Couverture de RFAP_174

Article de revue

Chronique du secteur public économique

Pages 577 à 585

Notes

  • [1]
    Cette chronique couvre la période du 1er février au 30 avril 2020.
  • [2]
    La Poste compte aujourd’hui « une vingtaine de projets pilotes » pour étendre le champ d’activité de ses facteurs et contrer ainsi la chute du courrier. L’entreprise expérimente déjà la livraison de médicaments, le recyclage de papiers de bureaux, les visites aux personnes âgées ou encore le relevage des compteurs.
  • [3]
    L’Union internationale des chemins de fer utilise un classement des voies de 1 à 9 selon le niveau de circulation ; le niveau le plus élevé est 1.
  • [4]
    La loi prévoit que les entreprises peuvent désormais se doter d’une « raison d’être » pour préciser leur utilité dans la société. La SNCF a, quant à elle, rédigé sa raison d’être de la manière suivante : « apporter à chacun la liberté de se déplacer facilement en préservant la planète ».
  • [5]
    Notamment, par une décision rendue le 30 décembre 2019, l’Autorité de la concurrence a autorisé d’une part, la Banque Postale à prendre le contrôle de CNP Assurances et d’autre part, la Caisse des dépôts et consignations à détenir désormais, seule, le contrôle du groupe La Poste.
  • [6]
    Contraint d’accepter une réduction de 30 % de sa rémunération lors du renouvellement de son mandat en 2018, Carlos Ghosn avait droit à 1 million d’euros de fixe, un salaire variable plafonné à 1 million d’euros, ainsi que 80000 actions de performance, soit un maximum théorique de 4,7 millions d’euros
  • [7]
    À travers l’EPFR (Établissement public de refinancement et de restructuration), holding d’État qui détient le CDR.
  • [8]
    Fabrizio Calvi, Thierry Pfister, Le repas des fauves : comment la gauche et la droite ont fabriqué une nouvelle génération de capitalistes, Le Grand livre du mois, 2000.
  1. Le service postal face à la baisse du courrier
  2. L’avenir des petites lignes ferroviaires
  3. Coût de la grève menée contre la réforme des retraites
  4. Opérations relatives à la constitution du grand pôle financier public
  5. Covid-19, finances publiques et secteur public économique
  6. Dirigeants
  7. Brèves

I – Le service postal face à la baisse du courrier

1Dans son rapport public annuel de février 2020, la Cour des comptes a constaté qu’au cours des dernières années le recul du courrier postal s’est encore amplifié. À ce défi majeur s’ajoute la nécessité, pour l’opérateur, de réaliser sa transformation numérique et de répondre à la forte croissance du commerce en ligne dans un contexte de concurrence accrue. Par ailleurs, les relais de croissance identifiés par le groupe postal demeurent encore incertains, en termes tant de chiffre d’affaires que de rentabilité.

2Le volume de lettres à distribuer est passé de 18 milliards en 2008 à un peu plus de 9 milliards en 2018 et pourrait baisser, si la tendance se poursuit, à 5 milliards en 2025. Ainsi, la part du courrier stricto sensu dans le chiffre d’affaires du groupe a été ramenée de 40 % en 2010 à 28 % en 2018, avec un objectif à 20 % en 2022. Les effectifs permanents de facteurs, au nombre de 64156 équivalents temps plein en 2018, ont diminué de plus de 10 % depuis 2014, mais cette diminution est moindre que celle du trafic. L’analyse de l’évolution des charges opérationnelles du traitement du courrier de 2014 à 2018 montre la part durablement prépondérante de la distribution dans les coûts (69,3 %) avec des charges de personnel représentant 72 % des coûts.

3Même si les colis, petits paquets internationaux et plis Chronopost distribués par les facteurs sont plus nombreux, cette progression a été loin de compenser la perte de chiffre d’affaires résultant de la baisse du courrier.

4Pour remédier à la baisse du chiffre d’affaires du courrier traditionnel, le groupe postal a mis en œuvre une stratégie s’articulant autour de trois grands axes : les hausses tarifaires, le développement de nouvelles sources de revenus avec les services de proximité et l’optimisation des coûts de la distribution.

5Si ces hausses tarifaires ont jusqu’à présent compensé, en partie, l’effet sur le chiffre d’affaires de la baisse des volumes de courrier, ce levier peut difficilement être mobilisé à moyen terme, compte tenu du risque d’aggraver la chute des volumes, dans un contexte de numérisation croissante des échanges, y compris sous forme de lettre recommandée électronique. Les hausses de prix ne sont guère plus envisageables pour les colis, marché où la concurrence est vive.

