Notes
Cette chronique couvre la période du 1er février au 30 avril 2021.
- La SNCF dans la crise (rapport de la Cour des comptes)
- Contrôle de la Cour des comptes sur la Commission de régulation de l’énergie
- L’ouverture à la concurrence des transports urbains en Île-de-France
- Air France, recapitalisation réalisée
- Feuilleton Suez Veolia : suite et fin ?
- Comptes des entreprises publiques en 2020
- Brèves
I – La sncf dans la crise (rapport de la cour des comptes)
1Dans son Rapport public annuel 2021 – Tome I, la Cour des comptes étudie le comportement de la SNCF dans la crise sanitaire et particulièrement lors du premier confinement. Si le trafic s’est effondré, l’entreprise nationale a été réactive et s’est adaptée, mais sa situation est durablement affectée.
• Effondrement du trafic de voyageurs et de fret avec une concentration sur les besoins essentiels
2La SNCF a assuré le service vital tant pour les transports de la vie quotidienne et de longues distances que pour le fret. Le nombre de trains (voyageurs et fret) en circulation chaque jour pendant le confinement peut être estimé à 3700 environ, toutes activités confondues, contre 15000 habituellement.
3Durant le premier confinement, l’offre de transport « voyageurs » a été réduite au minimum (dite « SCPE », pour « service de continuité pendant l’épidémie »). Par ailleurs, les deux tiers des quelque 3000 gares de France ont été fermés (1949 gares fermées au 4 avril).
4Le transport de fret a été considéré comme une activité vitale à la fourniture des produits essentiels, sans restriction de circulation. Le nombre de wagons transportés par Fret SNCF a ainsi sensiblement moins diminué que le transport de passagers : par rapport à l’année précédente, la baisse était de − 25 % en mars, − 39 % en avril et − 38 % en mai. Fret SNCF a mis en place un plan de transport adapté, en lien avec ses clients, pour établir des priorités entre les trafics en fonction des besoins essentiels de la nation.
5Les travaux non essentiels ont été suspendus dès le début du premier confinement, y compris les chantiers de renouvellement ou de développement (notamment le projet Est Ouest liaison express [Eole] en Île-de-France). Les technicentres chargés de la maintenance courante ont maintenu une activité partielle afin de permettre la réalisation de la maintenance nécessaire sur les trains encore en circulation.
• Réactivité et adaptation
6La SNCF a su mettre en place rapidement une organisation de crise : une cellule opérationnelle a été créée dès le mois de février au niveau du groupe afin de coordonner l’action sanitaire (prévention, information, approvisionnement). En complément, une mission a été instituée pour anticiper la sortie de crise,
7L’entreprise a également apporté un appui logistique aux activités des soignants, en maintenant une offre de transport adaptée et en participant au dispositif de renfort des bus en Île-de-France (navettes réservées aux personnels hospitaliers). La circulation de dix TGV sanitaires a permis le transfert de 202 malades pour un coût d’environ 1 M€ pour la SNCF.
• Une situation financière très dégradée fin 2020 et un impact durable
8Le fort ralentissement de l’activité en 2020 a conduit à une nette dégradation de tous les indicateurs financiers.
9Cette dégradation a conduit la SNCF à mettre en place un plan d’économies de 1,8 milliard d’euros. En dehors des grands projets (Eole, CDG Express), le risque est donc fort de voir abandonnés des projets de renouvellement ou de modernisation.
10Les perspectives à moyen terme sont peu favorables, avec une persistance de la crise sanitaire. Or, le groupe SNCF cumule des faiblesses structurelles dans la plupart de ses activités ferroviaires : la productivité reste encore insuffisante ; la modernisation des processus de production doit être accélérée ; la qualité de service n’est pas encore au niveau attendu. Les rapports de la Cour des dernières années ont souligné ces faiblesses. La crise a remis en cause le modèle de financement des deux gestionnaires d’infrastructure SNCFRéseau et Gares et Cconnexions.
11L’État a fait le choix, en matière ferroviaire, de concentrer le plan de relance sur les gestionnaires d’infrastructure. Il a décidé de recapitaliser le groupe à hauteur de 4,05 Md€ au profit de SNCF Réseau. À cette recapitalisation s’ajouteront 650 M€ de cessions destinées à l’amélioration de la circulation du fret ferroviaire, à l’amélioration de l’accessibilité des gares, à la lutte contre les nuisances sonores et à la sécurisation des passages à niveau. Cet effort, parce qu’il ne fait que financer des besoins du gestionnaire d’infrastructure jusqu’alors non couverts par l’État, risque de ne pas suffire pour accompagner les investissements de renouvellement et de modernisation nécessaires à l’amélioration du réseau ferré national.
