Couverture de RFAP_159

Article de revue

Chronique de l’administration européenne*

Pages 931 à 970

Notes

  • [1]
    Voir par exemple, dans le cadre de la directive 95/46, la décision de la Commission du 12 juillet 2016 relative à l’adéquation de la protection assurée par le bouclier de protection des données UE – États-Unis, C (2016) 4176
  • [2]
    Voir, dans le cadre juridique en vigueur, la signature de l’Umbrella Agreement entre l’UE et les USA le 2 juin 2016.
  • [3]
    Stricto sensu Europol n’est devenue une agence européenne qu’en 2010.
  • [4]
    Les Etats membres peuvent refuser à condition, en principe, de motiver leurs décisions.
  • [5]
    Equipes créées entre plusieurs Etats membres pour enquêter sur des phénomènes criminels transnationaux et auxquelles Eurojust - l’agence de l’UE en matière de coopération judiciaire pénale - pouvait déjà participer. Europol peut en proposer la création et y participer.
  • [6]
    La fusion du Cepol, l’Agence de l’Union européenne pour la formation des services répressifs, avait un temps été envisagée, avant d’être abandonnée vraisemblablement pour éviter à l’État où elle avait son nouveau siège de perdre « son » agence. Le Cepol a fait en parallèle l’objet d’une réforme limitée (règlement n°2015/2219 du 25 novembre 2015). La mission de formation à Europol créé une concurrence entre les deux agences.
  • [7]
    Comme le Centre européen de lutte contre la cybercriminalité, créé en 2015.
  • [8]
    Il en découle également une répartition un peu plus claire des responsabilités. Le règlement prévoit deux responsabilités : une de la qualité des données et une de la licéité des transferts, en distinguant, pour chacune et à chaque étape qui, des États membres ou d’Europol, est responsable. Toute personne ayant subi un dommage du fait d’une opération de traitement (sans doute au sens large) de DCP illicite a le droit d’obtenir réparation soit d’Europol (devant la CJUE) soit de l’État membre concerné (devant la juridiction nationale compétente).
  • [9]
    Les fournisseurs peuvent définir les finalités ou notifier toute limitation de l’accès à ces données ou leur utilisation.
  • [10]
    Sauf lorsque cette communication aurait pour effet d’être contraire aux intérêts essentiels de la sécurité de l’État membre, de compromettre le succès d’une enquête en cours ou la sécurité d’une personne physique, ou de divulguer des informations concernant des organisations ou des activités de renseignement spécifiques dans le domaine de la sûreté nationale.
  • [11]
    La qualité de la coopération des Etats membres est évaluée par Europol qui rédige un rapport annuel sur les informations fournies par chaque État membre sur la base de critères d’évaluation quantitatifs et qualitatifs fixés par son CA. Le rapport est transmis au Parlement européen, au Conseil, à la Commission et aux parlements nationaux.
  • [12]
    Les ACN ont pour cela accès aux données transmises auprès de la UNE ou de l’officier de liaison ainsi qu’aux relevés d’Europol.
  • [13]
    Le CEPD consulte les autorités de contrôle nationales concernées dans les affaires portant sur des données provenant d’un ou de plusieurs États membres.
  • [14]
    Europol ne peut pas prendre contact avec des particuliers afin d’extraire des informations.
  • [15]
    Le principal objectif du Système d’information Europol est de détecter des correspondances entre les données provenant des différents États membres et autres sources. Le système compte 300 000 entrées « objets » en 2015, soit 25 % de plus qu’en 2014 et 86 000 entrées « personnes » en 2015, soit 40 % de plus qu’en 2014.
  • [16]
    L’application de réseau d’échange sécurisé d’informations (SIENA) permet la communication et l’échange rapides et sûrs d’informations et de renseignements opérationnels et stratégiques liés à la criminalité, entre Europol et les États membres et les tiers qui ont conclu des accords de coopération avec Europol.
  • [17]
    Les personnes concernées par le traitement de leurs DCP ont le droit d’introduire une réclamation auprès du CEDP si elles estiment que le traitement n’est pas conforme au règlement. La décision du CEDP tient compte dans certains cas de l’avis de l’ACN. Elle peut faire l’objet d’un recours devant la Cour de justice.
  • [18]
    635 000 recherche ont été faites dans le système d’information Europol en 2015, soit 60 % de plus qu’en 2014.
  • [19]
    Avant la réforme, Europol pouvait directement passer des accords de coopération permettant l’échange de de DCP. Ce n’est plus le cas désormais et les accords passés doivent faire l’objet d’une évaluation en matière de protection des DCP et peuvent le cas échéant être transformés en accord de l’UE.
  • [20]
    Arrêt de la Cour du 17 mars 2016, Parlement c/ Commission, C-286/14.
  • [21]
    Arrêt de la Cour (gde ch) du 28 juillet 2016, C-660/13.
  • [22]
    Arrêt de la Cour (gde ch) du 14 juin 2016, C-263/14.
  • [23]
    Arrêt de la Cour du 28 juillet 2016, C-379/15.
  • [24]
    Arrêt de la Cour (gde ch) du 28 février 2008, Inter-Environnement Wallonie et Terre wallonne, C-41/11.
  • [25]
    Arrêt de la Cour (gde ch) du 19 avril 2016, C-441/14.
  • [26]
    Arrêt du Tribunal du 26 avril 2016, T-221/08.
  • [27]
    Arrêt du Tribunal du 26 mai 2016, T-110/15.
  • [28]
    Arrêt du Tribunal du 19 avril 2016, T-44/14.
  • [29]
    Arrêt du Tribunal du 10 mai 2016, T-529/13.
  • [30]
    Arrêt de la Cour (gde ch) du 3 octobre 2013, C-583/11 P.
  • [31]
    Arrêt de la Cour (gde ch) du 28 avril 2015, C-456/13.
  • [32]
    Arrêt du Tribunal du 16 février 2016, T-296/15.
  • [33]
    Voy. Notamment, CEDH, 8 avril 2014, Dhabi c/ Italie, n°17120/09.
  • [34]
    Avis de la Cour (ass. plenière) du 18 décembre 2014.
  • [35]
    Arrêt de la Cour du 28 juillet 2016, C-379/15.
  • [36]
    Arrêt de la Cour (gde ch) du 5 avril 2016, C-689/13.
  • [37]
    Conclusions présentées le 15 octobre 2015.
  • [38]
    Arrêt de la Cour du 5 juillet 2016, C-614/14.
  • [39]
    Arrêt de la Cour du 18 février 2016, C-49/14.
  • [40]
    Arrêt de la Cour du 30 septembre 2003, C-224/01.
  • [41]
    Arrêt de la Cour du 28 juillet 2016, C-168/15.
  • [42]
    Arrêt de la Cour du 30 juin 2016, C-205/15.
  • [43]
    Arrêt de la Cour du 20 juin 2016, C-200/14.
  • [44]
    Comme le coordinateur de la lutte contre le terrorisme, le Belge francophone, Gilles de Kerchove.

I – Institutions et structures administratives de l’Union européenne

•  Institutions et organismes de l’UE
   Rapport d’activité du Conseil européen
•  Questions transversales
   Règles relatives aux groupes d’experts de la Commission
   Better regulation
   Plan d’action européen 2016-2020 pour l’administration en ligne
•  Questions sectorielles
   La gouvernance de la protection des données personnelles
   La gouvernance des douanes
   Le renforcement d’Europol

Institutions et organismes de l’UE

Rapport d’activité du Conseil européen

1 En mai 2016 le Conseil européen (CE) publia un rapport d’activité couvrant la première partie du mandat de son président Donald Tusk (décembre 2014 à avril 2016). L’intérêt de ce rapport est de montrer le rôle concret que joue de cette institution, qui n’a été que tardivement introduite dans le système de gouvernance de l’Union, et qui ne dispose pas d’un véritable pouvoir décisionnel mais seulement d’orientation générale. Pour s’en tenir à la seule année 2015, le CE s’est réuni huit fois : quatre réunions « régulières » qui portent sur un balayage large des questions en cours, deux réunions « extraordinaires » avec un ordre du jour lié à une situation exceptionnelle demandant une prise de position des chefs d’État et de gouvernement et deux réunions « informelles » pour préparer des réunions régulières. Dans l’ensemble, les principaux points évoqués ont été la crise migratoire, la politique étrangère et de sécurité, la gouvernance économique et la compétitivité, le Royaume-Uni, le terrorisme et l’énergie et le climat.

2 Deux enseignements peuvent être tirés. Premièrement, le contenu des « conclusions » des réunions est de plus en plus large voire hétérogène et en tout cas dépasse les seules « orientations » prévues par le TUE. Cet activisme, déjà observable lors de la crise bancaire et financière, découle sans doute de l’ampleur des crises qui frappent l’UE et qui font nolens volens du CE, la seule institution de l’Union en mesure non seulement de définir et de lancer des orientations politiques propres mais encore de « valider » celles d’autres institutions comme la Commission. En se bornant au seul thème de la crise migratoire, on trouve ainsi dans les « conclusions » des réunions du CE, à la fois des orientations stricto sensu, parfois un peu vagues, comme « développer une approche systémique et géographiquement globale de la migration » (réunion du 23 avril 2015) ou « renforcer le dialogue avec la Turquie » (réunion du 23 septembre 2015), des initiatives politiques comme le « réinstallation dans chaque État membre de 20 000 personnes en provenance d’États membres situés aux frontières de l’UE » ou la « création d’un corps européen de gardes côtes et de gardes-frontières » (réunions des 25 et 26 juin 2015), des rappels à destination des États membres quant à l’exécution du droit de l’UE « mettre pleinement en œuvre la directive ‘Retours’ » (réunions des 25 et 26 juin 2015), des mesures très opérationnelles à destination de l’Union « triplement du budget des opérations ‘Triton’ et ‘Poséidon’ » (23 mars 2015) ou des États membres avec la « créations de hot spots » (25 et 26 juin 2015). Le rapport ne cache pas que plusieurs de ces conclusions souffrent d’un « déficit de mise en œuvre évident » qui touche d’ailleurs plus les décisions à destinations des États eux-mêmes (moins 400 personnes ont été relogées et la mise en œuvre de la directive ‘Retours’ a concerné moins de 700 personnes) que celles à destination des institutions ou organes de l’Union.

3 Deuxièmement, malgré ou à cause de bases juridiques très faibles à cet égard, le CE a cherché à renforcer sa reddevabilité, en particulier face au Parlement européens, ce que les traités ne prévoyaient pas toujours formellement. D’une part, alors que la seule obligation présente dans les traités était, pour le président du CE, de présenter un rapport au Parlement suite à chaque réunion a priori « régulière », un rapport a été présenté quelque soit le type de réunion. Ces présentations en assemblée plénière donnent lieu à des débats. En sens inverse, là où les traités prévoient seulement que président du Parlement puisse être invité et être entendu par le CE, invitation et discours du président ont été systématiques à l’ouverture de chaque réunion du CE.

Questions transversales

Règles relatives aux groupes d’expert de la Commission

4 Les quelques 800 groupes d’expert de la Commission sont une réalité administrative européenne qui a souvent été critiquée pour son manque de transparence. La Commission, qui avait cependant adopté des règles à ce sujet en 2005 et les avait révisées en 2010, considérait qu’elle était libre de se faire conseiller par qui elle le souhaitait pour établir ses propositions et qu’elle était tout aussi libre de tenir compte ou non des avis reçus. Et d’autant plus, ajoutait-elle, que ses propositions étaient ensuite publiquement et démocratiquement débattues lors du processus législatif. Cependant, l’enquête d’initiative de la Médiatrice européenne menée en 2015-2016 et les nombreuses propositions qui en découlèrent, ainsi que les suggestions provenant d’autres institutions de l’Union (Parlement européen) et de la société civile, ont amené la Commission à revoir en profondeur l’encadrement, l’organisation et le fonctionnement des groupes en question. En est résulté la décision du 30 mai 2016 relative à « l’établissement de règles horizontales sur la création et le fonctionnement des groupes d’experts de la Commission » (C(2016) 3301 final). Celle-ci cadre tout d’abord avec précision la nature et le rôle des groupes en question qui sont définis comme des « organes consultatifs créés par la Commission dans le but de lui fournir des avis et de l’expertise » en relation avec la préparation de ses propositions législatives, de ses initiatives politiques, de ses actes délégués et (si nécessaire) de ses actes d’exécution (avant l’application des règles de comitologie) de même qu’en relation avec la mise en œuvre de la législation, des programmes et des politiques de l’Union ainsi que la coordination et coopération avec les États membres et les porteurs d’intérêts à cet égard. Ne sont pas considérés comme des groupes d’experts de la Commission (GEC), les comités et les experts indépendants qui assistent la Commission dans l’attribution et la gestion de projets de recherche scientifiques ou technologiques, les comités liés au dialogue social européen, les organes mixtes créés par des accords internationaux et les experts réunis pour des évènements ponctuels (conférences…). Les GEC peuvent être créés par la Commission (groupes d’experts formels) ou par un de ses départements (groupes d’experts informels) selon des procédures détaillées et avec un mandat défini aussi précisément que possible.

5 La classification des membres des groupes a été revue et organisée autour de cinq catégories : (1) individus nommés à titre personnel et devant « travailler de manière indépendante et en fonction de l’intérêt public en jeu », (2) individus nommés en tant que représentants d’intérêts collectifs partagés par plusieurs partenaires, (3) organisations au sens large (entreprises, associations, organisations non gouvernementales, syndicats, universités, centres de recherches, cabinets divers), (4) autorités publiques d’États membres et enfin (5) autres autorités publiques (de l’Union, d’organisation internationales, d’États tiers ou associés). Les représentants d’intérêt et les organisations ne peuvent être nommés que s’ils sont déjà enregistrés sur le registre de la transparence, celui sur lequel les lobbyistes sont encouragés à s’inscrire. Les organisations, autorités publiques d’État membres et autres entités publiques doivent directement nommer leurs représentants dans les groupes concernés. La Commission peut toutefois refuser la nomination de représentants d’organisations qu’elle considérerait « inappropriée ».

6 Nouveauté notable, la sélection des membres de ces groupes doit désormais se faire suite à appel à candidature public sauf pour les représentants d’autorités publiques des États membres et des autres entités publiques. Les appels sont au minimum publiés sur le registre des groupes d’experts, registre parallèle à celui de la transparence. La Commission ne peut procéder autrement qu’en cas de priorité insurmontable ou d’urgence et en publiant ses raisons. La sélection des membres doit se faire en tenant compte du plus haut niveau d’expertise possible, ainsi que des équilibres géographiques entre les savoirs et entre genres. La Commission peut ne plus inviter des membres qui ne répondraient plus à certaines conditions comme le non-respect du secret professionnel (art. 339 TFUE). La question du conflit d’intérêt fait l’objet de longues dispositions, surtout à l’égard des individus nommés à titre personnel et requis de travailler de manière indépendante et en fonction de l’intérêt public en jeu. Ces derniers doivent remplir une déclaration d’intérêt (mise en ligne sur le site du registre des groupes d’expert) qui, en cas de réponse positive à une des questions, entraine une « évaluation de conflit d’intérêt » menée par la Commission. Ils doivent en outre informer la Commission de la survenue de toute circonstance pouvant donner lieu à un conflit d’intérêt. Tout conflit d’intérêt n’entraine pas forcement la non sélection de la personne mais peut alternativement déboucher sur des restrictions de participation ou le passage dans une autre catégorie.

7 La décision de la Commission contient également des règles en matière de fonctionnement des groupes : présidence, règlement intérieur (standard), minutes, publicité ou non des délibérations, adoption des avis (de préférence par consensus sinon par vote à la majorité simple), création de sous-groupes, experts invités, observateurs, secret professionnel, remboursement de frais, versement de rémunération dans certains cas…

8 La transparence est le dernier élément abordé par la décision. Elle porte sur la publication des groupes d’experts au registre des groupes d’experts (à l’exception des représentants d’autorités publiques des États membres). Les documents liés aux groupes doivent être publiés sur le site lié à ce registre (agendas, minutes, propositions des participants) sauf en cas d’atteinte au secret professionnel ou à la confidentialité des données personnelles. Des règles précisent également les rapports entre ce registre et celui de la transparence.

Better regulation

9 La mise en œuvre de la politique de meilleure règlementation lancée en mai 2015 se poursuit avec l’extension de la mise à la consultation et au commentaire des projets de la Commission. Depuis le 1er juillet 2016, c’est au tour des projets d’actes délégués et d’actes d’exécution d’être mis en ligne pendant quatre semaines. Etape importante quand on sait l’importance de ces formes de régulation administrative dans le droit produit par l’UE.

10 Dans le même registre, la plateforme Refit est entrée en service en février 2016 (sur le programme Refit, voir cette Chronique n° 157, p. 287). Elle a pour mission de recueillir les propositions émises par toutes les personnes intéressées (des États membres aux particuliers) en vue de réduire les charges administratives, d’évaluer leur pertinence et de transmettre celles retenues à l’attention de la Commission et des autorités concernées des États membres et à communiquer le résultat de l’examen aux auteurs des propositions. Elle sollicite également des propositions en matière de réduction de charge administrative, secteur par secteur, selon un calendrier en ligne.

11 Elle est composés de deux groupes permanents, l’un représentant les États membres (un expert par État) et l’autre représentant les entreprises, les partenaires sociaux, les Ong, le Comité économique et social européen, le Comité des régions et la société civile (20 membres). Les réunions de chaque groupe, qui doivent être régulières, sont préparées par le secrétariat général de la Commission. Tous les ans les deux groupes sont réunis conjointement sous la présidence du premier vice-président de la Commission ou du président du comité d’examen de la réglementation. Ces groupes sont considérés comme des groupes d’experts de la Commission et à ce titre désignés selon les règles ci-dessus (appel à manifestation d’intérêt pour les membres du deuxième groupe par exemple). Tous les travaux de la plateforme doivent être disponibles en ligne.