6Les nouvelles « prestations facteurs [2] » s’accroissent : leurs recettes passent de 5,4 millions d’euros en 2016 et 9,7 millions en 2018. L’objectif est d’atteindre 34 millions en 2023. Mais leur part reste encore marginale (1 % en 2018) et leur rentabilité reste à confirmer.

7La Cour recommande de limiter les coûts fixes de distribution du courrier. Le nombre de boîtes aux lettres de particuliers desservies par les facteurs continue de progresser (36,5 millions à 38,1 millions entre 2014 et 2018), avec un surcoût lié à la desserte de points de distribution situés à l’intérieur des propriétés. C’est pourquoi la Cour avait, dans un rapport de février 2016, préconisé de prendre les mesures facilitant l’accès des facteurs aux boîtes aux lettres des particuliers. Il faudrait également diminuer le parc de boîtes aux lettres de dépôt qui est parmi les plus denses en Europe, avec notamment une boîte pour 200 habitants en zone rurale, et parfois, en zone urbaine, jusqu’à trois boîtes dans un rayon de 300 mètres. De même, comme le font plusieurs opérateurs postaux européens, il faut réduire les distributions à cinq par semaine, ce qui reste compatible avec la directive postale du 15 décembre 1997, en particulier.

II – L’avenir des petites lignes ferroviaires

8Le rapport du préfet Philizot sur les « petites lignes ferroviaires », remis au secrétaire d’État aux transports le 20 février 2020, indique que les lignes classées UIC (7 à 9) [3] représentaient en 2017, dernière référence nationale, environ 40 % du réseau national exploité, soit 12047 km sur un total de 28364 km. Au sein de cet ensemble, celles accueillant des trafics voyageurs totalisaient 9137 km. En termes de trains-kilomètres, et pour les voyageurs, elles représentent 17 % du trafic TER réalisé sur 31 % du réseau. Leur part dans l’ensemble ferroviaire varie fortement d’une région à l’autre. Si on exclut l’Île-de-France, marginalement concernée (48 km et 3 % du réseau) elle va de 22 % (Hauts-de-France) à 54 % en Occitanie. Ces lignes sont très majoritairement à voie unique (78 %) et non électrifiées (85 %), en décalage très fort par rapport au réseau dit structurant. Plus des trois quarts des voies faisaient en 2017 l’objet d’une cotation technique susceptible d’imposer des limitations de vitesse, voire des suspensions de la circulation (aujourd’hui, la moitié des lignes de ce réseau est touchée).

9Le maintien de ce réseau de desserte fine est financièrement porté en très grande partie par l’État, à hauteur de près de 85 %, soit directement via la redevance d’accès versée par l’État à SNCF Réseau, soit indirectement par une péréquation interne à SNCF Réseau. Malgré un accroissement de l’effort, pour atteindre près de 400 millions d’euros par an en 2020, le volume des travaux restant à réaliser est considérable, ce qui alimente l’inquiétude des régions et, plus généralement, des acteurs locaux. Le besoin de financement global est en effet évalué par SNCF Réseau à 7,6 milliards d’euros jusqu’en 2028, dont 6,4 milliards restent à engager à partir de 2020.

10Le rapport insiste sur la nécessité de retisser un lien de confiance entre les acteurs principaux du système et de mettre en place un vrai copilotage destiné à porter une vision partagée de long terme entre les trois acteurs essentiels que sont l’État, les régions et SNCF Réseau [4]. La présence de l’État, partenaire financier, mais aussi facilitateur et garant de la cohérence nationale, apparaît aux élus comme une nécessité.

11Le rapport appelle aussi à étudier des matériels de gabarit et poids réduits, de nature à réduire les contraintes et les coûts de maintenance et à alléger les charges de régénération. Dans certains cas, la solution la plus pertinente est le passage au mode routier, mais en réutilisant le site propre que constitue l’axe ferroviaire.