12S’agissant du transport de voyageurs sur les lignes à grande vitesse, qui ne bénéficie d’aucune subvention, la marge dégagée est extrêmement sensible à la fréquentation. Si la clientèle loisirs semble en mesure de retrouver assez rapidement un niveau similaire à celui constaté en 2019, le segment des professionnels est beaucoup plus incertain.
13Si le fret a bien résisté pendant le confinement, la reprise très progressive de l’activité économique pèse sur la demande de transport de marchandises.
14Dans ce contexte, la question de la prise en charge des conséquences financières de cette diminution des recettes d’exploitation revêt une importance cruciale. Se pose tout d’abord la question de savoir si, en principe, la prise en charge des pertes exceptionnelles liées à la survenance d’un événement tel qu’une crise sanitaire, et en particulier aux mesures de restriction des déplacements rendues nécessaires par celle-ci, doit relever des autorités publiques (État et/ou autorités organisatrices régionales) ou bien de l’opérateur de transport. L’idée d’une prise en charge de ces pertes par la solidarité nationale apparaît à cet égard cohérente avec la nature de la crise, entièrement indépendante de l’opérateur de transport.
15Cette question a donné lieu à des négociations entre les régions et l’État, lesquelles ont abouti à deux accords. D’une part, un accord de méthode conclu le 30 juillet 2020 avec les régions a dégagé une enveloppe de 600 M€ au profit de ces dernières, ce calcul intégrant l’évaluation des pertes de recettes tarifaires pour l’activité TER. Pour l’Île-de-France (Transilien), l’accord du 8 septembre 2020 entre l’État et Île-de-France Mobilités (IDFM) a permis un soutien financier sous la forme d’une compensation des pertes subies au titre du versement « mobilité » et d’une avance remboursable sans intérêt pour une partie importante des pertes de recettes tarifaires. La SNCF prendra en charge le risque commercial prévu dans le cadre de la convention en vigueur en 2019.
II – Contrôle de la cour des comptes sur la commission de régulation de l’énergie
16La Cour a réalisé un contrôle des comptes et de la gestion de la Commission de régulation de l’énergie (CRE) pour les exercices 2013 à 2019.
171 – La Cour a relevé un encadrement lacunaire de la fonction de régulation dans la gestion du « commissionnement ». Celui-ci consiste, pour un gestionnaire de réseau, à rémunérer le fournisseur d’énergie au titre des frais de gestion de clientèle, assurée pour son compte. Il est à l’origine de nombreux contentieux. Le président de la CRE a souhaité pallier le silence de la loi en mettant en œuvre, par une délibération du 26 juillet 2012, sans base juridique solide, une compensation du handicap concurrentiel des fournisseurs alternatifs, lié à une base de clientèle jugée insuffisante pour couvrir leurs charges fixes, en leur accordant le bénéfice de la rémunération, par les gestionnaires de réseau de distribution (GRD), de leurs « peines et soins ». À l’inverse, les fournisseurs historiques se sont vus refuser la même rémunération par le gestionnaire de réseau de distribution en raison de la taille de leur clientèle. Pour ce motif notamment, le Conseil d’État a annulé ce dispositif en juillet 2016.
18Le régulateur a validé seul une rémunération dont le montant n’avait pas été suffisamment audité ni contredit avec l’ensemble des parties prenantes à l’occasion d’une consultation publique, comme c’est l’usage pour toutes les délibérations tarifaires de la CRE. La rémunération des fournisseurs alternatifs par le gestionnaire de réseau de distribution d’électricité a représenté un coût de 137,5 M€ entre 2012 et 2016, dont 127 M€ pour le principal bénéficiaire.
192 – Le législateur a tiré les conséquences de l’annulation, par le Conseil d’État, du dispositif mis en place par la CRE en élargissant depuis le 1er janvier 2018 le commissionnement à tous les fournisseurs d’électricité et de gaz naturel. La CRE s’est vu reconnaître, a posteriori, la compétence pour fixer la rémunération versée à tous les fournisseurs par les gestionnaires de réseau de distribution.
20Or, la généralisation du commissionnement à tous les fournisseurs ne répond plus à l’objectif initialement visé par la CRE d’accompagner les fournisseurs alternatifs pour ouvrir le marché à la concurrence. Le dispositif a donc perdu son utilité, mais présente plusieurs inconvénients. Notamment, dans ses tarifs du commissionnement, la CRE n’a pas tenu compte des consommateurs ayant souscrit une offre duale (gaz et électricité) auprès d’un même fournisseur, ce qui génère nécessairement des économies d’échelle importantes et, par suite, une rémunération surévaluée du fournisseur. De plus, la régulation, par la CRE, du montant du commissionnement, vient alimenter le flux des recours contentieux de la part de fournisseurs qui estiment insuffisante la rémunération qui leur est accordée.
