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Article de revue

Gouverner la transition écologique plutôt que renforcer la démocratie environnementale : une institutionnalisation en trompe-l’œil de la participation citoyenne

Pages 621 à 637

Notes

  • [1]
    La notion de démocratie environnementale peut être mobilisée dans un sens extensif – le principe d’un gouvernement démocratique de l’action environnementale caractérisé par la possibilité offerte à tou·tes de participer aux décisions – ou plus restrictif – les droits des citoyen·nes à l’information, et à la participation du public constitutionnellement garantis. Nous utiliserons l’expression « participation du public » pour désigner la participation des citoyen·nes dans le périmètre défini par la loi.
  • [2]
    Dans la continuité de Aldrin et Hubé, l’État sera appréhendé dans un sens extensif : nous étudierons l’État, ses services centraux et déconcentrés, ses établissements, mais également les collectivités territoriales.
  • [3]
    Pour la chronologie des textes applicables en matière de participation du public, voir https://www.debatpublic.fr/textes-applicables
  • [4]
    Des travaux ont déjà documenté les années 1990-2000 (Ollivier-Trigalo, Piechazick 2001 ; Blatrix 2000).
  • [5]
    Nous avons interrogé des agent.es en poste, ou anciennement en poste, en Dreal, au CGDD, au Cerema, à la DITP, ainsi que la présidente et l’ancien président de la CNDP entre 2020 et 2021.
  • [6]
    Direction générale des infrastructures, des transports et de la mer, Instruction technique relative aux modalités d’élaboration des opérations d’investissement et de gestion, 2018.
  • [7]
    Pour des éléments sur les processus de mise en administration de la participation et le fonctionnement de ce marché, nous nous permettons de renvoyer à l’ouvrage précité.
  • [8]
    Le récent rachat par une entreprise d’ingénierie du cabinet spécialisé dans le débat public qui fut impliqué dans la rédaction de la charte de la concertation en 1996 est tout à fait illustratif.
  • [9]
    Rapport d’activité de la CNDP pour l’année 2019.
  • [10]
    CNDP. Notice de présentation jointe à l’appel à candidatures pour devenir garant de la concertation.https://www.debatpublic.fr/devenez-garant. Consulté le 6 mai 2021.
  • [11]
    Voir notamment le rapport de la commission des lois du Sénat lors des débats parlementaires de 2002.https://www.senat.fr/rap/l01-156/l01-156_mono.html#toc374
  • [12]
    Entretien, décembre 2020.
  • [13]
    Idem.
  • [14]
  • [15]
    Rappelons que la CNDP a publiquement insisté sur l’impossibilité d’entamer un débat en définissant des lignes rouges et sur la nécessité de travailler les suites des propositions issues du débat.
  • [16]
    Sans pouvoir le développer ici, soulignons que dans le même mouvement un centre de la participation citoyenne a été créé par la Direction interministérielle à la transformation publique placée sous l’autorité du Premier ministre.
  • [17]
    Arnaud Gossement, « La convention citoyenne pour le climat est profondément monarchique »,Reporterre, 5 février 2020.
  • [18]
    À l’issue de l’enquête publique, le commissaire enquêteur rend un avis favorable ou défavorable, qui a des conséquences sur la procédure d’approbation des opérations soumises à enquête publique. En cas d’avis défavorable, certes rares, le maître d’ouvrage peut réitérer sa demande, mais il doit alors la motiver. Et un avis défavorable augmente les chances de succès d’un recours devant le juge administratif.
  • [19]
    Voir à ce sujet l’avis de la CNDP du 3 mars 2021 qui évoque une « régression » des droits.
  • [20]
    Cette conception du rôle de l’État est formulée explicitement dans la stratégie nationale bas carbone adoptée en 2015. « Pour réguler des émissions diffuses, l’intervention publique doit plutôt être conçue comme “incitative” ou “responsabilisatrice”, faisant levier sur les acteurs privés, mais laissant à chacun sa liberté de choix dans un cadre régulé et le responsabilisant aux conséquences de ses choix pour la société et les générations futures. On oriente ainsi les comportements de consommation et d’investissement », p. 47.
  • [21]
    Entretien chargée mission participation citoyenne au Cerema, avril 2021. Ce mouvement n’est pas limité aux questions environnementales. Au contraire, au cours des dernières années, la participation citoyenne a trouvé une place au sein de nombreuses administrations de l’État (DITP, Cerema, ANCT…) qui visent autant à développer la « culture de la participation » au sein des administrations qu’à internaliser des compétences détenues par les prestataires.
  • [22]
    Entretien, agente de la transition écologique, Dreal, février 2020.
  • [23]
    Entretien, agente de la transition écologique, Dreal, février 2020.
  • [24]
    L’expression est utilisée en entretien par une agente de la Dreal et une agente du Cerema.
  • [25]
    Entretien, chargée de mission participation citoyenne, Cerema, op. cit.
  • [26]
    Il est significatif que l’idée d’internalisation des compétences soit formulée aussi bien au CGDD qu’à la DITP.
  • [27]
    Offre d’emploi chef·fe du département Mobilisation citoyenne, AFB, 2019.
  • [28]
    Avis de la Commission nationale du débat public sur le projet de décret portant diverses dispositions d’application de la loi d’accélération et de simplification de l’action publique et de simplification en matière environnementale du 7 décembre 2020, 3 mars 2021.
  • [29]
    « Mobiliser la société civile en développant la concertation », Fiche ressources, Territoires & Climat.https://www.territoires-climat.ademe.fr/ressource/530-172
  • [30]
    Ademe, Réussir la planification et l’aménagement durable, 2013.
  • [31]
    On le sait, seuls des processus participatifs très intenses, comme la CCC, sont susceptibles de produire des effets durables sur les citoyen·nes.
  • [32]
    Les effets d’apprentissage permis par la participation ont toujours été soulignés, mais ces effets individuels étaient considérés comme secondaires.
  • [33]
    Offre d’emploi chef du département Mobilisation citoyenne, AFB, 2019.
  • [34]
    Voir la publication récente, par la Direction interministérielle de la transformation publique, d’un guide dédié aux apports des sciences comportementales pour la transition écologique. Pour une discussion critique du « biais comportementaliste », voir Bergeron, Castel, Dubuisson Quellier (2018).
  • [35]
    En nous inspirant des travaux de F. Ihadadenne (2015).
  • [36]
    CGDD, L’action citoyenne : accélératrice de transition vers des modes de vie plus durables, avril 2019.
  • [37]
    Cela serait à approfondir, mais on peut faire l’hypothèse que les déceptions des agents du ministère de la transition écologique à l’égard des politiques menées et des moyens à leur disposition (Reporterre, 6 avril 2021 « Au ministère de l’écologie, les fonctionnaires souffrent et constatent leur impuissance »), les conduisent à agir encore davantage comme des militant·es soutenant de l’intérieur des initiatives citoyennes.
  • [38]
    Cela a été déjà abondamment commenté : les militant·es écologistes subissent de plus en plus de répression.