Plan d’action européen 2016-2020 pour l’administration en ligne

12 Depuis 2006, la Commission a lancé une politique de développement de l’administration en ligne qui a pris la forme de deux plans d’actions (2006-2010 et 2011-2015). S’appuyant sur l’évaluation de ces plans, elle estime que sa politique a eu un impact positif sur le développement de l’administration en ligne, aussi bien au niveau de l’Union qu’à celui des États membres, sur la cohérence des stratégies nationales en la matière, sur l’échange de bonnes pratiques et enfin sur le renforcement de l’interopérabilité entre les États membres. La Commission entend poursuivre et renforcer cette politique en lançant en avril 2016 un troisième plan d’action dont l’intitulé, Accélérer la mutation numérique des administrations publiques (COM(2016) 179 final), est clair. Ce plan d’action s’inscrit dans la dynamique des plans précédents mais prend également en compte deux nouveaux éléments de contexte. Le premier, général, est celui de la Stratégie pour un marché intérieur numérique en Europe (COM(2015) final 192 final) adoptée par la Commission en mai 2015, dont l’objectif principal est de réduire les obstacles entravant la réalisation du marché intérieur numérique. Dans ce cadre, elle assigne spécifiquement aux administrations la tâche de se « moderniser, de réaliser l’interopérabilité transfrontière et de faciliter l’interaction avec les citoyens » grâce au numérique. Le deuxième contexte, spécifique, est la Recommandation du Conseil de l’OCDE sur les stratégies gouvernementales digitales de 2014 dont le but est d’accroitre la disponibilité des services d’administration en ligne, de les rendre moins coûteux, plus rapides et plus orientés à destination des usagers. En fonction de tout cela, le nouveau plan d’action détermine sept principes transversaux dont les États membres et la Commission doivent tenir compte dans l’élaboration de leurs propres stratégies et objectifs en la matière afin que, « d’ici à 2020, l’UE soit dotée d’administrations et d’institutions publiques, ouvertes, efficientes et inclusives qui fournissent à tous les citoyens et entreprises de l’UE des services publics numériques de bout en bout conviviaux, personnalisés et sans frontières ». S’il peut s’appuyer sur un acquis qui présente des éléments prometteurs, ce plan d’action apparait toutefois très ambitieux, le point faible n’étant sans doute pas les aspects techniques mais les différences de réalisation selon les États membres, les administrations et les secteurs.

13 Rapidement présentés, ces sept principes sont les suivants. Les administrations, au premier rang desquelles celles qui fournissent des services devraient être « numériques par défaut » et fournir leurs services par l’intermédiaire d’un point de contact unique. Les citoyens et les entreprises ne devraient communiquer leurs informations qu’« une fois pour toutes » à une administration donnée. Il reviendrait par la suite aux administrations concernées de prendre les mesures nécessaires pour réutiliser ces données entre elles. Les services publics numériques devraient être « inclusifs », à savoir accessibles à toutes les catégories de population. Ils devraient également être « ouverts et transparents », ce qui signifie quatre choses: le partage des informations et des données afin que les citoyens et les entreprises y aient accès et, le cas échéant, puissent les contrôler et les rectifier; le suivi les procédures administratives par les personnes concernées; le dialogue avec les parties intéressées (entreprises, chercheurs et organismes à but non lucratif) pour concevoir et fournir des services. Les services publics numériques pertinents devraient être « transfrontières par défaut », c’est-à-dire disponibles au-delà des frontières afin de faciliter la mobilité dans le marché unique. Ces services devraient être conçus pour être « interopérables par défaut » et donc fonctionner en continu dans l’ensemble du marché unique, indépendamment des cloisonnements opérationnels, en se fondant sur la libre circulation des données et des services numériques dans l’UE. Enfin, les initiatives ci-dessous doivent répondre aux principes de « fiabilité et sécurité », qui implique non seulement de respecter le droit applicable en matière de protection des données personnelles et de la privacy ainsi que les critères de sécurité IT mais aussi de les intégrer dès la conception des services.

14 Le plan identifie ensuite trois priorités d’action et énumère pour chacune les actions concrètes à mettre en œuvre. La première priorité est d’utiliser les technologies de l’information et de la communication pour « moderniser les administrations publiques », ce qui signifie pour la Commission « garantir des services rapides et de qualité aux citoyens ainsi qu’un environnement propice aux entreprises ». Pour ce faire, la Commission prévoit d’agir sur deux fronts. Techniquement, elle préconise le recours aux « services numériques génériques », à savoir des services partagés et réutilisables, reposant sur des normes et spécifications techniques approuvées, de manière à réduire les coûts de développement, raccourcir les délais de déploiement et accroître l’interopérabilité. En matière d’interopérabilité, le cadre d’interopérabilité européen (EIF), dont la Commission doit fournir une version révisée, garantit une conception commune de l’interopérabilité dans toute l’UE qui peut être très bénéfique aux investissements transfrontières. Substantiellement, la Commission cherche à faciliter les transactions numériques dans le marché intérieur et en particulier la passation électronique des marchés publics au niveau des États et en son sein (avec le déploiement de l’identification électronique et des services de confiance pour les transactions électroniques au sein du marché intérieur - système eIDAS -, les registres de marchés, la facturation électronique…). La Commission s’engage également à coordonner les demandes de financement et d’accompagnement des États membres en fonction des instruments UE disponibles : mécanismes pour l’interconnexion en Europe, programme ISA² (cette Chronique, n° 157, p. 293), Horizon 2020, fonds structurels et d’investissement européens (ESIF), programme « justice » et programme d’appui à la réforme structurelle (PARS).

15 La deuxième priorité est de favoriser la mobilité transfrontière grâce à des services publics numériques interopérables. Il s’agit en particulier de faire en sorte que les entreprises puissent exercer leurs activités en ligne au-delà des frontières dans le marché intérieur et appliquer le droit commercial et le droit des sociétés de l’UE. La Commission s’engage à créer un portail numérique unique où les informations, conseils, mécanismes de résolutions des problèmes, points de contact et procédures concernant le marché unique, actuellement dispersées, soient rassemblées ; faire du portail européen e-Justice un guichet unique pour l’information sur les questions judiciaires européennes (avec la mise en ligne d’outils de communication directe entre citoyens et juridictions d’autres États membres, le e-CODEX) et du moteur de recherche de l’identifiant européen de la jurisprudence ECLI…) ; créer et rendre obligatoire une interconnexion de tous les registres du commerce des États membres, continuer à développer l’interconnexion électronique des registres d’insolvabilité ; faciliter l’utilisation de solutions numériques tout au long de la vie de l’entreprise (enregistrement et registres du commerce en ligne…) ; étendre le mécanisme électronique unique à l’enregistrement et au paiement de la TVA ; lancer un projet pilote sur le principe « une fois pour toutes » dans les relations entre les entreprises et les administrations ; établir un guichet unique à des fins de déclaration dans le transport maritime et numériser les documents dans le domaine des transports ; achever la mise en place de l’échange électronique d’informations en matière de sécurité sociale ; poursuivre le développement d’EURES (portail européen sur la mobilité de l’emploi) ; aider les États membres à développer des services de santé en ligne transfrontières.

16 La troisième priorité, qui est de « faciliter l’interaction numérique entre les administrations et les citoyens et entreprises pour des services publics de qualité », présente deux aspects. Un premier aspect est d’associer davantage entreprises, citoyens et chercheurs à la conception et à la fourniture de services publics. Ceci devrait rendre ces derniers moins chers, de meilleure qualité et d’un emploi plus facile. La Commission entend appliquer cet aspect à ses propres sites web. Un deuxième aspect est d’élargir l’accès aux données et services du secteur public en facilitant leur réutilisation par des tiers. La Commission attend deux conséquences de ce mouvement : des possibilités en matière de croissance et des administrations plus transparentes, plus redevables et plus proches. À ce titre, en ce qui concerne l’UE, elle entend par exemple accélérer le déploiement de l’infrastructure d’informations géographiques prévue par la directive INSPIRE de 2007 visant à favoriser l’échange de données dans le domaine de l’environnement au sens large.

17 D’un point de vue de gouvernance, la Commission crée et préside un « comité de pilotage du plan d’action pour l’administration en ligne » composé des représentants des États membres chargés de leur stratégie nationale d’administration en ligne. Ce comité a pour mission d’assurer le pilotage du plan d’action (mais pas de chacune des actions qu’il prévoit), notamment pour évaluer et sélectionner les actions identifiées en cours de plan et pour coordonner la mise en œuvre et le suivi effectifs des mesures qu’il prévoit.

Questions sectorielles

La gouvernance de la protection des données personnelles

18 Le 27 avril 2016 le législateur de l’UE a adopté un « paquet législatif » relatif à la protection des données ainsi qu’à leur libre circulation. Ce paquet, très attendu pour remplacer les règles précédentes en la matière, dont la directive 95/46/CE, se compose de trois textes : un règlement n°2016/679 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données (règlement général sur la protection des données), une directive n°2016/680 relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel par les autorités compétentes à des fins de prévention et de détection des infractions pénales, d’enquêtes et de poursuites en la matière ou d’exécution de sanctions pénales, et à la libre circulation de ces données et une autre directive n° 2016/681 relative à l’utilisation des données des dossiers passagers (PNR) pour la prévention et la détection des infractions terroristes et des formes graves de criminalité, ainsi que pour les enquêtes et les poursuites en la matière. Il est complété par un quatrième texte le règlement n°45/2001 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel par les institutions et organes communautaires et à la libre circulation de ces données, texte plus ancien et dont la réforme tarde.

19 Ces trois textes contiennent chacun des volets importants relatifs aux organes administratifs compétents et aux procédures d’adoption pour mettre en œuvre ou veiller à l’application des nouvelles règles qu’ils prévoient. Leurs systèmes de gouvernance, très enrichis par rapport aux précédents, sont d’une grande complexité.

La gouvernance de la protection des données en général

20 Le règlement général a pour objet le régime juridique applicable à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel (DCP), ainsi qu’à la libre circulation de ces données au sein de l’UE, tout en précisant que cette protection ne doit ni limiter ni interdire cette circulation. Le règlement prévoit que le traitement en question doit respecter sept principes ou catégories de principes : licéité, loyauté, transparence ; limitation des finalités ; minimisation des données ; exactitude ; limitation de la conservation ; intégrité et confidentialité ; responsabilité. Ceux-ci sont plus ou moins détaillés au fil des dispositions comme la licéité ou les conditions applicables au consentement des personnes concernées dans le cas où le traitement repose sur le consentement. Le règlement indique également les conditions auxquelles doit être soumis un traitement portant sur des catégories particulières de DCP (genre, origine…) ou relatives aux condamnations pénales et aux infractions. Il énumère les droits des personnes concernées : transparence et contenu des informations à fournir par le responsable du traitement aux personnes dont les données sont collectées ; accès, rectification et effacement ; limitation du traitement ; portabilité des données ; droit d’opposition et décision individuelle automatisée, y compris profilage ; modalités de l’exercice des droits. Il prévoit que ces droits peuvent aussi faire l’objet d’importantes limitations tant par le droit de l’UE que par celui des États membres pour des raisons limitativement énumérées (sécurité nationale, sécurité publique, prévention et détection de d’infractions pénales…) selon des formes qu’il détaille.

21 Le règlement général prévoit un système de gouvernance organisé autour de cinq sous-systèmes (quatre obligatoires et un facultatif). Le premier sous-système est celui des « responsables de traitement », à savoir « toute personne physique ou morale qui détermine les finalités et les moyens » d’un traitement donné (au sein d’une entreprise, d’une administration…). Pour chaque traitement opéré au sens du règlement, les responsables du traitement doivent « mettre en œuvre des mesures techniques et organisationnelles appropriées pour s’assurer et être en mesure de démontrer que le traitement est effectué conformément aux dispositions du règlement ». Il peut y avoir des responsables conjoints et les sous-traitants sont soumis à des dispositions propres. Les tâches des responsables de traitement consistent principalement à tenir un registre des activités de traitement, à assurer la sécurité du traitement, à notifier à l’autorité de contrôle nationale (ACN, cf. ci-dessous) et à la personne concernée toute violation de DCP, à procéder ou faire procéder à une analyse d’impact préalable en cas de traitement « susceptible d’engendrer un risque élevé pour les droits et liberté des personnes physiques » et à consulter l’ACN si l’analyse d’impact confirme le risque.

22 Le deuxième sous-système est celui des « délégués à la protection des données » qui doivent être désignés par les responsables de traitement. Dans les cas où le traitement est effectué par une autorité publique, la désignation d’un délégué est obligatoire. Dans les cas où le traitement est effectué par toute autre personne, la désignation n’est obligatoire que lorsque le traitement exige un « suivi régulier et systématique à grande échelle des personnes concernées » ou lorsque les activités de base du responsable ou du sous-traitant consistent en un « traitement à grande échelle de catégories particulières de données » (c’est-à-dire soumises à conditions). Les délégués sont désignés par les responsables de traitement et les sous-traitants sur la base de leurs compétences professionnelles. Ceux-ci les associent à leurs travaux tout en les dotant d’une certaine autonomie dans l’exercice de leurs missions (dont l’absence d’instructions). Les missions des délégués sont d’informer et de conseiller les responsables du traitement (par exemple en matière d’analyse d’impact), de contrôler le respect du droit applicable (dont le règlement) et de coopérer avec l’autorité de contrôle nationale.

23 Le sous-système de gouvernance facultatif est en fait double. Il est composé des « organismes de suivi des codes de conduite » et des « organismes de certification ». Les codes de conduite déclinent les dispositions du règlement, dont ils contribuent à la bonne application, en fonction des spécificités d’un secteur donné. Leur adoption, par un organisme représentatif des catégories de responsables de traitement, n’est pas obligatoire mais une fois adoptée la Commission peut les rendre obligatoires. Le respect d’un code adopté peut être contrôlé par un organisme « qui dispose du niveau d’expertise [sectorielle] appropriée ». Cet organisme peut être agréé par l’ACN en fonction de critères énumérés dans le règlement. Le règlement encourage également la mise en place de certifications afin de « démontrer que les opérations de traitement effectuées par les responsables du traitement et les sous- traitants respectent » les dispositions du règlement. Les certifications sont délivrées soit par un « organisme de qualification » ad hoc, soit par l’ACN, soit par le Comité européen de la protection des données personelles (cf. dessus). Les critères et les procédures de délivrance sont précisés par des actes délégués et des actes d’exécution de la Commission. Les « organismes de certification » doivent eux-mêmes être agréés, en général par les autorités de contrôle nationales, s’ils répondent aux conditions posées dans le règlement (dont l’indépendance, l’expertise et l’absence de conflit d’intérêt).

24 Le troisième sous-système est celui des autorités de contrôle nationales (ACN), chargées du contrôle de la circulation et de la protection des données. Là où auparavant le droit de l’UE laissait une marge assez large aux États membres en vertu du principe de leur autonomie institutionnelle et procédurale, le règlement général uniformise les caractéristiques que doivent présenter ces autorités. Tout d’abord, leur indépendance repose sur la satisfaction de conditions que pose le règlement en matière d’exercice des missions, d’attribution des ressources nécessaires, de désignation des membres et, le cas échéant, du mode de création (par la loi). Les compétences, missions et pouvoirs dont elles doivent être dotées font également l’objet de dispositions précises. Les compétences doivent être nécessaires à l’exercice des missions et des pouvoirs. Les missions, détaillées en 22 points, ont avant tout trait au contrôle et à l’application des différentes dispositions du règlement général. Les pouvoirs doivent comprendre des pouvoirs d’enquête (à l’égard de tout responsable de traitement de données), des pouvoirs relatifs aux « mesures correctrices » nécessaires (limitation des opérations de traitement, introduction de rectifications, amendes …), des pouvoirs décisionnels (agrément d’organismes de certification, de clauses types de protection des données…) des pouvoirs d’avis (sur des projets de codes de conduite…) et enfin des pouvoirs de saisine juridictionnelle en cas de violation du règlement. Les autorités de contrôle doivent également pouvoir intervenir en urgence dans des circonstances exceptionnelles pour protéger les droits et libertés des personnes concernées au moyen de mesures provisoires dont les autres autorités, le Comité européen de la protection des données personnelles (cf. ci-dessous) et la Commission européenne sont informés. L’exercice de ces pouvoirs doit être subordonné à des garanties appropriées. Le règlement cite à cet égard le droit à une « procédure régulière » et le droit à un recours juridictionnel effectif. Les autorités de contrôle sont en outre soumises à des obligations de coopération lors de traitements transnationaux de données : coopération entre l’autorité dite chef de file et les autres autorités de contrôle concernées (avec mécanisme de traitement des cas de désaccord entre autorités), obligation d’« assistance mutuelle » lorsqu’une autorité demande des informations ou des mesures de contrôle à une autre (comme des inspections ou des enquêtes…) et enfin participation à des « opérations conjointes ». Chaque autorité doit enfin établir un rapport d’activité annuel dont le contenu est indiqué dans les grandes lignes et dont les destinataires sont également précisés.

25 Dans le souci d’assurer son « application cohérente » dans l’ensemble de l’Union, le règlement général créé un « mécanisme de contrôle de la cohérence ». Il s’agit d’une nouveauté importante non par rapport au « système » précédent, qui est cependant nettement renforcé, mais par rapport aux autres politiques de l’UE. Elle illustre les efforts faits par l’UE en direction d’une protection des DCP de plus en plus harmonisée. Le respect de la cohérence relève de chaque autorité de contrôle mais également d’une agence européenne nouvelle (officiellement qualifié d’« organe » de l’UE), le Comité européen de la protection des données (quatrième sous-système de gouvernance, l’ancien G29). Outre une tâche générale de conseil à la Commission dans le domaine de la protection des DCP, il est chargé de trois missions principales, sans toutefois disposer de pouvoirs contraignants (ou presque). Sous l’angle normatif, il doit publier des lignes directrices, des recommandations et des bonnes pratiques dans un grand nombre de domaine « afin de favoriser l’application cohérente du présent règlement » (et ce sur tout point relatif à la mise en œuvre du règlement, ainsi que sur le détail des critères en matière de profilage, de transfert des DCP, de conditions de notification des violations de DCP ). Il ne prend pas de décisions lui-même (sauf la délivrance des agréments des organismes de certification) mais rend des avis préalables à l’égard de certaines décisions que doivent prendre la Commission ou les ACN (critères d’agrément des organismes de certification, autorisation de clauses types de protection des données…). Ces avis, qui peuvent être rendu en urgence, ne sont pas obligatoires mais les ACN doivent en tenir le plus grand compte et, le cas échéant, elles doivent expliquer, au moyen de raisons « pertinentes », pourquoi elles n’ont pas l’intention de les suivre. Le Comité n’a pas non plus de pouvoir hiérarchique à leur égard, tout en pouvant régler les litiges qui pourront naitre dans les rapports entre autorité chef de file et autorité(s) concernée(s) quant au traitement transnational de données. Les modalités d’échange d’information entre les ACN seront précisées par des actes d’exécution de la Commission. Le règlement n’a pas attribué à ce Comité des pouvoirs de contrôle des transferts de DCP de l’UE vers des pays tiers ou à des organisations internationales qui implique principalement que soit pris au préalable une décision sur le « niveau de protection adéquat » du pays ou de l’organisation en question, mais à la Commission (qui agit cependant après avis du Comité) [1].