12La proposition présentée aux régions consiste à répartir en trois blocs l’ensemble des lignes. Une petite partie d’entre elles serait considérée comme relevant du réseau structurant, et financée à 100 % par SNCF Réseau, sous réserve de l’exécution des conventions de financement déjà signées. La majeure partie serait cofinancée conjointement par l’État et les régions, selon des modalités mises en place depuis plusieurs contrats de plan, le taux moyen de la participation de l’État pouvant être modulé selon l’importance des lignes. Un troisième bloc serait pris en charge à 100 % par les régions, notamment dans le cadre des dispositions de l’article 172 de la loi d’orientation sur les mobilités. Ce principe de différenciation est accepté par les régions et permet de poser les bases d’une négociation plus fine de plans d’action ligne par ligne à mener dans les prochains mois, conformément à la demande du Premier ministre.

13En présentant ce rapport en février 2020, le secrétaire d’État aux transports, Jean-Baptiste Djebbari, a indiqué que le Gouvernement souhaitait que des plans d’action soient élaborés dans chaque région, ligne par ligne, en mobilisant les efforts conjoints de l’État, de SNCF Réseau et des régions en partant des besoins de chaque territoire. Ces plans d’action doivent permettre de hiérarchiser le réseau pour apporter des réponses adaptées aux réalités très diverses de ces lignes et refonder le pilotage du système ferroviaire, en construisant une relation nouvelle entre ses trois acteurs principaux, l’État, les régions et la SNCF. Il s’agit aussi de donner une visibilité (horizon 2032), grâce à un cadre contractuel couvrant l’ensemble de la période, d’ouvrir les modes de gestion, soit pour permettre aux régions d’assumer plus de responsabilités, soit pour s’appuyer sur d’autres intervenants, de pousser à l’innovation et aux gains de productivité et enfin, de relancer la mise en place de « trains légers ».

14Le programme train léger consisterait à identifier avec les régions au moins 10 expérimentations de trains légers, d’ici la fin du quinquennat. Cela suppose d’adapter les modalités d’entretien des lignes par SNCF Réseau et d’inciter les industriels à développer des trains légers à coûts moindres d’achat et de maintenance, pour équiper ces lignes. Plusieurs expérimentations de train hybride associant batteries, tractions électrique et thermique, de train hydrogène et de train équipé de batteries sont en développement au sein des régions. Un premier appel à projets publié en janvier 2020 par l’Ademe vise notamment à accompagner les régions au développement d’un train régional en traction hydrogène : l’État a prévu d’y investir de l’ordre de 22 millions d’euros.

III – Coût de la grève menée contre la réforme des retraites

15L’impact complet de la grève contre la réforme des retraites est difficile à chiffrer pour l’ensemble des participations publiques. Ont pu ainsi être touchés de différentes manières les ports, EDF, ENGIE, Total. Des estimations chiffrées n’ont été publiées que pour les deux entreprises les plus directement concernées, la SNCF et la RATP.

16S’il y a une économie sur les salaires des grévistes, l’électricité et les carburants, les entreprises perdent de l’argent avec l’immobilisation des actifs non utilisés, le salaire des non-grévistes qui ne peuvent pas travailler, les autocars de substitution mis en place par endroits pour remplacer les trains, les pénalités à verser aux régions et les frais de communication. Et bien sûr, les dédommagements des abonnés ainsi que le coût de la reconquête des clients avec toutes les promotions mises en place après la grève pour redonner l’habitude du train.

17Jean-Pierre Farandou, le patron du groupe SNCF, a déclaré : « Les comptes 2019 seront fortement impactés par ce conflit » et, dans divers entretiens avec des journalistes, il a évoqué un coût d’un milliard d’euros. Effectivement, le 28 février 2020, le groupe public a publié une perte nette de 801 millions d’euros en 2019, contre un bénéfice de 141 millions un an plus tôt. Les 27 jours de grève en décembre ont coûté environ 690 millions d’euros de manque à gagner de chiffre d’affaires et 614 millions de marge opérationnelle (équivalent du résultat d’exploitation).

18Par comparaison, la longue grève par épisodes contre la réforme ferroviaire, deux jours sur cinq du 3 avril au 28 juin 2018, avait coûté environ 890 millions d’euros de manque-à-gagner de chiffre d’affaires et amputé de 790 millions la marge opérationnelle. Le groupe avait pourtant fini 2018 sur un bénéfice net de 141 millions d’euros, le dynamisme du second semestre ayant plus que compensé la perte nette de 488 millions d’euros sur les six premiers mois de l’année.

