CE (ass.), 24 novembre 1961, Ministre des travaux publics c. Consorts Letisserand, préc., p. 550.
  • [189]
    Morand-Deviller, Droit administratif des biens, Montchrestien, 6e éd., 2010, p. 546.
  • [190]
    R. Hostiou, « L’indemnité d’expropriation est-elle « juste » ? », préc., p. 451.
  • [191]
    Ibidem.
  • [192]
    CC, n° 85-203 DC du 28 décembre 1985, Loi de finances rectificative pour 1985, Rec., p. 405.
  • [193]
    Article L. 13-13 du Code de l’expropriation.
  • [194]
    H. Vray, « Deux particularités contradictoires du régime de l’indemnisation en matière d’expropriation pour cause d’utilité publique : le refus de réparer le préjudice moral et la consécration de l’enrichissement sans cause en matière de terrain à bâtir », La Gazette du Palais, 1970, 1, doctr., p. 240.
  • [195]
    M. Long et al., Les grands arrêts de la jurisprudence administrative, CE (ass.), 24 novembre 1961, Ministre des travaux publics c. Consorts Letisserand, préc., p. 553.
  • [196]
    R. Chapus, Droit administratif général, Montchrestien, t. 2, 15e éd., 2001, p. 768.
  • [197]
    H. Hoepffner, « L’absence de préjudice moral ne viole pas la Constitution », Droit administratif, n° 3, mars 2011, p. 47.
  • [198]
    CE, 14 juin 1963, Époux Hébert, Rec. Leb., p. 364 ; M. Long et al., Les grands arrêts de la jurisprudence administrative, CE (ass.), 24 novembre 1961, Ministre des travaux publics c. Consorts Letisserand, préc., p. 552.
  • [199]
    CC. n° 94-352 DC, 18 janvier 1994, Loi d’orientation et de programmation relative à la sécurité, Rec., p. 140.
  • [200]
    Alinéa 10 du Préambule de la Constitution de 1946 ; CC, n° 93-325 DC, 12 et 13 août 1993, Maîtrise de l’immigration, GDCC, n° 36, p. 633.
  • [201]
    CC, n° 83-164 DC, 29 décembre 1983, Loi de finances pour 1984, dite Perquisitions fiscales, GDCC n° 26, p. 438.
  • [202]
    CEDH, 21 février 1986, James et autres c. Royaume-Uni, req. n° 8793/79 ; CEDH, 8 juillet 1996, Lithgow et autres c. Royaume-Uni, req. n° 9006/80, 9262/81, 9263/81, 9265/81, 9266/81, 9313/81, 9405/81 ; CEDH, 11 avril 2002, Dervaux c. France, req. n° 40975/07.
  • [203]
    CEDH, 11 avril 2002, Lallement c. France, req. n° 46044/99.
  • [204]
    J. Lemasurier, Le droit de l’expropriation, préc., p. 384.
  • [205]
    S. Fiat, « La douleur morale de l’exproprié ne s’indemnise pas », Gazette du Palais, 23-24 février 2011, p. 11.
  • [206]
    G. Ganez-Lopez, L’expropriation pour cause d’utilité publique, L’Harmattan, 2003, p. 86.
  • [207]
    En ce sens, Idem.
  • [208]
    Y. Gaudemet, Les méthodes du juge administratif, LGDJ, 1972, p. 158 et s.
  • [209]
    H. Hopepffner, « L’absence de préjudice moral ne viole pas la Constitution », préc., p. 48.
  • [210]
    O. Fouquet, « Le Conseil d’État est-il trop indulgent à l’égard de l’administration fiscale : l’exemple de l’imposition d’après les éléments du train de vie », Gaz. Pal., doctr., 1983, p. 208-210.
  • [211]
    O. Fouquet, « Taxation d’après les signes extérieurs de richesse : le dernier dinosaure vacille », Rev. adm., vol. 62, n° 367, 2009, p. 44-46 ; M. Pelletier, « L’article 168 du CGI : le dinosaure vacille mais ne tombe pas », Rev. dr. fisc., n° 7-8, 2011, p. 35-39.
  • [212]
    CE, 27 juillet 2006, M.A., n° 275554 (concl. E. Glaser, Dr. fisc., 2007, n° 19, comm. 497).
  • [213]
    Décision n° 2010-88 QPC du 21 janvier 2011, Mme Danièle B. (évaluation du train de vie), cons. 7.
  • [214]
    Constituent des éléments de ce barème : la valeur locative cadastrale de la résidence principale et des résidences secondaires, les employés de maison, les voitures, les yachts ou bateaux de plaisance (en fonction du nombre de tonneaux), les avions de tourisme, les chevaux de course, les chevaux de selle, la location de droits de chasse ou encore la possession de clubs de golf.
  • [215]
    O. Fouquet, « Article 168 du CGI : la preuve contraire, enfin ! », Rev. dr. fisc., n° 4, 27 janvier 2011, p. 3.
  • [216]
    Décision n° 83-164 DC, 29 décembre 1983, Loi de finances pour 1984, cons. 3. Plus récemment, voir décision n° 2009-598 DC, 21 janvier 2010, Loi organique modifiant le livre II de la sixième partie du code général des collectivités territoriales relatif à Saint-Martin, cons. 2 et décision n° 2010-16 QPC, 23 juill. 2010, M. Philippe E. (organismes de gestion agréés), cons. 6.
  • [217]
    Décision n° 2010-88 QPC du 21 janvier 2011, Mme Danièle B. (évaluation du train de vie), cons. 4.
  • [218]
    Décision n° 2010-88 QPC du 21 janvier 2011, Mme Danièle B. (évaluation du train de vie), cons. 8. Le Conseil précise que le texte de l’article 168 ne saurait « faire obstacle à ce que le contribuable […] puisse être mis à même de prouver que le financement des éléments de patrimoine qu’il détient n’implique pas la possession des revenus définis forfaitairement ».
  • [219]
    Décision n° 2010-88 QPC du 21 janvier 2011, Mme Danièle B. (évaluation du train de vie), cons. 8.
  • [220]
    V. Ogier-Bernaud, Les droits constitutionnels des travailleurs, PUAM, p. 64 s.
  • [221]
    Qui est également différente de sa version actuelle…
  • [222]
    Considérant 2.
  • [223]
    À rappr. : décision n° 2009-584 DC du 16 juillet 2009, dans laquelle n’avait pas été examiné l’article 118 ; décision du renvoi du 10 novembre 2010 et la QPC relative à l’article 27 de la loi du 5 juillet 2010.
  • [224]
    Cf. en ce sens, les précisions apportées par la décision n° 2007-545 DC du 28 décembre 2006, considérant 29.
  • [225]
    Considérant 4.
  • [226]
    Ibid.
  • [227]
    Considérant 5.
  • [228]
    Considérant 3.
  • [229]
    Et l’on pense ici à la décision Service fait du 20 juillet 1977 et à la conclusion doctrinale a contrario qui en a résulté…
  • [230]
    Décision 79-105 DC du 25 juillet 1979.
  • [231]
    Ainsi que le prévoit l’article 15, II, de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État.
  • [232]
    Comp. à : décision 96-383 DC du 6 novembre 1996, Négociation collective ; décision 78-95 DC du 18 janvier 1978, Contre-visite médicale.
  • [233]
    A. Bello, Étude comparative des libertés collectives des travailleurs, thèse, Université de Cergy-Pontoise, 2010 (à paraître à L’Harmattan).
  • [234]
    W. Rault, « Entre droit et symbole : les usages sociaux du pacte civil de solidarité », Revue française de sociologie, 48-3, 2007, p. 555. Parallèlement à ce fait, une riche littérature juridique, historique et sociologique démontre comment l’interprétation de la pratique homosexuelle et sa saisie par le droit varient selon les contextes culturels et historiques. Voir notamment à ce propos, D.F. Greenberg., The Construction of Homosexuality, University of Chicago Press, Chicago, 1998 ; M. Foucault, Histoire de la sexualité, Gallimard, Paris, 1984.
  • [235]
    CC, décision n° 2010-92 QPC, intitulée Mmes Corinne C. et autre, du 28 janvier 2011, JO du 29 janvier 2011, p. 1984.
  • [236]
    Voir en ce sens, Cour de cassation, civile 1re, arrêt n° 511 du 13 mars 2007.
  • [237]
    Cour de cassation, arrêt n° 1088 du 16 novembre 2010, procédant au renvoi de la question prioritaire de constitutionnalité, sur saisine en date du 25 août 2010, du Tribunal de grande instance de Reims.
  • [238]
    Une condition très récemment dégagée par le Conseil dans une décision n° 2009- 595 DC, du 3 décembre 2009, Rec. p. 206, qui ouvre ainsi de nouvelles perspectives à l’exigence du caractère nouveau de la QPC, ici atteinte en fonction de l’intérêt « social » de la question posée indépendamment de son strict intérêt juridique.
  • [239]
    Cf. « Commentaire de la décision n° 2011-92 QPC, Mmes Corinne C. et Sophie H. », Les Cahiers du Conseil constitutionnel, n° 32, p. 5. À la lecture duquel il ressort qu’a contrario, d’un point de vue strictement juridique, les conditions de recevabilité même de la QPC n’étaient pas réellement réunies en l’espèce.
  • [240]
    Une telle approche restrictive du principe de liberté individuelle ayant été confirmée dans la décision n° 99-411 DC du 16 juin 1999, Loi portant diverses mesures relatives à la sécurité routière et aux infractions sur les agents des exploitants de réseau de transport public de voyageurs, Rec. p. 75. En effet, longtemps, les droits les plus élémentaires tenant à la liberté de la personne, ici envisagés de manière vaste, étaient protégés au travers de l’imposant relief de l’article 66 de la Constitution, dont l’attrait constitutionnel premier résidait dans l’activation des garanties tenant à l’intervention du pouvoir judiciaire. Toutefois, depuis la décision n° 2003-484 DC du 20 novembre 2003, Rec. p. 438, le Conseil a choisi d’émanciper la liberté de mariage du giron de la liberté individuelle en la rattachant au concept de liberté personnelle. Il offre ainsi de nouvelles perspectives à cette liberté, en la dotant d’un fondement propre : les articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et d’un champ d’action spécifique qui devait la distinguer inexorablement de son origine.
  • [241]
    L’autonomie constitutionnelle du concept de liberté personnelle fut consacrée pour la première fois dans une décision n° 88-244 DC du 20 juillet 1988, Loi portant amnistie, Rec. p. 119.
  • [242]
    Décision n° 2010-92 QPC du 28 janvier 2011, Mme Corinne C. et autre, considérant n° 5.
  • [243]
    Décision Mmes Corinne C. et autre, précitée, idem.
  • [244]
    J. Hauser, « Le Conseil constitutionnel et le droit de la famille », in Dossier : le Conseil constitutionnel et les diverses branches du droit, Les Cahiers du Conseil constitutionnel n° 16, 2004, p. 1. À titre d’illustration, dans les décisions du 13 août 1993 et du 20 novembre 2003, le droit de mener une vie familiale normale ne fut envisagé que sous le prisme politisé du droit au regroupement familial, la contextualisation stricte de cette prérogative dans le giron des règles relatives aux droits des étrangers ne révélant que l’aspect proprement défensif d’un tel droit. La liberté de mariage ne fut quant à elle pas plus questionnée dans sa dimension positive, dès lors qu’au-delà du contentieux relatif à l’autonomie de sa constitutionnalisation, celle-ci ne fut envisagée que sous deux aspects strictement techniques : le contrôle des conditions tenant à sa mise en œuvre, et à son aménagement vers un sens restrictif. Décision n° 93-325 DC du 13 août 1993, Loi relative à la maîtrise de l’immigration et aux conditions d’entrée, d’accueil et de séjour des étrangers en France, Rec. p. 224 ; décision n° 2003-484 DC, Loi relative à la maîtrise de l’immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité, Rec. p. 438.
  • [245]
    Énoncé au considérant 8, en vertu duquel : « La nation assure à l’individu et à la famille, les conditions nécessaires de son développement ».
  • [246]
    « Commentaire de la décision n° 2010-92 QPC, Mmes Corinne C. et Sophie H. », Les Cahiers du Conseil constitutionnel, précité, p. 9.
  • [247]
    Voir par exemple : la décision n° 97-389 DC du 22 avril 1997, Loi portant diverses dispositions relatives à l’immigration, Rec. p. 45.
  • [248]
    Considérant n° 8 de la décision Mmes Corinne C. et autre, précitée.
  • [249]
    Notons à cet effet, que dans une telle optique, le pacs et le concubinage pourraient également s’assimiler à des acquis juridiques différentialistes concédés aux couples homosexuels, des « exceptions » au cadre général du mariage.
  • [250]
    Cf. B. Genevois., « L’enrichissement des techniques de contrôle », communication de Bruno Genevois, président de section du Conseil d’État, in Colloque du cinquantenaire du Conseil constitutionnel, 3 novembre 2008, au sujet de la différence de contrôle vis-à-vis des règles issues du droit général de la famille, notamment la liberté de mariage assujettie à un contrôle normal et le droit de mener une vie familiale normale relevant d’un contrôle restreint.
  • [251]
    CC, décision n° 2005-528 DC du 15 décembre 2005, Loi de financement de la sécurité sociale, Rec. p. 157. La dimension proprement restreinte du contrôle relatif à un tel droit ayant ensuite été réaffirmée dans une décision n° 2006-539 DC du 20 juillet 2006, Loi relative à l’immigration et à l’intégration, Rec. p. 79.
  • [252]
    CC, décision n° 67-31 DC du 26 janvier 1967, Loi organique modifiant et complétant l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre portant loi organique relative au statut de la magistrature, Rec. p. 19.
  • [253]
    Auquel s’ajoutent les exigences tenant à la qualité de la loi et aux objectifs à valeur constitutionnelle d’intelligibilité et d’accessibilité de celle-ci depuis une décision n° 2005- 512 DC du 21 avril 2005, Rec. p. 72.
  • [254]
    Décision Mmes Corinne C. et autre, précitée, considérant n° 9.
  • [255]
    Idem. Considérants n° 5 et n° 9. Cette affirmation fait l’objet d’une application particulièrement constante depuis son essor dans une décision n° 74-54 DC du 15 janvier 1975, Rec. p. 19.
  • [256]
    Article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen : « La loi doit être la même pour tous soit qu’elle punisse soit qu’elle protège ».
  • [257]
    CC, décision n° 73-51 DC du 27 décembre 1973, Taxation d’office, Rec. p. 25. Restée depuis célèbre en ce qu’elle consacre pour la première fois à l’échelle constitutionnelle, cette nouvelle acceptation du principe fondateur d’égalité.
  • [258]
    Décision Mmes Corinne C. et autre, précitée, considérant n° 9.
  • [259]
    À ce propos, il convient de relever qu’en matière de droit privé, un arrêt récent de la Cour de cassation, l’arrêt n° 791 du 8 juillet 2010 (08-21.740) reconnaît de manière inédite, sur le fondement de la procédure d’exequatur, un droit de filiation à la compagne française de la mère biologique (d’origine américaine) d’un enfant, également né au États-Unis, alors que le refus de cette prérogative aux couples homosexuels relève pourtant d’une jurisprudence constante de cette juridiction. Dès lors le droit français, ainsi confronté à un élément d’extranéité spécifique, admet également que certaines inégalités juridiques devant les règles de filiation soient établies.
  • [260]
    En effet, si le but avoué de ces dernières est celui d’entériner une conception exclusivement mixte des couples prétendant à cette liberté, la visée implicite de celles-ci pourrait être celle de ne réserver le mariage qu’aux couples susceptibles de procréer et donc de fonder une famille. Ce qui exclurait de fait, les couples homosexuels du bénéfice de la liberté de mariage tout en révélant dans le même temps, la très forte perméabilité des frontières existant entre cette liberté et les legs de l’histoire. La conception constitutionnelle de l’institution matrimoniale démontrant ainsi à quel point certaines règles de droit s’enracinent dans un héritage religieux et culturel que l’on s’est efforcé de rationaliser.
  • [261]
    Pour n’en citer que quelques-unes, voir notamment sur ce point les décisions n° 2000-429 DC du 30 mai 2000, Rec. p. 84, n° 2001-450 DC du 11 juillet 2001, Rec. p. 82, n° 99-419 DC du 9 novembre 1999, Loi relative au Pacs de solidarité, Rec. p. 116, décision n° 2008-562 DC du 21 février 2008 relative à la loi sur la rétention de sûreté, Rec. p. 89, où le Conseil, sans effectuer de renvoi automatique au législateur, fit preuve d’une certaine réactivité dans le sens où dans ces décisions, l’on peut observer que le raisonnement du juge constitutionnel a non seulement eu un effet immédiat sur la norme qui lui était soumise mais exerça également une influence sur l’activité future du législateur, en postulant sur le contenu des normes législatives que celui-ci n’avait pas encore adoptées. Dans le cadre d’une réflexion plus générale à ce propos, voir C. Behrendt., « Quelques réflexions sur l’activité du juge constitutionnel comme législateur-cadre », Cahiers du Conseil constitutionnel n° 20 (prix de thèse 2005), juin 2006.
  • [262]
    Partie réalisée par Tamara Lajoinie.
  • [263]
    En ce sens, une proposition de loi n° 586 visant à ouvrir le mariage aux couples de même sexe a été déposée par des députés en date du 15 janvier 2008. Ce texte a ensuite été discuté les 9 et 14 juin 2011 avant d’être rejeté (TA n° 679).
  • [264]
    Pour des exemples : Cour EDH, 22 octobre 1981, Dudgeon c/ Royaume-Uni, série A, n° 45 ; Cour EDH, 26 octobre 1988, Norris c/ Irlande, req. n° 8225/78 ; Cour EDH, 22 janvier 2008, E.B. c/France, n° 43546/02. Cf. pour une étude complète, F. Sudre., Le droit au respect de la vie privée au sens de la Convention européenne des droits de l’homme, Buylant, Bruxelles, 2005 ; J.-P. Marguénaud, « Volte-face européenne sur le droit du célibataire homosexuel de pouvoir adopter », RTD Civ., 2008, p. 259-262 ; M. Levinet, « La fin du débat sur la conventionnalité de la répression pénale de l’homosexualité », RTDH, 2002, p. 345-368.
  • [265]
    Cour EDH 24 juin 2010, Schalk and Kopf c/ Autriche, n° 30141/04, § 99.
  • [266]
    Ibid., § 105-108.
  • [267]
    Ibid., § 60 et 61, à la différence de ce qu’elle avait jugé dans le célèbre arrêt Goodwin, Cour EDH, 11 juillet 2002, C. Goodwin c/Royaume-Uni, n° 28957/95.
  • [268]
    Considérant 8. Par ailleurs, c’est en ce sens qu’est interprété l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme par le commentaire officiel de la décision, Cahiers du Conseil constitutionnel, précité, p. 9-10.
  • [269]
    Ibid., p. 10.
  • [270]
    CC, décision n° 2010-39 QPC du 6 octobre 2010, Mmes Isabelle D. et Isabelle B. [Adoption au sein d’un couple non marié], JO du 7 octobre 2010, p. 18154, considérant 9.
  • [271]
    Termes utilisés par le commentaire officiel de la décision n° 2010-39 QPC, Cahiers du Conseil constitutionnel, n° 30, p. 10.
  • [272]
    Qualifiant le principe d’égalité de « Janus constitutionnel », François Luchaire écrivait que « le caractère semblable ou non semblable ne se découvre pas par une recherche objective comme le serait l’impossible identité ; il suppose une appréciation qui est nécessairement subjective, d’ailleurs très variable selon les cas ; ce qui compte, par conséquent, c’est bien le rapport entre la spécificité de la situation et la règle différente et non pas cette spécificité elle-même ». F. Luchaire, « Un janus constitutionnel : l’égalité », RD Publ., 1986, p. 1242.
  • [273]
    Voir en ce sens, L. Burgorgue-Larsen, « ¡ Vivan las bodas ! Quand le mariage homosexuel est saisi par l’internationalisation du dialogue des juges », Constitutions, 2010, p. 557. Et de la même manière dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme.
  • [274]
    Prenant en compte des facteurs contextuels, notamment l’évolution même du mariage, la Cour avait estimé que la loi limitant le mariage aux seuls couples hétérosexuels constituait une violation de la Charte canadienne des droits et libertés. Cour supérieure du Québec, Hendricks c. Québec (procureur général), 2002 Can LII 23808 (QC C.S.), 2002-09-06. Cf. J. Woehrling, « Les péripéties judiciaires et politiques de la controverse sur le mariage homosexuel au Canada », cette Revue, 2004/3, n° 59, p. 645-657.
  • [275]
    Cette solution a été retenue par plusieurs cours constitutionnelles sur cette question spécifique du mariage. Cas de l’Espagne, cf. B. Rhita, « Réflexions autour de la loi espagnole autorisant le mariage et l’adoption aux couples homosexuels », cette Revue, 2008/1, p. 199-210.
  • [276]
    Cf. En ce sens, Débats relatifs au projet de loi relatif à la bioéthique (n° 2911), JO, Compte rendu intégral, Assemblée nationale, 8 février 2011, p. 850.
  • [277]
    Partie réalisée par Sophie Hutier.
  • [278]
    CC, décision n° 2010-88 QPC du 21 janvier 2011, Mme Danièle B., note O. Fouquet, « Article 168 du CGI ; la preuve contraire, enfin ! », Droit fiscal, 2011, n° 4, p. 3-4 ; M. Pelletier, « L’article 168 du CGI : le dinosaure vacille mais ne tombe pas », Revue de droit fiscal, 2011, n° 7-8, p. 35-39.
  • [279]
    CE, 22 octobre 2010, décision n° 342565.
  • [280]
    CC, décision 83-164 DC du 29 décembre 1983, Loi de finances pour 1984 ; CC, décision 86-209 DC du 3 juillet 1986, Loi de finances rectificative pour 1986 ; CC, 99-424 DC du 29 décembre 1999, Loi de finances pour 2000 ; CC, 2003-489 DC du 29 décembre 2003, Loi de finances pour 2004. Voir également Cour de justice des Communautés européennes, Grande Chambre, 12 septembre 2006, Cadbury Schweppes plc c/Commissioners of Inland Revenue, C-196/04, § 55.
  • [281]
    Article 168-3 du Code général des impôts.
  • [282]
    CE, 27 juillet 2006, Ruwayha, RJF, 2006, n° 1492, BDCF, 2006, n° 143, concl. Glaser.
  • [283]
    J. Lamarque, O. Négrin, L. Ayrault, Droit fiscal général, Litec, Paris, 2010, p. 703, § 1327.
  • [284]
    CC, décision n° 2010-97 QPC du 4 février 2011, Société Laval distribution.
  • [285]
    C. cass. com., 7 décembre 2010, décision n° 1259.
  • [286]
    Loi n° 2010-1488 du 7 décembre 2010 portant nouvelle organisation du marché de l’électricité (NOME).
  • [287]
    Art. L. 2333-5 du Code général des collectivités territoriales dans sa rédaction antérieure à 2010 : « Par dérogation aux dispositions des articles L. 2333-2, L. 2333-3 et L. 2333-4, dans les communes où des conventions ont été passées, avant le 5 décembre 1984, avec des entreprises fournies en courant à moyenne ou haute tension, ces conventions restent en vigueur dès lors que la fourniture de courant est faite sous une puissance souscrite supérieure à 250 kVA ».
  • [288]
    L’exonération ayant été décidée à partir de l’année 1985 (loi de finances rectificative pour 1984, art. 24 et 25), le législateur soucieux de préserver les finances locales a exclu du bénéfice de cette exonération les entreprises ayant souscrit un contrat avant la réforme qui demeuraient soumises à l’ancien régime.
  • [289]
    CC, décisions n° 2010-11 QPC du 9 juillet 2010, Mme Virginie M. (Pension militaire d’invalidité), cons. 4, 2010-16 QPC du 23 juillet 2010, M. Philippe E. (Organismes de gestion agréés), cons. 4, 2010-24 QPC du 6 août 2010, Association nationale des sociétés d’exercice libéral et autres (Cotisations sociales des sociétés d’exercice libéral), cons. 6, 2010-52 QPC du 14 octobre 2010, Compagnie agricole de la Crau (Imposition due par une société agricole), cons. 7, 2010- 70 QPC du 26 novembre 2010, M. Pierre-Yves M. (Lutte contre l’évasion fiscale), cons. 3 et 2010-88 QPC du 21 janvier 2011, M. Danièle B. (Évaluation du train de vie), cons. 5
  • [290]
    Posée par l’article 72-2 de la Constitution.
  • [291]
    Le Conseil constitutionnel ayant jugé que la déclaration d’inconstitutionnalité prend effet à compter de la publication de la présente décision et qu’elle peut être invoquée dans les instances en cours à cette date et dont l’issue dépend de l’application des dispositions déclarées inconstitutionnelles.
  • [292]
    CC, 2010-99 QPC du 11 février 2011, Mme Laurence N., Note F. Roemer, Conformité à la Constitution du principe de la limitation du plafonnement de l’impôt sur la fortune, La Semaine juridique. Édition générale, 11 avril 2011, n° 15.
  • [293]
    La question prioritaire renvoyée par la Cour de cassation (chambre commerciale) portait également sur la constitutionnalité de l’article 885 E du Code général des impôts. La Cour a considéré que la constitutionnalité de cette disposition avait déjà été examinée par le Conseil constitutionnel (décision n° 2010-44 QPC du 29 septembre 2010) et qu’aucun changement de circonstances de droit ou de fait n’était depuis intervenu qui, affectant la portée de la disposition législative critiquée, en justifierait le réexamen (C. cas. com 14 décembre 2010, n° 1323).
  • [294]
    Sur la délimitation de la question par le Conseil constitutionnel, voir également les décisions n° 2010-81 QPC du 17 décembre 2010, M. Boubakar B. (Détention provisoire : réserve de compétence de la chambre de l’instruction), cons. 3 et n° 2010-92 QPC du 28 janvier 2011, Mme Corinne C. et autre (Interdiction du mariage entre personnes de même sexe), cons. 3.
  • [295]
    Le total de l’ISF et des impôts dus au titre d’une année ne peut excéder 85 % du revenu de référence comprenant les revenus nets de frais professionnels, les revenus exonérés d’impôt sur le revenu et les produits soumis à un prélèvement libératoire. Environ 6 000 contribuables bénéficient de ce plafonnement.
  • [296]
    Soit en 2011, 2 570 000 euros.
  • [297]
    Par exemple le mécanisme de plafonnement du quotient familial en matière d’impôt sur le revenu pourrait tout aussi bien faire l’objet d’une même question prioritaire de constitutionnalité.
  • [298]
    L’égalité devant les charges publiques « ne serait pas respectée si l’impôt revêtait un caractère confiscatoire ou faisait peser sur une catégorie de contribuables une charge excessive au regard de leurs facultés contributives ; qu’en vertu de l’article 34 de la Constitution, il appartient au législateur de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être appréciées les facultés contributives ; qu’en particulier, pour assurer le respect du principe d’égalité, il doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu’il se propose ; que cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques », consid. 4.
  • [299]
    Consid. 5 ; le Conseil constitutionnel reprend les mêmes termes que dans la décision 2010-44 QPC du 29 septembre 2010, Époux M. (Impôt de solidarité sur la fortune), cons. 11.
  • [300]
    Comme le suggère le slogan promu par certains courants de pensée : « l’impôt c’est du vol ! ».
  • [301]
    CC, décision n° 2007-555 DC du 16 août 2007, Loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat (TEPA), cons. 24.
  • [302]
    Ont déjà fait l’objet d’une question prioritaire de constitutionnalité, l’article L 16 B du Livre des procédures fiscales (visites domiciliaires), décision n° 2010-19/27 QPC du 30 juillet 2010 et décision n° 2010-51 QPC du 06 août 2010 ; l’article 155 A du Code général des impôts concernant le régime des rémunérations en provenance de l’étranger, décision n° 2010-70 QPC du 26 novembre 2010 ; l’article 1741 du CGI instituant une publicité des jugements de condamnation pour fraude fiscale, décision n° 2010-72/75/82 QPC du 10 décembre 2010, M. Alain D. et autres (Publication et affichage du jugement de condamnation).
  • [303]
    CC, 2010-90 QPC du 21 janvier 2011, M. Jean-Claude C.
  • [304]
    CE, 27 octobre 2010, décision n° 342925.
  • [305]
    Ces deux articles étaient également contestés par le requérant mais le Conseil d’État a considéré que la question prioritaire de constitutionnalité relative aux dispositions des articles 117 et 1759 du Code général des impôts, qui n’est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux ; qu’ainsi, il n’y a pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel, ibid.
  • [306]
    La sanction peut paraître sévère mais elle vise à prévenir une double fraude à l’impôt sur les sociétés et à l’impôt sur le revenu, les revenus occultes pouvant du reste résulter par exemple d’une fraude à la TVA ou plus simplement d’un détournement de fonds. Aussi, afin d’éviter l’amende de l’article 1759, il n’est pas rare que les gérants se désignent eux-mêmes comme les bénéficiaires des excédents distribués (voir par exemple CAA Bordeaux, 14 octobre 2008, Ghenassia).
  • [307]
    Ceux mentionnés à l’article 62 du CGI (gérants majoritaires des sociétés à responsabilité limitée n’ayant pas opté pour le régime fiscal des sociétés de personnes et des sociétés en commandite par actions, associés en nom des sociétés de personnes), ceux mentionnés aux 1°, 2° et 3° du b de l’article 80 ter du même code (dans les sociétés anonymes, le président du conseil d’administration, le directeur général, l’administrateur provisoirement délégué, les membres du directoire et tout administrateur ou membre du conseil de surveillance chargé de fonctions spéciales ; dans les sociétés à responsabilité limitée, les gérants minoritaires ; dans les autres entreprises ou établissements passibles de l’impôt sur les sociétés, les dirigeants soumis au régime fiscal des salariés) et les dirigeants de fait, c’est-à-dire ceux qui assument des fonctions analogues à celles des dirigeants de droit ou qui exercent un contrôle effectif et constant sur la direction de l’entreprise.
  • [308]
    CC, décision n° 99-411 DC du 16 juin 1999, Loi portant diverses mesures relatives à la sécurité routière et aux infractions sur les agents des exploitants de réseau de transport public de voyageurs, cons. 5 ; n° 2010-604 DC du 25 février 2010, Loi renforçant la lutte contre les violences de groupes et la protection des personnes chargées d’une mission de service public, cons. 11.
  • [309]
    Pour les droits de la défense, le Conseil a précisé que ceux-ci s’étendaient à toute sanction ayant le caractère d’une punition même si le législateur a laissé le soin de la prononcer à une autorité de nature non juridictionnelle, CC, décision n° 90-285 DC du 28 décembre 1990.
  • [310]
    CC, décision n° 2010-70 QPC du 26 novembre 2010, M. Pierre-Yves M. (lutte contre l’évasion fiscale).
  • [311]
    Comme la Cour européenne des droits de l’homme dans la qualification d’une sanction.
  • [312]
    Consid. 5.
  • [313]
    Sur le fondement de l’article L. 281 du Livre des procédures fiscales.
  • [314]
    Sur le fondement de l’article R. 196-1 du Livre des procédures fiscales.
  • [315]
    CC, décision n° 2010-28 QPC du 17 septembre 2010, Association sportive football-club de Metz [Taxe sur les salaires] ; à propos de l’incompétence négative et son inapplicabilité à l’encontre d’une disposition législative antérieure à la Constitution du 4 octobre 1958, consid. 9.
  • [316]
    CC, décision 2010-103 QPC du 17 mars 2011, Société SERAS II. Note F. Perrotin, Le Conseil constitutionnel valide les pénalités fiscales, Les petites affiches, 5 avril 2011, n° 67, p. 3-5.
  • [317]
    L’article prévoit également une majoration de 80 % mais la société requérante ne contestait que la majoration de 40 %
  • [318]
    Consid. n° 5.
  • [319]
    Consid. n° 6 notamment en portant la majoration à 80 % en cas de manœuvres frauduleuses ou d’abus de droit.
  • [320]
    Ibid.
  • [321]
    Retenues après examen minutieux de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, du Conseil d’État et de la Cour de cassation.
  • [322]
    Cette modulation simplement législative avait été jugée suffisante par la Commission européenne des droits de l’homme qui avait été saisie du même article 1729 du CGI, Commission européenne des droits de l’homme, 29 juin 1998, M. Bruno Taddéi c/France, n° 36118/97.
  • [323]
    CE, 29 juin 1962, Société des Aciéries de Pompey, Rec., p. 438.
  • [324]
    CC, décision n° 2010-104 QPC du 17 mars 2011, Époux B.
  • [325]
    CC, décision n° 99-424 DC du 29 décembre 1999, Loi de finances pour 2000.
  • [326]
    Consid. n° 50 à 56.
  • [327]
    CC, décision n° 2005-520 DC du 22 juillet 2005, Loi précisant le déroulement de l’audience d’homologation de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité. Sans doute la décision n° 2010-72/75/82 QPC du 10 décembre 2010, M. Alain D. et autres, ayant conduit à l’abrogation du 4e alinéa de l’article 1741 du CGI pour violation du principe d’individualisation de la peine n’est pas étrangère à la motivation de la requête.
  • [328]
    CC, décisions n° 78-97 DC du 27 juillet 1978, Loi portant réforme de la procédure pénale sur la police judiciaire et le jury d’assises et 80-127 DC du 20 janvier 1981, Loi renforçant la sécurité et protégeant la liberté des personnes. Décisions mentionnées au commentaire dans les Cahiers du Conseil constitutionnel.
  • [329]
    Après tout on peut tout faire dire aux anciennes décisions du Conseil constitutionnel et du reste ce reproche n’a-t-il pas été souvent adressé par les juges constitutionnels ou non à la doctrine ? Ironie de la QPC qui rend le juge constitutionnel interprète de ses décisions ! N’aurait-il pas été plus judicieux d’examiner le moyen quitte à le rejeter au fond ?
  • [330]
    Voir commentaire aux Cahiers du Conseil constitutionnel.
  • [331]
    CC, décision n° 105/106 QPC du 17 mars 2011, M. César S. et autre.
  • [332]
    CE, décisions n° 336406 et n° 344316, du 17 décembre 2010, portant sur le deuxième alinéa du 3 de l’article 1728 CGI.
  • [333]
    Prévue par le 1 de l’article 1728.
  • [334]
    En décidant, « dans chaque cas, après avoir exercé son plein contrôle sur les faits invoqués et la qualification retenue par l’administration, soit de maintenir la majoration effectivement encourue au taux prévu par la loi, soit de lui substituer un autre taux parmi ceux prévus par les autres dispositions de l’article 1728 s’il l’estime légalement justifié, soit de ne laisser à la charge du contribuable que les intérêts de retard, s’il estime que ce dernier ne s’est pas abstenu de souscrire une déclaration ou de déposer un acte dans le délai légal ». Le juge peut ainsi proportionner les pénalités selon la gravité des agissements commis par le contribuable, consid. n° 7.
  • [335]
    Pour l’instant une seule sanction a été jugée contraire à la Constitution en QPC, Décision n° 2010-72/75/82 QPC du 10 décembre 2010, M. Alain D. et autres (Publication et affichage du jugement de condamnation), cons. 3 à 5 à propos du 4e alinéa de l’article 1741 du CGI prévoyant l’obligation pour le juge d’ordonner la publication notamment au Journal officiel d’un jugement de condamnation pour délit de fraude fiscale jugée contraire au principe d’individualisation de la peine.
English version

I – CONTRÔLE DES LOIS ORDINAIRES

— Commentaire de la décision du Conseil constitutionnel du 7 octobre 2010, n° 2010-613 DC, Loi interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public, Journal officiel du 12 octobre 2010, p. 18345.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL FACE À LA LOI ANTI-BURQA : ENTRE GARANTIE DES DROITS FONDAMENTAUX, SAUVEGARDE DE L’ORDRE PUBLIC ET STRATÉGIE POLITIQUE

1 La décision du Conseil constitutionnel n° 2010-613 DC, rendue le 7 octobre 2010, sur la loi interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public a été accueillie dans une ambiance d’approbation générale tout comme l’adoption de la loi qui avait suscité un consensus de la majorité comme de l’opposition. La décision en elle-même n’a guère suscité de virulentes critiques et semble aujourd’hui faire déjà partie du passé jurisprudentiel [1].

2 Pourtant, quelques mois après la promulgation de ce texte et alors que la loi est entrée en vigueur depuis quelques jours, l’analyse de cette décision rendue par le Conseil constitutionnel dans un contexte apaisé ne manque pas de soulever certaines interrogations. Certes, la vaste majorité de la population française, des partis politiques, et des institutions étaient favorables à une interdiction de la dissimulation du visage dans l’espace public ; mais, une décision d’interdiction quasi absolue est suffisamment rare pour s’interroger sur ses effets et ses répercussions sur la jurisprudence future du Conseil constitutionnel. L’argument selon lequel la question était tellement politique qu’elle ne pouvait engendrer qu’une censure sur le terrain juridique n’est pas à lui seul convaincant… ou alors, il aurait fallu le dire clairement !

3 La loi sur la non-dissimulation du visage dans l’espace public se voulait neutre dans les termes pour ne pas viser spécifiquement une pratique présentée comme religieuse qui bien que très limitée gagne peu à peu du terrain et fait débat. Derrière les arguments relatifs à la dignité des femmes, à l’égalité des sexes et à l’ordre public, la loi contre la dissimulation du visage dans l’espace public apparaît clairement comme une réponse à l’islamophobie montante fondée sur une confusion entre islam, décolonisation, immigration, insécurité, crise économique, chômage et terrorisme

4 À l’issue de l’adoption de cette loi, le Conseil constitutionnel a été saisi le 14 septembre 2010 à la fois par le président du Sénat et le président de l’Assemblée Nationale, fait rarissime, sans présenter de grief particulier. Moins d’un mois plus tard, le Conseil constitutionnel, composé de dix membres, a rendu sa décision dans laquelle il a validé la loi tout en émettant une réserve d’interprétation directive de portée mineure.

5 Étonnemment courte, cette décision reconnaît la constitutionnalité du texte législatif en estimant que le législateur avait suffisamment concilié les exigences de la liberté et du maintien de l’ordre public en interdisant, de façon quasi-générale et absolue, la dissimulation du visage dans l’espace public.

6 En analysant la décision dans un contexte dépassionné, nombre d’interrogations surgissent et aboutissent à se demander si, sous des dehors classiques, cette décision ne constitue pas une certaine forme d’abdication du contrôle de constitutionnalité ? Car, à y regarder de plus près, malgré les justifications avancées et sa savante construction, elle accepte que la liberté soit « sacrifiée » au nom d’une certaine idée de l’ordre public ! Ce n’est pas tant le résultat qui est critiquable – car il y a fort à parier que le port de la burqua ou du niqab [2] dans l’espace public aurait pu de toute façon être interdit par des modalités diverses mais différentes – que le contrôle exercé par le Conseil constitutionnel sur la loi l’interdisant de façon aussi générale et absolue !

7 Bien que la loi se veuille facialement neutre pour éviter toute sanction pour discrimination, les objectifs affichés par le Gouvernement dans son projet de loi étaient clairs : il s’agissait avant tout d’interdire le port du voile intégral. Le Conseil constitutionnel démontre d’ailleurs qu’il l’a bien compris en reprenant certains termes de l’exposé des motifs du projet de loi. Pour autant sa motivation se cantonne à un rappel de normes de références applicables (A) et à une validation particulièrement déférente des objectifs de la loi à travers une conception élargie mais floue de l’ordre public (B) ; tout cela, sous couvert de l’exercice d’un pseudo-contrôle de proportionnalité des mesures envisagées par rapport au but recherché (C). En définitive, le Conseil constitutionnel se range sagement derrière l’opinion majoritaire, ce qui ne sert pas son image de gardien des libertés. Le Conseil constitutionnel n’a-t-il pas manqué une occasion de s’affirmer en tant que pouvoir contre-majoritaire ?

I – UNE ARGUMENTATION TROP SUPERFICIELLE

8 Le Conseil constitutionnel a toujours fait preuve d’une certaine sobriété dans la rédaction de ses décisions comparé à la majorité des Cours constitutionnelles étrangères. Cette sobriété s’explique à la fois par la tradition française en matière de rédaction de décisions de justice mais également par le souci, louable, de ne pas s’enfermer dans des raisonnements qui deviendraient vite obsolètes ou donnant lieu à des interprétations non souhaitées. La sobriété permet au fond la maîtrise de la jurisprudence. Pour autant, il n’y a pas lieu de confondre la sobriété et l’absence, ou du moins l’insuffisance manifeste, d’argumentation. Or, la différence entre la rédaction de cette décision et celle de la décision LOPPSI II[3], par exemple, intervenant également sur une question d’ordre public, ne peut pas laisser le lecteur et encore moins le commentateur indifférent.

9 Tout d’abord, les normes de références utilisées pour le contrôle de constitutionnalité sont simplement énoncées et ne servent pas directement l’argumentation du Conseil constitutionnel. Quatre dispositions constitutionnelles sont rappelées au considérant n° 3 de la décision : les articles 4, 5 et 10 de la DDHC de 1789 et l’alinéa 3 du préambule de la Constitution de 1946. De l’interprétation des articles 4 et 5 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, une règle classique en matière de police et d’ordre public émerge : « la liberté est la règle, la restriction (la mesure de police) l’exception ». Il aurait pu en découler logiquement le rappel du principe des interdictions générales et absolues, d’un contrôle maximum exercé sur une restriction maximale à une liberté ou encore d’une interprétation stricte de la notion « d’action nuisible à la société ». L’interdiction de la dissimulation du visage est d’autant plus générale et absolue, qu’il en découle en pratique que le port du voile intégral sera réservé à la sphère strictement privée et aux lieux de culte. Certes, il est possible de porter le voile intégral en voiture si l’on est passager – car il est interdit de conduire avec le voile – tout comme il est aussi permis de se voiler dans les locaux d’une entreprise [4] ou d’une association. Toutefois, la circulaire du 31 mars 2011 précise que dans l’espace de l’entreprise ou de l’association destiné à l’accueil du public, la dissimulation du visage est interdite [5]. Lorsqu’une personne se rend dans un hôtel, la dissimulation du visage n’est autorisée que dans sa chambre. Ce résidu de liberté autorisé par la loi n’a donc qu’un intérêt très limité car dans son foyer, sa chambre d’hôtel, la femme se découvre aux yeux de son mari et de ses enfants. Il en découle que le port du voile intégral, s’il est souhaité, ne présentera un intérêt, dans le cadre de la loi, que dans un lieu privé en présence de personnes étrangères au noyau familial. Si la validation de la disposition consistant à sanctionner pénalement la personne qui obligerait une autre personne à dissimuler son visage n’est pas contestable, et n’appelle d’ailleurs aucun commentaire particulier, il est complètement fait abstraction du cas le plus répandu en France où la femme se voile par conviction.