21Il serait donc préférable pour l’État de laisser les fournisseurs évaluer eux-mêmes, dans leur offre commerciale, le prix à recevoir de leurs clients en contrepartie de leurs coûts de gestion de clientèle, y compris lorsqu’ils concernent l’acheminement de l’énergie.
22La Cour estime ainsi que ce dispositif mal conçu, qui n’a d’ailleurs pas d’équivalent chez nos voisins européens, mériterait d’être reconsidéré.
233 – Les missions de la CRE sont précisément fixées par la loi. Or, le périmètre ainsi défini n’est pas toujours respecté par la CRE elle-même, mais aussi par l’administration centrale.
24Dans le dossier du « commissionnement », le Gouvernement, qui aurait dû proposer de corriger les insuffisances de la loi sur ce sujet, est resté passif. Plus récemment, l’État s’est déchargé sur le régulateur d’une partie de la gestion du contentieux fiscal lié à la Contribution au service public de l’électricité (CSPE). Cette responsabilité indue ne peut que perturber son activité et altérer le sens de sa mission.
25La CRE se donne plus globalement pour objectif de jouer le rôle de « maison de l’énergie » en France, qui n’est pas celui que lui confère la loi. La CRE gagnerait à se recentrer sur ses missions essentielles pour les assurer de la manière la plus efficace possible.
264 – Une adaptation de la gouvernance pourrait permettre de mieux garantir le respect, par la CRE, de son périmètre de compétences. Une première option consisterait à mettre en œuvre la possibilité, prévue par la loi, de nommer un commissaire du Gouvernement auprès de la CRE. Une seconde option consiste à renforcer la transparence des débats au sein du collège de la CRE. Il s’agirait d’autoriser l’expression d’opinions dissidentes par les commissaires qui le souhaitent. Cette pratique est déjà en vigueur dans de nombreuses autorités dans le monde.
27La Cour formule donc les recommandations suivantes :
28Recommandation no 1 : préciser dans la loi, que les contrats d’accès au réseau conclus selon un modèle approuvé par la CRE régissent exclusivement les relations financières entre les gestionnaires des réseaux de distribution et les fournisseurs d’électricité et de gaz naturel ;
29Recommandation no 2 : nommer un commissaire du Gouvernement auprès de la CRE ou, à défaut, proposer la suppression de l’article L. 133-4 du code de l’énergie ;
30Recommandation no 3 : à défaut de la nomination d’un commissaire du Gouvernement auprès de la CRE, autoriser la publication d’opinions dissidentes par les commissaires, annexées aux délibérations du collège de la CRE.
III – L’ouvertureà la concurrence des transports urbains en Île-de-France
31Le 10 avril 2021, a été mis en service en Île-de-France le tramway T9 : il s’agit de la première ligne qui ne sera pas exploitée par la RATP, mais par un concurrent, en l’occurrence Keolis. Ce tram relie sur 10 km la porte de Choisy, à Paris, à Orly-Ville (Val-de-Marne), sur la ligne d’autobus qui était la plus chargée en banlieue, le 183. Il a coûté 404 millions d’euros, auxquels s’ajoutent 75 millions pour les rames, fournies par Alstom.
32Île-de-France Mobilités (IDFM) a entrepris de mettre en concurrence tout le réseau francilien d’ici à 2040. La concurrence par le marché a commencé pour les autobus de grande couronne (Optile). Le réseau est divisé en 36 lots qui seront progressivement mis en concurrence. IDFM en a jusqu’à présent attribué neuf, dont un comprend le fameux T9. Keolis l’exploitera jusqu’à la fin de l’année 2024, avant une nouvelle remise en jeu.
33En effet, la RATP, Établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC), doit perdre son monopole le 31 décembre 2024 pour les bus, le 31 décembre 2029 pour les tramways et le 31 décembre 2039 pour les métros et RER. Les exploitants du futur métro du Grand Paris Express – dont les premiers tronçons doivent ouvrir vers 2024/25 – doivent parallèlement être désignés par l’autorité régionale Île-de-France Mobilités après appel d’offres. Avant cela, c’est le monopole de la SNCF sur son secteur qui va disparaître par étapes en Île-de-France, entre 2023 et 2033. IDFM compte commencer par les trams-trains T4 et T11. Les enjeux sont très élevés : 10 milliards d’euros par an actuellement pour les lignes actuelles (dont en gros la moitié pour la RATP et un tiers pour la SNCF).