19Catherine Guillouard, PDG de la RATP, a indiqué (Le Parisien du 28 janvier) que pour son entreprise, le coût était de 200 millions d’euros. Lors de la publication des comptes 2019, ce chiffre a été affiné à un impact négatif de 186 millions d’euros sur le chiffre d’affaires et 150 sur le résultat net.

IV – Opérations relatives à la constitution du grand pôle financier public

20Le projet de création d’un grand pôle financier public, issu du rapprochement de La Poste et de la Caisse des dépôts et consignations d’une part, de La Banque Postale et de la CNP d’autre part, a été annoncé par le ministre de l’économie et des finances en août 2018 avec pour objectif d’être opérationnel en 2020. Ce projet vient d’être réalisé.

21Les actifs financiers du nouveau pôle financier public atteindront plus de 1000 milliards d’euros : 280 milliards d’euros apportés par La Banque Postale, 80 par la Banque publique d’investissement, 440 par la CDC et 410 par CNP. Ce montant est comparable à celui des outils financiers les plus importants de la planète, au Japon et en Chine. 62,13 % du capital de CNP Assurances sera détenu par La Banque Postale. Le capital de La Poste restera à 100 % public.

22L’ambition est de renforcer la cohésion des territoires et de lutter contre la fracture territoriale. La Poste et la Caisse des Dépôts sont présentes partout sur le territoire. Réunir les financeurs publics dans un seul et même pôle augmentera la qualité de l’offre de financement faite aux collectivités locales pour conduire à bien leurs projets : revitalisation de centre-ville, déploiement du haut débit, renforcement de l’offre de services locale, etc. Il améliorera également les services financiers proposés aux entreprises et aux particuliers, avec pour objectif de lutter contre l’exclusion bancaire, de mettre l’épargne au service de l’économie réelle, de développer des produits d’épargne retraite, etc. L’ambition est de soutenir les territoires les plus éloignés des métropoles et les personnes les plus éloignées des grandes villes.

23Ce projet conforte la stratégie de La Poste, l’adoption d’un modèle complet de bancassurance, la création d’un groupe multiactivité, la modernisation de l’outil industriel du Courrier, la croissance de GeoPost et des activités à l’international, le développement de La Banque Postale et la capacité de La Poste à poursuivre sa transformation en un groupe de services de proximité humaine, tout en profitant de l’essor du e-commerce et du numérique.

24L’ensemble des conditions suspensives relatives au projet ayant été satisfaites [5], les opérations suivantes ont été réalisées à ce jour : l’apport par l’État et la CDC à La Poste de leurs participations respectives d’environ 1,1 % et 40,9 % du capital de CNP Assurances rémunérées, dans le cadre d’une augmentation de capital, par l’attribution d’actions La Poste à l’État et à la CDC ; l’apport par La Poste à La Banque Postale de l’intégralité des actions CNP Assurances ainsi reçues de l’État et de la CDC, rémunérée par une augmentation de capital de La Banque Postale ; et enfin l’acquisition par la Caisse des Dépôts, auprès de l’État, d’une participation complémentaire au capital de La Poste pour un montant de près de 1 Md€.

25Aux termes de ces opérations, l’État détient 34 % du capital et des droits de vote de La Poste et la CDC détient 66 % du capital et des droits de vote de La Poste. La Banque Postale, filiale à 100 % de La Poste, détient désormais 62,1 % du capital de CNPAssurances, dont le solde du capital est réparti de la façon suivante : 16,1 % détenu par BPCE et 21,8 % représentant le flottant. Parallèlement à la réalisation de l’opération, l’État et la CDC ont conclu un nouveau pacte d’actionnaires afin de refléter dans l’organisation de leurs rapports d’actionnaires les modifications intervenues au sein du capital de La Poste.

V – Covid-19, finances publiques et secteur public économique

26L’État actionnaire a tout d’abord demandé aux entreprises dans lesquelles il détient des participations de ne pas verser de dividende. Par la suite, l’abondement du compte d’affectation spéciale de l’Agence des participations de l’État a été augmenté de 20 milliards d’euros pour avoir les réserves financières nécessaires pour apporter le capital aux entreprises qui en auraient besoin, voire procéder à des nationalisations. En outre, les entreprises du portefeuille de l’Agence des participations de l’État vont devoir, pour bénéficier de l’aide d’urgence de 20 milliards d’euros aux entreprises stratégiques, se doter d’une raison d’être, selon les critères de la « société à mission » prévue par la loi Pacte. Enfin, les entreprises publiques peuvent également bénéficier des prêts garantis par l’État.