26 Le Comité se compose des responsables des autorités de contrôle de chaque État membre (un seul pour les États qui en comptent plusieurs) ainsi que du Contrôleur européen de la protection des données. La Commission est représentée et participe aux activités et réunions du Comité mais sans droit de vote. Le Comité exerce ses 25 missions et pouvoirs « en toute indépendance ». Il établit un rapport public annuel transmis au Parlement européen, au Conseil et à la Commission. Il adopte son règlement intérieur à la majorité des deux tiers et prend ses décisions à la majorité simple. Il élit son président et son vice-président en son sein à la majorité simple (pour cinq ans renouvelable une fois). Il dispose d’un secrétariat, assuré par le Contrôleur européen de la protection des données mais placé sous l’autorité exclusive du président du Comité, qui est notamment chargé de la « gestion courante ». Le Comité européen semble pour l’instant une structure légère. Mais comme dans les autres domaines régulés au niveau européen, son rôle est sans doute appelé à croitre avec le temps.

La gouvernance de la protection des données personnelles en cas de traitement par des autorités répressives

27 La directive 2016/680 « établit des règles relatives à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des DCP par les autorités compétentes à des fins de prévention et de détection des infractions pénales, d’enquêtes et de poursuites en la matière ou d’exécution de sanctions pénales, y compris la protection contre les menaces pour la sécurité publique et la prévention de telles menaces ». Elle décline dans son domaine le principe qui inspire tout le « paquet » selon lequel « l’échange de données à caractère personnel par les autorités compétentes au sein de l’Union, lorsque cet échange est requis par le droit de l’Union ou le droit d’un État membre », n’est « ni limité ni interdit pour des motifs liés à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel ».

28 La directive est construite sur le modèle du règlement général et comme lui elle pose les principes ou catégories de principes relatifs au traitement des DCP adaptés à dans son contexte. Ceux-ci sont semblables, sans être identiques, à ceux présents dans le règlement (licéité et loyauté, précision des finalités…). Elle en détaille certains par la suite, comme la licéité du traitement, en laissant des marges plus ou moins importantes aux États membres, comme la détermination des délais de conservation. Elle précise que, « dans la mesure du possible », deux distinctions doivent être établies : une entre les différentes catégories de personnes concernées par le traitement (personnes reconnues coupables, personnes soupçonnées, victimes, tiers) et une entre les données fondées sur des faits et les données fondées sur des appréciations personnelles. Elle pose les conditions spécifiques applicables au traitement pour des fins autres que celles dont traite la directive, les conditions de traitement de catégories particulières de DCP (origine, opinions…) et enfin celles relatives aux décisions individuelles automatisées. Elle précise les droits des personnes concernées : communication et informations relatives au traitement, accès et limitations à l’accès, rectification ou effacement des données, limitation du traitement, modalité d’exercice de ces droits avec vérification par l’autorité de contrôle.

29 Du point de vue de gouvernance qui nous intéresse ici, la directive reprend de manière plus simple les quatre sous-systèmes et organismes compétents mis en place dans le cadre du règlement général (sans le sous-système facultatif) : responsables du traitement des données, délégués à la protection des données, autorités de contrôle nationales, Comité européen de la protection des données (et Commission). En général, les caractéristiques institutionnelles que chacun des organismes doit respecter dans l’exercice des fonctions liées à la directive 2016/680 sont similaires à celles prévues dans le règlement général. C’est le cas des responsables de traitement et des sous-traitants. Les délégués à la protection des données sont en revanche désignés par les seuls États sur la base de leurs qualités professionnelles. Les autorités de contrôle nationales (ACN, qui peuvent être celles déjà chargées de la mise en œuvre du régime général ou ad hoc) doivent toujours remplir les mêmes conditions d’indépendance, de compétences, missions, pouvoirs et garanties.

30 En revanche, les règles relatives aux missions, compétences et pouvoirs de chacun d’eux présentent des différences. Par exemple, les obligations posées à l’égard des responsables de traitement et sous-traitants mettent plus fortement l’accent sur la protection des données et sur leur sécurité. Les missions et les pouvoirs confiés aux ACN sont moins nombreuses que dans le cas général : contrôler l’application de la directive (avec des pouvoirs d’enquête, de correction et de consultation), vérifier la qualité des données, conseiller, traiter les réclamations introduites, coopérer avec les autres ACN afin d’appliquer la directive au niveau européen de manière cohérente au moyen de demandes d’information et de mesures de contrôle (consultations, inspections et enquêtes) auxquelles les autorités doivent obligatoirement donner suite. Là encore, la Commission précisera la forme (documents standards) et les procédures de cette assistance mutuelle ainsi que les modalités d’échange d’information entre ACN. À part ces dernières dispositions, la directive ne met pas en place un « mécanisme du contrôle de la cohérence » semblable à celui du régime général.

31 Le rôle du Comité européen de la protection des données est beaucoup plus réduit que celui qu’il exerce dans le cadre du règlement général. Il se borne à publier des lignes directrices, des recommandations et des bonnes pratiques relatives à l’application de la directive et à faciliter les contacts et les échanges d’information entre les autorités de contrôle. Il n’est pas chargé du contrôle du transfert des DCP vers des pays tiers ou à des organisations internationales qui est partagé entre la Commission [2] et les États membres.

La gouvernance des données des dossiers passagers

32 Par rapport aux deux textes précédents, l’objet de la directive 2016/681 est beaucoup plus spécifique mais ses enjeux n’en sont pas moins élevés, puisqu’il porte à la fois sur « le transfert, par les transporteurs aériens, de données des dossiers passagers (PNR) de vols extra UE » vers des autorités nationales ad hoc, le traitement de ces données (collecte, utilisation et conservation) par ces dernières et leur échange. En discussion depuis de nombreuses années, seule la multiplication récente d’attentats terroristes en divers points de l’UE a convaincu le Parlement européen, jusqu’alors plutôt réticent, de voter ce texte particulièrement sensible.

33 La gouvernance prévue diffère des deux cas précédents. Elle est organisée autour de quatre sous-systèmes. Tout d’abord la collecte et les transferts de données ne peuvent avoir lieu qu’au bénéfice des « autorités compétentes en matière de prévention et de détection des infractions terroristes et des formes graves de criminalité, ainsi que d’enquêtes et de poursuites en la matière », qualifiées de manière générique d’« unités information passager » (UIP). Il en va de même du traitement subséquent, en particulier l’évaluation des passagers avant départ ou arrivée « afin d’identifier les personnes pour lesquelles est requis un examen plus approfondi », dont la directive limite les finalités et demande qu’il ait lieu en fonction de critères préétablis. L’examen plus approfondi ne peut être réalisé que par des « autorités compétentes » (2e sous-système) en matière de prévention ou de détection des infractions terroristes ou des formes graves de criminalité, ainsi que d’enquêtes et de poursuites en la matière (deuxième sous-système). Les données PNR sont conservées pendant cinq ans dans une base de données mais six mois après leur transfert elles sont dépersonnalisées et ne peuvent plus être intégralement communiquées. L’échange d’informations liées aux PNR entre États membres est au cœur de la directive. Il doit par principe avoir lieu entre PNR. Trois formes sont possibles. La première est automatique : lorsqu’une UIP a identifié une personne pour laquelle est requis un examen plus approfondi (conformément aux règles ci-dessus), elle doit transmettre les informations PNR qui lui sont liées à toutes les autres UIP, qui elles-mêmes renvoient à leurs « autorités compétentes ». La deuxième est à la demande : une UIP, qui recherche une ou des personnes à l’égard desquelles elle ne dispose pas de données permettant l’identification, peut demander de manière motivée à une autre des données PNR sur la base d’un « quelconque élément de ces données ». Cette dernière doit procéder à la transmission « dès que possible » des données en question à l’UIP demanderesse. La troisième, exceptionnelle, concerne les cas liés à des menaces précises et réelles liés aux infractions terroristes ou à des formes graves de criminalité. Les « autorités compétentes » d’un État ne peuvent directement demander, de manière motivée, à l’UIP d’un autre État des données qu’en cas d’urgence et sous condition. Des règles particulières s’appliquent aux conditions d’accès d’Europol aux données PNR et aux transferts de ces mêmes données vers des pays tiers. D’autres dispositions précisent les indispensables conditions techniques (protocole commun et format de données reconnues). Les rapports d’activités des UIP, adressés à la seule Commission, ne portent que sur des éléments statistiques.

34 Chaque UIP nomme un délégué à la protection des données (troisième sous-système) « chargé de contrôler le traitement des données PNR et de mettre en œuvre les garanties pertinentes » que les États membres dotent des moyens nécessaires à accomplir leur mission « de manière effective et en toute indépendance ».

35 Le quatrième sous-système est celui des autorités de contrôle nationales (ACN). Selon la directive les caractéristiques et fonctions de ces dernières doivent être celles prévues par la décision-cadre 2008/977/JAI du Conseil du 27 novembre 2008 relative à la protection des DCP traitées dans le cadre de la coopération policière et judiciaire en matière pénale (par ailleurs abrogée par la directive 2016/680). La directive leur ajoute des compétences et des pouvoirs « PNR » : fournir des conseils sur l’application des dispositions adoptées par les États membres en vertu de la directive, surveiller l’application de celles-ci, traiter les réclamations introduites (au moyen d’enquêtes le cas échéant), vérifier la licéité du traitement des données au moyens d’enquêtes, d’inspections et d’audit conformément au droit national et conseiller toute personne sur l’exercice de ses droits. La directive ne précise pas si ces fonctions doivent être exercées par les autorités prévues par le règlement général et la directive 2016/680 ou par des autorités différentes. À la différence des deux premiers textes, la directive 2016/681 ne prévoit pas de coordonner les fonctions exercées par ces autorités au niveau européen.

La gouvernance des douanes

36 Le nouveau code des douanes de l’Union adopté en 2013 est entré en application le 1er mai 2016. Sa procédure d’adoption a duré environ une dizaine d’années. Il s’agit d’un texte plutôt long (288 articles) mais qui est toutefois plus « lisible » que le code précédent de 1992. Il est accompagné d’un règlement délégué n°2015/2446 du 28 juillet 2015 qui précise et complète les dispositions du code (255 articles et une trentaine d’annexes) ainsi que d’un règlement d’exécution n°2015/2447 du 24 novembre 2015 qui doit permettre une mise en œuvre uniforme du code dans l’Union (339 articles et une trentaine d’annexes). Cette réforme, sectoriellement importante, se trouve au confluent de plusieurs contraintes légales et priorités politiques: tenir compte du traité de Lisbonne et de sa nouvelle répartition de la régulation administrative entre actes délégués et actes d’exécution, tenir compte des nouvelles règles en matière de comitologie, généraliser l’échange de données électroniques (avec les opérateurs et entre les administrations, c’était l’objectif du programme « Douanes sans papier » lancé en 2008), simplifier et uniformiser les procédures de dédouanement (et suppression des procédures nationales), harmoniser les règles relatives aux régimes particuliers (entrepôts douaniers, zones franches, admission temporaire)…

37 L’impact du nouveau code est important en matière d’administration douanière qui repose sur les administrations nationales. De manière générale, les administrations nationales chargées de mettre en œuvre le droit de l’Union bénéficient du principe de l’autonomie institutionnelle et procédurale selon lequel elles restent libres de choisir comment elles s’organisent et comment elles procèdent à cet effet. Ce principe est toutefois relatif dans la mesure où le droit de l’Union peut parfois prévoir des règles relatives à la manière dont cette mise en œuvre doit être réalisée ; règles uniformes donc. Dans le cas présent, l’union douanière étant une compétence exclusive de l’Union, le droit de l’UE définit à lui seul le droit douanier substantiel (aux États membres restent les matières pénales, fiscales et statut des agents). Mais le droit de l’UE s’étend également à la définition de modalités d’action communes des autorités douanières nationales. En d’autres termes, non seulement les douanes nationales doivent appliquer les mêmes règles substantielles (le tarif douanier commun par exemple) mais en outre elles doivent de plus en plus le faire selon les mêmes règles procédurales et ce dans un contexte de gouvernance particulier, puisque à la différence de nombreux autres politiques sectorielles européennes, l’Union n’a pas mis en place d’organisme de coordination au niveau européen (une agence) comme il l’a portant fait dans beaucoup d’autres cas. Le nouveau code parachève cet encadrement procédural européen de deux façons.

38 Tout d’abord, le régime des décisions douanières (comme l’autorisation de placement de marchandise sous un statut douanier déterminé, l’agrément d’un opérateur économique, le renseignement tarifaire contraignant…) est désormais entièrement déterminé par le droit de l’Union : conditions d’acceptation des demandes, validité des décisions, garanties procédurales offertes au demandeur, annulation, révocation, suspension et modification des décisions, droit de recours…. En fin de compte, il ne reste aux autorités nationales qu’un pouvoir décisionnel limité à l’appréciation de la pertinence ou non de l’adoption de telle ou telle décision.

39 Ensuite, les administrations douanières nationales doivent coopérer entre elles pour la mise en œuvre du droit douanier de l’Union. La nécessité de la coopération découle de la nature de l’union douanière européenne (un espace unique d’entrée, de sortie et de circulation des marchandises) qui a entre autres effets que les décisions douanières adoptées par les administrations nationales ont une portée européenne et non pas seulement nationale. Cela signifie par exemple que la délivrance d’un agrément à un opérateur économique (dont l’intérêt est de réduire ses procédures de dédouanement) sera valable pour les opérations douanières que cet opérateur effectue en n’importe quel point de l’Union, et donc auprès de n’importe qu’elle autorité douanière nationale. Cela est (en théorie) possible car les critères d’attribution de l’agrément sont européens et il existe un registre européen des opérateurs économiques agréés. Autre exemple, si le dédouanement centralisé national permet à un opérateur de déposer ses déclarations dans un seul bureau de douane national (par exemple Lyon), dit bureau de domiciliation, alors même que les opérations douanières liées à ces déclarations concernent les marchandises entrant dans les ports de Marseille et du Havre où elles sont traitées par des bureaux dits de présentation, à l’horizon 2020 le dédouanement centralisé communautaire permettra les mêmes opérations du bureau de domiciliation de Lyon pour des marchandises entrant, par exemple, à Anvers et à Naples. Là encore cette facilitée offerte aux opérateurs repose sur des bases de données communes et de denses obligations de circulation d’information entre autorités douanières.

Le renforcement d’Europol

40 À l’échelle d’âge des agences européennes, l’Agence de l’Union européenne pour la coopération des services répressifs (Europol), créée en 1995, est assez ancienne [3]. C’est peut-être ce qui en fait une des agences les plus connues. Sa création a répondu à la prise de conscience des effets « facilitateurs » de la libre circulation des personnes dans l’UE (ou plus précisément dans l’espace Schengen), acquise dans les années 1990, également à l’égard de la circulation des phénomènes criminels et du développement d’une « criminalité organisée transfrontalière ». En 20 ans d’existence, les compétences d’Europol ont été étendues et renforcées trois fois (2002, 2009 et 2016) ce qui montre l’importance de la nécessité et de la « demande » de lutte contre la criminalité au niveau européen. Son personnel comprend 940 personnes et son budget 2015 s’élève à 95 millions d’euros. Le règlement n°2016/794 du 11 mai 2016 intervient après deux années de négociations avec le Parlement et le Conseil sur un texte très complexe. La Commission souhaitait procéder à une triple mise en conformité d’Europol. La mise en conformité avec la nouvelle génération de standards en matière de DCP a vraisemblablement été atteinte. La mise en conformité avec les exigences du traité de Lisbonne (art. 88, TFUE) en renforçant l’efficience, l’efficacité et la redevabilité de l’agence a été atteinte en partie. En revanche, la mise en conformité de sa gouvernance avec les principes énoncés dans l’Approche commune sur les agences décentralisées de l’UE (ACAD) de 2012 (cf. cette « Chronique » RFAP, 2012, n°144, pp. 1157 ss) n’a pas été entièrement réalisée ; le rôle de la Commission à l’égard de l’agence est plus faible que prévu en raison de la forte opposition des colégislateurs et de l’héritage intergouvernemental de l’agence.

Objectif et misions d’Europol

41 Le nouveau règlement fixe à Europol l’objectif « d’appuyer et de renforcer l’action des autorités compétentes des États membres et leur collaboration mutuelle dans la prévention » de trois catégories de criminalité : la « criminalité grave affectant deux ou plusieurs États membres », le terrorisme et les formes de criminalité qui « portent atteinte à un intérêt commun qui fait l’objet d’une politique de l’Union, ainsi que dans la lutte contre ceux-ci » (ces formes, au nombre de 31, sont énumérées en annexe) et les infractions pénales connexes, à savoir celles commises pour se procurer les moyens de perpétuer des actes relavant de la compétence d’Europol, pour faciliter l’exécution de ces actes ou les perpétuer et pour assurer l’impunité de ceux qui les commettent.

42 Pour atteindre ces objectifs Europol est chargée de trois catégories de missions. La première, la plus importante et de loin, a trait à la gestion de l’information pertinente. La douzaine de missions énumérées à ce titre peuvent être regroupées en six sous catégories. Au titre du traitement d’informations (1), Europol doit d’une part collecter, stocker, traiter, analyser et échanger des informations, y compris des éléments de renseignement criminel et d’autre part communiquer sans retard aux États membres toute information ou tout lien existant entre des infractions pénales qui les concernent. Le partage d’expertise (2) porte sur la prévention de la criminalité, les procédures d’enquête, la police technique et scientifique et la cybersécurité. Les missions de partage d’analyses (3) impliquent qu’Europol fournisse aux États membres des informations et une aide à l’analyse lors d’événements internationaux majeurs et qu’elle établisse des évaluations de la menace, des analyses stratégiques et opérationnelles ainsi que des comptes rendus généraux. La rédaction alambiquée des dispositions en matière opérationnelle (4) ne doit pas faire oublier que si Europol peut demander aux États membres d’ouvrir des enquêtes [4] et de créer des équipes communes d’enquête [5], de manière générale et dans le respect des dispositions de l’art. 88 TFUE, elle se borne à soutenir les actions, enquêtes et opérations menées par les États, seuls, en commun ou dans le cadre d’une équipe commune d’enquête en coordonnant, organisant et réalisant elle-même des enquêtes et des actions opérationnelles. En d’autres termes, elle n’a pas de pouvoirs contraignants. Europol exerce également des missions de formation (5) [6]. Enfin, Europol doit coopérer (6) avec les autres agences européennes compétentes dans l’Espace européen de liberté, de sécurité et de justice et avec l’OLAF (échanges d’informations, aide à l’analyse) et doit également fournir des informations et un appui aux structures et aux missions de gestion des crises de l’UE instituées sur la base de la PESC.

43 La deuxième catégorie de missions d’Europol est de fournir des analyses stratégiques et des évaluations de la menace, d’une part pour aider le Conseil et la Commission à établir les priorités stratégiques et opérationnelles de l’Union aux fins de la lutte contre la criminalité et d’autre part pour contribuer à une utilisation efficace et rationnelle des ressources disponibles au niveau des États membres et à celui de l’Union pour les activités opérationnelles.