1Convention citoyenne pour le climat, débat public sur l’agriculture, défis citoyens « Famille à énergie positive », budget participatif pour la transition écologique, etc. : la participation citoyenne est aujourd’hui un trait saillant de l’action publique environnementale. D’un côté, depuis les années 1990 le principe de participation du public est peu à peu devenu une composante à part entière du droit de l’environnement et de l’aménagement. Plus largement la participation citoyenne est érigée en enjeu prioritaire et incontournable de l’action publique en matière de transition écologique. De l’autre, depuis deux décennies, le tournant participatif de l’action publique s’est matérialisé par une augmentation continue du nombre de dispositifs participatifs sur des sujets souvent en lien avec l’environnement et le cadre de vie. Après s’être d’abord développé au niveau local, le thème participatif a pris de l’ampleur au niveau national ces dernières années. En 2007 le Grenelle de l’environnement a consacré le principe de la « gouvernance à cinq ». En 2019-2020, au nom de la « double urgence démocratique et climatique », le Président de la République a suscité l’organisation d’une Convention citoyenne pour le climat (CCC), rassemblant 150 citoyen·nes tiré·es au sort pour formuler des propositions pour diminuer les émissions de GES dans un esprit de justice sociale.

2Sans entrer dans une analyse du processus lui-même, la CCC marque un changement d’échelle : des citoyen·nes sont invité·es à participer à l’élaboration d’une politique nationale de premier plan. Ce changement d’échelle pourrait être perçu comme la consécration, au plus haut niveau, du principe de participation du public à l’action publique environnementale, et partant de la « démocratie environnementale » [1]. Mais cette vision mérite selon nous d’être nuancée en replaçant la CCC dans l’histoire plus longue, et plus ordinaire, du « participationnisme » de l’État environnemental. En poursuivant le travail de P. Aldrin et N. Hubé (2016), qui définissent le participationnisme comme « la doctrine – qu’elle se manifeste sous la forme d’une conviction, de programmes d’action concrets, d’ingénieries sociotechniques ou de propositions théorico-éthiques – qui défend l’introduction de procédures organisées de délibération, de participation et d’enrôlement d’acteurs non institutionnels dans la production décisionnelle des exécutifs publics », nous brosserons à grands traits la « doctrine » participative des acteurs publics, et en particulier de l’État, dans le domaine de l’action publique environnementale [2]. Ce secteur d’action publique est sans aucun doute celui où l’institutionnalisation de la participation citoyenne est la plus ancienne et la plus forte. Cela est notamment dû à la constitution progressive d’un droit de la participation du public en matière environnementale, pour partie inspiré de la convention d’Aarhus de 1998 et reconnu par la Constitution à travers la Charte de l’environnement de 2005 [3]. Toutefois, le périmètre de la mise en œuvre des procédures et des processus participatifs s’étend bien au-delà du périmètre de la participation du public aux décisions environnementales. En particulier, au-delà du changement de vocabulaire, le passage de l’environnement au développement durable, puis à la transition écologique, se caractérise par la montée en puissance du thème de la participation des parties prenantes, de la société civile et des citoyen·nes. Ainsi, de la participation du public aux projets d’aménagement ausoutien aux coopératives citoyennes d’énergie, c’est tout un continuum participatif qui se constitue dans un mouvement d’institutionnalisation croisée de la participation citoyenne et de la transition écologique. En effet, à l’image du New Public Management, la doctrine de l’État en matière de participation citoyenne à l’action publique environnementale est loin de former un tout homogène et cohérent, elle est davantage une praxéologie qu’une idéologie : « un mélange d’idées, de croyances, de valeurs, de slogans et de récits de politique publique venant en appui d’un répertoire pratique de recettes, de techniques et d’instruments » (Eymeri-Douzans, 2010 cité par Cole, Eymeri-Douzans, 2010).

La mosaïque participative de l’État environnemental

En schématisant, et sans prétention à l’exhaustivité, dans l’action publique environnementale on peut repérer plusieurs types de processus participatifs au niveau national et local :
  • Les conseils : Conseil national de la transition écologique, Conseil national de la protection de la nature, conseils de gestion des parcs marins, commissions locales de l’eau, commissions de suivi de site pour les Installations Classées pour la Protection de l’Environnement, etc. Ils organisent la participation de la société civile à la gouvernance des enjeux environnementaux et leur rôle oscille entre consultation et surveillance.
  • Les dispositifs de la concertation réglementaire – enquête publique, débat public, concertation – et volontaire – pour les projets ayant un impact sur l’environnement.
  • Les dispositifs de participation à l’élaboration des politiques (des projets, plans et programmes) qui s’adressent à la fois aux parties prenantes ou aux citoyens ordinaires : faire participer peut être obligatoire (pour les plans et programmes nationaux tels que Programmation pluriannuelle de l’énergie, la PAC, etc.), prescrit (Agenda 21, plans Climat, écoquartiers) ou volontaire (convention citoyenne pour le climat ; atelier de co-construction du plan de mobilité, etc.).
  • Les « défis citoyens » (défi famille à énergie positive) et « initiatives citoyennes » (création de jardins partagés, zone de gratuité, AMAP, etc.) qui organisent la participation d’individus et de collectifs à la mise en œuvre de l’action publique.
Ces différents dispositifs ont fait l’objet de nombreux travaux (pour des synthèses, voir Barbier, Larrue, 2011 ; Mermet, Salles, 2015), en particulier dans le cadre de programmes financés par le ministère de l’environnement (Programme concertation, décision, environnement ; programme Cit’In « Expérimentations démocratiques pour la transition écologique »).

3Pour rendre compte du « participationnisme » de l’État environnemental, nous proposons de laisser de côté les dispositifs participatifs comme les débats publics et les concertations qui ont par ailleurs été abondamment étudiés (Blatrix et al., 2007 ; Barbier, Larrue, 2011 ; Mermet, Salles, 2015), pour donner une vision plus globale, et donc nécessairement plus schématique, des modalités d’institutionnalisation de la participation citoyenne à l’action publique environnementale, en nous focalisant sur la dernière décennie [4]. Pour cela nous nous appuierons sur des matériaux divers issus d’enquêtes au long cours menées depuis les années 2010 sur la professionnalisation de la participation (Mazeaud, Nonjon, 2018),sur une dizaine d’entretiens réalisés avec des acteurs de l’État et de ses établissements [5]dans le cadre d’une enquête en cours sur la participation au sein de l’État français, et des observations ponctuelles réalisées au cours d’interventions dans le cadre de formations à la participation citoyenne à destination de professionnels de l’environnement et de la transition écologique.

4Nous montrerons que si le tournant des années 1990-2000 a marqué la consécration du principe de participation du public comme composante de la démocratie environnementale, avec la reconnaissance de la CNDP comme autorité administrative indépendante (AAI) en figure de proue (Blatrix et al., 2007), la décennie ouverte par le Grenelle de l’environnement de 2007 est celle d’une institutionnalisation en trompe-l’œil. D’une part, nous verrons dans un premier temps que le périmètre historique de la participation du public aux décisions environnementales a été considérablement élargi, mais que la portée décisionnelle des dispositifs n’a pas été approfondie ; au contraire les droits des citoyen·nes ont dans ce domaine régressé. D’autre part, nous montrerons dans un second temps que la participation citoyenne s’est diffusée bien au-delà de son périmètre initial. Elle est devenue une composante à part entière des politiques de transition écologique. Elle a acquis une place dans les discours, les pratiques et les organigrammes des administrations dédiées à la transition écologique. Mais contrairement à ce qu’une analyse en première lecture pourrait laisser penser, cette institutionnalisation ne traduit pas un élargissement et un renforcement de la démocratie environnementale. Elle s’inscrit dans un processus de dépolitisation des questions environnementales et climatiques (Comby, 2015) et d’affirmation de la figure de « l’État mobilisateur » (Lascoumes, Le Galès, 2005). Il ne s’agit pas de permettre à tou·tes de participer à la construction des choix collectifs environnementaux, mais de gouverner la transition écologique en recherchant la participation active des « publics » à des politiques dont les orientations ne sont pas ouvertes à la discussion.