34Pour l’instant, la concurrence se joue entre opérateurs français : RATP, Transdev (filiale à 66 % de la Caisse des dépôts) et Keolis (filiale à 70 % de la SNCF).
35La RATP a annoncé la création d’une filiale dédiée à l’Île-de-France, baptisée RATP CAP Île-de-France : celle-ci « deviendra progressivement le vecteur du groupe pour répondre aux appels d’offres de transport urbain et suburbain en Île-de-France, en particulier sur le réseau bus actuellement exploité par la RATP », a précisé le communiqué de la RATP.
36Dans un rapport récent, la Cour des comptes avait estimé que face à la concurrence, la RATP souffrait de « surcoûts », dus à un « cadre social largement hérité de l’histoire », qui seront « susceptibles de la pénaliser ». Face à ces difficultés, la Cour a présenté cinq « recommandations » : réviser l’organisation du travail « en renonçant à la durée journalière de référence au profit de plafonds » calculés sur « quelques semaines au minimum » ; « augmenter la durée de conduite effective » des conducteurs de métro et RER ; « réduire l’automaticité » des hausses de salaire ; diminuer « les primes à l’acte » et renforcer les « primes de performance » ; installer « une procédure de contrôle des primes versées ».
IV – Air France, recapitalisation réalisée
37La Commission européenne a approuvé le projet de la France d’accorder jusqu’à 4 milliards d’euros pour la recapitalisation d’Air France, à travers sa holding (cf. la chronique du numéro 177). La mesure a été autorisée en vertu de l’encadrement temporaire [2] des aides d’État. La recapitalisation par la France, qui fait partie de la première étape du plan de recapitalisation du groupe, prévoit :
- la conversion du prêt d’État de 3 milliards d’euros déjà accordé par la France en un instrument de capital hybride ;
- une injection de capitaux par l’État, par la souscription de nouvelles actions dans le cadre d’une augmentation du capital social ouverte aux actionnaires existants et au marché, dans la limite d’un milliard d’euros en fonction de l’ampleur de cette opération. KLM, l’autre filiale stratégique du groupe Air France-KLM, ne bénéficiera pas de l’aide.
39La Commission a conclu que la mesure notifiée par la France était conforme à l’article 107, paragraphe 3, point b [3], du TFUE et aux conditions énoncées dans l’encadrement temporaire. En particulier, en ce qui concerne les points suivants :
- L’injection de capitaux ne dépassera pas le minimum nécessaire pour garantir la viabilité d’Air France et de sa holding et pour rétablir la situation de fonds propres qui était la sienne avant la pandémie de COVID-19 ;
- L’État français recevra une rémunération appropriée pour l’investissement, et des mécanismes supplémentaires ont été mis en place pour inciter Air France et sa holding à racheter la prise de participation de l’État résultant de la recapitalisation ;
- La France s’est engagée à élaborer une stratégie de sortie crédible dans un délai de 12 mois à compter de l’octroi de l’aide, à moins que l’intervention de l’État ne soit ramenée à un niveau inférieur à 25 % des fonds propres d’ici là.
- Tant que la recapitalisation n’est pas remboursée à 100 %, Air France et sa holding sont soumis à une interdiction de dividendes, de versement de coupons non obligatoires et de rachats d’actions. En outre, tant qu’au moins 75 % de la recapitalisation ne sont pas remboursés (conformément aux dispositions de l’encadrement temporaire), une limitation stricte de la rémunération des membres de leur direction s’applique, y compris une interdiction du versement de bonus.
- Tant qu’au moins 75 % de la recapitalisation ne sont pas remboursés, il est en principe interdit à Air France et sa holding d’acquérir une participation supérieure à 10 % chez des concurrents ou d’autres acteurs du même secteur d’activité ;
- Des mesures supplémentaires visant à préserver l’exercice d’une concurrence effective s’imposent. Il s’agit en l’occurrence de la mise à disposition par Air France de 18 créneaux horaires par jour à l’aéroport de Paris Orly à un transporteur concurrent. De plus, ces mesures requièrent que la compagnie aérienne en question ait recours à Orly à une base pour ses avions et équipages, dans le respect des législations européenne et nationale du travail.
- Un mandataire, qui devra être désigné par Air France et sa holding avant le 5 mai 2021, contrôlera et assurera, selon les instructions de la Commission, le respect des différents engagements. Le mandataire fera rapport périodiquement à la Commission.
41L’augmentation de capital a été réalisée le lundi 19 avril, elle a permis de lever 1,036 milliard d’euros. L’État français a souscrit à hauteur de 593 millions d’euros. Sa participation passe à 593 millions d’euros. La compagnie chinoise China Eastern a souscrit à cette augmentation de capital, sa participation passant de 8,8 % à 9,6 %. En revanche, l’État néerlandais, qui détenait 14 % d’Air France-KLM avant l’augmentation de capital, a décidé de ne pas y participer et va donc se retrouver mathématiquement dilué, à 9,3 % des parts.
