Notes
-
[1]
Voir, par exemple, Reinhardt and Slimane-Kaïd v. France, 31 mars 1998, 1998-II Eur. Ct. H.R. 640 ; Affaire Kress c. France, 7 juin 2001, 2001-VI Eur. Ct. H.R. 1.
-
[2]
Voir, par exemple, Roscoe Pound, Jurisprudence, St Paul : West Publishing Co., 1959 ; John Dawson, The Oracles of the Law, Ann Arbor : University of Michigan Law School, 1968 ; John Henry Merryman, The Civil Law Tradition, Stanford : Stanford University Press, 1969.
-
[3]
Jean-Étienne-Marie Portalis, Discours préliminaire au premier projet de Code civil, Bordeaux : Éditions Confluences, 1998.
-
[4]
Voir Philippe Jestaz et Christophe Jamin, La doctrine, Paris : Dalloz, 2004.
-
[5]
Mitchel Lasser, « Judicial (Self-)Portraits: Judicial Discourse in the French Legal System », The Yale Law Journal, 104, 1995, p. 1325 ; Id., « Les récentes modifications du processus de décision à la Cour de cassation : le regard bienveillant, mais inquiet, d’un comparatiste nord-américain », Revue trimestrielle de droit civil 2006, p. 691.
-
[6]
Voir, par exemple, Roscoe Pound, « The Causes of Popular Dissatisfaction with the Administration of Justice », address before American Bar Association Twenty-ninth Annual Meeting (1906), reproduit dans Journal of the American Judicature Society, 20, 1937 ; Id, « Mechanical Jurisprudence », Columbia Law Review, 8, 1908, p. 605 ; Id, « The Scope and Purpose of Sociological Jurisprudence », Harvard Law Review, 24, 1911, p. 591, 25 (2), 1911, p. 140, 25 (6), 1912, p. 489 ; Karl Llewellyn, « Some Realism About Realism: A Response to Dean Pound », Harvard Law Review, 44 (8), 1931, p. 1222 ; Oliver Wendell Holmes, « The Path of the Law », Harvard Law Review, 10 (8), 1897, p. 457 ; Wesley Hohfeld, « Fundamental Legal Conceptions as Applied in Judicial Reasoning », The Yale Law Journal, 26, 1917, p. 710.
-
[7]
Voir, par exemple, François Gény, Méthode d’interprétation et sources en droit privé positif, Paris : [s. n.] 2e éd., 1919, vol. 2, p. 50-52 ; Jean Carbonnier, Droit civil, Paris : PUF, 12e éd., 1978, vol. 1, p. 157-60, n° 32.
-
[8]
Voir aussi Antoine Garapon et Ioannis Papadopoulos, Juger en Amérique et en France. Culture juridique française et Common Law, Paris : Odile Jacob, 2003, p. 110-112.
-
[9]
Voir, par exemple, CEDH, Delcourt c. Belgique, 17 janvier 1970 ; Borgers c. Belgique, CEDH 30 octobre 1991 ; Vermeulen c. Belgium, CEDH 20 février 1996 ; Lobo Machado c. Portugal, CEDH, 20 février 1996, req. n° 15764/89 ; K.D.B. c. Pays-Bas, CEDH, 27 mars 1998, req. n° 80/1997/864/1075.
-
[10]
Affaire Kress c. France, 7 juin 2001, 2001-VI Eur. Ct. H.R. 1.
-
[11]
Mitchel Lasser, « Judicial (Self-)Portraits: Judicial Discourse in the French Legal System », art. cité.
-
[12]
Même les récentes réformes du Conseil d’État qui modifient le titre de « commissaire du gouvernement » en « rapporteur public » cherchent évidemment à faire opposition à la jurisprudence de la CEDH. Voir article R 733 du Code de justice administrative.
-
[13]
Voir Kress, précité, § 69.
-
[14]
Borgers c. Belgique, CEDH, 30 octobre 1991.
-
[15]
Vermeulen c. Belgium, CEDH, 20 février 1996.
-
[16]
Reinhard, précité, § 73 : « Une mention au rôle diffusé à l’ordre des avocats aux conseils une semaine avant l’audience informe les conseils des parties du sens dudit rapport (irrecevabilité du pourvoi, rejet, ou cassation partielle ou totale). »
-
[17]
Voir Reinhardt, précité, § 106.
-
[18]
Entretien avec M. Guy Canivet, Premier président de la Cour de cassation, à Paris (25 juin 2003) ; entretien avec Mme Marie-Aimée Latournerie, conseiller d’État, à Paris (26 juin 2003) ; Marie-Noëlle Jobard-Bachellier et Xavier Bachellier, La technique de cassation : pourvois et arrêts en matière civile, Paris : Dalloz, 5e éd., 2003.
-
[19]
Kress, précité, § 40, 43.
-
[20]
Esclatine, précité.
- [21]
-
[22]
Voir Régis de Gouttes, « Les ambivalences de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme en 2001 », in « Actes de la huitième Session d’information » (arrêts rendus en 2001), Cahiers du Credho, 8, 2002, <http://www.credho.org/cedh/session08/session08-02-01.htm> ; Jean-Claude Marin, Discours prononcé à l’audience solennelle de rentrée de la Cour de cassation, le 9 janvier 2014.
-
[23]
Entretien avec Guy Braibant, conseiller d’État, à Paris (25 juin 2003) ; entretien avec Mme Latournerie, précité ; entretien avec Jean-Paul Costa, alors vice-président de la CEDH, à Strasbourg (16 juin 2003) ; voir aussi Antoine Garapon et Ioannis Papadopoulos, Juger en Amérique et en France. Culture juridique française et Common Law, op. cit., p. 111-112.
-
[24]
CEDH, 5e sect. dec., 4 juin 2013, Marc-Antoine c. France, req. n° 54984/09.
-
[25]
Borgers c. Belgique, CEDH, 30 octobre 1991 ; Martinie c. France, CEDH, 12 avril 2006, req. n° 58675/00 ; Slimane-Kaïd v. France, 31 mars 1998 ; Kress c. France, 7 juin 2001, précité.
-
[26]
Voir Reinhardt, précité.
-
[27]
Voir article R 733 du Code de justice administrative.
-
[28]
Laure Milano, « L’euro-compatibilité du rapporteur public, une nouvelle fois en question », Revue des droits et libertés fondamentaux, 2012, chron. n° 14.
-
[29]
Borgers ; Vermeulen ; Lobo Machado c. Portugal, CEDH, 20 février 1996, req. n° 15764/89 ; K.D.B. c. Pays-Bas, CEDH, 27 mars 1998, req. n° 80/1997/864/1075.
-
[30]
CEDH, 5e sect. dec., 4 juin 2013, Marc-Antoine c. France, req. n° 54984/09.
-
[31]
Nicolas Hervieu, « Droit à un procès équitable (Art. 6 CEDH). Le rapporteur public français finalement sauvé des eaux européennes », lettre « Actualités Droits-Libertés » du CREDOF, 13 juin 2013, <http://revdh.org/2013/06/13/rapporteur-public-francais-sauve-des-eaux-europeennes/>.
-
[32]
CEDH, 15 décembre 2009, Etienne c/ France, n° 11396/08 ; F. Sudre, JCP, G, 2010, chron. n° 70.
-
[33]
Nicolas Hervieu, « Droit à un procès équitable (Art. 6 CEDH). Le rapporteur public français finalement sauvé des eaux européennes », art. cité.
-
[34]
Ibid.
-
[35]
Ceci risque d’être compliqué par la relation entre le parquet général et le pouvoir exécutif.
-
[36]
Surtout les cours suprêmes de la Hollande, la Belgique et du Portugal, qui s’étaient infléchies devant la jurisprudence de la CEDH sur le procès équitable.
