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Article de revue

Un bon juriste est un juriste qui ne s'arrête pas au droit. Controverses autour de la réforme de la licence de droit de mars 1954

Pages 83 à 97

Notes

  • [1]
    Marc Malherbe, La faculté de droit de Bordeaux (1870-1970), Bordeaux : Presses universitaires de Bordeaux, 1996, p. 180.
  • [2]
    Les résultats présentés dans cet article sont le fruit d’un travail effectué à l’occasion d’un contrat post-doctoral au sein du projet ANR Élidroit. Cet article est l’occasion de remercier les membres de l’équipe et, en particulier, les coordinatrices Liora Israël et Rachel Vanneuville d’avoir rendu possible cette recherche.
  • [3]
    André-Jean Arnaud, Critique de la raison juridique. Où va la sociologie du droit ?, Paris : LGDJ, coll. « Droit et Société », 1981, p. 51.
  • [4]
    Exposé des motifs, décret n° 54-343 du 27 mars 1954 modifiant le régime des études et des examens en vue de la licence en droit.
  • [5]
    Émile Durkheim, De la division du travail social [1930], Paris : PUF, coll. « Quadrige », 2007, p. 29 et suiv.
  • [6]
    Marc Malherbe, La faculté de droit de Bordeaux (1870-1970), op. cit., p. 180.
  • [7]
    Michel Miaille, Une introduction critique au droit, Paris : Maspéro, 1976. Voir aussi Id., « La critique du droit », Droit et Société, 20-21, 1992, p. 75-92. Pour un retour historique sur ce mouvement, ses objectifs et ses effets, cf. Xavier Dupré de Boulois et Martine Kaluszynski (dir.), Le droit en révolution(s). Regards sur la critique du droit des années 1970 à nos jours, Paris : LGDJ Lextenso éditions, coll. « Droit et Société. Recherches et Travaux », 2011 ; Martine Kaluszynski, « Sous les pavés, le droit : le mouvement “Critique du droit” ou quand le droit retrouve la politique », Droit et Société, 76, 2010, p. 523-541.
  • [8]
    Michel Miaille, « Sur l’enseignement des facultés de droit en France. Les réformes de 1905, 1922 et 1954 », Procès, 3, 1979, p. 99.
  • [9]
    Ibid., p. 86.
  • [10]
    Sur le lien entre transformations du capitalisme et évolution des origines sociales des étudiants en droit, cf. ibid., p. 100.
  • [11]
    Maurice Bourjol, Philippe Dujardin, Jean-Jacques Gleizal, Antoine Jeammaud, Michel Jeantin, Michel Miaille et Jacques Michel, Pour une critique du droit. Du juridique au politique, Grenoble : Presses universitaires de Grenoble, 1978, p. 74.
  • [12]
    Michel Miaille, « Sur l’enseignement des facultés de droit en France. Les réformes de 1905, 1922 et 1954 », art. cité.
  • [13]
    Le diagnostic est posé dès 1953 par l’un des membres de la commission de réforme des études en droit (Louis Trotabas, La réforme de la licence en droit, Paris : Dalloz, 1953), puis est régulièrement réactualisé : Charles Eisenmann, Les sciences sociales dans l’enseignement supérieur, Paris : Unesco, 1972 ; Jacqueline Gatti-Montain, « Le droit et son enseignement : un demi-siècle de réflexions », Droits, 4, 1986, p. 109-122.
  • [14]
    Si elle s’inscrit dans la tradition de la critique du droit comme en témoigne son usage de la notion de « système d’enseignement du droit » (Jacqueline Gatti-Montain, Le système d’enseignement du droit en France, Lyon : Presses universitaires de Lyon, 1987, p. 6), elle cherche à constituer le droit comme savoir, opérant ainsi la jonction entre le droit-discipline et le droit comme réalité prise dans un contexte entretenant des relations avec le système en question.
  • [15]
    Jacqueline Gatti-Montain, « Le droit et son enseignement : un demi-siècle de réflexions », art. cité, p. 109.
  • [16]
    Christophe Jamin, « Dix-neuf cent : crise et renouveau dans la culture juridique française », in Denis Alland et Stéphane Rials (dir.), Dictionnaire de la culture juridique, Paris : PUF, 2003, p. 380-384.
  • [17]
    Jacqueline Gatti-Montain, « Tradition et modernité dans l’enseignement du droit », Annales d’histoire des facultés de droit et de la science juridique, 3, 1986, p. 117-135.
  • [18]
    Frédéric Audren, « Une leçon de diplomatie. À propos de Jacques Ellul, Histoire des institutions volume 1, 2, 3 et 4, Paris : PUF, coll. “Quadrige”, 1999 », Droit et Société, 44-45, 2000.
  • [19]