V – Feuilleton suezveolia : suite et fin ?
42Veolia, après le rachat, en octobre, d’un bloc de 29,9 % au capital de Suez auprès d’Engie, avait vu ses droits bloqués tant que les salariés de Suez n’auraient pas été consultés sur l’opération (voir RFAP no 176, chronique du secteur public économique p. 1068).
43Après différentes péripéties judiciaires, Veolia a récupéré ses droits et contre-attaqué en déposant une offre publique d’achat à un prix de 18 euros par action, soit 7,9 milliards d’euros pour les 70,1 % du capital restant à acquérir.
44Mais, autre péripétie, Suez signe alors un accord de cession de son activité recyclage et valorisation en Australie à Cleanaway Waste Management. Or, dans son projet d’OPA, Veolia a identifié les actifs de Suez qu’il juge stratégiques et dont il refuse la cession. Ces activités recyclage et valorisation en Australie en font partie…
45En définitive, huit mois après le début des opérations d’acquisition déclenchées par l’achat à Engie de sa participation dans Suez, Veolia et Suez sont parvenus à un accord, annoncé le 12 avril par leurs conseils d’administration respectifs, grâce à la médiation de Gérard Mestrallet, ancien président-directeur général (PDG) de Suez puis du groupe d’énergie Engie.
46Les deux groupes se sont entendus sur un prix de 20,50 euros par action Suez, soit 1,4 milliard de plus par rapport aux 18 euros proposés par Veolia et payés en octobre 2020 à Engie, qui devrait avoir une forme de compensation. Au total, le montant de l’opération s’élève à 25,4 milliards d’euros.
47Mais cet achat ne couvre pas une partie des actifs. Est ainsi créé un « nouveau Suez », de 6,9 milliards d’euros de chiffre d’affaires de Suez, qui sera le périmètre des activités reprises par Meridiam, Ardian, GIP [4], la Caisse des dépôts. Son périmètre sera constitué des activités de Suez dans l’eau municipale et le déchet solide en France, y compris le CIRSEE, principal centre de recherche sur l’eau et l’environnement en France. S’y ajoutent des activités de Suez en Italie (y compris la participation dans ACEA), République tchèque, Afrique, Asie centrale, Inde, Chine, Australie, et les activités monde numérique et environnement (SES).
48De son côté, Veolia deviendra un « champion mondial de la transformation écologique », avec 37 milliards de chiffre d’affaires.
49Cet accord de principe prévoit la résiliation des accords avec l’australien Cleanaway et la suspension de toute autre cession significative, la désactivation de la fondation néerlandaise où étaient logées les activités de Suez France et la suspension des procédures en cours.
50Les deux groupes ont convenu de conclure des accords définitifs de rapprochement d’ici le 14 mai prochain. Mais il restera encore à obtenir l’aval des autorités de la concurrence, non seulement européennes, mais aussi de près d’une vingtaine de pays dans lesquels s’exerce l’activité des deux groupes !
VI – Comptes des entreprises publiques en 2020
51Air France-KLM a perdu 7,1 milliards d’euros en 2020, en effet, le chiffre d’affaires s’est effondré de 59 % par rapport à 2019, les effectifs ont baissé de plus de 10 % en un an.
52La SNCF constate une perte nette de 3 milliards d’euros, pour un chiffre d’affaires consolidé en recul de 14,2 %, à 30 milliards d’euros. L’essentiel de la perte a été réalisé au premier semestre. Le TGV a vu disparaître 54 % de ses recettes nominales.
53Radio France a annoncé un déficit de « 5 à 10 millions » en 2020 contre - 0,7 million d’euros de résultat net en 2019. Le chiffre sera précisé lors du conseil d’administration fin mars. En cause : la crise du Covid avec l’arrêt des recettes de billetterie (- 4 millions d’euros).
54La RATP constate en 2020 une perte nette de 134 millions d’euros contre un bénéfice de 131 millions un an plus tôt. C’est une première pour la régie des transports. « La crise sanitaire sans précédent que nous vivons a fortement pesé sur les résultats du Groupe en 2020, avec un impact négatif de – 414 M€ sur le chiffre d’affaires (5523 M€ en baisse de 3,2 %) et de – 356 M€ sur le résultat net part du Groupe, aboutissant à un résultat net de – 134 M€ » a annoncé la présidente directrice générale du groupe RATP.