10 La référence à l’article 10 ne fait pas l’objet non plus de développements particuliers. Il justifie simplement la réserve d’interprétation qui souligne que « l’interdiction de dissimuler son visage dans l’espace public ne saurait, sans porter une atteinte excessive à l’article 10 de la Déclaration de 1789, restreindre l’exercice de la liberté religieuse dans les lieux de culte ouverts au public ». Dans la religion musulmane, des espaces sont réservés aux femmes dans les lieux de culte car hommes et femmes ne se mêlent pas.

11 La circulaire susvisée précise que cette autorisation vaut également à proximité des lieux de culte. Cela signifie que les femmes peuvent entrer intégralement voilées dans une église ou dans un temple car il n’est pas précisé que le lieu de culte où la dissimulation intégrale du visage est admise doit être un lieu d’exercice du culte musulman. Ainsi, le premier jour d’application de la loi, le 11 avril dernier, deux femmes portant le niqab ont manifesté devant la cathédrale de Paris. Ces deux femmes ont été conduites au commissariat non en raison du port du voile mais pour manifestation illégale.

12 Il n’est pas surprenant que le Conseil constitutionnel n’ait pas souhaité gloser davantage sur la restriction à l’exercice de la liberté religieuse car le port du voile intégral n’est pas reconnu par les représentants, notamment français, du culte musulman comme une obligation religieuse découlant du Coran et de la Sunna [6]. Le voile intégral est, dans certains États, comme le Pakistan, l’Afghanistan, l’Arabie Saoudite, plus rattachable à la culture qu’à la religion, même si la distinction entre les deux est parfois délicate, d’autant qu’il semblerait qu’il soit apparu à une période précédant l’islam, donc le culte musulman, en Asie [7]. Il convient également de souligner de très nombreux courants dans le culte musulman, comme il y a de nombreuses interprétations du Coran et de nombreuses coutumes religieuses issues à la fois d’une évolution des interprétations et d’une distinction difficile entre pratique cultuelle et pratique culturelle. Le port du voile intégral est la manifestation de l’une de ces interprétations.

13 Quant à l’égalité homme-femme, il semblerait que ce soit le point sur lequel l’argumentation du Conseil constitutionnel se veut être la plus solide soulignant que le législateur « a estimé que les femmes dissimulant leur visage, volontairement ou non, se trouvent placées dans une situation d’exclusion et d’infériorité manifestement incompatible avec les principes constitutionnels de liberté et d’égalité ». À ce titre, à aucun moment, le Conseil constitutionnel ne fait cependant allusion à la situation de la femme qui souhaite par conviction, par liberté, par choix, se voiler intégralement. Or, parmi les femmes qui, jusqu’au 11 avril dernier, étaient intégralement voilées en France, combien l’ont fait par choix et combien par contrainte ? Ces femmes-là se sentent-elles en situation d’exclusion et d’infériorité ? Le port du voile, même s’il n’est pas la manifestation d’une obligation religieuse, ne peut-il pas être la manifestation d’un choix, une façon d’affirmer librement ses opinions, ses convictions religieuses voire même politiques, en résumé, son identité ? Le voile intégral serait l’expression d’une différence, d’une volonté de se démarquer et d’affirmer son appartenance à une communauté, qui peut-être rejette les valeurs de la République, mais il n’en reste pas moins que c’est un aspect de la liberté d’expression et de la liberté de manifester ses opinions. Il est vrai cependant que la liberté d’expression en France, qu’elle soit politique, religieuse ou autre, ne bénéficie pas d’un statut protecteur équivalent à celui que l’on trouve dans les pays anglo-saxons dont les États-Unis au premier chef. Par ailleurs, la France est particulièrement ferme sur ces questions de revendications minoritaires ou communautaires, en rejetant clairement, comme le Conseil constitutionnel a pu le rappeler en 1982, à propos des quotas par sexe dans les listes électorales, en 1991 dans la décision sur le peuple corse, ou encore en 1999, à propos de la Charte sur les langues régionales ou minoritaires, l’idée d’une distinction entre les citoyens. Il s’agit d’une application simple et abrupte du principe d’égalité, non seulement entre les hommes et les femmes, mais de l’égalité entre les individus, les citoyens, quel que soit leur sexe.

14 Il peut alors paraître surprenant que le Conseil constitutionnel se soit limité, dans ses normes de références, à évoquer le seul alinéa 3 du préambule de la Constitution de 1946 alors que l’égalité figurant dans la DDHC de 1789 et à l’article 1er de la Constitution de 1958 aurait pu être évoquée. Sur le fondement des dispositions constitutionnelles, le Conseil constitutionnel a développé une conception universaliste de l’égalité qui rejette toute forme de revendication identitaire. Or, l’objet de la loi n’était pas de faire ressortir cette revendication mais bien de la nier. En effet, pour éviter un risque de sanction, gouvernement et législateur, ont voulu mettre dans le même texte des situations très différentes. Se fonder sur l’égalité en général pour refuser le port du voile intégral aurait été à l’encontre des objectifs du législateur.

15 On ne peut d’ailleurs justifier qu’en recourant à un raisonnement insatisfaisant, le fait de traiter dans un même texte des pratiques diverses dont l’objet même est différent. Comment admettre que l’on traite dans la même loi d’une part de comportements à visée délictueuse comme le port d’un masque, d’un casque, d’une cagoule pour ne pas être identifié lors de manifestations violentes ou pour commettre une infraction, et d’autre part, de pratiques cultuelles ou culturelles qui ne portent pas en elles-mêmes, une atteinte à l’ordre public au sens classique du terme. Analyser la loi, comme la décision du Conseil constitutionnel, ne peut d’ailleurs que se faire en recourant à la distinction entre les deux aspects de ce texte : l’aspect général (la dissimulation du visage dans un objectif délictueux et l’aspect contextuel (le port du voile intégral). Les deux ne peuvent être assimilés, même si des points de rencontre sont possibles : le fait de vouloir dévaliser une banque avec un voile intégral. Mais pour un risque de sécurité assez mineur, est-il besoin de légiférer de façon aussi générale ? La réponse est clairement négative. En ce qui concerne l’ordre public au sens strict, des réglementations, certes éparses, existaient déjà. Voilà pourquoi, d’ailleurs, le Conseil constitutionnel rappelle que le législateur a estimé que les pratiques visées par la loi pouvaient représenter un danger pour la sécurité publique et méconnaissait les exigences minimales de la vie en société. « Les exigences minimales de la vie en société » ne visent clairement que le port du voile intégral alors que la sécurité publique englobe toutes les autres formes de dissimulation du visage dans l’espace public. Personne n’est dupe du fait que la loi est clairement un message politique dans un contexte social, économique, international et national délétère !

16 On peut se demander, également, pourquoi d’autres principes ou règles constitutionnels n’ont pas été évoqués par le Conseil constitutionnel telles que la liberté personnelle, la dignité, la laïcité en encore la liberté d’aller et venir.

17 La laïcité était difficilement invocable pour au moins deux raisons : d’une part, comme cela a été évoqué plus haut, le port du voile intégral n’est pas nécessairement rattachable à une pratique religieuse, il peut s’agir d’une pratique culturelle voire l’expression d’une opinion, d’une identité. D’autre part, une fois de plus, la loi englobe d’autres cas de dissimulation du visage qui n’ont rien à voir avec la religion et son but était justement, même s’il n’a pas été atteint, d’éviter de stigmatiser une pratique présentée comme religieuse. Plusieurs autres raisons peuvent être trouvées : éviter de se prononcer sur le fondement de la laïcité permettait d’éviter que le Conseil constitutionnel prenne position sur un terrain politiquement délicat. En effet, les affaires du voile islamique dans les écoles ont montré que la France avait une conception positive de la laïcité qui autorise l’État à interdire certaines pratiques au nom de la laïcité. Cependant, cela se limitait pour l’instant à l’enseignement public primaire et secondaire. La loi sur la non-dissimulation du visage dans l’espace public a une portée beaucoup plus large puisque cette dissimulation est interdite dans tous les lieux ouverts au public [8]. S’appuyer sur la laïcité pour valider la loi, du moins en ce qu’elle englobe des pratiques présentées comme religieuses, aurait eu des répercussions sociales et politiques trop importantes en montrant que la République française ne tolère pas de pratique religieuse trop ostensible dans l’espace public ; ce qui aurait notamment conduit à condamner toute expression vestimentaire ostensible de la religion en dehors des lieux de culte et quel que soit le culte.

18 L’absence de référence à la liberté personnelle, que le Conseil constitutionnel fait découler des articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 [9], trouve également une justification pratique. Cela aurait conduit le Conseil constitutionnel une nouvelle fois à prendre position sur la question de la protection des identités personnelles au sein de la République. Bertrand Mathieu définit la liberté personnelle comme le « droit à ne pas subir de contraintes sociales excessives au regard de la personnalité » [10] et Xavier Bioy souligne l’évolution de la liberté personnelle vers « un droit à l’indifférence lorsque la personne se situe dans la sphère publique » [11]. Il n’existe pas cependant, en l’état actuel du droit français, droit au libre développement de la personnalité dans la sphère publique [12] ou droit à l’autonomie personnelle comparable à ce que l’on peut trouver notamment au sein de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme [13], qui elle-même fait preuve de prudence dans l’utilisation de cette notion [14]. Le non-développement de la protection de l’autonomie personnelle en droit français est d’ailleurs étroitement lié à la conception française universaliste de l’égalité qui nie le droit à la différence donc la reconnaissance des identités au sein de la République. Cette position est particulièrement claire dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel [15]. Cependant, en évitant de faire référence à la liberté personnelle et plus encore de se prononcer directement sur la validité de la loi par rapport à cette liberté, et également l’égalité en général, le Conseil constitutionnel évite d’aborder de front la question des revendications identitaires ou communautaires. En s’abritant derrière la généralité de la loi, il veut éviter de participer à un débat conduisant à stigmatiser une communauté en particulier.

19 La liberté d’aller et venir, tirée également des articles 2 et 4 de la DDHC de 1789, n’est pas non plus évoquée. Pourtant, elle est indirectement atteinte par cette loi car les personnes qui estiment qu’elles ne peuvent sortir intégralement voilées sont confinées dans des lieux strictement privés, donc ne peuvent avoir de vie sociale. Cependant, là encore, en l’absence de droit à l’autonomie personnelle, la République domine la liberté de la personne. C’est le comportement de la personne qui veut dissimuler son visage qui est critiqué comme une atteinte à la liberté et aux valeurs de la collectivité, et non la liberté de la personne de se vêtir comme elle l’entend qui est défendue contre une loi qui le lui interdit. Les valeurs de la République priment sur la liberté de chacun au nom de la liberté de la collectivité.

20 Reste alors le principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine, invoqué dans l’exposé des motifs de la loi pour justifier l’interdiction de la pratique du port du voile intégral. L’absence de référence directe à cette norme, par le Conseil constitutionnel, peut, là encore, trouver une explication. La notion de sauvegarde de la dignité de la personne humaine telle que garantie par le Conseil constitutionnel pour l’instant, dans sa jurisprudence, a principalement été interprétée comme opposable par l’individu au législateur, c’est-à-dire à la décision de la collectivité [16]. Or, dans les décisions Commune de Morsang-sur-Orge et Ville d’Aix-en-Provence[17], le Conseil d’État a développé une conception « objective » de la dignité, qui a fait débat. En faisant de la dignité un élément de l’ordre public, le Conseil d’État a fait de la sauvegarde de la dignité de la personne humaine une « qualité opposable à l’homme par des tiers » en vertu « d’une certaine représentation de ce que serait l’humanité digne » [18]. Contrairement à la conception de la dignité dans d’autres États et dans la jurisprudence de la CEDH, qui fait primer le principe d’autonomie personnelle, la volonté ou le consentement de la personne sont niés au nom d’une conception collective de ce qui est considéré comme digne. Cette conception de la dignité est controversée au point que le Conseil d’État, qui l’a utilisé de manière très exceptionnelle et limitée [19], a estimé dans le rapport du 25 mars 2010 que fonder l’interdiction du voile intégral sur le principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine était juridiquement contestable [20]. Au regard de ce point de vue émis par son voisin du palais royal, il était prudent, de la part du Conseil constitutionnel, de ne pas discuter de l’applicabilité du principe de dignité, même si ce principe apparaît en toile de fond de la décision derrière les termes « d’exigences minimales de la vie en société » et de « situation d’exclusion et d’infériorité manifestement incompatibles avec les principes de liberté et d’égalité », et plus généralement à travers la référence à l’ordre public.

II – UNE NOTION D’ORDRE PUBLIC CONTESTABLE

21 Dans le quatrième considérant, le Conseil constitutionnel estime que la définition de l’ordre public a évolué à travers deux facteurs : d’une part, les évolutions de la vie en société qui ont conduit le législateur à prohiber certains comportements méconnaissant à ses yeux les exigences minimales de celle-ci ; d’autre part, l’interdiction faite aux femmes de dissimuler leur visage – volontairement ou non – qui participaient de la protection des principes constitutionnels de liberté et d’égalité et que ces règles participaient à des fins de protection de l’ordre public.

22 Cette définition de l’ordre public dépasse l’ordre « matériel et extérieur » traditionnellement considéré comme le cœur de l’ordre public. Deux aspects semblent pris en considération par le Conseil constitutionnel pour caractériser l’ordre public. D’une part, la définition de l’ordre public ne se limite plus à l’ordre matériel et extérieur mais intègre (sans que l’on sache où cela commence et se termine !) un ordre public immatériel fondé sur une conception législative de l’ordre et de la liberté : l’ordre public n’est donc plus conçu comme un cadre d’exercice des droits et libertés mais intègre également la conception que la société se fait des limites à apporter à cette liberté ! D’autre part, le contenu de l’ordre public dépend de l’évolution des situations de fait : il ne s’agit plus d’un ordre public objectif et identifié abstraitement mais d’un ordre public à contenu variable dont il revient au législateur de faire fluctuer les limites en fonction des exigences de ce qu’il estime être acceptable ou non-acceptable pour faire respecter cet ordre public.

23 Si telle est l’interprétation que le Conseil constitutionnel donne à l’ordre public, d’importantes interrogations peuvent surgir sur le futur de cet objectif de valeur constitutionnelle. D’une part, l’ordre public devient une notion indéterminée, remise entre les mains du législateur qui pourra en faire évoluer le contenu au gré des circonstances. Qu’une norme de référence – même s’il ne s’agit que d’un objectif – devienne soumise à l’appréciation du législateur peut sembler problématique pour le contrôle de constitutionnalité. Résumé en termes simples, cela revient à confier au pouvoir législatif ordinaire la détermination du contenu d’une exigence constitutionnelle à travers la notion d’ordre public. Quelles en seront alors les limites ? Comment le juge constitutionnel pourra-t-il exercer un contrôle effectif si le texte soumis à son contrôle est examiné à l’aune d’un objectif dont l’auteur de l’acte a lui-même défini les contours ? D’autre part, si l’ordre public dépasse les seules manifestations « matérielles et extérieures », cela revient à intégrer dans ses composantes une certaine idée de la liberté et de l’égalité et disons-le nettement de la dignité, et à faire jouer ou évaluer la notion collective de liberté et d’égalité enfouie sous le costume de l’ordre public contre la notion individuelle de liberté ou d’égalité [21] ! Autant dire que l’ordre public ne devient plus qu’un alibi et transforme le débat en un choc des conceptions à l’égard de la liberté, de l’égalité et de la dignité, entre les partisans d’une limitation collective et sociale et les partisans d’une protection individuelle de ces mêmes libertés ! Ce n’est plus du tout de la même conception de l’ordre public que l’on parle alors ! Ce débat avait déjà eu lieu, il y a quelques années devant le Conseil d’État avec l’intégration de la dignité humaine comme quatrième composante de l’ordre public (et qui avait suscité de nombreux débat à la suite de la décision Commue de Morsang-sur-Orge). Mais si tel est le cas, pourquoi avoir recours à cette notion d’ordre public devenue « fourre-tout » et incompréhensible ?

24 Pourquoi le juge constitutionnel ne le dit pas clairement au lieu de s’exprimer à demi-mot ? Il y a là un malaise qui, il faut bien l’avouer, est difficile à dissiper !

25 Notons d’ailleurs que le Conseil d’État avait préconisé dans son rapport, de faire preuve d’une grande prudence quant à l’introduction dans la notion d’ordre public, d’un socle minimal d’exigences de la vie en société, car cette conception « positive » de l’ordre public « n’a jamais été élaborée ni par la doctrine juridique, ni par les juges, et qu’elle ne semble pas rencontrer d’échos dans les systèmes juridiques de nos voisins européens ». Il a même souligné : « Le Conseil d’État ne peut donc recommander un changement aussi profond de notre ordre normatif, dont les contours sont difficiles à cerner par avance au regard de l’ensemble de ses applications potentielles » [22]. Dès lors, en validant cette conception de l’ordre public, le Conseil constitutionnel devient clairement défenseur d’une conception inédite de l’ordre public. Est-ce une façon d’affirmer un nouvel aspect de l’identité constitutionnelle de la France ?

26 La déférence du Conseil constitutionnel à l’égard du législateur se poursuit lorsqu’il va pratiquer le contrôle de proportionnalité.

III – UN CONTRÔLE DE PROPORTIONNALITÉ DE FAÇADE

27 Dans le cinquième considérant de la décision, le Conseil effectue un contrôle de proportionnalité entre les droits et libertés constitutionnellement protégés et la sauvegarde de l’ordre public. Cette situation est apparemment classique en matière de droits et libertés fondamentaux et, faut-il le rappeler, le contrôle de proportionnalité s’est développé dans ce domaine devant le juge administratif à partir du début du vingtième siècle et demeure encore aujourd’hui emblématique. Toute la théorie du pouvoir discrétionnaire ainsi que ses limites ont été bâties autour du contrôle juridictionnel exercé sur les mesures de police. Le juge administratif y a d’ailleurs développé les différents degrés du contrôle juridictionnel, celui exercé à l’égard des pouvoirs de police en matière de restriction des libertés s’apparentant au contrôle dit « maximum ». Or, en l’espèce, le contrôle exercé est un contrôle minimum limité à l’erreur manifeste d’appréciation, et encore se limite-t-il à l’emploi d’une « formule incantatoire » qui ne permet pas au lecteur de la décision de saisir le raisonnement développé pour considérer qu’il n’y a pas d’erreur manifeste !

28 On pourra nous rétorquer que le Conseil constitutionnel ne dispose pas d’un pouvoir d’appréciation identique à celui du Parlement ! Mais cette situation n’est guère différente de celle que connaît le juge administratif à l’égard du pouvoir exécutif ! Pour reprendre une argumentation développée en son temps devant le Conseil constitutionnel par l’un de ses rapporteurs (G. Vedel, séance du mercredi 10 octobre 1984 délibération sur la loi relative aux statuts des entreprises de presse, p. 10 in fine) « en matière de liberté publique, le législateur n’est pas plus libre que ne l’est l’administration. En veillant dans le domaine des libertés publiques, à l’adéquation des moyens choisis par le pouvoir législatif aux fins poursuivies, le Conseil constitutionnel ne fait… qu’exercer pleinement les attributions qui sont les siennes et ne se livre pas, contrairement à ce qu’on pourrait – à tort – penser, à un contrôle d’opportunité ». Interdire l’exercice d’une liberté reste – quoique l’on puisse penser de la liberté en cause – la forme la plus extrême d’atteinte à une liberté fondamentale, celle à l’égard de laquelle le juge des libertés s’est toujours montré suspicieux parce qu’elle méconnaissait la règle fondamentale du droit public « La liberté est la règle, la restriction, l’exception ». Il existe bien entendu des hypothèses où l’interdiction – forme ultime de la restriction – est justifiée mais il est nécessaire d’expliquer clairement et de façon détaillée en quoi cette mesure extrême se justifie ! Or, force est de constater qu’ici tel n’est pas le cas et que la formule employée pour affirmer qu’il n’existe pas de « disproportion manifeste » ne peut pas s’apparenter à un contrôle de proportionnalité digne de ce nom ! Le contrôle exercé ici est davantage un contrôle « apparent » de proportionnalité où la substance du rapport de proportionnalité est laissée à la sagacité du lecteur. Il aurait été presque préférable que le Conseil constitutionnel, s’il ne souhaitait pas rentrer dans un tel débat, le dise clairement et développe, à l’instar de la Cour suprême américaine par exemple, une doctrine nouvelle des « questions politiques » suivant laquelle il refusait de contrôler des choix qu’il estimait hautement politiques ! Cela aurait eu le mérite de la clarté et de la simplicité. La conclusion de cette analyse laisse un certain malaise non pas tant pour la question traitée que pour l’avenir ! Si demain, le contexte politique ou social devenait tel que les exigences de l’ordre public pouvaient peser d’un poids si important que toute atteinte aux libertés ou droits fondamentaux deviendrait automatiquement conforme à la Constitution, le contrôle juridictionnel deviendrait vide de sens !

29 La décision rendue par le Conseil constitutionnel en la matière oblige le lecteur à jouer aux devinettes. Telle n’est pas la finalité d’une décision juridictionnelle ! On aurait aimé au moins connaître le raisonnement que le juge a tenu pour conclure à l’absence de « disproportion manifeste » : cela ne saute guère aux yeux ! En premier lieu, pour comprendre une décision, il faut au moins en connaître les tenants et les aboutissants. Or, ni le choix des normes de référence, ni les composantes de l’ordre public évoquées plus haut dans la décision ne permettent d’obtenir une explication claire et cohérente de la solution retenue. En second lieu, une interdiction n’est pas une simple limitation : l’interdiction de la dissimulation du visage dans l’espace public nécessitait quelques explications. Ce ne sont pas les exceptions prévues par la loi ni la réserve d’interprétation propre aux lieux de culte qui sont suffisantes pour comprendre le raisonnement du juge. Certes, les décisions juridictionnelles françaises ne sont pas des confessions ! Mais de là à expédier en quelques lignes une décision d’interdiction, il y a une nuance. Et cela d’autant plus que le Conseil constitutionnel nous a habitués à mieux, dans d’autres décisions et depuis plusieurs années, à un développement de la logique de son raisonnement qui laissait penser que les rédactions concentrées de décisions étaient reléguées au rang des curiosités historiques ! Il n’est plus possible en 2011 pour une juridiction constitutionnelle de se retrancher derrière les principes de sobriété et de concision pour justifier l’absence de développement des raisonnements tenus. Ceci n’est plus acceptable : pour que le contrôle de constitutionnalité soit compris, il ne peut pas rester inexpliqué ! Un rapide survol du droit comparé illustre d’ailleurs cette évidence et ce n’est pas la brièveté du texte législatif qui permet d’invoquer la brièveté de la réponse du juge ! Ceci n’aurait aucun sens. En troisième lieu, la limitation du contrôle de proportionnalité au seul contrôle de la disproportion manifeste n’est guère convaincante ! On remarquera tout d’abord, que les termes de l’ordre public sont des termes contingents. Sans revenir sur leur analyse, l’élargissement indéterminé des composantes de l’ordre public est déjà en soi problématique mais leur lien avec l’évolution des mœurs et des comportements à un moment donné est évolutif et réversible. Ceci conduit à transformer la notion d’ordre public en un standard – notion juridique à contenu variable – dans laquelle on peut absolument tout mettre ! Par ailleurs, le choix des normes de référence constitue en soi déjà une opération de sélection si elle est laissée au juge. Mais, au-delà de l’absence d’explication quant au choix des normes retenues, il aurait été souhaitable d’expliquer en quoi la liberté d’opinion ou d’expression, la liberté religieuse méconnaissaient pour chacune d’elles l’ordre public au point de rendre la décision d’interdiction indispensable. Car, il ne faut pas oublier que le contrôle de proportionnalité s’apprécie dans une relation triangulaire : d’un côté, les exigences de l’ordre public, de l’autre les droits et libertés fondamentaux et enfin le choix de la décision. Or, nul ne conteste le problème que représente la dissimulation du visage dans l’espace public dès lors qu’il est justifié par l’adhésion à une religion. Le problème s’est d’ailleurs posé devant d’autres Cours constitutionnelles à propos de l’usage de stupéfiants ou l’absorption de substances psychotiques justifiées par des pratiques religieuses [23] : la constitutionnalité de l’interdiction de l’usage de ces substances dans l’espace public a été admise. Mais elle ne l’a été qu’à l’issue d’un long examen des exigences de l’ordre public et de la protection des libertés fondamentales. Le contrôle de proportionnalité ne peut pas se passer d’explications ou alors il n’est qu’un contrôle factice.

30 Argumentation superficielle, validation contestable, contrôle factice, le bilan est lourd. À l’heure où le président Jean-Louis Debré milite pour que le Conseil constitutionnel soit officiellement dénommé Cour constitutionnelle, cette déférence excessive à l’égard du gouvernement et de législateur ne contribue-t-elle pas à le discréditer dans sa fonction de gardien des droits et des libertés fondamentaux ?

31 On sait que la légitimité du Conseil constitutionnel au sein des institutions françaises demeure fragile. Sans cesse critiqué en raison de sa composition et de ses règles de nomination, il ne peut se faire reconnaître en qualité de juridiction qu’au prix d’une jurisprudence démontrant qu’il n’est pas sous l’emprise du pouvoir politique. Pour cela, la motivation de ses décisions doit être solide comme expression de la fiabilité et de l’impartialité de son raisonnement. Or, dans la décision analysée, cet ingrédient est absent au point que l’on en vient à se demander si la solution de validation n’a pas tout simplement précédé la décision elle-même. Le Conseil constitutionnel reprend les arguments avancés dans l’exposé des motifs du projet de loi sans les contester. Il valide sans discuter, ou si peu, une atteinte majeure à l’exercice d’une liberté. Est-ce ce que l’on attend d’un gardien des droits et libertés fondamentaux dans une démocratie ? D’aucuns rétorqueront que, de toute façon, la majorité politique et sociale était favorable à une interdiction de la dissimulation du visage dans l’espace public, et plus précisément, à l’interdiction du port du voile intégral. Cependant, n’est-ce pas pour exercer un contrepoids face à la majorité que la justice constitutionnelle a été mise en place ? Admettre que le juge constitutionnel doit se plier à la volonté de la majorité, c’est nier l’intérêt du contrôle de constitutionnalité des lois dans une démocratie. Certes, le juge constitutionnel, comme et plus encore que les autres juges, ne peut rendre une décision sans tenir compte du contexte social et politique dans lequel elle intervient. Il doit mesurer les conséquences de ses décisions. Mais, il ne doit pas pour autant faire l’économie d’un véritable jugement sans quoi il fragilise la confiance qu’ont les citoyens en la justice rendue. Dans la Common Law, il est un principe régulièrement rappelé : « Justice has not only to be done, but has to be seen to be done ». La décision a été rendue ; certes, elle a pu satisfaire la majorité et a eu pour effet de calmer la polémique autour de la loi. Cependant, elle laisse le juriste insatisfait en ce que cette décision ne contribue pas à la sécurité juridique et à la prévisibilité du droit. D’une part, la solution retenue est peu justifiée et laisse penser que le degré de contrôle exercé par le Conseil constitutionnel sur les lois dépend du contexte dans lequel elles interviennent et de leur objet, peu importe qu’une atteinte majeure à une liberté fondamentale soit en jeu. D’autre part, une nouvelle composante de l’ordre public apparaît autour des « exigences minimales de la vie en société », notion relative et contingente s’il en ait, qui peut justifier l’interdiction de tout ce que la majorité n’admet pas comme étant « correct ».

32 Espérons que cette décision reste – tant dans sa forme que dans ses effets – anecdotique dans les annales des décisions du Conseil constitutionnel, tout comme la loi d’ailleurs, dont l’efficacité et l’intérêt étaient contestés avant même son adoption [24]. Par ailleurs, rappelons que le Conseil constitutionnel n’a pas le dernier mot, et qu’au cas où il aurait trouvé les arguments pour déclarer la loi invalide, une révision constitutionnelle aurait pu intervenir, le pouvoir constituant prenant alors ses responsabilités.

33 Politiquement, une telle décision aurait-elle été acceptée ? Ceci est une autre histoire mais le but du contrôle de constitutionnalité n’est-il pas aussi dans les moments de peur et de doutes collectifs de rappeler que le danger n’est jamais très loin et que l’abdication du contrôle juridictionnel est le premier symptôme de la gravité du malaise d’une société en proie à la remise en cause de ses fondements.

34 Marthe Fatin-Rouge Stéfanini et Xavier Philippe

— Décision n° 2010-624 DC du 20 janvier 2011, Loi portant réforme de la représentation devant les Cours d’appel, JO du 26 janvier 2011, p. 1550.

AVOUÉS : DISPARITION PROGRAMMÉE D’UNE PROFESSION PLURISÉCULAIRE

35 Bien que délibéré en conseil des ministres le 3 juin 2009, le projet de loi portant réforme de la représentation devant les Cours d’appel n’a été définitivement adopté, en seconde lecture par le Sénat, que le 21 décembre 2010. Ce projet avait pour objet d’assurer la fusion des professions d’avocat et d’avoué devant les Cours d’appel. Ce texte n’est d’ailleurs pas sans rappeler la loi du 31 décembre 1971 qui a supprimé les offices d’avoués près le Tribunal de grande instance. Le 1er janvier 2012, les avoués perdront donc le monopole de la postulation devant les Cours d’appel dans les procédures au sein desquelles la représentation est obligatoire. Pour autant, selon les termes de l’article 1er de la loi, les anciens avoués seront inscrits d’office dans la profession d’avocat près le Tribunal de grande instance dans le ressort duquel leur office était situé. À part ailleurs était créée une spécialisation de plein droit, à leur égard, en procédure d’appel. Selon l’exposé des motifs du projet de loi, il s’agissait de « simplifier la démarche du justiciable et de réduire le coût du procès en appel ».

36 À l’issue du vote, ce texte a été déféré par plus de soixante sénateurs au Conseil constitutionnel. Toutefois, seule une partie de l’article 13 du texte était contestée. Il s’agit des dispositions organisant le régime d’indemnisation des avoués.

37 L’argumentation des sénateurs portait aussi bien sur la procédure d’adoption de cette disposition que sur le fond de celle-ci. Quoi qu’il en soit, aucun des arguments développés par les saisissants n’a été en mesure de convaincre les membres du Conseil constitutionnel qui, rejetant l’ensemble des arguments développés, en ont profité pour soulever d’office la question de la comptabilité de l’article 13 au principe d’égalité devant les charges publiques, ce qui leur a permis de censurer une partie de cette disposition en se fondant sur l’exigence du bon emploi des deniers publics.

I – SUR LA PROCÉDURE

38 Deux griefs d’inégale importance étaient développés concernant la procédure d’adoption de l’article 13. Le premier était relatif au fait qu’en seconde lecture devant l’Assemblée nationale deux amendements portant sur cette disposition avaient été retirés par leurs auteurs en raison notamment d’une argumentation inexacte du gouvernement. Et de conclure que ce retrait portait atteinte aux principes de clarté et de sincérité des débats. Se fondant sur les termes de l’article 44 de la Constitution qui dispose en substance que les membres du Parlement et le Gouvernement ont le droit d’amendement, le Conseil va rejeter l’argumentation estimant « qu’il n’appartient pas au Conseil constitutionnel de contrôler les motifs pour lesquels l’auteur d’un amendement décide de le retirer ». Il ne s’agit ici, rien d’autre, que de l’application du principe du parallélisme des formes et des compétences.

39 Le second grief nous paraît plus pertinent dans la mesure où il aurait pu permettre au Conseil de faire évoluer sa jurisprudence sur un phénomène, hélas récurrent, aussi bien en France que dans l’ensemble des démocraties. Il s’agit de lutter contre l’absentéisme des parlementaires.

40 Selon les sénateurs en effet, l’adoption de l’article 13 du texte soumis au Conseil, l’aurait été dans des conditions contraires à l’article 27 de la Constitution. L’argument invoqué n’a, une fois de plus, pas convaincu le Conseil constitutionnel qui a choisi de rester fidèle aux termes de sa décision du 23 janvier 1987 selon laquelle : « pour l’application de ces dispositions, la circonstance que, dans le cadre d’un scrutin public, le nombre de suffrages favorables à l’adoption d’un texte soit supérieur au nombre de sénateurs effectivement présents au point de donner à penser que les délégations de vote utilisées, tant par leur nombre que par les justifications apportées, excèdent les limites prévues par l’article 27 précité, ne saurait entacher de nullité la procédure d’adoption de ce texte que s’il est établi, d’une part, qu’un ou des sénateurs ont été portés comme ayant émis un vote contraire à leur opinion et, d’autre part, que, sans la prise en compte de ce ou ces votes, la majorité requise n’aurait pas atteinte » [25].

41 Si, sur le fond, la position du Conseil constitutionnel ne peut qu’être approuvée dans la mesure où selon la juridiction constitutionnelle elle-même « le résultat du scrutin public portant sur les deux amendements dont le rejet est contesté, tel qu’il a été publié au Journal officiel du Sénat, confirme le résultat proclamé par le président du Sénat en séance publique », il n’en demeure pas moins, d’une part qu’après rectification, les amendements contestés n’ont été rejetés que par 168 voix contre 167 et que, d’autre part, les termes de l’article 27 sont plus qu’explicites. En effet, outre le fait que le vote est personnel, non seulement la loi organique ne peut autoriser la délégation de vote qu’à titre exceptionnel ; mais aussi nul « ne peut recevoir délégation de plus d’un mandat ».

42 Or, la décision commentée ne permet, à aucun moment, de déterminer si les délégations consenties respectaient les termes de l’article 1er de l’ordonnance n° 58-1066 modifiée en date du 7 novembre 1958 [26].

43 Le maintien de la position du Conseil constitutionnel est d’autant plus regrettable en la matière que dans la décision du 12 juillet 2010 [27], cette même juridiction a admis la modification de l’ordonnance précitée qui visait à ajouter un alinéa selon lequel : « il ne peut y avoir de délégation lors d’un scrutin destiné à recueillir l’avis de la commission permanente compétente de chaque assemblée sur une proposition de nomination selon la procédure prévue au cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution ».

44 De manière encore plus précise, dans sa décision du 22 décembre 1961 [28], si le Conseil a admis que le droit de vote pouvait être délégué dans « les cas de force majeure » dès lors qu’il appartiendrait aux bureaux des Assemblées d’apprécier lesdits cas de force majeure, il a, en revanche, censuré la disposition de la loi organique visant « les obligations découlant de l’exercice du mandat parlementaire ou d’un mandat dans les conseils élus des collectivités territoriales de la République ». Il a censuré cette disposition considérant que les obligations dont il s’agit ne seraient pas soumises à l’appréciation des bureaux des Assemblées, de sorte que cette disposition « enlèverait à la délégation de vote le caractère, qu’a voulu lui conférer la Constitution, de dérogation exceptionnelle au principe de vote personnel ».

II – SUR LE FOND

45 En l’espèce, bien que le projet de loi déféré au Conseil constitutionnel compte 34 articles, seule une partie des dispositions de l’article 13 du texte a été contestée. En effet, les requérants reprochaient à cette disposition, tout d’abord l’absence d’indemnisation préalable à la suppression des offices établie par le dernier alinéa de l’article 13 et ensuite l’absence de dispositions spécifiques relatives au régime fiscal des indemnités allouées.

46 Sur le premier point, les requérants fondaient leur argumentation sur la violation présumée de l’article 17 de la DDHC d’août 1789. Selon ces derniers, le texte contesté opérait une privation de propriété en supprimant non seulement le monopole de postulation des avoués devant les Cours d’appel mais aussi l’activité de ces derniers. Ils invitaient donc le Conseil constitutionnel à abandonner, en partie tout au moins sa jurisprudence, et de rapprocher cette dernière de celle de la Cour européenne qui, retenant une conception extensive de la notion de droit de propriété, admet que « la notion de biens prévue par la première partie du Protocole n° 1 a une portée autonome qui ne se limite pas à la propriété des biens corporels, et qui est indépendante par rapport aux qualifications formelles du droit interne, qu’à « l’instar des biens corporels, certains autres droits et intérêts constituant des actifs peuvent aussi être considérés comme des droits de propriété et donc comme des biens » et que « la notion de biens ne se limite pas non plus aux biens actuels et peut également recouvrir des valeurs patrimoniales, y compris des créances, en vertu desquelles le requérant peut prétendre avoir au moins une espérance légitime et raisonnable d’obtenir la jouissance effective d’un droit de propriété » [29]. Deux autres décisions étaient invoquées à l’appui de leur recours : tout d’abord la décision Lallement contre France en date du 11 avril 2002 [30] au cours de laquelle la Cour européenne avait admis que « l’outil de travail » constituait un bien au sens de l’article 1er du Protocole n° 1 à la CEDH et ensuite la décision rendue par le Conseil d’État le 23 mars 2005 [31] au cours de laquelle, cette juridiction a considéré que le droit de présentation des commissaires priseurs constituait un « bien » au sens de cette disposition.

47 Les requérants pouvaient nourrir, à notre sens, quelque espoir de succès, et ce, pour trois raisons. En premier lieu, toutes les décisions juridictionnelles sur lesquelles s’appuyait leur recours étaient postérieures à la décision du Conseil constitutionnel concernant la suppression du privilège dont jouissaient les courtiers interprètes et conducteurs de navires [32]. En deuxième lieu, depuis plusieurs années déjà, à travers ce que l’on appelle le dialogue des juges, cette juridiction est très attentive à la position adoptée par la Cour de Strasbourg. Pour ne citer qu’un exemple récent, on pourrait se référer à son attitude concernant les nouvelles garanties devant être offertes aux personnes placées en garde à vue [33]. En troisième et dernier lieu, en offrant, en cas de contestation, au juge de l’expropriation le droit de fixer la somme à laquelle pouvaient prétendre les avoués, on pouvait croire que le législateur avait entendu faire prévaloir les termes de l’article 17 de la Déclaration des droits de l’homme sur ceux de l’article 13.

48 Quoi qu’il en soit, malgré la pertinence des arguments invoqués, aucun d’entre eux n’a été en mesure de convaincre le Conseil constitutionnel. Ayant préféré se fonder sur une violation de l’article 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et non sur ceux de l’article 17, devenait dès lors inopérant l’argument selon lequel en cas de privation de propriété, l’indemnité se devait d’être préalable.

49 En définitive, le Conseil constitutionnel reprenant, en substance, plusieurs éléments de sa jurisprudence antérieure a choisi d’écarter l’ensemble des arguments invoqués. Il a tout d’abord choisi comme il l’avait fait au cours de sa décision du 10 janvier précitée considéré que la suppression du privilège professionnel dont jouissaient les courtiers interprètes et conducteurs de navires « ne constitue pas une privation de propriété au sens de l’article 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ».

50 Ensuite, tout comme il l’avait fait dans sa décision du 18 janvier 1985 [34] relative à la loi sur les administrateurs judiciaires, mandataires judiciaires et experts en diagnostic d’entreprise, répondant à un argument fondé sur la violation du principe d’égalité devant la loi et les charges publiques, il avait considéré qu’au regard des dispositions « prévoyant des mesures facilitant l’accès aux nouvelles professions en faveur des membres des professions supprimées, le préjudice allégué par les auteurs de la saisine ne présente qu’un caractère éventuel ; qu’ainsi les dispositions entreprises ne méconnaissent aucun principe de valeur constitutionnelle ».

51 Or, concernant la profession d’avoués, de telles garanties ont été insérées dans le texte. Parmi celles-ci, nous pourrions en signaler au moins deux : tout d’abord, selon les termes de l’article 1er de la loi déférée, les avoués sont intégrés de plein droit dans la profession d’avocat et ensuite, ceux-ci bénéficieront ici encore de plein droit d’une spécialisation en procédure d’appel.

52 Ces éléments ont ainsi permis au Conseil constitutionnel de maintenir la position qu’il avait antérieurement développée d’autant qu’elle s’inscrit dans la jurisprudence constante de la Cour de cassation pour laquelle si le droit de présentation a une valeur patrimoniale, ce n’est pas pour autant une propriété privée. Ainsi, dans un arrêt du 9 décembre 1946, cette juridiction a affirmé que « les offices institués dans un intérêt public, ne sont pas des propriétés privées et que le seul élément de patrimoine de leurs titulaires, susceptible de faire l’objet d’une convention intéressée consiste dans la valeur pécuniaire du droit de présentation » [35].

53 Après avoir écarté les arguments développés sur le fondement de l’article 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, il a soulevé d’office l’examen de la conformité de l’article 13 de la loi au regard de l’article 13 de la déclaration précitée.

54 Cet examen lui a permis de censurer l’initiative du législateur qui, outre la réparation du droit de présentation, dont la constitutionnalité a été admise, entendait permettre aux avoués de bénéficier du préjudice de carrière considéré comme sans lien avec la nature des fonctions d’officier ministériel, du préjudice économique dans la mesure où ceux-ci pourront exercer l’ensemble des attributions réservées aux avocats et enfin une formule plutôt équivoque visant les préjudices accessoires toutes causes confondues. S’il pouvait paraître légitime de censurer deux des préjudices invoqués, il n’en demeure pas moins que certains avoués subiront, de toute évidence, un préjudice économique certain. Nombre d’entre eux n’ayant pu constituer de clientèle, ayant choisi de se constituer à leur vocation première. Malgré, ici encore, son apparente pertinence, cet argument n’a toutefois pas convaincu la juridiction constitutionnelle qui n’a pas relevé de rupture caractérisée au regard du principe d’égalité.

55 Concernant le deuxième moyen invoqué, qui est celui du régime fiscal applicable à l’indemnisation des avoués, le Conseil constitutionnel, comme il l’a fait par le passé [36], s’est contenté de répondre aux arguments invoqués en considérant que malgré les termes de l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen « il n’en résulte pas pour autant que le principe d’égalité oblige à traiter différemment des personnes se trouvant dans des situations différentes ». De sorte que demeurent applicables à cette somme les règles de droit commun de taxation des plus-values. Quoi qu’il en soit, comme le précisait Mme Ève Boccara [37], ne s’agissait t-il pas du « recours de trop », chiffrant la perte estimée pour une profession ayant vu le jour en 1620 à près de 450 millions d’euros ?

56 Georges Schmitter.

II – QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITÉ

— Décision n° 2010-54 QPC du 14 octobre 2010, Union syndicale des magistrats administratifs, JO du 15 octobre 2010, p. 18542.

57 L’article L. 222-1 du code de justice administrative dispose, en son premier alinéa, que « les jugements des tribunaux administratifs et les arrêts des cours administratives d’appel sont rendus par des formations collégiales, sous réserve des exceptions tenant à l’objet du litige ou à la nature des questions à juger » [38]. Cette disposition a été déclarée conforme à la Constitution par une décision 2010-54 QPC rendue par le Conseil constitutionnel le 14 octobre 2010.