-
[37]
Voir ordonnance de la CJCE du 4 février 2000, Emesa Sugar (Free Zone) NV c. Aruba17/98, s’inspirant de CE, 29 juillet 1998 (Esclatine), D. Jur., 1999, p. 85, concl. Chauvaux.
- [38]
1 Le style particulier du système judiciaire français s’est avéré plutôt difficile à comprendre à l’étranger. Celui-ci doit être saisi d’une manière large. Il consiste en bien plus que le fameux syllogisme de la Cour de cassation, qui a fait l’objet de tant d’étonnement, surtout dans les pays de common law. Ce style consiste en réalité en un éventail de pratiques discursives, professionnelles, institutionnelles, procédurales et idéologiques ; et ces pratiques définissent et motivent comment et pourquoi les juges français traitent les différends d’une façon si caractéristique.
2 Afin de bien souligner les qualités qui définissent de fait le style judiciaire français, cet article offre une brève analyse comparative entre le système judiciaire civiliste français et son homologue de common law américain. Cette analyse montrera que les différences ne sont pas celles auxquelles nous nous attendrions. Ayant précisé les qualités qui caractérisent véritablement le style français, nous serons en mesure d’expliquer comment et en quoi la surprenante jurisprudence européenne sur « le procès équitable » a tellement menacé les fondements du système judiciaire français [1].
3 Finalement, cet article examinera les effets que cette jurisprudence aura produits sur le style « institutionnel » des cours françaises. Pour parler franc, le bilan est très médiocre. De son côté, la Cour de cassation, sous l’emprise de la jurisprudence de Strasbourg, a modifié de bonne foi ses processus de prise de décision. Mais ces modifications, aussi bien intentionnées soient-elles, ont profondément marqué la Cour et ses délibérations. De son côté, par contre, le Conseil d’État a résisté aux commandements de Strasbourg, le plus souvent de manière contestable, bien qu’efficace. La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), quant à elle, a d’abord commis l’erreur inutile de condamner le style français au nom du « procès équitable », aggravant peut-être cette erreur en revenant sur cette jurisprudence sans accepter de l’admettre ouvertement.
I. Les systèmes judiciaires français et américain : de la caricature des styles aux réelles différences structurelles
4 Nous connaissons tous les explications caricaturales que nous ont laissées les analyses comparatives classiques des systèmes judiciaires français et américain. Au cours du xxe siècle, par exemple, les comparatistes américains ont couramment offert des portraits peu flatteurs du système juridique français. Selon ces analyses classiques, ce qui sépare le système juridique américain de son homologue français tient en ceci que le premier promeut le pragmatisme et le réalisme judiciaire : les juges américains raisonnent, tranchent les différends, et justifient leurs décisions en grande partie en fonction de ce que l’on appelle le policy, c’est-à-dire, en fonction des exigences sociales, économiques, politiques, etc.
5 Par contraste, le système juridique français serait, selon cette tradition comparative américaine, en grande partie pré-réaliste, voire anti-réaliste. La France, c’est le pays du formalisme et de l’exégèse, où les magistrats sont censés devoir appliquer de manière mécanique les commandements codifiés du législateur [2]. Ainsi, les articles 4 et 5 du Code civil refusent au juge français tout pouvoir normatif ou créateur : c’est le Code qui dicte ses propres conclusions. De même, la loi sur l’organisation judiciaire des 16-24 août 1790 défend formellement au juge de se mêler au pouvoir politique, que ce soit au pouvoir législatif ou exécutif. Ensuite, la jurisprudence de la Cour de cassation refuse elle-même d’accorder à cette jurisprudence la force impérative d’une source de droit. Finalement, la forme même de l’arrêt judiciaire, et surtout l’arrêt de cassation, semble nier tout pouvoir normatif, voire tout pouvoir interprétatif, au juge. Avec son syllogisme collégial à phrase unique qui refuse toute référence à la jurisprudence, qui n’offre ni signature, ni opinion dissidente, ni indication de vote, et presque aucune explication interprétative, l’arrêt de cassation fait tout pour démontrer la supériorité de la loi, ainsi que la soumission et la passivité du juge.
6 Bien entendu, un tel portrait du système judiciaire français est caricatural, bien qu’il soit souvent pris remarquablement au sérieux aux États-Unis, même de nos jours. Et bien sûr, le système juridique américain est lui-même susceptible d’une interprétation tout aussi caricaturale. Avec ses centaines de pages, ses multiples opinions concurrentes et dissidentes, ses innombrables références – souvent visiblement contradictoires – à la jurisprudence et aux besoins sociaux, économiques ou politiques, l’opinion judiciaire américaine peut facilement ressembler à une déclaration désorganisée et indisciplinée de caprice judiciaire, dont les auteurs ne suivent aucune loi, sauf celle de leur propre fabrication.
7 De telles caricatures ne sont, précisément, que des caricatures. Ceci devient évident du moment que l’on fait un peu attention à la doctrine dans chaque pays. En France, par exemple, il suffit de se familiariser un peu avec les travaux de François Gény, Édouard Lambert, Jean Carbonnier, etc. pour se rendre vite compte que les juristes français comprennent bien, et ont compris depuis plus d’un siècle, que la jurisprudence peut exercer une autorité normative considérable et assez souvent décisive. Loin d’être un univers clos régi par le positivisme et par l’exégèse, le système juridique français est tout à fait sensible à l’idée que la loi ne pourra jamais tout régler et que les magistrats auront toujours à adapter leurs solutions, selon les besoins de l’équité quand il s’agit de cas particuliers, ou selon ceux de la modernisation du droit quand il s’agit de problèmes juridiques récurrents. Même Jean-Étienne-Marie Portalis insistait sur l’importance du travail de la doctrine et des magistrats [3]. À moins que l’on puisse imaginer un système juridique dans lequel la doctrine serait complètement ignorée ou rejetée par les autres juristes (y compris les magistrats), on voit mal comment le système judiciaire français pourrait fonctionner de manière aussi positiviste et formaliste que l’arrêt de cassation pourrait nous le laisser croire [4].
8 En effet, nos recherches au sein de la magistrature ne font que démontrer à quel point est incomplète (sinon trompeuse) l’image publique que nous donne le Code civil, la loi sur l’organisation judiciaire des 16-24 août 1790, la jurisprudence de la Cour de cassation et le syllogisme judiciaire. Car, dès que l’on accède aux conclusions des avocats généraux et aux rapports des conseillers rapporteurs, il devient tout à fait évident que les débats au sein de la haute magistrature n’ont que très peu à voir avec le discours public du juge français.
9 Ceci nous est devenu tout à fait apparent quand, au milieu des années 1990, nous avons pu avoir accès aux dossiers de la Cour de cassation. Ainsi, tout un champ discursif interne au système judiciaire français s’ouvrit devant un jeune doctorant américain, un champ dans lequel les magistrats étaient censés devoir proposer, expliquer et défendre leurs solutions tout en prenant en considération la jurisprudence, la doctrine, la nécessité d’adapter ou de moderniser le droit aux besoins d’une société en transition perpétuelle, et même (et peut-être surtout) en s’engageant volontiers – et avec une franchise tout à fait surprenante pour un juriste américain – dans des débats sur l’équité, l’intérêt général, l’ordre public et la justice économique ou sociale [5].
10 Et, bien évidemment, le système juridique américain se révèle infiniment plus raisonnable que les caricatures civilistes pouvaient le laisser imaginer. Il suffit de feuilleter la longue liste de fameuses critiques doctrinales américaines du « formalisme » judiciaire, telles celles de Oliver Wendell Holmes, Roscoe Pound, Wesley Hohfeld ou Karl Llewellyn [6], pour comprendre que les juristes américains ont eu depuis longtemps conscience – tout comme les juristes français – d’une tendance vers un certain excès de rigidité et de déduction interprétatives, ce qui suggère bien à quel point il est improbable que la prise de décision judiciaire à l’américaine soit aussi désorganisée et indisciplinée que le civiliste non avisé pourrait l’imaginer.