44 Enfin, la troisième catégorie de mission est d’être l’office central de répression du faux-monnayage de l’euro.

Organisation interne et redevabilité d’Europol

45 L’organisation et la gouvernance d’Europol ont été revues afin d’accompagner au mieux l’élargissement de ses missions. Les organes décisionnels d’Europol sont le conseil d’administration (CA) et le directeur exécutif. Les législateurs ont refusé la création d’un conseil exécutif restreint prévu dans l’ACAD. Le CA est composé d’un représentant de chaque État membre et d’un représentant de la Commission (alors que l’ACAD prévoyait deux représentants de la Commission). Le CA prend ses décisions à la majorité sauf dans certains cas où une majorité renforcée est nécessaire. Les fonctions du CA concernent d’une part l’organisation des missions de l’agence et d’autre part son fonctionnement. Au titre des premières, le CA est chargé d’adopter les plans de travail annuels et pluri annuels d’Europol (à la majorité des deux tiers), des indicateurs de performance, le rapport annuel d’activité, la création de structures internes [7], les lignes directrices précisant les procédures de traitement des informations, les accords avec d’autres organes de l’UE et les accords de mise en œuvre d’accords de transfert de données (cf. ci-dessous). Au titre des secondes, il adopte ou conclut les règles financières applicables à l’agence, le règlement intérieur, le budget, la stratégie interne antifraude, les règles de prévention des conflits d’intérêt, les contrats d’engagement du personnel, les règles de sélection du directeur exécutif et la liste restreinte des candidats à ce poste. Il supervise l’action du directeur exécutif, nomme un comptable, met en place une structure d’audit interne, assure un suivi des rapports d’évaluation et d’audit. Comme souvent dans le cas des agences européennes, mais ici de manière plus accentuée encore, le CA ne maitrise pas complément le contenu des documents les plus importants qu’il doit formellement adopter. Il doit en effet tenir compte de l’avis d’autres institutions de l’Union (parfois sans pouvoir passer outre) : la Commission pour les règles financières ad hoc, le budget et le tableau des effectifs, le Parlement européen et le Conseil pour le budget et le tableau des effectifs, la Commission et le groupe de contrôle parlementaire (cf. ci-dessous) pour les documents de programmation du travail.

46 Le directeur exécutif, engagé en tant qu’agent temporaire, est nommé par le Conseil (alors que l’ACAD prévoyait que cette compétence revienne à la Commission) sur la base d’une liste restreinte de candidats proposée par le CA. Son mandat est de quatre ans au terme duquel la Commission et le CA évaluent le travail accompli ainsi que les missions et défis futurs de l’agence. Il est tenu compte de cette évaluation pour proroger (une seule fois) le mandat. Le directeur assure la gestion d’Europol et il rend compte au CA. Il est notamment chargé de préparer les documents que le CA doit adopter, proposer la création de structures internes, exécuter les décisions du CA.

47 On note la présence de mécanismes habituels en matière de redevabilité : relation agent / principal entre le directeur exécutif et le CA, transmission des rapports d’activité, programmes d’audit, évaluation quinquennale et procédure détaillée de décharge de l’exécution du budget. Mais c’est surtout la mise en œuvre du « contrôle des activités d’Europol […] par le Parlement européen avec les parlements nationaux » tel que prévu par l’art. 88 TFUE, qui retient l’attention. Un tel contrôle, dit « politique », introduit pour la première fois dans le paysage institutionnel de l’UE, avait en effet semblé indispensable aux rédacteurs du traité de Lisbonne vu le domaine de compétence particulièrement sensible de l’agence. Il est confié à un « groupe de contrôle parlementaire conjoint spécialisé » établi par les parlements nationaux et la commission compétente du Parlement européen (PE). Il prend plusieurs formes. Un représentant du groupe peut participer aux réunions du CA en tant qu’observateur sans droit de vote. Le groupe peut demander à entendre le président du CA et le directeur exécutif pour examiner les questions relatives aux activités de l’agence, y compris celles portant sur les aspects budgétaires et organisationnels. Il donne son avis sur la programmation pluri annuelle des activités d’Europol et peut demander la transmission de documents produits par l’agence (évaluations de menace, analyses stratégiques et rapports de situation générale, arrangements administratifs, entre autres). Son contrôle peut faire l’objet de « conclusions sommaires » soumises au PE et aux parlements nationaux. L’autorité indépendante chargé du contrôle de la manière dont Europol traite les DCP, le CEPD (Contrôleur européen de la protection des données), est également redevable, mais de manière limitée devant ce groupe sous forme d’une audition, au moins annuelle, pour l’examen des questions générales relatives à la protection des DCP.

48 Cela dit, l’élément essentiel du fonctionnement d’Europol, à savoir le traitement de l’information, repose toujours sur un mouvement en trois étapes: l’agence acquiert des données (qu’elle reçoit ou qu’elle se procure), les traite puis les communique ou les met à disposition. Mais la réforme renforce considérablement les mécanismes de gouvernance [8] qui sont systématiquement organisés selon un double système : un système de gouvernance est relatif au fonctionnement et un autre relatif au contrôle et cela pour chacune des trois étapes. En outre, chaque système est exercé à deux niveaux (national et européen) et, à chaque niveau, par souvent plus d’un organe.

Gouvernance de l’acquisition de données par Europol

49 Europol est alimenté par des fournisseurs d’informations répartis en trois catégories : premièrement, les États membres (conformément à leur droit national), deuxièmement, les organes de l’Union, les pays tiers, les organisations internationales et troisièmement les parties privées et les particuliers [9].

50 Europol acquiert les informations qui lui sont nécessaires des États membres de deux manières. Tout d’abord, elle est en droit, en vertu d’instruments juridiques de l’Union ou nationaux, d’interroger par voie automatisée des systèmes d’information nationaux. Dans ce cadre, elle peut extraire (au moyen de systèmes de chargement automatisés de données) et traiter des informations, y compris des DCP, si cela est nécessaire pour lui permettre d’accomplir ses missions. Cet accès est une matérialisation du principe de libre circulation des données énoncé, entre autres, par la directive 2016/680 relative au traitement des DCP par des autorités répressives et selon lequel « l’échange de DCP par les autorités compétentes au sein de l’Union, lorsque cet échange est requis par le droit de l’Union ou le droit d’un État membre », n’est « ni limité ni interdit pour des motifs liés à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des DCP » (cf. ci-dessus). Ensuite, Europol et les États membres sont soumis à une obligation générale de coopération dans l’accomplissement de leurs missions respectives.

51 Cette relation ascendante, fait l’objet du double système de gouvernance évoqué. La gouvernance du fonctionnement est organisée autour de l’unité nationale Europol (UNE) que chaque État membre doit mettre en place ou désigner pour jouer le rôle d’organe de liaison. Les contacts directs entre Europol et les autorités nationales compétentes sont désormais l’exception. Quand ils sont possibles, les UNE reçoivent les informations échangées. Les UNE doivent être dotées des moyens de s’acquitter des tâches prévues et en particulier celui d’avoir accès aux données des services répressifs nationaux. Ces tâches sont de communiquer à Europol, dans le respect de leur droit national, les informations nécessaires à la réalisation des objectifs de l’agence [10]; d’assurer, de la part de toutes les autorités compétentes concernées (y compris les cellules de renseignement financier), une communication et une coopération efficaces avec Europol; et enfin de manière générale de sensibiliser aux activités d’Europol. Les chefs des UNE se réunissent périodiquement, entre autres afin d’examiner les problèmes qui se posent dans le cadre de leur coopération opérationnelle avec Europol. Chaque UNE désigne au moins un officier de liaison qui représente ses intérêts au sein d’Europol et facilite les échanges d’information, tout en restant soumis au droit de l’État membre [11].

52 La gouvernance du contrôle de ces transferts est double voire triple. Sa cheville ouvrière est constituée des autorités de contrôle nationales (ACN) que chaque État membre doit désigner et qui exercent une double tâche de contrôle en fonction de leur droit national : contrôle indépendant de la licéité du transfert, de l’extraction et de toute communication à Europol de DCP [12] et contrôle des activités des UNE et des officiers de liaison. Ce faisant, les ACN doivent agir en étroite coopération avec le Contrôleur européen de la protection des données (CEDP), qui est l’autorité européenne indépendante européenne chargée, entre autres, de surveiller le traitement par Europol des DCP, cf. ci-dessous. Cette coopération doit en particulier jouer dans trois cas : divergences majeures entres les pratiques des États membres, transferts potentiellement illicites dans l’utilisation des canaux d’échange d’information d’Europol, difficultés des ACN à interpréter le règlement. De manière générale, le CEDP a recours à leur expertise et mène des inspections en commun [13]. Cette coopération est dotée d’une forme institutionnelle avec la création d’un « comité de coopération » entre les ACN et le CEDP, composé d’un représentant de chaque ACN et du CEDP. Il s’agit d’une plateforme, non décisionnelle, qui doit permettre à ses membres de discuter, de manière indépendante, les politiques et les stratégies en matière de transfert par les États membres de DCP, et de manière générale de tout problème rencontré par les ACN en ce domaine; l’objectif étant de dégager une pratique harmonisée par voie d’avis, lignes directrices, recommandations et bonnes pratiques. Ses fonctions seront rapidement reprises par le Comité européen de la protection des données créé dans le cadre de la réforme de la protection des données (cf. la gouvernance de la protection des DCP en cas de traitement par des autorités répressives, ci-dessus).

53 La deuxième catégorie de fournisseurs d’Europol est plus hétérogène (organes de l’Union, autorités de pays tiers et organisations internationales). Tout d’abord, Europol peut être en droit, en vertu d’instruments juridiques de l’Union ou internationaux, d’interroger par voie automatisée des systèmes d’information de l’Union ou internationaux, et d’extraire et traiter des informations, y compris des DCP, si cela est nécessaire pour lui permettre d’accomplir ses missions. C’est par exemple le cas des accès qui lui sont reconnus, sous certaines conditions, à des systèmes de l’UE (Système d’information Schengen II (SIS II), Système d’information sur les visas (VIS), base de données sur les demandes d’asile (Eurodac)) et à des systèmes internationaux (bases de données Interpol). Ensuite, Europol a passé des relations de coopération avec ses fournisseurs relevant de cette catégorie qui lui permettent d’échanger des données y compris des DCP. Avec la réforme, Europol peut passer des accords de coopération, qui peuvent être facilités par la conclusion d’arrangements de travail, et permettre un « échange direct de toute information » mais à l’exception des DCP. En général, la gouvernance du fonctionnement de ces transferts et celle de leur contrôle est prévue dans les instruments en question (cf. ci-dessous).

54 Europol peut également établir des relations avec les parties privées et les particuliers mais ne peut traiter des données provenant d’elles qu’à condition de les avoir reçues par l’intermédiaire d’une UNE, d’un point de contact ou d’une autorité d’un pays tiers ou d’une organisation internationale [14].

55 Toutes les informations qu’Europol reçoit doivent être accompagnées d’une évaluation réalisée par les fournisseurs (États membres, États tiers…) et selon un codage commun quant à la fiabilité de leur source et quant à leur exactitude. En fonction de ses propres connaissances, Europol peut attirer l’attention du fournisseur sur la nécessité de revoir une ou des évaluations en cherchant l’accord de l’État membre et à défaut en passant outre.

La gouvernance du traitement des informations acquises

56 Un grand nombre de dispositions du règlement ont trait aux finalités du traitement des données par Europol et aux modalités de ce traitement, en particulier lorsque des données DCP sont en jeu. Les informations reçues ne peuvent être traitées que pour quatre finalités : (1) recoupements visant à établir des liens entre les informations relatives aux personnes qui sont soupçonnées d’avoir commis une infraction pénale ou qui ont été condamnées pour une telle infraction et aux personnes pour lesquelles il existe des indices concrets ou de bonnes raisons de croire qu’elles commettront des infractions pénales ; (2) analyses de nature stratégique ou thématique ; (3) analyses opérationnelles; (4) facilitation de l’échange d’informations entre les États membres et Europol, d’autres organes de l’UE, des pays tiers et des organisations internationales. L’approche des modalités de traitement a évolué par rapport au précédent statut d’Europol. Les dispositions relatives aux aspects techniques comme le Système d’information Europol [15], l’« application de réseau d’échange sécurisé d’informations » [16] ou les codes de traitement (qui assurent la confidentialité des sources), ne sont pas reprises dans le présent règlement qui met en revanche l’accent sur la protection des données dès la conception selon laquelle « Europol met en œuvre les mesures et procédures techniques et organisationnelle appropriées de manière à ce que le traitement des données soit conforme au présent règlement et protège les droits des personnes concernées ». Le règlement se concentre dès lors sur les « garanties relatives à la protection des données » où on trouve des dispositions relatives aux principes généraux (traitement de manière loyale, licite, finalisé, adéquate… et sûre), à la protection renforcée de toutes les données de certaines catégories de personnes (victimes, témoins, mineurs…) ainsi que de certaines catégories de données de toutes les personnes (orientation sexuelle, santé, données génétiques…), aux délais de conservation (nécessaire et proportionnée aux finalités pour lesquelles elles sont traitées mais réexaminées tous les trois ans). Les violations de DCP sont notifiées au CEPD, aux autorités compétentes des États membres concernés, aux fournisseurs et à la personne concernée qui dispose d’un droit d’accès qu’elle peut exercer sur demande auprès de l’autorité compétente de l’État membre de son choix qui transmet à Europol. Ce droit peut être refusé ou limité. En cas d’accès, la personne concernée dispose d’un droit de rectification, d’effacement et de limitation qui n’est pas non plus absolu. Enfin Europol établit régulièrement des relevés des traitements qu’il réalise (journalisation).

57 La gouvernance fonctionnelle relative à ce traitement, sur laquelle on ne revient pas si ce n’est pour indiquer que le traitement concret doit être réalisé par des agents habilités, relève d’Europol. La gouvernance du contrôle est établie à deux niveaux.

58 Le premier niveau est celui du délégué à la protection des données. Il s’agit d’un membre du personnel nommé pour quatre ans (renouvelable une fois) par le CA en fonction de ses qualités personnelles et professionnelles. Il ne reçoit aucune instruction dans l’exercice de ses fonctions qui sont de veiller à l’application interne du règlement, à la conservation d’une trace de tout transfert et de toute réception de donnée, et à ce que les personnes concernées soient, à leur demande, informées de leurs droits, de coopérer avec le CEDP, d’établir un rapport annuel communiqué au conseil d’administration et au CEDP et de tenir un registre des violations de DCP. Il a accès à toutes les données traitées. Le deuxième niveau de contrôle (externe) est celui du CEPD, qui remplace l’Autorité de contrôle commune Europol et qui est chargé de surveiller et de garantir l’application du règlement en matière de protection des libertés et des droits fondamentaux des personnes physiques à l’égard des traitements de DCP. Plus précisément il examine les réclamations [17], mène des enquêtes suite à réclamation ou de sa propre initiative, conseille Europol en la matière (et les personnes concernées sur l’exercice de leurs droits), tient un registre de nouveaux types d’opération de traitement (sur lesquels il doit donner un avis). Il dispose également de fonctions de sanction : il saisit Europol en cas de violation alléguée, ordonne que les demandes d’exercice de droits prévues soient satisfaites, adresse des avertissements à Europol, l’enjoint de procéder à la rectification, à la limitation, à l’effacement ou destruction des DCP traitées en violation du règlement, interdit temporairement ou définitivement à Europol de procéder à des opérations de traitement en violation des dispositions pertinentes, saisit Europol, le Parlement européen le Conseil et la Commission, saisi la Cour de justice de l’Union européenne et intervient dans les affaires portées cette dernière. Il est habilité à obtenir d’Europol toutes les DCP nécessaires à ses enquêtes, obtenir l’accès à tout locaux d’Europol. Il établit un rapport annuel sur ses activités après consultation des ACN, intégré à son rapport annuel général.

Gouvernance de la diffusion des informations traitées

59 Une fois traitées, les informations d’Europol sont bien entendu destinées à « redescendre » en particulier auprès des États membres, d’organes spécialisés de l’UE (Eurojust et OLAF) ou d’autres organisations impliquées dans la lutte opérationnelle contre la criminalité. La gouvernance du fonctionnement de cette diffusion relève d’Europol et de ses partenaires. L’accès des États membres aux informations traitées par Europol est double. Premièrement, Europol est soumise à une obligation de « communiquer sans retard à un État membre toute information le concernant » c’est-à-dire lorsque ses opérations de traitement et de recoupement font apparaitre un risque pour un État. Deuxièmement, les États ont un accès direct aux informations d’Europol aux fins de recoupements et d’analyses de nature stratégiques et thématiques mais seulement indirect (via un système de concordance/non concordance, hit/no hit) aux informations fournies aux fins d’analyses opérationnelles [18]. En cas de concordance, Europol engage la procédure permettant de partager l’information. La gouvernance de contrôle est fragmentée en fonction de l’utilisateur de l’information traitée par Europol, d’une part parce que certains des mécanismes et des organes (et des règles) applicables lors de la fourniture d’information à Europol s’appliquent également au transfert et d’autre par car les enjeux portent plus sur le traitement que sur la diffusion. En revanche, l’accès des pays tiers et des organisations internationales aux informations traitées d’Europol doit être fondés soit sur une décision de la Commission, qui est donc, dans ce cas, le principal organe de la gouvernance du contrôle et qui vérifie que le destinataire assure un « niveau de protection adéquat » des DCP, soit un accord international entre l’UE et le destinataire offrant des garanties suffisantes [19]. Ces accords peuvent prévoir des formes de gouvernance ad hoc. Si de tels instruments n’existent pas Europol peut en demander l’élaboration aux autorités compétentes sans les lier.

À signaler aussi

La gouvernance du volet sécurité et interopérabilité de la circulation ferroviaire européenne :

60 Règlement n° 2016/796 relatif à l’Agence de l’Union européenne pour les chemins de fer (AUECF), directive n°2016/798 relative à la sécurité ferroviaire et directive n°2016/797 relative à l’interopérabilité du système ferroviaire au sein de l’Union européenne.

Gouvernance de la cybersécurité :

61 Directive n°2016/1148 du 6 juillet 2016 concernant des mesures destinées à assurer un niveau élevé commun de sécurité des réseaux et des systèmes d’information dans l’Union

62 F. L.

II – Principes du droit administratif européen

•  Principe de l’équilibre institutionnel et pouvoir des institutions
Actes délégués
Conclusion des accords internationaux
•  Principe de sécurité juridique
•  Principe de transparence
•  Principe de bonne administration et d’attribution
•  Principe de protection juridictionnelle effective
Accès direct au juge de l’Union : le recours en annulation
Accès indirect au juge de l’Union : le renvoi préjudiciel
Protection juridictionnelle accordée par le juge national

63 La Cour de justice et le Tribunal de l’Union européenne continuent à préciser la portée des principes du droit administratif européen, notamment le principe de l’équilibre institutionnel, de sécurité juridique, de transparence, de bonne administration, de protection juridictionnelle effective.