    Luc Boltanski, L’amour et la justice comme compétences. Trois essais de sociologie de l’action, Paris : Métailié, 1990 ; Bruno Latour, Pasteur : guerre et paix des microbes suivi de Irréductions [1984], Paris : La Découverte, 2001.
  • [20]
    L’intégralité des archives de la commission a été conservée dans le fonds « Sciences Po, Institut d’études politiques, Fondation nationale des sciences politiques 1945-1979 », constitué à partir du rassemblement des documents et des papiers de Jacques Chapsal, directeur de l’Institut d’études politiques. Le fonds a été conservé par le Centre d’histoire de Sciences Po qui en a autorisé la consultation. Que ses archivistes en soient ici remerciés.
  • [21]
    Jacqueline Gatti-Montain, Le système d’enseignement du droit en France, op. cit., p. 149.
  • [22]
    Arlette Farge, Le goût de l’archive, Paris : Seuil, 1997.
  • [23]
    Jean Balmary se joindra aux délibérations à partir de mai 1951.
  • [24]
    Jean-Louis Halpérin, Histoire du droit privé français depuis 1804 [1996], Paris : PUF, coll. « Quadrige », 2001, p. 291-292.
  • [25]
    Marc Malherbe, La faculté de droit de Bordeaux (1870-1970), op. cit., p. 180.
  • [26]
    Emmanuel Cartier, « Histoire et droit : rivalité ou complémentarité ? », Revue française de droit constitutionnel, 67, 2006, p. 514.
  • [27]
    De ce point de vue, elle s’inscrit dans la lignée des transformations profondes générées par la réforme de 1880 et, surtout, par celle de 1889, qui fait entrer le droit public de plain-pied dans les cursus. En 1905, un décret du 1er août avait fait entrer l’économie politique dans le programme de la deuxième année, première étape d’une longue autonomisation des sciences économiques jusqu’au décret du 19 août 1959 qui crée une licence ès sciences économiques dans les facultés de droit.
  • [28]
    Maurice Hauriou, « Les facultés de droit et la sociologie », Revue générale du droit, de la législation et de la jurisprudence en France et à l’étranger, 1893, tome xvii, p. 4.
  • [29]
    Frédéric Audren et Marc Milet, « Préface : Maurice Hauriou sociologue. Entre sociologie catholique et physique sociale », in Maurice Hauriou, Écrits sociologiques, Paris : Dalloz, 2008, p. viii et suiv.
  • [30]
    Guillaume Sacriste, « L’ontologie politique de Maurice Hauriou », Droit et Société, 78, 2011, p. 475-480.
  • [31]
    Sur la stratégie de Duguit, la réaction méfiante d’Hauriou et leurs évolutions respectives vers les sociologies durkheimienne et tardienne, cf. Pierre Favre, Naissances de la science politique en France, 1870-1914, Paris : Fayard, 1989, p. 97-102.
  • [32]
    Frédéric Audren, « Les professeurs de droit, la République et le nouvel esprit juridique », Mil neuf cent, 29, 2011, p. 12 ; voir aussi Carlos Miguel Herrera, « Anti-formalisme et politique dans la doctrine juridique sous la IIIe République », Mil neuf cent, 29, 2011, p. 145-165.
  • [33]
    Frédéric Audren, « Les professeurs de droit, la République et le nouvel esprit juridique », art. cité.
  • [34]
    Id., Les juristes et les mondes de la science sociale. Deux moments de la rencontre entre droit et science sociale au tournant du xixe et au tournant du xxe siècle, thèse de droit, Dijon : Université de Bourgogne, 2005.
  • [35]
    Frédéric Audren et Patrice Rolland, « Enseigner le droit dans la République. Ouverture », Mil neuf cent, 29, 2011, p. 6.
  • [36]
    Georges Gurvitch écrit ainsi qu’il faut ajouter à la formule d’Hauriou son symétrique : « un peu de droit éloigne de la sociologie et beaucoup de droit y ramène », Georges Gurvitch, Éléments de sociologie juridique, Paris : Aubier, 1940 ; extraits reproduits dans Droit et Société, 4, 1986, p. 423-428.
  • [37]
    Procès-verbal de la sous-commission de réforme des études de droit, séance du 4 novembre 1952, archives Sciences Po 2 SP 19.
  • [38]
    Ainsi, la « criminologie » est associée au droit pénal général en 2e année de licence, les « institutions judiciaires » sont enseignées avec le droit civil en 1ère année de licence en droit et l’« histoire des institutions et des faits sociaux » vient « bouleverser la conception dominante en matière d’enseignement historique, jusque-là fort dogmatique et consacré à l’étude du droit romain et de l’ancien droit français », André-Jean Arnaud, Critique de la raison juridique. Où va la sociologie du droit ?, op. cit., p. 51-52.