58 Comme l’explique en détail le commentaire aux Cahiers du Conseil constitutionnel, l’article L. 222-1 du code de justice administrative est issu de l’ordonnance n° 2000-387 du 4 mai 2000 adoptant la partie législative du code de justice administrative. L’article L. 222-1 s’est substitué à plusieurs dispositions du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appels : en particulier, l’article L. 4, qui disposait que « les jugements du tribunal administratif ou de la cour administrative d’appel sont rendus par des juges délibérant en nombre impair. Sous réserve des dispositions en matière de référé, ils sont rendus par trois juges au moins, président compris » ; mais aussi l’article L. 4- 1 de ce même code qui prévoyait, dans une dizaine de rubriques, que « par dérogation aux dispositions de l’article L. 4, le président du tribunal administratif ou le magistrat qu’il désigne à cette fin et ayant atteint au moins le grade de premier conseiller statue en audience publique et après audition du commissaire du Gouvernement » ; ou encore l’article L. 9 dudit code, qui listait les cas où l’affaire était jugée par ordonnance du président.

59 Dans le code de justice administrative, c’est d’abord l’article L. 3 du titre préliminaire qui pose le principe de la collégialité : « les jugements sont rendus en formation collégiale, sauf s’il en est autrement disposé par la loi ». L’article L. 222-1 du code de justice administrative, après avoir rappelé le principe de la collégialité posé à l’article L. 3, se contente d’indiquer que des exceptions sont possibles en fonction de l’objet du litige ou de la nature des questions à juger.

60 Les hypothèses où les tribunaux ou les cours rendent des décisions juridictionnelles (arrêts, jugements ou ordonnances) par un magistrat statuant seul ont été déterminées, pour la plupart d’entre elles, par décret. Il s’agit en particulier des articles R. 222-1 du code de justice administrative (ordonnances des présidents) et R. 222-13 (magistrat statuant seul après audition du rapporteur public), ou encore, des articles R. 776-2 (contentieux des arrêtés de reconduite à la frontière), R. 778-3 (contentieux du droit au logement), et également, par exemple, de l’article R. 771-7 (ordonnance de transmission au Conseil d’État d’une question prioritaire de constitutionnalité). Mais certaines dérogations au principe de collégialité résultent aussi de la loi (par ex. l’article L. 511-2, en matière de référés).

61 C’est à l’occasion d’un recours dirigé contre le décret du 22 février 2010 relatif aux compétences et au fonctionnement des juridictions administratives [39], lequel a introduit dans le code de justice administrative une nouvelle catégorie de décisions rendues par un magistrat statuant seul [40], que l’Union syndicale des magistrats administratifs (USMA) a posé au Conseil d’État une question prioritaire de constitutionnalité portant sur le premier alinéa de l’article L. 222-1 du code de justice administrative. La question a été renvoyée au Conseil constitutionnel par décision du 16 juillet 2010 [41].

62 L’USMA soutenait que l’article L. 222-1 alinéa 1 du code de justice administrative portait atteinte au principe d’égalité devant la justice et aux droits de la défense. Le Conseil constitutionnel [42] a écarté ces deux moyens.

63 Comme le révèlent les visas de la décision du Conseil constitutionnel et comme l’indique le commentaire aux Cahiers du Conseil constitutionnel, l’USMA n’a pas produit devant le Conseil, ni n’a présenté des observations orales, à la différence du Premier ministre. Un tel défaut de production est sans conséquence sur la régularité de la saisine du Conseil constitutionnel. L’article 1 alinéa 3 du règlement intérieur sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité n’ouvre aux parties à l’instance qu’une faculté de produire des observations écrites et des pièces. Il n’impose aucune obligation, notamment à l’auteur de la question prioritaire de constitutionnalité, comme, par exemple, confirmer le maintien de la question renvoyée au Conseil constitutionnel. Le Conseil, lorsqu’il a adopté son règlement intérieur, n’a pas mis en place d’obligation de produire devant lui, qui aurait pu être sanctionnée par un désistement d’office par exemple [43]. Le Conseil constitutionnel est valablement saisi par la décision du Conseil d’État ou de la Cour de cassation. Et dans l’hypothèse où l’auteur de la question ne produit pas devant lui, le Conseil se réfère au mémoire distinct et motivé présenté devant les premiers juges dont il est destinataire [44].

64 Sur le fond, l’argumentaire défendu par l’USMA [45] pour établir une rupture d’égalité devant la justice ou une méconnaissance des droits de la défense reposait en réalité, pour une large part, sur l’incompétence négative du législateur. Pour le syndicat requérant, le législateur n’a pas suffisamment encadré les hypothèses où, par dérogation au principe de la collégialité, les litiges peuvent être jugés par un juge unique.

65 Dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité, la méconnaissance par le législateur de sa propre compétence ne peut être invoquée que dans le cas où est affecté un droit ou une liberté que la Constitution garantit [46]. Le Conseil constitutionnel ne reprend toutefois pas ce principe en l’espèce. En effet, il aurait fallu, au préalable, reconnaître que le principe de collégialité devant la juridiction administrative a valeur législative. Ce que le Conseil constitutionnel n’affirme pas. Le Conseil rappelle seulement que, en matière de procédure devant les juridictions administratives, les dispositions relèvent de la compétence réglementaire, dès lors qu’elles ne mettent en cause aucune des matières réservées au législateur par l’article 34 de la Constitution ou d’autres règles ou principes de valeur constitutionnelle [47]. Et il apprécie ensuite – le principe de collégialité posé par le code de justice administrative étant inscrit, en tout état de cause, dans un texte législatif (article L. 3 ; article L. 222-1) – les conditions dans lesquelles il est permis au pouvoir réglementaire d’y déroger, c’est-à-dire en fonction de l’objet du litige ou de la nature des questions à juger.

66 Au regard du principe d’égalité devant la justice, l’article L. 222-1 du code de justice administrative vise des catégories de matières ou de litiges identifiées en raison de leur objet ou des questions à juger, ce qui, indique le Conseil constitutionnel, s’entend nécessairement de litiges déterminés selon des critères objectifs. De la sorte, le principe d’égalité ne saurait être méconnu.

67 Dans une décision n° 75-56 DC du 23 juillet 1975, le Conseil constitutionnel avait censuré une modification du code de procédure pénale qui permettait au président du tribunal de grande instance, en toutes matières relevant de la compétence du tribunal correctionnel à l’exception des délits de presse, de décider de manière discrétionnaire et sans recours si ce tribunal est composé de trois magistrats ou d’un seul de ces magistrats exerçant les pouvoirs conférés au président, ce qui conduisait à ce que « des affaires de même nature pourraient ainsi être jugées ou par un tribunal collégial ou par un juge unique, selon la décision du président de la juridiction ». Outre que ce précédent était intervenu en matière pénale, matière réservée au législateur par l’article 34 de la Constitution, il portait sur une disposition qui ouvrait la possibilité de traiter de manière différente des situations identiques, ce qui constituait une méconnaissance du principe d’égalité devant la justice, dans la mesure où « le respect de ce principe fait obstacle à ce que des citoyens se trouvant dans des conditions semblables et poursuivis pour les mêmes infractions soient jugés par des juridictions composées selon des règles différentes » [48]. Tel n’est pas le cas de l’article L. 222-1 du code de justice administrative qui autorise des dérogations au principe d’égalité que sur la base de critères objectifs et par catégories de litiges.

68 Certes, des litiges qui ressortissent des catégories de ceux qui relèvent du juge unique peuvent être renvoyés à une formation collégiale de jugement, en raison des questions à trancher et pour lesquelles la juridiction saisie estime qu’ils doivent être jugés en formation collégiale, y compris le cas échéant en formation élargie ou en formation plénière. Mais une telle circonstance, qui pourrait donc conduire à ce que certains litiges, à la différence d’autres, ne soient pas jugés en juge unique mais en formation collégiale, non seulement se justifie en elle-même au regard des questions que peuvent poser ces litiges et, en tout état de cause, se justifie par le principe de bonne administration de la justice. La collégialité n’est jamais une interdiction. Elle reste le principe de la justice administrative.

69 Quant aux droits de la défense, ils ne pouvaient être méconnus par la disposition critiquée. En effet, que le juge administratif statue en formation collégiale ou en juge unique, le respect des droits de la défense, et notamment du principe du contradictoire, est le même. La composition de la formation de jugement est sans effet. Certes, dans les cas prévus par l’article R. 222-1 du code de justice administrative par exemple, le juge unique peut statuer directement par voie d’ordonnance sans procédure contradictoire. Mais le contrôle de la constitutionnalité de cette disposition, de nature réglementaire, ne relève pas du Conseil constitutionnel.

70 De manière générale, le Conseil constitutionnel rappelle d’ailleurs que si la procédure contentieuse administrative relève normalement de la compétence du pouvoir réglementaire, cette répartition des compétences n’a pas pour effet de dispenser le pouvoir réglementaire du respect des exigences constitutionnelles. Le contrôle du respect des principes constitutionnels par la procédure administrative contentieuse, comme le contrôle de la pratique de cette procédure, relève ainsi, pour l’essentiel, du Conseil d’État.

71 Laurent Domingo

— Décision 2010-62 QPC du 17 décembre 2010, M. David M., JORF du 19 décembre 2010 p. 22372.

DÉTENTION PROVISOIRE : L’ARTICLE 148 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE, UNE CONFORMITÉ SOUS CONDITION

72 Le 17 décembre 2010, le Conseil constitutionnel a statué sur la conformité à la Constitution des dispositions de l’article 148 du code de procédure pénale relatives aux conditions dans lesquelles le juge des libertés et de la détention doit statuer sur une demande de mise en liberté dans le cadre d’une détention provisoire. Cet article dispose notamment que toute personne en détention provisoire a la possibilité de demander à tout moment sa mise en liberté. Le juge d’instruction, après avoir communiqué le dossier au procureur de la République aux fins de réquisitions, lorsqu’il ne donne pas une suite favorable à cette demande, doit transmettre celle-ci au juge des libertés et de la détention qui doit alors se prononcer.

73 La contestation du requérant portait ici sur l’absence de débat contradictoire devant le juge des libertés et de la détention lorsque celui-ci se prononce sur une demande de mise en liberté préalablement refusée par le juge d’instruction. Ce dernier invoquait la violation de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 lequel dispose : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution ». La procédure instituée par l’article 148 du code de procédure pénale violait donc, selon le requérant, les droits découlant de cette disposition fondamentale que sont « le droit des personnes intéressées à exercer un recours juridictionnel effectif ainsi que le respect des droits de la défense qui implique en particulier l’existence d’une procédure juste et équitable garantissant l’équilibre des droits des parties » [49]. Ainsi, la procédure devant le juge des libertés et de la détention (ci-après JLD) pour l’examen des demandes de mise en liberté était vue comme contraire au principe du contradictoire, au droit à une procédure juste et équitable et au respect des droits de la défense. Le requérant soulevait au moyen de son argumentaire le fait que la détention provisoire d’une personne mise en examen ne peut être ordonnée qu’à l’issue d’un débat contradictoire, débat contradictoire également imposé en cas de prolongation de la détention provisoire ou en cas d’appel d’une décision rejetant une demande de mise en liberté [50]. Dans un souci de cohérence, il était à ce stade légitime de s’interroger sur l’absence effective d’un tel débat contradictoire lors d’une demande de mise en liberté devant le JLD.

74 Toutefois, pour répondre à cette question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil va ici se pencher sur l’ensemble de la procédure suivie dans le cadre de la détention provisoire, manifestant une fois de plus l’attention portée par le Conseil dans le cadre du contrôle a posteriori sur l’ensemble de la procédure et non pas seulement sur une disposition prise individuellement. Il constate d’une part qu’en amont de la procédure contestée, tout placement en détention provisoire est systématiquement précédé d’un débat contradictoire. D’autre part, en aval de cette même procédure, les débats devant la chambre de l’instruction en cas d’appel d’une décision rejetant la demande de mise en liberté sont également contradictoires. La présence de ces « gardes fous » encadrant de part et d’autre la décision du JLD permettrait donc de garantir le respect des droits de la défense. Par ailleurs, nous sommes ici dans le cadre d’un contrôle a posteriori lequel en appelle nécessairement à plus de pragmatisme. C’est dans ce souci que le Conseil relève de manière factuelle que les demandes de mise en liberté peuvent être fréquemment formées et que l’exigence d’un débat contradictoire devant le JLD ne ferait qu’alourdir un peu plus une procédure déjà complexe. Le Conseil s’efforçant ici de concilier les objectifs fondamentaux de droit à un procès équitable et de bonne administration de la justice déclare donc l’article 148 du code de procédure pénale conforme à la Constitution.

75 Cependant, le Conseil conditionne la constitutionnalité dudit article au fait qu’en cas de rejet de la part du JLD de la demande de mise en liberté, le demandeur ou son avocat doit avoir pu avoir communication de l’avis du juge d’instruction et des réquisitions du Ministère public. Sous cette réserve d’interprétation venant assurer un certain équilibre entre les droits des parties, le Conseil considère que l’article 148 du code de procédure pénale ne méconnaît pas les exigences de l’article 16 de la DDHC et est donc réputé constitutionnel.

76 Le Conseil s’inscrit ici dans la mouvance jurisprudentielle puisque le 26 février 2003 [51], la chambre criminelle de la Cour de cassation, se basant sur les mêmes arguments, avait déclaré la procédure en question conforme aux exigences de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme.

77 Le renforcement de l’équilibre de la procédure pénale semble être devenu un objectif prépondérant de notre politique criminelle, depuis notamment la tristement célèbre affaire Outreau, révélatrice des problèmes récurrents posés par la détention provisoire [52]. La réponse du législateur qui est intervenue au travers de la loi au nom évocateur du 5 mars 2007 « tendant à renforcer l’équilibre de la procédure pénale » est donc venue instiller davantage de contradictoire au stade de l’instruction. Aussi, suivant cette même dynamique, au travers de sa décision et plus particulièrement de sa réserve d’interprétation, le Conseil s’efforce ici d’assurer le respect d’un contradictoire a minima[53], garanti par la transmission de pièces écrites au demandeur et permettant la pérennité d’une justice se voulant résolument pratique et efficace.

78 Delphine Le Drevo

— Décision 2010-66 QPC du 26 novembre 2010, M. Thibaut G., JO du 27 novembre 2010, p. 21117

LE JUGE ORDINAIRE, JUGE DE LA CONSTITUTIONNALITÉ DES PEINES EN MATIÈRE CONTRAVENTIONNELLE

79 La Cour de cassation, suite à sa décision du 14 septembre 2010 [54], a saisi le 21 septembre 2010 le Conseil constitutionnel d’une question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité de la peine de confiscation prévue à l’article 131-21 du code pénal aux droits et libertés garantis par la Constitution. En cause plus précisément, la constitutionnalité de cette peine prise en application d’un texte de nature réglementaire, auquel renvoie cette disposition législative, en matière contraventionnelle.

80 L’article 131-21 du code pénal, soumis au Conseil constitutionnel, envisage la confiscation comme une peine complémentaire possible en matière criminelle et délictuelle, tout en laissant, en vertu de l’article 37 de la Constitution, au pouvoir réglementaire, la détermination de celle-ci en matière contraventionnelle. C’est donc précisément la constitutionnalité de l’article R 413-14-1 du code de la route qui est mise en cause. Cet article fixe les peines encourues lors d’une contravention de 5e classe de grand excès de vitesse. À titre principal, cette infraction est punie d’une amende maximale de 1 500 euros et de peines complémentaires parmi lesquelles figure la confiscation [55].

81 La question soulevée est fondée sur la conformité de cette peine complémentaire aux principes de nécessité et proportionnalité des peines. La question présente un caractère sérieux notamment du fait de la valeur possible du bien confisqué lors d’une telle infraction. Cette proportionnalité est-elle respectée lorsque l’on sait que le véhicule confisqué peut avoir, bien souvent, une valeur très supérieure au maximum de l’amende encourue ?

82 Au-delà de l’appréciation du caractère nécessaire et proportionné de la peine de confiscation, cette question va conduire les juges constitutionnels à se prononcer sur leur compétence. La réponse apportée est formulée en deux temps. Après avoir brièvement rappelé le principe de la répartition des compétences prévue aux articles 34 et 37 de la Constitution, le Conseil se déclare incompétent pour apprécier la constitutionnalité d’un texte réglementaire (I), déclaration d’incompétence qui ne l’empêche pas d’exercer sa compétence à l’égard de la disposition légale qui lui est soumise à cette occasion (II).

I – L’INCOMPÉTENCE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL POUR APPRÉCIER LA CONSTITUTIONNALITÉ D’UN TEXTE RÉGLEMENTAIRE

83 En vertu de la répartition prévue aux articles 34 et 37 de la Constitution, un renvoi au pouvoir réglementaire est conforme à la Constitution. En ce sens, le Conseil d’État dans sa décision Société Eky du 12 février 1960 avait précisé que « la matière des contraventions relève du pouvoir réglementaire par application des dispositions de l’article 37 de la Constitution » [56]. Dès lors compétent pour déterminer et fixer les sanctions applicables aux contraventions [57], le pouvoir réglementaire envisage celles-ci dans le respect des exigences de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Le Conseil constitutionnel, au considérant 5 de cette décision du 26 novembre 2010 [58]M. Thibault G., écarte toute ambiguïté ; le pouvoir réglementaire ne peut s’affranchir du respect des exigences constitutionnelles lorsqu’il détermine les infractions et sanctions applicables. À l’instar du pouvoir législatif, le respect de la Constitution doit être assuré. Ce n’est donc pas parce que la matière relève du pouvoir réglementaire qu’elle n’est pas prescrite dans le respect des droits et libertés garantis par la Constitution.

84 L’inconstitutionnalité de ce renvoi au pouvoir réglementaire étant écartée, le Conseil constitutionnel s’abstient, cependant, de s’engager sur le terrain de l’appréciation de la constitutionnalité de ce décret, cet examen ne relevant pas de sa compétence. Cette question est donc l’occasion pour le juge constitutionnel de réaffirmer qu’il n’est pas le « juge naturel » [59] du décret.

85 L’appréciation de la constitutionnalité de ces derniers relève du juge ordinaire, à savoir le juge administratif, « juge naturel » du décret, ou, conformément à l’article 115 du code pénal, le juge judiciaire. En effet, l’article 115 du code pénal reconnaît aux juridictions judiciaires la compétence pour apprécier la légalité des actes administratifs « lorsque de cet examen, dépend la solution du procès pénal qui leur est soumis ». Cet acte sera seulement écarté du procès en cours, alors que lorsque l’illégalité sera reconnue par les juridictions administratives, l’acte sera annulé.

86 Quelques éclaircissements sur la compétence des juges ordinaires. Ces derniers sont les juges de la légalité. Or il est communément admis que cette légalité doit s’entendre au sens large [60], ce qui induit qu’en l’absence de loi permettant d’apprécier la légalité d’un décret, il revient aux juges ordinaires de se référer à la norme supérieure ; la Constitution. En l’absence de loi s’interposant entre la Constitution et le décret, les juges ordinaires sont compétents pour apprécier la conformité du décret contesté aux droits et libertés que la Constitution garantit. Il s’agit là de la « théorie de la loi écran », élaborée par le Conseil d’État dans sa décision Arrighi du 6 novembre 1936 [61].

87 En l’espèce, la question est alors de savoir si l’article 131-21 du code pénal ne joue pas ce rôle de « loi-écran » indispensable au Conseil constitutionnel pour qu’il recouvre sa compétence. N’y a-t-il pas là une loi qui s’interpose entre le décret et la Constitution et qui justifie, à ce titre, la demande d’un contrôle de constitutionnalité devant les Sages ?

88 Les juges constitutionnels considèrent que l’article 131-21 du code pénal ne peut être qualifié de la sorte. Cette disposition législative ne donne qu’une habilitation générale au pouvoir réglementaire, elle ne peut donc être assimilée à une loi faisant écran à la Constitution. La peine complémentaire de confiscation en matière contraventionnelle est déterminée par l’article R-413-14-1 du code de la route, et aucune loi ne fait écran à la Constitution. Dès lors il revient aux juges ordinaires d’en apprécier la constitutionnalité.

II – L’APPRÉCIATION DE LA CONSTITUTIONNALITÉ DE LA DISPOSITION LÉGISLATIVE

89 L’incompétence précitée n’exonère pas le Conseil constitutionnel d’exercer sa compétence à l’égard de la disposition législative qui lui est soumise. Juge de la constitutionnalité des lois, le Conseil retrouve, alors, toute sa compétence pour contrôler la constitutionnalité de la peine de confiscation prévue par l’article 131-21 du code pénal en matière criminelle et délictuelle.

90 La peine de confiscation prévue en matière de crimes et de délits par l’article 131-21 du code pénal est-elle conforme aux principes de nécessité et de proportionnalité des peines et au droit de propriété ?

91 Le Conseil opérant, en la matière, un contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation, conclut à la conformité de cette disposition à la Constitution. Ces peines de confiscation se justifient « eu égard aux conditions de gravité des infractions pour lesquelles elles sont applicables et aux biens qui peuvent en faire l’objet » [62].

92 S’agissant d’une éventuelle atteinte au droit de propriété, le Conseil précise que, pour les tiers de bonne foi, ce droit est préservé, induisant que l’auteur du délit ne peut, pour sa part, se prévaloir « d’une juste et préalable indemnité » en cas de privation de propriété, telle que prévue à l’article 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 [63].

93 La peine de confiscation en matière criminelle et délictuelle est alors conforme à la Constitution.

94 Pour connaître de la constitutionnalité de cette peine complémentaire en matière contraventionnelle, il reviendra à M. Thibault G. de saisir le tribunal de police d’Épinal d’une exception d’inconstitutionnalité.

95 Catherine Tzutzuiano

— Décision 2010-69 QPC du 26 novembre 2010, M. Claude F., JO du 27 novembre 2010 p. 21118.

COMMUNICATION D’INFORMATIONS ET PRÉSOMPTION D’INNOCENCE

96 Inscrite au fronton de notre procédure pénale [64], reconnue par les textes constitutionnels [65] et conventionnels [66], la présomption d’innocence est à la fois une règle de preuve et un véritable droit dont bénéficient les justiciables [67]. Mais si sa reconnaissance ne fait pas de doute, la portée du principe de présomption d’innocence n’est pas sans soulever certaines interrogations, notamment concernant sa délimitation.

97 Afin de lutter contre le travail dissimulé, les dispositions de l’article L. 114- 16 du code de la sécurité sociale mettent en place un dispositif favorisant la transmission d’informations entre l’autorité judiciaire d’une part et les organismes de protection sociale d’autre part. L’article L. 8271-8-1 vient, lui, faciliter le redressement suite au constat du délit de travail dissimulé par les organismes de recouvrement des cotisations sociales (URSSAF, CGSS, CAF, MSA) suite aux procès-verbaux dressés par les agents de contrôle (officiers et agents de police judiciaire, inspecteurs du travail, agents des impôts…). Le rôle de ces différents textes est clair : éviter le cloisonnement des différents services pour le premier et donner une base juridique au recouvrement des redressements effectués pour le second. La finalité de ces textes est toute aussi claire, il s’agit ici de renforcer la lutte contre la fraude.

98 Saisi par la deuxième chambre civile [68], le Conseil était donc invité à se prononcer sur la conformité des dispositions en cause au regard des principes sus-évoqués. La contestation portait ici sur la possibilité de transmettre des informations obtenues notamment dans le cadre d’une procédure judiciaire à des organismes, afin que ces derniers prennent le cas échéant des sanctions, alors même que la culpabilité de l’intéressé n’avait pas été établie. De plus, la transmission de ces informations méconnaissait selon le requérant les droits de la défense, par le non-respect des règles du procès équitable, notamment celles relatives au respect du contradictoire.

99 La présomption d’innocence et les droits de la défense ont ici vocation à s’appliquer, en ce que les mesures prises par les organismes de recouvrement ou les organismes de protection sociale constituent des sanctions. Mais ce n’est pas la transmission d’information qui est à elle seule à l’origine des sanctions. La procédure déclenchée, le cas échéant, par les organismes destinataires des informations est la base des sanctions édictées, et c’est dans cette procédure que les droits de la défense et notamment le respect du contradictoire doivent être assurés [69]. Si le contradictoire peut être assuré a posteriori, rattraper l’atteinte à la présomption d’innocence semble en revanche plus difficile. Le Conseil est d’ailleurs plus laconique ici, il indique simplement que les dispositions « n’ont pas non plus pour effet d’instituer une présomption de culpabilité » [70]. Dès lors, faut-il comprendre qu’il n’y aurait d’atteinte à la présomption d’innocence qu’en cas de présomption de culpabilité ? Ces présomptions de culpabilité ne sont pas interdites en toute matière, notamment dans la matière contraventionnelle, à condition qu’elles ne revêtent pas de caractère irréfragable [71]. Mais ici, la question ne se posait en réalité pas de l’institution d’une présomption de culpabilité, mais de la communication d’informations obtenues au cours d’une procédure, concernant une personne devant être vue comme présumée innocente. Si l’on résume le mécanisme de façon schématique, la personne faisant l’objet d’une enquête est présumée innocente, ce qui implique que les éléments de preuve recueillis ne peuvent encore donner lieu à des sanctions pénales. Mais elles peuvent d’ores et déjà donner lieu à des sanctions pécuniaires, en ce que ces informations pourront être transmises aux organismes chargés du recouvrement des cotisations sociales.

100 Présentée ainsi, la solution peut en effet surprendre. Néanmoins, il est difficile de considérer qu’il y avait ici une véritable atteinte à la présomption d’innocence. Déjà, même si les mesures prises par les destinataires de l’information ont le caractère d’une sanction, l’on observe que la procédure de redressement n’a pas exactement la même finalité que les poursuites pénales. Surtout, la présomption d’innocence s’entend de l’absence de préjugement sur la culpabilité de la personne poursuivie. Les informations recueillies ne sont que transmises, à charge pour les organismes de recouvrement d’examiner s’il y a lieu ou non à une procédure de redressement. Dès lors, la seule transmission n’implique pas nécessairement sanction, la présomption d’innocence est de ce point de vue préservée autant que possible. Enfin, vue dans son pendant « droit substantiel », l’atteinte à la présomption d’innocence consiste à présenter une personne comme coupable avant que la décision judiciaire ne soit intervenue. Et ici encore, il est impossible de caractériser une telle atteinte. On comprend donc la décision du Conseil, mais l’on peut regretter qu’il n’ait pas œuvré vers une plus grande pédagogie par le biais de sa jurisprudence, à l’image de la Cour européenne des droits de l’homme, et qu’il choisisse une fois de plus, une motivation laconique. Car toute décision même justifiée n’en doit pas moins être motivée.

101 Jean-Baptiste Perrier

— Décision 2010-72/75/82 QPC du 10 décembre 2010, M. Alain D. et autres, JO du 11 décembre 2010 p. 21710.

LES PEINES OBLIGATOIRES, UNE NOUVELLE FOIS DEVANT LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL

102 La décision 2010-72/75/82 QPC se situe dans le prolongement des décisions précédemment commentées dans cette revue, relatives aux peines complémentaires obligatoires. Les pronostics d’inconstitutionnalité des peines complémentaires obligatoires [72] à l’article 8 de la DDHC ont été déçus par les premières décisions rendues en la matière, portant respectivement sur les peines d’annulation du permis de conduire [73] et de publicité de la condamnation en droit de la consommation [74] que le Conseil constitutionnel a déclaré conformes. Les requérants qui s’étaient placés dans le sillage de l’article L. 7 du Code électoral que le Conseil constitutionnel a déclaré contraire au principe d’individualisation (DDHC, art. 8), rappelant notamment la prohibition des peines accessoires, espéraient tourner à leur avantage la minceur de la frontière séparant les peines accessoires des peines complémentaires obligatoires [75]. En vain ! Mais en décidant que le quatrième alinéa de l’article 1741 du CGI qui impose au juge de prononcer la publication et l’affichage de la décision de condamnation pour fraude fiscale ne satisfait pas aux exigences constitutionnelles de l’article 8 DDHC, le juge constitutionnel vient à nouveau de semer le trouble.

103 Par deux décisions du 22 septembre 2010 et une troisième du 5 octobre 2010, la Cour de cassation a renvoyé trois QPC portant précisément sur le quatrième alinéa de l’article 1741 du CGI. Ce dernier impose au juge de publier le jugement de fraude fiscale. Le caractère obligatoire de cette peine complémentaire a été affirmé par la loi de finances du 14 avril 1952 [76], œuvrant à la construction d’un droit fiscal répressif. Si le principe de la peine complémentaire de publication du jugement est prévu par l’article 131-35 du Code pénal, le prononcé de cette peine complémentaire, qui doit être spécialement prévue par les textes, reste généralement une faculté laissée au juge. Nombreuses sont les peines de publication ou d’affichage, peines complémentaires facultatives, existant dans divers codes. C’est donc par exception, que la peine de publication est une obligation pour le juge comme celle prévue par l’article L. 121-4 du Code de la consommation ou celle de l’article 1741 du CGI. Or, à propos de ces deux peines complémentaires obligatoires, le Conseil constitutionnel a rendu des décisions à la solution, en apparence, diamétralement opposée. Toutefois, à y regarder de plus près, le juge constitutionnel dans les décisions commentées semble avoir précisé son raisonnement. Le juge constitutionnel invite à suivre une véritable méthodologie permettant de distinguer les peines obligatoires où le juge conserve un pouvoir d’individualisation, même minime, de celles où le juge n’en dispose pas.

104 Les deux décisions rendues à quelques mois d’intervalle, l’une portant sur la conformité de l’article L. 121-4 du Code de la consommation et l’autre portant sur l’article 1741 du CGI, doivent être mises en contemplation l’une par rapport à l’autre. Le juge constitutionnel s’assure tout d’abord de l’existence d’une peine et vérifie que celle-ci est prononcée ou non par un juge [77]. Le critère de l’intervention judiciaire ou non conduit à une censure systématique des peines accessoires qui sont par hypothèse automatiques, mais non de toute peine obligatoire même si l’opportunité de leur prononcé n’est pas laissée à l’appréciation du juge. Reste à déterminer le pouvoir d’individualisation que détient le juge dans l’orientation de la peine notamment à travers sa faculté d’en faire varier le quantum. Alors que le juge qui prononce une condamnation pour délit de publicité mensongère, s’il est tenu d’ordonner la publication du jugement, conserve la possibilité d’en fixer les modalités en en faisant varier l’importance et la durée, le juge tenu d’ordonner la publication du jugement pour fraude fiscale ainsi que l’affichage du jugement ne dispose de quasiment aucune latitude. Bien au contraire, le pouvoir d’individualisation du juge est triplement limité dans sa liberté de choisir le support de la publication (journal officiel), dans l’obligation de prononcer aux côtés de la peine de publication celle d’affichage, dont la durée (trois mois) et les conditions de mise en œuvre sont elles-mêmes imposées au juge. La Cour de cassation en effet veille au strict respect des dispositions de l’article 1741 du CGI, n’hésitant pas à censurer une décision [78] ayant admis l’affichage sur la porte du domicile du condamné au lieu des panneaux d’affichage officiels et porte extérieure de l’immeuble du ou des établissements professionnels des contribuables condamnés. Le seul choix offert au juge se résume à l’alternative suivante : publier la décision dans son intégralité ou par extraits. Ce qui s’apparente en réalité à un « non-choix » ne relève pas selon le juge constitutionnel du pouvoir d’individualisation de la peine. « Considérant que le juge qui prononce une condamnation pour le délit de fraude fiscale est tenu d’ordonner la publication du jugement de condamnation au Journal officiel ; qu’il doit également ordonner l’affichage du jugement ; qu’il ne peut faire varier la durée de cet affichage fixée à trois mois par la disposition contestée ; qu’il ne peut davantage modifier les modalités de cet affichage prévu, d’une part, sur les panneaux réservés à l’affichage des publications officielles de la commune où les contribuables ont leur domicile et, d’autre part, sur la porte extérieure de l’immeuble du ou des établissements professionnels de ces contribuables ; que, s’il peut décider que la publication et l’affichage seront faits de façon intégrale ou par extraits, cette faculté ne saurait, à elle seule, permettre que soit assuré le respect des exigences qui découlent du principe d’individualisation des peines ; que, dès lors, le quatrième alinéa de l’article 1741 du Code général des impôts doit être déclaré contraire à la Constitution » [79].

105 L’on passe donc d’une individualisation, même faible (L. 121-4 C. cons.), à une individualisation inexistante (1741 CGI) qui a pour effet d’éteindre le principe même de la peine. En ce sens, le quatrième alinéa de l’article 1741 CGI doit être déclaré contraire à la constitution. C’est heureux, en ce que les peines obligatoires sont souvent plus sévères que les peines accessoires qui, contrairement à ces dernières, ne peuvent faire l’objet d’un relèvement immédiat.

106 Muriel Giacopelli

— Décision 2010-74 QPC du 3 décembre 2010, M. Jean-Marc P. et autres, JO du 4 décembre 2010, p. 21117

RÉTROACTIVITÉ IN MITIUS ET LÉGISLATION ÉCONOMIQUE

107 Le régime de l’application des lois pénales de fond dans le temps obéit à deux principes édictés par l’article 112-1 du Code pénal ; la non-rétroactivité des lois plus sévères d’une part, et la rétroactivité in mitius d’autre part.

108 La rétroactivité in mitius, qui se trouve au cœur de la question prioritaire de constitutionnalité soumise au Conseil constitutionnel objet de la présente étude, consiste dans l’application immédiate des dispositions nouvelles plus douces aux faits commis avant leur entrée en vigueur et n’ayant pas donné lieu à une condamnation passée en force de chose jugée.

109 Ce principe a acquis la même force que la non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère, depuis que dans sa décision des 19-20 janvier 1981, le Conseil constitutionnel lui a reconnu une valeur constitutionnelle. En l’espèce, l’article 100 alinéa 2 de la loi « Sécurité et liberté » du 2 février 1981 [80], prévoyait d’exclure du champ d’application du principe de rétroactivité in mitius, certaines dispositions de cette loi édictant des peines plus douces que le texte ancien. Le Conseil constitutionnel a jugé cet article contraire à l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen selon lequel « la loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires », tout en précisant que « le fait de ne pas appliquer aux infractions commises sous l’empire de la loi ancienne la loi pénale nouvelle plus douce revient à permettre au juge de prononcer les peines prévues par la loi ancienne et qui, selon l’appréciation même du législateur, ne sont plus nécessaires ».

110 Cette décision du Conseil constitutionnel confirme très clairement que la rétroactivité in mitius n’est pas une exception au principe de la non-rétroactivité, ni son prolongement, mais un des aspects de la légalité criminelle clé de voûte du droit pénal français. Dans une décision du 21 février 1992, le Conseil constitutionnel a de nouveau consacré la valeur constitutionnelle du principe d’application immédiate de la loi plus douce en se fondant sur le même critère de nécessité [81].

111 Dans un arrêt du 17 septembre 2009, la Cour européenne des droits de l’homme a, à son tour, rappelé que la rétroactivité in mitius constitue le pendant de la non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère [82].

112 Pour autant, en matière d’infractions économiques et fiscales, la chambre criminelle a rendu de nombreux arrêts posant des limites au principe de la rétroactivité in mitius[83].

113 Ces décisions déclarent en effet qu’« en l’absence de dispositions contraires expresses », une loi nouvelle qui abroge une incrimination ou qui édicte des peines plus douces, s’applique aux faits commis avant son entrée en vigueur et non définitivement jugés. De fait, en présence d’une de ces « dispositions contraires expresses », la rétroactivité in mitius est tenue en échec et la loi ancienne plus sévère survit.

114 La décision du Conseil constitutionnel n° 2010-74 QPC du 3 décembre 2010 concerne précisément le problème de l’exclusion de la rétroactivité in mitius dans le domaine économique.

115 En l’espèce, le Conseil constitutionnel a été saisi par la Cour de cassation [84] d’une question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité des dispositions du paragraphe IV de l’article 47 de la loi du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises

116 En vertu de cet article, la loi du 2 août qui institue un régime répressif plus doux en matière de faits de revente à perte (infraction prévue à l’article L 442- 2 du Code de commerce) en abaissant le seuil de revente à perte, ne bénéficie pas du principe d’application immédiate, puisque selon la formulation employée par le législateur, « Par dérogation aux articles 112-1 et 112-4 du Code pénal », de tels faits commis avant l’entrée en vigueur de la loi restent soumis aux dispositions en vigueur lors de leur commission.

117 Les requérants invoquaient l’article 8 de la Déclaration de 1789 en vertu duquel la loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires. Sur ce fondement, ils soutenaient que le fait de ne pas appliquer aux infractions commises sous l’empire de la loi ancienne la loi nouvelle plus douce, revient à permettre au juge de prononcer les peines prévues par la loi ancienne et, qui selon l’appréciation même du législateur, ne sont plus nécessaires.

118 Partant, les requérants soulevaient que le principe de nécessité des peines implique que la loi pénale plus douce soit rendue immédiatement applicable aux infractions commises avant son entrée en vigueur, et n’ayant pas donné lieu à des condamnations passées en force de chose jugée.

119 Le principe de rétroactivité in mitius aurait ainsi vocation à s’appliquer indistinctement aux lois pénales, qu’elles relèvent ou non du domaine économique, et ne connaîtrait donc pas de limites.

120 Le Conseil n’a pas suivi cette argumentation et a décidé que l’article 47 paragraphe IV, objet de la saisine, était conforme à la Constitution.

121 Il considère en effet que l’incrimination concernée par l’exclusion du jeu de la rétroactivité in mitius, en vertu de l’article 47 précité, relève du domaine de la législation économique (en l’espèce, l’article L 442-2 du Code de commerce et la loi du 1er juillet 1996 sur la loyauté et l’équilibre des relations commerciales) et que, par là, ce texte n’a pas porté atteinte au principe de nécessité des peines énoncé à l’article 8 de la Déclaration de 1789.

122 Le principe de l’application immédiate de la loi plus douce n’est donc pas sans limite. L’analyse des décisions du Conseil constitutionnel, et notamment celle commentée, démontre que la rétroactivité in mitius découle du principe de « nécessité » des peines édictées par l’article 8 de la Déclaration de 1789, mais en même temps, y trouve ses propres limites.

123 La loi nouvelle plus douce ne s’applique immédiatement que dans la mesure où elle est nécessaire, c’est-à-dire uniquement dans l’hypothèse où les infractions et sanctions abrogées ou modifiées, le sont en raison de leur absence de nécessité. À l’inverse, si le législateur estime que la loi ancienne demeure nécessaire, comme ce fut le cas en l’espèce au sujet de la loi du 1er juillet 1996 concernant le seuil de la vente à perte, celle-ci peut continuer de saisir les faits qui se sont produits sous son empire.

124 Cette règle, qui a soulevé à juste titre d’intéressants débats sur son bien fondé, est inhérente au seul domaine économique et fiscal. Dans la décision commentée, le Conseil constitutionnel prend en effet soin de vérifier que les textes concernés relèvent bien de la législation économique antérieure.

125 Gilles Mathieu

— Décision n° 2010-77 QPC du 10 décembre 2010, Mme Barta Z., JO du 11 décembre 2010 p. 21711.

LA DOUBLE CONVOCATION EN MATIÈRE DE CRPC : UNE CONSTITUTIONNALITÉ SANS RAISON NI RATIONALISATION

1 – ÉVIDENCE

126 Il est des décisions de justice qui révèlent l’aube d’une nouvelle tendance prétorienne, qui renversent perspectives et habitudes en n’hésitant pas à modeler des solutions originales par le truchement d’une véritable interprétation créatrice de la norme…

127 D’autres encore, certes moins novatrices, confirment néanmoins avec panache une ère naissante en apportant leur pierre à un édifice jurisprudentiel à la lumière duquel jugements et arrêts à venir s’éclaireront…

128 Incontestablement, la décision 2010-77 QPC rendue par le Conseil le 10 décembre 2010 ne participe d’aucune de ces tendances, la solution étant aussi prévisible que décevante : la validation législative de la double convocation dans le cadre de la reconnaissance préalable de culpabilité n’est contraire ni à la bonne administration de la justice, ni aux droits de la défense, ni au droit au respect de la présomption d’innocence.

129 Afin que la modeste signification de cette décision soit clarifiée, il n’est pas inutile de rappeler que certains Parquets n’avaient pas hésité à doubler la notification d’une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, d’une convocation devant le tribunal correctionnel remise par un officier de police judiciaire (COPJ). L’objectif poursuivi était assez simple : gagner du temps en faisant courir le plus tôt possible le délai minimal de dix jours entre la délivrance de la convocation et l’audience tel qu’imposé par l’article 552 du code de procédure pénale sur renvoi de l’article 390-1.

130 Or, par deux décisions en date du 4 octobre 2006 et du 14 octobre 2008 [85], la chambre criminelle a considéré que la loi ne prévoyant pas une convocation simultanée à une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité [86], le Parquet ne pouvait utiliser concomitamment les deux voies de poursuites.

131 Désirant néanmoins que cette accélération de l’action publique puisse être mise en place au sein des parquets, le législateur a, par la loi de simplification du droit [87] n° 2009-526 en date du 12 mai 2009 [88], validé [89] la pratique de la double convocation en insérant dans le code de procédure pénale un article 495- 15-1 aux termes duquel :

132 « La mise en œuvre de la procédure prévue par la présente section [la CRPC] n’interdit pas au procureur de la République de procéder simultanément à une convocation en justice en application de l’article 390-1[90] » [91].

133 Dans la mesure où cette très importante législation pénale [92] a fait l’économie d’un contrôle de constitutionnalité a priori, le contrôle a posteriori devait permettre de lever le voile sur la validité de la double convocation.

2 – CONFORMITÉ

134 Dans un premier temps, le Conseil rappelle que l’objectif à valeur constitutionnelle tenant à la bonne administration de la justice ne permet pas de censurer une disposition législative [93]. À l’aune de cette décision et des nombreuses autres ayant décelé de tels objectifs [94], il semble possible de soutenir que ces objectifs constituent de véritables droits constitutionnels en négatif. Si le législateur peut valablement s’appuyer sur un tel objectif pour limiter un droit ou une liberté fondamentale, un justiciable ne saurait l’invoquer pour contester la constitutionnalité d’une loi. C’est dire que l’apparition d’un tel objectif dans une décision du Conseil est de mauvais augure pour le justiciable.

135 Dans un second temps, le Conseil soutient que « par elle-même, cette disposition [l’article 495-15-1 CPP] est insusceptible de porter atteinte aux droits de la défense » [95].

136 Le juge constitutionnel explique à cet effet que l’exercice de ces droits est en particulier garanti, dans la procédure de CRPC, par les articles 495-8 et 495- 9 du code de procédure pénale prévoyant l’assistance obligatoire de l’avocat devant le procureur lors de la proposition et de l’acceptation, et l’homologation de la sanction par un juge du siège. Le Conseil ajoute que la procédure suivie devant le tribunal correctionnel lors des débats assure pareillement le respect des droits de la défense.

137 Enfin, et sans que cela lui soit demandé, le Conseil analyse la conformité de cette pratique, ainsi légalisée, à la présomption d’innocence.