27Ces mesures ont déjà été utilisées. En premier lieu, le Groupe Air France-KLM et Air France ont bénéficié d’un financement à hauteur de 7 milliards d’euros pour traverser la crise. Le communiqué de l’agence des participations indique que, après plusieurs semaines de discussions, l’État français et des institutions bancaires se sont mis d’accord avec le Groupe Air France-KLM et Air France sur les différents volets d’un mécanisme de soutien dédié à Air France qui ont fait l’objet d’accords de principe en cours de finalisation. Celui-ci comprend d’abord un Prêt garanti par l’État français (« PGE ») d’un montant de 4 milliards d’euros octroyé par un syndicat de six banques à Air France-KLM et Air France. Ce prêt bénéficie d’une garantie de l’État français à hauteur de 90 % et d’une maturité de 12 mois, avec deux options d’extension d’un an consécutives, exerçables par Air France-KLM. Il porte ensuite sur un prêt d’actionnaire de l’État français à Air France-KLM d’un montant de 3 milliards d’euros et d’une maturité de quatre ans, avec deux options d’extension d’un an consécutives exerçables par Air France-KLM.

28Ce mécanisme de soutien a été approuvé par la Commission européenne. L’État néerlandais a également affirmé son intention de soutenir le groupe KLM. Les discussions se poursuivent afin de finaliser les modalités d’un soutien additionnel. Le plan de transformation inclura des engagements économiques, financiers et environnementaux. Il impliquera notamment une revue des activités d’Air France pour les adapter aux évolutions du marché induites par la crise, et devra renforcer sa situation financière. Cette transformation devra également s’inscrire dans une feuille de route environnementale ambitieuse afin d’accélérer la transition durable du Groupe. À l’issue de l’élaboration de ce plan, une fois qu’elle disposera d’une meilleure visibilité sur les paramètres du trafic aérien post-crise, et sous réserve des conditions de marché, le conseil d’administration du groupe Air France-KLM envisagera de procéder à une opération de renforcement de ses fonds propres qui pourrait intervenir au plus tard à l’issue de l’assemblée d’approbation des comptes de l’exercice 2020. Dans ce cadre, l’État français a indiqué son intention d’examiner les conditions de sa participation à une telle opération de renforcement des fonds propres.

29Renault bénéficiera également d’un prêt garanti par l’État à hauteur de 5 milliards d’euros. La Commission européenne a annoncé qu’elle approuvait ce prêt. « Il s’agit simplement d’un filet de sécurité. Notre position de liquidité est confortable », a insisté Clotilde Delbos, directrice financière et DG par intérim de la marque au losange, lors de la présentation du chiffre d’affaires trimestriel. Fin mars, les liquidités de Renault s’élevaient encore à 10,3 milliards d’euros, y compris 3,5 milliards de lignes de crédit non tirées.

30Affectée par le confinement, qui perturbe la maintenance de centrales et a entraîné une baisse de la demande d’électricité pouvant atteindre jusqu’à 20 %, EDF a dû renoncer à ses objectifs pour 2020 et 2021 et a prévenu que la production nucléaire française devrait s’établir cette année à son plus bas niveau depuis trente ans. La question d’une recapitalisation d’EDF risque donc d’être abordée avant la fin 2020. EDF a déjà procédé début 2017 à une augmentation de capital de quelque 4 milliards d’euros, dont 3 milliards souscrits par l’État. La restructuration d’EDF, avec notamment la création d’une entité isolant le nucléaire du reste du groupe et l’ouverture du capital des activités liées à la transition énergétique, risque d’être retardée.

31D’autres entreprises publiques souffrent particulièrement du confinement. En mars, la SNCF a accusé un manque à gagner de 700 millions d’euros sur son chiffre affaires, et un recul de 600 millions au niveau de sa marge opérationnelle. En avril elle a connu une nouvelle chute de 1,4 milliard d’euros en recettes d’exploitation et en parallèle, un impact de 1,2 milliard sur sa marge.