  • [39]
    Procès-verbal de la sous-commission de réforme des études de droit, séance du 22 novembre 1950, archives Sciences Po 2 SP 19.
  • [40]
    Dès 1956, Jean Carbonnier se chargera néanmoins d’un cours de « sociologie juridique » au sein de la faculté de Paris.
  • [41]
    Jacqueline Gatti-Montain, Le système d’enseignement du droit en France, op. cit., p. 153.
  • [42]
    Procès-verbal de la sous-commission de réforme des études de droit, séance du 20 février 1951, archives Sciences Po 2 SP 19.
  • [43]
    Cf. sur ce thème en particulier Guillaume Richard, « Les enjeux politiques et académiques des réformes de l’enseignement du droit : perspectives comparées », intervention au congrès de l’Association française de science politique, 31 août-2 septembre 2011, <http://www.congres-afsp.fr/sectionsthematiques/st42/st42richard.pdf>.
  • [44]
    Jacqueline Gatti-Montain, Le système d’enseignement du droit en France, op. cit., p. 156.
  • [45]
    « On pouvait donc s’attendre légitimement à ce que le législateur, profitant de la réforme, introduisît un cours de sociologie, fût-ce un cours à option. Il n’en décida pas ainsi », André-Jean Arnaud, Critique de la raison juridique. Où va la sociologie du droit ?, op. cit., p. 51.
  • [46]
    Jean-Louis Halpérin, Histoire du droit privé français depuis 1804, op. cit., p. 292.
  • [47]
    Procès-verbal de la sous-commission de réforme des études de droit, séance du 4 novembre 1952, archives Sciences Po 2 SP 19.
  • [48]
    Procès-verbal de la sous-commission de réforme des études de droit, séance du 25 janvier 1951, archives Sciences Po 2 SP 19.
  • [49]
    Position résumée par Robert Poplawski, procès-verbal de la sous-commission de réforme des études de droit, séance du 27 novembre 1951, archives Sciences Po 2 SP 19.
  • [50]
    Jacqueline Gatti-Montain, Le système d’enseignement du droit en France, op. cit., p. 156.
  • [51]
    André-Jean Arnaud, Les juristes face à la société du xixe siècle à nos jours, Paris : PUF, 1975, p. 192.
  • [52]
    Procès-verbal de la sous-commission de réforme des études de droit, séance du 22 novembre 1950, archives Sciences Po 2 SP 19.
  • [53]
    Louis Trotabas, La réforme de la licence en droit, op. cit., passim. Voir aussi Christian Chêne, « L’enseignement du droit (histoire) », in Denis Alland et Stéphane Rials (dir.), Dictionnaire de la culture juridique, op. cit.
  • [54]
    C’est d’ailleurs dans la foulée que l’on voit l’École nationale de la magistrature (ENM) et les Instituts d’études judiciaires se développer afin de prendre en charge cet apprentissage professionnel. Sur l’ENM, voir l’article d’Anne Boigeol dans ce dossier : « Quel droit pour quel magistrat ? Évolution de la place du droit dans la formation des magistrats français, 1958-2005 ».
  • [55]
    Procès-verbal de la commission de réforme des études en droit, séance du 23 octobre 1952, archives Sciences Po 2 SP 19.
  • [56]
    Plusieurs commentateurs ont ainsi comparé la réforme de 1954 avec les évolutions des law schools aux États-Unis ; André Tunc, « L’enseignement du droit aux États-Unis et en France du point de vue de sa méthode », Revue internationale de droit comparé, 6 (3), 1954, p. 515-520 ; Joseph Dainow, « Revision of Legal Education in France : A Four-Year Law Program », Journal of Legal Education, 495, 1954-1955, p. 495-508.
  • [57]
    Louis Trotabas, La réforme de la licence en droit, op. cit. ; Michel Miaille, « Sur l’enseignement des facultés de droit en France. Les réformes de 1905, 1922 et 1954 », art. cité, p. 97-98. Le constat sera le même dans la magistrature, cf. Anne Boigeol, « La formation des magistrats : de l’apprentissage sur le tas à l’école professionnelle », Actes de la recherche en sciences sociales, 76-77, 1989, p. 49-64.
  • [58]
    Cité in Jacqueline Gatti-Montain, Le système d’enseignement du droit en France, op. cit., p. 11.
  • [59]
    Bruno Latour, Changer de société. Refaire de la sociologie, Paris : La Découverte, « coll. Armillaire », 2006, p. 7-29.