55Engie a fait état d’une perte nette de 1,5 milliard d’euros en 2020, grevé par une dépréciation d’actifs de 2,9 milliards d’euros liée à ses actifs nucléaires en Belgique, mais le groupe a dit viser une « amélioration significative » de ses résultats cette année.
56Renault a affiché 8 milliards d’euros de pertes nettes en 2020. Le groupe a consommé 4 milliards d’euros sur les 5 milliards du Prêt garantis par l’État (PGE). L’an passé, le groupe a vu ses ventes diminuer de 21,3 % dans le monde.
57 BPIfrance, la banque publique d’investissement a publié des comptes déficitaires, la première fois depuis sa création en 2012. Les pertes nettes se sont élevées à 121 millions d’euros alors que le bénéfice de l’année antérieure était de 1 milliard d’euros.
58Le groupe La Poste a dégagé un bénéfice net de 2,1 milliards d’euros en 2020 uniquement grâce au rapprochement avec CNPAssurances. Sans cette opération, qui a renforcé le pôle financier mené par La Banque postale, le groupe aurait fini 2020 en pertes nettes de 1,8 milliard d’euros. L’an dernier, le volume de courrier a chuté de 18 % et pour la première fois en 2020, le résultat d’exploitation de la branche courrier-colis est tombé dans le rouge, à hauteur 1,1 milliard d’euros.
59À noter qu’en 2020 EDF a annoncé des résultats encore positifs, mais en baisse sensible. Elle a réalisé 650 millions d’euros de bénéfice net (- 87 %), pour 69 milliards d’euros de chiffres d’affaires (- 3,2 %). En 2019, le résultat net s’élevait à 5,2 milliards, en partie gonflé par la variation d’actifs liée à la performance des marchés financiers.
60Les résultats de la Caisse des dépôts sont également en baisse avec 777 M€ en 2020.
VII – Brèves
Premier Bilan du Prêt garanti par l’État (PGE)
61Cette aide, lancée au printemps 2020 par le Gouvernement pour soutenir les entreprises confrontées à l’arrêt de leur activité en raison du premier confinement sanitaire, semble avoir été globalement bien accueillie. La croissance des PGE continue et a atteint plus de 130 milliards octroyés à 660000 entreprises. Si seulement 20 % des entreprises ont demandé un PGE, il n’y a eu qu’un taux de refus de 2,8 %. Selon une étude menée par la BPI en coordination avec la Banque de France, la « sinistralité potentielle » des PGE à 6 ans – c’est-à-dire la perte réelle finale pour l’État et les banques – serait comprise entre 4 et 7 %.
« CDC Entreprises – Plan d’attributions gratuites d’actions » (arrêt du 9 mars 2021 de la Cour de discipline budgétaire et financière)
62La mise en place, le fonctionnement puis le dénouement du plan d’attributions gratuites d’actions au sein de CDC Entreprises se sont traduits par un coût total supérieur à 15 M€. Les résultats nets de l’entreprise ont fortement progressé, notamment à partir de 2009 grâce à l’augmentation du volume des actifs confiés en gestion par des financeurs publics, sans rapport direct avec les performances de placement de la société et celles de ses dirigeants. Ainsi, le premier dividende versé aux attributaires en 2010 a été beaucoup plus élevé que prévu. Deux cadres en particulier ont été les principaux bénéficiaires du plan, ils ont reçu pour l’un 533000 € sur 40 mois et pour l’autre 867000 € sur 69 mois. La Cour a considéré que ces montants manifestement excessifs avaient porté atteinte au principe de préservation des intérêts matériels et patrimoniaux de la Caisse des dépôts et consignations, et constituaient à ce titre une faute de gestion, sanctionnable sur le fondement de l’article L. 313-4 du Code des juridictions financières. L’un des deux cadres a été condamné à une amende de cent mille euros et le second à une amende de 70000 euros. Le directeur général de la Caisse qui n’avait pas personnellement bénéficié du dispositif a eu une amende de 5000 euros.
Critiques sénatoriales sur la gouvernance de l’audiovisuel public
63La commission de la Culture du Sénat a émis des avis défavorables à l’adoption des contrats d’objectifs et de moyens (COM) – fixées entre l’État actionnaire et France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l’Ina (celui d’Arte a été approuvé). Les critiques des sénateurs portent sur l’absence de gouvernance commune et l’absence de synergies, l’insuffisante prise en cause de l’influence de la France à l’étranger, le report incessant de la réforme de la redevance TV, le manque de perspectives sur la combinaison des différentes ressources… Les sénateurs plaident pour une transformation de la redevance TV en taxe universelle, l’arrêt de la publicité sur les antennes publiques à l’horizon de 2025.