L’institutionnalisation entravée de la démocratie environnementale

5Selon les mots de Michel Prieur (1999), « la convention d’Aarhus sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement n’est pas une nouvelle convention sur l’environnement, mais une convention qui introduit la démocratie dans le processus de décision publique ». Par application de cette convention, le principe de participation du public, et à travers lui l’idée de démocratie environnementale, a été consacré dans le droit français par plusieurs législations successives, et notamment la loi de 2002 consacrant la CNDP comme Autorité Administrative Indépendante (AAI), et constitutionnellement garantie par l’article 7 de la Charte de l’environnement en 2005 selon lequel « toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d’accéder aux informations relatives à l’environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement ». En réponse à cette consécration d’un droit à participer, les maîtres d’ouvrage se sont organisés et professionnalisés.La concertation et le débat public sont désormais intégrés dans les routines de la conduite des projets. À partir des années 2010, l’État confronté au regain de conflictualité contre des projets d’aménagement, dont la ZAD de Notre-Dame-des-Landes et l’épisode tragique du barrage de Sivens sont les exemples les plus connus, a entamé un processus de réforme des procédures du dialogue environnemental. Les ordonnances de 2016 portant réforme du dialogue environnemental ont ainsi considérablement élargi le périmètre de la participation du public, mais la portée décisionnelle des dispositifs n’a pas été approfondie. Au contraire, certaines réformes ultérieures ont affaibli les droits des citoyen·nes en la matière et entravé la démocratie environnementale.

Institutionnalisation et professionnalisation de la participation du public à l’élaboration des décisions publiques ayant un impact sur l’environnement

6La professionnalisation de la concertation et du débat public dans le domaine de l’aménagement et de l’environnement constitue l’un des traits marquants de la période (Mazeaud, Nonjon, 2018). Pour reprendre une formule déjà ancienne, mais plus que jamais à propos : « le débat ne fait plus débat » (Dziedziecki, 2007), la participation du public a été intégrée à la formation des ingénieurs et des managers de l’équipement (Gervais, 2007). Même au sein de la Direction des routes qui fut longtemps désignée comme un adversaire de la concertation, le guide d’instruction des projets consacre plus de vingt pages à la concertation et encore dix autres à l’enquête publique : « Il est important, pour poser les conditions d’une poursuite sereine des projets, de concerter et d’associer les acteurs du territoire dès les phases les plus initiales des projets, quelle que soit leur taille » [6].

7Les maîtres d’ouvrage ont intégré cette contrainte à leurs routines de gestion des projets (calendrier, coûts). Au sein des établissements publics gestionnaires d’infrastructures (tels que RTE, SNCF Réseau, le STIF), fréquemment confrontés au débat public et à la concertation, ainsi qu’au sein des collectivités territoriales, des services dédiés à la concertation ont été créés à partir du milieu des années 2000. Ainsi, pour prendre un exemple non représentatif, mais illustratif de ce mouvement, SNCF Réseau (ex-RFF) a créé dès 2002 un pôle concertation. Dans les services opérationnels de l’État, et notamment au sein des directions issues du ministère de l’équipement, il n’y a pas eu de processus de spécialisation administrative et de recrutement d’agents dédiés à la concertation et au débat public. En effet, si la constitution de services dédiés à la participation au sein des administrations publiques est un signe fort d’institutionnalisation, c’est la consolidation d’un « marché de la participation » qui est le plus emblématique du processus de professionnalisation (Mazeaud, Nonjon, 2018) [7], en particulier dans les domaines de l’environnement et de l’aménagement qui composent l’essentiel du marché. Ces consultants, spécialisés dans le domaine de la participation citoyenne, jouent depuis les années 1990 un rôle majeur, non seulement dans la mise en œuvre, mais également dans l’élaboration et la codification des « bonnes pratiques ». Ainsi, la première charte de la participation en 1996 avait été élaborée avec le concours d’un cabinet pionnier dans l’accompagnement du débat public. Depuis les années 2000, ce secteur s’est fortement structuré, avec des formations dédiées, des associations et des réseaux professionnels (Décider ensemble ; Institut de la concertationet de la participation citoyenne). La concurrence sur ce marché s’est également intensifiée, en particulier sur l’accompagnement des projets locaux, le marché du débat public sur les grands projets demeurant plus fermé. Le profil des consultants a également évolué. Si les professionnels de la communication et ceux de l’architecture et de l’urbanisme sont depuis longtemps positionnés sur ce marché, ils sont désormais concurrencés, voire absorbés, d’un côté par les entreprises d’ingénierie qui développent une offre globale intégrant la concertation [8] afin de maintenir leur position dominante et de l’autre par les professionnels de l’intelligence collective. Sans pouvoir en rendre compte ici de manière exhaustive, la professionnalisation du secteur et l’intensification de la concurrence sur ce marché ont favorisé un processus de standardisation de la participation qu’il faut comprendre dans un double sens : la définition et la valorisation de « bonnes pratiques » objectivées dans des guides méthodologiques et des « trophées » d’une part, et la consolidation d’un « air du temps » participatif qui favorise l’augmentation continue des offres de participation d’autre part. Ainsi, dans le cadre des projets d’aménagement ayant un impact sur l’environnement, les offres de participation « volontaires », c’est-à-dire en dehors des cas obligatoires, sont devenues particulièrement nombreuses conduisant à faire de la concertation une dimension ordinaire de la conduite de ces projets.