1Pour la première fois depuis la fin du xixe siècle, et contrairement à l’habitude qui veut que l’évolution dans les facultés de droit « ne se [fasse] jamais que par petites touches, respectant la tradition tout en autorisant le progrès » [1], le décret du 27 mars 1954 provoque ce qui est vécu comme un bouleversement dans l’organisation de la licence de droit et, corrélativement, dans la manière dont le droit est enseigné. Les travaux portant sur cette réforme s’accordent à reconnaître que sa promulgation a constitué un moment important dans l’histoire de l’enseignement du droit en France. Encore faut-il s’entendre sur les raisons pour lesquelles ce moment est considéré comme tel [2]. Dès lors que l’on s’intéresse aux logiques qui motivent le diagnostic de ces commentateurs, on se trouve en effet confronté à des positions divergentes. D’une part, pour certains, ce décret viendrait « bouleverser » [3] l’ordre des matières en inscrivant dans l’exposé des motifs de la loi, mais aussi dans l’organisation et les curricula de la licence de droit, l’idée suivante : la « science juridique [est un] reflet du monde social » [4]. Frappante par sa proximité avec la tradition durkheimienne de la sociologie du droit [5], cette affirmation constituerait une transformation radicale de la manière dont le monde académique du droit perçoit son propre objet [6]. En affirmant que le droit entretient un rapport de représentation avec le monde social et que son autonomie trouve ses limites dans les conditions sociales et politiques qui la rendent possible, la réforme de 1954 (ainsi nommée ci-après par commodité) porterait un coup à la tradition dogmatique du droit français telle qu’elle s’est constituée depuis le xixe siècle. D’autre part, des travaux – relevant pour la plupart du mouvement « Critique du droit » [7] – proposent une lecture très différente : les changements (en réalité limités) que la réforme de 1954 introduit ne seraient que des adaptations aux transformations du capitalisme français « passant de la phase concurrentielle à la phase monopoliste » [8]. En effet, si une lecture rapide des programmes en 1954 peut faire croire à une réelle diversification des enseignements, une structure invariante dans l’enseignement du droit pourrait en revanche être identifiée depuis le xixe siècle. Cette charpente reposerait sur trois piliers : « la dominance du droit privé et plus spécialement du droit civil », « l’importance du droit romain » et « la hiérarchie des matières selon un ordre précis » [9]. Ce n’est donc pas dans les curricula qu’il faudrait chercher la nouveauté de la réforme de 1954 ; c’est plutôt dans l’ajustement qu’elle permettrait, au sein des facultés de droit, entre l’offre d’enseignements et de nouvelles exigences, résultant directement d’une transformation dans la stratification sociale et, plus spécifiquement, d’une mutation de l’origine sociale des étudiants en droit [10].