11 Nous avons donc à traiter de deux systèmes juridiques et judiciaires qui se révèlent relativement complexes et nuancés. Ce sont des systèmes qui manifestent leurs propres problèmes, qui abordent leurs propres questions et qui y apportent leurs propres solutions. Bref, ce sont des systèmes qui nous offrent des styles différents.
12 Si nous abordons donc le système judiciaire français, il faut d’abord reconnaître que le fameux discours déductif et formaliste du juge français – dont le symbole serait le syllogisme judiciaire – ne représente en fait que la face publique du système. Car au sein de ce système existe un discours remarquablement différent, mais tout aussi important : son discours interne et professionnel, dans lequel les magistrats cherchent à promouvoir l’équité et l’adaptation du droit aux besoins d’une société en transition perpétuelle.
13 Loin d’être hypocrite ou inefficace, ce système dualiste maintient de bonne foi et pour de bonnes raisons son double discours judiciaire. Au niveau conceptuel, le système français offre une conception nuancée de la théorie classique des sources du droit. Ainsi que le suggérait déjà François Gény, la jurisprudence française exerce assez souvent une autorité normative considérable et même décisive. Mais, tout comme F. Gény, les juristes français ont le plus souvent refusé d’accorder à ce pouvoir pratique le statut officiel de « droit » [7]. Cette approche limite formellement le pouvoir normatif du juge. Le fameux syllogisme judiciaire représente bien entendu le symbole de cette limitation ; mais il impose aussi une réelle contrainte sur les capacités normatives des juges français. Il n’est pas facile, après tout, d’imposer ou de justifier une jurisprudence à partir d’un syllogisme long de quelques lignes.
14 En revanche, cette limitation formelle sur le statut de la jurisprudence libère aussi les juges, puisqu’elle leur laisse une certaine flexibilité argumentative. Comme la jurisprudence ne crée pas formellement le droit, il est permis aux juges de changer leurs interprétations. Face aux pressions pratiques ou sociales, les juges peuvent donc agir au nom de l’équité quand il s’agit de cas particuliers ou au nom de l’adaptation ou de la modernisation du droit quand il s’agit de problèmes juridiques récurrents.
15 Si ce système conceptuel laisse un certain pouvoir créateur et même normatif au juge, l’administration de ce pouvoir est elle-même encadrée par une série de structures d’ordre institutionnel. Ainsi, le magistrat français fonctionne au sein d’une hiérarchie fortement centralisée qui exerce sur lui un sérieux contrôle. À peu d’exceptions près, il n’y est admis que par voie de concours. Il subit une longue formation professionnelle qui mène à d’importants classements. Il n’avance loin dans sa hiérarchie professionnelle que grâce à la qualité de son travail, tel qu’il est perçu, surtout par ses collègues de statut supérieur dans la hiérarchie. Bref, l’exercice efficace du pouvoir normatif du juge français demande que celui-ci reproduise fidèlement les valeurs du système institutionnel dans lequel il sera inséré pendant la totalité de sa carrière professionnelle.
16 Le système judiciaire français est un système essentiellement républicain dans lequel tous les acteurs importants – que ce soient les hauts magistrats, les membres du parquet, les avocats aux conseils ou les professeurs de droit – sont censés représenter à leur façon le peuple français. Ils viennent tous d’un système de concours et d’éducation nationaux ; et ils resteront quasiment toujours insérés dans des structures institutionnelles qui exerceront sur eux d’importantes pressions intellectuelles et professionnelles. L’idée directrice consiste à ce que l’administration quotidienne de l’interprétation judiciaire ait lieu à l’intérieur du système judiciaire [8], grâce à une série de discussions particulièrement franches, personnelles et collégiales entre des corps d’élites à la fois qualifiés et représentatifs. Le système judiciaire français cherche donc à restreindre le pouvoir des juges de deux manières. Grâce à la théorie des sources du droit, il limite formellement le pouvoir normatif des juges. Puis, il s’assure de la bonne administration du pouvoir normatif restant en l’insérant dans une longue série de structures institutionnelles et professionnelles.
17 Le système juridique américain nous offre un contraste évident, refusant quasiment toute structure institutionnelle importante dans le domaine judiciaire. Aux États-Unis, il n’existe pas le moindre équivalent de l’École nationale de la magistrature (ENM) ou de l’École nationale d’administration (ENA), ni même d’ailleurs de formation judiciaire à proprement parler. Bien plus, il n’y a pas de carrière judiciaire proprement dite : les juges sont choisis, au niveau étatique aussi bien que fédéral, durant leur carrière et par des moyens politiques (que ce soit par élection, nomination, etc.). De plus, comme il n’y a aucun corps judiciaire, il n’existe aucune hiérarchie pouvant offrir une carrière professionnelle dans laquelle le magistrat pourrait avancer suivant son expérience et ses mérites. Le juge américain est donc rarement jeune et ne peut imaginer qu’il sera promu : son poste représente déjà une récompense majeure et restera presque certainement le fleuron de sa carrière.
18 Le système juridique américain renonce donc quasiment à tout moyen d’ordre éducatif, professionnel ou institutionnel pour contraindre, contrôler ou diriger le travail de ses magistrats. Comment alors justifier leurs interventions judiciaires et l’exercice par les juges américains d’un réel pouvoir normatif ? Après tout, ceux-ci se heurtent couramment au pouvoir politique et leurs décisions sont incontestablement qualifiées de source de droit. La réponse tient au caractère décentralisé, participatif et argumentatif du système judiciaire américain. Celui-ci demande à tout juge de s’exprimer à titre personnel. C’est donc l’opinion judiciaire qui doit produire sa propre justification, sa propre légitimité. C’est cette opinion qui doit elle-même contraindre et diriger la prise de décision non seulement du juge de l’espèce, mais aussi des juges qui auront à traiter de cette opinion en tant que precedent. Ainsi, toute la justice américaine repose sur l’argumentation du juge. Comme l’opinion judiciaire crée le case law, il est essentiel que le juge assume ses arguments de manière individuelle et publique : pour qu’un tel pouvoir judiciaire obéisse aux exigences de la rule of law, ses arguments doivent être directement accessibles au public. Bref, on comprend pourquoi un tel système prône à ce point la transparence judiciaire.
19 Les systèmes juridiques français et américain se différencient ainsi facilement : le premier est doté d’une forte structure institutionnelle et d’une idéologie nettement républicaine, tandis que la riche structure argumentative du second fusionne avec son idéologie démocratique, voire populiste (chaque juge et chaque citoyen est supposé avoir un accès direct à l’argumentation profonde et personnelle qui explique et justifie – et qui, par cela, organise et restreint – le case law créé par la décision judiciaire).
II. La transformation du système français
20 Au cours des dernières années, le système de prise de décision selon le modèle français a subi d’énormes pressions au nom de l’article 6-1 de la Convention européenne des droits de l’homme. Ces pressions ont laissé d’importantes traces sur le style judiciaire français, c’est-à-dire sur l’ensemble des institutions et des pratiques qui aboutissent à la décision judiciaire.