138 Les sages observent tout d’abord que lorsque la CRPC échoue, l’article 495- 14 fait obstacle à ce que le PV de cette procédure, déclarations et documents obtenus soient portés à la connaissance du tribunal statuant sur la convocation ultérieure.

139 Puis, le Conseil ajoute « qu’il appartient, en conséquence, au procureur de la République, dans la mise en œuvre de l’article 495-15-1, de veiller à ce que la convocation en justice adressée en application de l’article 390-1 soit faite à une date suffisamment lointaine pour garantir qu’au jour fixé pour la comparution du prévenu devant le tribunal correctionnel, la procédure sur reconnaissance préalable a échoué ou que les peines proposées ont été homologuées » [96]. L’amplification de la petita permet donc au Conseil de rappeler une évidence [97] : le Parquet doit veiller que les deux actions ne se chevauchent ; il ne faut confondre vitesse et précipitation.

140 Ainsi présentée, la décision ne bouscule pas plus qu’elle n’enrichit le droit pénal constitutionnel. Le Conseil s’inscrit dans le droit fil de sa décision en date du 2 mars 2004 [98] aux termes de laquelle fut validé le principe même de la CRPC en admettant que cette procédure pouvait constituer une forme de pression : le risque d’une poursuite devant le tribunal en cas d’échec de la CRPC pouvait légitimement intégrer la logique de cette comparution sans que le juge constitutionnel n’y trouve à redire.

141 Il est toutefois possible de dépasser la décision du Conseil au regard de la pratique et du droit processuel. Car ce qui choque dans cette technique parquetière validée par la loi n’est pas réellement là où pointe le curseur du Conseil.

III – PERCEPTIONS

142 La pratique doit ici éclairer la théorie, pragmatisme procédural oblige. Si à l’audience, il est interdit au Parquet, sous le contrôle de l’avocat de la défense, de mentionner les déclarations faites au cours de la procédure de CRPC, et donc l’aveu l’ayant justifiée [99], rien ne garantit que ladite procédure n’a pas été abordée ailleurs que dans le prétoire [100]. Sauf pour le magistrat du siège à se déporter d’office faute d’impartialité, rien ne permettra de mettre « la puce à l’oreille » de l’avocat. La CRPC contient en germe ce risque assumé par le législateur et validé par le Conseil. Quoi que l’on en dise, le ver était dès l’origine dans le fruit.

143 Au-delà, la validation législative et constitutionnelle laisse surtout perplexe au regard d’une approche processuelle de l’action en justice. Désormais, le droit pénal est à notre connaissance le seul contentieux à permettre une double action entre les mêmes parties, sur les mêmes objets et cause, devant le même juge. Et cette originalité n’est pas sans avoir d’incidences sur l’action en cause.

144 L’action publique relève désormais d’une duplicité entretenant une véritable confusion sur sa logique. N’en déplaise à l’article 1er du code de procédure pénale, cette action a pour simple objectif l’application de la loi pénale, que cela mène à une condamnation, à une relaxe ou acquittement, ou à un non-lieu. En permettant que ses titulaires par nature, les parquetiers, l’exercent par le double jeu de la CRPC et de la convocation, la loi laisse la désagréable sensation qu’une fois intentée, l’action peut non seulement échouer sans s’éteindre, mais être également dupliquée dans un souci d’effectivité : la seconde convocation étant déjà remise à l’intéressé, les délais sont raccourcis [101].

145 Le code de procédure pénale, jusqu’à la loi du 12 mai 2009, consacrait l’idée selon laquelle une fois l’action publique mise en œuvre, celle-ci était irrévocable. Seul le recours à la troisième voie permettait au Ministère public d’intenter l’action devant la juridiction de jugement en cas d’échec de l’alternative. L’action publique ne pouvait être que diachronique. Légitime contrepartie de l’opportunité, l’unicité de l’action publique répondait de la sorte à un impératif simple à comprendre. Toute option autre que la poursuite classique doit laisser le temps à l’auteur des faits d’en comprendre les tenants et aboutissants et lui laisser la possibilité de s’y conformer.

146 En validant la dualité de l’action publique en matière de CRPC, la loi et le Conseil condamnent la gestion raisonnable de l’action publique au profit de son efficience supposée. L’action peut désormais se déployer dans la synchronie. Ce faisant, le législateur envoie un message clair, non en terme de rationalisation, entendue comme « l’arme magique de l’idée contre le réel » [102], mais en terme de gestion des flux pénaux : l’efficience du traitement des procédures l’emporte sur la logique d’une action, tout en faisant la part belle au choix fait en opportunité par le Parquet. Ici, le réel l’emporte sur l’idée.

IV – PERSPECTIVES

147 À l’issue de cette décision, il semble clair que la procédure pénale a définitivement quitté la scène du théâtre classique. La règle des trois unités chère à l’abbé d’Aubignac a en effet été considérablement érodée par la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.

148 L’unité de temps a laissé place à une segmentation entre, tout d’abord, la reconnaissance des faits et l’acceptation de la peine devant le procureur, et par la suite, l’homologation de la sanction devant un juge du siège [103].

149 Concernant l’unité de lieu, force est de reconnaître que le prétoire n’est plus le seul endroit où se joue le sort d’un prévenu : le bureau du parquetier est devenu un haut lieu de l’art oratoire des avocats, entre observations prudentes et âpres négociations…

150 Quant à l’action, elle était, semble-t-il [104], la dernière des unités à avoir résisté à l’institution et aux réformes de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité. Or, désormais, l’action publique peut être exercée de manière duale. Elle est dédoublée dans le temps : si la CRPC échoue, la COPJ simultanément mise en œuvre prendra le relais.

151 Si l’institution de la CRPC a initialement mis en échec l’unicité de l’action publique en permettant une reprise de l’action après un échec [105], la réforme opérée par la loi du 12 mai 2009 a ébranlé son unité, sa cohérence en permettant une double mise en œuvre simultanée.

152 Une question reste alors posée : n’existe-t-il pas un principe fondamental reconnu par les lois de la République en vertu duquel une seule et même prétention ne peut faire l’objet de deux actions simultanées entre les mêmes parties devant le même juge ?

153 Le droit comparé enseigne souvent que comparaison n’est pas raison, le droit processuel ne démontrerait-il pas qu’efficience n’est pas rationalisation ?

154 Nicolas Catelan

— Décision n° 2010-78 QPC, 10 décembre 2010, Société Imnoma (intan gibilité du bilan d’ouverture), JO du 11 décembre 2010, p. 21712.

LE PRINCIPE DE LA GARANTIE DES DROITS S’IMPOSE ÉGALEMENT EN MATIÈRE FISCALE

155 Le Conseil constitutionnel a été saisi le 6 octobre 2010 par le Conseil d’État d’une question prioritaire de constitutionnalité posée par la Société Imnoma relative au paragraphe IV de l’article 43 [106] de la loi de finances rectificative pour 2004, du 30 décembre 2004. Cette loi était une loi de validation consécutive à un revirement de jurisprudence du Conseil d’État en matière fiscale [107].

156 En effet, cet article est relatif à la règle de l’intangibilité du bilan d’ouverture du premier exercice non prescrit [108] en vertu de laquelle les erreurs présentes dans le bilan ne peuvent être corrigées que dans les bilans d’ouverture et de clôture des exercices non prescrits, à l’exception du premier. Cette règle s’oppose au principe de la correction symétrique des bilans [109]. Avec sa décision de 2004, le Conseil d’État offre la possibilité à l’administration fiscale – à sa propre initiative ou à la demande du contribuable – de corriger toute écriture comptable qui constituerait une erreur de fait ou de droit qui ne serait pas délibérée. Cette correction devrait être symétriquement corrigée si elle se retrouvait dans d’autres bilans. L’objectif de la loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 était de revenir sur cette jurisprudence en consacrant à nouveau la règle de l’intangibilité du bilan d’ouverture du premier exercice non prescrit, règle profitant essentiellement à l’administration.

157 La société requérante estimait que le dispositif de cet article méconnaissait le principe d’égalité devant l’impôt, le principe d’égalité devant la loi, les principes de non-rétroactivité de la loi, de sécurité juridique, les droits de la défense et le droit à un recours juridictionnel effectif.

158 Le 10 décembre 2010, le Conseil constitutionnel a, dans sa décision n° 2010-78 QPC, donné raison au requérant et a déclaré la disposition contraire à la Constitution.

159 Pour la première fois dans sa jurisprudence rendue en matière fiscale, les Sages de la rue Montpensier ont censuré une disposition soumise à leur jugement sur le fondement du principe de la garantie des droits [110] tel qu’il résulte de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 [111]. Les membres du Conseil ont en effet estimé que « la validation contestée a pour effet de priver à titre rétroactif le seul contribuable du bénéfice de la jurisprudence précitée ; que l’atteinte ainsi portée à l’équilibre des droits des parties méconnaît les exigences de l’article 16 de la Déclaration de 1789 » [112].

160 Après avoir rappelé son considérant de principe en matière de validation – « si le législateur peut modifier rétroactivement une règle de droit ou valider un acte administratif ou de droit privé, c’est à la condition de poursuivre un but d’intérêt général suffisant et de respecter tant les décisions de justice ayant force de chose jugée que le principe de non-rétroactivité des peines et des sanctions ; qu’en outre, l’acte modifié ou validé ne doit méconnaître aucune règle, ni aucun principe de valeur constitutionnelle, sauf à ce que le but d’intérêt général visé soit lui-même de valeur constitutionnelle ; qu’enfin, la portée de la modification ou de la validation doit être strictement définie » [113] – le Conseil a censuré le dispositif sur le fondement de la méconnaissance d’une règle constitutionnelle, la garantie des droits, sans examiner les autres moyens [114].

161 Ce principe, issu de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme, n’avait jusque-là été utilisé par le Conseil que dans le cadre de la procédure pénale [115] afin de garantir l’équilibre entre les droits des parties. Équilibre qui, en l’espèce, fait défaut. En effet, le paragraphe IV soumis au contrôle du juge constitutionnel permettait à l’administration fiscale, pour les impositions antérieures au 1er janvier 2005, de ne pas se prévaloir de la loi de validation et d’appliquer la jurisprudence SARL Ghesquière Équipement si elle lui était favorable [116]. Ainsi, cette validation avait pour objectif de priver le seul contribuable du bénéfice de la jurisprudence du Conseil d’État, portant atteinte à l’équilibre des droits des parties. Le Conseil ne remet pas en cause le principe même de l’intangibilité du bilan d’ouverture, mais empêche l’administration fiscale de se prévaloir de la jurisprudence SARL Ghesquière Équipement pour la période antérieure au 1er janvier 2005.

162 Les Sages ont également estimé qu’il n’y avait pas lieu d’assortir la déclaration d’inconstitutionnalité d’une prorogation dans le temps de ses effets et qu’elle pouvait être appliquée directement aux instances en cours au moment de la publication de la décision [117].

163 Il sera intéressant d’observer quelles seront les futures conséquences de « l’irruption » du principe de l’équilibre des droits des parties en matière fiscale, l’administration et les contribuables ne bénéficiant pas systématiquement des mêmes « armes » sur le plan procédural en cette matière [118]. Cette première invocation de l’équilibre des droits des parties constituera-elle un signe d’ouverture ou un épiphénomène jurisprudentiel ?

164 Alexis Le Quinio

— Décision du Conseil constitutionnel n° 2010-79 DC, du 17 décembre 2010, Journal officiel du 19 décembre 2010, p. 22373.

QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITÉ ET QUESTION PRÉJUDICIELLE À LA COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPÉENNE, TOUJOURS DANS L’IMPASSE…

165 « La dispute des Horaces et des Curiaces ouverte depuis l’entrée en vigueur de la loi organique du 10 décembre 2009 est appelée à connaître de nouveaux épisodes » [119].

166 Cette métaphore évoque à l’esprit l’intrigue jurisprudentielle qui impliqua la Cour de cassation, le Conseil d’État, le Conseil constitutionnel et la Cour de justice de l’Union européenne au printemps 2010 [120]. Ce « feuilleton » fut soldé par un arrêt de la Cour de justice tentant de concilier le caractère prioritaire de la question de constitutionnalité avec la nécessité de faire respecter le droit communautaire. Il restait à savoir laquelle des deux questions, QPC ou question préjudicielle, serait prioritaire dans l’hypothèse où elles seraient simultanément soulevées à l’encontre d’une disposition de transposition d’une directive précise et inconditionnelle.

167 Cette configuration était vérifiée dans l’arrêt de renvoi du Conseil d’État, en date du 8 octobre 2010, à l’origine de la décision 2010-79 QPC, du 17 décembre 2010, ce qui aurait pu permettre de régler cette problématique.

168 Mais le Conseil d’État, respectant les dispositions de la loi organique, s’est prononcé prioritairement sur la QPC, reléguant l’examen du moyen tiré de la non-conformité de la directive au droit de l’Union. Saisi de cette QPC, le Conseil constitutionnel affirma que la disposition constitutionnelle invoquée ne relève nullement du noyau dur de constitutionnalité, c’est-à-dire des dispositions propres à l’identité constitutionnelle de la France. Il réserve de surcroît l’hypothèse où la disposition contestée pourrait faire l’objet d’un contrôle de conformité au droit de l’Union européenne et d’une question préjudicielle posée à la Cour de justice, ce qui relève de la compétence du juge ordinaire. La porte était donc ouverte pour une éventuelle saisine a posteriori de la Cour de justice. Cependant, le Conseil d’État, dans son arrêt de renvoi, a écarté le moyen tiré de la non-conformité de la directive au droit de l’Union et, par là même, refusé de saisir la Cour de justice.

169 L’apport de ce nouvel « épisode » est négligeable, puisque le Conseil d’État n’a pas pris d’initiative tendant à concilier le contrôle de constitutionnalité et le contrôle de conventionnalité (I). Cela conduit à tirer un bilan paradoxal de ces décisions, eu égard à la disposition invoquée par le requérant : il s’agissait de faire valoir la non-conformité de la disposition contestée à l’article 66-1 de la Constitution relatif à l’abolition de la peine de mort (II).

I – LA PRIORITÉ MAINTENUE DE LA QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITÉ SUR LA QUESTION PRÉJUDICIELLE

170 La Cour de justice de l’Union européenne a tenté de concilier les mécanismes de la QPC et de la question préjudicielle, tout en préservant sa compétence propre à l’égard des directives précises et inconditionnelles (A). Le Conseil d’État ne suivra pas la solution donnée par la Cour, préférant maintenir le caractère prioritaire de la QPC sur l’examen de la conformité de la directive au droit de l’Union (B).

A – L’esquisse de solutions déduite de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne

171 L’état de la controverse engagée au printemps 2010 s’est arrêté à l’arrêt de la Cour de justice du 22 juin 2010, Aziz Melki, C-188/10. Cet arrêt a en partie « soldé » les divergences des juridictions internes françaises, tout en laissant ouvertes certaines perspectives tenant aux spécificités du droit de l’Union européenne.

172 Cet arrêt affirme en substance que la question prioritaire de constitutionnalité est conforme au droit communautaire à condition qu’elle ne prévienne pas les juridictions nationales de saisir la Cour de justice de questions préjudicielles ou de prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir l’application du droit communautaire. La Cour tirait ainsi les enseignements de la décision du Conseil constitutionnel 2010-605 DC du 12 mai 2010, et de l’arrêt du Conseil d’État du 14 mai 2010. Les deux juridictions avaient relevé l’absence d’incompatibilité entre la question prioritaire de constitutionnalité et les missions d’application du droit communautaire qui reviennent aux juridictions nationales de l’ordre administratif et de l’ordre judiciaire [121]. Seule la Cour de cassation, par ses arrêts du 16 avril 2010, à l’origine de ce « feuilleton » [122], puis du 28 juin 2010 persistait à vouloir soulever l’incompatibilité de la QPC avec le droit communautaire.

173 Il n’empêche qu’une problématique importante restait en suspens en dépit de la volonté de convergence des juridictions précitées. En effet, quelle serait l’attitude des juridictions nationales saisies d’une QPC et d’une question préjudicielle à propos d’une disposition législative transposant une directive précise et inconditionnelle ? Cette question, soulevée par la Cour de Justice dans son arrêt du 22 juin, n’a pas échappé à une partie de la doctrine, qui y voit une nouvelle source potentielle de discorde [123].

174 L’examen prioritaire d’une QPC qui serait transmise au Conseil constitutionnel pourrait avoir pour effet de bloquer l’exercice de cette compétence par la Cour. Tel serait le cas lorsque la disposition litigieuse est déclarée contraire à une disposition constitutionnelle ; son abrogation par le Conseil exclurait toute saisine de la Cour par le biais d’une question préjudicielle en cas de difficulté d’interprétation. Plus simplement encore, le juge national ne pourrait examiner la conformité de cet acte au droit communautaire. La Cour de justice a rappelé à ce niveau le monopole dont elle dispose pour sanctionner l’invalidité d’un acte du droit de l’Union européenne. Elle affirme dès lors le caractère préalable de la question préjudicielle, poursuivant la nécessité d’assurer l’effectivité du droit de l’Union.

175 Deux solutions pourraient alors s’offrir pour le juge national saisi à la fois d’un moyen d’inconstitutionnalité et d’un moyen d’inconventionnalité [124].

176 La première consisterait à rechercher si la disposition constitutionnelle invoquée fait l’objet d’une protection équivalente en droit communautaire. Si tel est le cas, le juge aurait à se prononcer prioritairement sur le moyen d’inconventionnalité, et saisir la Cour de justice d’une question préjudicielle. Quelle que soit la réponse de celle-ci, la QPC n’aurait plus lieu d’être examinée par la suite, puisque la Cour aura statué sur la conformité de la directive à une disposition garantie à la fois par le droit communautaire et par la Constitution. La seconde consisterait à saisir en même temps le Conseil constitutionnel et la Cour de justice, d’une QPC et d’une question préjudicielle. Dans ce cas, il appartiendrait au Conseil de décliner sa compétence, s’agissant d’une disposition de transposition d’une norme communautaire, soit de surseoir à statuer, dans l’attente de la décision de la Cour.

177 Aucune de ces deux solutions ne sera finalement appliquée par le juge administratif, qui était à l’origine de la saisine du Conseil constitutionnel dans sa décision 2010-79 QPC. Celui-ci se bornera à maintenir une solution classique, n’apportant aucune évolution au dialogue des juges initié début 2010.

B – L’examen prioritaire automatique de la question prioritaire de constitutionnalité par le Conseil d’État

178 C’est devant le Conseil d’État que fut soulevée la QPC dans cette affaire.

179 Il fut saisi d’une demande d’annulation d’une décision de la Cour nationale du droit d’asile en date du 30 juillet 2009, laquelle a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision prise par le directeur général de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) rejetant sa demande d’asile. Le requérant souhaitait bénéficier de la protection subsidiaire accordée par l’article L 712-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA). Cette protection est réservée aux personnes qui ne remplissent pas les conditions pour recevoir la qualité de réfugié, mais qui se trouvent notamment exposées à l’une des menaces graves suivantes : la peine de mort, la torture, des peines ou traitements inhumains ou dégradants.

180 Cette disposition est également corroborée par l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Cette disposition a donné naissance au mécanisme de protection par ricochet, par lequel la Cour européenne des droits de l’homme a pu sanctionner l’extradition d’individus menacés de tels traitements dans les États demandeurs [125].

181 Une exception à la protection subsidiaire est néanmoins prévue par l’article L 712-2 du CESEDA. Cet article, qui est la transposition exacte de l’article 17 de la directive 2004/83 du 29 avril 2004, dispose que la protection peut être refusée dans quatre cas d’ouverture, dont un était vérifié en l’espèce : lorsque le demandeur s’est rendu coupable d’agissements contraires aux buts et aux principes des Nations unies ou que son activité sur le territoire constitue une menace grave pour l’ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l’État. C’est cette disposition du CESEDA qui était contestée devant le Conseil d’État. Le requérant avait lui-même soulevé la QPC à l’occasion du pourvoi contre la décision de la Cour nationale du droit d’asile. De son côté, l’OFPRA a soulevé la non-conformité de l’article L 712-2 du CESEDA (donc de l’article 17 de la directive) au droit de l’Union européenne, ce qui supposait de saisir la Cour de Justice d’une question préjudicielle.

182 La problématique que celle-ci avait soulevée dans son arrêt du 22 juin était enfin posée devant une juridiction française. De la QPC ou de la question préjudicielle, laquelle serait considérée comme « prioritaire » par le juge administratif suprême ? Loin de suivre les prescriptions de la Cour, le Conseil d’État a statué en premier lieu sur la QPC, reléguant au second plan l’interprétation du droit communautaire. Cela semble logique puisqu’il est « dans l’ADN de la QPC de reléguer l’exception d’inconventionnalité à une étape ultérieure de l’instance » [126].

183 Les conditions de renvoi de la question au Conseil constitutionnel étaient réunies. La disposition législative en cause avait déjà fait l’objet d’un contrôle de constitutionnalité a priori, dans la décision 2003-485 DC du 4 décembre 2003. Cependant, le Conseil n’avait pu effectuer ce contrôle au regard de l’article 66-1 de la Constitution, qui a été créé par la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008. Par conséquent, ce changement de circonstances donnait un caractère nouveau à la question posée. De plus, le Conseil d’État juge la disposition invoquée applicable au litige, en rappelant le mécanisme de la protection par ricochet. Celle-ci avait d’ailleurs justifié la condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’homme, dans l’espèce même qui était portée devant le Conseil d’État [127]. Enfin, l’absence de caractère « sérieux » de la question est sans effet sur le renvoi, la nouveauté de la question imposant celui-ci.

184 La QPC est donc renvoyée au Conseil constitutionnel. L’examen de la non-conformité de la directive au droit de l’Union européenne est en revanche écarté par le Conseil d’État, ce qui n’est pas sans incidence sur la portée de la décision du Conseil constitutionnel, comme nous allons le voir.

II – L’EFFET PARADOXAL DU RECOURS À LA NOTION D’IDENTITÉ CONSTITUTIONNELLE DE LA FRANCE

185 La décision du Conseil constitutionnel dans cette affaire ne fait que confirmer une jurisprudence solidement établie, fondée sur la notion d’identité consitutionnelle de la France (A). Cette décision, ajoutée à l’arrêt du Conseil d’État, a des effets pour le moins discutables quant à la portée de l’abolition de la peine de mort (B).

A – Le non-lieu à statuer du Conseil constitutionnel sur la question prioritaire de constitutionnalité

186 Le Conseil constitutionnel s’en est tenu aux principes qu’il a lui-même dégagés quant à ses compétences de contrôle des lois de transposition des directives précises et inconditionnelles.

187 Il rappelle ainsi que « la transposition en droit interne d’une directive communautaire résulte d’une exigence constitutionnelle à laquelle il ne pourrait être fait obstacle qu’en raison d’une disposition expresse contraire de la Constitution » [128], et que « la transposition d’une directive ne saurait aller à l’encontre d’une règle ou d’un principe inhérent à l’identité constitutionnelle de la France, sauf à ce que le constituant y ait consenti » [129] (2006-540 DC).

188 C’est pourquoi le Conseil constitutionnel ne contrôlera la constitutionnalité d’une loi de transposition d’une telle directive que si celle-ci est susceptible de porter atteinte à une norme constitutionnelle française n’ayant aucun équivalent dans les droits fondamentaux et principes généraux du droit communautaire. Il s’agit du « noyau dur » du bloc de constitutionnalité. A contrario, si la disposition constitutionnelle invoquée est également garantie en tant que principe général du droit communautaire, la réserve de constitutionnalité des directives pourra jouer et le Conseil n’aura pas à en effectuer le contrôle.

189 En tout état de cause, sa compétence est également limitée du fait qu’il ne peut saisir la Cour de justice de l’Union européenne d’une question préjudicielle, ce pourquoi il renvoie aux juridictions ordinaires le soin d’y procéder. L’identité constitutionnelle de la France, formule indéfinissable et « fourre-tout » [130], reste l’irréductible limite par laquelle le Conseil constitutionnel établit sa compétence à l’égard du droit communautaire. Le Conseil d’État, avec son arrêt Société Arcelor Atlantique et Lorraine et autres, du 8 février 2007, reprendra à son compte ces modalités de contrôle des directives communautaires [131].

190 Ces principes sont fort justement appliqués dans la présente décision du Conseil constitutionnel. En effet, l’article 66-1 de la Constitution ne relève pas de l’identité constitutionnelle de la France. L’abolition puis l’interdiction de la peine de mort sont consacrées par de nombreux États de l’Union européenne mais également par l’article 2 alinéa 2 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Il suffit aussi de rappeler que la révision constitutionnelle de 2007, par laquelle ledit article a été inséré dans la Constitution, a été légitimée par la ratification du protocole n° 13 à la Convention européenne et celle du 2e protocole additionnel au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, abolissant la peine de mort en toutes circonstances [132]. Cette révision était nécessaire, suite à la décision du Conseil constitutionnel n° 2005-524/525 du 13 octobre 2005, Engagements internationaux relatifs à l’abolition de la peine de mort[133].

191 Par conséquent, il n’y avait aucun doute sur le fait que l’article 66-1 de la Constitution est exclu du noyau dur des dispositions constitutionnelles. C’est pourquoi le Conseil a fort logiquement conclu sur un non-lieu à statuer, confirmant sa propre jurisprudence. Les Sages prennent néanmoins le soin d’affirmer qu’il revient à la juridiction d’examiner les moyens tirés de la non-conformité de la directive au droit de l’Union. Le Conseil a ainsi voulu préserver la compétence de celle-ci à l’égard du droit communautaire. Dans l’absolu, cette précision laissait la porte ouverte à un renvoi devant la Cour de justice, avec l’éventualité qu’elle donne une autre interprétation de la disposition contestée. La décision du Conseil constitutionnel ne s’opposait à cette option ni sur le fond ni sur la forme.

192 C’est là que l’impasse est maintenue, le Conseil d’État ayant écarté toute saisine de la Cour de justice, en « neutralisant » le bénéfice de l’interdiction de la peine de mort.

B – Le rejet de la question préjudicielle légitimée par la « neutralisation » de l’interdiction de la peine de mort

193 La question préjudicielle invoquée par l’OFPRA était pleinement légitime pour mettre en cause l’insuffisance de garantie qu’offrirait le droit de l’Union européenne pour des personnes placées dans la même situation que le requérant.

194 En effet, l’interdiction de la peine de mort n’y est pas protégée de façon absolue, puisque la directive contestée prévoit des exceptions. Dans ce sens, elle s’avérerait contraire à la fois à l’article 66-1 de la Constitution et aux normes de droit communautaire qui en assure une protection équivalente. Le contrôle de conventionnalité aurait également pu permettre de tirer cette conclusion, ne serait-ce que par les prescriptions de la Convention européenne des droits de l’homme, visée par l’article 6 du traité, et qui a également affirmé le caractère absolu de l’abolition de la peine de mort.

195 Mais le Conseil d’État se contentera d’affirmer que cette disposition n’avait « ni pour objet ni pour effet de conduire les États membres à prévoir des cas dans lesquels un demandeur d’asile, auquel la protection subsidiaire serait refusée, devrait être reconduit dans un pays où il pourrait être exposé à la peine de mort ou à des traitements contraires au principe de dignité de la personne humaine ». Cette solution, qui conduit à écarter toute question préjudicielle, est classique dans la jurisprudence du Conseil d’État.

196 Ainsi avait-il affirmé, dans un arrêt du 16 octobre 2009, que « la décision qui se prononce sur le droit au bénéfice du statut de réfugié et à la protection subsidiaire n’a par elle-même ni pour objet ni pour effet de conférer ou de retirer au demandeur le droit de séjourner en France ni de fixer le pays de destination où il devrait le cas échéant être reconduit » [134]. Cette solution est corroborée par l’article L 513-2 du CESEDA, qui dispose que l’étranger obligé de quitter le territoire peut être renvoyé dans un pays où il est « légalement admissible », à défaut du pays dont il a la nationalité ou du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité.

197 Cette solution semble donc conforme à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, et spécialement à l’arrêt qu’elle a rendu dans cette affaire sur le fondement de l’article 3 de la Convention. La Cour y a justement fait état des risques qu’encourait le requérant, sur la base de rapports du Comité des Nations Unies contre la torture et de plusieurs organisations non gouvernementales relatifs aux pratiques des services secrets algériens. C’est pourquoi elle a affirmé que son expulsion l’exposerait à des traitements inhumains et dégradants, ceux-ci étant interdits de façon absolue « quels que soient les agissements de la personne concernée, aussi indésirables et dangereux soient-ils » [135].

198 Dans tous les cas, cela laisse en suspens la question de savoir dans quel pays le requérant pourrait être expulsé ! Celui-ci se trouve donc dans une curieuse situation, assigné à résidence suite à l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme, mais virtuellement expulsable au sens des dispositions contestées.

199 Au-delà de ces aspects, on déplore bien sûr que le « conflit » potentiel entre la question prioritaire de constitutionnalité et la question préjudicielle à la Cour de justice n’ait pu être réglé. La disposition contestée n’était peut-être pas la plus opportune. L’arrêt du Conseil d’État et la décision du Conseil constitutionnel semblent, comme nous l’avons vu, parfaitement logiques. Mais on peut se demander si l’exigence d’équivalence de garanties aurait pu justifier le recours à l’une des deux solutions proposées par la doctrine, dont la saisine de la Cour de justice.

200 De manière plus générale, il n’est pas certain que l’exception prévue par la directive soit compatible avec le caractère absolu de l’abolition de la peine de mort. Alors que le principe de la compétence universelle a fait récemment de grands progrès [136], on ne voit pas pourquoi, de façon « réciproque », la protection garantie aux individus contre la peine de mort et les traitements dégradants ne serait pas dotée de la même portée. Le cercle vertueux de l’abolition n’a cessé de progresser depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, allant, dans sa dernière phase, jusqu’à l’exclure en temps de guerre [137]. C’était l’intérêt des instruments qui ont justifié la réforme constitutionnelle de 2007. Cependant, ce cercle vertueux peut encore être « brisé » lorsque des États abolitionistes collaborent avec des États non abolitionistes [138].

201 D’une certaine façon, tel était le cas en l’espèce, sous la réserve de l’arrêt de la Cour européenne. Certes, le requérant ne faisait pas l’objet d’un risque de condamnation à mort dans son pays. Mais les traitements auxquels il serait exposé peuvent attenter à sa vie et avoir un effet équivalent. Un de ses coaccusés, expulsé en Algérie, a d’ailleurs fait l’objet d’un avis de disparition émis par une association algérienne de défense des droits de l’homme [139]. L’interprétation « neutralisante » du Conseil d’État ne lui donne de garanties que par défaut, alors que la disposition litigieuse méritait un examen de fond, tant sa validité au regard des instruments européens et internationaux semble discutable.

202 Espérons que le prochain épisode de la dispute des Horaces et des Curiaces soit plus inspiré.

203 Philippe Mouron

— Décision 2010-81 QPC du 17 décembre 2010, M. Boubakar B., JO du 19 décembre 2010, p. 22375.

NI ÉVOCATION, NI RÉSERVE DE COMPÉTENCE EN MATIÈRE DE DÉTENTION PROVISOIRE

204 Après la désormais célèbre décision sur la garde à vue [140] suivie par celle concernant la retenue douanière [141], il semble que le Conseil constitutionnel ait été amené à se pencher sur une autre forme de privation de liberté, tout aussi familière du juge pénal : la détention provisoire. Si cette mesure a longtemps fait, et continue encore de faire débat sous l’angle de sa légitimité, c’est sous l’un de ses aspects procéduraux que les Sages de la rue Montpensier ont abordé la question, en particulier les dispositions de l’article 207 du code de procédure pénale.

205 Les dispositions ici contestées consacraient dans notre législation la réserve de compétence de la chambre de l’instruction en matière de détention provisoire et de contrôle judiciaire. Dès lors, la question soulevée le 2 juillet 2010 devant la chambre de l’instruction de la Cour d’appel de Paris reposait sur la possible inconstitutionnalité de cette réserve de compétence de la chambre de l’instruction, constituant selon le requérant une violation des principes d’égalité des citoyens devant la loi et du double degré de juridiction.

206 Le 17 décembre 2010, le Conseil constitutionnel, sur renvoi de la Cour de cassation [142], a déclaré les deux dernières phrases de l’article 207, alinéa premier du Code de procédure pénale, contraires à la Constitution, en ce qu’elles méconnaissaient les articles 6 et 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

I – LA GENÈSE DE LA RÉSERVE DE COMPÉTENCE DE LA CHAMBRE DE L’INSTRUCTION EN MATIÈRE DE DÉTENTION PROVISOIRE

207 L’article 207, alinéa premier du Code de procédure pénale, en prévoyant depuis 2004 la possibilité pour la chambre de l’instruction de se réserver une compétence en matière de détention provisoire, consacrait une pratique prétorienne établie depuis 1959 [143]. Le principe posé à cette date par les magistrats du Quai de l’Horloge devait être modifié par deux arrêts rendus à vingt-cinq années d’intervalle. La première modification était en effet intervenue par l’arrêt Léger du 24 novembre 1977 [144], dans lequel la Chambre criminelle affirmait le caractère facultatif de la réserve de compétence accordée à la chambre de l’accusation [145]. La seconde, le 19 février 2002, renversait la tendance et revenait à la jurisprudence Léger, en posant que la chambre de l’instruction était seule compétente en la matière « sauf à en décider autrement » [146].

208 La consécration textuelle de cette pratique se fera avec l’adoption de la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004, portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité. L’article 107, paragraphe IV, 2° de ce texte avait ajouté à l’article 207 du Code de procédure pénale les deux phrases, objets de la requête examinée devant le Conseil constitutionnel à l’occasion de cette décision 2010- 81 QPC. L’esprit du texte était celui de la jurisprudence Léger : par principe le contentieux de la détention provisoire doit revenir au juge d’instruction et au juge des libertés et de la détention, sauf si la chambre de l’instruction en décide autrement.

209 Si les neuf Sages s’étaient bien prononcés sur la constitutionnalité de la loi du 9 mars 2004 [147], ils n’ont fait aucune mention de cette disposition dans leur décision. Il semble pourtant que cette possibilité laissée à la chambre de l’instruction heurte de front deux des principes les plus fondamentaux en matière pénale.

II – LES CONSÉQUENCES DE LA RÉSERVE DE COMPÉTENCE DE LA CHAMBRE DE L’INSTRUCTION EN MATIÈRE DE DÉTENTION PROVISOIRE

210 La réserve de compétence prévue par le texte permet à la chambre de l’instruction de conserver l’entière maîtrise du dossier en cette matière Mais en accordant une extension de compétence à la chambre de l’instruction, on retire une possibilité au justiciable : celle de pouvoir bénéficier par la suite d’un double degré de juridiction dans un domaine touchant à la liberté individuelle et où les garanties procédurales devraient être plus strictement respectées.

211 Supprimer la possibilité pour le mis en examen de faire examiner les décisions sur son maintien en détention provisoire par une juridiction d’appel indépendante de celle qui a statué la première fois, reviendrait à ne lui laisser que la perspective d’un pourvoi devant la chambre criminelle de la Cour de cassation. Mais plus qu’une solution miracle, la voie de la cassation apparaît comme une possibilité envisagée faute de mieux [148]. En effet, la Haute juridiction dispose-t-elle réellement des moyens juridiques l’autorisant à statuer sur une remise en liberté suite à une décision de maintien en détention provisoire ?

212 Il semble utile de rappeler ici que la Cour suprême n’est que juge du droit et qu’une décision de maintien en détention correctement motivée par la chambre de l’instruction concernée conduira la Chambre criminelle à abdiquer tout contrôle effectif.

213 La saisine du Conseil constitutionnel allait bien entendu dans ce sens en invoquant la violation par les dispositions de l’article 207 du code de procédure pénale, du droit à un double degré de juridiction. Et c’est sans surprise que les Sages accédèrent à une telle requête.

214 Mais la réserve de compétence de la chambre de l’instruction en matière de détention provisoire, allait également à l’encontre du principe d’égalité des citoyens devant la justice, comme le relevait très justement la question prioritaire transmise au Conseil.

215 Cette violation consistait dans le fait de distinguer les mis en examen placés en détention suite au système du double-regard du juge d’instruction et du juge des libertés et de la détention, lesquels pourront faire examiner leur cas par la chambre de l’instruction en cause d’appel, de ceux qui, placés en détention provisoire suite à l’exercice par la chambre de l’instruction de sa réserve de compétence, ne pourront s’engager que sur la voie du pourvoi en cassation, sans avoir la certitude de voir leur pourvoi accueilli.

216 Ce « pouvoir discrétionnaire » [149] conféré à la chambre de l’instruction n’avait plus de raison de perdurer à l’heure où notre juridiction constitutionnelle s’engage, particulièrement en matière pénale, dans un contrôle strict du respect des principes contenus dans les textes à valeur constitutionnelle.

217 La décision des Sages venait de plus répondre à la question de savoir comment mettre un terme à cette situation juridiquement injustifiée et pour laquelle « le droit européen ne présentait que peu d’utilité [150] ». C’est donc la question prioritaire de constitutionnalité qui a permis de sortir de l’impasse en fixant désormais une nouvelle règle : la chambre de l’instruction ne peut ni évoquer, ni se réserver le contentieux de la détention provisoire.

218 Sofian Anane

LE RÉGIME DES PENSIONS FACE AU PRINCIPE D’ÉGALITÉ

219 Le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur deux questions touchant le droit des pensions, qui se fondaient principalement sur des moyens tirés d’une violation du principe d’égalité. Dans ces deux décisions, une déclaration d’inconstitutionnalité a été prise, mais avec une prise d’effet reportée à 2012 afin de laisser au législateur le temps de tirer les conséquences de ces décisions.

— Conseil constitutionnel, décision n° 2010-83 QPC du 13 janvier 2011, M. Claude G. [Rente viagère d’invalidité], JO du 14 janvier 2011, p. 811

220 À l’occasion de sa décision 2010-83 QPC, le Conseil constitutionnel a eu à juger de la constitutionnalité du cinquième alinéa de l’article L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite [151] sur renvoi du Conseil d’État.

221 Le requérant invoquait d’une part l’incompétence négative dont seraient entachées les dispositions contestées, et d’autre part une atteinte au principe d’égalité tant entre fonctionnaires qu’entre ces derniers et les autres assurés sociaux. Il invoquait également une violation du droit de propriété garanti par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.

222 L’article L. 28 du CPCMR a trait au cumul entre rente viagère d’invalidité et pension de retraite du fonctionnaire handicapé à la suite « de blessures ou de maladie contractées ou aggravées soit en service, soit en accomplissant un acte de dévouement dans un intérêt public, soit en exposant ses jours pour sauver la vie d’une ou plusieurs personnes » [152]. Le cinquième alinéa de l’article L. 28 impose un plafonnement à ce cumul, en ce sens que « la rente d’invalidité ajoutée à la pension ne peut faire bénéficier le titulaire d’émoluments totaux supérieurs aux émoluments de base visés à l’article L. 15 ». Cet article L. 15 vise les émoluments résultant de la liquidation de la pension, lesquels ne peuvent être supérieurs à un pourcentage de 75 % du traitement ou de la solde. On note, en outre, qu’un fonctionnaire atteint d’une invalidité supérieure à 60 % ne peut bénéficier d’une pension d’invalidité inférieure à 50 % du dernier traitement indiciaire.

223 Le plafonnement établi par le cinquième alinéa de l’article L. 28 vise à rétablir une égalité de traitement entre le fonctionnaire valide et le fonctionnaire invalide, et non à avantager ce dernier. La loi a donc fait en sorte que le fonctionnaire invalide ne puisse pas bénéficier d’une pension supérieure à celle dont il aurait disposé en étant valide, tout en réparant l’atteinte qu’il a subie dans son intégrité physique [153].

224 Le Conseil constitutionnel va se concentrer sur l’allégation de l’atteinte au principe d’égalité, garanti par l’article 6 de la DDHC, en appliquant sa jurisprudence classique en la matière [154].

225 L’examen de la constitutionnalité du cinquième alinéa de l’article L. 28 doit passer par une confrontation avec l’article L. 18 du même code [155]. En effet, selon cet article, une majoration de la pension de retraite est prévue pour les fonctionnaires ayant élevé au moins trois enfants. Dans ce cas de figure, le montant majoré de la pension ne peut également pas dépasser le montant des émoluments de base déterminés à l’article L. 15. La question quant à une éventuelle rupture d’égalité se pose alors pour le fonctionnaire handicapé ayant élevé au moins trois enfants, car il sera soumis au même plafonnement que le fonctionnaire valide qui a élevé le même nombre d’enfants. Le fonctionnaire invalide peut donc arguer d’une rupture d’égalité vis-à-vis du fonctionnaire valide, dans la mesure où on ne prendra pas en compte le fait qu’il a élevé plusieurs enfants, si le montant de sa pension – rente viagère d’invalidité et pension rémunérant ses services – atteint déjà le plafond fixé à l’article L. 15. Selon cette configuration, le fonctionnaire invalide pâtit du fait qu’il bénéficie d’une rente viagère d’invalidité cumulée avec une pension rémunérant ses services car il est soumis à un double plafonnement.

226 Le Conseil estime donc que la différence de traitement entre fonctionnaires n’est pas justifiée, car à travers l’article L. 18, le but était de prendre en compte « les charges liées à une famille nombreuse dans la limite de la rémunération d’activité du fonctionnaire » [156]. Le législateur, en prévoyant un double plafonnement, s’est donc écarté de l’objet de la loi et a créé une rupture d’égalité inconstitutionnelle entre fonctionnaires valides et invalides.

227 La première phrase du cinquième alinéa de l’article L. 28 est donc déclarée inconstitutionnelle, car contraire au principe d’égalité. Cependant, le Conseil constitutionnel choisit, comme l’autorise l’article 62 de la Constitution, de moduler dans les temps les effets de sa décision. Il utilise alors une formule déjà utilisée dès la première décision concernant une question prioritaire de constitutionnalité, à savoir qu’« afin de préserver l’effet utile de la présente décision à la solution des instances actuellement en cours, il appartient, d’une part aux juridictions de surseoir à statuer jusqu’à l’entrée en vigueur de la nouvelle loi, ou au plus tard, jusqu’au 1er janvier 2012 dans les instances dont l’issue dépend de l’application des dispositions déclarées inconstitutionnelles et, d’autre part, au législateur de prévoir une application des nouvelles dispositions à ces instances en cours à la date de la présente décision » [157]. Il appartient donc au législateur d’intervenir pour modifier l’article L. 28 qui, au 1er janvier 2012, sera dépourvu de la première phrase de son cinquième alinéa.

— Conseil constitutionnel, décision n° 2010-108 QPC du 25 mars 2011, Mme Marie-Christine D., Pension de réversion des enfants, JO du 26 mars 2011, p. 5404.