2Ces deux interprétations s’opposent donc sur les raisons qui permettent d’affirmer que la réforme de 1954 est novatrice. La première ambitionne de prendre au sérieux les transformations pour le droit que traduit et implique la reconnaissance de son enracinement social. La seconde s’en sert en revanche comme d’un révélateur de l’état d’une série de rapports de force, qu’ils soient internes au champ des enseignants du droit ou qu’ils lui soient plus ou moins extérieurs [11]. Les premiers veulent comprendre ce qu’engage cette réforme à l’aune d’une histoire interne du monde des professionnels du droit mettant aux prises, d’une part, les professeurs de droit entre eux, et, d’autre part, le monde académique avec les professionnels du droit. Les seconds la décrivent comme une tentative de résolution d’une contradiction externe travaillant les appareils d’État, à savoir comment rendre attractif l’enseignement du droit pour attirer et fidéliser une nouvelle génération issue des classes moyennes susceptible de rejoindre les luttes ouvrières si elle n’est pas domestiquée [12].

3Aussi dissemblables soient-elles, ces deux approches présentent néanmoins un point commun : elles se rejoignent pour reconnaître que la réforme de 1954 s’apparente à un moment où s’explicitent des tensions fondamentales. Elles tendent, en effet, à considérer que cette réforme témoigne d’une crise du droit [13]. Jacqueline Gatti-Montain, opérant en cela la jonction entre les deux approches [14], affirme qu’« à travers les transformations des études juridiques, c’est […] la notion même de droit qui a été visée » et qu’à ce titre, « les réformes des études juridiques ont ainsi servi de révélateurs à la crise de l’identité du droit » [15]. Cette figure de la crise du droit, déjà largement présente dans le mouvement de réforme qu’a connu l’enseignement du droit à la fin du xixe siècle [16], renvoie en réalité à la redéfinition d’un compromis dans l’enseignement du droit entre la « tradition » et la « modernité » [17], synonyme d’ouverture aux autres disciplines et de reconnaissance de l’existence de conditions sociales, historiques et politiques de production, d’énonciation et d’application du droit.

4En se concentrant sur ce qui rassemble les perspectives « internaliste » et « externaliste », le diagnostic d’une crise définitionnelle du droit ouvre une piste que cet article propose de suivre. De la première perspective, on retiendra qu’il faut s’interroger sur cette « petite révolution » [18] dans les facultés de droit : comment la dogmatique juridique, qui s’est en grande partie construite à l’abri du monde social et dont l’influence était essentielle dans la construction du droit comme discipline universitaire, a pu ainsi être ébranlée ? Et, plus important encore, au profit de quelle conception du droit ? La question est d’autant plus pressante que cette remise à plat des programmes et des méthodes de l’enseignement du droit a été menée par certains des professeurs de droit les plus éminents de leur époque. De la seconde, on conservera une certaine méfiance méthodologique : les changements de curricula et de formats ne valent pas pour eux-mêmes, ce qui implique de se demander ce qu’ils traduisent. Les clivages qui se donnent à lire à la faveur de la réforme seront saisis à l’aune des évolutions sociales dans lesquelles les facultés de droit sont prises. La mise en regard de ces deux approches provoque une mise en abîme, une logique de type fractal : alors que les lectures internalistes insistent sur le bouleversement que représente la reconnaissance de l’inscription sociale du droit, les lectures externalistes affirment, en substance, que la reconnaissance de l’inscription sociale du droit a elle-même une inscription sociale.