21 Les transformations du système de prise de décision dans les hautes juridictions françaises ne sont pas pour autant le résultat d’un simple processus de correction européenne du système judiciaire français. La jurisprudence sur le « procès équitable » garanti par l’article 6-1 de la Convention fait plutôt partie d’une plus grande série de transformations à l’intersection des systèmes judiciaires nationaux et européens, où se produit une circulation complexe de pressions entre tout un groupe de hautes juridictions. Ces pressions découlent du simple fait que toutes ces juridictions appliquent de plus en plus les mêmes règles de droit ou, tout au moins, des règles voisines. Cette dynamique est particulièrement évidente dans le contexte des droits fondamentaux, qui dominent désormais les domaines judiciaires. Cette convergence plus ou moins simultanée des tribunaux nationaux et européens sur le vocabulaire des droits fondamentaux crée un environnement plutôt épineux où ces hautes juridictions rivalisent, ce qui ne peut que provoquer un certain nombre de malentendus, de désaccords, voire de rivalités et de conflits.
22 Le contentieux sur le « procès équitable » garanti par l’article 6-1 de la Convention démontre bien ce phénomène. D’entrée de jeu, il faut reconnaître la multiplicité des hautes juridictions en question. Au niveau français, ce sont au moins deux hautes juridictions qui sont en jeu : la Cour de cassation et le Conseil d’État. Mais il en est de même au niveau européen, où la CEDH et la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) sont concernées. Sans même parler des hautes juridictions de Belgique, des Pays-Bas et du Portugal qui ont elles-aussi été mises en cause par la CEDH [9]. Cette modification d’ordre systémique – comme le montre la création d’un environnement juridique richement interactif et même plutôt compétitif dominé de plus en plus par la lingua franca transversale des droits fondamentaux – mérite d’être reconnue pour le changement majeur qu’elle représente. Par contre, il n’est pas du tout évident que cette importante évolution systémique entraîne toujours et nécessairement des changements de fond qui soient logiques ou cohérents sur le terrain.
23 Le contentieux sur le « procès équitable » est ici instructif. Après tout le tohu-bohu produit par la jurisprudence de la CEDH, par « la Crise Kress » [10] et ses suites, les effets pratiques de ce long brouhaha restent à la fois incohérents et curieusement inutiles. Dans une série de décisions rendues au cours des vingt dernières années, la CEDH a mis en cause, à plusieurs reprises, les procédures de prise de décisions utilisées par les hautes juridictions conçues sur le modèle français. Ce faisant, elle a condamné précisément les pratiques et les structures institutionnelles qui reflètent l’idéologie classique et républicaine de la fonction judiciaire à la française : en soulignant l’importance de permettre au justiciable de jouer un rôle actif dans les litiges, la CEDH a critiqué le caractère clos et institutionnel des procédures de prise de décision françaises.
24 Ces procédures classiques permettaient à deux magistrats clés – le conseiller rapporteur et un mentor judiciaire, soit l’avocat général à la Cour de cassation ou feu le commissaire du gouvernement au Conseil d’État – de diriger les débats qui se conduisaient au sein des institutions judiciaires. Ces débats étaient remarquablement candides et intensifs ; et ils n’hésitaient pas à promouvoir l’équité, l’intérêt général ou l’ordre public [11]. En conséquence, les parties et leurs avocats n’exerçaient que très rarement leur capacité de présenter des arguments oraux une fois qu’ils avaient soumis leurs observations écrites, leur rôle dans le processus de prise de décision étant alors terminé. C’étaient aux magistrats de bien faire leur travail au nom de la loi et de la République.
25 Prônant une perspective attachée aux droits fondamentaux, la CEDH a trouvé beaucoup à redire à ces procédures traditionnelles françaises. Soulignant la capacité que devraient avoir les individus à jouer un rôle actif dans leurs litiges, la CEDH a insisté sur le fait que les parties puissent accéder et répondre aux importants documents créés au cours des débats préparatoires au sein des institutions judiciaires. Primo, puisque l’avocat général ou le commissaire du gouvernement sont susceptibles d’avancer des arguments préjudiciables à l’une des parties, celles-ci devraient pouvoir recevoir les conclusions de ce mentor judiciaire suffisamment à l’avance pour pouvoir, si nécessaire, y répondre lors des débats. Secundo, le mentor judiciaire ne devrait pas être mis dans une position privilégiée grâce à sa capacité d’accéder au rapport et aux projets d’arrêt du rapporteur, étant donné que ces documents restent inaccessibles aux parties. Tertio, le mentor devrait également être retiré du délibéré judiciaire, afin que les parties ne puissent pas imaginer qu’il y gagne un avantage argumentatif.
26 La jurisprudence de la CEDH sur le « procès équitable » a bien du mal à opposer sa perspective individualiste des droits fondamentaux de l’homme à l’encontre de la vision républicaine du système judiciaire français. Réduire le personnage républicain du mentor judiciaire à un simple adversaire potentiel du justiciable prive le système français de sa logique profonde, à savoir que c’est l’institution judiciaire – plutôt que le plaideur individuel et intéressé – qui représente le mieux l’intérêt général. Par contraste, la CEDH place le justiciable dans une position privilégiée : grâce à ses droits fondamentaux procéduraux et substantiels, celui-ci devrait être habilité à jouer un rôle central au point de vue analytique aussi bien que procédural, même si ceci ne peut s’accomplir qu’au détriment de la philosophie, des structures et des pratiques traditionnelles des tribunaux français.
27 Les hautes juridictions françaises ont répondu à ces pressions européennes de manière totalement différente. Le Conseil d’État a longtemps et obstinément résisté à la jurisprudence de la CEDH sur le « procès équitable ». Il a fait presque tout ce qui était en son pouvoir pour maintenir sa vision traditionnelle des procédures de décision républicaines, au point d’avancer quelques fois des arguments à la limite de la franchise. Il a refusé de retirer son mentor (le commissaire du gouvernement) du délibéré ; et il a offert aux parties aussi peu de droits d’information et de réponse que possible [12].
28 La Cour de cassation, au contraire, a cherché tout de suite à profiter de la jurisprudence de la CEDH afin de s’engager dans une refonte de ses procédures de prise de décision. Ses réformes – lancées sous la présidence brillante de Guy Canivet – ont augmenté la capacité des individus, des entreprises et autres intéressés à intervenir énergiquement dans le processus de prise de décision. D’abord, l’avocat général a perdu l’accès privilégié qu’il avait toujours eu aux discussions et informations internes de la Cour. Non seulement il ne reçoit maintenant que le même « rapport objectif » que les parties, mais il a été complètement exclu des délibérations de la Cour qui ont lieu avant aussi bien qu’après les débats. De plus, les parties peuvent maintenant répondre à ses conclusions, soit oralement lors des débats, soit par écrit. Et encore, dans tout litige important, le conseiller rapporteur doit maintenant révéler son analyse juridique non seulement aux parties en aval de l’audience, mais aussi au grand public : son « rapport objectif » est aujourd’hui publié à côté de l’arrêt dans le bulletin officiel de la Cour. Bref, la Cour de cassation a choisi – par contraste avec le Conseil d’État – de modifier l’équilibre des puissances dans ses procédures de prise de décision ; et elle l’a modifié sensiblement dans la direction des parties privées au détriment des avocats généraux.
29 Mais quels sont vraiment les effets pratiques de ces réponses françaises à la jurisprudence européenne sur le « procès équitable » ? Regardons-les d’un peu plus près. Premièrement, les parties devant les hautes juridictions françaises ont acquis le droit limité de recevoir une certaine forme de notification préalable sur les positions prises par le rapporteur et le mentor judiciaire. Mais quelle sorte d’information les parties doivent-elles recevoir, de la part de qui, et à quel moment de la procédure ? Le Conseil d’État, pour sa part, a tout simplement refusé de faire des concessions ; il a souligné que sa pratique existante permettait déjà aux avocats aux conseils de demander au mentor (le commissaire du gouvernement, maintenant le rapporteur public) de les informer du sens général de ses conclusions. Malgré ce refus plus ou moins catégorique du Conseil, la CEDH a néanmoins béni ces procédures existantes [13]. Ainsi, les parties qui comparaissent devant le Conseil d’État n’ont quasiment rien gagné.