8Ce mouvement de standardisation de la participation citoyenne à l’action publique environnementale a été consolidé par plusieurs lois qui, entre 2010 et 2016, sont intervenues pour renforcer les procédures de participation du public. Pour les pouvoirs publics, il s’agissait autant de tirer toutes les conséquences de la convention d’Aarhus que de répondre aux critiques sur les faiblesses de la concertation et au regain de conflictualité sur les projets. Notamment, les ordonnances de 2016 portant réforme du dialogue environnemental ont élargi le périmètre de la participation du public (débat public sur les plans et programmes nationaux, droit d’initiative citoyenne, etc.) Ainsi, au cours des dernières années, la CNDP a enregistré une forte augmentation de son activité avec un nombre de saisines multipliées par 7 depuis 2016, et une forte hausse des concertations en dehors du champ de saisine obligatoire (multiplié par 6 depuis 2016) motivées notamment par le souhait des maîtres d’ouvrage d’éviter l’initiative citoyenne [9]. Les ordonnances ont aussi renforcé la professionnalisation de la participation, c’est-à-dire ici la construction et la consolidation des savoirs et savoir-faire participatifs, à travers l’adoption d’une nouvelle charte de la participation du public et, surtout, l’introduction de la figure du « garant de la concertation ». Cette pratique du garant existe de longue date, mais sa reconnaissance et sa systématisation dans les concertations ont considérablement fait évoluer leur statut et leur rôle. Désormais, c’est la CNDP qui établit une liste de garants et les désigne pour les différentes concertations. Lors du premier appel à candidatures, il était exigé que les candidat·es aient validé un MOOC dédié à la réforme de 2016 pour candidater puis ils bénéficiaient d’une formation. Lors du nouvel appel à candidatures en 2019, la CNDP est venue préciser ses critères de recrutement et confirmer les attendus professionnels du « garant » (notamment la connaissance des règles et méthodes de la concertation et débat public). Par ces recrutements, la CNDP a constitué une base de plus de 250 garant·es dont la variété des profils illustre, à elle seule, la diffusion du thème participatif : des chef·fes de projets éoliens, des anciens commissaires enquêteurs, des consultant·es en participation ou en développement durable, des fonctionnaires d’État ou territoriaux retraité·es,des ingénieur·es, etc. Cette professionnalisation favorise un élargissement de leur rôle. Ce dernier ne se limite pas à veiller sur le bon déroulement des procédures, comme les commissions particulières du débat public pour les grands projets, ils conseillent également sur leur mise en œuvre :

9

« Garant d’un droit, il est prescripteur d’actions pour en assurer l’effectivité. La CNDP préconise ainsi que le garant ne se place jamais comme un évaluateurex post des démarches de concertation, ni comme observateur ou comme un simple greffier. Le garant est un acteur à part entière, et actif, du processus de concertation, même s’il y a un curseur à placer, au cas par cas et en liaison avec le porteur du projet, entre le suivi, l’animation et la conduction de démarches de concertation. » [10]

10La reconnaissance de la figure du « garant » est emblématique du mouvement de professionnalisation et de la conception strictement procédurale du droit à la participation du public. Par sa présence, il peut contribuer à rendre « la décision politique discutable dans le cadre de la concertation » (Michel, Dizedziecki 2017). Mais s’il doit garantir que le public a pu participer à l’élaboration des décisions, il ne dispose d’aucun moyen pour garantir que cette participation produise des effets sur la décision.

La démocratie environnementale entravée au nom de l’efficacité

11Si les travaux menés au début des années 2000 ont, à juste titre, souligné la rupture que constituait l’introduction de ces « concessions procédurales » dans les processus d’aménagement (Blatrix, 2000), il convient de rappeler que la création de ce droit à participer a été toléré parce que la décision demeurait le monopole des élu·es et des maîtres d’ouvrage. Notamment, la CNDP a été consacrée comme AAI par les parlementaires, à la condition qu’elle ne rende pas d’avis sur le fond et donc qu’elle soit déconnectée de la décision [11]. La CNDP « ne décide pas, elle prépare à la décision. Cette participation à la préparation n’est pas une participation à la prise de décision, et, au contraire de l’enquête publique, dont le débat public est déconnecté, tout est fait dans l’organisation du débat pour que cette séparation nette soit présente à l’esprit de tous » (Romi, 2007). Or, sur ce plan de la portée décisionnelle de la participation, il n’y a eu aucune avancée juridique. Ainsi, que le souligne la présidente de la CNDP, le droit de la participation du public est « un droit qui est extrêmement formaté, riche et complet sur les procédures, mais très faible sur l’impact de la participation, sur le lien entre participation et décision […]. C’est un peu comme l’Europe, c’est-à-dire qu’on a élargi, élargi, élargi le champ de la participation, mais que finalement on n’a pas approfondi sa portée juridique » [12].

12La critique sur l’absence d’effets décisionnels de la participation est partagée par les institutions (voir par exemple l’avis de la CNDP du 19 décembre 2019 sur les consultations en ligne du ministère de la transition écologique) et plus encore par les associations et les collectifs qui trouvent dans la faiblesse des procédures une raison d’opter pour des actions plus contestataires (pensons par exemple au boycott du débat public sur l’enfouissementdes déchets nucléaires à Bure, ou à la ZAD de Notre-Dame-des-Landes). Pour ne s’en tenir qu’au cas de la CNDP, il est frappant de noter que certes elle est indépendante et le débat public obligatoire pour les grands projets, mais elle n’a pas les moyens juridiques de garantir que la participation produira des effets sur la décision, son autorité est réduite à une « magistrature d’influence » (Mouchette, 2019). Ainsi dans les mots de sa présidente :

13

« Effectivement, le droit est resté très faible sur sa portée quant à la décision, mais par contre, on est totalement libre de faire des recommandations précises à l’issue des débats publics, notamment en termes de participation, et du coup, de demander au maître d’ouvrage des réponses précises à ces recommandations. Ce qu’on a développé, c’est une audition à la CNDP des maîtres d’ouvrage quand ils répondent aux enseignements du débat public, et on émet un avis sur la qualité de cette réponse. On compte, j’allais dire, sur le poids de la parole publique pour peser sur la décision. » [13]

14L’exercice de cette « magistrature d’influence » peut permettre au public d’influencer les projets en obligeant le maître d’ouvrage à motiver sa décision (Bétaille, 2019). La CNDP le revendique d’ailleurs en affirmant que la quasi-totalité des projets ont été modifiés suite au débat public [14]. Mais cette influence demeure soumise à la volonté du maître d’ouvrage. Malgré cette limite majeure qui fait courir le risque à la participation du public d’être privée d’utilité (pour les citoyen·nes), la « démocratie environnementale », entendue ici comme le droit de participer aux décisions en matière environnementale, est régulièrement contestée par les autorités. Tout d’abord, soulignons que même si la CNDP n’a pas d’autorité, son indépendance a motivé sa mise à l’écart de l’organisation de débats dont les enjeux politiques étaient trop manifestes. Tel était le cas en 2004 lors du débat sur l’eau (Rui, 2006), en 2007 lors du Grenelle de l’environnement où la CNDP était réduite au statut de partie prenante, et plus récemment lors du Grand débat national quand la CNDP a été écartée de l’organisation après avoir affirmé son indépendance [15], et tenue à l’écart de l’organisation de la Convention citoyenne pour le climat confiée à un comité de pilotage ad hoc. On pourrait arguer, pour chacun des quatre exemples précités, que les dispositifs se situaient en dehors du périmètre d’intervention de la CNDP, à savoir celui de la concertation et du débat public réglementaire. Un tel argument serait recevable si cette mise à l’écart de la CNDP ne s’inscrivait pas dans un processus plus large de fragilisation de la démocratie environnementale, et de reprise en main managériale de la participation citoyenne [16]. Ainsi, si l’absence de la CNDP dans l’organisation de la CCC a pu être justifiée par l’ampleur du sujet et la volonté de marquer le caractère innovant, elle reflète aussi la dimension « monarchique » du processus où tout, de l’initiative aux conclusions, dépend de la volonté du Président de la République, marquant ainsi un recul de l’état de droit dans le domaine de la participation des citoyen·nes à l’action publique environnementale [17].