5Dans cet article, on analysera les travaux préalables de la commission qui ont abouti à cette réforme à partir des archives de la commission qui en est à l’origine. La charpente de la démonstration empruntera à la sociologie des disputes et des controverses dont le principe est d’affirmer que ces situations sociales sont des entrées empiriques adéquates pour observer comment s’explicitent à leur occasion les rapports de force, les registres de justification, les intérêts et les prises de position engagés par les acteurs [19]. On s’appuiera sur le dépouillement intégral des archives des dix-neuf réunions de la commission et de ses sous-commissions qui ont abouti à la rédaction du décret du 27 mars 1954, ainsi que sur les commentaires auxquels il a donné lieu dans le monde académique du droit [20]. Dans un premier temps, nous resituerons le décret de 1954 dans la chronologie des réformes des études de droit depuis le xixe siècle et nous évoquerons les grands traits de la réforme, ses enjeux et effets. Puis nous verrons en quoi le déroulement des réunions et des débats auxquels elles donnent lieu est marqué par trois tensions qui permettent de comprendre comment et pourquoi s’est effectuée la « petite révolution » de la reconnaissance de l’inscription sociale du droit. Nous conclurons sur le fait qu’à l’articulation de ces trois tensions s’engage une controverse sur ce qu’est un bon enseignement du droit, qui porte à son tour des implications sur la nature du droit en tant que savoir et en tant que pratique.

I – La réforme de 1954 : procédures et contenu

6Dès 1945, une réforme d’envergure des études de droit est envisagée par le rapport Langevin-Wallon. Ce rapport souligne notamment la nécessité « d’adapter la structure de l’enseignement à l’évolution de la structure sociale » [21]. Il propose ainsi un certain nombre de solutions, dont le rééquilibrage entre la culture générale et les études professionnelles, afin de répondre à l’élargissement de l’assiette sociale des étudiants. Les professeurs de droit, membres pour la plupart de l’Association des membres des facultés de droit, élaborent un contre-projet qui répond néanmoins aux exigences ministérielles. Le ministère implique cette association (qui se transforme en 1948 en syndicat), regroupant une écrasante majorité des enseignants de droit et, à la demande de la direction générale de l’Enseignement supérieur, une commission de réforme des études de droit est créée.

7Elle se réunit pour la première fois le 23 juin 1950 et cesse officiellement ses activités le 27 janvier 1953, après avoir proposé une version écrite du décret qui correspond, à quelques mots près, à celui adopté le 27 mars 1954. Sur l’ensemble de cette période, ses membres vont se réunir à dix-neuf reprises, soit en formation plénière, soit en formation restreinte. Les archives, qui compilent l’ensemble des procès-verbaux de ces réunions, ainsi que les différentes moutures du projet de décret, des articles de presse et des documents épars concernant la réforme, constituent un matériau précieux pour capturer les tensions et les rapports de force qui marquent les délibérations. Certes, ces archives n’offrent à la lecture guère plus que les opérations discursives menées en réunion. Par ailleurs, il est très probable que ce que l’on retrouve dans les comptes rendus corresponde à ce que les acteurs ont considéré possible ou souhaitable de retenir. Ajoutons à cela que, comme le souligne Arlette Farge, les archives ont cette étrange capacité à délivrer de l’information et, en même temps, à produire des manques [22]. Par l’intermédiaire de ces procès-verbaux, on peut néanmoins restituer la genèse du décret pas à pas, à travers les longs débats sur les matières qui doivent être enseignées dans telle ou telle année, à travers les discussions qui s’animent autour du nombre d’années que doit comporter ce cursus, à travers les avis qui sont requis auprès des avocats, du ministère de la Justice, des universités. En cela, la succession de procès-verbaux de réunion est un matériau empirique unique pour saisir la genèse du décret et pour en décrire les transformations, les hésitations et, peut-être surtout, pour repérer l’actualisation exemplaire de tensions inhérentes au droit en tant que discipline et en tant que pratique.