30 La Cour de cassation, surtout sous la présidence de Guy Canivet, était prête à faire certains gestes de conciliation. En réponse aux décisions Borgers [14] et Vermeulen [15], la Cour s’est ainsi appuyée sur la pratique du Conseil d’État permettant à l’avocat de connaître l’essentiel de la position du mentor judiciaire, en exigeant en plus que le conseiller rapporteur donne une indication sommaire du sens de sa position [16].
31 Mais quel avantage les parties peuvent-elles vraiment tirer de ces petites informations ? Franchement, pas grand-chose. Elles apprennent seulement la décision déjà prise par le rapporteur de rédiger un rapport en faveur ou contre le pourvoi et le sens de la position du mentor judiciaire. La première information est presque inutile, car elle ne donne aucune explication de fond de la position du rapporteur. En effet, cela ne donne à l’avocat que la possibilité d’évaluer les chances de son dossier, étant donné l’influence du rapporteur dans le délibéré. La seconde information n’est pas beaucoup plus importante, étant donné que le mentor ne doit communiquer que le « sens » de ses conclusions, et non pas les conclusions elles-mêmes. Inutile de dire que de telles informations sommaires ne peuvent être que d’une faible utilité.
32 Tout aussi importante est la question de quand les parties reçoivent ce minimum d’information. L’annotation du rapporteur n’apparaît qu’une semaine avant l’audience ; et le mentor judiciaire ne doit informer les parties du sens de ses conclusions que la veille de l’audience [17]. Un préavis aussi court ne permet guère aux parties de repenser et de remanier leurs positions avant les plaidoiries. Pire encore est le fait que le système juridique français – que ce soit dans le domaine du droit privé, administratif, ou constitutionnel – est très largement orienté vers la procédure écrite. Comme les magistrats français ne divulguent leurs informations que tard dans la procédure, les avocats n’ont aucune possibilité réelle de refondre leurs propres conclusions écrites.
33 L’importance de ces réalités ne devient vraiment évidente que lorsque l’on regarde la deuxième victoire que les parties semblent avoir remportée devant la CEDH : le droit de répondre – soit oralement, soit par la présentation d’une note en délibéré – aux arguments présentés à l’audience par le mentor judiciaire. À première vue, ce « droit » pourrait être pris pour une concession majeure de la part des hautes juridictions françaises. Mais tout juriste avisé devrait reconnaître tout de suite que cette concession ne représente – du moins de nos jours – qu’une formalité. Pourquoi ? Parce que les avocats aux conseils ne plaident que très rarement à l’audience [18]. La procédure française – comme celle de tout système venant, après tout, d’un « pays de droit écrit » – est surtout (et bien évidemment) écrite et non pas orale. Cela signifie, presque par définition, que tout argument sérieux est un argument par écrit. Il n’est donc point surprenant que les plaidoiries jouent un rôle plutôt modeste dans la procédure d’appel en France, surtout devant les juridictions les plus techniques et éminentes, telles que la Cour de cassation, le Conseil d’État, voire le Conseil constitutionnel.
34 L’autre élément qui explique ce manque de plaidoiries lors de l’audience est l’étendue des délibérations qui se produisent au sein du corps judiciaire français, c’est-à-dire tout au long de l’instruction. Le rapporteur produit et distribue son rapport – qui est souvent long de plus d’une trentaine de pages – bien avant l’audience. Non seulement ce rapport résume les faits, la procédure, et les conclusions des parties, mais il présente également une analyse détaillée faite par le rapporteur des diverses sources de droit en question, de la jurisprudence et de la doctrine, et, finalement, il avance et justifie la solution que le rapporteur suggère à titre personnel. Ce dernier produit également, bien sûr, un ou plusieurs projets d’arrêts, qu’il distribue avec le rapport à ses collègues.
35 En outre, l’important travail du rapporteur ne représente en fait qu’une partie des délibérations préparatoires que font les conseillers à la Cour de cassation ou au Conseil d’État. Voici, par exemple, la description que donne la CEDH de la procédure que suit le Conseil d’État une fois que le rapporteur distribue son rapport et le(s) projet(s) de jugement.
40. Le dossier passe ensuite entre les mains du réviseur, fonction assumée dans chaque sous-section par le président ou l’un de ses deux assesseurs. Le réviseur réexamine les pièces du dossier et se fait une opinion sur la solution à apporter au litige. Il peut rédiger lui-même un autre projet de décision en cas de désaccord avec le rapporteur. Une fois le projet de décision révisé, l’affaire est inscrite au rôle d’une séance d’instruction de la sous-section, où le projet fera l’objet d’une discussion collégiale, en présence du commissaire du gouvernement, qui ne prend toutefois pas part au vote sur le projet. Ce n’est qu’après adoption du projet de décision par la sous-section que le dossier est transmis au commissaire du gouvernement pour lui permettre soit de préparer ses conclusions, soit de demander la convocation d’une nouvelle séance d’instruction ou le renvoi de l’affaire à une autre formation.
[…]
43. Membre du Conseil d’État et attaché à la sous-section qui est à la base de la formation de jugement appelée à donner une solution à l’affaire, le commissaire du gouvernement assiste, sans voter et généralement en silence, à la séance d’instruction où les affaires sont présentées par les rapporteurs, et reçoit copie du projet d’arrêt adopté par la sous-section et révisé par le réviseur. Lorsque sa position sur un dossier est différente de celle de la sous-section, il peut venir en discuter avec celle-ci lors d’une autre séance d’instruction. Si le désaccord persiste et s’il estime que l’affaire est suffisamment importante, il dispose de la faculté (rarement utilisée en pratique) de demander le renvoi de l’affaire soit à la section du contentieux, soit à l’assemblée (article 39 du décret du 30 juillet 1963 relatif à l’organisation et au fonctionnement du Conseil d’État). Ce n’est qu’après qu’il préparera ses conclusions en vue de la séance publique de jugement [19].
37 Étant donné que ces procédures préparatoires sont très longues, détaillées et collégiales, il n’est nullement surprenant que les parties ne demandent que rarement à plaider lors de l’audience devant les hautes juridictions françaises. Après tout, la formation judiciaire aura déjà reçu et débattu le rapport du conseiller rapporteur ; en fait, elle aura couramment modifié et provisoirement adopté l’un de ses projets d’arrêt. Cela étant, on peut facilement comprendre comment la demande d’un avocat de plaider à l’audience pourrait être vue d’un mauvais œil. Une telle demande pourrait laisser entendre que le rapporteur n’a pas fait son travail correctement ; peut-être pire, elle pourrait suggérer que les longues délibérations internes à la haute juridiction étaient insuffisantes pour découvrir et apprécier de meilleures solutions ; ou, ce qui est le plus probable, elle pourrait indiquer que l’avocat cherche tout simplement à impressionner son auditoire.
38 Le droit de répondre aux conclusions de l’avocat général ou du commissaire du gouvernement/rapporteur public n’est donc plus ou moins qu’une formalité. En termes simples et pour toute une série de raisons pratiques, professionnelles, institutionnelles, procédurales et culturelles, les avocats aux conseils ne plaident que très rarement devant les juridictions suprêmes françaises. À toutes fins pratiques, il est donc quasiment inutile pour la CEDH de provoquer un renforcement apparent de cette pratique orale sans s’attaquer aux raisons sous-jacentes pour lesquelles celle-ci reste traditionnellement inutilisée.