15Au-delà du cas emblématique de la CCC, c’est là un élément majeur : l’élargissement du périmètre de la participation du public est allé de concert avec une entreprise, politique et juridique, de limitation de la portée décisionnelle des procédures participatives. Au nom de l’efficacité, le législateur comme le juge s’efforcent de priver les procédures participatives de leur « venin contentieux » (Struillou, Huten, 2020) en évitant qu’un vice de procédure concernant une concertation n’entraine l’annulation du projet concerné, et donc en se limitant à sanctionner les entraves trop manifestes au droit à participer. Les possibilités de contester certains projets susceptibles de porter atteinte à l’environnement se sont ainsi considérablement réduites. Or, rappelons-le, l’accès au juge constitue l’une des dimensions de la démocratie environnementale. Ainsi, la reconnaissance du droit à participer s’inscrit dans une tendance contemporaine « à mettre en place des règles de procédure comme de forme chaque fois plus lourdes et plus contraignantes […] tout en cherchant parallèlement à limiter, par des artifices discutables, la portée contentieuse de ces dernières. » (Hélin, 2001). La loi relative à l’accélération et la simplification de l’action publique (ASAP), promulguée en décembre 2020, ne fait que parachever cette évolution. Au nom de la sécurité juridique, de l’efficacité et de la rapidité des projets, l’enquête publique, la procédure la plus ancienne et élémentaire, est aujourd’hui vidée de sa substance à travers la promotion de procédure d’enquête électronique et surtout la possibilité pour le préfet d’y déroger. On pourrait presque s’étonner de l’intérêt du législateur à affaiblir une procédure déjà fortement limitée. Mais il faut garder à l’esprit que c’est précisément parce que, contrairement à la concertation et au débat public, l’enquête publique est juridiquement connectée à la décision, via l’avis du commissaire enquêteur [18], que le législateur s’ingénie à la détricoter.

16En effet, depuis de nombreuses années, les acteurs économiques font valoir que la contestation des projets entrave le bon fonctionnement de la vie économique, et valorisent la concertation comme instrument de production de l’acceptabilité sociale. Pourtant, on l’a vu, les maîtres d’ouvrage publics et privés se sont adaptés, organisés, professionnalisés pour intégrer cette contrainte nouvelle à leurs pratiques. L’organisation procédurale de la participation du public s’est incontestablement améliorée. Mais s’il n’est pas certain que la concertation soit toujours rentable pour les maîtres d’ouvrage, il est tout aussi évident que la concertation n’est pas toujours favorable aux opposant·es, loin de là. Pour les associations de protection de l’environnement, l’augmentation des offres de participation rend la concertation toujours plus coûteuse pour un bénéfice limité (Blatrix, 2018). Malgré tout, les acteurs économiques ont trouvé des relais au sein des autorités publiques. Dans la loi ASAP de décembre 2020, la démocratie environnementale est subordonnée à l’impératif d’efficacité de l’activité économique, « dès lors qu’elle est susceptible d’entraver le jeu du marché et la marche de l’économie, la démocratie est perçue comme un obstacle » (Blondiaux, 2021) [19]. Dans ce contexte on pourrait s’étonner qu’en parallèle la participation citoyenne se renforce en dehors du périmètre réglementaire. Mais ce paradoxe n’est qu’apparent. Par la promotion de la participation citoyenne, il ne s’agit pas tant de renforcer la démocratie, au sens d’assurer une intervention effective des citoyen·nes dans le processus de décision publique, que de rechercher des solutions pour gouverner la transition écologique sans engager l’État dans une réforme du modèle économique.

La participation citoyenneà la transition écologique : renforcer la gouvernabilité plutôt que la démocratie

17La participation citoyenne à l’action publique environnementale est loin de se limiter au périmètre de la participation du public aux décisions environnementales. Elle constitue une dimension incontournable de la transition écologique. C’est l’un des six enjeux structurants identifiés dans la feuille de route française vers l’agenda 2030 (Enjeu 5 – Rendre effective la participation citoyenne à l’atteinte des ODD). Mais alors, comment appréhender ces deux mouvements parallèles et apparemment contradictoires d’entraves à la démocratie environnementale et de valorisation de la participation citoyenne ? Dans un article récent, Kübler et al. (2020) ont souligné, à partir d’une enquête quantitative que la multiplication des dispositifs participatifs ne pouvait s’expliquer par un souci d’approfondissement de la démocratie, mais plutôt par une volonté de renforcer la gouvernabilité de l’action publique. Cette affirmation nous semble particulièrement vraie pour ce qui concerne la transition écologique et énergétique : la participation des citoyen·nes est avant tout un instrument de gouvernement caractéristique d’une figure de l’État, centrale dans l’action publique environnementale : « l’État mobilisateur » (Lascoumes, Le Galès, 2005) [20]. La participation change alors de logique : il ne s’agit plus de participer à la discussion sur les principes d’actions, mais de participer à l’exécution de l’action publique.

L’institutionnalisation de la participation citoyenne à la transition écologique : un instrument de « l’État mobilisateur ».

18L’une des originalités des politiques environnementales, depuis leur origine, tient à la place qu’y occupent les associations. Non seulement les réseaux unissant militant·es et fonctionnaires ont eu un rôle décisif dans la mise à l’agenda des problèmes environnementaux et leur traduction en action publique (Spanou, 1991), mais les associations remplissent également des missions de service public compensant la faiblesse des moyens du ministère (Lascoumes, 1991). Avec l’institutionnalisation du développement durable, la participation de la société civile à l’action publique environnementale a acquis une reconnaissance et une visibilité nouvelle. Au niveau national, la « novation politique » (Boy, 2010) du Grenelle de l’environnement de 2007 a matérialisé l’existence de partenaires de l’action environnementale à travers la « gouvernance à cinq » réunissant l’État, les collectivités locales, les organisations non gouvernementales, les employeurs et les salariés. Au niveau local, les agendas 21, les plans climats qui sont les principaux instruments des projets territoriaux de développement durable, ou encore les écoquartiers, valorisent la mobilisation des citoyens et des parties prenantes contribuant ainsi au développement d’offres de participation dans les territoires. À partir de 2012, la notion de « transition écologique » supplante peu à peu à celle de développement durable. La consécration du terme de transition est loin d’être neutre. Elle indique que les sociétés doivent se transformer pour s’adapter à la crise écologique et tendre vers un développement durable, et dans le même temps que cechangement doit être gouverné en impliquant toutes les « forces vives » de la société ; ce que visait à souligner l’appel à la « mobilisation générale » lancée par la ministre lors de l’adoption de la loi de transition énergétique pour la croissance verte en 2015. Ainsi, avec la montée en puissance des enjeux de transition énergétique et écologique, ce ne sont plus seulement les partenaires de l’action publique (les acteurs publics, acteurs économiques, les associations) qui sont associés, mais les citoyens ordinaires qui sont invité. es à « passer à l’action ». Peu à peu, le thème participatif s’élargit tant dans son périmètre (des projets d’aménagement aux coopératives d’énergie citoyenne par exemple), que dans son public (de la société civile aux profanes tiré·es au sort).