VI – Dirigeants

• L’internationalisation des nominations

32Le Belge Luc Lallemand a été nommé, mercredi 29 janvier, PDG de SNCF Réseau. La candidature de Luc Lallemand, proposée par le Gouvernement et le PDG de la SNCF Jean-Pierre Farandou, avait été approuvée le 24 janvier par l’Autorité de régulation des transports (ART, ex-Arafer). Luc Lallemand a commencé sa carrière comme officier de pont de la marine marchande. Il rejoint la Société nationale des chemins de fer belges (SNCB) en 1991 comme trésorier. Après avoir participé à des missions gouvernementales dans le cadre de la réforme des transports, il devient directeur général et président du comité de direction d’Infrabel (gestionnaire de l’infrastructure ferroviaire belge). Ancien administrateur de Réseau ferré de France (RFF), Luc Lallemand est également président du conseil d’administration du groupe Vinçotte, président des EIM (European Rail Infrastructure Managers) et administrateur indépendant de RATP Dev.

33Luca de Meo, italien, 52 ans, a été nommé mardi 28 janvier directeur général du groupe Renault dont Jean Dominique Sénard est le président du conseil d’administration. Il succède à Thierry Bolloré, remercié en octobre 2019. Il doit cependant rester en retrait jusqu’au 1er juillet, le temps de purger la clause de non-concurrence imposée par Volkswagen, maison mère de Seat, dont il était le dirigeant jusqu’au début 2020. Passé par Renault dans les années 1990, Luca de Meo a notamment dirigé le marketing et les ventes du constructeur allemand Audi. Nommé en 2015 à la tête de Seat, il est parvenu à redresser la marque espagnole en l’espace de 4 ans. Cette nomination intervient alors que les comptes de Renault sont déficitaires en 2019 pour la première fois en 10 ans (141 millions d’euros de pertes). Le fabricant de véhicules pourrait aussi être amené à prendre une décision inédite depuis 1992 en France : fermer un site de production.

34Après les débats sur la rémunération de Carlos Ghosn [6], il est intéressant de noter qu’un document mis en ligne par le constructeur automobile français indique qu’il sera attribué à De Meo un salaire fixe de 1,3 million d’euros par an. À cela pourra s’ajouter une rémunération variable annuelle pouvant atteindre au maximum 150 % du fixe « en fonction de critères quantitatifs et qualitatifs », soit 1,95 million d’euros. En outre, il pourra percevoir chaque année une rémunération variable à long terme atteignant 75000 actions Renault. Leur « acquisition définitive sera soumise à l’atteinte de critères de performance évalués sur une période cumulée de trois ans et à une condition de présence de trois ans à compter de leur date d’attribution ». Cela représente un gain possible de 6 millions d’euros. Ce niveau le situe dans la rémunération moyenne pour les dirigeants de sociétés du CAC 40 qui est de 5,8 millions.

35L’État actionnaire s’est plié à son tour à l’internationalisation du vivier des grands patrons. Le tournant pris avec le Canadien Benjamin Smith placé à la tête d’Air France en 2018 est donc confirmé. Les grandes entreprises à participation publique ne sont plus la chasse gardée de la haute administration ni même des patrons français.