8La composition de cette commission intègre un certain nombre de sommités de l’enseignement du droit en France : Robert Poplawski, Georges Boyer, Léon Julliot de la Morandière, Jean-Marcel Jeanneney, Pierre Petot, François Morel, Marcel Waline, Émile James, Jean Marchal, Georges Vedel, Louis Trotabas, et Jean Yver [23]. La première réunion accueille aussi un représentant de l’Union nationale des étudiants de France et un substitut du procureur de la République représentant le ministère de la Justice. Viendront se joindre à cet aréopage Henri Bourdeau de Fontenay, directeur de l’École nationale d’administration (ENA) et Jacques Chapsal, directeur de l’Institut d’études politiques de Paris. À partir de 1952, enfin, quelques représentants des différentes professions du droit assisteront à certaines réunions.

9En quoi consiste la réforme de 1954 ? En premier lieu, elle ajoute une année au cursus de droit, faisant passer la licence de trois à quatre années d’enseignement. Ensuite, elle divise le cursus en deux blocs de deux années chacun et ayant des objectifs dissemblables. Le premier vise à faire acquérir aux étudiants des connaissances de base en droit, mais aussi, plus généralement, en culture générale. Le deuxième prévoit une spécialisation selon trois cursus : droit privé, droit public et économie politique.

10Les curricula sont reforgés. Même si un squelette de matières incontournables autour du droit privé et du droit civil est conservé, les nouvelles maquettes de cours offrent une large place au droit public, à l’économie et à certaines branches du droit privé, hors droit civil, ce dernier perdant « sa prépondérance à la fois dans le “tronc commun” du premier cycle […] et dans le deuxième cycle spécialisé » [24]. Des spécialités en plein essor sont favorisées, comme le droit international public, le droit du travail ou encore le droit comparé. Le droit romain, en revanche, déjà affaibli par l’effondrement de la fréquentation étudiante [25], est réduit à sa portion congrue et progressivement remplacé par d’autres cours [26]. Enfin, à la refonte du nombre d’années et des cursus, il faut ajouter une mutation conséquente des méthodes d’enseignement puisque la réforme de 1954 intègre au cursus de droit des séances de travaux pratiques répondant à une série d’exigences dont on verra qu’elles sont largement débattues.

11Un mouvement commun se donne à lire par l’intermédiaire de ces innovations : la forme de la nouvelle maquette, tout comme la redistribution hiérarchique entre les matières qu’elle contient, transporte une idée à la fois novatrice et qui s’inscrit dans la continuité de changements opérés à la fin du xixe siècle : le droit n’est pas isolé de son milieu social [27]. Bien plus, le droit est imbriqué, enchevêtré dans cet environnement social par le biais d’une relation de causalité mutuelle : le droit, en tant que discipline et en tant que pratique, détermine et, dans le même mouvement, est déterminé par le monde social. Mais que signifie concrètement cette reconnaissance des liens entre droit et société ? Quelle forme prend-elle et quels effets engendre-t-elle ? La réforme de 1954 consacre-t-elle le triomphe d’une conception sociologique du droit au sein des facultés de droit ou s’agit-il d’autre chose ? L’investigation de trois tensions repérables à travers les archives de la commission permet d’apporter des éléments de réponse tangibles à ces questions. La première oppose les juristes favorables à une formation ouverte aux sciences sociales et ceux qui promeuvent une formation concentrée sur une culture juridique. La deuxième tension met aux prises ceux qui font de l’érudition la base de l’enseignement du droit et ceux qui pensent que son apprentissage est avant tout l’appropriation d’une disposition à penser, d’une technique cognitive. La troisième porte enfin sur les relations entre l’enseignement du droit et l’exercice des professions du droit.