19« Participation du public » au sein du Commissariat Général au Développement Durable (CGDD), « mobilisation citoyenne et médias » au sein de l’Ademe, « Service Mobilisation des citoyens pour la biodiversité » au sein d’une direction des acteurs et des citoyens au sein de l’Office Français pour la Biodiversité, « Participation citoyenne » au sein du Cerema : la structuration progressive d’un « service public de la participation » [21]au sein des administrations en charge de la transition écologique est emblématique de l’institutionnalisation croisée des impératifs participatifs et écologiques. Au sein des Dreal, la participation citoyenne est peu visible dans les organigrammes. Néanmoins, pour les agent·es en charge de la transition écologique et énergétique, la participation citoyenne est devenue « un instrument d’appropriation de la transition écologique » [22]. Ils ont développé des compétences pour accompagner les porteurs de projets dans le respect des prescriptions participatives des plans climat ou des écoquartiers : « On n’est pas des experts de la participation, mais on a été sollicités par les acteurs qui voulaient savoir comment mettre en œuvre les préconisations, alors on s’y est intéressé » [23]. Au sein des Dreal, comme dans les autres administrations la charte de la participation du public adoptée en 2016 a été un « accélérateur » [24] de ce processus de professionnalisation. Dans son sillage, le CGDD a créé un pôle participation et anime le réseau des adhérents de la charte de la participation du public afin de promouvoir des pratiques vertueuses et respectueuses des principes de la charte, et de structurer une communauté professionnelle en partenariat notamment avec les Dreal et le Cerema. Le cas du Cerema est particulièrement significatif de ce processus. Depuis la création de cet établissement en 2014, quelques agentes dans les directions régionales menaient des actions en lien avec la participation citoyenne, mais cette mission n’apparaissait ni dans les fiches de poste, ni dans les organigrammes. En 2019, le CGDD a mandaté le Cerema pour la réalisation d’une enquête sur les expériences de participation citoyenne afin de « capitaliser les bonnes pratiques en la matière, en lien avec les principes et les valeurs de la charte de la participation du public ». Dans la continuité de ce travail, le Cerema a engagé un travail d’identification des compétences et de structuration d’un pôle dédié à la participation citoyenne. Il développe désormais une offre de services à destination des agents de l’État et des collectivités territoriales, « adaptable à toute sorte de projets ou processus participatifs, qu’ils soient volontaires ou réglementaires et quelle que soit leur échelle territoriale » et intitulée « la boussole de la participation ». On comprend ainsi que pour les services de l’État, il ne s’agit « pas de se positionner en concurrent sur le marchéde la participation » [25], mais de construire une doctrine participative via l’identification et la valorisation des bonnes pratiques, la mise en réseau et l’échange d’expériences, et l’accompagnement des porteurs de projets, de favoriser la diffusion des bonnes pratiques y compris dans les collectivités peu dotées en ingénierie, et donc aussi de ré-internaliser une expertise participative détenue par les acteurs privés [26].

20Cette structuration progressive d’une expertise participative au sein des services de l’État, et en particulier au sein des administrations dédiées à la transition écologique, est révélatrice de l’intrication des thèmes de la participation citoyenne et de la transition écologique. C’est une conception extensive de la participation qui est généralement mobilisée. Par exemple, au sein de l’AFB : « On entend par mobilisation citoyenne, le continuum d’activités suivantes : information, communication, sensibilisation, éducation et participation du public. » [27] Mais, au regard de la « régression du droit de l’environnement et de la participation » [28] évoquée précédemment, on peut s’interroger sur ce à quoi il est désormais permis – et, de plus en plus, possible – de participer.

La participation citoyenne et son double : gouvernement des conduites écologiques et désengagement de l’État

21La participation des citoyen·nes à l’action publique environnementale a toujours eu des objectifs entremêlés : il s’agit en même temps de produire de l’acceptabilité sociale et de renforcer la démocratie. Mais au cours des dernières années, la tension s’est accrue entre d’un côté une conception managériale de la participation portée par les administrations et les acteurs économiques, et de l’autre une conception politique de la participation défendue par des militant·es qui, en dehors et au sein des administrations, défendent une transformation, plus ou moins radicale, du système économique et démocratique. C’est ce qui explique que l’augmentation continue des offres de participation n’ait pas permis d’enrayer la dynamique conflictuelle. Pendant que des collectifs expérimentent en actes des alternatives démocratiques et écologiques (dans les ZAD ou de façon moins conflictuelle dans le cadre de nombreuses initiatives telles que des jardins partagés, des zones de gratuité, des AMAP, etc.) (Bulle, 2020 ; Pruvost, 2015), le développement d’instruments participatifs dans l’action publique s’inscrit dans une « trajectoire de dépolitisation » (Gourgues, 2015).

22Des travaux menés sur les écoquartiers (Berthelot, 2020) ou les projets territoriaux de développement durable ont mis en évidence le décalage entre d’un côté l’affichage de la dimension participative et de l’autre les procédures administratives et techniques qui affectent la capacité de mobilisation citoyenne et concluent que « fiches action et ateliers participatifs semblent aller dans le sens d’une “sanctuarisation” des engagements, où l’important est moins la dynamique du débat que l’affichage de la démarche et du consensus autour du projet » (Angot, 2013). En effet, si la participation fait désormais partie des attendus des politiques de développement durable, et aujourd’hui de la transition écologique, celles-ci demeurent largement axées sur la recherche de solutions techniques auxproblèmes écologiques et encastrées dans un modèle de développement plus ou moins empreint de la mythologie « Croissance-Métropolisation-Attractivité-Excellence » (Bouba-Olga, Grosseti, 2018). Cela conduit à déplacer la participation citoyenne de « l’espace de la négociation explicite, où se définissent les principes d’action, vers l’espace de l’opérationnalisation où sont négociés les moyens d’action » (Salles, 2006), voire de l’espace de la discussion à celui de l’exécution de l’action publique.

23La participation des citoyen·nes aux plans climats est un bon exemple. Selon la méthodologie de l’Ademe « Climat Pratic » : « L’élaboration d’une politique climat air énergie ne peut se limiter à un travail de “chambre” réalisé par les services et les élus ». Mais l’analyse des offres de formations et de ressources de l’Ademe révèle qu’il ne s’agit pas pour autant de définir une politique en concertation, mais bien de « mobiliser la société civile en développant la concertation » :

24

« La construction collective de cette politique permet de susciter l’intérêt et la motivation des habitants et acteurs du territoire. Elle permet également une bonne adéquation entre le contexte et le projet, son appropriation par les acteurs, leur responsabilisation et l’initiative individuelle. » [29]

25Un rapport de l’Ademe le souligne d’ailleurs : « De manière plus générale, l’Agenda 21 et le PLU sont devenus des outils de conscientisation, utilisés comme des déclencheurs d’une démarche accompagnatrice au changement vers des comportements plus vertueux » [30]. Les effets sur les comportements et les représentations des citoyen·nes de ces concertations sont limités (Almaric, Bertrand, 2017) [31], mais cela montre que la prise de conscience des citoyen·nes et la modification de leurs comportements ne sont plus envisagées comme un bénéfice indirect de la participation démocratique [32] mais comme un objectif à part entière.