Principe de l’équilibre institutionnel et pouvoirs des institutions

64 La question de l’étendue des pouvoirs des institutions et de leur interférence s’est posée par rapport aux actes délégués adoptés par la Commission au titre de l’article 290 TFUE, ainsi que par rapport à la procédure de conclusion des accords internationaux.

Actes délégués

65 La Cour de justice fournit des explications utiles concernant le pouvoir délégué de la Commission  [20]. L’article 290 TFUE prévoit que les actes délégués permettent de compléter ou de modifier l’acte législatif de base. En l’espèce le règlement de base n°1316/2013, relatif au financement des réseaux transeuropéens dans les secteurs des transports, des télécommunications et de l’énergie, habilite la Commission à préciser les priorités de financement qu’il prévoit. En conséquence de quoi la Commission a adopté un règlement délégué n°275/2014 qui fait l’objet d’un recours en annulation introduit par le Parlement européen. La Cour de justice considère tout d’abord que l’emploi du terme « préciser » n’introduit pas une catégorie autonome d’acte délégué, au-delà de l’acte qui complète et l’acte qui modifie. Pour la Cour, le fait que l’acte de base contienne tous les éléments d’encadrement du pouvoir délégué conformément au traité, confirme qu’il n’existe pas de « catégorie de pouvoirs délégués autonome, tombant en dehors du champ d’application de l’article 290, paragraphe 1, TFUE, mais un pouvoir délégué au sens de ce dernier article » (point 33). Par conséquent, le terme « préciser » devra être interprété soit dans le sens de « compléter » soit dans le sens de «modifier », termes qui, eux figurent à l’art. 290.1 TFUE. Or, le choix entre complément et modification ne relève pas de la Commission, mais du législateur. « Afin de garantir la transparence du processus législatif, [art. 290.1 TFUE] fait obligation au législateur de déterminer la nature de la délégation qu’il entend conférer à la Commission » (point 46). Or, comme le règlement de base de tranche pas entre les deux, la Cour le fait en interprétant le terme « préciser » après avoir expliqué la différence entre les deux fonctions de l’acte délégué.

66 Dans deux paragraphes assez didactiques, la Cour affirme que « la délégation d’un pouvoir de «compléter» un acte législatif ne vise qu’à autoriser la Commission à concrétiser cet acte. Lorsque celle-ci exerce un tel pouvoir, son mandat est limité au développement en détail, dans le respect de l’intégralité de l’acte législatif arrêté par le législateur, des éléments non essentiels de la réglementation concernée que le législateur n’a pas définis » (point 41). « En revanche, la délégation d’un pouvoir de ‘modifier’ un acte législatif vise à autoriser la Commission à amender ou à abroger des éléments non essentiels édictés dans cet acte par le législateur. Lorsque la Commission exerce un tel pouvoir, elle n’est pas tenue d’agir dans le respect des éléments que le mandat qui lui est accordé vise justement à  ‘modifier’ » (point 42).

67 En l’occurrence, la Cour considère que, comme le règlement législatif ne contient aucune disposition sur les priorités de financement, la délégation a pour objet de permettre de compléter cette lacune. Le règlement délégué est ainsi annulé en ce qu’il modifie l’acte de base, alors que la Commission devait « concrétiser ledit règlement en développant des détails qui n’ont pas été définis par le législateur, tout en restant tenue de respecter les dispositions arrêtées par le même règlement dans son intégralité » (point 50). En décrivant le règlement délégué comme « modifiant » l’annexe I du règlement de base, en portant ajout d’une nouvelle partie, la Commission a méconnu sa compétence (point 60).

68 La Cour précise enfin que le complément devrait être opéré par un acte distinct de l’acte législatif et non par adjonction dans le texte législatif (point 59).

Conclusion des accords internationaux

69 La procédure de conclusion des accords internationaux soulève à nouveau des questions relatives au principe de l’équilibre institutionnel. Dans l’affaire Conseil c/ Commission[], concernant la signature de l’addendum au mémorandum d’entente sur une contribution financière de la Confédération suisse, la Cour considère que le seul fait que la Commission dispose d’un pouvoir de représentation extérieure de l’Union, au titre de l’article 17, paragraphe 1, TUE, ne suffit pas pour lui permettre de signer l’addendum sans l’autorisation du Conseil. La Cour rappelle que « l’article 13, paragraphe 2, TUE dispose que chaque institution de l’Union agit dans les limites des attributions qui lui sont conférées dans les traités, conformément aux procédures, aux conditions et aux fins prévues par ceux-ci. Cette disposition traduit le principe de l’équilibre institutionnel, caractéristique de la structure institutionnelle de l’Union, lequel implique que chacune des institutions exerce ses compétences dans le respect de celles des autres » (point 32). Or, la décision portant signature d’un accord avec un pays tiers, que cet accord soit contraignant ou non, implique d’apprécier les intérêts de l’Union, dans le cadre des principes et objectifs de son action extérieure. « Dès lors, une décision portant signature d’un accord non contraignant, tel que celui en cause en l’espèce, fait partie des actes de définition des politiques de l’Union », qui relève de la compétence du Conseil conformément à l’article 16, paragraphe 1 et 6, TUE (point 40). « En effet, la signature d’un accord non contraignant implique l’appréciation, de la part de l’Union, de la question de savoir si cet accord correspond toujours à son intérêt, tel que défini par le Conseil notamment dans la décision portant ouverture des négociations sur la conclusion de l’accord » (point 42). L’absence d’autorisation du Conseil pour la signature de l’addendum par la Commission constitue ainsi une violation du principe de l’équilibre institutionnel. Le mandat de négociation donné par le Conseil ne suffit pas pour permettre à la Commission de signer l’acte en question, même si son contenu est couvert par ledit mandat. On notera que la Cour se réfère à la fois au principe de l’équilibre institutionnel et au principe d’attribution des compétences. Or, le principe d’attribution des compétences trouve une expression spécifique dans l’article 13, paragraphe 2, TUE, s’appliquant aux rapports horizontaux entre les institutions et qualifié (par la jurisprudence antérieure) de principe de l’équilibre institutionnel.

70 L’affaire Parlement c/ Conseil[], concernant la conclusion d’un accord entre l’Union européenne et la Tanzanie relatif aux conditions de transfert, par une force navale dirigée par l’Union dans le cadre de l’opération militaire « Atalanta », des personnes soupçonnées d’actes de piraterie aux États de la région, a soulevé, outre la question relative au choix de la base juridique, celle du rôle du Parlement européen dans le contexte de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC). Après avoir confirmé que la base juridique de l’accord se trouvait dans le domaine de la PESC et non dans le cadre de la coopération judiciaire et policière, la Cour a examiné l’argument du Parlement européen relatif à l’application de l’article 218, paragraphe 10, TFUE. Cette disposition prévoit que, lors de la conclusion d’un accord international par l’Union, le Parlement européen doit être immédiatement et pleinement informé à toutes les étapes de la procédure. En l’occurrence, le Conseil n’avait informé le Parlement que de l’ouverture des négociations et de l’adoption de la décision de conclusion de l’accord et ne l’avait pas tenu informé de l’évolution des négociations. La Cour de justice n’adopte pas l’optique du principe de l’équilibre institutionnel, mais plutôt celle du rôle du Parlement européen et considère que « l’implication du Parlement dans le processus décisionnel est le reflet, au niveau de l’Union, d’un principe démocratique fondamental selon lequel les peuples participent à l’exercice du pouvoir par l’intermédiaire d’une assemblée représentative […]. S’agissant de la procédure de négociation et de conclusion des accords internationaux, l’exigence d’information prévue à l’article 218, paragraphe 10, TFUE est l’expression de ce principe démocratique sur lequel l’Union se fonde » (point 70). La Cour considère en outre que le respect de l’exigence d’information permet au Parlement d’exercer un contrôle démocratique sur l’action extérieure de l’Union, de vérifier le choix de la base juridique de conclusion, et de contribuer ainsi au respect de la cohérence entre les différents domaines de l’action extérieure. En outre, l’obligation d’information relève du Conseil et non du Haut représentant pour la politique étrangère et la sécurité, et cette obligation concerne toutes les étapes de la procédure de conclusion d’un accord international. La Cour précise que, si le Parlement ne participe pas à la négociation et conclusion des accords relevant exclusivement de la PESC, et si, par conséquent, l’exigence d’information ne s’étend pas aux étapes relevant d’un processus préparatoire interne au Conseil, ladite exigence d’information couvre l’ouverture des négociations, leur clôture, l’autorisation de signature de l’accord, mais aussi les résultats intermédiaires auxquels les négociations aboutissent. Notamment, cette exigence d’information nécessitait que le Conseil communique au Parlement « le texte du projet d’accord et celui du projet de décision arrêtés par les conseillers pour les relations extérieures du Conseil en charge des négociations, dans la mesure où le texte de ces projets a été communiqué aux autorités tanzaniennes en vue de la conclusion de l’accord » (point 76). En méconnaissant l’obligation d’information le Conseil a violé l’article 218, paragraphe 10, TFUE, le Conseil a porté atteinte aux conditions d’exercice, par le Parlement, de ses fonctions dans le domaine de la PESC, ce qui constitue en conséquence une violation d’une forme substantielle (point 84).

Principe de sécurité juridique

71 Si le principe de sécurité juridique, dans la balance entre les intérêts nationaux et les obligations européennes, peut tempérer les effets du principe de primauté, il doit toutefois être concilié avec le principe de légalité. En outre, il incombe en principe à la Cour de justice d’apprécier, à travers le renvoi préjudiciel, la mesure dans laquelle le principe de sécurité juridique peut bénéficier aux États membres.

72 Le principe de sécurité juridique bénéficie aux États membres notamment en cas de limitation dans le temps des effets des arrêts, rendus par la Cour de justice à titre préjudiciel, ou par le juge national, qui conduisent au constat ou constatent l’incompatibilité d’un acte national avec le droit de l’Union. Dans l’affaire Association France Nature Environnement[], le Conseil d’État français invoque, par la voie préjudicielle, le principe de sécurité juridique afin de déroger à la rétroactivité de l’annulation partielle du décret n°2012-616, adopté en méconnaissance des obligations issues de la directive 2001/42/CE, relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement. En effet, ledit décret ne conférait pas à plusieurs autorités environnementales l’autonomie administrative requise par la directive 2001/42. Toutefois, le décret avait aussi servi de base pour l’adoption des plans et programmes en matière environnementale, en transposant correctement une autre directive, la directive 91/676/CEE concernant la protection des eaux contre la pollution par les nitrates à partir de sources agricoles. Ainsi, l’annulation avec effet rétroactif du décret serait-elle préjudiciable au principe de sécurité juridique, mais aussi à la réalisation des objectifs de l’Union concernant la protection de l’environnement. Or, c’est sur ce dernier point que la Cour de justice s’appuie pour rappeler que le juge national peut à titre exceptionnel différer des effets d’un arrêt constatant l’incompatibilité d’un acte national avec le droit de l’Union. Selon la jurisprudence [24], la faculté de maintenir, à titre exceptionnel, certains effets d’un acte national incompatible avec le droit de l’Union est soumis au respect d’un certain nombre de conditions, dont, dans un cas comme celui en l’espèce, les effets préjudiciables sur l’environnement découlant de l’annulation de l’acte attaqué. De cette façon, la limitation des effets de l’annulation de l’acte national sert une condition impérieuse liée à la protection de l’environnement et donc issue des traités, ce qui évite à la Cour de justice de mettre en balance le principe de primauté du droit de l’Union avec la sécurité juridique. Cette approche résulte de l’exigence que « la faculté exceptionnelle ainsi octroyée au juge national ne saurait s’exercer qu’au cas par cas et non pas de façon abstraite ou globale » (point 40).

73 Le principe de sécurité juridique est également invoqué par le juge national dans l’affaire Dansk Industri[], à l’occasion d’un litige portant sur l’application du principe de non-discrimination en fonction de l’âge, et soulevant la question de l’obligation d’interprétation du droit national conformément à la directive 2000/78/CE. Plus précisément, l’incompatibilité de la législation nationale avec le droit de l’Union étant affirmée, le juge danois invoque une jurisprudence nationale établie contraire au droit de l’Union. La question est de savoir si un revirement de la jurisprudence nationale est exigé, étant donné qu’un tel revirement ne serait pas incompatible avec la lettre des textes de droit national et ne constituerait pas une interprétation du droit national contra legem. Or, le juge national se demande si les principes de sécurité juridique et de confiance légitime imposent un report dans le temps des effets du revirement. La Cour de justice considère que « l’exigence d’une interprétation conforme inclut l’obligation, pour les juridictions nationales, de modifier, le cas échéant, une jurisprudence établie si celle-ci repose sur une interprétation du droit national incompatible avec les objectifs d’une directive » (point 33). Elle considère que l’obligation d’interprétation conforme ne doit pas être mise en cause par les principes de sécurité juridique et de confiance légitime. L’obligation d’interprétation conforme permet en effet au requérant de bénéficier du constat d’incompatibilité du droit national avec le droit de l’Union, ce qui relativise la portée du principe de sécurité juridique par rapport à une interprétation erronée du droit national.

Principe de transparence

74 Deux affaires donnent l’occasion au Tribunal de revenir sur la délimitation de la portée du règlement n°1049/2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission, par rapport à certains textes spécifiques. Dans les affaires Strack c/ Commission[] et International Management Group c/ Commission[], après avoir rappelé la jurisprudence constante relative au principe de l’accès le plus large possible du public aux documents et à l’interprétation stricte des dérogations, le Tribunal réaffirme la présomption d’atteinte grave au processus décisionnel en cas de divulgation des documents retenus par l’OLAF, présomption fondée sur le règlement n°1073/1999 relatif aux enquêtes effectuées par l’OLAF et qui dispose que toutes les informations communiquées ou obtenues dans le cadre des enquêtes internes, sous quelque forme que ce soit, sont couvertes par le secret professionnel. Le Tribunal rappelle que les deux règlements ne comportent pas de disposition prévoyant expressément la primauté de l’un sur l’autre et qu’il convient d’assurer une application de chacun desdits règlements qui soit compatible avec celle de l’autre et en permette ainsi une application cohérente. Dans les deux affaires, pareille application justifie pleinement la reconnaissance d’une présomption de refus d’accès en raison de l’atteinte que la divulgation porterait à la protection des objectifs des activités d’enquête de l’OLAF (Strack c/ Commission, point 158, International Management Group c/ Commission, point 37), même s’il appartient au demandeur de prouver l’existence d’un intérêt général supérieur, justifiant la communication conformément au règlement n°1049/2001.

75 Toujours à l’égard d’OLAF le Tribunal admet, dans l’affaire International Management Group c/ Commission, que la présomption générale d’atteinte grave au processus décisionnel devait s’appliquer avant et après l’enquête pour protéger la confidentialité des informations et pour s’assurer de la coopération des informateurs. En effet, « après que l’OLAF a terminé son enquête et rédigé son rapport final, l’autorité compétente doit encore décider de la procédure de suivi. Partant, la présomption générale s’applique également à une procédure qui est déjà close, étant donné que les intérêts publics protégés peuvent aussi être lésés après la clôture de la procédure de l’OLAF » (point 46).

76 Dans l’affaire Strack c/ Commission, le Tribunal rappelle que la dérogation relative à la protection de la vie privée et de l’intégrité de l’individu, prévue par le règlement n°1049/2001, et opposable à une demande d’accès, doit être appréciée conformément au règlement n°45/2001, relatif à la protection des données à caractère personnel. Ainsi, lorsqu’une demande vise à obtenir l’accès à des données à caractère personnel, le règlement n°45/2001 « exige que lesdites données ne puissent en principe être transférées que si le destinataire démontre la nécessité de leur transfert et s’il n’existe aucune raison de penser que ce transfert pourrait porter atteinte aux intérêts légitimes de la personne concernée. Cette disposition est applicable à toute demande fondée sur le règlement n°1049/2001 visant à obtenir l’accès à des documents comprenant des données à caractère personnel » (point 188).

77 On notera enfin une précision intéressante apportée par le Tribunal dans la même affaire. Dans le case cas où le demandeur est déjà en possession de certains des documents demandés et que l’objectif de la demande est de les divulguer à des tiers, le Tribunal estime que les motifs justifiant la demande du requérant sont sans pertinence pour son admission ou rejet et que le règlement n° 1049/2001 ne prévoit pas que l’intéressé doive motiver sa demande d’accès aux documents (point 132).

Principe de bonne administration et principe d’attribution dans le cadre de l’initiative citoyenne européenne (ICE)

78 Le traitement de l’initiative citoyenne européenne (ICE) de la part de la Commission a soulevé la question du respect du principe de bonne administration consacré à l’article 41 de la Charte des droits fondamentaux, ainsi que la question du respect du principe d’attribution en tant que condition d’enregistrement d’une ICE.

79 À deux reprises les porteurs d’une initiative citoyenne ont contesté devant le Tribunal le refus d’enregistrement par la Commission. L’affaire Costantini c/ Commission[] concerne le rejet de la demande d’enregistrement de l’initiative relative au droit aux soins de longue durée. L’affaire Izsák et Dabis c/ Commission[] concerne le rejet de la demande d’enregistrement de l’initiative relative à la politique de cohésion pour l’égalité des régions et le maintien des cultures régionales.

80 Dans les deux cas, le motif du rejet d’enregistrement consiste dans l’absence de compétence de l’Union dans les domaines concernés, ce qui empêche la Commission de soumettre au Parlement et au Conseil toute proposition d’acte. En effet, une des conditions d’enregistrement est, selon le règlement n°211/2011 qui fixe le régime des ICE, le respect du principe d’attribution. Le Tribunal rappelle que « selon l’article 5 TUE, le principe d’attribution régit la délimitation des compétences de l’Union et que, en vertu de l’article 13, paragraphe 2, TUE, chaque institution agit dans les limites des attributions qui lui sont conférées dans les traités. C’est dans ce contexte que l’article 4, paragraphe 2, sous b), du règlement n° 211/2011 prévoit la condition selon laquelle la proposition d’ICE ne doit pas être manifestement en dehors du cadre des attributions de la Commission en vertu desquelles elle peut présenter une proposition d’acte juridique de l’Union aux fins de l’application des traités » (Costantini c/ Commission, point 16, Izsák et Dabis c/ Commission, point 59).