Fusion des ports du Havre et de Rouen
64Préparée depuis 2019, la création du futur établissement public unique suite à la fusion des grands ports maritimes du Havre et Rouen et le port autonome de Paris est fixée au 1er juin 2021. Le siège sera Le Havre. Le Comité interministériel de la mer (Cimer) a entériné une gouvernance à trois niveaux avec un conseil de surveillance, un conseil d’orientation de l’axe « Seine », un conseil de développement territorial dans chaque place portuaire. Par ailleurs, un niveau d’investissement de 1,45 Md€ sur 2020-2027 a été annoncé.
Naval Group
65La ministre des armées, Florence Parly a officialisé le lancement des études de conception générale de la troisième génération de sous-marins nucléaires lanceurs d’engin (SNLE) qui entreraient en service à partir de 2035. Un important contrat qui engage essentiellement Naval Group et TechnicAtome pour la propulsion nucléaire.
Chantiers de l’Atlantique
66L’État n’a pas retenu l’offre de l’homme d’affaires Jean Claude Bourrelier de prendre une participation de 40 %, après l’échec du projet de rapprochement avec l’italien Fincantieri. « Son projet ne correspondait pas à ce qu’on recherchait. Il souhaitait être minoritaire, ce n’est pas un industriel du secteur, et nous recherchons plutôt un industriel », indique Martin Vial (Directeur de l’APE). L’État, qui a repris les Chantiers en 2017 après la faillite de son propriétaire sud-coréen STX, demeure actuellement le premier actionnaire (84,3 % du capital) avec Naval Group (11,7 %), les salariés (2,4 %) et des sociétés locales réunies au sein du consortium CofiPME (1,6 %).
Photonis
67Le fonds d’investissement Ardian, propriétaire de Photonis, avait annoncé un peu avant l’été dernier la vente du groupe à une entreprise américaine Teledyne, pour 550 millions de dollars. L’État avait empêché de cette entreprise stratégique pour l’industrie de défense nationale (appareils de vision nocturne). Le fonds d’investissement HLD a acquis Photonis pour 370 millions d’euros, la Banque Publique d’Investissement entrerait elle aussi au capital de Photonis.
Nomination à Nexter
68Bruno Lemaire et Florence Parly ont annoncé que Nicolas Chamussy, ancien du groupe Airbus, est nommé directeur général de Nexter et rejoint le comité exécutif de KNDS (société mère franco-allemande) à compter du 1er avril 2021. Nexter est architecte et systémier intégrateur des systèmes de défense terrestre (char Leclerc, véhicule blindé VBCI, système d’artillerie CAESAR, programme SCORPION).
Bpifrance et Technip
69Bpifrance a annoncé en mars 2021 avoir bouclé un investissement de 100 millions de dollars au sein de Technip Énergies, une opération qui va lui permettre de renforcer sa participation au capital du groupe d’ingénierie pour la porter autour de 7 %. Dans un communiqué, la banque publique d’investissement explique vouloir devenir un actionnaire de référence sur le long terme du spécialiste du GNL, de l’hydrogène et l’éthylène, en accompagnant sa stratégie au service de la transition énergétique.
EDF et la CNIL
70La CNIL avait adressé le 11 février à EDF une mise en demeure concernant le traitement des données de consommation d’électricité collectées par la société dans le cadre des compteurs communicants LINKY. Le consentement des utilisateurs pour la collecte de leurs données de consommation à la demi-heure ne paraissait pas assez explicité et la conservation des données trop longue. EDF ayant modifié ces deux éléments, la commission a déclaré la conformité au RGPD.
Areva – réacteur EPR Finlandais
71L’autorité finlandaise de sûreté nucléaire vient de donner son feu vert au chargement du combustible, une étape majeure pour ce chantier de construction du réacteur nucléaire de type EPR par Areva depuis 2005 et qui a pris une dizaine d’années de retard. Un contentieux avait condamné Areva SA à verser 450 millions d’euros à TVO en compensation. L’accord prévoyait aussi un malus supplémentaire de 20 millions d’euros par mois de retard au-delà de la fin 2019. Mais ces dernières pénalités sont actuellement renégociées. Après les essais, la prochaine étape doit être en octobre la connexion au réseau d’électricité, avant la mise en service commerciale prévue en février 2022.
Orano en Bourse ?