228 Le Conseil constitutionnel a eu à se prononcer, sur renvoi du Conseil d’État [158], sur la constitutionnalité des dispositions de l’article L. 43 du code des pensions civiles et militaires de retraites, qui prévoit la répartition de la pension de réversion d’un fonctionnaire décédé, lorsqu’il existe une pluralité d’ayants cause issus de lits différents. Cet article a été plusieurs fois modifié, d’abord pour y inclure les enfants naturels, désormais assimilés à des orphelins légitimes, alors qu’auparavant seuls les liens du mariage ouvraient droit à pension de réversion pour les orphelins [159] ; ensuite pour remplacer le terme « veuve » par celui de « conjoint survivant ou divorcé ayant droit à pension » [160]. Cet article dispose en substance que la répartition de la pension (qui ne peut excéder, aux termes de l’article L. 38 du même code, 50 % de la pension obtenue par le fonctionnaire ou qu’il aurait pu obtenir au jour de son décès) se fait à parts égales entre les lits, sachant que l’existence d’au moins un orphelin né d’une mère différente représente un lit. Chaque orphelin né du conjoint survivant ou divorcé de moins de vingt-et-un ans dispose par ailleurs de 10 % de la pension. Du fait de cette répartition, les enfants nés d’une même mère ne représentent qu’un lit, la part de 50 % est donc divisée d’abord en fonction du nombre de lits, puis au sein de chacun d’eux, en fonction du nombre d’enfants qu’il comporte.

229 Il en résulte que le conjoint survivant (ou ses orphelins) et les autres enfants issus de différents lits ne toucheront pas le même pourcentage de pension. Cela aura pour effet que plus les enfants seront nombreux au sein d’un lit, moins ils toucheront de pourcentage de pension car ils devront se diviser un montant lui-même d’abord déterminé en fonction du nombre de lits.

230 On note par ailleurs que la modification de l’article contesté en 1977 a permis l’accession au bénéfice d’une partie de la pension des enfants naturels non issus d’un mariage, alors que leur mère n’a pas vocation à bénéficier de la pension qui, elle, est réservée au conjoint survivant. Cela induit donc, depuis 1977, une réduction de la pension du conjoint survivant dès lors qu’il existe au moins un enfant naturel, avec lequel il devra partager la pension [161].

231 Le Conseil constitutionnel, saisi de l’allégation d’une atteinte au principe d’égalité, en application de sa jurisprudence classique, a vérifié que la différence de traitement était « en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit » [162]. L’objet de la disposition contestée était de compenser la perte de revenus pour chacun des ayants cause du fonctionnaire décédé. Or, ici, l’égalité n’est assurée qu’entre les ayants cause d’un même lit, et non lorsque l’on compare la situation individuelle de chacun des enfants issus de lits différents. L’objet de la loi n’est donc plus ici respecté, l’atteinte portée au principe d’égalité par l’article L. 43 entraîne une déclaration d’inconstitutionnalité par le Conseil constitutionnel.

232 La date à laquelle la décision du Conseil constitutionnel prendra effet est fixée au 1er janvier 2012 « afin de permettre au législateur d’apprécier les suites qu’il convient de donner à cette déclaration d’inconstitutionnalité » [163], car cette abrogation aura également pour effet de supprimer les droits reconnus aux orphelins par l’article L. 43. Le Conseil, qui ne peut se substituer au législateur, renvoie donc à celui-ci le soin de décider ce qui doit être fait pour remédier à la carence résultant de cette jurisprudence.

233 Fleur Dargent

— Décision n° 2010-87 QPC, 21 janvier 2011, Réparation du préjudice résultant de l’expropriation, JO du 22 janvier 2011, p. 1384.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL ET L’INDEMNISATION DU PRÉJUDICE MORAL RÉSULTANT DE L’EXPROPRIATION : ACTE I ?

234 Au terme d’une décision laconique, le Conseil constitutionnel affirme clairement que le montant de la juste indemnité à laquelle l’article 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen fait référence ne saurait inclure la réparation de « la douleur morale éprouvée par le propriétaire (…) de biens expropriés » [164].

235 Le problème posé par cette solution n’est pas tant l’exclusion de la réparation du préjudice moral du champ de l’indemnité due à la suite d’une cession forcée de bien, bien qu’il convienne d’en discuter, mais la motivation sur laquelle le juge constitutionnel s’appuie pour parvenir à cette solution.

236 Non seulement plane l’impression de faire un bond dans le temps de près d’un demi-siècle [165], mais surtout les fondements de la décision ne sont pas particulièrement convaincants. Peut-être est-ce dû à la jeunesse du Conseil constitutionnel par rapport au Conseil d’État, si l’expérience se mesure au nombre des années, ou à la récente mise en œuvre de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) ? Rien n’est moins sûr. En effet, si l’on s’oriente du côté de Strasbourg, on observe qu’à durée de vie équivalente, la Cour européenne des droits de l’homme a condamné la France [166] à indemniser l’un de ses ressortissants au titre du préjudice moral découlant de la violation du droit de propriété [167]. Bien qu’il s’agisse d’un bien meuble, il n’en demeure pas moins que le juge européen tend d’ores et déjà vers l’évolution rejetée par le Conseil constitutionnel, c’est-à-dire l’indemnisation de préjudices immatériels en matière de biens.

237 Dans cette optique, la juste indemnité exigée par l’article 17 de la DDHC, telle qu’appréhendée désormais par le Conseil constitutionnel, est-elle « juste » ? C’est vraisemblablement l’interrogation soulevée par le professeur Hostiou [168]. À défaut de pouvoir y répondre précisément, les différentes juridictions n’étant pas unanimes sur ce point, il est possible, à la lumière de leurs jurisprudences respectives, d’examiner l’angle pris par le juge constitutionnel en matière de réparation du préjudice résultant de l’expropriation [169].

238 En amont de cette interrogation, la Cour de cassation pose à la Haute juridiction constitutionnelle la question de savoir si les dispositions de l’article L. 13-13 du Code de l’expropriation sont conformes à celle de la juste indemnité due par l’État au propriétaire d’un bien en cas d’expropriation.

239 Le Conseil constitutionnel y répond par la formule selon laquelle « Considérant que l’article L. 13-13 précité met en œuvre le droit à réparation intégrale du préjudice matériel subi du fait de l’expropriation ; qu’à ce titre, le caractère intégral de la réparation matérielle implique que l’indemnisation prenne en compte non seulement la valeur vénale du bien exproprié mais aussi les conséquences dommageables qui sont en relation directe avec l’expropriation.

240 Considérant qu’aucune exigence n’impose que la collectivité expropriante, poursuivant un but d’utilité publique, soit tenue de réparer la douleur morale éprouvée par le propriétaire à raison de la perte des biens expropriés ; que par suite, l’exclusion de la réparation du préjudice moral ne méconnaît pas la règle du caractère juste de l’indemnisation de l’expropriation pour cause d’utilité publique » [170].

241 Si la réponse ne fait aucun doute – le préjudice moral ne saurait faire l’objet d’une indemnisation en matière d’expropriation (I) –, la motivation, en revanche, laisse dubitatif. Au terme de celle-ci, il semblerait que le juge constitutionnel aurait pu conclure à la prise en compte du préjudice moral pour garantir une juste indemnité (II).

I – À PROPOS DE LA MOTIVATION EXCLUANT L’INDEMNISATION DU PRÉJUDICE MORAL

242 L’article L. 13-13 du Code de l’expropriation, selon lequel « les indemnités allouées doivent couvrir l’intégralité du préjudice direct, matériel et certain, causé par l’expropriation », est en réalité la résultante de la codification de l’article 11 de l’ordonnance du 23 octobre 1958 [171]. Le Conseil constitutionnel fonde d’ailleurs sa décision sur l’exacte reprise des qualificatifs du préjudice sujet à indemnisation [172]. La règle concernée ne fait référence qu’au préjudice direct, matériel et certain causé par une expropriation en vue de satisfaire l’utilité publique. Selon l’interprétation faite par le Conseil, si l’indemnisation [173] destinée à réparer un tel préjudice doit être intégrale, elle n’est que matérielle [174]. En d’autres termes, elle doit tenir compte non seulement de la valeur vénale du bien exproprié, mais également des conséquences matérielles dommageables en relation directe avec l’expropriation [175].

243 Par une interprétation stricte de la disposition litigieuse, le juge constitutionnel a donc essentiellement basé sa jurisprudence de la juste indemnité sur l’aspect matériel du préjudice. Le juge judiciaire se bornait déjà à appliquer strictement la loi. Il a estimé, semble-t-il, que les éléments matériels susceptibles d’être indemnisés sont si nombreux [176] que, y grever une indemnité pour le préjudice moral alourdirait d’autant une somme déjà importante. Les éléments objectifs [177] la composant légitimeraient vraisemblablement le caractère juste de l’indemnité, y compris aux yeux du juge constitutionnel. Le commentaire aux Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel montre la volonté de la Haute juridiction d’inscrire la décision n° 2010-87 QPC dans la continuité de sa jurisprudence antérieure, à savoir, qu’en cas de cession forcée des biens, une juste indemnité se doit de « couvrir l’intégralité du préjudice direct, matériel et certain » [178].

244 Cette position du Conseil s’explique par au moins deux raisons, malgré l’absence de mention expresse dans la décision. Il s’agit de la protection des deniers publics [179] d’une part, et du caractère indéniablement subjectif du préjudice moral d’autre part, que la doctrine avait mis unanimement en lumière en amont de ladite décision [180].

245 Nul besoin de s’appesantir sur le premier point. Bien que le Conseil constitutionnel ne fasse pas valoir l’argument de la protection des deniers publics, et pour cause, aucune disposition de valeur constitutionnelle ne la prévoit expressément, celle-ci est sous-jacente à la nature même de la solution retenue. Si le Conseil ne le mentionne pas dans le corps même de sa décision, le commentaire aux Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel fait cependant référence au principe d’égalité devant les charges publiques [181]. Ainsi, la Haute juridiction considère depuis 1985 que ce principe constitutionnel ne saurait exclure du droit à réparation un quelconque élément du préjudice indemnisable lorsqu’il est porté atteinte au droit de propriété [182]. Eu égard à la solution adoptée par le juge constitutionnel, cela signifie que le préjudice moral ne constitue pas un élément à prendre en compte dans l’indemnisation du préjudice. De là à dire que l’indemnisation du préjudice moral en matière d’atteinte au droit de propriété méconnaîtrait le principe d’égalité devant les charges publiques, il n’y a qu’un pas à franchir, mais celui-ci serait injustifié, si bien que la Haute juridiction fait preuve de prudence en restant dans le non-dit.

246 En revanche, sur le second point, l’orientation prise par le Conseil n’est pas sans rappeler la position jurisprudentielle du juge administratif jusqu’à l’aube des années 1960 [183]. Sans vouloir faire resurgir le débat doctrinal de l’époque, il semble évident que le principal obstacle à l’indemnisation du préjudice moral reste celui de son appréciation en numéraire par le juge de l’expropriation [184]. Il s’agit en effet d’une notion dont la subjectivité est difficilement linéaire, dans le sens où la variation de la gradation du préjudice est fonction de la personnalité de chaque individu [185]. Sous cet angle, il est donc délicat pour les juges de répondre à la question de l’étendue du préjudice moral.

247 Ainsi, en se retranchant derrière le caractère « matériel » du préjudice, le Conseil constitutionnel évite, outre la personnalisation de la douleur morale, ce que certains auteurs ont appelé suite au revirement de jurisprudence Letisserand [186], la « commercialisation des sentiments » [187]. Il existe néanmoins une différence fondamentale entre l’espèce de l’arrêt Letisserand et celle ayant donné lieu à la décision du 21 janvier 2011. Dans le premier cas, l’indemnisation du préjudice moral résulte de la perte d’une personne, alors que dans le second, celui résultant d’une expropriation ne concerne, par définition, que des biens. Faudrait-il en conclure que la dépossession de biens n’entraînerait pas de préjudice moral, contrairement à l’atteinte à l’intégrité physique d’une personne ?

248 Malgré la solution du juge constitutionnel désormais connue, la Cour de cassation avait estimé que la question de l’indemnisation du préjudice moral causé aux expropriés présentait un caractère sérieux, bien qu’elle se soit toujours bornée à appliquer strictement l’article L. 13-13 du Code de l’expropriation et prît, en d’autres temps, des décisions critiquables en matière de QPC.

249 En effet, si l’on reprend chacun des arguments évoqués à l’appui de la décision, on observe que ces mêmes arguments auraient pu aboutir à la solution inverse.

II – DE LA MÊME MOTIVATION POUR LA PRISE EN COMPTE DU PRÉJUDICE MORAL

250 En droit public, le préjudice moral s’est vu finalement reconnu et donc indemnisé grâce à la position défendue sans relâche par la doctrine et différents commissaires du Gouvernement [188]. Or, en droit de l’expropriation, les avis des différents spécialistes de la matière convergent vers la prise en compte du préjudice moral afin de satisfaire la condition de la juste indemnité exigée par l’article 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Le professeur Morand-Deviller souligne d’ailleurs que « l’expropriation demeure l’un des derniers domaines de l’exclusion du dommage moral » [189]. Avec une doctrine unanime, des juges qui s’interrogent, et une motivation déclarative du Conseil constitutionnel qui tient lieu de démonstration [190], il serait hasardeux de ne pas se pencher sur le bien-fondé de la solution retenue.

251 À la lecture de la décision du 21 janvier 2011, le professeur Hostiou observe qu’aucune argumentation juridique ne fonde le sens de la décision [191]. En effet, aucun considérant n’évoque le problème de la protection des deniers publics, pas plus d’ailleurs que celui du caractère subjectif de l’évaluation d’un préjudice moral.

252 Si la protection des deniers publics est un domaine auquel le Conseil constitutionnel veille [192] et doit veiller, aucune disposition constitutionnelle n’empêche que le préjudice moral puisse être réparé en cas de cession forcée des biens. L’article 17 de la DDHC pose seulement la condition d’une juste indemnité. Dans un premier temps, le législateur semble libre, en vertu de l’article 34 de la Constitution, de prohiber l’indemnisation du préjudice moral en cas de privation de propriété, mais en réalité, il ne l’a pas fait. Une telle interdiction législative aurait été probablement exposée à la censure du juge constitutionnel statuant dans le cadre d’une décision de conformité, au motif que cette interdiction porterait atteinte au droit de propriété en ce qu’elle s’opposerait à la condition de juste indemnité. D’ailleurs, le législateur a seulement précisé que « Les indemnités allouées doivent couvrir l’intégralité du préjudice direct, matériel et certain, causé par l’expropriation » [193]. Bien que le Conseil se soit réfugié derrière cette formule dans sa décision QPC du 21 janvier 2011, celle-ci ne laisse transparaître aucune interdiction de réparer le préjudice moral causé par une expropriation.

253 Cette disposition oblige seulement la réparation du préjudice matériel [194]. Est-il nécessaire de rappeler les termes de l’article 5 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen selon lequel : « Tout ce qui n’est pas défendu par la Loi ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu’elle n’ordonne pas » ? Non seulement l’article L. 13-13 du Code de l’expropriation n’interdit pas l’indemnisation du préjudice moral, mais au surplus il ordonne la réparation du préjudice matériel. Ces dispositions doivent donc être interprétées comme la réparation du préjudice a minima.

254 Dans un souci de protection des deniers publics, rien n’empêche par ailleurs que le juge ait recours à des méthodes empiriques, voire forfaitaires, pour procéder, dans cette optique, à une évaluation rigoureuse du préjudice moral [195] et établir, in fine, une réparation intégrale du préjudice. La garantie d’une réparation étant conditionnée par une juste indemnité prenant en compte tous les éléments du préjudice, y compris sa composante morale [196].

255 D’autant plus que le juge judiciaire, ordre de juridiction auquel le juge de l’expropriation appartient, sait depuis fort longtemps évaluer les différents types de préjudice moral [197]. En effet, quelle que soit la nature ou la cause du préjudice moral, par définition, celui-ci est difficilement évaluable en argent. Or, depuis fort longtemps le juge judiciaire sait apprécier au moins un cas de dépossession forcée, à savoir le vol. Bien qu’il s’agisse d’un délit et que la situation in concreto diffère nécessairement de la procédure légale d’expropriation, il n’en demeure pas moins que le juge judiciaire dispose de moyens lui permettant d’apprécier la valeur numéraire de biens en termes de préjudice moral.

256 De plus et au titre de l’analogie initiée au début de l’analyse, il est arrivé au juge administratif, suite à l’arrêt Letisserand, de considérer que le préjudice moral pouvait découler d’un trouble dans les conditions d’existence [198]. Or, l’expropriation induit nécessairement un trouble dans les conditions d’existence du propriétaire concerné par une procédure d’expropriation. Le juge constitutionnel aurait pu partir de cette idée et fonder avec la même motivation, la solution selon laquelle le caractère juste de l’indemnité d’expropriation suppose la prise en compte du dommage moral causé, en ce sens que ce dernier crée un trouble dans l’effectivité du droit au respect de la vie privée [199] et familiale [200] et à l’inviolabilité domicile [201]. Le Conseil constitutionnel ayant reconnu valeur constitutionnelle à ces deux principes, aurait pu conclure, sur ces fondements, que l’absence d’indemnisation du préjudice moral méconnaissait la disposition relative au caractère juste de l’indemnité en dépit du caractère subjectif du préjudice, alors même qu’il s’agit de la perte d’un bien et non d’une personne.

257 À ce propos, la CEDH a commencé à infléchir sa position jurisprudentielle constante selon laquelle l’ingérence étatique suscitée par une expropriation doit ménager un « juste équilibre » entre l’intérêt général et les droits fondamentaux de l’individu [202]. Elle a estimé en effet, qu’il convient d’indemniser le préjudice moral dû à la privation de propriété d’un bien, en l’espèce un outil de travail agricole, en ce qu’il a généré des tensions et angoisses au propriétaire concerné par l’expropriation [203].

258 Cet assouplissement et les différents arguments évoqués tendent à conclure dans le même sens que le professeur Lemasurier selon laquelle l’exclusion du préjudice moral est contraire au principe de la juste indemnité [204].

259 Pour qu’un revirement de jurisprudence ait lieu, il faut une décision à infirmer. C’est désormais chose faite en matière d’indemnisation du préjudice moral résultant d’une expropriation. La solution adoptée par le Conseil suscite, si ce n’est l’incompréhension, l’étonnement. D’ailleurs, reconnaître le caractère moral du préjudice du fait de l’expropriation n’a pas vocation à condamner l’autorité expropriante mais seulement à réparer le préjudice causé dans son intégralité [205].

260 L’article L. 13-13 du Code de l’expropriation fait seulement obligation d’indemniser le préjudice matériel intégralement. Il n’interdit pas la réparation du préjudice moral [206]. Le Conseil constitutionnel (au même titre d’ailleurs que le juge de l’expropriation avant cette décision) aurait pu aller plus loin que ces dispositions expressis verbis[207], dans la mesure où aucune disposition constitutionnelle, et encore moins l’article 17 de la DDHC, ne prohibe une telle indemnisation.

261 On observe à nouveau, comme à l’époque précédant l’arrêt Letisserand, le décalage existant entre positions doctrinales et jurisprudentielles [208]. Surtout si la motivation en droit du juge constitutionnel ne légitime pas uniquement la solution retenue.

262 On ne peut que regretter l’apparence que donne le Conseil constitutionnel de ne pas accorder une protection constitutionnelle suffisante au droit de propriété [209].

263 Il suffirait simplement d’un fait nouveau ou d’une interprétation jurisprudentielle différente pour que le juge constitutionnel se prononce à nouveau sur l’article L. 13-13 du Code de l’expropriation, et que le revirement de jurisprudence a lieu, ou que l’article L. 13-13 soit complété par le législateur.

264 Sandrine Marcilloux-Giummarra

— Note sous 2010-88 QPC du 21 janvier 2011, Mme Danièle B. (évalua tion du train de vie), JO du 29 janvier 2011, p. 1894.

L’IMPOSITION SUR LE REVENU EN FONCTION DU TRAIN DE VIE CONFORME À LA CONSTITUTION

265 L’article 168 du Code général des impôts (CGI), régulièrement critiqué [210] – parfois même qualifié de dinosaure [211] – instaure un dispositif de taxation des contribuables en fonction de leurs signes extérieurs de richesse. En vertu de ce dispositif, l’administration fiscale peut, « en cas de disproportion marquée entre le train de vie d’un contribuable et ses revenus », évaluer de manière forfaitaire le revenu imposable en fonction de certains éléments du train de vie mentionnés dans le barème annexé à cet article. Son objectif est la mise en adéquation entre les sommes exigées par l’administration fiscale et les facultés du contribuable, et partant, la lutte contre la fraude fiscale. Cet article est le corollaire de l’article L. 63 du Livre de procédures fiscales (PPF) qui dispose que « lorsque les agents des impôts constatent une disproportion marquée entre le train de vie d’un contribuable et les revenus qu’il déclare, ils peuvent modifier la base d’imposition dans les conditions prévues à l’article 168 du Code général des impôts ».

266 Le contribuable a la possibilité de justifier de ressources susceptibles d’expliquer son train de vie [212] et peut ainsi obtenir la réduction de sa base imposable. Néanmoins, celui-ci doit démontrer la correspondance entre les sommes utilisées et le montant du train de vie et non qu’elles aient été utilisées pour acquérir les éléments pris en compte et mentionnés à l’article 168 du CGI.

267 Par une décision de renvoi du 22 octobre 2010, le Conseil d’État a saisi le Conseil constitutionnel dans les conditions prévues à l’article 61-1 de la Constitution au motif que l’article 168 du CGI, qui n’a pas fait l’objet d’un contrôle par le Conseil constitutionnel, permettrait de déconnecter l’assiette de l’impôt sur le revenu des facultés contributives des contribuables et porterait ainsi atteinte au principe d’égalité devant la loi fiscale et au principe d’égalité devant les charges publiques tels qu’ils résultent des articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.

268 Le Conseil constitutionnel a, par une décision du 21 janvier 2011, jugé que l’article 168 du CGI était partiellement conforme aux droits et libertés que la Constitution garantit et a assorti cette conformité d’une réserve d’interprétation. En effet, les Sages de la rue Montpensier ont estimé que l’article 168-2 du CGI était contraire au principe d’égalité en ce qu’il prévoyait une majoration de 50 % de la somme forfaitaire déterminée lorsqu’elle est supérieure ou égale à deux fois le seuil fixé à l’article 168-1 et qu’ainsi, le législateur avait « retenu un critère qui n’est ni objectif ni rationnel et fait peser, le cas échéant, sur certains contribuables une charge excessive au regard de leurs facultés contributives » [213].

269 Après avoir affirmé que les contribuables dont le train de vie était manifestement disproportionné par rapport aux revenus déclarés n’étaient pas dans la même situation que ceux pour lesquels le train de vie était en adéquation avec les revenus déclarés, justifiant ainsi un traitement différent, le Conseil a précisé que la majoration de 50 % de la base imposable lorsque les contribuables étaient en possession d’au moins six des éléments fournis par le barème [214] constituait une rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques, du fait qu’elle « ne correspond à aucune réalité » [215].

270 Si le Conseil fait une nouvelle fois [216] référence à l’objectif constitutionnel de lutte contre la fraude fiscale [217], il précise qu’en l’espèce il ne saurait couvrir les dispositions de l’article 168-2 du CGI. En outre, la lettre de l’article 168 du CGI n’indique pas que son application se limite aux hypothèses de fraude fiscale proprement dite, mais qu’il a vocation à s’appliquer à l’ensemble des situations de fait, qu’elles résultent ou non d’une volonté d’évitement de l’impôt.

271 Enfin, le Conseil a analysé les alternatives offertes au contribuable soumis à la procédure de l’article 168 pour justifier la « disproportion marquée » entre leur base imposable déclarée et leur train de vie et a estimé qu’elles étaient insuffisantes pour les contribuables. Afin de corriger ce qu’il considérait comme une carence, il a assujetti la constitutionnalité du dispositif à une réserve d’interprétation [218] en affirmant que l’article 168-3 du CGI – relatif à la preuve contraire – devait être compris comme permettant aux contribuables de prouver que la possession de certains éléments de train de vie mentionnés dans cet article n’impliquait pas nécessairement la perception de revenus équivalents. Par cette réserve, qui concerne également les articles 168-1 et 168-2, le Conseil constitutionnel offre la possibilité aux contribuables concernés de démontrer que certains éléments de leur patrimoine ne proviennent pas de la possession de revenus définis forfaitairement par l’administration fiscale. Désormais, les contribuables auront l’opportunité de fournir les preuves que leurs revenus imposables réels sont inférieurs aux bases d’imposition déterminées de façon indiciaire. Le contribuable peut apporter « la preuve de la manière dont il a pu financer le train de vie ainsi évalué, sans qu’il soit nécessaire pour lui de prouver la manière dont il a financé chacun des éléments retenus pour cette évaluation » [219].

272 Le Conseil n’est donc pas revenu complètement sur le mécanisme de l’article 168 du CGI, qui provient d’un objectif et d’une pratique légitimes de l’administration fiscale, mais il a encadré plus strictement son application dans le respect du principe d’égalité. En vertu de ces précautions, le Conseil constitutionnel a validé le principe même de la taxation d’après les éléments du train de vie et a maintenu l’existence de ce « dinosaure » fiscal.

273 Alexis Le Quinio

— Décision 2010-90 QPC du 21 janvier 2011, M. Jean-Claude C., JO du 22 janvier 2011, p. 1387.

LA RESPONSABILITÉ SOLIDAIRE DES DIRIGEANTS POUR LE PAIEMENT D’UNE AMENDE FISCALE : GARANTIE ET NON-PUNITION

274 Aux termes des dispositions de l’article 1754 paragraphe V- 3° du Code général des impôts, les dirigeants sont solidairement responsables du paiement de l’amende prévue à l’article 1759 du même code susceptible d’être infligée à la Société ou la personne morale passibles de l’impôt sur les sociétés.

275 En vertu de ces textes, combinés avec l’article 117 du Code général des impôts, les dirigeants de droit ou de fait gestionnaires de la société à la date du versement ou, à défaut de connaissance de cette date, à la date de déclaration des résultats de l’exercice au cours duquel les versements ont eu lieu, sont en effet solidairement responsables du paiement de l’amende dans le cas où la masse des revenus distribués excède le montant total des distributions, tel qu’il résulte des déclarations de la personne morale, et que cette dernière ne répond pas, dans un délai de trente jours, à la demande de renseignement de l’administration sur les bénéficiaires de l’excédent de distribution.

276 C’est ce dispositif du Code général des impôts qui à fait l’objet de la question prioritaire de constitutionnalité commentée.

277 Le 27 octobre 2010, le Conseil constitutionnel a en effet été saisi par le Conseil d’État (décision n° 342925 du 27 octobre 2010), d’une question prioritaire de constitutionnalité fondée, en premier lieu, sur les articles 8 et 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et, en second lieu, sur l’article 16 de la Déclaration de 1789.

278 D’une part, le requérant soutenait que l’article 1754 paragraphe V- 3° serait contraire aux articles 8 et 9 de la Déclaration de 1789, au motif que la solidarité instituerait, à l’égard des dirigeants visés, une peine en violation du principe constitutionnel de la responsabilité personnelle en matière pénale.

279 Le Conseil constitutionnel n’a pas adhéré à cette analyse puisqu’il considère dans sa décision du 27 octobre, que la solidarité ne revêt pas le caractère d’une punition au sens des textes invoqués.

280 Le Conseil relève en effet que le dispositif institué par le Code général des impôts permet au dirigeant qui s’est acquitté du paiement de la pénalité, d’exercer une action récursoire contre le débiteur principal et, le cas échéant, contre les codébiteurs solidaires, conformément aux règles de droit commun.

281 Dès lors, le Conseil assimile la responsabilité solidaire des dirigeants pour le paiement d’une amende fiscale, à une garantie pour le recouvrement de la créance du Trésor public et non pas à une sanction pénale.

282 Cette assimilation de la solidarité à une garantie étant confirmée, ainsi que le relève la décision, par les éléments suivants :

283

  • la pénalité instituée par le dispositif du Code général des impôts frappe la personne morale qui s’est refusée à répondre à la demande de renseignement que lui a adressé l’administration, à l’exclusion des dirigeants de droit ou de fait ;
  • la solidarité n’est pas subordonnée à une faute des dirigeants mais est fondée sur les fonctions exercées par ces derniers au moment du fait générateur de la sanction.

284 Cette décision est intéressante au regard du caractère mixte des amendes fiscales, à la fois répressives et indemnitaires.

285 En l’espèce, le Conseil considère implicitement que la solidarité des dirigeants s’inscrit uniquement dans la dimension indemnitaire de l’amende fiscale, en s’appuyant notamment sur la possibilité pour ces derniers d’exercer l’action récursoire. Du reste, le Conseil rend sa décision au visa non seulement du Code général des impôts et du Livre des procédures fiscales, mais aussi au visa du Code civil en regard des règles relatives à la solidarité.

286 D’autre part, le requérant soutenait que le dispositif institué par le Code général des impôts n’assure pas le respect des droits de la défense, dès lors que les dirigeants sont privés du droit de s’opposer aux poursuites et d’exercer un recours juridictionnel effectif permettant de contester le bien-fondé et l’exigibilité de la pénalité.

287 Le Conseil réfute cet argument considérant que le Livre des procédures fiscales et son application par les juridictions compétentes, offrent aux dirigeants de droit ou de fait concernés les voies de recours idoines, ce qui ne contrevient pas aux dispositions de l’article 16 de la Déclaration de 1789.

288 Gilles Mathieu

— Décision n° 2010-91 QPC du 28 janvier 2011, Fédération nationale CGT des personnels des organismes sociaux [Représentation des personnels dans les agences régionales de santé], JO du 29 jan vier 2011, p. 1894

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, GARANT DE L’EFFECTIVITÉ DU PRINCIPE DE PARTICIPATION

289 La question de l’admission du bénéfice des droits à valeur constitutionnelle des travailleurs [220] aux agents de droit public a toujours été l’une des préoccupations majeures de la doctrine travailliste du droit constitutionnel. Plus encore, et ce au nom du principe constitutionnel d’égalité de traitement, le Conseil constitutionnel a toujours eu à cœur de veiller à l’application des dispositions favorables du Code du travail aux personnels de tous secteurs d’activité confondus. La décision n° 2010-91 QPC du 28 janvier 2011, rendue sur le fondement de l’alinéa 8 du Préambule de 1946, en apporte le témoignage, précisant les conditions et modalités d’exercice du principe de participation dans le domaine de la fonction publique de l’État. Alors que le Conseil constitutionnel était saisi d’une QPC tendant à lui faire apprécier la conformité des dispositions de l’article 118 de la loi du 21 juillet 2009 à la Constitution et, plus précisément, au huitième alinéa du Préambule de 1946, il souligne la possibilité discrétionnaire conférée par le constituant au législateur pour édicter des normes de réglementation du principe de participation. Les juges ont précisé à cette occasion le degré d’exigence du pouvoir législatif, qui ne peut s’accommoder des souhaits au caractère parfois arbitraire exprimés par les partenaires sociaux. Au travers du huitième alinéa du Préambule, une démonstration particulièrement convaincante a été réalisée par le Conseil sur la constitutionnalité de l’article L 1432-11 du Code de la santé publique. Il en ressort l’obligation incombant aux représentants des travailleurs et des employeurs de respecter le pouvoir discrétionnaire du législateur dans l’accomplissement de son office.

I – LA CONSTITUTIONNALITÉ DE L’ARTICLE L 1432-11 DU CODE DE LA SANTÉ PUBLIQUE

290 La requérante en l’espèce était la Fédération nationale CGT des personnels des organismes sociaux. Il était reproché à l’article L 1432-11 du Code de la santé publique, dans sa nouvelle version [221], d’être contraire aux dispositions du huitième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 aux termes duquel « tout travailleur participe par l’intermédiaire de ses délégués à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu’à la gestion de l’entreprise ». Par le biais de la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (dite « HPST »), le législateur a en effet procédé à une restructuration des institutions représentatives du personnel dans le domaine de la santé. Les agences régionales de la santé – aux champs d’intervention plus larges – ont été substituées aux traditionnelles agences régionales de l’hospitalisation, l’office attribué à ces nouveaux organismes étant de prendre en charge la politique de la santé et les stratégies de régulation du système de santé à l’échelle de la région. C’est pour permettre la faisabilité de cette opération que les conditions prévues à l’article 15 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ont été modifiées par l’article 118 de la loi HPST. Ces modifications, dont les termes sont en partie consacrés à l’article L 1432-11 du Code de la santé publique, emportent un changement notoire : le nouveau texte prévoit, dans chaque agence, l’instauration d’un comité d’agence et d’un comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail investis d’une compétence générale pour représenter l’ensemble du personnel. Les griefs formulés par l’auteur de la saisine portent sur la compétence et la composition du comité d’agence. La requérante reproche à la loi du 21 juillet 2009, dans sa rédaction issue de son article 118, d’avoir méconnu le principe de participation des travailleurs, « faute de prévoir, d’une part, l’élection des représentants des personnels de droit public et de droit privé par des collèges électoraux différents et, d’autre part, la consultation distincte de ces personnels sur les questions qui les concernent directement » [222].

291 Après le renvoi inédit de la Haute juridiction administrative [223], le Conseil constitutionnel devait préciser la position de conformité des prescriptions de l’article L 1432-11 du Code de la santé publique aux droits et libertés garantis par la Constitution. Le législateur est-il autorisé à exercer sa mission à la lettre de la Constitution ou doit-il se sentir lié par les injonctions des délégués syndicaux pour fixer les conditions qui régissent le principe de participation ? Qu’en était-il de la constitutionnalité de la disposition incriminée ? Pour le Conseil, garant de l’effectivité des droits fondamentaux (au rang desquels figure le principe de participation aussi bien des salariés que de toutes les personnes non nécessairement liées à l’employeur par un contrat de travail [224]), la réponse est claire : « l’article L 1432-11 précité assure une représentation effective de l’ensemble des personnels au sein des comités d’agence » [225]. La loi du 21 juillet 2009, dans son article 118, a ainsi été considérée comme remplissant les conditions de compatibilité au huitième alinéa du Préambule, dans la mesure où « le principe de participation à la détermination des conditions de travail n’imposait pas au législateur de prévoir l’existence de collèges électoraux distincts pour la désignation des représentants des personnels des agences régionales de santé » [226], d’où la possibilité également laissée au législateur de projeter une consultation mutualisée sur une question non moins identique [227].

II – LE POUVOIR DISCRÉTIONNAIRE DU LÉGISLATEUR

292 Ce qui retient particulièrement l’attention dans cette décision, c’est le considérant classique auquel les juges se sont référés pour répondre à l’auteur de la saisine. Depuis sa décision Emploi des jeunes du 5 juin 1977, dès que se trouve menacé le domaine de compétence réservé du législateur (ou quand le besoin se manifeste d’affirmer l’étendue des exigences qu’elle renferme), le Conseil constitutionnel a pour habitude de recourir à un considérant pour le moins péremptoire pour faire connaître la nécessité de respecter le partage constitutionnel de compétences entre le pouvoir législatif et les partenaires sociaux. Mobilisant à nouveau ce considérant au service des personnels soumis à un régime de droit public, le juge constitutionnel précise que « si le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 dispose, en son huitième alinéa que, “tout travailleur participe par l’intermédiaire de ses délégués à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu’à la gestion de l’entreprise”, l’article 34 de la Constitution range dans le domaine de la loi la fixation des garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires civils de l’État ainsi que la détermination des principes fondamentaux du droit du travail ; qu’ainsi c’est au législateur qu’il revient de déterminer, dans le respect du principe énoncé au huitième alinéa du Préambule, les conditions et garanties de sa mise en œuvre » [228].

293 En rendant la décision du 28 janvier 2011, les juges ont franchi un nouveau seuil dans l’élaboration de leur jurisprudence [229], témoignant de la volonté accrue et soutenue de ne pas exclure les agents de la fonction publique du bénéfice des prescriptions de l’alinéa 8 du Préambule de 1946. Davantage, ils ont renforcé la portée de ce bénéfice par le souci de préserver les périmètres d’intervention dévolus en matière sociale à chaque acteur normatif, ainsi qu’ils l’ont déjà plusieurs fois démontré, notamment par le refus opposé au président d’une chaîne de radiotélévision de méconnaitre la réserve de compétence législative lorsqu’il cherche à assurer un service normal en cas de grève [230]… Bref, les modalités d’aménagement du principe de participation relève du seul chef du législateur. Il lui est loisible de préférer le régime de la communauté de traitement là où les délégués syndicaux peuvent opter pour une application disjointe des règles. Le rejet de la présente requête est sans conteste conforté par le caractère évolutif de l’idée selon laquelle « l’accord des sujets de droit [est] une condition nécessaire à la légitimité des règles qui les obligent », ce qui se traduit sur un plan juridique dans le cas d’espèce par la prétention des syndicats de vouloir imposer au pouvoir législatif les modalités d’exercice de sa mission. Les partenaires sociaux doivent assurément être impliqués dans le processus d’élaboration des normes en matière sociale [231]. Mieux, une telle implication est nécessaire pour le rayonnement de l’optimum de la démocratie sociale. On ne peut toutefois en dire autant lorsque la nécessité d’implication – au ressort absolument démocratique – serait susceptible de faire des organisations syndicales des censeurs impénitents de l’activité normative du législateur dont la légitimité provient du texte fondamental. Somme toute, la décision du 28 janvier semble avoir trouvé le bon équilibre, entre l’exigence de faire participer les syndicats à la confection des normes sociales et la priorité de garantir le pouvoir discrétionnaire de l’autorité législative. Les éléments de preuve de garantie effective du huitième alinéa du Préambule s’en trouvent de fait apportés. Il est souhaitable de voir perdurer cette tendance [232] jurisprudentielle du Conseil constitutionnel qui sanctuarise le principe de participation et, par phénomène d’interdépendance, la catégorie des libertés collectives des travailleurs [233], sous les ors d’une plus large distribution de son bénéfice et d’une vigilance particulière observée sur les tentatives des organisations syndicales de tenir la plume du Parlement.

294 Ahmed Bello

— Décision n° 2010-92 QPC du 28 janvier 2011, Mme Corinne C. et autre [Interdiction du mariage entre personnes de même sexe], JO du 29 janvier 2011, p. 1894.

CONSTITUTION ET HOMOSEXUELS : UN MARIAGE EN SUSPENS ?

295 Les modèles classiques du couple et de la famille sont aujourd’hui en pleine mutation tant en France que dans l’ensemble des systèmes occidentaux. De nombreuses études révèlent ainsi un phénomène de diversification toujours plus accru des cadres institutionnels régissant la vie des couples hétérosexuels et homosexuels [234]. Dans ce contexte, la particulière centralité de la question prioritaire de constitutionnalité n° 2010-92 QPC, intitulée Mmes Corinne C. et autre[235], relative à l’interdiction du mariage homosexuel, est évidente en ce qu’elle relance d’une part, la question de la signification positive de la liberté de mariage et d’une manière plus générale, du droit à la famille, et offre, d’autre part, au juge constitutionnel, l’opportunité d’exercer un contrôle a posteriori inédit sur le rapport de la norme au couple homosexuel. Dans un arrêt rendu en date du 16 novembre 2010, la Cour de cassation décida de renvoyer au Conseil constitutionnel, une QPC portant sur la conformité à l’article 66 de la Constitution des articles 75 et 144 du code civil, qui semblent interdire de facto le mariage entre personnes de même sexe en exigeant l’altérité sexuelle des conjoints comme une condition primordiale présidant à sa réalisation [236]. Sollicitant ainsi l’expertise du juge constitutionnel, la Cour de cassation excipe d’un tel recours, le caractère nouveau et fondé de son objet, au regard notamment du fait qu’une telle question fait aujourd’hui : « l’objet d’un large débat dans la société, en raison, notamment, de l’évolution des mœurs et de la reconnaissance du mariage entre personnes de même sexe dans les législations de plusieurs pays étrangers » [237]. Devant le caractère inédit de la mise en œuvre de cette condition [238], de nombreuses études ont pu constater la prévalence de la dimension sociétale d’une telle exigence sur son utilité purement technique [239]. Il est indéniable en effet, que sous couvert de l’intérêt juridique de cette question de constitutionnalité, vient se greffer un conflit de valeurs proprement contemporain et récurrent : la controverse sur l’opportunité de légaliser l’accès à l’institution historique du mariage aux personnes homosexuelles.

296 Sur le fond, l’argumentaire des requérantes, auquel se sont ajoutées les observations de plusieurs associations, invoque la violation du principe de liberté individuelle, de la liberté de mariage, du droit de mener une vie familiale normale et enfin, du principe d’égalité. Sur l’opportunité du premier moyen, le Conseil lui réserve un examen constitutionnel particulièrement sommaire, justifié par la constance de sa jurisprudence relative à l’article 66 de la Constitution, essentiellement réservée aux mesures privatives de liberté [240]. Ainsi privé de son caractère utile, en raison de l’objective désuétude d’un tel argument, le moyen tiré de la violation du principe de liberté individuelle, ne pouvait qu’être directement évacué par le juge constitutionnel, non sans avoir au préalable rappelé le caractère proprement autonome du concept de liberté personnelle [241] auquel se rattache dorénavant la liberté de mariage. En revanche, l’examen constitutionnel réservé à cette dernière est quant à lui révélateur du pragmatisme suivi en la matière par le juge constitutionnel dans le même temps qu’il constitue la clef de voûte de son raisonnement. Dans un premier temps en effet, le Conseil remarque que la fixation du régime relatif « à l’état et la capacité des personnes, les régimes matrimoniaux, les successions et libéralités » [242] et ses potentialités d’évolutions relèvent, en vertu de l’article 34 de la Constitution, de la compétence exclusive du législateur sous la seule réserve que celui-ci ne prive pas « de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel » [243]. Ce faisant, le Conseil notifie implicitement que du respect du droit de mener une vie familiale normale et du principe d’égalité, dépendra l’intégrité constitutionnelle de la liberté de mariage vis-à-vis des dispositions attaquées.

297 Ainsi érigés au rang de normes de référence décisives, ces derniers deviendront les paramètres essentiels du contrôle de constitutionnalité opéré par le Conseil, et permettront in fine de déterminer si la liberté de mariage implique pour les couples de même sexe, l’accès à cette institution. Dans un tel contexte, l’enjeu politique et social de cette saisine apparaît fondamental, en ce qu’il permet au juge de questionner ces droits sur leur potentiel de rayonnement dans le contentieux constitutionnel. À cet égard, la doctrine a pu remarquer que l’excessive « politisation » des recours en matière de droit de la famille a longtemps eu pour effet de concentrer le contrôle de constitutionnalité du juge, sur quelques points, parfois juridiquement secondaires de la liberté du mariage et du droit de mener une vie familiale normale [244]. Celle-ci suppose également une clarification du statut des droits de la communauté homosexuelle au mariage et plus généralement à la famille, via le raisonnement d’un juge constitutionnel qui, nous le verrons, se veut à la fois prévisible, prévoyant et particulièrement habile quant à l’interprétation qu’il avance des moyens de droit soulevés par les parties (I). Situant ainsi sa décision dans une sorte d’« instantané-présent » valant également pour l’avenir, ce dernier tend à se prémunir d’une manière particulièrement judicieuse, des effets in futurum de l’évolution potentielle de cette question sur le plan législatif, dans le même temps qu’il valide la constitutionnalité des dispositions invoquées (II).