39 Finalement, la troisième victoire que les parties semblent avoir remportée devant la CEDH est le droit négatif, pour ainsi dire, d’exclure le mentor judiciaire du délibéré après l’audience. Mais quels sont les fruits de cette victoire, étant donné que la raison d’être du mentor n’est que de donner une évaluation indépendante des questions soulevées par le litige ? Selon la formulation classique, le commissaire du gouvernement, par exemple, « a pour mission d’exposer les questions que présente à juger chaque recours contentieux et de faire connaître, en formulant en toute indépendance ses conclusions, son appréciation, qui doit être impartiale, sur les circonstances de fait de l’espèce et les règles de droit applicables ainsi que son opinion sur les solutions qu’appelle, suivant sa conscience, le litige soumis à la juridiction à laquelle il appartient » [20]. Ainsi que le conçoit la Cour de cassation, la mission essentielle de l’avocat général à la Cour est « de veiller à l’uniformité de l’interprétation de la loi ainsi qu’à sa conformité à la volonté du législateur, à l’intérêt général et à l’ordre public. Il doit également s’assurer de l’unité de la jurisprudence aussi bien au sein de la Cour que dans l’ensemble des juridictions » [21]. En principe, le mentor devrait donc bénéficier à toute partie qui se soumet au jugement des tribunaux. Et en pratique, le mentor est tout aussi susceptible de conclure en faveur de la position d’une partie dans le litige qu’il est de conclure contre celui-ci.
40 Exclure le mentor judiciaire du délibéré interne à la formation du jugement ne représente donc pas une victoire pour les justiciables, à la fois à titre individuel et surtout en tant que groupe. Cette exclusion ne fait qu’isoler le mentor de la formation sans produire plus d’information, de compréhension ou d’accès de la part des parties. Après tout, personne ne pourrait imaginer que les juridictions suprêmes françaises seraient prêtes à ouvrir le délibéré aux parties ou au grand public afin de permettre au mentor judiciaire de continuer à y assister.
41 Par contre, les coûts pour le système judiciaire français apparaissent majeurs, surtout pour la Cour de cassation. La jurisprudence de la CEDH touche non pas à une simple norme du droit positif français, mais au fonctionnement interne du système judiciaire français lui-même. Cette jurisprudence affronte et condamne le cœur même de ce système : les méthodes traditionnelles par lesquelles les plus hauts niveaux de l’appareil judiciaire français exerçaient leurs fonctions essentielles.
42 Sur le plan pratique, les décisions de la CEDH risquent de modifier sensiblement la procédure de prise de décision des juridictions suprêmes françaises non pas parce qu’elles confèrent un vrai pouvoir aux parties, mais surtout parce qu’elles menacent le mentor judiciaire sinon d’extinction, tout au moins de non-pertinence. Au lieu de participer à une discussion institutionnelle privilégiée avec les formations de jugement – d’abord avec le rapporteur (et, dans une certaine mesure, avec le reste de la formation) avant l’audience, et ensuite avec la formation dans le délibéré –, le mentor risque d’être renvoyé de ces lieux privilégiés de délibération.
43 Pour la justice française, l’expulsion du mentor judiciaire marque un changement profond et inquiétant, frappant précisément, même si peut-être involontairement, au cœur du principe directeur du système français : le contrôle et la légitimité judiciaire que doit produire l’éducation, la formation, la méritocratie, la hiérarchie, le travail d’équipe et l’expertise de la magistrature judiciaire et administrative. Ce bannissement endommage la profondeur, la franchise, et la qualité des débats internes de la magistrature. Après tout, dans la mesure où le mentor ne peut plus accéder au travail du rapporteur, toute une partie – et traditionnellement, probablement la partie la plus importante – des débats judiciaires internes est tout à fait perdue. De plus, il reste le problème très pratique, souligné par les avocats généraux à la Cour de cassation, que chaque avocat général ainsi privé des travaux préparatoires du rapporteur doit commencer à partir de rien ses recherches dans chaque dossier. Le corps restreint d’avocats généraux est institutionnellement incapable de gérer cette réplication inefficace de travail [22].
44 Deuxièmement, l’expulsion du mentor judiciaire compromet l’importante hiérarchie méritocratique et institutionnelle française. Pour saisir cette dimension du problème, il faut comprendre que les commissaires du gouvernement, par exemple, représentent l’élite de l’élite des jeunes membres du Conseil d’État. En fait, ces mentors sont les meilleurs « poulains » du Conseil, qui assurent la fonction de mentor pour quelques années comme un premier exercice prestigieux de leadership intellectuel et institutionnel [23].
45 Exclure ainsi le mentor des délibérations qui ont lieu avant aussi bien qu’après l’audience reviendrait donc à exiler ces « grands » de la profession de leurs institutions. Ceci retarderait leur progression ainsi que leur formation institutionnelle, risquerait à court et à long terme d’entamer la qualité des débats judiciaires internes, et nuirait à la légitimité judiciaire française en compromettant ses importants fondements républicains et institutionnels. En d’autres termes, l’expulsion potentielle du mentor judiciaire risque de produire des dommages irréparables aux méthodes de travail traditionnelles, au système de formation, et à l’esprit de corps des juridictions suprêmes françaises. Non seulement les jeunes membres les plus prometteurs du Conseil d’État ne pourraient plus jouer un rôle privilégié dans les délibérations internes du Conseil, mais, contrairement à tous les autres conseillers, ils seraient totalement interdits de participer au délibéré et donc de passer par l’apprentissage de ces délibérations internes.
46 Le dernier épisode de ce feuilleton sur le procès équitable a eu lieu en juin 2013, avec l’arrêt Marc-Antoine [24] rendu par la CEDH. Il ne fait que renforcer le bilan mitigé que nous venons de dresser. Face à la jurisprudence de la CEDH, qui se montrait de plus en plus menaçante, de ses débuts (Borgers c. la Belgique) jusqu’à Martinie c. la France, en passant par Slimane-Kaïd et Kress [25], le Conseil d’État s’était montré remarquablement intransigeant. Non seulement il avait refusé d’exclure le commissaire du gouvernement des délibérations de la formation de jugement dans la phase antérieure à l’audience (comme l’avait fait la Cour de cassation), mais il avait même refusé de l’exclure du délibéré, malgré la condamnation formelle de cette pratique devant la Cour de cassation [26]. Pire encore, le Conseil s’était presque moqué de la Cour de Strasbourg en adoptant deux mesures dont la mauvaise foi était plutôt apparente. D’abord, il avait changé le nom du commissaire du gouvernement, qui devenait ainsi le « rapporteur public » ; cela ne représentait bien évidemment qu’un changement de pure forme, si ce n’est pour éviter certains malentendus. Ensuite, comme la CEDH avait retenu que le commissaire du gouvernement ne pouvait pas « participer au délibéré », le rapporteur public pouvait néanmoins y « assister » – « sauf demande contraire d’une partie » – bien qu’il ne pût pas y « prendre part » [27]. Cette dernière idée, bien que rusée, ne pouvait que manquer de sincérité : après tout, quel membre du petit groupe d’avocats aux conseils serait prêt à bouleverser les usages en interdisant à ce membre important du Conseil d’État d’accompagner ses collègues en délibéré ? Finalement, le Conseil avait tout simplement refusé d’entreprendre des réformes telles que celles adoptées par la Cour de cassation, qui ont exclu le mentor des discussions internes préparant l’audience et qui ont mis fin à la transmission au mentor de la totalité du rapport du conseiller rapporteur, y compris le projet d’arrêt ou de décision.
47 Face à cette résistance quasiment totale, la CEDH ne pouvait que condamner la haute juridiction administrative française. Cette nécessité ne venait nullement du fait que le principe même du procès équitable demandait en soi la condamnation, mais plutôt que la jurisprudence de la Cour de Strasbourg ne laissait aucun doute. Avant que la CEDH ne se prononce dans l’affaire Marc-Antoine, la professeure Laure Milano résumait clairement cette nécessité en parlant de l’information privilégiée que recevait encore le rapporteur public.