• ENGIE : les péripéties du départ d’Isabelle Kocher

36Le conseil d’administration du 6 février a décidé de ne pas proposer le renouvellement du mandat d’administrateur d’Isabelle Kocher, ce qui met fin à ses fonctions de directrice générale. Afin d’assurer la transition, à la fin des fonctions de la directrice générale, le président du conseil d’administration, Jean-Pierre Clamadieu, a proposé au conseil d’administration, qui l’a accepté, que le pilotage opérationnel du Groupe soit confié de manière collégiale à Paulo Almirante, DGA et directeur général des Opérations, Judith Hartmann, DGA et directrice financière, et Claire Waysand, DGA et secrétaire générale, cette dernière assumant le mandat de directeur général par intérim. Le conseil confie à Jean-Pierre Clamadieu la mission d’apporter son appui à la direction générale par intérim pour assurer le bon déroulement de cette phase de transition. Cette décision met fin à diverses rumeurs et articles de presse qui avaient pris un ton très politique lorsque, le 3 février, une pétition pour le maintien d’Isabelle Kocher à la tête d’ENGIE avait été publiée dans Les Échos avec la signature de personnalités engagées, notamment dans l’opposition, dont la maire de Paris et, que Yannick Jadot, chef de file d’« Europe Écologie Les Verts » avait appelé à son maintien sur la chaîne LCI. Sitôt la décision connue, les médias se sont étonnés que la seule femme dirigeante d’une entreprise du CA 40 soit écartée. Notons toutefois que Marianne Laigneau, 55 ans, s’est installée en même temps à la présidence du directoire d’Enedis. Les motifs de ce changement paraissent essentiellement résulter de différends sur les choix stratégiques. Isabelle Kocher avait réalisé entre 2016 et 2018 un plan de rotation d’actifs de plus de 10 milliards d’euros qui visait à désengager le groupe des actifs trop carbonés, comme les centrales électriques au charbon ou au fioul, ou trop dépendants des cours de marché, à l’image de l’exploration et de la production d’hydrocarbures. Ce plan était complété par un programme d’économies de 1,3 milliard d’euros, ainsi que d’une refonte managériale du groupe. Certaines cessions avaient suscité des questions, comme celle des activités amont internationales du gaz naturel liquéfié (GNL) à Total. Le sort du nucléaire belge avait également donné lieu à des incertitudes. En effet, le 26 septembre 2019, Le Canard enchaîné écrivait qu’Isabelle Kocher avait proposé au PDG d’EDF, Jean-Bernard Lévy, de lui vendre ses sept réacteurs nucléaires des centrales de Doel et Tihange. Cette information avait été immédiatement démentie par Engie. Détenant 23,6 % du capital d’Engie, la puissance publique reste le premier actionnaire du groupe dont la privatisation a été commencée en 2007 au moment de la fusion entre GDF et Suez. La société Engie a été inscrite par le Gouvernement sur la liste des cessions d’actifs publics dans la loi Pacte, au même titre que la Française des jeux et Aéroports de Paris. Cependant, le ministre de l’économie Bruno Le Maire a indiqué : « Nous avons avec la loi Pacte obtenu le droit de céder des participations dans Engie, mais ce n’est absolument pas à l’ordre du jour ».

37Le conseil d’administration de Naval Group a proposé le 24 mars 2020 au Président de la République la nomination de Pierre-Éric Pommellet comme président du conseil d’administration de la société.

38PDG du groupe « La Poste » depuis 2013, Philippe Wahl a été reconduit dans ses fonctions pour une durée de cinq ans. Âgé de 63 ans, il a notamment dirigé la Caisse nationale des caisses d’épargne, le groupe Havas et les opérations françaises de la Royal Bank of Scotland, avant de prendre la tête de La Banque postale en 2011, puis de La Poste.

VII – Brèves

39EDF et Engie : la CNIL a rendu publique une décision relative au compteur Linky. Elle avait formulé en 2012 et 2014 une série de recommandations auprès des fournisseurs. Elle estime que les formulaires actuels pour la collecte des données fines de consommation (heure ou demi-heure) sont ambigus et ne permettent pas de recueillir un consentement suffisamment éclairé. De plus, le délai de conservation, cinq ans, devrait être raccourci. Les deux groupes se sont engagés à mettre en place rapidement les correctifs nécessaires pour se conformer aux règles.

40 Aéroports de Paris : La Commission nationale du débat public (CNDP) a rejeté la demande de débat public déposée par plus de 70 parlementaires PS, PCF, écologistes et LR hostiles à la privatisation. ADP revendique la création du « premier réseau mondial d’aéroports » en se portant acquéreur, pour 1,3 milliard d’euros, de 49 % du groupe familial indien GMR. Le mercredi 11 mars, le ministère de l’économie a annoncé que le lancement de la privatisation d’Aéroports de Paris (ADP) était « reporté ». Il s’agit d’un « report conjoncturel », précise le cabinet du ministre de l’économie, face à la déprime des marchés dans le contexte du coronavirus. La campagne en vue d’un référendum s’est achevée, jeudi 12 mars, sans les 4,7 millions de signatures nécessaires.

41La Poste : L’État et l’Association des maires de France (AMF) ont signé le contrat de présence postale territoriale 2020-2022, qui fixe les règles de présence et d’adaptation sur le territoire. Ce cinquième contrat « traduit un engagement pérenne : 2 milliards ont été investis depuis 2008 pour adapter et moderniser la présence de La Poste dans les territoires », écrivent l’AMF et La Poste dans un communiqué commun.

42Orange a publié début février un bénéfice net en nette progression de 53,8 % sur l’ensemble de l’exercice 2019, à 3 milliards d’euros, grâce en particulier à de bonnes performances en Afrique et Moyen-Orient ainsi que sur les services à destination des entreprises.