81 Dans l’affaire Costantini c/ Commission la question était de savoir si le principe de bonne administration imposait un contrôle indulgent du respect du principe d’attribution de la part de la Commission. Pour les requérants, le principe de bonne administration implique un devoir de cohérence. Prenant en considération que la Commission avait procédé à l’enregistrement d’autres propositions d’ICE, malgré l’existence d’un doute quant à la base juridique pertinente de l’acte demandé, et cela afin d’initier un dialogue entre les citoyens et les institutions, ils soutenaient que l’appréciation de la Commission, menée au stade de l’enregistrement des propositions d’ICE, devait simplement lui permettre de vérifier si le fond de l’initiative portait sur un sujet sur lequel le comité des citoyens et les institutions peuvent dialoguer. Or, « une appréciation trop stricte de ladite condition serait contraire à l’objectif du mécanisme de l’ICE, qui est d’accroître la participation démocratique des citoyens » (point 10). Le Tribunal considère toutefois que le principe de bonne administration doit se concilier avec le respect de la légalité (point 60). Or, un examen détaillé des dispositions supposées servir de base à une action de l’Union dans le champ couvert par l’ICE conduit le Tribunal à conclure à l’absence de compétence de l’Union. Le Tribunal a étendu son examen à la possibilité de recourir à la clause de flexibilité de l’article 352 TFUE, qui permet à la Commission de proposer au Conseil un acte « si une action de l’Union paraît nécessaire, dans le cadre des politiques définies par les traités, pour atteindre un des objectifs visés par les traités ». Mais il rappelle que si le règlement n° 211/2011 n’exclut pas le recours à l’article 352 TFUE dans le cadre de l’ICE (point 52), toutefois « le respect des conditions figurant à l’article 352 TFUE s’impose également dans le cadre d’une proposition d’ICE » (point 53). Or, l’acte sollicité ne s’inscrit pas dans le cadre des politiques définies et les objectifs visés par les traités, ce qui ne permet pas le recours à la clause de flexibilité. Le Tribunal conclut ainsi que c’est à juste titre que la Commission a pu constater dans la décision attaquée que la proposition d’ICE litigieuse se situait manifestement en dehors du cadre de ses attributions en vertu desquelles elle pouvait présenter une proposition d’acte juridique. En effet, « l’objectif de participation démocratique des citoyens de l’Union sous-jacent au mécanisme de l’ICE ne saurait faire échec au principe des compétences d’attribution et autoriser l’Union à légiférer dans un domaine pour lequel aucune compétence ne lui a été attribuée » (point 53). Enfin, le Tribunal souligne l’importance du respect de l’obligation de motivation, étant donné que l’ICE est censée « renforcer la citoyenneté européenne et améliorer le fonctionnement démocratique de l’Union par une participation des citoyens à la vie démocratique de l’Union » (point 73).

82 Dans l’affaire Izsák et Dabis c/ Commission, l’argument relatif au respect du principe de bonne administration ne concernait plus le traitement d’une proposition d’ICE en vue de son enregistrement, mais plutôt l’obligation de traitement impartial et équitable dans un délai raisonnable lorsque la proposition relève de la compétence de l’Union et doit ainsi être enregistrée. Le Tribunal interprète le principe de bonne administration dans le sens où il impliquerait que la Commission enregistre toutes les propositions d’initiative citoyenne satisfaisant aux conditions énoncées dans le règlement n°211/2011, et ce dans le délai prévu à son article 4.2, à savoir dans les deux mois suivant la réception des informations nécessaires au soutien de l’initiative et décrites à l’annexe II (point 124). Après avoir constaté qu’aucune base juridique dans les traités, que ce soit dans le domaine de la politique de cohésion ou dans le cadre de la politique culturelle, ne permettait à la Commission de proposer un acte juridique de l’Union poursuivant le but et ayant le contenu de celui décrit dans la proposition litigieuse, le Tribunal a rejeté le grief relatif au non-respect du principe de bonne administration.

Principe de protection juridictionnelle effective

Accès direct au juge de l’Union : le recours en annulation

83 Concernant les conditions de recevabilité du recours en annulation, le Tribunal confirme l’interprétation de l’article 263, alinéa 4, TFUE, selon les arrêts Inuit Tapiriit[] et T&L Sugars[] . Dans l’affaire Industrias Químicas del Vallés[], il est rappelé que les conditions de recevabilité du recours en annulation « doivent être interprétées à la lumière du droit fondamental à une protection juridictionnelle effective, sans pour autant aboutir à écarter ces conditions, qui sont expressément prévues par le traité FUE » (point 51). Une des conditions de recevabilité d’un recours en annulation contre un acte réglementaire, lorsque celui-ci ne concerne pas individuellement le requérant ordinaire, est l’absence de mesures d’exécution. Afin de déterminer si l’acte attaqué comporte ou non des mesures d’exécution, le Tribunal s’attache à la position de la personne invoquant le droit de recours. Lorsque l’acte réglementaire attaqué requiert des mesures d’exécution, le recours en annulation introduit par les requérants ordinaires est rejeté, sans même examiner le critère d’affectation directe, en raison de la possibilité de saisine du juge national à l’encontre de telles mesures nationales d’exécution, ce qui est considéré comme une garantie suffisante de protection juridictionnelle, étant donné que le juge national est censé procéder au renvoi préjudiciel en appréciation de validité. Le Tribunal rappelle que « le renvoi en appréciation de validité constitue, au même titre que le recours en annulation, une modalité du contrôle de la légalité des actes de l’Union » (point 54). Afin de pallier les conditions restrictives de recevabilité d’un recours en annulation, les États membres ont l’obligation, conformément à l’article 19, paragraphe 1 alinéa 2, TUE, d’établir les voies de recours nécessaires pour assurer une protection juridictionnelle effective dans les domaines couverts par le droit de l’Union. Cette obligation résulte de l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, relatif au droit à un recours effectif. Par conséquent, le Tribunal rejette l’argument tiré de l’absence de protection juridictionnelle effective en cas d’irrecevabilité du recours en annulation.

Accès indirect au juge de l’Union : le renvoi préjudiciel

84 Le lien entre le mécanisme de renvoi préjudiciel selon l’article 267 TFUE et le principe de protection juridictionnelle effective résulte, d’une part, de l’approche de la Cour de justice qui considère, selon la jurisprudence Inuit Tapiriit (précité), le renvoi préjudiciel comme partie d’un système complet des voies de recours, visant notamment à pallier le difficile accès direct au juge de l’Union, d’autre part de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, qui considère la procédure de renvoi préjudiciel comme élément du procès équitable selon l’article 6 de la Convention [33]. La Cour de justice a souligné l’importance de la procédure du renvoi préjudiciel, en la considérant, notamment dans l’avis 2/13 relatif à l’adhésion de l’Union à la Convention européenne des droits de l’homme, comme « la clé de voûte du système juridictionnel dans l’Union européenne, laquelle, en instaurant un dialogue de juge à juge entre la Cour et les juridictions des États membres, a pour but d’assurer l’unité d’interprétation du droit de l’Union, permettant ainsi d’assurer sa cohérence, son plein effet et son autonomie ainsi que, en dernière instance, le caractère propre du droit institué par les traités » [34].

85 Le bon fonctionnement du mécanisme de renvoi préjudiciel nécessite tout d’abord le respect de l’obligation de renvoi. Dans l’affaire Association France Nature Environnement[], concernant la modulation dans le temps des effets de l’annulation d’un arrêt constatant l’incompatibilité du droit national avec le droit de l’Union, la Cour de justice souligne qu’elle seule peut « à titre exceptionnel et pour des considérations impérieuses de sécurité juridique, accorder une suspension provisoire de l’effet d’éviction exercé par une règle du droit de l’Union à l’égard du droit national contraire à celle-ci. En effet, si des juridictions nationales avaient le pouvoir de donner aux dispositions nationales la primauté par rapport au droit de l’Union contraire à celles-ci, serait-ce même à titre provisoire, il serait porté atteinte à l’application uniforme du droit de l’Union » (point 33). La Cour rappelle ainsi l’obligation de renvoi préjudiciel incombant au juge national : «  En particulier, dès lors que l’exercice de cette faculté exceptionnelle est susceptible de porter préjudice au respect du principe de primauté du droit de l’Union, ladite juridiction nationale ne pourrait être dispensée de saisir la Cour à titre préjudiciel que dans la mesure où elle est convaincue que l’exercice de ladite faculté exceptionnelle ne soulève aucun doute raisonnable. Par ailleurs, l’absence d’un tel doute doit être démontrée de manière circonstanciée » (point 52).

86 La question de l’obligation de renvoi préjudiciel se pose en termes particulièrement intéressants dans l’affaire Puligienica Facility Esco SpA (PFE)[] . Dans le cadre d’un litige concernant l’attribution de marchés publics contestée au regard des directives recours (directives n°89/665/CEE et n°2007/66/CE), le juge italien adresse à la Cour une série de questions concernant tant l’interprétation des règles substantielles que l’interprétation de l’article 267 TFUE. C’est en effet par rapport au mécanisme de renvoi préjudiciel que la question de la protection juridictionnelle se pose indirectement. Plus précisément, la juridiction de renvoi se demande si une chambre d’une juridiction statuant en dernier ressort, lorsqu’elle ne partage pas l’orientation définie par une décision de l’assemblée plénière de cette juridiction, doit renvoyer cette question à ladite assemblée plénière et est ainsi empêchée de s’adresser à titre préjudiciel à la Cour. Suivant les conclusions de l’Avocat général Wathelet [37], qui a proposé une approche fonctionnelle de la notion de juridiction, la Cour admet l’appréhension globale de la juridiction nationale, indépendamment de son organisation interne. Ainsi, « une disposition de droit national ne saurait empêcher une chambre d’une juridiction statuant en dernier ressort, confrontée à une question d’interprétation de la directive 89/665, de s’adresser à titre préjudiciel à la Cour » (point 35). L’Avocat général se réfère dans ses conclusions (point 25) au principe de coopération loyale afin de souligner la nécessité de favoriser l’accès au mécanisme du renvoi préjudiciel : « Nous pouvons considérer qu’en favorisant l’accès indirect à la Cour de justice par le biais du juge national, et en considérant le juge national en tant que destinataire direct de l’obligation ou faculté de renvoi préjudiciel, indépendamment des règles organisationnelles internes, la Cour de justice favorise en même temps la protection juridictionnelle que le renvoi préjudiciel sert ».

87 La question du lien entre le mécanisme de renvoi préjudiciel et le principe de protection juridictionnelle effective se pose sous un angle particulier dans l’affaire Ognyanov[]. La question de protection juridictionnelle n’est pas envisagée à travers le renvoi préjudiciel, mais à son opposé. Plus précisément, alors que le renvoi préjudiciel est considéré comme un moyen de protection juridictionnelle, en l’espèce la question est de savoir si les exigences liées au fonctionnement du mécanisme portent atteinte au standard de protection juridictionnelle, tel que garanti en droit interne. En effet, selon le droit bulgare, dans le cadre d’une procédure pénale, toute indication concernant les faits de l’affaire ou leur qualification juridique constitue automatiquement un motif de dessaisissement du juge. Or, le juge national est obligé de présenter le cadre factuel et juridique du litige dans sa décision de renvoi, qui doit être suffisamment motivée afin de permettre à la Cour de justice de répondre utilement. La question concerne ainsi l’interprétation de l’article 267 TFUE à la lumière de l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux, relatif au principe de protection juridictionnelle effective : l’interprétation de ces dispositions s’oppose-t-elle à une règle nationale exprimant également un standard de protection juridictionnelle par la garantie de l’impartialité du juge ?

88 La Cour de justice considère que la règle nationale encourage le juge national à s’abstenir de poser des questions préjudicielles à la Cour pour éviter d’être dessaisi et d’encourir des sanctions disciplinaires, ou l’amène à poser à la Cour des questions irrecevables. Pour la cour, une telle règle « porte atteinte aux prérogatives reconnues aux juridictions nationales par l’article 267 TFUE et, par conséquent, à l’efficacité de la coopération entre la Cour et les juridictions nationales instituée par le mécanisme du renvoi préjudiciel » (point 25). Il est toutefois significatif que la Cour de justice arrive à cette conclusion en interprétant l’article 267 TFUE à la lumière de l’article 47 de la Charte, ce qui écarte une conception de stricte effectivité procédurale, et confirme la contribution du mécanisme de renvoi préjudiciel à l’établissement d’un standard de protection juridictionnelle au niveau de l’Union, ce qui présuppose la recevabilité des questions préjudicielles. La Cour précise en outre que l’exposé du cadre factuel et juridique de la part de la juridiction nationale dans sa demande de décision préjudicielle ne contrevient pas, en soi, au droit fondamental de protection juridictionnelle effective. « Par conséquent, l’obligation de se dessaisir que ladite règle fait peser sur la juridiction de renvoi qui a procédé à un tel exposé dans le cadre d’un renvoi préjudiciel ne saurait être considérée comme contribuant à garantir la protection dudit droit » (point 32).

Protection juridictionnelle accordée par le juge national

89 L’arrêt Finanmadrid[] pose la question du relevé d’office des moyens issus du droit de l’Union par le juge national. La question préjudicielle concerne la compatibilité avec la directive n°93/13/CEE, relative aux clauses abusives dans les contrats de consommation, d’une réglementation procédurale nationale qui ne permet pas au juge saisi de l’exécution d’une injonction de payer d’apprécier d’office le caractère abusif d’une clause. La Cour de justice considère que, malgré la reconnaissance dans l’ordre juridique de l’Union des principes d’autonomie procédurale et d’autorité de chose jugée, le droit de l’Union s’oppose à une telle réglementation nationale. En l’espèce, si le juge saisi de l’exécution de l’injonction de payer n’est pas compétent pour apprécier d’office l’existence de telles clauses, le consommateur pourrait se voir confronté à un titre exécutoire sans bénéficier, à aucun moment de la procédure, de la garantie qu’une telle appréciation soit portée. « Or, dans ce contexte, force est de constater qu’un tel régime procédural est de nature à porter atteinte à l’effectivité de la protection voulue par la directive 93/13 » (point 46). La protection juridictionnelle par le moyen du relevé d’office est une obligation inhérente à la directive 93/13 et ainsi la Cour de justice considère qu’il n’y a pas besoin de se référer à l’article 47 de la Charte (point 57). Toutefois, l’obligation du relevé d’office du caractère abusif d’une clause contractuelle selon la directive 93/13 ne conduit pas forcément à l’engagement de la responsabilité de l’État selon la jurisprudence Köbler[]. Dans l’arrêt Tomášová[] , la Cour considère que, selon les circonstances de l’espèce, la méconnaissance par le juge national de l’obligation d’examen d’office peut ne pas correspondre à une violation suffisamment caractérisée du droit de l’Union de nature à engager la responsabilité de l’État (point 33).

90 L’affaire Toma[] concerne la dimension du principe de protection juridictionnelle relative au droit d’accès à un tribunal en vue du remboursement des impositions perçues en violation du droit de l’Union. Plus précisément, la question concerne l’interprétation de l’article 47 de la Charte face à une réglementation nationale qui soumet l’accès à la justice des personnes physiques au paiement de droits de timbre et de cautions, alors que cette condition ne couvre pas l’accès à la justice des personnes morales de droit public. La Cour considère que cette réglementation ne place pas les personnes physiques dans une position de désavantage : d’une part, aucun avantage procédural n’est procuré par l’exonération des personnes morales de droit public du droit de timbre, étant donné que « le paiement de ce timbre par de telles personnes est imputé sur le budget national consolidé, lequel finance également les services fournis par les juridictions » (point 50) ; d’autre part, le dépôt d’une caution lors de l’introduction de la demande de suspension d’une procédure d’exécution forcée portant sur des créances fiscales, constitue une garantie pour le créancier contre le risque d’insolvabilité. Or, « les États membres sont tenus, en vertu du droit de l’Union, de rembourser avec intérêts les impositions perçues en violation du droit de l’Union. Ainsi, il ne saurait être admis qu’un État membre, en sa qualité de débiteur dans un litige tel que celui au principal, puisse se prévaloir d’une insuffisance de fonds pour justifier une impossibilité d’exécuter une décision juridictionnelle reconnaissant à un justiciable le droit au remboursement avec intérêts de taxes perçues en violation du droit de l’Union » (point 52). Il est significatif que la Cour aboutit au même résultat en plaçant son raisonnement sous l’angle du principe d’effectivité : l’exonération du droit de timbre et de dépôt de caution ne rend pas impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits que les justiciables tirent de l’ordre juridique de l’Union.

91 Le principe d’effectivité est à la base du raisonnement de la Cour dans un contexte similaire concernant le remboursement d’une imposition perçue en violation du droit de l’Union. Dans l’affaire en question (Câmpean[]), les conditions procédurales nationales qui régissent la répétition de l’indu, et qui prévoient notamment l’échelonnement du paiement des sommes sur une durée de cinq ans, excluant toute procédure d’exécution forcée pendant ce délai, rendent le remboursement excessivement difficile. Si la Cour juge inutile l’invocation de l’article 47 de la Charte, elle considère toutefois que l’État a violé le principe de coopération loyale, selon l’article 4.3 TUE, en adoptant des dispositions « soumettant le remboursement d’une imposition, qui a été déclarée contraire au droit de l’Union par un arrêt de la Cour ou dont l’incompatibilité avec ce droit résulte d’un tel arrêt, à des conditions concernant spécifiquement cette imposition et qui sont moins favorables que celles qui se seraient appliquées, en leur absence, à un tel remboursement » (point 44).

92 E.N.

III – Personnels des institutions de l’Union et des affaires europÉennes en France

•  Brexit
•  Au Berlaymont
•  Concours et rémunération de la fonction publique européenne
•  Au Service européen pour l’action extérieure
•  Paris-Bruxelles

Brexit

93 Les conséquences du référendum britannique du 23 juin 2016, c’est-à-dire le retrait futur du Royaume-Uni de l’Union européenne, sont de deux ordres : internes à l’administration britannique et sur les institutions européennes. Nous traiterons ici essentiellement des secondes. Mais il faut indiquer tout d’abord que le départ du poste de Premier ministre de David Cameron et la nomination le 13 juillet 2016 de Theresa May ont entrainé un véritable big bang gouvernemental. En effet, le Foreign Office, confié au bouillonnant Boris Johnson, a été dépossédé de ses compétences et services en matière européenne. Il se trouve désormais écartelé entre un nouveau ministère du Brexit, chargé des négociations et celui, recréé, du Commerce international. En termes administratifs, si l’essentiel des diplomates chargés des affaires européennes ont été transférés au ministère du Brexit, le ministère du Commerce international est encore en cours de constitution car l’administration britannique manque de spécialistes des négociations commerciales internationales ; cette expertise étant détenue principalement par la Direction générale Commerce de la Commission européenne.

94 En termes d’effets sur les institutions européennes, ceux-ci concernent le Conseil européen et la Commission. Rappelons que la Commission avait mis en place, dès octobre 2015, une task-force sur les questions stratégiques liées au référendum britannique, rattachée au Secrétariat général. Avec à sa tête une figure de l’administration de la Commission, le directeur général britannique le plus gradé et ancien du Collège de Bruges, Jonathan Faull, celle-ci avait préparé l’accord adopté le 19 février 2016 par le Conseil européen (cf. Chronique 157). Cet accord prévoyait un statut spécial du Royaume-Uni dans l’Union afin de permettre à David Cameron, de mener la campagne du « remain ».