26L’offre de participation citoyenne s’articule désormais à l’objectif de développement d’une « écocitoyenneté ». Il ne s’agit plus simplement d’agir sur les consciences par des campagnes d’information, mais bien de rechercher l’implication active des citoyen·nes à travers des dispositifs participatifs comme les « défis citoyens » (famille à énergie positive, zéro déchet…). Par exemple, l’objectif de la politique de mobilisation citoyenne de l’AFB est de « créer une relation particulière entre les citoyens et l’AFB pour favoriser leur implication dans la gouvernance des politiques publiques de biodiversité et des comportements favorables à la préservation de la biodiversité. D’autre part elle vise à contribuer à faire émerger une dynamique d’engagement des citoyens en faveur de la biodiversité » [33]. Ce brouillage entre participation citoyenne et action sur les comportements est conforté par le succès des sciences comportementales qui occupent désormais aujourd’hui une place de choix dans l’arsenal de la « modernisation écologique » [34]. Il traduit clairement le déplacement de la participation de l’espace de l’élaboration des décisions à celui de l’exécution des solutions : il ne s’agit pas de faire participer à la définition des politiques, et donc des« bons » comportements, mais bien de faire participer en vue de l’adoption des comportements préalablement définis comme « bons ». On observe ainsi un glissement d’une conception politique de l’écocitoyenneté, qui reconnaît aux citoyen·nes l’expression d’une capacité critique, à une conception dépolitisée qui promeut l’engagement et la responsabilisation [35], tout en invisibilisant les déterminants sociaux de l’action individuelle (Comby, 2015).

27En parallèle de ce mouvement, l’attrait des acteurs publics pour les « initiatives citoyennes » mérite d’être souligné. À l’image du Cerema qui promeut le budget participatif comme un « outil de valorisation et de stimulation des initiatives citoyennes » qui « améliorent l’espace public », ou des multiples appels à projets locaux pour soutenir des « projets participatifs et citoyens pour la transition énergétique », l’action citoyenne est désormais identifiée comme « accélératrice de transition vers des modes de vie plus durables » [36]. Ainsi, le guide Initiatives citoyennes et transition écologique : quels enjeux pour l’action publique ? publié en 2019 par le CGDD, indique que :

28

« Le repérage, l’appui, l’accompagnement à l’essaimage et au changement d’échelle des initiatives locales de transition constituent aujourd’hui un enjeu et une opportunité d’évolution de l’action publique. En effet, beaucoup d’innovations citoyennes dans les territoires tracent les chemins d’une transition écologique, sociale, économique et démocratique. Ces initiatives “qui marchent”, innovantes à leur échelle, illustrent souvent des transformations des pratiques et des rapports sociaux, avec les différentes formes d’intelligence collective qui les accompagnent. »

29L’enthousiasme affiché par les rapports officiels pour ces initiatives citoyennes contraste avec les retours d’expériences qui se révèlent beaucoup plus nuancés. Ces initiatives sont en effet encastrées dans un cadre technique et économique qu’elles ne parviennent pas à déconstruire. Ainsi, c’est un bilan sévère qui est dressé de la participation des citoyen·nes à des projets d’énergie renouvelable en Alsace :

30

« Face à la technicisation d’un agir sur l’environnement, les référents et les savoirs mobilisés par les habitants sont le plus souvent disqualifiés et ne trouvent guère de résonance parmi les modalités d’actions normalisées et “légitimes”. On observe ainsi un encastrement des enjeux environnementaux dans des intérêts économiques et non la déconstruction de ces derniers à l’aune de principes écologiques. Une transition “alternative” supposerait plus que l’affirmation du seul répertoire de la participation citoyenne, fréquemment cadrée en même temps qu’elle est octroyée, si l’on vise un nouvel ordre socio-économique et donc éthique et épistémique » .
Christen, Hamman, 2015

31Cette articulation des initiatives citoyennes à l’action publique est traversée de tensions. Certes, grâce à l’intérêt des acteurs publics, les collectifs citoyens ont pu trouver un soutien symbolique, financier et matériel pour la mise en œuvre de leurs actions, mais il n’est pas certain qu’ils partagent les mêmes objectifs. Du côté des collectifs citoyens, les motivations et les pratiques, bien que variables, sont à rechercher dans une logique de « politisation du moindre geste » (Pruvost, 2015) : il s’agit souvent d’expérimenter des alternatives au modèle capitaliste. Du côté des acteurs publics, l’intérêt exprimé pour ces initiatives apparaît beaucoup plus ambigu. On peut y voir l’expression du militantisme écologique d’agent·es qui au sein de l’État et des collectivités territoriales partagent cettevision délibérative de l’action environnementale et la croyance dans la nécessité d’opérer un changement radical de la société [37], d’une remise en cause du fonctionnement « bureaucratique » par les réformateurs de l’État ou une forme renouvelée de la participation des associations à l’action publique environnementale. Mais c’est également une opportunité pour l’État de se désengager des enjeux de la transition écologique en s’appuyant sur les acteurs associatifs tout en promouvant l’avant-garde d’une « morale écocitoyenne » qui responsabilise les comportements individuels, mais ne remet pas en cause l’ordre économique et social qui les façonne (Comby, 2018). En ce sens, si en elles-mêmes ces initiatives peuvent constituer des alternatives au néolibéralisme contribuant à une transition écologique de nos sociétés, leur valorisation par les autorités, dans le contexte de régression de la démocratie environnementale et d’atteintes aux libertés associatives (Delfini, Roux, Talpin, 2021) [38], témoigne plutôt de leur récupération dans le processus de « mainstreamingde la transition écologique » (Sémal, 2017).


32L’institutionnalisation de la participation citoyenne est l’un des traits saillants de l’action publique environnementale des deux dernières décennies. Toutes les politiques l’affirment désormais : la transition écologique ne se fera pas sans les citoyens. L’offre de participation a été considérablement renforcée et diversifiée, que ce soit dans le périmètre réglementaire de la participation du public aux projets ayant un impact sur l’environnement ou dans le cadre de l’élaboration des politiques de transition écologique et énergétique. Mais cette institutionnalisation s’opère en trompe-l’œil. Si les procédures participatives ont pu favoriser la critique publique des projets, le plus souvent elles n’élargissent pas les cercles décisionnels – la décision demeurant le monopole des élu·es et des maîtres d’ouvrage – et ne permettent pas la construction collective des choix de société. Surtout, les dernières années ont été marquées par deux évolutions parallèles qui montrent que l’institutionnalisation de la participation citoyenne est traversée de tensions : d’un côté, une régression du droit de l’environnement et de la participation du public au nom de l’efficacité économique ; de l’autre, la valorisation de la participation citoyenne à la transition écologique notamment sous la forme renouvelée d’un soutien aux initiatives citoyennes. Mais dans ses tensions et contradictions, qui sont aussi celles que vivent les agent·es en place, on observe bien un déplacement de la « doctrine » participative de l’État environnemental vers une conception dépolitisée de l’écocitoyenneté : la participation des citoyen·nes est encouragée dès lors qu’elle ne contrarie pas l’activité économique et qu’elle ne conduit pas à politiser la question écologique c’est-à-dire à mettre en discussion l’ordre politique, économique et social qui conditionne les comportements. Lorsqu’elle vise à transformer les rapports de domination et à bousculer l’ordre des priorités et la distribution des valeurs et des ressources, elle est entravée. En ce sens, l’institutionnalisation de la participation citoyenne vise moins à renforcer la démocratie environnementale qu’à gouverner la transition écologique par la responsabilisation et la mobilisation d’écocitoyen·nes (Salles, 2009).