I – LA QPC RELATIVE AU MARIAGE HOMOSEXUEL : ENTRE TRADITION ET MODERNITÉ, LECTURE D’UN DÉNOUEMENT CONSTITUTIONNEL ATTENDU

298 Dans un premier temps, le Conseil constitutionnel, fidèle à la conception traditionnelle de la famille entérinée par le droit français, livre dans le cadre de son raisonnement une approche particulièrement restrictive du droit de mener une vie familiale normale (A), tandis que dans un second mouvement, celui-ci semble faire preuve d’innovation et d’originalité en arrêtant une lecture à double emploi du principe d’égalité n’interdisant pas l’évolution, dans un sens progressiste, de cette question (B).

A – L’aspect traditionnel : la reconnaissance d’une conception restrictive du droit de mener une vie familiale normale

299 À la différence du principe de liberté individuelle et de la liberté du mariage, rapidement écartés par le juge, le moyen tiré de la violation du droit de mener une vie familiale normale génère un traitement plus approfondi. En effet, l’intérêt de l’examen d’un tel moyen par le juge constitutionnel est notable en ce qu’il soulève la question particulièrement utile de la signification positive de ce droit. Puisant de ce constat l’un des aspects les plus essentiels de son étude, le moyen spécifique dont est saisi le juge constitutionnel pose ainsi la question centrale du rapport de la norme au couple et à la famille, non plus dans une optique ex post de la constitution de ces derniers mais bel et bien dans une perspective ex ante à leur statut. Le droit de mener une vie familiale normale implique-t-il la faculté pour les couples homosexuels d’accéder à un statut familial identique à celui des personnes hétérosexuelles et in fine aux mêmes règles matrimoniales ? Le Conseil dans son considérant n° 5, fournit un premier élément de réponse prévisible à la vue de l’historique jurisprudentiel de ce droit, et se base sur une conception traditionnelle de la famille en constatant que : « le droit de mener une vie familiale normale n’implique pas le droit de se marier pour les couples de même sexe ». En effet, après avoir rappelé le contenu du dixième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 [245], duquel résulte le droit de mener une vie familiale normale, le Conseil indique qu’en l’état actuel du droit, l’examen constitutionnel de cette liberté ne saurait aboutir à la reconnaissance d’un statut juridique déterminé ni même d’un droit à une identité de statuts matrimoniaux entre personnes homosexuelles et hétérosexuelles. Le rayonnement de ce droit semble dans cette optique, limité tant d’un point de vue temporel que matériel par la lecture qu’en fait le Conseil. En effet, ce dernier n’assure que « le développement » de la famille non sa création, il ne peut dès lors être légitimement invoqué à l’appui de sa formation. Du point de vue matériel, le droit de mener une vie familiale normale semble également circonscrit par le Conseil au droit de ne pas subir d’ingérences excessives de la part du législateur. Il ne vise en effet que la faculté particulière pour les individus de mener le mode de vie qu’ils souhaitent, indépendamment de toute créance détenue dans l’obtention d’un statut juridique spécifique [246]. Prenant ainsi acte du caractère proprement défensif de ce droit, le juge constitutionnel nous livre une conception restrictive de ce dernier, rejoignant in fine sa propre jurisprudence d’application stricte quant à ce principe [247]. Toutefois, dans une telle optique, il est donc possible d’affirmer qu’a contrario, si l’exclusion systématique des couples homosexuels du statut marital matérialisait dans les faits, une privation du droit d’adopter le mode vie souhaité, celle-ci pourrait constituer une atteinte au droit de mener une vie familiale normale. Évacuant implicitement la portée de cet argument, le juge constitutionnel relève que les dispositions attaquées « ne font pas obstacle à la liberté des couples de même sexe de vivre en concubinage » ni « de bénéficier du cadre juridique du pacte civil de solidarité » [248]. Il tire ainsi de l’existence de moyens juridiques alternatifs à la vie commune, autre que le mariage, une condition suffisante du respect de l’intégrité de ce dernier. C’est donc ici la diversité des cadres institutionnels régissant la vie de couple en droit français qui rend inefficace ce moyen alors même que celle-ci n’occupe qu’une fonction subsidiaire devant l’exclusion traditionnelle des couples homosexuels du bénéfice de la liberté de mariage [249]. Par ailleurs, il est tentant de se demander si, au vu de la promptitude du recours effectué par le Conseil aux cadres juridiques du concubinage et du Pacs, celui-ci n’en tire pas déjà la conséquence qu’en leur absence, une atteinte au droit de mener une vie familiale normale serait caractérisée. En outre, le contrôle du juge constitutionnel semble se restreindre à une expertise portant plus sur les conditions de fait de la réalisation de l’égalité entre les couples au travers de leur capacité à vivre en commun que sur l’évaluation concrète de la constitutionnalité des disparités juridiques présidant à leurs statuts. Par ailleurs, il semble intéressant de relever la très grande latitude dont dispose le juge constitutionnel dans le cadre de la modulation de l’intensité de son propre contrôle des règles générales régissant le statut de la famille [250]. En effet, la dimension restreinte du contrôle de constitutionnalité à laquelle le Conseil a décidé depuis plusieurs années d’assujettir l’évaluation du respect d’un tel droit [251], limite ainsi considérablement le rayonnement potentiel de ce dernier. Au-delà cette fois du fond du raisonnement constitutionnel du juge, il semble intéressant de remarquer que formellement, celui-ci aurait pu combiner l’étude de ce moyen avec le principe d’égalité ou la liberté de mariage, et livrer ainsi une tout autre interprétation des implications de la fusion de ces deux principes. Dans ce cadre en effet, conformément à l’aspect profondément social des dispositions du Préambule dégagé par le Conseil lui-même et à la nécessité d’évolution du droit en accord avec l’esprit de la modernité, une conception extensive du droit de mener une vie familiale normale combinée avec le principe d’égalité, aurait très bien pu aboutir à la création d’un droit pour les personnes homosexuelles à l’obtention d’un statut de famille identique à celui des personnes hétérosexuelles.

B – L’aspect contemporain : la consécration d’une lecture à double emploi du principe constitutionnel d’égalité

300 Dans un second temps, le juge constitutionnel se livre à un examen de fond du principe d’égalité, afin d’identifier l’atteinte éventuelle portée par les dispositions du Code civil à l’intégrité de ce dernier. Plusieurs points de contrôle concentrent à cet effet, l’évaluation de l’action du Parlement dans la réalisation d’un tel principe. Le Conseil veille dans un premier temps, sur le fondement de l’article 34, à ce que le législateur exerce pleinement la compétence qu’il détient de la Constitution et ce, selon une double exigence jurisprudentielle, tant quantitative que qualitative. L’aspect quantitatif réside dans l’obligation particulière qui est faite au législateur, depuis une décision rendue en date du 26 janvier 1967, d’épuiser sa propre compétence [252]. L’aspect qualitatif, s’observe dans l’exigence traditionnelle faite à ce dernier, dans le cadre de la mise en œuvre de son pouvoir de modification ou d’abrogation des lois existantes, de ne pas priver de garanties légales des exigences à caractère constitutionnel [253]. Une condition centrale d’ailleurs rappelée à deux reprises par le juge constitutionnel dans son raisonnement [254]. En revanche, le Conseil rappelle au sein de cette décision, qu’il ne saurait se résoudre à effectuer un contrôle portant en réalité, sur l’opportunité d’une loi : « Il n’appartient pas au Conseil constitutionnel de substituer son appréciation à celle du législateur » [255]. Ce recours traditionnel à la spécialisation des compétences qu’entérine la Constitution constitue dans un premier temps, un obstacle de nature technique à l’activisme du juge constitutionnel en la matière. Il incombe au seul Parlement le devoir de légiférer et de garantir au travers de ce dernier, la protection effective des droits et libertés de l’individu. L’automaticité et la fréquence, dans cette décision, d’un tel renvoi ne doivent pas toutefois, occulter la dimension politique des notions de famille et de mariage, bases mêmes de l’organisation sociale, qui s’érige ici également, en facteur de contrainte dans le cadre de l’interprétation du juge constitutionnel. Le caractère politique de la famille induit en effet, une légitimité exclusive de la représentation nationale pour trancher les questions qui lui sont relatives. De cette imbrication substantielle découlent le renvoi – idéo – logique du juge au législateur mais également la nécessité de trancher une telle question par le truchement de la loi qui porte avec elle l’impératif d’égalité [256]. Cependant, comme le rappelle le Conseil depuis une célèbre jurisprudence [257], la nature égalitaire de la loi n’empêche pas le traitement différent de situations différentes pourvu que la différence de traitement en résultant : « soit en rapport direct avec la loi qui l’établit » [258]. Ainsi, le Conseil constitutionnel ne peut que constater la différence objective de situation entre un couple hétérosexuel et un couple homosexuel et légitimer ainsi la distinction opérée par le législateur. Toutefois, en relevant le maintien par ce dernier du : « principe selon lequel, le mariage est l’union d’un homme et d’une femme », le Conseil reconnaît que le bénéfice du mariage est le privilège exclusif des personnes hétérosexuelles et que le seul fait pour une personne de ne pas correspondre à cette orientation, la prive de factod’une égalité si ce n’est matérielle du moins juridique devant les règles matrimoniales [259]. Il est du reste, ici intéressant de remarquer que le Conseil reste particulièrement laconique quant à la nature de l’objet réel poursuivi par les dispositions attaquées [260]. En outre, il semble utile de noter que cet appel multiple fait à la technicité de la norme, par le biais de références expresses à l’article 34 de la Constitution, revêt en elle-même d’importantes potentialités de variations. En effet, si au sein de cette décision, le juge constitutionnel se révèle particulièrement prompt à renvoyer le traitement de la question du mariage homosexuel au législateur, il convient de noter que celui-ci semble parfois s’octroyer un périmètre certain d’autodétermination s’agissant de l’opportunité même d’apprécier les conditions juridiques d’un tel renvoi. À ce titre, le Conseil semble disposer d’un pouvoir d’appréciation indéterminé de ce qui relèvera strictement ou non du pouvoir d’appréciation du législateur [261]. Enfin, il est utile de relever que, de l’interprétation combinée du principe d’égalité et de l’article 34 de la Constitution, résulte une surprenante neutralité semblant judicieusement conduire tant au maintien d’un statu quo en matière de législation sur le mariage qu’à l’évolution législative potentielle de cette question dans un sens plus favorable aux couples homosexuels. En définitive, le principe d’égalité tel que consacré par l’article 6 de la DDHC, ne donne pas non plus lieu en l’état actuel du droit, à une obligation positive de légiférer en matière de règles matrimoniales, et encore moins, un droit à la communauté homosexuelle de bénéficier d’un statut objectivement pris en compte par la liberté de mariage. Or, si le mariage est effectivement une composante de la liberté personnelle incluant elle-même le droit à l’autodétermination individuelle de la personne, la condition tenant au genre de celle-ci, ainsi qu’à son orientation sexuelle ne saurait être utilement invoquée en ce qu’elle-même est susceptible de constituer une discrimination fondée sur l’identité de genre. À moins toutefois, que l’on considère que la condition homosexuelle en droit français ne fasse l’objet que d’une saisie elliptique par le droit constitutionnel. Ce dernier, ne sanctionnerait dès lors, que les seules atteintes portées aux droits de cette communauté, sans pour autant pouvoir exciper de l’existence de celle-ci de véritables droits, spécialement au mariage et à la famille, en raison des références traditionnelles en fonction desquelles se fixe leur définition. En tout état de cause, la persistance du renvoi à la compétence du législateur au sein de cette décision est d’autant plus utile au juge constitutionnel qu’elle lui évite de trancher une question de société suscitant de vives controverses [262].

II –– LE REFUS MODÉRÉ D’UN ACTIVISME JURIDICTIONNEL : UNE RÉPONSE CONSTITUTIONNELLE HABILE ET PRÉVOYANTE

301 En effet, refusant ainsi d’adopter dans cette décision un raisonnement trop tranché, le juge constitutionnel vient préserver l’intégrité de sa jurisprudence sur le plan interne comme externe (A) tandis que dans le même temps, ce dernier choisit de se montrer particulièrement respectueux de la compétence du Parlement, refusant dès lors de s’ériger en législateur (B).

A – Une neutralité préservant le Conseil constitutionnel : une caution interne et externe de sa jurisprudence

302 Revêtant ainsi d’une caution interne sa décision relative à l’interdiction du mariage homosexuel, le Conseil constitutionnel se montre particulièrement prévoyant quant à la position adoptée. En effet, en estimant qu’il appartient au législateur le soin de déterminer que le couple marié est composé exclusivement d’un homme et d’une femme, sont « pour le moment », exclus du champ d’application du mariage les couples de même sexe. Il en résulte qu’a contrario, le couple marié pourra également être formé par deux personnes de sexe opposé ou deux personnes de même sexe, dès lors que le seul législateur considérera opportun de se saisir de la refonte des conditions de fond du mariage. En outre, comme précédemment évoqué, le caractère particulièrement prudent d’un tel raisonnement est révélateur de la haute sensibilité politique d’une telle question. En effet, l’éventuelle modification du code civil ouvrant le mariage aux couples de même sexe, argument essentiel de campagne de plusieurs partis politiques à l’approche des élections présidentielles [263], dans ce cas, n’altérerait ni ne contredirait le sens de cette décision n° 2010-92 QPC. De cette façon, une telle ouverture du régime général du mariage ne relèverait que de la seule appréciation du Parlement, le Conseil constitutionnel se contentant ensuite de valider le choix opéré par le législateur. Et de la même manière, l’on peut également imaginer que par la suite, si le Parlement souhaitait réserver le bénéfice du mariage aux seules couples hétérosexuels et entériner ainsi un régime restrictif vis-à-vis de ces derniers, cette solution suivrait également la même logique. Dans ce contexte, le Conseil préserve ainsi sa jurisprudence et ne lie pas pour l’avenir, souscrivant ainsi à l’impératif d’adaptabilité de la Constitution au regard des évolutions sociétales et du fait social lui-même.

303 Au-delà de la prudence affichée par le Conseil constitutionnel, cette décision n° 2010-92 QPC répond également au standard européen exigé en la matière. Il fournit, par ce biais, une garantie externe à sa position, au regard des prescriptions conventionnelles. Par une interprétation constructive des articles 8 et 14 de la Convention européenne des droits de l’homme, la Cour européenne est venue imposer un standard élevé, allant même jusqu’à condamner la France en matière de discrimination fondée sur l’orientation sexuelle [264]. Sur le sujet plus spécifique du mariage, cette dernière a été récemment appelée à se prononcer dans une affaire Schalk et Kopf contre Autriche sur le fait de savoir si l’interdiction du mariage en fonction d’une orientation sexuelle désignée pouvait être constitutive d’une discrimination. Tout en reconnaissant que la notion de vie familiale a vocation à s’appliquer aux couples de même sexe, la Cour fait évoluer sa jurisprudence en estimant que les couples homosexuels « se trouvent [donc] dans une situation comparable à celle d’un couple hétérosexuel pour ce qui est de leur besoin de reconnaissance juridique et de protection de leur relation » [265]. Dans cette décision, la Cour en quête d’harmonisation des législations nationales, recherche ensuite l’existence d’un consensus européen dans la protection et la reconnaissance d’un statut pour les couples homosexuels. En dépit de l’absence d’un tel consensus, la Cour strasbourgeoise se permet cependant, de relever l’instauration en Autriche d’un partenariat enregistré à destination de la communauté homosexuelle [266]. Par cette constatation, le juge européen semble notifier sa détermination à se saisir de manière significative de la reconnaissance d’un cadre juridique spécifique du couple homosexuel. Dès lors, la prochaine étape, en cas de consensus sur ce point, pourrait vraisemblablement consister en l’instauration d’une obligation pour les États d’accorder un tel statut juridique. Et ce, d’autant plus que la Cour reconnaît également que l’article 12 relatif au droit au mariage doit être appréhendé comme n’incluant pas uniquement le couple composé d’un homme et d’une femme [267]. Si cet arrêt reste encore ambigu sur plusieurs points, en ce qu’il n’avance aucune nouvelle obligation véritable pour les États envers les couples homosexuels, il dénote toutefois, les fortes potentialités d’évolutions futures de cette question. Le Conseil constitutionnel semble quant à lui, prendre les devants d’une telle évolution sur le plan conventionnel, en indiquant la conformité de la législation française avec les prescriptions d’un juge européen que l’on sait particulièrement actif en la matière. En effet, l’unique question posée par les requérantes, dans la mesure où les couples homosexuels ne peuvent se marier, portait sur la constitutionnalité des articles 75 et 144 du code civil. Or, tout en affirmant que le droit de mener une vie familiale normale n’emporte par le droit à un statut juridique, le Conseil prend soin de souligner que les couples homosexuels ne sont pas pour autant, dénués de reconnaissance, ni de protection dans leurs relations, en ce qu’ils peuvent « vivre en concubinage dans les conditions définies par l’article 515- 8 du [code civil] » ou « bénéficier du cadre juridique du pacte civil de solidarité régi par ses articles 515-1 et suivants » [268].

304 Ainsi confronté à un sujet délicat, le Conseil constitutionnel fait preuve d’une certaine habilité pour se prémunir contre d’éventuelles modifications législatives ou jurisprudentielles au niveau européen, tout en jouant la prudence quant au sens donné au principe d’égalité.

B – Une marge de manœuvre laissée au législateur à défaut du juge constitutionnel ?

305 Au-delà de sa prévoyance, la décision du 28 janvier 2011 s’insère avec cohérence dans la lignée jurisprudentielle du Conseil constitutionnel, eu égard aux règles relatives au droit de la famille. En effet, comme le souligne le commentaire officiel de la décision, à la différence du Pacs et du concubinage, « le mariage constitue non seulement un statut du couple mais également l’acte de fondation d’une famille et d’un lien qui produit des effets au-delà de sa rupture » [269]. Cette définition induit plusieurs conséquences sur le statut du couple. Saisi quelques mois plus tôt sur la constitutionnalité de l’article 365 du code civil, qui n’autorise l’adoption simple qu’entre conjoints, le Conseil constitutionnel avait déjà jugé de la constitutionnalité de la disposition législative en cause, en raison de la différence de situation entre les couples mariés et les couples non mariés, justifiant sa position au regard de la prise en compte de « l’intérêt de l’enfant » [270]. Le raisonnement opéré par le juge constitutionnel était alors le même que dans la décision relative au mariage homosexuel, laissant seul le législateur définir le champ d’application de ce qui constitue « l’archétype de la question de société » [271]. Il n’appartient qu’aux seuls couples mariés de bénéficier des avantages de l’article 365 du code civil, c’est-à-dire uniquement les couples hétérosexuels, étant entendu que le mariage constitue « l’acte de fondation d’une famille ». Ainsi, une justification peut être trouvée dans la différence de traitement opérée par rapport aux dispositions relatives au mariage. Force est de constater que, sur cet aspect, le Conseil est resté lacunaire dans son appréciation du principe d’égalité, si ce n’est qu’il a remarqué qu’il existait une différence de fait entre un couple composé d’un homme et d’une femme et un couple composé de deux personnes de même sexe, cette différence de composition du couple justifiant dès lors une différence de traitement laissée à l’appréciation du législateur. À l’issue de ces deux décisions, il convient toutefois de relever que le questionnement général relatif à l’étendue des droits de la communauté homosexuelle au mariage et à la famille semble condamné à évoluer en vase clos. En effet, une lecture combinée de ces dernières décisions démontre, de par le lien étroit fait par le Conseil entre les facultés d’adoption et de mariage, qu’une telle problématique se révèle vouée à un paradoxe insoluble, le refus de l’un conditionnant systématiquement le refus de l’autre. Si l’approche législative relève d’une conception « biologisante » faisant de la procréation, la véritable finalité du mariage, une telle prise de position implique donc également le refus pour les couples homosexuels du bénéfice de ces deux régimes. Partant de ce refus constitutionnel initial, la présente décision ne pouvait raisonnablement pas étendre le régime du mariage, dès lors que celui-ci se trouve également lié aux éléments constitutifs de la famille. Notons toutefois que dans ce cadre précis, l’évolution de la cause homosexuelle connaît des limites qui semblent dépendre bien plus de la réceptivité de la société désignée à un moment donné que du droit positif lui-même. De manière incidente, une telle problématique participe indéniablement d’une réflexion plus globale, tenant à l’identification du rôle détenu, à l’heure présente, par les juridictions constitutionnelles, ainsi qu’à la teneur de la légitimité de leurs prescriptions en la matière. À ce titre, si le juge constitutionnel ne dispose pas d’un « pouvoir général d’appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement », formulation utilisée à de multiples reprises, un tel constat ne caractériserait-il pas une échappatoire proprement utile au juge, pour s’éviter de connaître du contentieux dans le cadre de son contrôle a posteriori, dès lors que l’identité parfaite ne peut jamais s’établir [272] ? En outre, à l’opposé de la position du juge français, il semble nécessaire de relever que plusieurs cours constitutionnelles se sont engagées sur la voie d’un contrôle approfondi fondé sur le principe d’égalité ou de non-discrimination pour accorder des droits aux personnes homosexuelles [273], la Cour supérieure du Québec allant même jusqu’à leur reconnaître la liberté du mariage [274].

306 Loin de ce débat, il apparaît que la solution retenue par le Conseil constitutionnel tend vers un sens tout autre, préservant la liberté d’appréciation du législateur et justifiant la référence à deux reprises à l’article 34 de la Constitution. Le contrôle restreint lui suffit alors pour constater une différence de situation à laquelle est appliqué un traitement différent, sans même que soit recherché l’objectif poursuivi par le législateur. Cette marge de manœuvre laissée au législateur peut alors être regardée comme une limitation du contrôle de constitutionnalité [275] ou comme un équilibre trouvé par le juge constitutionnel, la loi étant de facto limitée dès lors qu’elle contreviendrait à « des exigences de caractère constitutionnel ».

307 Alors que le titre même de la décision du Conseil, « Interdiction du mariage entre personnes de même sexe », pouvait laisser penser à une conception constitutionnelle restrictive du mariage, le juge a préféré une lecture plus nuancée. Par ce dénouement, on ne peut que se féliciter de la retenue du juge constitutionnel de ne pas supplanter la compétence du législateur en lui réservant la définition du couple marié. À l’inverse, il va même jusqu’à responsabiliser ce dernier dans l’exercice de sa compétence [276]. Par ailleurs, il semble opportun de souligner que la limitation qu’il s’impose, préserve l’amplitude de son contrôle, le Conseil constitutionnel étant amené à l’avenir à connaître d’importantes questions de société, à l’image de celle qui lui était posée en l’espèce [277].

308 Sophie Hutier et Tamara Lajoinie

— Décision n° 2010-88 QPC du 21 janvier 2011, Mme Danièle B. ; n° 2010-90 QPC du 21 janvier 2011, M. Jean-Claude C. ; n° 2010-97 QPC du 4 février 2011, Société Laval distribution ; n° 2010-99 QPC du 11 février 2011, Mme Laurence N. ; n° 2010-103 QPC du 17 mars 2011, Société Seras II ; n° 2010-104 QPC du 17 mars 2011, Époux B. ; n° 2010-105/106 QPC du 17 mars 2011, M. César S. et autres.

309 Avec le droit pénal et le droit social, le droit fiscal constitue l’un des domaines privilégiés de la question prioritaire de constitutionnalité. Au cours de la période, huit décisions du Conseil constitutionnel ont été rendues en matière fiscale sur un total de 37 décisions en question prioritaire. Le contentieux constitutionnel fiscal représente un peu plus de 20 % des décisions rendues sur la période en vertu de l’article 61-1 de la Constitution. Le début de l’année 2011 révèle de manière flagrante la tournure que prend le contentieux prioritaire de constitutionnalité dans le domaine fiscal. Deux champs demeurent ainsi privilégiés : celui de l’égalité (I) et celui de la répression fiscale (II).

I – UN PRINCIPE D’ÉGALITÉ RÉCURRENT

310 La question prioritaire de constitutionnalité en matière fiscale s’était déjà fortement concentrée au cours de l’année 2010 autour du principe d’égalité dans ses multiples déclinaisons. Le début de l’année 2011 ne dément pas cette tendance car trois décisions ont porté sur le principe d’égalité et ont conduit à deux abrogations et une interprétation sous réserves. Deux facettes du principe d’égalité ont été soulevées par les requérants.

A – L’égalité devant la loi : un principe au succès incertain (88 QPC)

311 Bien présente en matière fiscale en conséquence du principe de légalité fiscale exprimé par l’article 34 de la Constitution, l’égalité devant la loi est invoquée mais sans trop de succès. Cela peut s’expliquer par le caractère assez général de l’égalité devant la loi mais aussi car le plus souvent l’égalité devant la loi est utilisée en combinaison avec l’égalité devant les charges publiques. Le Conseil constitutionnel préférera le plus souvent admettre l’égalité devant les charges publiques au détriment de l’égalité devant la loi. La décision 88 QPC du 21 janvier 2011 [278] (rendue sur renvoi du Conseil d’État [279]) ne fait pas exception à cette pratique car le Conseil constitutionnel admettra la rupture d’égalité devant les charges publiques après avoir constaté l’absence de violation du principe d’égalité devant la loi (pour plus de détails, voir supra, Alexis Le Quinio, p. 608). En effet les pouvoirs de l’administration fiscale se trouvent suffisamment encadrés par le législateur. Le Conseil observe ensuite que l’objectif de la loi était de mettre en œuvre l’objectif de valeur constitutionnelle de lutte contre la fraude fiscale [280] et que dans ce but il a institué une discrimination entre les contribuables ayant un train de vie disproportionné par rapport à leurs revenus et les autres contribuables. En conséquence le Conseil constitutionnel considère que cette discrimination qui est en rapport direct avec l’objet de la loi ne porte pas atteinte au principe d’égalité devant la loi.

312 En revanche le Conseil ne se prononce pas sur la question du 1er alinéa de l’article 168 qui rend le mécanisme applicable dès lors que la base d’imposition excède les 40 000 euros (revalorisés comme le barème de l’impôt sur le revenu). Le Conseil constitutionnel pouvait cependant difficilement reconnaître la rupture d’égalité devant la loi alors que l’article 168 du Code général des impôts souvent critiqué n’a eu de cesse d’être perfectionné et amélioré dans la perspective d’une meilleure garantie des droits des contribuables.

313 La requérante obtiendra toutefois gain de cause (il est vrai partiellement) sur le terrain du principe d’égalité devant les charges publiques.

B – L’égalité devant les charges publiques (88 QPC, 97 QPC, 99 QPC)

314 Reposant sur l’article 13 de la déclaration de 1789, le principe d’égalité devant les charges publiques connaît davantage de succès que le principe d’égalité devant la loi.

315 La décision 88 QPC reconnaît une violation de l’égalité devant les charges publiques en ce qui concerne le 2 de l’article 168 du Code général des impôts qui instaure en quelque sorte une majoration automatique et surtout déconnectée des éléments du train de vie qui doivent être pris en considération pour l’imposition forfaitaire des contribuables visés concernés par l’article 168 du Code général des impôts. Dans ces conditions le Conseil constitutionnel a considéré « qu’en ne se fondant plus sur le barème fixé au 1 pour évaluer la base d’imposition dès lors qu’un certain nombre des éléments de train de vie utilisés pour définir l’assiette est dépassé, le législateur a retenu un critère qui n’est ni objectif ni rationnel et fait peser, le cas échéant, sur certains contribuables une charge excessive au regard de leurs facultés contributives ». En effet, le lien entre les revenus « réels » du contribuable et son imposition est rompu et dès lors ce dernier peut être soumis à une imposition excessive au regard de ses capacités contributives. En l’espèce il a considéré que le 2 de l’article 168 du Code général des impôts risquait de faire peser sur certains contribuables une charge excessive eu égard à leurs facultés contributives. On remarquera que le principe d’égalité peut faire obstacle à des sanctions déguisées en forme de majorations ce qui est assez souvent le cas dans le domaine fiscal.

316 Dans le même ordre d’idée le Conseil a interprété sous réserve les, 1, 2 bis et 3 de l’article 168 du Code général des impôts. La disposition en cause autorise le contribuable à « apporter la preuve que ses revenus ou l’utilisation de son capital ou les emprunts qu’il a contractés lui ont permis d’assurer son train de vie »[281]. Le contribuable peut ainsi apporter la preuve que l’administration s’est trompée dans l’évaluation forfaitaire et qu’il a pu mener un train de vie sans pour autant disposer des revenus supposés par l’administration. Cette question est sans doute l’une des plus délicates en ce qui concerne la procédure de l’article 168 du Code général des impôts et de l’article L. 63 du Livre des procédures fiscales. Elle donne lieu à un abondant contentieux [282]. La difficulté tient à ce que des contribuables peuvent disposer des mêmes revenus sans avoir les mêmes éléments de train de vie. C’est là la principale faiblesse du système de l’évaluation forfaitaire d’après les éléments du train de vie au regard du principe d’égalité. Le Conseil constitutionnel a en quelque sorte neutralisé la loi en permettant aux contribuables de prouver la disjonction entre les éléments du patrimoine qu’il détient et la possession (présumée par l’administration) des revenus définis forfaitairement.

317 Le contribuable conserve bien entendu le droit de contester la base forfaitaire retenue par l’administration lors de la contestation de son imposition [283].

318 Le Conseil constitutionnel a également examiné cette fois sans censure ni réserve la discrimination même opérée par l’article 168 du Code général des impôts. Cette discrimination opérée afin de lutter contre la fraude fiscale ne crée pas une rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques et se trouve ainsi validée.

319 L’égalité devant les charges publiques a également conduit le Conseil constitutionnel à prononcer l’inconstitutionnalité de l’article L 2333-5 du Code général des collectivités territoriales dans la décision n° 97 QPC du 4 février 2011 [284] rendue sur renvoi de la Cour de cassation [285]. L’affaire concerne la taxe sur l’électricité créée au profit des collectivités territoriales. L’article L 2333-5 du Code général des collectivités territoriales dans sa rédaction antérieure à la loi du 7 décembre 2010 [286] exonérait certaines entreprises du paiement de la taxe sur l’électricité [287]. Le dispositif plus précisément exonérait de la taxe les entreprises ayant souscrit un contrat avec EDF d’une puissance supérieure à 250 Kilovoltampères (Kva). Toutefois, afin de préserver les finances communales, les entreprises ayant conclu un contrat avant le 5 décembre 1984 [288] restaient soumises à la taxe quand bien même leur fourniture serait supérieure à 250 Kva. Après avoir constaté la discrimination entre les entreprises opérée par l’article L 2333- 5 du CGCT, le juge devait rechercher si la différence pouvait être justifiée. En effet, pour assurer le respect du principe d’égalité le législateur doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu’il se propose. Cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques [289].

320 Le juge constitutionnel a ainsi été amené à rechercher les motifs ayant conduit le législateur à écarter les entreprises du bénéfice de l’exonération. Il considère que cette dérogation n’est fondée que dans le but de préserver l’intérêt financier des collectivités territoriales et qu’aucun autre critère objectif et rationnel ne peut justifier cette discrimination. En conséquence l’article L 2333-5 du code général des collectivités territoriales institue une rupture d’égalité devant les charges publiques et est déclaré pour ce motif contraire à la Constitution. La décision 97 QPC est riche en ce qui concerne l’appréciation de l’intérêt financier et de l’autonomie financière des collectivités territoriales. Le Conseil constitutionnel aurait pu décider que même si les critères de discrimination n’étaient ni objectifs ni rationnels, l’ancien article L 2333-5 du Code général des collectivités territoriales était fondé sur des motifs d’intérêt général. Vu le contexte de tensions sur les finances publiques en général et sur les finances locales en particulier, l’intérêt financier ne doit-il pas évoluer et se confondre aujourd’hui plus qu’hier avec l’intérêt général ? De surcroît l’autonomie financière des collectivités territoriales [290] peut être altérée par cette décision même si le système n’est plus en vigueur depuis 2010 [291].

321 Le principe d’égalité devant les charges publiques a encore été soulevé dans la décision 99 QPC [292] en ce qui concerne le mécanisme de plafonnement de l’Impôt de solidarité sur la fortune (ISF) prévu par l’article 885 V du Code général des impôts [293]. Le Conseil constitutionnel a été appelé en premier lieu à délimiter l’étendue de la question en considérant que celle-ci ne portait que sur la dernière phrase du premier alinéa de l’article 885 V [294]. Cet alinéa institue une limite au plafonnement de l’impôt de solidarité sur la fortune prévu par l’article 885 V [295]. Ce « plafonnement du plafonnement » est porté soit à 50 % du montant de l’impôt dû avant mise en œuvre du plafonnement soit si elle est supérieure à cette somme, au montant de l’impôt correspondant à un patrimoine égal à la limite supérieure de la troisième tranche du barème de l’ISF. En conséquence, ce mécanisme ne concerne que les contribuables dont la valeur du patrimoine excède la limite supérieure de la 3e tranche du barème [296] c’est-à-dire environ 1 700 contribuables. Ce mécanisme de déplafonnement partiel instauré en 1996 a été voulu par le gouvernement afin de contrer les montages consistant à minorer artificiellement les revenus afin que dans le cas d’un patrimoine imposable élevé, le contribuable puisse par le bénéfice du plafonnement obtenir une réduction substantielle de la cotisation d’ISF.

322 La requérante faisait valoir que ce dispositif était contraire au principe d’égalité devant les charges publiques et portait atteinte au droit de propriété. Sur le premier point, la décision concerne les choix opérés par le législateur dans la limitation des avantages fiscaux [297] et la question de savoir si ces choix naturellement discriminatoires portent ou non atteinte au principe d’égalité devant les charges publiques. Après avoir rappelé de manière classique la portée du principe d’égalité devant les charges publiques [298], le Conseil constitutionnel examine la nature de l’ISF en considérant que cet impôt ne figure pas au nombre des impositions sur le revenu et qu’en l’instituant, le législateur a entendu frapper la capacité contributive que confère la détention d’un ensemble de biens et de droits. Il considère ainsi que la prise en compte de cette capacité contributive n’implique pas que seuls les biens productifs de revenus entrent dans l’assiette de l’impôt de solidarité sur la fortune [299]. Le Conseil examine ensuite le mécanisme mis en cause et juge que le législateur ayant fondé son appréciation sur la volonté de contrer les manœuvres d’optimisation de certains contribuables a fondé son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec les facultés contributives de ces contribuables et que cette appréciation n’entraîne pas de rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques. On observera que bien au contraire, le déplafonnement partiel prévu par l’article 885 V du CGI rétablit en quelque sorte l’égalité entre les charges publiques car il s’oppose aux montages réalisés par certains contribuables en vue de s’exonérer du paiement de l’ISF. La loi ne peut cependant séparer le bon grain de l’ivraie et ceux des contribuables qui se voient appliquer le déplafonnement sans avoir mis en œuvre une stratégie d’évitement de l’impôt se trouvent quand même lésés par ce mécanisme qui ne joue, il est vrai, qu’à la marge.

323 Le Conseil constitutionnel considère également mais sans plus d’explications que l’article 885 V du CGI ne porte pas atteinte au droit de propriété [300]. Mais l’examen du respect du droit de propriété est indirectement réalisé au titre de l’égalité devant les charges publiques puisque ce principe découlant de l’article 13 de la déclaration de 1789 implique pour le Conseil constitutionnel que l’impôt ne présente pas un caractère confiscatoire [301]. Illustrant la polymorphie du principe d’égalité, le Conseil ne considère-t-il pas qu’une atteinte excessive au droit de propriété par l’impôt serait constitutive d’une rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques ?

324 Outre l’égalité, les questions prioritaires de constitutionnalité ont porté d’une manière générale sur le droit répressif fiscal.

II – UN DROIT RÉPRESSIF FISCAL RENOUVELÉ

325 Le droit répressif fiscal comprend essentiellement le droit des sanctions fiscales. Il s’agit d’un domaine souvent abordé dans le cadre de la question prioritaire de constitutionnalité. Les justiciables ont bien vite compris l’intérêt de cette nouvelle procédure [302] face à une Cour européenne des droits de l’homme engorgée et coûteuse. Dès lors la question prioritaire constitue une bonne alternative d’autant qu’elle n’exclut pas un éventuel recours devant la Cour européenne des droits de l’homme. De surcroît le droit fiscal répressif est également alimenté en question prioritaire de constitutionnalité des décisions rendues en matière douanière et bien sûr pénale. Durant le premier trimestre 2011, le Conseil constitutionnel a rendu cinq décisions en matière répressive qui concernaient la responsabilité personnelle des dirigeants d’entreprise en matière de paiement d’une amende fiscale (A) et les principes de nécessité, de proportionnalité et d’individualisation des peines (B).

A – Responsabilité personnelle des dirigeants d’entreprise et paiement d’une amende fiscale (90 QPC)

326 Dans la décision 90 QPC [303] le Conseil constitutionnel a été saisi par le Conseil d’État [304] de la constitutionnalité du 3 du paragraphe V de l’article 1754 du Code général des impôts. Cette disposition ne représente en réalité qu’un aspect d’un régime répressif assez particulier qui trouve son centre dans la combinaison des articles 117 et 1759 du Code général des impôts [305] qui visent à réprimer les rémunérations et avantages occultes. Ainsi, lorsque la masse des revenus distribués est supérieure au montant des distributions déclaré par la société celle-ci peut être obligée de révéler l’identité des bénéficiaires des revenus excédentaires ainsi distribués (art. 117 du CGI). Si la société n’obtempère pas, elle peut être condamnée au paiement d’une amende égale à la totalité des sommes en cause (art. 1759 CGI) [306]. La disposition examinée par le Conseil constitutionnel rend solidaires du paiement de l’amende prévue par l’article 1759 divers dirigeants sociaux [307]. Le requérant fait valoir que cette disposition (3 du § 5 de l’article 1754 du CGI) est contraire aux droits de la défense et au principe de responsabilité personnelle en matière pénale.

327 Le principe de responsabilité personnelle en matière pénale ainsi que les droits de la défense reconnus par le Conseil constitutionnel [308], peuvent s’appliquer aux sanctions fiscales par l’extension des principes posés en matière pénale au droit répressif incluant plus largement les sanctions administratives et notamment fiscales [309]. Pour l’instant ces questions n’avaient fait l’objet que d’un examen en question prioritaire de constitutionnalité [310] que le Conseil a rejeté au motif que la disposition en cause (art. 155 A CGI) n’instituait ni une peine ni une sanction ayant le caractère d’une punition. Le Conseil reprend ce raisonnement dans la décision 90 QPC. Il considère en effet que la disposition critiquée institue une solidarité des dirigeants de l’entreprise condamnée au paiement de l’amende prévue par l’article 1759 du CGI. Il s’agit d’une garantie au profit du Trésor public. Dans ces conditions cette solidarité ne peut être considérée comme une sanction ayant le caractère d’une punition. Afin de qualifier la solidarité prévue par le 3 du paragraphe 5 de l’article 1754 du CGI le Conseil emploie la technique du faisceau d’indices [311]. Il observe que : 1er indice/ la disposition a pour objet de déclarer les dirigeants des sociétés solidairement tenus au paiement de la pénalité ; 2e indice/que la solidarité est fondée sur les fonctions exercées par les dirigeants au moment du fait générateur de la sanction ; 3e indice/qu’elle n’est pas subordonnée à la preuve d’une faute des dirigeants ; 4e indice/qu’elle constitue une garantie pour le recouvrement de la créance du Trésor public ; 5e indice/que, conformément aux règles de droit commun en matière de solidarité, le dirigeant qui s’est acquitté du paiement de la pénalité dispose d’une action récursoire contre le débiteur principal et, le cas échéant, contre les codébiteurs solidaires. Le Conseil constitutionnel a donc déclaré avec beaucoup de prudence que la disposition en cause n’instituait pas une sanction ayant le caractère d’une punition. Dès lors le principe de responsabilité personnelle en matière pénale ainsi que celui des droits de la défense ne saurait s’appliquer au cas d’espèce.

328 Le droit au recours juridictionnel effectif soulevait plus de difficultés et son respect a été soulevé d’office par le Conseil constitutionnel. Ce droit s’applique d’une manière plus large et en dehors des seules sanctions fiscales et dès lors la qualification de la mesure n’exonérait pas le Conseil de rechercher si le dispositif de solidarité respectait ou non le droit au juge. Il considère en l’occurrence « que les dirigeants de droit ou de fait solidairement tenus au paiement de la pénalité infligée à la société doivent pouvoir contester tant leur qualité de débiteur solidaire que le bien-fondé et l’exigibilité de la pénalité et s’opposer aux poursuites ; qu’il ressort des dispositions applicables du livre des procédures fiscales, telles qu’elles sont appliquées par les juridictions compétentes, que ces voies de recours leur sont offertes » [312]. Le Conseil a donc recherché ici quelles étaient les voies de recours offertes aux dirigeants solidairement responsables. Il a trouvé que les dirigeants solidaires pouvaient contester le principe de la solidarité à la fois dans le contentieux du recouvrement [313] et dans le contentieux de l’assiette [314]. Il a donc considéré que les voies de recours étaient suffisantes et que les dispositions de l’article 16 de la déclaration de 1789 sur lesquelles repose le droit au recours étaient bien respectées. On pourra être surpris que le Conseil ait soulevé d’office ce point de droit en question prioritaire de constitutionnalité. Il l’a fait en matière fiscale à l’occasion de la décision 2010-28 QPC [315] mais a pris le soin d’en avertir (contentieux semi-concret oblige !) les parties. Comme en matière de déclaration de conformité le Conseil constitutionnel peut donc statuer ultra petita mais bien entendu sa saisine se limite aux seules dispositions renvoyées puisqu’il se refuse de contrôler les décisions de renvoi de la Cour de cassation et du Conseil d’État.

B — Les principes de nécessité, de proportionnalité et d’individualisation des sanctions (103/104/105/106 QPC)

329 Quatre décisions du Conseil constitutionnel, rendues sur renvoi du Conseil d’État, ont porté sur les principes de nécessité, proportionnalité et d’individualisation des peines à propos des articles 1729 et 1728 du Code général des impôts.