43Eramet (mines et métallurgie) accuse en 2019 une perte nette de 184 millions d’euros et un chiffre d’affaires en recul de 4 %, en raison d’une « conjoncture mondiale dégradée et volatile », marquée notamment par une baisse du prix du minerai de manganèse. L’entreprise avait enregistré en 2018 un bénéfice net de 53 millions d’euros.

44Air France-KLM a dévoilé, pour 2019, un résultat net annuel en baisse de 31 % à 290 millions d’euros et un résultat d’exploitation en recul de 19 % à 1141 millions, pour un nombre de passagers transportés en croissance de 2,7 % à 104,2 millions.

45Consortium de réalisation (CDR). Le 28 février, la cour d’appel de Paris a déterminé que le montant de la dette de Bernard Tapie était bien de 438 millions d’euros dans l’affaire de l’arbitrage controversé lui ayant octroyé 403 millions d’euros pour solder son vieux litige avec le Crédit lyonnais. Reste à déterminer comment l’homme d’affaires remboursera cette somme. Le tribunal de commerce de Bobigny a prononcé ensuite la liquidation judiciaire des sociétés de Bernard Tapie. Le financement du plan proposé par l’homme d’affaires n’est « pas assuré », a jugé le tribunal. Le GBT (Groupe Bernard Tapie) est actionnaire majoritaire du groupe de médias La Provence et de FIBT (Financière et Immobilière Bernard Tapie), qui détient son hôtel particulier parisien et sa villa à Saint-Tropez. Il serait temps, vingt-cinq ans après les faits, que les créanciers, c’est-à-dire les contribuables français [7], récupèrent une partie de l’argent illégalement acquis [8] !

46Naval Group. Le sommet franco-italien de Naples, jeudi 27 février 2020, a notamment débouché sur un accord intergouvernemental réaffirmant « le plein soutien des États français et italien » à la création de Naviris, la société commune entre Naval Group et Fincantieri.

47SFIL (anciennement Dexia). L’État, la Caisse des Dépôts et La Banque Postale annoncent avoir signé un accord engageant en vue du rachat par la Caisse des Dépôts de la totalité de la participation détenue par La Banque Postale au capital de SFIL (soit 5 %) et de la totalité de la participation détenue par l’État (soit 75 %), à l’exception d’une action ordinaire que l’État conservera. La Caisse des Dépôts deviendra l’actionnaire de référence de SFIL, premier émetteur d’obligations sécurisées du secteur public en Europe.

48A. B.


Date de mise en ligne : 05/11/2020

https://doi.org/10.3917/rfap.174.0281

Notes

  • [1]
    Cette chronique couvre la période du 1er février au 30 avril 2020.
  • [2]
    La Poste compte aujourd’hui « une vingtaine de projets pilotes » pour étendre le champ d’activité de ses facteurs et contrer ainsi la chute du courrier. L’entreprise expérimente déjà la livraison de médicaments, le recyclage de papiers de bureaux, les visites aux personnes âgées ou encore le relevage des compteurs.
  • [3]
    L’Union internationale des chemins de fer utilise un classement des voies de 1 à 9 selon le niveau de circulation ; le niveau le plus élevé est 1.
  • [4]
    La loi prévoit que les entreprises peuvent désormais se doter d’une « raison d’être » pour préciser leur utilité dans la société. La SNCF a, quant à elle, rédigé sa raison d’être de la manière suivante : « apporter à chacun la liberté de se déplacer facilement en préservant la planète ».
  • [5]
    Notamment, par une décision rendue le 30 décembre 2019, l’Autorité de la concurrence a autorisé d’une part, la Banque Postale à prendre le contrôle de CNP Assurances et d’autre part, la Caisse des dépôts et consignations à détenir désormais, seule, le contrôle du groupe La Poste.
  • [6]
    Contraint d’accepter une réduction de 30 % de sa rémunération lors du renouvellement de son mandat en 2018, Carlos Ghosn avait droit à 1 million d’euros de fixe, un salaire variable plafonné à 1 million d’euros, ainsi que 80000 actions de performance, soit un maximum théorique de 4,7 millions d’euros
  • [7]
    À travers l’EPFR (Établissement public de refinancement et de restructuration), holding d’État qui détient le CDR.
  • [8]
    Fabrizio Calvi, Thierry Pfister, Le repas des fauves : comment la gauche et la droite ont fabriqué une nouvelle génération de capitalistes, Le Grand livre du mois, 2000.

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