95 Suite au référendum britannique du 23 juin 2016, le Conseil européen a réagi le premier. Pendant le week-end du 25-26 juin, son Président, cherchant à se placer au centre des débats, a mis en place une « Special Task Force on the UK Brexit » avec à sa tête un diplomate belge, qui était alors directeur au secrétariat général du Conseil, Didier Seeuws. Les conclusions du Conseil européen du 28 juin se contentent d’indiquer que « le Premier ministre du Royaume-Uni a informé le Conseil européen du résultat du référendum qui a eu lieu au Royaume-Uni » (page 8).

96 Didier Seeuws est surtout l’ancien chef de cabinet du premier président du Conseil européen Herman van Rompuy. À 50 ans, avec l’actuel Président du Conseil européen, Donald Tusk, il a pour tâche de mettre en œuvre le divorce entre le Royaume-Uni et l’Union européenne sur le volet politique de la négociation, car les aspects techniques seront confiés à la Commission. Rappelons que le Secrétariat général du Conseil assiste à la fois le Conseil européen et le Conseil de l’UE. Didier Seeuws assure la liaison entre le Conseil européen et les États membres et leurs représentants permanents. C’est le secrétaire général du Conseil, le Danois Jeppe Tranholm-Mikkelsen, qui a sollicité Didier Seeuws, un de ses directeurs et son ancien collègue du COREPER, dès le lendemain du référendum britannique. Celui-ci est directement rattaché au Secrétaire général [44]. Flamand parfaitement bilingue, D. Seeuws a également occupé les fonctions de porte-parole du département belge des Affaires étrangères de 2003 à 2007 puis de porte-parole du Premier ministre Guy Verhofstadt. Il était directeur au Secrétariat général du Conseil (départements Transport, Télécommunications et Energie) depuis fin 2014. Pendant deux ans, il fut le chef de cabinet de Van Rompuy après avoir été représentant permanent adjoint de la Belgique auprès de l’UE.

97 De l’autre côté de la rue de la Loi, le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, a nommé le 27 juillet 2016 Michel Barnier, à la fonction de « Négociateur en chef responsable du groupe de travail de la Commission chargé de la préparation et de la conduite des négociations avec le Royaume-Uni au titre de l’article 50 du TUE ». Michel Barnier était jusqu’à cette date conseiller spécial pour la politique de défense et de sécurité européenne du président de la Commission européenne. Il a été vice-président du Parti populaire européen (PPE) de 2006 à 2015, deux fois membre de la Commission, comme Commissaire puis vice-président en charge du Marché intérieur et des services (2010-2014) et de la politique régionale et de la réforme des institutions européennes (1999-2004). Il n’a été député européen que sept mois entre juillet 2009 et janvier 2010. En matière de régulation des services financiers, il avait été perçu de façon négative à Londres et en particulier de la part de la City.

98 Au niveau national, rappelons que Michel Barnier, diplômé de l’ESCP Europe, a été quatre fois ministre et en particulier des Affaires européennes (1995-1997) et des Affaires étrangères (2004-2005). Il avait réintégré le Conseil d’État en novembre 2014 où il avait été nommé conseiller d’État au tour extérieur en juillet 2005, puis placé en disponibilité depuis février 2006.

99 En qualité de négociateur en chef, Michel Barnier dispose d’un rang de directeur général. Entré en fonction le 1er octobre 2016, il rapporte directement au président de la Commission. Il est assisté de Sabine Weyand comme directrice générale adjointe. De nationalité allemande, diplômée du Collège d’Europe, elle a été directrice au Secrétariat général de la Commission, membre du cabinet du Président Barroso (2007-2009) et de Pascal Lamy (1999-2004). Avec cette nomination annoncée le 14 septembre 2016, la Commission s’est dotée d’une direction franco-allemande pour son équipe transversale intitulée « TF 50 ». Composée de 15 membres au total, elle apparaît dans l’organigramme au même niveau que le Centre européen de stratégie politique (cf. Chronique 155). En conséquence, Jonathan Faull, à la tête depuis octobre 2015 de la task-force sur les questions stratégiques liées au référendum britannique, reste directeur général au Secrétariat général mais chargé, depuis octobre 2016, du corps européen de solidarité. Il s’agit là d’une des nouvelles initiatives de la Commission annoncées par son Président lors du discours sur l’état de l’Union du 14 septembre 2016.

100 Pour ces mêmes négociations du Brexit, le Parlement européen a désigné le 8 septembre 2016 le chef du groupe ADLE, Guy Verhofstadt. Il tiendra informée la Conférence des présidents (incluant le Président du PE et les représentants des groupes politiques) des développements et aidera à définir la position du Parlement européen au sein des négociations, en étroite consultation avec la Conférence des présidents. Le Parlement devra en effet approuver l’accord fixant les conditions de départ du Royaume-Uni de l’Union européenne.

101 Au niveau de la composition de la Commission, notons la démission le 25 juin 2016 du membre britannique, Jonathan Hill, commissaire à la stabilité financière depuis le début de la Commission Juncker. Il a quitté la Commission le 16 juillet. Il avait succédé le 1er novembre 2014 à Michel Barnier. Même si rien n’obligeait J. Hill à démissionner, celui-ci a tiré les conséquences en ce qui le concerne du Brexit en estimant qu’il ne pouvait « continuer comme commissaire britannique comme si rien ne s’était passé ».

102 Son très important portefeuille a été confié au Vice-président à l’Euro et au dialogue social, Valdis Dombrovskis. En dehors de la Haute-Représentante pour les affaires étrangères-Vice-présidente, Mme Mogherini, c’est le deuxième Vice-président à être doté d’un portefeuille et donc de la tutelle d’une Direction générale (Cf Chronique 155). Le départ de J. Hill a également contribué de façon indirecte à renforcer la position de Pierre Moscovici, commissaire aux affaires économiques et financières, car sa position est consacrée comme unique représentant de la Commission à l’Eurogroupe.

103 Le 2 août, le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, a nommé Julian King Commissaire à la sécurité, chargé de la lutte contre le terrorisme et le crime. Julian King était depuis février 2016 seulement ambassadeur du Royaume-Uni à Paris. Celui-ci été auditionné au Parlement européen en juillet. Son profil est strictement diplomatique à la différence de son prédécesseur, qui était membre de la Chambre des Lords. La carrière de Julian King, ancien d’Oxford et de l’ENA, est marquée par une dimension bilatérale européenne mais non «communautaire ». Directeur général de l’Economie et des affaires consulaires (2014-2016), il n’a jamais été Représentant permanent mais Ambassadeur auprès du Comité politique et de sécurité (2004-2008) et seulement une année chef de cabinet du commissaire au commerce, son compatriote, Peter Mandelson (2008-2009). De 2009 à 2014, il a été Ambassadeur en Irlande puis directeur général de l’Office d’Irlande du Nord. Son épouse, Lotte Knudsen, est directrice (aux droits de l’homme et questions multilatérales) au Service européen pour l’action extérieure (SEAE).

104 Le chef de cabinet de Julian King est James Morrison, l’ancien chef de cabinet de Catherine Ashton, ancienne Haute-Représentante pour les affaires étrangères et Vice-présidente (2009-2014). Une Française, Séverine Wernert, est membre de son cabinet. Diplômée du Master de Politiques européennes de l’IEP de Strasbourg et du Collège de Bruges, elle a été Antici adjointe à la Représentation permanente de la France à Bruxelles, conseillère au secrétariat d’État aux affaires européennes (2012-2015) puis conseillère diplomatique adjointe du ministre de l’Intérieur.

105 La durée des négociations qui commenceront dès l’activation de l’article 50 par le Royaume-Uni, annoncée en mars 2017, permettra de faire coïncider le départ du Royaume-Uni avec la fin du mandat des députés européens. Ainsi, le Royaume-Uni n’organisera pas d’élections européennes en juin 2019. Le mandat du Commissaire britannique s’arrêtera sans doute de la même façon avec la fin de la Commission Juncker, c’est-à-dire le 31 octobre 2019. Concernant la représentation au Conseil, elle cessera plus simplement le jour où le Royaume-Uni ne sera plus État membre, vraisemblablement le 1er novembre 2019.

106 Il est trop tôt pour envisager les conséquences du Brexit sur le statut des Britanniques fonctionnaires des institutions européennes. Si plus aucun recrutement ne sera opéré, les négociations décideront de l’avenir des fonctionnaires britanniques en poste et du système de retraite. Deux interprétations sont possibles. La première, stricte, conditionne la qualité de fonctionnaire européen à la citoyenneté européenne et donc à la nationalité d’un État membre et signifie donc le départ de ceux qui n’en disposent plus. Ceci signifie un plan social comme cela été réalisé par exemple pour la liquidation de l’UEO en 2011. Une seconde interprétation consisterait à laisser les fonctionnaires britanniques terminer leur carrière en faisant primer leur qualité de fonctionnaire européen sur leur nationalité. Cela été le cas pour une poignée de fonctionnaires norvégiens dans le cadre des négociations d’adhésion. Mais même s’ils restent en fonction jusqu’à leur retraite, leur carrière au sens de la promotion et de l’accès à des postes d’encadrement ou dirigeant ne sera plus garantie.

107 Enfin, concernant le régime linguistique de l’UE, la situation est bien plus problématique. L’anglais est l’une des vingt-quatre langues officielles de l’Union européenne et l’une des trois langues de travail (avec le français et l’allemand) des institutions européennes. Dès le retrait du Royaume-Uni, l’anglais ne sera plus langue officielle car ni l’Irlande ni Malte n’ont déclaré l’anglais comme langue officielle : en Irlande c’est le gaélique et le Maltais pour Malte même si ces deux langues y sont moins parlées que l’anglais. Pour des raisons politiques et diplomatiques, on voit mal ces deux États membres changer de position. Comment dans ces conditions maintenir l’anglais comme langue officielle et surtout comme (principale) langue de travail ? Cette situation redonnerait à la langue française une légitimité nouvelle et la place centrale qui fut la sienne jusqu’au milieu des années 1990, place, rappelons-le acceptée par le gouvernement britannique lors des négociations d’adhésion en 1973. Mais la contestation proviendra ici des autorités allemandes qui après avoir peu milité pour l’allemand comme langue de travail, ont favorisé cette diffusion par la conquête depuis 2009 des postes stratégiques de chef de cabinet du président de la Commission et de secrétaire général du Parlement européen. Sera-t-il inventé un statut ad-hoc d’une langue anglaise « internationale » ? Une piste pourrait être la distinction entre langue de travail « interne » et langue de communication « externe ». Comme illustration en tout cas du caractère stratégique de cette question, signalons la rumeur, démentie par l’intéressé, selon laquelle Michel Barnier aurait annoncé son intention de ne négocier qu’en français (Reuters, 21 octobre 2016).

Au Berlaymont

108 Suite au départ du membre italien du cabinet du Président Juncker (cf Chronique 157), un de ses compatriotes, Stefano Grassi, a rejoint celui-ci en août 2016 chargé principalement de la Justice, des consommateurs et de l’égalité en matière de genre. Conseiller Antici à la Représentation permanente italienne, il a été conseiller européen à la Présidence du Conseil à Rome auprès de Mario Monti puis d’Enrico Letta de 2011 à 2014. Diplômé du Collège de Bruges, il a déjà été en poste à la Commission de 2004 à 2011 comme desk officer. Cette nomination a été commentée comme « une indication des bonnes relations entre la Commission et l’Italie ».

109 L’ancien président de la Commission européenne de 2004 à 2014, José Manuel Barroso, a rejoint début juillet 2016 la banque d’affaires Goldman Sachs comme président non exécutif et conseiller international. Sans entrer dans des considérations sur l’opportunité politique et morale d’un tel passage dans le secteur privé, on peut revenir sur la procédure suivie. Celui-ci a bien attendu le délai réglementaire de 18 mois après la fin de son mandat (31 octobre 2014) et a informé la nouvelle présidence de la Commission. Jean-Claude Juncker a finalement saisi le Comité d’éthique ad hoc de la Commission européenne qui a rendu son avis le 31 octobre 2016 considérant qu’« il n’y a pas d’éléments suffisants pour établir une violation du devoir d’intégrité et de réserve » au sens de l’article 245. Mais le Comité considère que l’intéressé « n’a pas fait preuve du bon jugement que l’on pourrait attendre de quelqu’un qui a exercé un poste à haute responsabilité pendant de si longues années ».

110 Dans cette affaire, une partie du personnel de la Commission et de nombreux Anciens ont été à l’origine d’une pétition et demandent, comme certains députés européens, la saisine de la Cour de justice pour violation du l’article 245 et des devoirs qui y sont mentionnés « d’honnêteté et de délicatesse quant à l’acceptation, après cessation (des fonctions), de certaines fonctions ou de certains avantages ». Si cette procédure aboutit, la Cour peut prononcer « la déchéance du droit à pension de l’intéressé ». Il faut ici relever le rôle décisif joué par la Médiatrice de l’UE. Le 6 septembre 2016, celle-ci a appelé le président Juncker « à clarifier la position de la Commission sur la nomination de son ancien président ». L’angle choisi par Emily O’Reilly portait sur la dimension de conseiller en matière de Brexit de M. Barroso auprès de Goldman Sachs. Elle a ainsi « demandé si la Commission envisage de transmettre des directives au négociateur en chef M. Barnier et au personnel sur la façon de collaborer avec M. Barroso si toutefois l’ancien président souhaite une telle collaboration ». C’est suite à cette lettre que le Président de la Commission a saisi le Comité d’éthique. La Médiatrice envisage une enquête d’initiative concernant le Code de conduite des commissaires dont la première version date de 1999 et la version actuelle d’avril 2011.

111 Dans l’histoire de la Commission, d’autres « pantouflages » sont restés célèbres, comme lorsque François-Xavier Ortoli, président de 1973 à 1977 puis Vice-président de 1977 à 1984, est devenu, dès son départ de la Commission, PDG de la compagnie française des pétroles, devenue Total et détenue alors à 35 % par l’État français.

112 Au Secrétariat général de la Commission, Alexander Italianer, le Secrétaire général depuis février 2015, s’avère être plus centré sur la réforme interne et moins « politique » que Catherine Day qui a exercé avec force cette fonction stratégique de 2005 à 2015. Dans le même temps néanmoins, on note une série d’ajouts et de nominations assez importantes qui renforcent le rôle politique du Secrétariat général. Au Comité d’examen de la réglementation, on relève la nomination en mars 2016 de sa nouvelle Présidente, avec rang de directrice générale, Anne Bucher, de nationalité française. Ancienne élève de l’ENSAE, cette dernière est titulaire d’un doctorat d’économie. Elle a été assistante de recherche à l’EHESS et consultante à l’OFCE avant d’entrer à la Commission en 1983. Elle a exercé de 2011 à 2016 le poste clé de directrice de la compétitivité et des réformes structurelles à la DG des Affaires économiques et financières.

113 Cette nomination porte à sept le nombre de directeurs généraux français avec Michel Barnier, nombre supérieur à celui de directeurs généraux allemands (quatre en octobre 2016). Sur quarante, cela représente 17,5 % ce qui est considérable. Mais ce chiffre exceptionnel semble conjoncturel car trois départs à la retraite sont prévus en 2017.

114 Toujours au Secrétariat général, signalons une innovation significative : la création en juillet 2015 du Service d’appui à la réforme structurelle avec à sa tête un nouveau directeur général, Maarten Verwey, de nationalité néerlandaise, comme le Secrétaire général. Celui-ci était de 2011 à 2015, directeur général adjoint de la DG ECFIN. Il illustre une voie d’accès, devenue rare à la Commission, par « parachutage » puisqu’il était jusqu’en 2011 en poste au ministère des finances à La Haye. Son service intitulé par son acronyme anglais SRSS est composé de cinq nouvelles unités dont une pour la première fois consacrée à « la gouvernance et l’administration publique » (SRSS.02). Ce service fournit une assistance technique aux États membres pour les soutenir dans la mise en œuvre des réformes administratives et structurelles. Il est particulièrement actif en Grèce. Maarten Verwey, a été désigné le 18 mars 2016 coordinateur de l’UE chargé de la mise en œuvre en Grèce de la déclaration UE-Turquie en matière de crise des réfugiés. Il coordonnera les 4000 membres à terme du personnel en provenance de Grèce, des autres États membres, du Bureau européen d’appui en matière d’asile (agence créée en 2010) et de Frontex.

115 Ainsi, la situation est assez inédite au Secrétaire général où désormais, en dehors du Secrétaire général, on compte trois directeurs généraux en haut de l’organigramme du SG sans être rattaché au Secrétaire général : A. Bucher au Comité d’examen de la réglementation, J. Faull chargé du corps de solidarité et M. Verwey, à la réforme structurelle. À cela s’ajoute depuis octobre 2016, mais dans une position d’une plus grande indépendance, le Comité budgétaire européen (European Fiscal Board).

116 Dans les Directions générales, trois directeurs généraux adjoints français ont été nommés : Bernard Magenhann, à la DG Ressources humaines depuis le 1er septembre 2016, Olivier Onidi à la DG des affaires intérieurs, comme chargé de l’asile, depuis le 18 mai 2016 et après celle de Sixtine Bouygues, directrice générale adjointe de la Communication depuis le 16 décembre 2015. Avec Jean-Eric Paquet, Secrétaire général adjoint, on compte ainsi quatre DGA français, le retard étant en partie rattrapé. Mais sur un total de 54, cela ne représente que 7,4 %. Parmi l’encadrement dirigeant (DG et DGA), on compte désormais onze Français, soit 11,7 %, marqué ainsi par une grande disproportion entre le taux record de DG et plus faible de DGA.

117 Ces nominations illustrent une diversification des profils de l’encadrement dirigeant et en particulier des Français. Bernard Magenhann était expert-comptable et est passé chez PricewaterhouseCoopers avant d’entrer à la Commission par son service d’audit interne. Sixtine Bouygues, diplômée en langues et traduction, a commencé sa carrière à la DG traduction avant de passer à celle de la Communication. Elle est par ailleurs fondatrice des Françaises d’Europe, réseau de femmes françaises travaillant dans les institutions européennes. Olivier Onidi est diplômé en administration des entreprises (Compiègne), du collège de Bruges et de la LSE à Londres. Il a été en particulier assistant d’un ancien directeur général français renommé, François Lamoureux et chef adjoint du cabinet du commissaire Günther Oettinger de 2010 à 2012.

118 Dans un autre cadre, la Commission européenne et la Commission de l’Union africaine ont signé le 1er février 2016 le renouvellement pour cinq ans de leur accord de coopération administrative et d’échanges de personnel, signé en 2006 puis 2010. Depuis lors, 50 fonctionnaires ont bénéficié de ce programme d’échange entre la Commission européenne et celle de l’Union africaine à Addis-Abeba.