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Mots-clés éditeurs : transition écologique, Participation citoyenne, dépolitisation, écocitoyenneté

Date de mise en ligne : 10/11/2021

https://doi.org/10.3917/rfap.179.0107

Notes

  • [1]
    La notion de démocratie environnementale peut être mobilisée dans un sens extensif – le principe d’un gouvernement démocratique de l’action environnementale caractérisé par la possibilité offerte à tou·tes de participer aux décisions – ou plus restrictif – les droits des citoyen·nes à l’information, et à la participation du public constitutionnellement garantis. Nous utiliserons l’expression « participation du public » pour désigner la participation des citoyen·nes dans le périmètre défini par la loi.
  • [2]
    Dans la continuité de Aldrin et Hubé, l’État sera appréhendé dans un sens extensif : nous étudierons l’État, ses services centraux et déconcentrés, ses établissements, mais également les collectivités territoriales.
  • [3]
    Pour la chronologie des textes applicables en matière de participation du public, voir https://www.debatpublic.fr/textes-applicables
  • [4]
    Des travaux ont déjà documenté les années 1990-2000 (Ollivier-Trigalo, Piechazick 2001 ; Blatrix 2000).
  • [5]
    Nous avons interrogé des agent.es en poste, ou anciennement en poste, en Dreal, au CGDD, au Cerema, à la DITP, ainsi que la présidente et l’ancien président de la CNDP entre 2020 et 2021.
  • [6]
    Direction générale des infrastructures, des transports et de la mer, Instruction technique relative aux modalités d’élaboration des opérations d’investissement et de gestion, 2018.
  • [7]
    Pour des éléments sur les processus de mise en administration de la participation et le fonctionnement de ce marché, nous nous permettons de renvoyer à l’ouvrage précité.
  • [8]
    Le récent rachat par une entreprise d’ingénierie du cabinet spécialisé dans le débat public qui fut impliqué dans la rédaction de la charte de la concertation en 1996 est tout à fait illustratif.
  • [9]
    Rapport d’activité de la CNDP pour l’année 2019.
  • [10]
    CNDP. Notice de présentation jointe à l’appel à candidatures pour devenir garant de la concertation.https://www.debatpublic.fr/devenez-garant. Consulté le 6 mai 2021.
  • [11]
    Voir notamment le rapport de la commission des lois du Sénat lors des débats parlementaires de 2002.https://www.senat.fr/rap/l01-156/l01-156_mono.html#toc374
  • [12]
    Entretien, décembre 2020.
  • [13]
    Idem.
  • [14]
  • [15]
    Rappelons que la CNDP a publiquement insisté sur l’impossibilité d’entamer un débat en définissant des lignes rouges et sur la nécessité de travailler les suites des propositions issues du débat.
  • [16]
    Sans pouvoir le développer ici, soulignons que dans le même mouvement un centre de la participation citoyenne a été créé par la Direction interministérielle à la transformation publique placée sous l’autorité du Premier ministre.
  • [17]
    Arnaud Gossement, « La convention citoyenne pour le climat est profondément monarchique »,Reporterre, 5 février 2020.
  • [18]
    À l’issue de l’enquête publique, le commissaire enquêteur rend un avis favorable ou défavorable, qui a des conséquences sur la procédure d’approbation des opérations soumises à enquête publique. En cas d’avis défavorable, certes rares, le maître d’ouvrage peut réitérer sa demande, mais il doit alors la motiver. Et un avis défavorable augmente les chances de succès d’un recours devant le juge administratif.
  • [19]
    Voir à ce sujet l’avis de la CNDP du 3 mars 2021 qui évoque une « régression » des droits.
  • [20]
    Cette conception du rôle de l’État est formulée explicitement dans la stratégie nationale bas carbone adoptée en 2015. « Pour réguler des émissions diffuses, l’intervention publique doit plutôt être conçue comme “incitative” ou “responsabilisatrice”, faisant levier sur les acteurs privés, mais laissant à chacun sa liberté de choix dans un cadre régulé et le responsabilisant aux conséquences de ses choix pour la société et les générations futures. On oriente ainsi les comportements de consommation et d’investissement », p. 47.
  • [21]
    Entretien chargée mission participation citoyenne au Cerema, avril 2021. Ce mouvement n’est pas limité aux questions environnementales. Au contraire, au cours des dernières années, la participation citoyenne a trouvé une place au sein de nombreuses administrations de l’État (DITP, Cerema, ANCT…) qui visent autant à développer la « culture de la participation » au sein des administrations qu’à internaliser des compétences détenues par les prestataires.
  • [22]
    Entretien, agente de la transition écologique, Dreal, février 2020.
  • [23]
    Entretien, agente de la transition écologique, Dreal, février 2020.
  • [24]
    L’expression est utilisée en entretien par une agente de la Dreal et une agente du Cerema.
  • [25]
    Entretien, chargée de mission participation citoyenne, Cerema, op. cit.
  • [26]
    Il est significatif que l’idée d’internalisation des compétences soit formulée aussi bien au CGDD qu’à la DITP.
  • [27]
    Offre d’emploi chef·fe du département Mobilisation citoyenne, AFB, 2019.
  • [28]
    Avis de la Commission nationale du débat public sur le projet de décret portant diverses dispositions d’application de la loi d’accélération et de simplification de l’action publique et de simplification en matière environnementale du 7 décembre 2020, 3 mars 2021.
  • [29]
    « Mobiliser la société civile en développant la concertation », Fiche ressources, Territoires & Climat.https://www.territoires-climat.ademe.fr/ressource/530-172
  • [30]
    Ademe, Réussir la planification et l’aménagement durable, 2013.
  • [31]
    On le sait, seuls des processus participatifs très intenses, comme la CCC, sont susceptibles de produire des effets durables sur les citoyen·nes.
  • [32]
    Les effets d’apprentissage permis par la participation ont toujours été soulignés, mais ces effets individuels étaient considérés comme secondaires.
  • [33]
    Offre d’emploi chef du département Mobilisation citoyenne, AFB, 2019.
  • [34]
    Voir la publication récente, par la Direction interministérielle de la transformation publique, d’un guide dédié aux apports des sciences comportementales pour la transition écologique. Pour une discussion critique du « biais comportementaliste », voir Bergeron, Castel, Dubuisson Quellier (2018).
  • [35]
    En nous inspirant des travaux de F. Ihadadenne (2015).
  • [36]
    CGDD, L’action citoyenne : accélératrice de transition vers des modes de vie plus durables, avril 2019.
  • [37]
    Cela serait à approfondir, mais on peut faire l’hypothèse que les déceptions des agents du ministère de la transition écologique à l’égard des politiques menées et des moyens à leur disposition (Reporterre, 6 avril 2021 « Au ministère de l’écologie, les fonctionnaires souffrent et constatent leur impuissance »), les conduisent à agir encore davantage comme des militant·es soutenant de l’intérieur des initiatives citoyennes.
  • [38]
    Cela a été déjà abondamment commenté : les militant·es écologistes subissent de plus en plus de répression.

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