Si l’on se place du point de vue de l’orthodoxie jurisprudentielle européenne, il n’y a aucune justification valable pour qu’elle ne condamne pas l’information privilégiée du rapporteur public. […] Au regard de la jurisprudence européenne relative au ministère public (expression employée au sens large, voir I. Pingel, F. Sudre (dir.), Le ministère public et les exigences du procès équitable, Bruylant, 2003), la condamnation de la France apparaîtrait logique. D’une part, parce que dans le raisonnement adopté par le juge européen, l’avocat général comme le rapporteur public sont assimilés à des parties. D’autre part, parce qu’il n’y a pas, sur la question de l’information privilégiée du ministère public, de différences notables entre la situation de l’avocat général et celle du rapporteur public qui justifieraient un traitement différent [28].
49 En effet, la CEDH avait condamné systématiquement toute haute juridiction nationale coulée dans le moule français, telles que les cours suprêmes de France, des Pays-Bas, de Belgique et du Portugal [29]. Et pourtant, voici que la CEDH fait volte face : malgré sa condamnation formelle de la pratique à la Cour de cassation selon laquelle l’avocat général – mais non pas les parties – recevait communication du rapport et du projet d’arrêt du conseiller rapporteur, la CEDH décide soudain :
32. Au surplus, la Cour note que le requérant ne démontre pas en quoi le rapporteur public serait susceptible d’être qualifié d’adversaire ou de partie dans la procédure, condition préalable pour être à même d’alléguer une rupture de l’égalité des armes.
[…]
34. En tout état de cause, la communication du projet de décision au rapporteur public n’a placé le requérant dans aucune situation de désavantage par rapport à quiconque [30].
51 Avec cette prise de position, ainsi que le souligne Nicolas Hervieu, « la Cour procède à une inflexion majeure, qui tient plus du revirement de jurisprudence que d’un simple assouplissement » [31]. Voici que, tout d’un coup, la place privilégiée du rapporteur public dans le processus de prise de décision du Conseil d’État se trouve blanchie par la CEDH.
52 À cette surprise que représente la position de la cour strasbourgeoise, on devrait ajouter sa décision tout aussi importante dans l’arrêt Etienne c/ France [32], dans laquelle la CEDH a formellement approuvé la solution réglementaire adoptée par la France à la suite de sa condamnation dans l’affaire Kress. Cette solution rusée s’appuie sur l’article R.733-3 du Code de justice administrative, qui précise qu’au Conseil d’État, « sauf demande contraire d’une partie, le commissaire du gouvernement assiste au délibéré, il n’y prend pas part ». En approuvant cette solution, la CEDH a effectivement maintenu la place du commissaire du gouvernement au délibéré, une décision qui sera ensuite étoffée dans l’arrêt Marc-Antoine, dans lequel celui-ci – maintenant rebaptisé « rapporteur public » – maintient sa place d’honneur dans les délibérations internes du Conseil, grâce à son accès privilégié à la totalité du travail du conseiller rapporteur.
53 Voici donc qu’après plus de vingt ans de développements au nom du droit fondamental à un procès équitable garanti par l’article 6-1 de la Convention, la CEDH revient tellement sur sa jurisprudence que Nicolas Hervieu peut légitimement poser cette question : « Serait-il donc envisageable de restituer à l’avocat général devant la Cour de cassation son droit d’accès au projet d’arrêt ainsi qu’à la conférence préparatoire à l’audience [33]? » Comment la direction de la Cour de cassation et, en particulier, son ancien président Guy Canivet ne seraient-ils pas choqués que la position de la CEDH se soit finalement plus ou moins infléchie devant l’obstination du Conseil d’État, ce qui les abandonne à leur sort ?
Conclusion
54 À la fin de ces vingt années de conflit, le bilan déjà mitigé du contentieux sur le « procès équitable » se trouve donc encore amoindri par « ce revirement qui ne dit pas son nom » [34]. Le style clos et institutionnel des procédures traditionnelles de prise de décision françaises se trouve effectivement confirmé par la CEDH. Il ne reste aux conseillers de la Cour de cassation qu’à décider dans quelle mesure et par quelle procédure des dispositions pourront être prises pour réintégrer les avocats généraux au sein de ses délibérations internes et privilégiées [35].
55 Bien que la jurisprudence sur le « procès équitable » n’ait donc provoqué à la fin que de très médiocres changements dans les procédures de prise de décision des hautes juridictions françaises, il faut néanmoins lui reconnaître des effets bien plus significatifs. D’abord, elle a produit des effets néfastes au niveau interinstitutionnel. La Cour de cassation, le bon élève dans cette histoire, ayant compromis la logique et l’intégrité de son traditionnel processus de prise de décision en exilant l’avocat général du travail essentiel de la Cour, se trouve abandonnée par le revirement inavoué de la CEDH. Le Conseil d’État, bon élève européen dans tellement de domaines, se trouve non seulement contraint de monter une défense acharnée contre une jurisprudence hautement discutable de la Cour de Strasbourg, mais se trouve finalement récompensé pour avoir maintenu (grâce parfois à des arguments à la limite de la bonne foi) un refus aussi obstiné que compréhensible. C’est donc peut-être la CEDH qui se révèle la vraie perdante. Elle sème le doute à la Cour de cassation : pourquoi celle-ci assumerait-elle encore des risques au nom de Strasbourg ? Elle enhardi la résistance au Conseil d’État : pourquoi celui-ci choisirait-il maintenant de s’infléchir devant une jurisprudence qui ne lui sied pas ? Et bien entendu, ces leçons ne peuvent échapper aux cours suprêmes dans toutes les capitales de l’Europe [36].
56 N’oublions pas non plus que ce feuilleton sur « le procès équitable » impliquait une dernière haute juridiction : la Cour de justice de l’Union européenne. En effet, la jurisprudence de la CEDH a quasiment forcé la Cour de justice à défendre ses propres processus traditionnels de prise de décision, qui étaient eux-aussi calqués sur le modèle français. Tout comme le Conseil d’État – et suivant d’ailleurs exactement les mêmes arguments – la Cour de justice a refusé obstinément de s’aligner sur la jurisprudence de la CEDH [37]. Ce faisant, la Cour de justice a relevé le vrai défi que lui pose la CEDH : elle a pris en main les rênes de l’interprétation des droits fondamentaux, plutôt que d’abandonner ce pouvoir à son collègue et rival de Strasbourg. Peut-être pourrions-nous voire dans ces échanges les prémisses de l’avis 2/13 dans lequel la CJUE a rejeté l’adhésion de l’Union européenne à la CEDH [38].
57 Finalement, ce contentieux sur le « procès équitable » témoigne néanmoins d’un changement profond : la montée en puissance du vocabulaire des droits fondamentaux. Même quand une haute juridiction telle que le Conseil d’État, voire même la Cour de justice, résiste à une interprétation contestable de la CEDH, tous les débats se produisent dans le langage transversal des droits fondamentaux, qui transcende de plus en plus les fossés intellectuels, doctrinaux et juridictionnels entre les hautes juridictions nationales et européennes. C’est ainsi sur ce champ des droits fondamentaux que le style judiciaire français est véritablement en mutation profonde, quels que soient les effets immédiats et pratiques d’une jurisprudence donnée.
Mots-clés éditeurs : Cour de cassation, Procès équitable, Conseil d’État, Cour européenne des droits de l’homme
Date de mise en ligne : 20/11/2015
https://doi.org/10.3917/drs.091.0473Notes
-
[1]
Voir, par exemple, Reinhardt and Slimane-Kaïd v. France, 31 mars 1998, 1998-II Eur. Ct. H.R. 640 ; Affaire Kress c. France, 7 juin 2001, 2001-VI Eur. Ct. H.R. 1.