72Orano est l’entreprise spécialiste du traitement et du recyclage de l’uranium, issue du démantèlement d’Areva en 2017 entre Framatome, vendu à EDF, et Orano elle-même. Son PDG, Philippe Knoche, s’appuyant sur le redressement du groupe a confirmé à son actionnaire, l’État (90 %), son souhait d’être coté en bourse afin de se confronter aux exigences financières du marché. Selon le groupe, il existe un intérêt des investisseurs. De plus, les deux groupes japonais Mitsubishi et JNFL, qui détiennent chacune la moitié des 10 % du capital non public pourraient vendre leurs parts. L’État actionnaire est encore loin d’être convaincu par une introduction en bourse d’Orano. D’abord à cause du caractère des activités (manipulation de l’uranium et recyclage en plutonium), des difficultés du parcours boursier antérieur d’Areva en 2011 (le Koweït avait notamment investi 600 millions d’euros qu’il a entièrement perdus). Enfin, cette introduction serait peu cohérente avec « Hercule » la grande réforme d’EDF qui aboutit à renationaliser le nucléaire.
Eramet, conflit actionnaires et PDG
73La famille Duval, qui contrôle près de 37 % d’Eramet, avait écrit à l’Agence des participations de l’État (APE) pour suggérer que l’entreprise remplace la PDG Christel Bories. Mais en définitive, le conseil d’administration d’Eramet, réuni mardi 30 mars, a décidé de proposer à l’assemblée générale de reconduire Christel Bories pour un mandat de quatre ans avec dissociation des fonctions de président et de directeur général. Cette décision correspond à la volonté de l’État.
74Pour sa part, l’État détient 25,6 % (30 % des droits de vote) dans le cadre d’un pacte d’actionnaires scellé en 1999. Eramet, dernière entreprise minière avec le groupe nucléaire Orano (uranium), est une société stratégique pour la France : elle exploite et traite du nickel en Nouvelle-Calédonie et, depuis peu, en Indonésie, du manganèse au Gabon ; en Argentine, elle a des projets d’investissements dans les gisements de lithium, minerai essentiel à la fabrication des batteries des véhicules électriques.
Contrat de rénovation des trains de Grand Est
75La SNCF a remporté auprès de Grand Est un gros contrat (583,8 millions d’euros) portant sur la rénovation et modernisation de 125 AGC (automoteurs de grande capacité, construits par Bombardier) entre juin 2022 et janvier 2031, et de 41 TER2N NG (rames à deux niveaux construites par Alstom) entre mai 2023 et janvier 2030. Ces opérations seront principalement effectuées au technicentre de Bischheim, dans la banlieue de Strasbourg. L’« opération mi-vie » consiste à entièrement démonter, réviser et rénover les trains après une vingtaine d’années de fonctionnement, afin de les remettre sur les rails dans un état quasi neuf pour quinze à vingt ans supplémentaires.
Travaux CDG express
76Les travaux de construction de la ligne du « C D G Express » vont pouvoir reprendre. Cette liaison ferroviaire directe de 32 kilomètres doit relier, en 20 minutes, Paris-Gare de l’Est et l’aéroport de Paris-Charles-de-Gaulle. Le tribunal administratif de Montreuil, à la demande de la commune de Mitry-Mory, avait annulé l’autorisation de travaux le 9 novembre. Le 18 mars 2021 la Cour administrative d’appel de Paris a prononcé le sursis à exécution de ce jugement.
Le contrat de Bombardier pour le RER B contesté par Alstom
77Bombardier Transport et l’espagnol CAF avaient été retenus le 13 janvier, face à l’offre (plus chère) d’Alstom, pour fournir 146 rames de RER pour 2,56 milliards d’euros, la livraison des premières rames étant prévue fin 2025. Mais Alstom qui a pris le contrôle de Bombardier Transport, depuis le 29 janvier, estime que le contrat n’est pas viable compte tenu du prix offert et a cherché à renégocier. Finalement, Alstom a accepté de ne remettre en cause aucun de ces termes.
Abandon du T4 à Roissy
78Le projet de nouveau terminal (T4) à Roissy, prévu pour accueillir 40 millions de passagers par an d’ici 2037 et dédié à la compagnie aérienne Air France et ses partenaires, a été abandonné. L’État a demandé un nouveau projet qui mette en avant trois dimensions : « l’amélioration des infrastructures pour augmenter l’intermodalité avec le train, l’essor de la géothermie et l’adaptation à des avions à hydrogène ou électriques ».
79Le retrait du projet de T4 répond aux demandes des écologistes, mais le département de Seine-et-Marne déplore l’annulation des 45000 emplois qu’il devait générer.
IN group fabriquera les cartes d’identité numériques
80Les cartes d’identité seront bientôt dotées de nos données biométriques. La nouvelle carte d’identité numérique sera déployée dans toute la France dès le début du mois d’août. Elle sera fabriquée, comme la version précédente du document, dans l’usine d’IN groupe (marque de l’imprimerie nationale) à Flers dans le nord de la France.