330 Dans la décision 103 QPC du 17 mars 2011 [316] était en cause la majoration de 40 % pour mauvaise foi prévue par l’article 1729 du Code général des impôts [317]. Après avoir rappelé les dispositions de l’article 8 de la déclaration de 1789, le Conseil constitutionnel a considéré que cette disposition « vise, pour assurer l’égalité devant les charges publiques, à améliorer la prévention et à renforcer la répression des insuffisances volontaires de déclaration de base d’imposition ou des éléments servant à la liquidation de l’impôt » [318]. En effet toute fraude fiscale peut s’analyser comme une rupture de l’égalité devant les charges publiques et la prévention ainsi que la répression de cette fraude permettent de corriger ces inégalités. Le Conseil a ensuite observé que la loi « a elle-même assuré la modulation des peines en fonction de la gravité des comportements réprimés » [319]. Par ailleurs, le « juge décide, dans chaque cas, après avoir exercé son plein contrôle sur les faits invoqués et la qualification retenue par l’administration, soit de maintenir ou d’appliquer la majoration effectivement encourue au taux prévu par la loi, soit de ne laisser à la charge du contribuable que des intérêts de retard s’il estime que l’administration n’établit pas que ce dernier se serait rendu coupable de manœuvres frauduleuses ni qu’il aurait agi de mauvaise foi ; qu’il peut ainsi proportionner les pénalités selon la gravité des agissements commis par le contribuable ; que le taux de 40 % n’est pas manifestement disproportionné » [320].

331 Dans ces conditions, le 1 de l’article 1729 du Code général des impôts ne méconnaît pas les principes de nécessité, de proportionnalité et d’individualisation des peines posé par l’article 8 de la Déclaration de 1789.

332 Le raisonnement du Conseil pour admettre la conformité de l’article 1729 du Code général des impôts repose sur deux types de considérations [321]. D’une part, la loi a elle-même prévu une modulation de la sanction en cause qui peut être portée de 40 % à 80 % [322]. D’autre part, le juge de l’impôt peut lui-même moduler la sanction car juge de pleine juridiction [323] ; il peut procéder lui-même à la détermination du montant de l’impôt (et ne pas retenir certains éléments que l’administration fiscale avait retenus), décider que le contribuable ne sera astreint qu’au paiement de l’amende de retard ou encore substituer à la sanction de l’article 1729 une autre sanction fiscale.

333 Les trois autres décisions concernent les sanctions prévues par l’article 1728 du Code général des impôts.

334 La décision n° 104 QPC du 17 mars 2011 [324] porte sur le dernier alinéa de l’article 1728 CGI qui prévoit une majoration de 80 % en cas de découverte par l’administration fiscale d’une activité occulte exercée par le contribuable. La question a en réalité déjà été examinée par le Conseil constitutionnel dans le cadre du contrôle a priori [325]. Mais le Conseil n’avait pas visé ladite disposition dans le dispositif de cette décision mais simplement dans les motifs [326]. Le juge constitutionnel avait ainsi décidé qu’une peine ne peut être infligée qu’à la condition que soient respectés les principes de légalité des délits et des peines, de nécessité des peines, et de non-rétroactivité de la loi répressive plus sévère, ainsi que le respect des droits de la défense. Il a observé que la définition d’une activité occulte était faite avec suffisamment de précisions par le Livre des procédures fiscales (notamment son article L 169) et que l’article L 80 D du Livre de procédures fiscales assurait une garantie suffisante du respect des droits de la défense. Il a jugé enfin que cette pénalité ne pouvait se cumuler avec la pénalité de 40 % prévue au même article.

335 La question était donc de savoir si un changement de circonstances avait affecté depuis la décision de 1999 les dispositions en cause. Dans la décision 104 QPC, le Conseil a jugé que tel n’était pas le cas. Il s’agissait de savoir si la reconnaissance du principe d’individualisation des peines postérieure, selon les requérants à la décision de 1999 [327], appelait un réexamen du dernier alinéa de l’article 1728 CGI. Le conseil constitutionnel a jugé que non car le principe d’individualisation de la peine était déjà implicitement compris dans le principe de nécessité des délits et des peines [328], en conséquence il avait déjà été examiné en 1999 lors de l’examen de la disposition en cause.

336 On observera cependant que le Conseil ne vise pas en 1999 le principe d’individualisation de la sanction et que se référer à un examen implicite dudit principe qui existerait sur le fondement de décisions de 1978 et 1981 semble juridiquement hasardeux [329]. Il convient également de relever que le Conseil constitutionnel pour la première fois en QPC [330] se réfère à l’autorité des motifs d’une ancienne décision car le dispositif de la décision de 1999 ne mentionne pas le dernier alinéa de l’article 1729 du CGI (article 103 de la loi de finances pour 2000). Mais en vertu du troisième alinéa de l’article 23-2 et de l’article 23-4 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, il est procédé à la transmission de la QPC si la disposition « n’a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ». Sur ce point l’autorité des décisions s’entend également des motifs dans la mesure où le Conseil ne reprenait pas l’ensemble des dispositions examinées et déclarées conformes dans le dispositif de ses décisions.

337 La décision 105/106 QPC concerne également l’article 1728 du Code général des impôts [331]. Deux requêtes ont été jointes par le Conseil constitutionnel car elles portaient sur les mêmes dispositions [332]. En fait les requêtes concernaient le même article mais l’une dans sa rédaction issue de la loi n° 87-502 du 8 juillet 1987 et l’autre dans sa rédaction issue de la loi du 30 décembre 1999 de finances pour 2000. Le Conseil constitutionnel a observé que la loi de finances pour 2000 n’avait pas modifié les dispositions en cause et qu’il y avait donc lieu de joindre les deux requêtes.

338 Le 2e alinéa du 3 de l’article 1728 CGI prévoit une majoration de 40 % en cas d’absence de dépôt de la déclaration de revenus dans un délai de 30 jours après une mise en demeure par l’administration fiscale adressée au contribuable par lettre recommandée. Il s’agit de l’aggravation de la majoration de 10 % (bien connue) prévue en cas de retard dans le dépôt de la déclaration de revenus [333], qui s’applique lorsque le contribuable persiste dans son silence malgré une mise en demeure.

339 Les requérants faisaient valoir que cette majoration était contraire à l’article 8 de la Déclaration de 1789 en ce qu’elle méconnaissait les principes de nécessité, de proportionnalité et d’individualisation des peines. Contrairement à la décision 104 QPC (dernier alinéa de l’article 1728 CGI) la disposition n’a pas été examinée par le Conseil constitutionnel dans une décision de contrôle a priori. Le Conseil reprend un raisonnement identique à celui retenu dans la décision n° 103 QPC à propos de la majoration prévue par l’article 1729 1 du CGI (dissimulation de revenus occultes). Il considère que la majoration en cause vise, pour assurer l’égalité devant les charges publiques, à améliorer la prévention et à renforcer la répression des défauts ou retards volontaires de déclaration de base d’imposition ou des éléments retenus pour la liquidation de l’impôt. Puis il examine au fond la question de la conformité avec l’article 8 de la Déclaration de 1789 en observant que la loi en prévoyant une modulation (avec trois sortes de majoration 10 %, 40 % et 80 %) a lié la compétence de l’administration fiscale et que le juge peut également moduler ladite majoration [334]. Le Conseil considère enfin que le taux de la majoration (40 %) n’est pas manifestement disproportionné.

340 Les décisions QPC concernant le droit répressif fiscal n’ont pas donné lieu, pour la période considérée, à une censure du Conseil constitutionnel [335]. On peut certes y voir une timidité du juge constitutionnel mais le particularisme des pouvoirs du juge de l’impôt y compris dans le domaine des sanctions fiscales, n’est pas étranger à cette relative clémence. Pour l’instant l’égalité devant les charges publiques demeure le moyen le plus sûr d’obtenir gain de cause devant le juge constitutionnel à l’occasion d’une question prioritaire de constitutionnalité.