Concours et rémunération de la fonction publique européenne

119 Concernant les résultats du concours généralistes 2015 de niveau Administrateur (AD) des institutions européennes, les lauréats français représentent 13 % de l’ensemble des lauréats du concours (soit 21 sur 161) contre 7 % des candidats alors que la moyenne des lauréats français entre 2010 et 2015 se situait à moins de 10 %. Parmi ces lauréats français, 13 ont été préparés par l’ENA soit plus de 60 %. Plus largement, 20 % de l’ensemble des lauréats (français et ressortissants d’un autre État membre) ont bénéficié d’une préparation dispensée par la direction des affaires européennes de l’ENA.

120 Pour la première fois, les concours internes publiés par la Commission le 9 février 2019, ont été ouverts, non seulement aux fonctionnaires européens et aux agents temporaires mais également aux agents contractuels. Conformément au régime applicable aux autres agents de l’UE (RAA), les concours internes peuvent être ouverts à certains grades et la Commission a décidé d’organiser ces concours aux grades les plus élevés possibles pour cette catégorie de personnel à savoir AST/SC 2 (assistants-secrétaires), AST2 (assistants) et AD6 (administrateurs). Rappelons que depuis la révision statutaire de 2014, l’ancienne catégorie C, disparue en 2014, a été recrée par le groupe de fonctions d’assistants- secrétaires. Le système de carrières de la Commission consiste désormais en une échelle unique des traitements comportant seize grades. Les assistants-secrétaires (AST/SC) ont accès au grade 1 à 6, les assistants (AST) aux grades 1 à 11 et les administrateurs (AD) aux grades 5 à 16. Ces nouveaux concours internes prévoient quatre tests de « compétence » comme c’est le cas depuis 2010 pour tous les concours puis une épreuve orale en allemand, anglais ou français (hors langue maternelle). En complément d’un entretien sur les compétences acquises, les administrateurs sont soumis à un « briefing oral » sur un sujet lié à une politique de l’Union européenne.

121 Par ailleurs, la rémunération des fonctionnaires européens a augmenté de 2,4 % au 1er janvier 2016, pour un coût total d’environ 100 millions d’euros pour le budget européen. C’est le résultat d’un mécanisme complexe sur lequel ne peuvent intervenir ni le Parlement européen, ni la Commission. L’évolution des revenus des fonctionnaires européens est en effet basée sur une formule intégrant deux critères : le niveau d’inflation en Belgique et au Luxembourg (où sont affectés 80 % des personnels), actuellement inférieur à 1 %, et l’évolution moyenne des traitements des fonctionnaires et agents publics dans les onze principaux pays de l’UE. Autrement dit, quand les salaires du secteur public de ces États membres augmentent, cela fait mécaniquement augmenter la rémunération des fonctionnaires européens. Selon les chiffres utilisés par la Commission, les salaires du secteur public en France n’ont augmenté que de 0,3 % entre juillet 2014 et juillet 2015, ont diminué en Belgique de 0,4 % mais décollé en Allemagne (+2,9 %). C’est cette augmentation en raison de la pondération qui explique cette hausse pour les fonctionnaires européens. La Commission rappelle que cette augmentation fait suite à deux années de gel et que puis le 1er janvier 2014 le temps de travail des fonctionnaires européens a augmenté (de 37,5 à 40 heures) sans compensation financière. C’est là également une des dimensions de la révision statutaire de 2014 avec l’allongement de l’âge de la retraite à 65 ans (66 ans pour les fonctionnaires recrutés après le 1er janvier 2014).

Au Service européen pour l’action extérieure

122 Au Service européen pour l’action extérieure, le Secrétaire général Alain Le Roy, diplomate français (Cf Chronique 157) a démissionné le 15 juin 2016. La presse s’est fait l’écho du peu de place que lui laissait la Haute Représentante, Mme Mogherini, plus investie que sa prédécesseur, Mme Ashton. La secrétaire générale adjointe, Helga Schmid, a été immédiatement nommée Secrétaire générale et a pris ses fonctions le 1er septembre 2016. Diplomate allemande diplômée de l’Université de Munich et de la Sorbonne et ancienne conseillère de Joschka Fischer, cette dernière suivait la PESC à Bruxelles depuis 2006 d’abord au Conseil (comme directrice de l’Unité politique) puis au SEAE depuis 2010.

123 Jean-Christophe Belliard a été nommé le 9 aout 2016 Secrétaire général adjoint aux affaires politiques et directeur politique du SEAE. Il a pris ses fonctions en même temps le 1er septembre 2016. Il était pressenti dès 2015 pour prendre la direction générale de l’Afrique mais un fonctionnaire européen lui avait été préféré. Diplômé de Sciences Po Strasbourg et de l’INALCO, conseiller Orient des Affaires étrangères et swahiliste, il était depuis 2012 directeur de l’Afrique au Quai d’Orsay après avoir été Ambassadeur en Ethiopie et représentant permanent auprès de l’Union africaine. De 2004 à 2008 il a été à Bruxelles, conseiller spécial pour l’Afrique de Javier Solana, premier Haut Représentant pour la PESC (et à l’époque Secrétaire général du Conseil) et émissaire européen pour le Zimbabwe.

124 Depuis le 1er septembre 2016, le SEAE dispose ainsi d’un nouvel État-major. Sa secrétaire générale, Mme Schmid, est entouré de trois adjoints : à l’Economie et aux affaires globales, aux affaires politiques (et directeur politique) et à la Politique de sécurité et de défense commune (PSDC) et à la gestion de crise. Par ailleurs, le chef de cabinet de la HR-VP a changé puisque Stefano Manservisi a été nommé le 16 mai 2016 directeur général de la Coopération internationale et du développement (DG DEVCO). Il a été remplacé par Fabrizia Panzetti, issue du Parlement européen.

125 Enfin, le chef de la délégation de l’Union européenne en Turquie, Hansjörg Haber, a démissionné le 14 juin 2016. Ce diplomate européen, de nationalité allemande, avait critiqué la façon dont la Turquie honorait les clauses de l’accord conclu fin mars avec l’UE dans le cadre de la crise des réfugiés et avait été convoqué en mai au ministère turc des affaires étrangères. C’est la première démission d’un chef de délégation de l’Union européenne (et non plus de la Commission) nommé par le Service européen pour l’action extérieure depuis sa création en 2011.

Paris-Bruxelles

126 La Secrétaire générale adjointe du Secrétariat général des affaires européennes (SGAE), Isabelle Jégouzo a été nommée en mars 2016 à la tête de la Représentation de la Commission européenne à Paris. Issue du choix direct du Président de la Commission, cette nomination est assez singulière. Si certains de ses prédécesseurs étaient d’anciens fonctionnaires français, ils ou elles avaient été ensuite en poste à la Commission avant leur nomination à Paris comme avec Renaud Soufflot de Magny puis Laurence de Richemont. Isabelle Jégouzo, elle, est restée fonctionnaire française et n’a été en poste à la Commission que comme expert national détachée (END) à la DG Justice et affaires intérieures puis en détachement à l’Office européen de lutte anti-fraude (OLAF). Magistrate de l’ordre judiciaire, Isabelle Jégouzo, était secrétaire générale adjointe chargée de la JAI au SGAE depuis octobre 2012. Elle a été sous-directrice chargée des relations internationales de l’Ecole nationale de la magistrature (1994-2000).

127 En matière de relations entre l’administration française et la Commission, le poids de la Représentation de la Commission à Paris s’est renforcé. Celle-ci comporte désormais trois attachés économiques « Semestre européen et Europe 2020 » en plus de ses trois traditionnels analystes politiques. Rappelons que cette Représentation a été créée en 1955 sous la forme d’un Bureau de presse et d’information et est localisée depuis 1990 au 288 boulevard Saint-Germain. Composé de trente personnes, elle reste rattachée à la Direction générale Communication. Le chef du Bureau à Marseille a également changé le 1er juin 2016 avec la nomination de Michel Dumort (Sciences Po Grenoble), en poste, lui, à la Commission depuis vingt-six ans et depuis seize ans à la DG Communication. Il dispose à Marseille de six collaborateurs. En dehors des capitales des États membres, la Commission dispose en effet de neuf représentations régionales à Barcelone, Belfast, Bonn, Cardiff, Edimbourg, Marseille, Milan, Munich et Wroclaw.

128 Au SGAE, Cyrille Baumgartner, sous-directeur adjoint à la direction de l’UE au Quai d’Orsay, a été nommé secrétaire général adjoint chargé de la Justice et des Affaires intérieures, succédant ainsi à Isabelle Jégouzo. Etant diplomate, cette nomination remet en question le partage traditionnel depuis 1999 entre les ministères de la Justice et de l’Intérieur concernant ce poste à Paris et celui de conseiller JAI à la Représentation permanente à Bruxelles. L’ancienne chef de secteur Parlement, Julienne Clavière, a été nommée conseillère du Secrétaire général des affaires européennes, chargée des relations avec les élus et la société civile, de la communication et de la coordination en matière d’influence. La nomination de la nouvelle chef du secteur Parlement illustre un renouvellement du profil des membres du SGAE plus proche de la société civile. Nathalie Lhayani est en effet fondatrice du site d’information EurActiv France.

129 Le nouveau ministre des affaires étrangères et du développement international, Jean-Marc Ayrault, a constitué son cabinet en février 2016. Son directeur de cabinet, Laurent Pic, conseiller des affaires étrangères Orient, dispose d’un profil européen comme ancien conseiller du ministre délégué aux affaires européennes, membre à la RP puis secrétaire général adjoint du SGAE. Conseiller diplomatique du Premier ministre de 2012 à 2014, il était Ambassadeur aux Pays-Bas depuis juillet 2014. Fabrice Dubreuil (ENS-IEP-ENA), conseiller « questions européennes et Balkans » de Laurent Fabius reste au cabinet comme conseiller spécial chargé des affaires européennes. L’Ambassadeur au Comité politique et de sécurité (COPS) est depuis septembre 2016 Nicolas Suran (IEP-ENA), conseiller des affaires étrangères, chef du service des relations extérieures de l’UE depuis 2012.

130 À Bercy, la directrice générale du Trésor depuis juin 2016, Odile Renaud-Basso, première femme à ce poste, est une spécialiste des questions européennes. Sortie de l’ENA à la Cour des comptes, puis dix ans au Trésor où elle termine sous-directrice des affaires européennes puis chef du service international, elle a été directrice à la Commission européenne (2005-2010) puis chef adjointe du cabinet du Président du Conseil européen (2010-2012). Elle a été ensuite directrice adjointe du cabinet du Premier ministre (2012-2014) puis directrice générale adjointe de la Caisse des dépôts et consignations. En matière européenne, elle a vécu aux premières loges la crise économique et financière en 2008 à la Commission puis celle de la zone euro en 2010 au cœur du Conseil européen.

131 Par ailleurs, notons le décès le 23 juillet 2016 de Marceau Long, ancien Vice-président du Conseil d’État (1987-1995) et à ce titre père de l’arrêt Nicolo. Ce célèbre arrêt 1989 – « révolution de 89 » – entérina la supériorité du droit européen sur les lois nationales postérieures et engagea le Palais-Royal dans la construction juridique de l’Europe.

132 Enfin, ont été commémoré les 6 et 7 octobre 2016 les vingt ans de l’Institut Jacques Delors, un des rares think tanks français sur les questions européennes. Sont intervenus le 6 octobre le Président de la République, François Hollande, ancien responsable du club delorien « Témoin » puis le lendemain le Premier ministre, Manuel Valls, dans un discours remarqué avec le Président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, sur l’avenir politique de l’Union européenne. Il s’agit de la première grande intervention du Premier ministre sur les questions européennes. Reprenant le mot de 1962 du Général de Gaulle appliqué au Plan, celui-ci a conclu que l’avenir politique de l’UE « est plus que jamais notre ardente obligation ».

133 M. M.


Date de mise en ligne : 11/01/2017

https://doi.org/10.3917/rfap.159.0931

Notes

  • [1]
    Voir par exemple, dans le cadre de la directive 95/46, la décision de la Commission du 12 juillet 2016 relative à l’adéquation de la protection assurée par le bouclier de protection des données UE – États-Unis, C (2016) 4176
  • [2]
    Voir, dans le cadre juridique en vigueur, la signature de l’Umbrella Agreement entre l’UE et les USA le 2 juin 2016.
  • [3]
    Stricto sensu Europol n’est devenue une agence européenne qu’en 2010.
  • [4]
    Les Etats membres peuvent refuser à condition, en principe, de motiver leurs décisions.
  • [5]
    Equipes créées entre plusieurs Etats membres pour enquêter sur des phénomènes criminels transnationaux et auxquelles Eurojust - l’agence de l’UE en matière de coopération judiciaire pénale - pouvait déjà participer. Europol peut en proposer la création et y participer.
  • [6]
    La fusion du Cepol, l’Agence de l’Union européenne pour la formation des services répressifs, avait un temps été envisagée, avant d’être abandonnée vraisemblablement pour éviter à l’État où elle avait son nouveau siège de perdre « son » agence. Le Cepol a fait en parallèle l’objet d’une réforme limitée (règlement n°2015/2219 du 25 novembre 2015). La mission de formation à Europol créé une concurrence entre les deux agences.
  • [7]
    Comme le Centre européen de lutte contre la cybercriminalité, créé en 2015.
  • [8]
    Il en découle également une répartition un peu plus claire des responsabilités. Le règlement prévoit deux responsabilités : une de la qualité des données et une de la licéité des transferts, en distinguant, pour chacune et à chaque étape qui, des États membres ou d’Europol, est responsable. Toute personne ayant subi un dommage du fait d’une opération de traitement (sans doute au sens large) de DCP illicite a le droit d’obtenir réparation soit d’Europol (devant la CJUE) soit de l’État membre concerné (devant la juridiction nationale compétente).
  • [9]
    Les fournisseurs peuvent définir les finalités ou notifier toute limitation de l’accès à ces données ou leur utilisation.
  • [10]
    Sauf lorsque cette communication aurait pour effet d’être contraire aux intérêts essentiels de la sécurité de l’État membre, de compromettre le succès d’une enquête en cours ou la sécurité d’une personne physique, ou de divulguer des informations concernant des organisations ou des activités de renseignement spécifiques dans le domaine de la sûreté nationale.
  • [11]
    La qualité de la coopération des Etats membres est évaluée par Europol qui rédige un rapport annuel sur les informations fournies par chaque État membre sur la base de critères d’évaluation quantitatifs et qualitatifs fixés par son CA. Le rapport est transmis au Parlement européen, au Conseil, à la Commission et aux parlements nationaux.
  • [12]
    Les ACN ont pour cela accès aux données transmises auprès de la UNE ou de l’officier de liaison ainsi qu’aux relevés d’Europol.
  • [13]
    Le CEPD consulte les autorités de contrôle nationales concernées dans les affaires portant sur des données provenant d’un ou de plusieurs États membres.
  • [14]
    Europol ne peut pas prendre contact avec des particuliers afin d’extraire des informations.
  • [15]
    Le principal objectif du Système d’information Europol est de détecter des correspondances entre les données provenant des différents États membres et autres sources. Le système compte 300 000 entrées « objets » en 2015, soit 25 % de plus qu’en 2014 et 86 000 entrées « personnes » en 2015, soit 40 % de plus qu’en 2014.
  • [16]
    L’application de réseau d’échange sécurisé d’informations (SIENA) permet la communication et l’échange rapides et sûrs d’informations et de renseignements opérationnels et stratégiques liés à la criminalité, entre Europol et les États membres et les tiers qui ont conclu des accords de coopération avec Europol.
  • [17]
    Les personnes concernées par le traitement de leurs DCP ont le droit d’introduire une réclamation auprès du CEDP si elles estiment que le traitement n’est pas conforme au règlement. La décision du CEDP tient compte dans certains cas de l’avis de l’ACN. Elle peut faire l’objet d’un recours devant la Cour de justice.
  • [18]
    635 000 recherche ont été faites dans le système d’information Europol en 2015, soit 60 % de plus qu’en 2014.
  • [19]
    Avant la réforme, Europol pouvait directement passer des accords de coopération permettant l’échange de de DCP. Ce n’est plus le cas désormais et les accords passés doivent faire l’objet d’une évaluation en matière de protection des DCP et peuvent le cas échéant être transformés en accord de l’UE.
  • [20]
    Arrêt de la Cour du 17 mars 2016, Parlement c/ Commission, C-286/14.
  • [21]
    Arrêt de la Cour (gde ch) du 28 juillet 2016, C-660/13.
  • [22]
    Arrêt de la Cour (gde ch) du 14 juin 2016, C-263/14.
  • [23]
    Arrêt de la Cour du 28 juillet 2016, C-379/15.
  • [24]
    Arrêt de la Cour (gde ch) du 28 février 2008, Inter-Environnement Wallonie et Terre wallonne, C-41/11.
  • [25]
    Arrêt de la Cour (gde ch) du 19 avril 2016, C-441/14.
  • [26]
    Arrêt du Tribunal du 26 avril 2016, T-221/08.
  • [27]
    Arrêt du Tribunal du 26 mai 2016, T-110/15.
  • [28]
    Arrêt du Tribunal du 19 avril 2016, T-44/14.
  • [29]
    Arrêt du Tribunal du 10 mai 2016, T-529/13.
  • [30]
    Arrêt de la Cour (gde ch) du 3 octobre 2013, C-583/11 P.
  • [31]
    Arrêt de la Cour (gde ch) du 28 avril 2015, C-456/13.
  • [32]
    Arrêt du Tribunal du 16 février 2016, T-296/15.
  • [33]
    Voy. Notamment, CEDH, 8 avril 2014, Dhabi c/ Italie, n°17120/09.
  • [34]
    Avis de la Cour (ass. plenière) du 18 décembre 2014.
  • [35]
    Arrêt de la Cour du 28 juillet 2016, C-379/15.
  • [36]
    Arrêt de la Cour (gde ch) du 5 avril 2016, C-689/13.
  • [37]
    Conclusions présentées le 15 octobre 2015.
  • [38]
    Arrêt de la Cour du 5 juillet 2016, C-614/14.
  • [39]
    Arrêt de la Cour du 18 février 2016, C-49/14.
  • [40]
    Arrêt de la Cour du 30 septembre 2003, C-224/01.
  • [41]
    Arrêt de la Cour du 28 juillet 2016, C-168/15.
  • [42]
    Arrêt de la Cour du 30 juin 2016, C-205/15.
  • [43]
    Arrêt de la Cour du 20 juin 2016, C-200/14.
  • [44]
    Comme le coordinateur de la lutte contre le terrorisme, le Belge francophone, Gilles de Kerchove.

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