-
[2]
Voir, par exemple, Roscoe Pound, Jurisprudence, St Paul : West Publishing Co., 1959 ; John Dawson, The Oracles of the Law, Ann Arbor : University of Michigan Law School, 1968 ; John Henry Merryman, The Civil Law Tradition, Stanford : Stanford University Press, 1969.
-
[3]
Jean-Étienne-Marie Portalis, Discours préliminaire au premier projet de Code civil, Bordeaux : Éditions Confluences, 1998.
-
[4]
Voir Philippe Jestaz et Christophe Jamin, La doctrine, Paris : Dalloz, 2004.
-
[5]
Mitchel Lasser, « Judicial (Self-)Portraits: Judicial Discourse in the French Legal System », The Yale Law Journal, 104, 1995, p. 1325 ; Id., « Les récentes modifications du processus de décision à la Cour de cassation : le regard bienveillant, mais inquiet, d’un comparatiste nord-américain », Revue trimestrielle de droit civil 2006, p. 691.
-
[6]
Voir, par exemple, Roscoe Pound, « The Causes of Popular Dissatisfaction with the Administration of Justice », address before American Bar Association Twenty-ninth Annual Meeting (1906), reproduit dans Journal of the American Judicature Society, 20, 1937 ; Id, « Mechanical Jurisprudence », Columbia Law Review, 8, 1908, p. 605 ; Id, « The Scope and Purpose of Sociological Jurisprudence », Harvard Law Review, 24, 1911, p. 591, 25 (2), 1911, p. 140, 25 (6), 1912, p. 489 ; Karl Llewellyn, « Some Realism About Realism: A Response to Dean Pound », Harvard Law Review, 44 (8), 1931, p. 1222 ; Oliver Wendell Holmes, « The Path of the Law », Harvard Law Review, 10 (8), 1897, p. 457 ; Wesley Hohfeld, « Fundamental Legal Conceptions as Applied in Judicial Reasoning », The Yale Law Journal, 26, 1917, p. 710.
-
[7]
Voir, par exemple, François Gény, Méthode d’interprétation et sources en droit privé positif, Paris : [s. n.] 2e éd., 1919, vol. 2, p. 50-52 ; Jean Carbonnier, Droit civil, Paris : PUF, 12e éd., 1978, vol. 1, p. 157-60, n° 32.
-
[8]
Voir aussi Antoine Garapon et Ioannis Papadopoulos, Juger en Amérique et en France. Culture juridique française et Common Law, Paris : Odile Jacob, 2003, p. 110-112.
-
[9]
Voir, par exemple, CEDH, Delcourt c. Belgique, 17 janvier 1970 ; Borgers c. Belgique, CEDH 30 octobre 1991 ; Vermeulen c. Belgium, CEDH 20 février 1996 ; Lobo Machado c. Portugal, CEDH, 20 février 1996, req. n° 15764/89 ; K.D.B. c. Pays-Bas, CEDH, 27 mars 1998, req. n° 80/1997/864/1075.
-
[10]
Affaire Kress c. France, 7 juin 2001, 2001-VI Eur. Ct. H.R. 1.
-
[11]
Mitchel Lasser, « Judicial (Self-)Portraits: Judicial Discourse in the French Legal System », art. cité.
-
[12]
Même les récentes réformes du Conseil d’État qui modifient le titre de « commissaire du gouvernement » en « rapporteur public » cherchent évidemment à faire opposition à la jurisprudence de la CEDH. Voir article R 733 du Code de justice administrative.
-
[13]
Voir Kress, précité, § 69.
-
[14]
Borgers c. Belgique, CEDH, 30 octobre 1991.
-
[15]
Vermeulen c. Belgium, CEDH, 20 février 1996.
-
[16]
Reinhard, précité, § 73 : « Une mention au rôle diffusé à l’ordre des avocats aux conseils une semaine avant l’audience informe les conseils des parties du sens dudit rapport (irrecevabilité du pourvoi, rejet, ou cassation partielle ou totale). »
-
[17]
Voir Reinhardt, précité, § 106.
-
[18]
Entretien avec M. Guy Canivet, Premier président de la Cour de cassation, à Paris (25 juin 2003) ; entretien avec Mme Marie-Aimée Latournerie, conseiller d’État, à Paris (26 juin 2003) ; Marie-Noëlle Jobard-Bachellier et Xavier Bachellier, La technique de cassation : pourvois et arrêts en matière civile, Paris : Dalloz, 5e éd., 2003.
-
[19]
Kress, précité, § 40, 43.
-
[20]
Esclatine, précité.
- [21]
-
[22]
Voir Régis de Gouttes, « Les ambivalences de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme en 2001 », in « Actes de la huitième Session d’information » (arrêts rendus en 2001), Cahiers du Credho, 8, 2002, <http://www.credho.org/cedh/session08/session08-02-01.htm> ; Jean-Claude Marin, Discours prononcé à l’audience solennelle de rentrée de la Cour de cassation, le 9 janvier 2014.
-
[23]
Entretien avec Guy Braibant, conseiller d’État, à Paris (25 juin 2003) ; entretien avec Mme Latournerie, précité ; entretien avec Jean-Paul Costa, alors vice-président de la CEDH, à Strasbourg (16 juin 2003) ; voir aussi Antoine Garapon et Ioannis Papadopoulos, Juger en Amérique et en France. Culture juridique française et Common Law, op. cit., p. 111-112.
-
[24]
CEDH, 5e sect. dec., 4 juin 2013, Marc-Antoine c. France, req. n° 54984/09.
-
[25]
Borgers c. Belgique, CEDH, 30 octobre 1991 ; Martinie c. France, CEDH, 12 avril 2006, req. n° 58675/00 ; Slimane-Kaïd v. France, 31 mars 1998 ; Kress c. France, 7 juin 2001, précité.
-
[26]
Voir Reinhardt, précité.
-
[27]
Voir article R 733 du Code de justice administrative.
-
[28]
Laure Milano, « L’euro-compatibilité du rapporteur public, une nouvelle fois en question », Revue des droits et libertés fondamentaux, 2012, chron. n° 14.
-
[29]
Borgers ; Vermeulen ; Lobo Machado c. Portugal, CEDH, 20 février 1996, req. n° 15764/89 ; K.D.B. c. Pays-Bas, CEDH, 27 mars 1998, req. n° 80/1997/864/1075.
-
[30]
CEDH, 5e sect. dec., 4 juin 2013, Marc-Antoine c. France, req. n° 54984/09.
-
[31]
Nicolas Hervieu, « Droit à un procès équitable (Art. 6 CEDH). Le rapporteur public français finalement sauvé des eaux européennes », lettre « Actualités Droits-Libertés » du CREDOF, 13 juin 2013, <http://revdh.org/2013/06/13/rapporteur-public-francais-sauve-des-eaux-europeennes/>.
-
[32]
CEDH, 15 décembre 2009, Etienne c/ France, n° 11396/08 ; F. Sudre, JCP, G, 2010, chron. n° 70.
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[33]
Nicolas Hervieu, « Droit à un procès équitable (Art. 6 CEDH). Le rapporteur public français finalement sauvé des eaux européennes », art. cité.
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[34]
Ibid.
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[35]
Ceci risque d’être compliqué par la relation entre le parquet général et le pouvoir exécutif.
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[36]
Surtout les cours suprêmes de la Hollande, la Belgique et du Portugal, qui s’étaient infléchies devant la jurisprudence de la CEDH sur le procès équitable.
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[37]
Voir ordonnance de la CJCE du 4 février 2000, Emesa Sugar (Free Zone) NV c. Aruba17/98, s’inspirant de CE, 29 juillet 1998 (Esclatine), D. Jur., 1999, p. 85, concl. Chauvaux.
- [38]