341 Éric Oliva


Date de mise en ligne : 07/11/2011

https://doi.org/10.3917/rfdc.087.0547

Notes

  • [1]
    Les grandes décisions du Conseil constitutionnel, n° 45, 16e éd., septembre 2011. A. Levade, « Epilogue d’un débat juridique : l’interdiction de la dissimulation du visage dans l’espace public validée !, » Semaine juridique, Éd. générale, n° 43, 25 octobre 2010, n° 1043 ; F. Dieu « Le droit de dévisager et l’obligation d’être dévisagé : vers une moralisation de l’espace public ? », Semaine juridique, Administrations et collectivités territoriales, n° 48, novembre 2010, p. 35-42 ; B. Mathieu, « La validation par le Conseil constitutionnel de la loi sur “le voile intégral” », Semaine juridique, Éd. Générale, n° 42, 2010, p. 1930-1932 ; D. Rousseau et P.-Y. Gadhoun, chron. et juris. constitutionnelle, RDP, n° 1-2011, p. 278- 280. M. Verpeaux, « Dissimulation du visage, la délicate conciliation entre la liberté et un nouvel ordre public », AJDA, 2010, n° 42, p. 2373-2377.
  • [2]
    Le rapport d’information fait au nom de la mission d’information sur la pratique du port du voile intégral sur le territoire national avait recensé des cas de port de niqab mais non de burqa (rapporteur Éric Raoult, rapport rendu public le 26 janvier 2010).
  • [3]
    Décision n° 2010-625 DC du 11 mars 2011.
  • [4]
    Mais seulement à condition que l’entreprise l’accepte la Cour de cassation ayant rappelé qu’il n’existe pas de liberté de se vêtir à sa guise sur le lieu de travail (arrêt de la Chambre sociale de la Cour de cassation du 28 mai 2003, pourvoi n° 02-40.273).
  • [5]
    Circulaire relative à l’application de la loi interdisant la dissimulation du visage dans l’espace de public adressé par le ministère de l’Intérieur aux préfets et hauts commissaires de la République, p. 4.
  • [6]
    Dans le Coran 24.31, il est écrit simplement : « Dis aux Croyantes de baisser leurs regards, d’être chastes, de ne montrer de leurs atours que ce qui en paraît. Qu’elles rabattent leurs voiles sur leurs gorges ! Qu’elles montrent seulement leurs atours à leurs époux, ou à leurs pères, ou aux pères de leurs époux, ou à leurs fils, ou aux fils de leurs époux, ou à leurs frères, ou aux fils de leurs frères, ou aux fils de leurs sœurs, ou à leurs femmes, ou à leurs esclaves, ou à leurs serviteurs mâles que n’habite pas le désir [charnel], ou aux garçons qui ne sont pas [encore] au fait de la conformation des femmes. Que [les Croyantes] ne frappent point [le sol] de leurs pieds pour montrer les atours qu’elles cachent ! (…) ». Voir plus largement, le rapport de la mission d’information sur la pratique du port du voile intégral, p. 25 et suivantes.
  • [7]
    Voir le rapport de la mission d’information précité, p. 25 et s.
  • [8]
    Sous les réserves émises par le législateur (art 2. II de la loi) et le Conseil constitutionnel (cons. n° 5 de la décision).
  • [9]
    Décisions n° 88-244 DC du 20 juillet 1988, cons. n° 22 (qui dégage cette liberté) et décision n° 2003-484 DC du 20 novembre 2003, cons. n° 94 qui en précise les fondements. Sur cette liberté, voir notamment Alain Pariente « La liberté personnelle dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel », La Constitution et les valeurs, Mélanges en l’honneur de Dmitri Georges Lavroff, Dalloz, 2005, p. 260- 282 et H. Roussillon et X. Bioy (dir.), La liberté personnelle : une autre conception de la liberté ?, Presse de l’Université des sciences sociales de Toulouse, coll. de l’IFR, 2006, 160 p.
  • [10]
    « Droit constitutionnel civil », Jurisclasseur administratif, 1997, fasc. 1449, 1990, p. 5.
  • [11]
    « L’identité de la personne devant le Conseil constitutionnel », cette Revue, 65-2006, p. 94.
  • [12]
    Voir Xavier Bioy, « Le libre développement de la personnalité en droit constitutionnel, essai de comparaison », RIDC, 2003, p. 123 et du même auteur « L’identité de la personne devant le Conseil constitutionnel », cette Revue, 2006, n° 65, p. 95.
  • [13]
    Arrêts Pretty c/ Royaume-Uni, CEDH, 29 avril 2002 ; Christine Goodwin c/Royaume-Uni, CEDH 11 juillet 2002 ; KA et AD c/Belgique, CEDH, 17 février 2005.
  • [14]
    Voir F. Sudre, Droit international et européen des droits de l’homme, PUF, 2006, p. 450-451.
  • [15]
    Xavier Bioy résume très justement cette idée : « Le mouvement contemporain de défense de l’identité comme droit fondamental en liaison avec le concept de personne conduit à la reconnaissance du thème de l’identité personnelle appelant une politique positive de l’État allant bien au-delà de la seule tolérance. Il se heurte à la vigilance du Conseil constitutionnel fervent défenseur du pacte républicain, décelant sous chaque revendication identitaire la poussée d’un groupe concurrent du peuple français », « L’identité… », p. 88.
  • [16]
    Voir les décisions n° 96-377 DC, 2001-446 DC, 2004-498 DC, 2006-539 DC, 2007- 557 DC, 2009-593 DC, 2010-25 QPC, 2010-71 QPC, 2010-80 QPC. La décision n° 94- 343/344 DC, dans laquelle le Conseil constitutionnel a dégagé cette notion à partir du préambule de 1946, pose ce principe de manière très large qui peut sous-entendre une conception « objective » de la dignité, la dignité pouvant alors être sauvegardée par la collectivité au-delà de la liberté de la personne.
  • [17]
    CE, ass., 27 octobre 1995, Commune de Morsang-sur-Orge et ville d’Aix-en-Provence (2 espèces), Rec. p. 372.
  • [18]
    G. Girard et S. Hennette-Vauchez, « Le principe de dignité dans la doctrine administrativiste », in La dignité de la personne humaine. Recherche sur un processus de juridicisation, PUF, Mission droit et justice, 2005, p. 24.
  • [19]
    Voir M. Canedo-Paris, « La dignité humaine en tant que composante de l’ordre public : l’inattendu retour en droit administratif d’un concept controversé » ? RFDA, 2008, p. 979-998.
  • [20]
    Précité, p. 20.
  • [21]
    Voir également en ce sens, B. Mathieu, « La validation par le Conseil constitutionnel de la loi sur le voile intégral », précité, p. 1932.
  • [22]
    Rapport précité, p. 28.
  • [23]
    Garreth Anver Prince v. President of the Cape Law Society et al of 25 January 20022001 (2) BCLR [Butterworth Constitutional Law Report, South Africa] 388 (CC) ; Employment Division, Department of Human Resources of Oregon, et al. v. Smith et al., 494 U.S. 872, 911 (1990). The South African judges appear to have also followed the doctrine debate criticizing the judgment used by them by citing James D. Gordon, Free Exercise on the Mountaintop, 79 Cal. L. Rev., 91 (1991) ; Michael McConnel, Free Exercise Revisionism and the Smith Decision, 57 U. Chi. L. Rev. 1109 (1990) ; Abner S. Green, The Political Balance of the Religion Clauses, 102 Yale L.J., 1611 (1993).
  • [24]
    Le débat est cependant loin d’être terminé car la conventionnalité de la loi, question que nous avons choisi de ne pas aborder dans le cadre limité de cette chronique, n’a pas encore été analysée.
  • [25]
    CC n° 86-225 DC, Loi portant diverses mesures d’ordre social, cons. n° 4.
  • [26]
    L’article 1er de ce texte dispose que « les membres du Parlement ne sont autorisés à déléguer leur droit de vote que dans les cas suivants :
    1° Maladie, accident ou événement familial grave empêchant le parlementaire de se déplacer ;
    2° Mission temporaire confiée par le Gouvernement ;
    3° Service militaire accompli en temps de paix ou en temps de guerre ;
    4° Participation aux travaux des assemblées internationales en vertu d’une désignation faite par l’Assemblée nationale ou le Sénat ;
    5° En cas de session extraordinaire, absence de la métropole ;
    6° Cas de force majeure appréciés par décision des Bureaux des assemblées… ».
  • [27]
    CC n° 2010-609 DC, Loi organique relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution.
  • [28]
    CC n° 61-16 DC, Loi organique modifiant l’ordonnance n° 58-1066 du 2 novembre 1958 autorisant exceptionnellement les parlementaires à déléguer leur droit de vote.
  • [29]
    CEDH, Oneryildiz c. turquie, 30 novembre 2004, n° 48939/99.
  • [30]
    CEDH, n° 46044/99.
  • [31]
    CE, SCP Machoir et Bailly, n° 263944.
  • [32]
    CC n° 2000-440 DC du 10 janvier 2001, Loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine des transports.
  • [33]
    CC n° 2010-14/22 QPC du 30 juillet 2010, M. Daniel W. et autres.
  • [34]
    CC 18 janvier 1985, n° 84-182 DC.
  • [35]
    Cass. civ. 1re, 22 mars 1983, n° 82-10940 et 82-19994.
  • [36]
    CC, n° 2003-489 DC du 29 décembre 2003, Loi de finances pour 2004, cons. 37 ; n° 2007-558 DC du 13 décembre 2007, Loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, cons. 4 ; n° 2008-573 DC du 8 janvier 2009, Loi relative à la commission prévue à l’article 25 de la Constitution et à l’élection des députés, cons. 30.
  • [37]
    Gazette du Palais, 23 au 25 janvier 2011.
  • [38]
    Le second alinéa de l’article L. 222-1 du code de justice administrative dispose que « les juges délibèrent en nombre impair ».
  • [39]
    D. Chauvaux et J. Courtial, « Le décret du 22 février 2010 relatif aux compétences et au fonctionnement des juridictions administratives » AJDA, 2010, p. 605 ; L. Erstein, « La justice administrative menée vers de nouvelles règles de compétence et de fonctionnement juste après avoir été soumise à la question prioritaire de constitutionnalité », JCP A, 2010, n° 2095 ; B. Noyer et F. Melleray, « Une nouvelle étape de la réforme des juridictions administratives. Commentaire du décret n° 2010-164 du 22 février 2010 relatif aux compétences et au fonctionnement des juridictions administratives », Droit administratif, mai 2010, étude n° 10.
  • [40]
    L’article 21 du décret du 22 février 2010 crée un article R. 222-34, lequel permet au président de la cour administrative d’appel (ou au magistrat qu’il désigne) de rejeter par ordonnances les requêtes qui ne sont manifestement pas susceptibles d’entraîner l’infirmation de la décision attaquée dans les litiges relatifs aux obligations de quitter le territoire français.
  • [41]
    CE, 16 juillet 2010, Union syndicale des magistrats administratifs, n° 338829.
  • [42]
    Les Cahiers du Conseil constitutionnel indiquent que M. Denoix de Saint Marc a décidé, en vertu de l’article 4 du règlement intérieur sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité de s’abstenir sur cette affaire.
  • [43]
    V. par ex., les articles R. 611-22 et R. 612-5 (ou encore R. 775-5) du code de justice administrative sur le désistement d’office pour défaut de production, après mise en demeure, du mémoire complémentaire annoncé.
  • [44]
    Article 23-7 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel.
  • [45]
    Disponible, dans ses grandes lignes, sur le site internet du syndicat.
  • [46]
    CC, décision n° 2010-33 QPC du 22 septembre 2010, Société Esso SAF, cons. 2.
  • [47]
    CC, décisions n° 80-113 L du 14 mai 1980, Rec. p. 61 et n° 88-153 L du 23 février 1988, Rec. p. 34 ; CE, 17 décembre 2003, Meyet, n° 258253.
  • [48]
    CC, décision n° 75-56 DC du 23 juillet 1975, Rec. p. 22.
  • [49]
    Décision n° 2010-62 QPC du 17 décembre 2010, JORF du 19 décembre 2010, p. 22372.
  • [50]
    Articles 145, 145-1, 145-2 et 199 du code de procédure pénale.
  • [51]
    Crim., 26 février 2003, Bull. crim., n° 55.
  • [52]
    Magalie Nord-Wagner, « La détention provisoire : un équilibre renforcé ? », AJ pénal 2007, p. 113.
  • [53]
    Jean-Baptiste Perrier, « Procédure écrite et exigence du contradictoire pour l’examen de demandes de mise en liberté par le juge des libertés et de la détention », AJ Pénal, 2011, p. 136.
  • [54]
    Cass. crim., 14 septembre 2010, pourvoi n° 10-90.090, n° 4979, M. Thibault G., JurisData n° 2010-016533.
  • [55]
    Article R 413-14-1 du code de la route : « I. Le fait, pour tout conducteur d’un véhicule à moteur, de dépasser de 50 km/h ou plus la vitesse maximale autorisée fixée par le présent code ou édictée par l’autorité investie du pouvoir de police est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe.
    II. Toute personne coupable de cette infraction encourt également les peines complémentaires suivantes : 1° La suspension du permis de conduire pour une durée de trois ans au plus, cette suspension ne pouvant pas être limitée à la conduite en dehors de l’activité professionnelle, ni être assortie du sursis, même partiellement ; 2° L’interdiction de conduire certains véhicules terrestres à moteur, y compris ceux pour la conduite desquels le permis de conduire n’est pas exigé, pour une durée de trois ans au plus ; 3° L’obligation d’accomplir, à ses frais, un stage de sensibilisation à la sécurité routière ; 4° La confiscation du véhicule dont le prévenu s’est servi pour commettre l’infraction, s’il en est propriétaire.
    III. Cette contravention donne lieu de plein droit à la réduction de six points du permis de conduire. »
  • [56]
    CE, 12 février 1960, Société Eky, n° 47810, Rec. 101 ; S. 1960.131, concl. Kahn ; D. 1960.236, note L’Huillier ; JCP 1960. II.11629 bis, note Vedel.
  • [57]
    En matière contraventionnelle et notamment en ce qui concerne la détermination des peines par le pouvoir réglementaire, la principale limite que le Conseil constitutionnel ait posée est que ces peines ne puissent être des mesures privatives de liberté. Décision n° 73- 80 L du 28 novembre 1973, Nature juridique de certaines dispositions du code rural, de la loi du 5 août 1960 d’orientation agricole, de la loi du 8 août 1962 relative aux groupements agricoles d’exploitation en commun et de la loi du 17 décembre 1963 relative au bail à ferme dans les départements de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et de la Réunion.
  • [58]
    Cons. constit., décision n° 2010-66 QPC, 26 novembre 2010, M. Thibault G.
  • [59]
    Les Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel, n° 30, décision n° 2010-66 QPC, 26 novembre 2010, M. Thibault G., p. 4.
  • [60]
    Ibid., p. 5.
  • [61]
    CE, 6 novembre 1936, Arrighi, Rec. 966 ; D. 1938.3.1, concl. R. Latournerie ; S.1937.3.33, concl. R. Latournerie, note Mestre.
  • [62]
    Cons. constit., décision n° 2010-66 QPC, 26 novembre 2010, M. Thibault G., considérant n° 6.
  • [63]
    Les Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel, n° 30, décision n° 2010-66 QPC, 26 novembre 2010, M. Thibault G., p. 8.
  • [64]
    « Toute personne suspectée ou poursuivie est présumée innocente tant que sa culpabilité n’a pas été établie », art. préliminaire, III, du code de procédure pénale, introduit par l’article 1er de la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000, publiée au JORF du 16 juin 2000, p. 9038.
  • [65]
    Article 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789, « Tout homme étant présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable, s’il est jugé indispensable de l’arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s’assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi », la valeur de cette disposition a été consacrée par le Conseil dans sa décision du 20 janvier 1981, Cons. constit., décision n° 80- 127 DC des 19-20 janvier 1981, Loi renforçant la sécurité et protégeant la liberté des personnes, considérant 33.
  • [66]
    Article 14, § 2 du Pacte international relatifs aux droits civils et politiques des Nations Unies du 16 décembre 1966 ; article 6, § 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du Conseil de l’Europe du 4 novembre 1950 ; article 48, § 1 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, adoptée le 7 décembre 2000.
  • [67]
    V., sur ce double aspect, Ph. Conte et P. Maistre du Chambon, Procédure pénale, A. Colin, 2002, 4e édition, n° 38 à n° 45 ; v. également S. Guinchard et J. Buisson, Procédure pénale, préc., n° 380 et s., ou F. Desportes et L. Lazerges-Cousquer, Traité de procédure pénale, préc., n° 231 et s. ; v. encore P. Auvret, « Le droit au respect de la présomption d’innocence », JCP G, 1994, I, 3802, pour lequel le principe est devenu un véritable droit.
  • [68]
    Cass. civ. 2, 24 septembre 2010, pourvoi n° 10-40.026.
  • [69]
    Cons. constit. 2010-69 QPC, 26 novembre 2010, considérant 5, ces dispositions « n’ont pas pour effet de faire obstacle à l’application des dispositions législatives ou réglementaires instituant une procédure contradictoire en cas de redressement de l’assiette de ces cotisations ou contributions après constatation du délit de travail dissimulé ».
  • [70]
    Cons. constit. 2010-69 QPC, 26 novembre 2010, considérant 5.
  • [71]
    V. ici la décision du Conseil constitutionnel n° 99-411 DC du 16 juin 1999, Loi portant diverses mesures relatives à la sécurité routière et aux infractions sur les agents des exploitants de réseau de transports publics de voyageurs, publiée au JORF du 19 juin 1999, p. 9018.
  • [72]
    J.-H. Robert, Pronostics déçus, Dr. pénal, 2010, comm. 122.
  • [73]
    Cons. const., déc. 29 septembre 2010, n° 2010-40 QPC.
  • [74]
    Ibid.
  • [75]
    A. Lepage et H. Matsopoulou, « Des peines complémentaires obligatoires déclarées conformes aux principes constitutionnels », JCP G 2010, 1149.
  • [76]
    Loi n° 52-401 du 14 avril 1952, Loi de finances pour l’exercice 1952, art. 48.
  • [77]
    Considérant 4.
  • [78]
    Cass. crim., 17 juillet 1991, n° 90-83905.
  • [79]
    Considérant 5.
  • [80]
    D. 1982, p. 441, note Dekeuwer ; JCP 1981, II, 19701, note Franck.
  • [81]
    Cons. const., décision 21 février 1992, n° 92-35 DC.
  • [82]
    Scoppola contre Italie, n° 10249/03, JCP G 2010, doctr. 70, n° 8, chron. Sudre.
  • [83]
    V. par exemple, Cass. crim., 3 février 1986, Bull. crim. 1986, n° 41 ; Cass. crim., 16 février 1987, Bull. crim. 1987, n° 73 ; Cass. crim., 25 mai 1988, Bull. crim. 1988, n° 222 ; Cass. crim., 13 novembre 1989, Bull. crim. 1989, n° 409.
  • [84]
    Arrêt de la chambre criminelle du 22 septembre 2010.
  • [85]
    Crim. 4 octobre 2006, D., 2007, p. 58, note P.-J. Delage ; AJ pénal, 2007, p. 79, obs. J. Leblois-Happe ; RSC, 2007, p. 118, obs. A. Giudicelli, Crim., 14 octobre 2008, D. 2008, p. 2796, note M. Léna ; AJ Pénal, 2008, p. 517, obs. M.-E. Charbonnier.
  • [86]
    Ci-après désignée par l’acronyme CRPC.
  • [87]
    Expression qui ne peut que poursuivre un objectif humoristique.
  • [88]
    Loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d’allégement des procédures, publiée au JORF du 13 mai, p. 7920, article 129. V.P.-J. Delage, « Plaider-coupable : la clarification par l’entérinement des pratiques », D, 2009, p. 1650 et Y. Joseph-Ratineau, « De quelques difficultés issues de la légalisation de la double convocation dans le cadre de la CRPC », JCP G, 2009, 230.
  • [89]
    Observons que ce n’est pas la première fois que le législateur consacre une pratique parquetière censurée par la Cour de cassation. La loi n° 2005-847, à article unique, en date du 26 juillet 2005 (loi précisant le déroulement de l’audience d’homologation de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, JO 27 juillet, validée par le Conseil constitutionnel en sa décision n° 2005-520 DC du 22 juillet 2005, JO 27 juillet) a en effet permis au ministère public de ne pas assister à l’audience d’homologation alors que la Cour de cassation et le Conseil d’État avaient exigé cette présence (Cass., avis 18 avril 2005, n° 05-00.001, D. 2005. 1200, obs. C. Girault, note J. Pradel ; Rev. science crim. 2005.592, obs. A. Giudicelli ; ibid. 2006. 124, obs. V. Bück ; RTD civ. 2005. 553, obs. R. Encinas de Munagorri ; CE, 11 mai 2005, n° 279834, Syndicat des avocats de France, D. 2005. 1379, obs. A. Astaix ; A. Giudicelli, obs. préc. ; V. Bück, obs. préc. ; R. Encinas de Munnagori, obs. préc.).
  • [90]
    « Vaut citation à personne la convocation en justice notifiée au prévenu, sur instructions du procureur de la République et dans les délais prévus par l’article 552, soit par un greffier ou un officier ou agent de police judiciaire, soit, si le prévenu est détenu, par le chef de l’établissement pénitentiaire ».
  • [91]
    L’article poursuit ainsi en son second alinéa : « La saisine du tribunal résultant de cette convocation en justice est caduque si la personne accepte la ou les peines proposées et que celles-ci font l’objet d’une ordonnance d’homologation ».
  • [92]
    Forte de cent quarante articles dont la fameuse disposition ayant abrogé la peine de dissolution en matière d’escroquerie. V.B. Bouloc, « Responsabilité des personnes morales, une bévue législative », D. 2009. 2286. ; A. Maron, « Un Outreau législatif », Dr. pénal, 2009, repère 9 ; A.-G. Robert, « Chron. légis », RSC, 2009, p. 869 ; M. Véron, « Responsabilité pénale des personnes morales : où en est-on ? L’occasion manquée de la loi du 12 mai 2009 », Dr. pénal, 2009, comm. n° 92 ; J.-C. Planque, « L’Église de scientologie miraculeusement sauvée de la dissolution ? », D., 2009, p. 2287.
  • [93]
    Considérant n° 3 : « la méconnaissance de l’objectif de valeur constitutionnelle de bonne administration de la justice, qui découle des articles 12, 15 et 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, ne peut, en elle-même, être invoquée à l’appui d’une question prioritaire de constitutionnalité sur le fondement de l’article 61-1 de la Constitution ».
  • [94]
    Pour la liste de ces objectifs à valeur constitutionnelle, v. F. Luchaire, « Brèves remarques sur une création du Conseil constitutionnel : l’objectif de valeur constitutionnelle », cette Revue, 2005, p. 675 et s.
  • [95]
    Considérant n° 6.
  • [96]
    Considérant n° 7.
  • [97]
    Évidence qui ne constitue pas une réserve d’interprétation puisqu’elle n’est pas reprise dans le dispositif de la décision.
  • [98]
    Cons. constit., 2 mars 2004, décision n° 2004-492 DC, Loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, considérants 106 à 108.
  • [99]
    La chambre criminelle contrôle le respect de cette exigence v. Crim. 17 septembre 2008, Bull. n° 192. V.C. Saas, « L’autonomie de la CRPC », AJ Pénal, 2008, p. 515 ; v. également J. Lasserre Capdeville, « De l’usage limité de la reconnaissance de culpabilité », D, 2008, p. 2904 et s. ; F. Desprez, « La limitation par la Cour de cassation de la portée de l’aveu en cas d’échec d’une procédure de CRPC », Gaz. Pal., 9-13 novembre 2008, p. 8 et s. ; Y. Joseph-Ratineau, « L’aveu de culpabilité fait au cours de la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité ne peut être repris devant la juridiction de jugement », JCP G, 2008, II-10194.
  • [100]
    Sans parler des situations où le président refusant d’homologuer est le même magistrat statuant par la suite sur la COPJ puisqu’aucune incompatibilité n’est prévue par le code…
  • [101]
    Rappelons que par renvoi de l’article 390-1, l’article 552 CPP prévoit un délai d’au moins 10 jours entre la convocation et l’audience devant le tribunal correctionnel.
  • [102]
    Edgar Morin, La Méthode. 4. Les idées, Seuil, Paris, 1991.
  • [103]
    Qui, selon l’article 495-9 CPP, tel que modifié par la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 (art. 129), peut même intervenir dans un délai inférieur ou égal à un mois si le prévenu n’est pas détenu.
  • [104]
    L’on doit néanmoins observer que l’article 495-15 CPP prévoit depuis l’instauration de la CRPC une entorse à l’unité d’action. Un individu convoqué ou cité devant le tribunal correctionnel peut en effet demander à bénéficier d’une CRPC. Si le Procureur y consent et que cette comparution va à son terme, l’action initiale sera caduque. À l’inverse, en cas de refus des peines proposées ou d’homologation, l’action initiale subsistera.
  • [105]
    Article 495-12 CPP : « Lorsque la personne déclare ne pas accepter la ou les peines proposées ou que le président du tribunal de grande instance ou son délégué rend une ordonnance de refus d’homologation, le procureur de la République saisit, sauf élément nouveau, le tribunal correctionnel selon l’une des procédures prévues par l’article 388 ou requiert l’ouverture d’une information ».
  • [106]
    Loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 de finances rectificative pour 2004, art. 43, § 4 : « Sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée et de l’application des dispositions des deuxième, troisième et quatrième alinéas du 4 bis de l’article 38 du Code général des impôts, les impositions établies avant le 1er janvier 2005 ou les décisions prises sur les réclamations contentieuses présentées sur le fondement du deuxième alinéa de l’article L. 190 du livre des procédures fiscales sont réputées régulières en tant qu’elles seraient contestées par le moyen tiré de ce que le contribuable avait la faculté de demander la correction des écritures du bilan d’ouverture du premier exercice non prescrit. Toutefois, ces impositions ne peuvent être assorties que des intérêts de retard ».
  • [107]
    CE, 7 juillet 2004, Ministre de l’Économie, des Finances et de l’Industrie c. SARL Ghesquière Équipement, n° 230169, Leb., p. 310.
  • [108]
    Consacrée par le Conseil d’État dans un arrêt du 31 octobre 1973 (n° 88207).
  • [109]
    En vertu de ce principe, lorsque des erreurs comptables sont corrigées dans le bilan de clôture d’un exercice non prescrit, elles doivent l’être dans les bilans antérieurs erronés qui doivent être symétriquement modifiés, même lorsqu’ils sont prescrits.
  • [110]
    Décision n° 2010-78 QPC, 10 déc. 2010, Société Imnoma (intangibilité du bilan d’ouverture), cons. 3.
  • [111]
    DDHC, art. 16 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution ».
  • [112]
    Décision n° 2010-78 QPC, 10 décembre 2010, Société Imnoma (intangibilité du bilan d’ouverture), cons. 7.
  • [113]
    Décision n° 2010-2 QPC, 11 juin 2010, Mme Vivianne L. (loi dite « anti-Perruche »), cons. 22 ; décision n° 2010-53 QPC du 14 octobre 2010, Société Plombinoise de Casino (Prélèvements sur le produit des jeux), cons. 4 ; décision n° 2010-78 QPC, 10 décembre 2010, Société Imnoma (intangibilité du bilan d’ouverture), cons. 4.
  • [114]
    Le point le plus attendu concernait la nécessité de poursuivre un « but d’intérêt général suffisant ». La disposition contestée représentant une substantielle économie pour l’État, le Conseil aurait pu dire si une diminution significative de coûts budgétaires constituait un « intérêt général suffisant ». Néanmoins, la censure laisse implicitement penser que ce but d’intérêt général n’était pas caractérisé en l’espèce.
  • [115]
    Décision n° 2010-15/23 QPC du 23 juillet 2010, Région Languedoc-Roussilon et autres (article 575 du code de procédure pénale), cons. 4 : « Si le législateur peut prévoir des règles de procédure différentes selon les faits, les situations et les personnes auxquelles elles s’appliquent, c’est à la condition que ces différences ne procèdent pas de distinctions injustifiées et que soient assurées aux justiciables des garanties égales, notamment quant au respect du principe des droits de la défense, qui implique en particulier l’existence d’une procédure juste et équitable garantissant l’équilibre des droits des parties ».
  • [116]
    Le Conseil d’État avait dans une décision Saupic (CE, 13 février 2009, SNC Saupic, n° 296117) reconnu que ces dispositions « ne peuvent être invoquées que par l’administration fiscale », ce que le rapporteur public dans cette affaire, Édouard Geffray, avait qualifié de « validation asymétrique ».
  • [117]
    Décision n° 2010-78 QPC, 10 décembre 2010, Société Imnoma (intangibilité du bilan d’ouverture), cons. 8.
  • [118]
    Voir par exemple, F. Dieu, « Les lois de validation asymétriques sont contraires à la Constitution : à propos de la loi limitant les effets de l’abandon de la règle de l’intangibilité du bilan d’ouverture », Lexbase Hebdo, éd. fiscale, n° 428, 17 février 2011.
  • [119]
    P. Cassia et E. Saulnier-Cassia, « La QPC peut-elle être “prioritaire” ? », D., 2010, p. 1637.
  • [120]
    J.-B. Auby, « Question prioritaire de constitutionnalité et droit de l’Union européenne : l’état du débat », DA, août-septembre 2010, p. 1-2.
  • [121]
    P. Cassia et E. Saulnier-Cassia, « Imbroglio autour de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) », D., 2010, p. 1234-1242 ; P. Fombeur, « Question prioritaire de constitutionnalité, droit constitutionnel et droit de l’Union européenne », D., 2010, p. 1229-1234.
  • [122]
    Voir not. B. Mathieu, « La Cour de cassation tente de faire invalider la question prioritaire de constitutionnalité par la Cour de Luxembourg », JCP-G, 26 avril 2010, p. 866-867 ; F. Rome, « QPC, KO ? », D., 2010, p. 1137 ; D. Rousseau, « La Cour de cassation et la question prioritaire de constitutionnalité : pourquoi tant de méfiance ? », Gaz. Pal., 25-27 avril 2010, p. 867-868.
  • [123]
    F. Donnat, « La Cour de justice et la QPC : chronique d’un arrêt prévisible et imprévu », D., 2010, p. 1640-1647 (spéc. p. 1645-1647).
  • [124]
    F. Donnat, ibid..
  • [125]
    CEDH, Soering c. Royaume-Uni, 7 juillet 1989, n° 14038/88, A161.
  • [126]
    P. Cassia et E. Saulnier-Cassia, « La QPC peut-elle être “prioritaire” ? », ibid.
  • [127]
    CEDH, 5e sect., Daoudi c. France, 3 décembre 2009, n° 19576/08.
  • [128]
    Voir notamment les décisions : n° 2004-496 DC du 10 juin 2004, Loi pour la confiance dans l’économie numérique, § 7 ; n° 2004-497 DC du 1er juillet 2004, Loi relative aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle, § 18 ; n° 2004-498 DC du 29 juillet 2004, Loi relative à la bioéthique, § 4 ; n° 2004-499 DC du 29 juillet 2004, Loi relative à la protection des personnes physiques à l’égard des traitements de données à caractère personnel et modifiant la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, § 7.
  • [129]
    Voir notamment les décisions : n° 2006-540 DC du 27 juillet 2006, Loi relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information, § 19 ; n° 2006-543 DC du 30 novembre 2006, Loi relative au secteur de l’énergie, § 6 ; n° 2008-564 DC du 19 juin 2008, Loi relative aux organismes génétiquement modifiés, § 44 ; n° 2010-605 DC du 12 mai 2010, Loi relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne, § 18.
  • [130]
    Pour une tentative d’éclairage, voir L. Eck, « Réflexions sur “les règles ou principes inhérents à l’identité constitutionnelle de la France” à la lumière de la pensée de Ronald Dworkin », RRJ, 2008/2, p. 1061 et s.
  • [131]
    M. Guyomar, « Le contrôle de constitutionnalité transposant une directive communautaire », concl. sur CE, Société Arcelor Atlantique et Lorraine et autres, 8 février 2007, RFDA, mars/avril 2007, p. 384-401.
  • [132]
    Sur ces différents points, voir ; B. de Lamy, « Peine de mort, de l’abolition à l’interdiction », RSC, 2008, p. 126.
  • [133]
    A. Ondoua, « Abolition de la peine de mort et Constitution », D., 2006, p. 634-637.
  • [134]
    CE, 16 octobre 2009, Mme Habyarimana, n° 311793.
  • [135]
    CEDH, GC, Saadi c. Italie, 28 février 2008, n° 37201/06.
  • [136]
    J.-F. Renucci, « La CEDH consacre le principe de compétence universelle », note sous CEDH, Ould Dah c. France, 17 mars 2009, n° 13113/03, D., 2009, p. 1573-1575.
  • [137]
    S. Manacorda, « L’abolition de la peine capitale en Europe : le cercle vertueux de la politique criminelle et les risques de rupture », RSC, juillet 2008, p. 563-573.
  • [138]
    S. Manacorda, ibid.
  • [139]
    Algeria-Watch – Information on the Human Rights Situation in Algeria, http://www.algeria-watch.org/en/hr/torture/kadri_rabah.htm, 18 avril 2008.
  • [140]
    Décision n° 2010-14/22 QPC du 30 juillet 2010, M. Daniel W. et autres.
  • [141]
    Décision n° 2010-32 QPC du 22 septembre 2010, M. Samir et autres.
  • [142]
    Voir Cass. crim., 28 septembre 2010, n° 10-90098.
  • [143]
    Cass. crim., 22 décembre 1959, Pesquet, Bull. crim., n° 569, D. 1960.1, concl. A. Besson.
  • [144]
    Cass. crim., 24 novembre 1977, Léger, n°77-92803, Bull. crim., n° 370.
  • [145]
    Le nom « chambre de l’instruction » sera utilisé suite à l’adoption de la loi n° 2000- 516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d’innocence et les droits des victimes.
  • [146]
    Cass. crim., 19 février 2002, n° 01-88028, Bull. crim., n° 30.
  • [147]
    Décision n° 2004-492 DC du 2 mars 2004, Loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité.
  • [148]
    E. Dreyer, Résurrection de la réserve de contentieux en matière de détention provisoire, D. 2001, p. 3571.
  • [149]
    Considérant n° 7.
  • [150]
    E. Dreyer, article précité, § 10.
  • [151]
    Article issu de la loi n° 64-1339 du 26 décembre 1964 portant réforme du code des pensions civiles et militaires de retraite.
  • [152]
    Art L. 27 du CPCMR. À noter que ce droit à rente viagère d’invalidité est également ouvert, selon les termes de l’article L. 28 al 2, au « fonctionnaire retraité qui est atteint d’une maladie professionnelle dont l’imputabilité au service est reconnue par la commission de réforme postérieurement à la date de la radiation des cadres, dans les conditions définies à l’article L. 31 ».
  • [153]
    CC, décision n° 2010-83 QPC, 13 janvier 2011, Claude G., cons. 4.
  • [154]
    « Le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit » (jurisprudence issue de la décision n° 87-232 DC du 7 janvier 1988, Loi relative à la mutualisation de la Caisse nationale de Crédit agricole, cons. 10).
    Il ajoute que le principe d’égalité n’oblige pas pour autant « à traiter différemment des personnes se trouvant dans des situations différentes » (jurisprudence issue de la décision n° 2003-489 DC du 29 décembre 2003, Loi de finances pour 2004, cons. 37).
  • [155]
    Aux termes de l’article L. 18, § I, du CPCMR, « Une majoration de pension est accordée aux titulaires ayant élevé au moins trois enfants ». Le § V dispose par ailleurs que « le taux de la majoration de la pension est fixé à 10 % de son montant pour les trois premiers enfants et à 5 % par enfant au-delà du troisième, sans que le montant de la pension majorée puisse excéder le montant des émoluments de base déterminés à l’article L. 15 ».
  • [156]
    CC, décision n° 2010-83 QPC, 13 janvier 2011, Claude G., cons. 5.
  • [157]
    Formule déjà utilisée avec une date fixée au 1er janvier 2011 dans la décision du Conseil constitutionnel n° 2010-1 QPC du 28 mai 2010, consorts L., Cons. 12.
  • [158]
    CE, 30 décembre 2010, Mme Marie-Chrisitine D., n° 343994.
  • [159]
    Loi n° 77-574 du 7 juin 1977 portant diverses dispositions d’ordre économique et financier, l’article 20 ouvrant ce droit aux enfants naturels.
  • [160]
    Loi n° 82-599 relative aux prestations de vieillesse, d’invalidité et de veuvage, article 15. Il convenait à travers cette modification, de prendre en compte le fait que le conjoint survivant n’est pas nécessairement la veuve.
  • [161]
    Cf. question écrite n° 98587 posée par le député J-C. Préel au ministre de la Défense et des Anciens combattants, question publiée au JO le 25 janvier 2011 p. 619, réponse publiée au JO le 12 avril 2011, p. 3646
  • [162]
    Conseil constitutionnel, décision n° 87-232 DC du 7 janvier 1988, Loi relative à la mutualisation de la Caisse nationale de Crédit agricole, cons. 10.
  • [163]
    On notera que la formulation retenue par le Conseil constitutionnel au considérant 6 de sa décision a été réutilisée dans la décision suivante de non-conformité totale avec effet différé (CC, décision n° 2011-112 QPC du 1er avril 2011, Mme Marielle D.).
  • [164]
    CC, n° 2010-87 QPC, 21 janvier 2011, Réparation du préjudice résultant de l’expropriation, JORF du 22 janvier 2011, p. 1384.
  • [165]
    Situation antérieure à CE (ass.), 24 novembre 1961, Ministre des travaux publics c. Consorts Letisserand, Rec. Leb., p. 661.
  • [166]
    CEDH, 11 avril 2002, Lallement c. France, req. n° 46044/99.
  • [167]
    Article 1er du premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme.
  • [168]
    R. Hostiou, « L’indemnité d’expropriation est-elle « juste » ? », AJDA, n° 8/2011, 7 mars 2011, p. 447-453.
  • [169]
    CC, n° 2010-87 QPC, 21 janvier 2011, préc.
  • [170]
    Ibidem, cons. 4 et 5.
  • [171]
    Ordonnance n° 58-997, 23 octobre 1958, portant réforme des règles relatives à l’expropriation, JORF du 24 octobre 1958, p. 9694.
  • [172]
    CC, n° 2010-87 QPC, 21 janvier 2011, cons. 3, préc.
  • [173]
    Article L. 13-13 du Code de l’urbanisme.
  • [174]
    CC, n° 2010-87 QPC, 21 janvier 2011, cons. 4, préc.
  • [175]
    Ibidem.
  • [176]
    En ce sens v. J. Lemasurier, Le droit de l’expropriation, Économica, 2001, p. 384.
  • [177]
    Cass., 3e civ., 8 mars 1995, Le Gall c. Commune d’Yquebeuf, pourvoi n° 93-70312 : dépréciation du surplus non exproprié ; Cass., 3e civ., 25 juin 1997, SARL Capineri c. SEM d’Aménagement et de Rénovation de la ville de Rueil-Malmaison, pourvoi n° 96-70030 : licenciement qui est la conséquence de l’expropriation ; Cass., 3e civ., 17 mars 1993, pourvoi n° 91- 70223 : frais de déménagement, pertes d’installation, reconstitution des clôtures ; Cass. 3e civ., 18 décembre 1991, n° 90-70107, Bull. civ. III, n° 326 : perte d’une nappe aquifère ; Cass., 3e civ., 30 juin 1992, n° 91-70220, Bull. civ. III, n° 233 : extinction d’un bail rural avant son terme ; Cass., 3e civ., 7 mai 1986, pourvoi n° 85-70031 : installation d’une clôture et d’un appentis à la suite de l’expropriation d’une partie d’un jardin clos ; Cass., 3e civ., 4 avril 2002, pourvoi n° 01-70038 : installation d’une clôture en remplacement d’une dune expropriée formant barrage naturel ; Cass., 3e civ., 13 juin 1990, n° 87-584, Bull. civ. III, n° 147 : impossibilité de reconstruire sur les fondations antérieures un établissement détruit par un incendie avant l’expropriation, en raison du fait que la superficie du terrain restant n’est plus suffisante au regard des règles d’urbanisme ; Cass., 3e civ., 7 mai 1986 : perte du capital de chasse pour une propriété expropriée clôturée ; Cass., 3e civ., 25 juin 1997, SARL Sté d’exploitation des Établissements Valério c. Département des Alpes-Maritimes, n° 95-70257 : perte de clientèle ou trouble commercial ; Cass., 3e civ., 27 février 1991, n° 89-70289 : frais de raccordement au réseau d’assainissement de la partie non expropriée alors que l’emprise supportait un plateau bactérien ; Cass., 3e civ., 7 mai 1986, n° 85-70059 : frais nés de l’obligation d’acquérir un outillage adapté aux nouvelles conditions de culture imposées par les restrictions de superficie résultant de l’emprise.
  • [178]
    CC, n° 89-256 DC, 25 juillet 1989, Loi portant dispositions diverses en matière d’urbanisme et d’agglomérations nouvelles, Rec., p. 53 ; CC, n° 2010-26 QPC, 17 septembre 2010, Immeubles insalubres, JORF du 18 septembre 2010, p. 16951.
  • [179]
    En ce sens v. R. Hostiou, « L’indemnité d’expropriation est-elle « juste » ? », préc., p. 551.
  • [180]
    Idem, p. 449-450.
  • [181]
    Les Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel, Cahier n° 32, décision ° 2010-87 QPC, 21 janvier 2011, M. Jacques S.
  • [182]
    CC, n° 85-198 DC, 13 décembre 1985, Loi modifiant la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 et portant diverses dispositions relatives à la communication audiovisuelle, Rec., p. 78, cons. 16 ; CC, n° 98-403 DC, 29 juillet 1998, Loi d’orientation relative à la lutte contre les exclusions, Rec., p. 276, cons. 33.
  • [183]
    En ce sens v. M. Long et al., Les grands arrêts de la jurisprudence administrative, Dalloz, 2007, 16e éd. n° 81, CE (ass.), 24 novembre 1961, Ministre des travaux publics c. Consorts Letisserand, p. 548-554.
  • [184]
    G. Ganez-Lopez, L’expropriation pour cause d’utilité publique, L’Harmattan, 2003, p. 86.
  • [185]
    Rép. min. à la question écrite n° 35596, de M.E. Pinte, JOAN du 5 septembre 1983, p. 3924.
  • [186]
    CE (ass.), 24 novembre 1961, Ministre des travaux publics c. Consorts Letisserand, préc.
  • [187]
    G. Morange, « À propos d’un revirement de jurisprudence : la réparation de la douleur morale par le Conseil d’État », Rec. Dalloz, 1962, chr., p.15.
  • [188]
    M. Long et al., Les grands arrêts de la jurisprudence administrative, CE (ass.), 24 novembre 1961, Ministre des travaux publics c. Consorts Letisserand, préc., p. 550.
  • [189]
    Morand-Deviller, Droit administratif des biens, Montchrestien, 6e éd., 2010, p. 546.
  • [190]
    R. Hostiou, « L’indemnité d’expropriation est-elle « juste » ? », préc., p. 451.
  • [191]
    Ibidem.
  • [192]
    CC, n° 85-203 DC du 28 décembre 1985, Loi de finances rectificative pour 1985, Rec., p. 405.
  • [193]
    Article L. 13-13 du Code de l’expropriation.
  • [194]
    H. Vray, « Deux particularités contradictoires du régime de l’indemnisation en matière d’expropriation pour cause d’utilité publique : le refus de réparer le préjudice moral et la consécration de l’enrichissement sans cause en matière de terrain à bâtir », La Gazette du Palais, 1970, 1, doctr., p. 240.
  • [195]
    M. Long et al., Les grands arrêts de la jurisprudence administrative, CE (ass.), 24 novembre 1961, Ministre des travaux publics c. Consorts Letisserand, préc., p. 553.
  • [196]
    R. Chapus, Droit administratif général, Montchrestien, t. 2, 15e éd., 2001, p. 768.
  • [197]
    H. Hoepffner, « L’absence de préjudice moral ne viole pas la Constitution », Droit administratif, n° 3, mars 2011, p. 47.
  • [198]
    CE, 14 juin 1963, Époux Hébert, Rec. Leb., p. 364 ; M. Long et al., Les grands arrêts de la jurisprudence administrative, CE (ass.), 24 novembre 1961, Ministre des travaux publics c. Consorts Letisserand, préc., p. 552.
  • [199]
    CC. n° 94-352 DC, 18 janvier 1994, Loi d’orientation et de programmation relative à la sécurité, Rec., p. 140.
  • [200]
    Alinéa 10 du Préambule de la Constitution de 1946 ; CC, n° 93-325 DC, 12 et 13 août 1993, Maîtrise de l’immigration, GDCC, n° 36, p. 633.
  • [201]
    CC, n° 83-164 DC, 29 décembre 1983, Loi de finances pour 1984, dite Perquisitions fiscales, GDCC n° 26, p. 438.
  • [202]
    CEDH, 21 février 1986, James et autres c. Royaume-Uni, req. n° 8793/79 ; CEDH, 8 juillet 1996, Lithgow et autres c. Royaume-Uni, req. n° 9006/80, 9262/81, 9263/81, 9265/81, 9266/81, 9313/81, 9405/81 ; CEDH, 11 avril 2002, Dervaux c. France, req. n° 40975/07.
  • [203]
    CEDH, 11 avril 2002, Lallement c. France, req. n° 46044/99.
  • [204]
    J. Lemasurier, Le droit de l’expropriation, préc., p. 384.
  • [205]
    S. Fiat, « La douleur morale de l’exproprié ne s’indemnise pas », Gazette du Palais, 23-24 février 2011, p. 11.
  • [206]
    G. Ganez-Lopez, L’expropriation pour cause d’utilité publique, L’Harmattan, 2003, p. 86.
  • [207]
    En ce sens, Idem.
  • [208]
    Y. Gaudemet, Les méthodes du juge administratif, LGDJ, 1972, p. 158 et s.
  • [209]
    H. Hopepffner, « L’absence de préjudice moral ne viole pas la Constitution », préc., p. 48.
  • [210]
    O. Fouquet, « Le Conseil d’État est-il trop indulgent à l’égard de l’administration fiscale : l’exemple de l’imposition d’après les éléments du train de vie », Gaz. Pal., doctr., 1983, p. 208-210.
  • [211]
    O. Fouquet, « Taxation d’après les signes extérieurs de richesse : le dernier dinosaure vacille », Rev. adm., vol. 62, n° 367, 2009, p. 44-46 ; M. Pelletier, « L’article 168 du CGI : le dinosaure vacille mais ne tombe pas », Rev. dr. fisc., n° 7-8, 2011, p. 35-39.
  • [212]
    CE, 27 juillet 2006, M.A., n° 275554 (concl. E. Glaser, Dr. fisc., 2007, n° 19, comm. 497).
  • [213]
    Décision n° 2010-88 QPC du 21 janvier 2011, Mme Danièle B. (évaluation du train de vie), cons. 7.
  • [214]
    Constituent des éléments de ce barème : la valeur locative cadastrale de la résidence principale et des résidences secondaires, les employés de maison, les voitures, les yachts ou bateaux de plaisance (en fonction du nombre de tonneaux), les avions de tourisme, les chevaux de course, les chevaux de selle, la location de droits de chasse ou encore la possession de clubs de golf.
  • [215]
    O. Fouquet, « Article 168 du CGI : la preuve contraire, enfin ! », Rev. dr. fisc., n° 4, 27 janvier 2011, p. 3.
  • [216]
    Décision n° 83-164 DC, 29 décembre 1983, Loi de finances pour 1984, cons. 3. Plus récemment, voir décision n° 2009-598 DC, 21 janvier 2010, Loi organique modifiant le livre II de la sixième partie du code général des collectivités territoriales relatif à Saint-Martin, cons. 2 et décision n° 2010-16 QPC, 23 juill. 2010, M. Philippe E. (organismes de gestion agréés), cons. 6.
  • [217]
    Décision n° 2010-88 QPC du 21 janvier 2011, Mme Danièle B. (évaluation du train de vie), cons. 4.
  • [218]
    Décision n° 2010-88 QPC du 21 janvier 2011, Mme Danièle B. (évaluation du train de vie), cons. 8. Le Conseil précise que le texte de l’article 168 ne saurait « faire obstacle à ce que le contribuable […] puisse être mis à même de prouver que le financement des éléments de patrimoine qu’il détient n’implique pas la possession des revenus définis forfaitairement ».
  • [219]
    Décision n° 2010-88 QPC du 21 janvier 2011, Mme Danièle B. (évaluation du train de vie), cons. 8.
  • [220]
    V. Ogier-Bernaud, Les droits constitutionnels des travailleurs, PUAM, p. 64 s.
  • [221]
    Qui est également différente de sa version actuelle…
  • [222]
    Considérant 2.
  • [223]
    À rappr. : décision n° 2009-584 DC du 16 juillet 2009, dans laquelle n’avait pas été examiné l’article 118 ; décision du renvoi du 10 novembre 2010 et la QPC relative à l’article 27 de la loi du 5 juillet 2010.
  • [224]
    Cf. en ce sens, les précisions apportées par la décision n° 2007-545 DC du 28 décembre 2006, considérant 29.
  • [225]
    Considérant 4.
  • [226]
    Ibid.
  • [227]
    Considérant 5.
  • [228]
    Considérant 3.
  • [229]
    Et l’on pense ici à la décision Service fait du 20 juillet 1977 et à la conclusion doctrinale a contrario qui en a résulté…
  • [230]
    Décision 79-105 DC du 25 juillet 1979.
  • [231]
    Ainsi que le prévoit l’article 15, II, de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État.
  • [232]
    Comp. à : décision 96-383 DC du 6 novembre 1996, Négociation collective ; décision 78-95 DC du 18 janvier 1978, Contre-visite médicale.
  • [233]
    A. Bello, Étude comparative des libertés collectives des travailleurs, thèse, Université de Cergy-Pontoise, 2010 (à paraître à L’Harmattan).
  • [234]
    W. Rault, « Entre droit et symbole : les usages sociaux du pacte civil de solidarité », Revue française de sociologie, 48-3, 2007, p. 555. Parallèlement à ce fait, une riche littérature juridique, historique et sociologique démontre comment l’interprétation de la pratique homosexuelle et sa saisie par le droit varient selon les contextes culturels et historiques. Voir notamment à ce propos, D.F. Greenberg., The Construction of Homosexuality, University of Chicago Press, Chicago, 1998 ; M. Foucault, Histoire de la sexualité, Gallimard, Paris, 1984.
  • [235]
    CC, décision n° 2010-92 QPC, intitulée Mmes Corinne C. et autre, du 28 janvier 2011, JO du 29 janvier 2011, p. 1984.
  • [236]
    Voir en ce sens, Cour de cassation, civile 1re, arrêt n° 511 du 13 mars 2007.
  • [237]
    Cour de cassation, arrêt n° 1088 du 16 novembre 2010, procédant au renvoi de la question prioritaire de constitutionnalité, sur saisine en date du 25 août 2010, du Tribunal de grande instance de Reims.
  • [238]
    Une condition très récemment dégagée par le Conseil dans une décision n° 2009- 595 DC, du 3 décembre 2009, Rec. p. 206, qui ouvre ainsi de nouvelles perspectives à l’exigence du caractère nouveau de la QPC, ici atteinte en fonction de l’intérêt « social » de la question posée indépendamment de son strict intérêt juridique.
  • [239]
    Cf. « Commentaire de la décision n° 2011-92 QPC, Mmes Corinne C. et Sophie H. », Les Cahiers du Conseil constitutionnel, n° 32, p. 5. À la lecture duquel il ressort qu’a contrario, d’un point de vue strictement juridique, les conditions de recevabilité même de la QPC n’étaient pas réellement réunies en l’espèce.
  • [240]
    Une telle approche restrictive du principe de liberté individuelle ayant été confirmée dans la décision n° 99-411 DC du 16 juin 1999, Loi portant diverses mesures relatives à la sécurité routière et aux infractions sur les agents des exploitants de réseau de transport public de voyageurs, Rec. p. 75. En effet, longtemps, les droits les plus élémentaires tenant à la liberté de la personne, ici envisagés de manière vaste, étaient protégés au travers de l’imposant relief de l’article 66 de la Constitution, dont l’attrait constitutionnel premier résidait dans l’activation des garanties tenant à l’intervention du pouvoir judiciaire. Toutefois, depuis la décision n° 2003-484 DC du 20 novembre 2003, Rec. p. 438, le Conseil a choisi d’émanciper la liberté de mariage du giron de la liberté individuelle en la rattachant au concept de liberté personnelle. Il offre ainsi de nouvelles perspectives à cette liberté, en la dotant d’un fondement propre : les articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et d’un champ d’action spécifique qui devait la distinguer inexorablement de son origine.
  • [241]
    L’autonomie constitutionnelle du concept de liberté personnelle fut consacrée pour la première fois dans une décision n° 88-244 DC du 20 juillet 1988, Loi portant amnistie, Rec. p. 119.
  • [242]
    Décision n° 2010-92 QPC du 28 janvier 2011, Mme Corinne C. et autre, considérant n° 5.
  • [243]
    Décision Mmes Corinne C. et autre, précitée, idem.
  • [244]
    J. Hauser, « Le Conseil constitutionnel et le droit de la famille », in Dossier : le Conseil constitutionnel et les diverses branches du droit, Les Cahiers du Conseil constitutionnel n° 16, 2004, p. 1. À titre d’illustration, dans les décisions du 13 août 1993 et du 20 novembre 2003, le droit de mener une vie familiale normale ne fut envisagé que sous le prisme politisé du droit au regroupement familial, la contextualisation stricte de cette prérogative dans le giron des règles relatives aux droits des étrangers ne révélant que l’aspect proprement défensif d’un tel droit. La liberté de mariage ne fut quant à elle pas plus questionnée dans sa dimension positive, dès lors qu’au-delà du contentieux relatif à l’autonomie de sa constitutionnalisation, celle-ci ne fut envisagée que sous deux aspects strictement techniques : le contrôle des conditions tenant à sa mise en œuvre, et à son aménagement vers un sens restrictif. Décision n° 93-325 DC du 13 août 1993, Loi relative à la maîtrise de l’immigration et aux conditions d’entrée, d’accueil et de séjour des étrangers en France, Rec. p. 224 ; décision n° 2003-484 DC, Loi relative à la maîtrise de l’immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité, Rec. p. 438.
  • [245]
    Énoncé au considérant 8, en vertu duquel : « La nation assure à l’individu et à la famille, les conditions nécessaires de son développement ».
  • [246]
    « Commentaire de la décision n° 2010-92 QPC, Mmes Corinne C. et Sophie H. », Les Cahiers du Conseil constitutionnel, précité, p. 9.
  • [247]
    Voir par exemple : la décision n° 97-389 DC du 22 avril 1997, Loi portant diverses dispositions relatives à l’immigration, Rec. p. 45.
  • [248]
    Considérant n° 8 de la décision Mmes Corinne C. et autre, précitée.
  • [249]
    Notons à cet effet, que dans une telle optique, le pacs et le concubinage pourraient également s’assimiler à des acquis juridiques différentialistes concédés aux couples homosexuels, des « exceptions » au cadre général du mariage.
  • [250]
    Cf. B. Genevois., « L’enrichissement des techniques de contrôle », communication de Bruno Genevois, président de section du Conseil d’État, in Colloque du cinquantenaire du Conseil constitutionnel, 3 novembre 2008, au sujet de la différence de contrôle vis-à-vis des règles issues du droit général de la famille, notamment la liberté de mariage assujettie à un contrôle normal et le droit de mener une vie familiale normale relevant d’un contrôle restreint.
  • [251]
    CC, décision n° 2005-528 DC du 15 décembre 2005, Loi de financement de la sécurité sociale, Rec. p. 157. La dimension proprement restreinte du contrôle relatif à un tel droit ayant ensuite été réaffirmée dans une décision n° 2006-539 DC du 20 juillet 2006, Loi relative à l’immigration et à l’intégration, Rec. p. 79.
  • [252]
    CC, décision n° 67-31 DC du 26 janvier 1967, Loi organique modifiant et complétant l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre portant loi organique relative au statut de la magistrature, Rec. p. 19.
  • [253]
    Auquel s’ajoutent les exigences tenant à la qualité de la loi et aux objectifs à valeur constitutionnelle d’intelligibilité et d’accessibilité de celle-ci depuis une décision n° 2005- 512 DC du 21 avril 2005, Rec. p. 72.
  • [254]
    Décision Mmes Corinne C. et autre, précitée, considérant n° 9.
  • [255]
    Idem. Considérants n° 5 et n° 9. Cette affirmation fait l’objet d’une application particulièrement constante depuis son essor dans une décision n° 74-54 DC du 15 janvier 1975, Rec. p. 19.
  • [256]
    Article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen : « La loi doit être la même pour tous soit qu’elle punisse soit qu’elle protège ».
  • [257]
    CC, décision n° 73-51 DC du 27 décembre 1973, Taxation d’office, Rec. p. 25. Restée depuis célèbre en ce qu’elle consacre pour la première fois à l’échelle constitutionnelle, cette nouvelle acceptation du principe fondateur d’égalité.
  • [258]
    Décision Mmes Corinne C. et autre, précitée, considérant n° 9.
  • [259]
    À ce propos, il convient de relever qu’en matière de droit privé, un arrêt récent de la Cour de cassation, l’arrêt n° 791 du 8 juillet 2010 (08-21.740) reconnaît de manière inédite, sur le fondement de la procédure d’exequatur, un droit de filiation à la compagne française de la mère biologique (d’origine américaine) d’un enfant, également né au États-Unis, alors que le refus de cette prérogative aux couples homosexuels relève pourtant d’une jurisprudence constante de cette juridiction. Dès lors le droit français, ainsi confronté à un élément d’extranéité spécifique, admet également que certaines inégalités juridiques devant les règles de filiation soient établies.
  • [260]
    En effet, si le but avoué de ces dernières est celui d’entériner une conception exclusivement mixte des couples prétendant à cette liberté, la visée implicite de celles-ci pourrait être celle de ne réserver le mariage qu’aux couples susceptibles de procréer et donc de fonder une famille. Ce qui exclurait de fait, les couples homosexuels du bénéfice de la liberté de mariage tout en révélant dans le même temps, la très forte perméabilité des frontières existant entre cette liberté et les legs de l’histoire. La conception constitutionnelle de l’institution matrimoniale démontrant ainsi à quel point certaines règles de droit s’enracinent dans un héritage religieux et culturel que l’on s’est efforcé de rationaliser.
  • [261]
    Pour n’en citer que quelques-unes, voir notamment sur ce point les décisions n° 2000-429 DC du 30 mai 2000, Rec. p. 84, n° 2001-450 DC du 11 juillet 2001, Rec. p. 82, n° 99-419 DC du 9 novembre 1999, Loi relative au Pacs de solidarité, Rec. p. 116, décision n° 2008-562 DC du 21 février 2008 relative à la loi sur la rétention de sûreté, Rec. p. 89, où le Conseil, sans effectuer de renvoi automatique au législateur, fit preuve d’une certaine réactivité dans le sens où dans ces décisions, l’on peut observer que le raisonnement du juge constitutionnel a non seulement eu un effet immédiat sur la norme qui lui était soumise mais exerça également une influence sur l’activité future du législateur, en postulant sur le contenu des normes législatives que celui-ci n’avait pas encore adoptées. Dans le cadre d’une réflexion plus générale à ce propos, voir C. Behrendt., « Quelques réflexions sur l’activité du juge constitutionnel comme législateur-cadre », Cahiers du Conseil constitutionnel n° 20 (prix de thèse 2005), juin 2006.
  • [262]
    Partie réalisée par Tamara Lajoinie.
  • [263]
    En ce sens, une proposition de loi n° 586 visant à ouvrir le mariage aux couples de même sexe a été déposée par des députés en date du 15 janvier 2008. Ce texte a ensuite été discuté les 9 et 14 juin 2011 avant d’être rejeté (TA n° 679).
  • [264]
    Pour des exemples : Cour EDH, 22 octobre 1981, Dudgeon c/ Royaume-Uni, série A, n° 45 ; Cour EDH, 26 octobre 1988, Norris c/ Irlande, req. n° 8225/78 ; Cour EDH, 22 janvier 2008, E.B. c/France, n° 43546/02. Cf. pour une étude complète, F. Sudre., Le droit au respect de la vie privée au sens de la Convention européenne des droits de l’homme, Buylant, Bruxelles, 2005 ; J.-P. Marguénaud, « Volte-face européenne sur le droit du célibataire homosexuel de pouvoir adopter », RTD Civ., 2008, p. 259-262 ; M. Levinet, « La fin du débat sur la conventionnalité de la répression pénale de l’homosexualité », RTDH, 2002, p. 345-368.
  • [265]
    Cour EDH 24 juin 2010, Schalk and Kopf c/ Autriche, n° 30141/04, § 99.
  • [266]
    Ibid., § 105-108.
  • [267]
    Ibid., § 60 et 61, à la différence de ce qu’elle avait jugé dans le célèbre arrêt Goodwin, Cour EDH, 11 juillet 2002, C. Goodwin c/Royaume-Uni, n° 28957/95.
  • [268]
    Considérant 8. Par ailleurs, c’est en ce sens qu’est interprété l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme par le commentaire officiel de la décision, Cahiers du Conseil constitutionnel, précité, p. 9-10.
  • [269]
    Ibid., p. 10.
  • [270]
    CC, décision n° 2010-39 QPC du 6 octobre 2010, Mmes Isabelle D. et Isabelle B. [Adoption au sein d’un couple non marié], JO du 7 octobre 2010, p. 18154, considérant 9.
  • [271]
    Termes utilisés par le commentaire officiel de la décision n° 2010-39 QPC, Cahiers du Conseil constitutionnel, n° 30, p. 10.
  • [272]
    Qualifiant le principe d’égalité de « Janus constitutionnel », François Luchaire écrivait que « le caractère semblable ou non semblable ne se découvre pas par une recherche objective comme le serait l’impossible identité ; il suppose une appréciation qui est nécessairement subjective, d’ailleurs très variable selon les cas ; ce qui compte, par conséquent, c’est bien le rapport entre la spécificité de la situation et la règle différente et non pas cette spécificité elle-même ». F. Luchaire, « Un janus constitutionnel : l’égalité », RD Publ., 1986, p. 1242.
  • [273]
    Voir en ce sens, L. Burgorgue-Larsen, « ¡ Vivan las bodas ! Quand le mariage homosexuel est saisi par l’internationalisation du dialogue des juges », Constitutions, 2010, p. 557. Et de la même manière dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme.
  • [274]
    Prenant en compte des facteurs contextuels, notamment l’évolution même du mariage, la Cour avait estimé que la loi limitant le mariage aux seuls couples hétérosexuels constituait une violation de la Charte canadienne des droits et libertés. Cour supérieure du Québec, Hendricks c. Québec (procureur général), 2002 Can LII 23808 (QC C.S.), 2002-09-06. Cf. J. Woehrling, « Les péripéties judiciaires et politiques de la controverse sur le mariage homosexuel au Canada », cette Revue, 2004/3, n° 59, p. 645-657.
  • [275]
    Cette solution a été retenue par plusieurs cours constitutionnelles sur cette question spécifique du mariage. Cas de l’Espagne, cf. B. Rhita, « Réflexions autour de la loi espagnole autorisant le mariage et l’adoption aux couples homosexuels », cette Revue, 2008/1, p. 199-210.
  • [276]
    Cf. En ce sens, Débats relatifs au projet de loi relatif à la bioéthique (n° 2911), JO, Compte rendu intégral, Assemblée nationale, 8 février 2011, p. 850.
  • [277]
    Partie réalisée par Sophie Hutier.
  • [278]
    CC, décision n° 2010-88 QPC du 21 janvier 2011, Mme Danièle B., note O. Fouquet, « Article 168 du CGI ; la preuve contraire, enfin ! », Droit fiscal, 2011, n° 4, p. 3-4 ; M. Pelletier, « L’article 168 du CGI : le dinosaure vacille mais ne tombe pas », Revue de droit fiscal, 2011, n° 7-8, p. 35-39.
  • [279]
    CE, 22 octobre 2010, décision n° 342565.
  • [280]
    CC, décision 83-164 DC du 29 décembre 1983, Loi de finances pour 1984 ; CC, décision 86-209 DC du 3 juillet 1986, Loi de finances rectificative pour 1986 ; CC, 99-424 DC du 29 décembre 1999, Loi de finances pour 2000 ; CC, 2003-489 DC du 29 décembre 2003, Loi de finances pour 2004. Voir également Cour de justice des Communautés européennes, Grande Chambre, 12 septembre 2006, Cadbury Schweppes plc c/Commissioners of Inland Revenue, C-196/04, § 55.
  • [281]
    Article 168-3 du Code général des impôts.
  • [282]
    CE, 27 juillet 2006, Ruwayha, RJF, 2006, n° 1492, BDCF, 2006, n° 143, concl. Glaser.
  • [283]
    J. Lamarque, O. Négrin, L. Ayrault, Droit fiscal général, Litec, Paris, 2010, p. 703, § 1327.
  • [284]
    CC, décision n° 2010-97 QPC du 4 février 2011, Société Laval distribution.
  • [285]
    C. cass. com., 7 décembre 2010, décision n° 1259.
  • [286]
    Loi n° 2010-1488 du 7 décembre 2010 portant nouvelle organisation du marché de l’électricité (NOME).
  • [287]
    Art. L. 2333-5 du Code général des collectivités territoriales dans sa rédaction antérieure à 2010 : « Par dérogation aux dispositions des articles L. 2333-2, L. 2333-3 et L. 2333-4, dans les communes où des conventions ont été passées, avant le 5 décembre 1984, avec des entreprises fournies en courant à moyenne ou haute tension, ces conventions restent en vigueur dès lors que la fourniture de courant est faite sous une puissance souscrite supérieure à 250 kVA ».
  • [288]
    L’exonération ayant été décidée à partir de l’année 1985 (loi de finances rectificative pour 1984, art. 24 et 25), le législateur soucieux de préserver les finances locales a exclu du bénéfice de cette exonération les entreprises ayant souscrit un contrat avant la réforme qui demeuraient soumises à l’ancien régime.
  • [289]
    CC, décisions n° 2010-11 QPC du 9 juillet 2010, Mme Virginie M. (Pension militaire d’invalidité), cons. 4, 2010-16 QPC du 23 juillet 2010, M. Philippe E. (Organismes de gestion agréés), cons. 4, 2010-24 QPC du 6 août 2010, Association nationale des sociétés d’exercice libéral et autres (Cotisations sociales des sociétés d’exercice libéral), cons. 6, 2010-52 QPC du 14 octobre 2010, Compagnie agricole de la Crau (Imposition due par une société agricole), cons. 7, 2010- 70 QPC du 26 novembre 2010, M. Pierre-Yves M. (Lutte contre l’évasion fiscale), cons. 3 et 2010-88 QPC du 21 janvier 2011, M. Danièle B. (Évaluation du train de vie), cons. 5
  • [290]
    Posée par l’article 72-2 de la Constitution.
  • [291]
    Le Conseil constitutionnel ayant jugé que la déclaration d’inconstitutionnalité prend effet à compter de la publication de la présente décision et qu’elle peut être invoquée dans les instances en cours à cette date et dont l’issue dépend de l’application des dispositions déclarées inconstitutionnelles.
  • [292]
    CC, 2010-99 QPC du 11 février 2011, Mme Laurence N., Note F. Roemer, Conformité à la Constitution du principe de la limitation du plafonnement de l’impôt sur la fortune, La Semaine juridique. Édition générale, 11 avril 2011, n° 15.
  • [293]
    La question prioritaire renvoyée par la Cour de cassation (chambre commerciale) portait également sur la constitutionnalité de l’article 885 E du Code général des impôts. La Cour a considéré que la constitutionnalité de cette disposition avait déjà été examinée par le Conseil constitutionnel (décision n° 2010-44 QPC du 29 septembre 2010) et qu’aucun changement de circonstances de droit ou de fait n’était depuis intervenu qui, affectant la portée de la disposition législative critiquée, en justifierait le réexamen (C. cas. com 14 décembre 2010, n° 1323).
  • [294]
    Sur la délimitation de la question par le Conseil constitutionnel, voir également les décisions n° 2010-81 QPC du 17 décembre 2010, M. Boubakar B. (Détention provisoire : réserve de compétence de la chambre de l’instruction), cons. 3 et n° 2010-92 QPC du 28 janvier 2011, Mme Corinne C. et autre (Interdiction du mariage entre personnes de même sexe), cons. 3.
  • [295]
    Le total de l’ISF et des impôts dus au titre d’une année ne peut excéder 85 % du revenu de référence comprenant les revenus nets de frais professionnels, les revenus exonérés d’impôt sur le revenu et les produits soumis à un prélèvement libératoire. Environ 6 000 contribuables bénéficient de ce plafonnement.
  • [296]
    Soit en 2011, 2 570 000 euros.
  • [297]
    Par exemple le mécanisme de plafonnement du quotient familial en matière d’impôt sur le revenu pourrait tout aussi bien faire l’objet d’une même question prioritaire de constitutionnalité.
  • [298]
    L’égalité devant les charges publiques « ne serait pas respectée si l’impôt revêtait un caractère confiscatoire ou faisait peser sur une catégorie de contribuables une charge excessive au regard de leurs facultés contributives ; qu’en vertu de l’article 34 de la Constitution, il appartient au législateur de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être appréciées les facultés contributives ; qu’en particulier, pour assurer le respect du principe d’égalité, il doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu’il se propose ; que cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques », consid. 4.
  • [299]
    Consid. 5 ; le Conseil constitutionnel reprend les mêmes termes que dans la décision 2010-44 QPC du 29 septembre 2010, Époux M. (Impôt de solidarité sur la fortune), cons. 11.
  • [300]
    Comme le suggère le slogan promu par certains courants de pensée : « l’impôt c’est du vol ! ».
  • [301]
    CC, décision n° 2007-555 DC du 16 août 2007, Loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat (TEPA), cons. 24.
  • [302]
    Ont déjà fait l’objet d’une question prioritaire de constitutionnalité, l’article L 16 B du Livre des procédures fiscales (visites domiciliaires), décision n° 2010-19/27 QPC du 30 juillet 2010 et décision n° 2010-51 QPC du 06 août 2010 ; l’article 155 A du Code général des impôts concernant le régime des rémunérations en provenance de l’étranger, décision n° 2010-70 QPC du 26 novembre 2010 ; l’article 1741 du CGI instituant une publicité des jugements de condamnation pour fraude fiscale, décision n° 2010-72/75/82 QPC du 10 décembre 2010, M. Alain D. et autres (Publication et affichage du jugement de condamnation).
  • [303]
    CC, 2010-90 QPC du 21 janvier 2011, M. Jean-Claude C.
  • [304]
    CE, 27 octobre 2010, décision n° 342925.
  • [305]
    Ces deux articles étaient également contestés par le requérant mais le Conseil d’État a considéré que la question prioritaire de constitutionnalité relative aux dispositions des articles 117 et 1759 du Code général des impôts, qui n’est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux ; qu’ainsi, il n’y a pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel, ibid.
  • [306]
    La sanction peut paraître sévère mais elle vise à prévenir une double fraude à l’impôt sur les sociétés et à l’impôt sur le revenu, les revenus occultes pouvant du reste résulter par exemple d’une fraude à la TVA ou plus simplement d’un détournement de fonds. Aussi, afin d’éviter l’amende de l’article 1759, il n’est pas rare que les gérants se désignent eux-mêmes comme les bénéficiaires des excédents distribués (voir par exemple CAA Bordeaux, 14 octobre 2008, Ghenassia).
  • [307]
    Ceux mentionnés à l’article 62 du CGI (gérants majoritaires des sociétés à responsabilité limitée n’ayant pas opté pour le régime fiscal des sociétés de personnes et des sociétés en commandite par actions, associés en nom des sociétés de personnes), ceux mentionnés aux 1°, 2° et 3° du b de l’article 80 ter du même code (dans les sociétés anonymes, le président du conseil d’administration, le directeur général, l’administrateur provisoirement délégué, les membres du directoire et tout administrateur ou membre du conseil de surveillance chargé de fonctions spéciales ; dans les sociétés à responsabilité limitée, les gérants minoritaires ; dans les autres entreprises ou établissements passibles de l’impôt sur les sociétés, les dirigeants soumis au régime fiscal des salariés) et les dirigeants de fait, c’est-à-dire ceux qui assument des fonctions analogues à celles des dirigeants de droit ou qui exercent un contrôle effectif et constant sur la direction de l’entreprise.
  • [308]
    CC, décision n° 99-411 DC du 16 juin 1999, Loi portant diverses mesures relatives à la sécurité routière et aux infractions sur les agents des exploitants de réseau de transport public de voyageurs, cons. 5 ; n° 2010-604 DC du 25 février 2010, Loi renforçant la lutte contre les violences de groupes et la protection des personnes chargées d’une mission de service public, cons. 11.
  • [309]
    Pour les droits de la défense, le Conseil a précisé que ceux-ci s’étendaient à toute sanction ayant le caractère d’une punition même si le législateur a laissé le soin de la prononcer à une autorité de nature non juridictionnelle, CC, décision n° 90-285 DC du 28 décembre 1990.
  • [310]
    CC, décision n° 2010-70 QPC du 26 novembre 2010, M. Pierre-Yves M. (lutte contre l’évasion fiscale).
  • [311]
    Comme la Cour européenne des droits de l’homme dans la qualification d’une sanction.
  • [312]
    Consid. 5.
  • [313]
    Sur le fondement de l’article L. 281 du Livre des procédures fiscales.
  • [314]
    Sur le fondement de l’article R. 196-1 du Livre des procédures fiscales.
  • [315]
    CC, décision n° 2010-28 QPC du 17 septembre 2010, Association sportive football-club de Metz [Taxe sur les salaires] ; à propos de l’incompétence négative et son inapplicabilité à l’encontre d’une disposition législative antérieure à la Constitution du 4 octobre 1958, consid. 9.
  • [316]
    CC, décision 2010-103 QPC du 17 mars 2011, Société SERAS II. Note F. Perrotin, Le Conseil constitutionnel valide les pénalités fiscales, Les petites affiches, 5 avril 2011, n° 67, p. 3-5.
  • [317]
    L’article prévoit également une majoration de 80 % mais la société requérante ne contestait que la majoration de 40 %
  • [318]
    Consid. n° 5.
  • [319]
    Consid. n° 6 notamment en portant la majoration à 80 % en cas de manœuvres frauduleuses ou d’abus de droit.
  • [320]
    Ibid.
  • [321]
    Retenues après examen minutieux de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, du Conseil d’État et de la Cour de cassation.
  • [322]
    Cette modulation simplement législative avait été jugée suffisante par la Commission européenne des droits de l’homme qui avait été saisie du même article 1729 du CGI, Commission européenne des droits de l’homme, 29 juin 1998, M. Bruno Taddéi c/France, n° 36118/97.
  • [323]
    CE, 29 juin 1962, Société des Aciéries de Pompey, Rec., p. 438.
  • [324]
    CC, décision n° 2010-104 QPC du 17 mars 2011, Époux B.
  • [325]
    CC, décision n° 99-424 DC du 29 décembre 1999, Loi de finances pour 2000.
  • [326]
    Consid. n° 50 à 56.
  • [327]
    CC, décision n° 2005-520 DC du 22 juillet 2005, Loi précisant le déroulement de l’audience d’homologation de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité. Sans doute la décision n° 2010-72/75/82 QPC du 10 décembre 2010, M. Alain D. et autres, ayant conduit à l’abrogation du 4e alinéa de l’article 1741 du CGI pour violation du principe d’individualisation de la peine n’est pas étrangère à la motivation de la requête.
  • [328]
    CC, décisions n° 78-97 DC du 27 juillet 1978, Loi portant réforme de la procédure pénale sur la police judiciaire et le jury d’assises et 80-127 DC du 20 janvier 1981, Loi renforçant la sécurité et protégeant la liberté des personnes. Décisions mentionnées au commentaire dans les Cahiers du Conseil constitutionnel.
  • [329]
    Après tout on peut tout faire dire aux anciennes décisions du Conseil constitutionnel et du reste ce reproche n’a-t-il pas été souvent adressé par les juges constitutionnels ou non à la doctrine ? Ironie de la QPC qui rend le juge constitutionnel interprète de ses décisions ! N’aurait-il pas été plus judicieux d’examiner le moyen quitte à le rejeter au fond ?
  • [330]
    Voir commentaire aux Cahiers du Conseil constitutionnel.
  • [331]
    CC, décision n° 105/106 QPC du 17 mars 2011, M. César S. et autre.
  • [332]
    CE, décisions n° 336406 et n° 344316, du 17 décembre 2010, portant sur le deuxième alinéa du 3 de l’article 1728 CGI.
  • [333]
    Prévue par le 1 de l’article 1728.
  • [334]
    En décidant, « dans chaque cas, après avoir exercé son plein contrôle sur les faits invoqués et la qualification retenue par l’administration, soit de maintenir la majoration effectivement encourue au taux prévu par la loi, soit de lui substituer un autre taux parmi ceux prévus par les autres dispositions de l’article 1728 s’il l’estime légalement justifié, soit de ne laisser à la charge du contribuable que les intérêts de retard, s’il estime que ce dernier ne s’est pas abstenu de souscrire une déclaration ou de déposer un acte dans le délai légal ». Le juge peut ainsi proportionner les pénalités selon la gravité des agissements commis par le contribuable, consid. n° 7.
  • [335]
    Pour l’instant une seule sanction a été jugée contraire à la Constitution en QPC, Décision n° 2010-72/75/82 QPC du 10 décembre 2010, M. Alain D. et autres (Publication et affichage du jugement de condamnation), cons. 3 à 5 à propos du 4e alinéa de l’article 1741 du CGI prévoyant l’obligation pour le juge d’ordonner la publication notamment au Journal officiel d’un jugement de condamnation pour délit de fraude fiscale jugée contraire au principe d’individualisation de la peine.

Domaines

Sciences Humaines et Sociales

Sciences, techniques et médecine

Droit et Administration

bb.footer.alt.logo.cairn

Cairn.info, plateforme de référence pour les publications scientifiques francophones, vise à favoriser la découverte d’une recherche de qualité tout en cultivant l’indépendance et la diversité des acteurs de l’écosystème du savoir.

Retrouvez Cairn.info sur

Avec le soutien de

18.97.14.80

Accès institutions

Rechercher

Toutes les institutions