II – Première tension : le droit face aux sciences sociales

12« Un peu de sociologie éloigne du droit, beaucoup y ramène » [28]. C’est avec cette formule connue que Maurice Hauriou espère en 1893 – à la fin de la période de son « éveil sociologique » [29] – que la sociologie se scientificise suffisamment pour pouvoir être intégrée aux cursus de droit sans amener avec elle une théorie du droit qui serait fatale à celui-ci. On sait qu’Hauriou sera converti à la nécessité de construire une science de l’organisation sociale et politique, préalable nécessaire à l’établissement de toute théorie juridique [30]. Néanmoins, dans ce texte, l’éminent professeur de droit à l’université de Toulouse cherche à expliquer et à justifier la « certaine froideur » des facultés de droit à l’idée d’accueillir dans leurs programmes des cours de sociologie. Léon Duguit, son collègue et ami, ne cesse de réclamer, avec d’autres, l’introduction de cours de « science sociale » en droit, demande qui ne reçoit pourtant que peu d’écho [31]. Le « nouvel esprit juridique » [32] qui frappe le monde académique du droit à l’orée d’une IIIe République enfin républicaine s’inscrit dans cette dynamique, en reconnaissant, non sans résistances, l’existence d’une « socialisation du droit », c’est-à-dire la prise de conscience que le droit est directement concerné par les transformations du monde social. Certains juristes cherchent même à fonder le droit comme (seule ?) science sociale [33]. Mais si la période 1880-1914 est marquée par l’émergence de nouvelles disciplines [34], et si certaines facultés de droit ont pu être des « vecteurs importants de la diffusion de la sociologie naissante » [35], celle-ci reste néanmoins largement aux portes desdites facultés.

13Surgissant à intervalles réguliers, cette tension entre droit et sciences sociales, qu’un certain nombre de grands noms ont essayé d’apaiser [36], se manifeste à nouveau à l’occasion des débats de la commission des études de droit. Cinquante ans après l’inquiétude exprimée par le texte de Maurice Hauriou, la même interrogation refait surface, menaçant de réveiller les conflits entre la, ou plutôt les théories du droit sous-jacentes aux différentes écoles sociologiques, d’une part, et l’épistémologie de la dogmatique juridique, d’autre part. Georges Vedel, alors professeur à la faculté de droit de Paris, présente pourtant la réforme comme une conciliation raisonnable : « Il ne faut pas perdre de vue que ce projet est une tentative de compromis entre la licence de sciences sociales souhaitée par certains et une licence plus technique, orientée vers les professions, réclamée par d’autres [37]. » Il faudrait donc entendre que cette réforme fait une place raisonnable, mais conséquente, aux sciences sociales. Qu’en est-il ?

14Des cours témoignant, a minima, d’une certaine attention au contexte politique et social, auparavant considérés comme des options ou n’intervenant qu’en toute fin de cursus, deviennent en effet des cours obligatoires de première année (« institutions internationales », « institutions financières »), tandis que d’autres, radicalement nouveaux, font leur apparition en troisième année, dans les spécialisations (« méthode de la science politique », « fluctuation de l’activité économique », « histoire des idées politiques », ces deux derniers étant communs à la spécialité « droit public » et « économie politique ») ou sont intégrés à des cours classiques [38]. Ces changements ne se sont pas faits sans heurts. Alors qu’une discussion portant sur le nombre d’années que devrait comporter la nouvelle licence anime la deuxième réunion de la commission, Henri Bourdeau de Fontenay milite pour une quatrième année en affirmant : « Les licenciés en droit sont trop juristes et n’ont pas une expérience suffisante de la réalité pratique, tandis que les licenciés de lettres ignorent tous les éléments du droit [39]. » Il propose alors de repousser d’un an la spécialisation afin de consacrer davantage de temps à la culture générale en première année. De la même manière, la question émerge à nouveau en février 1951 lorsque le même Henri Bourdeau de Fontenay propose que des cours de sociologie juridique soient dispensés en première année et que François Morel, professeur de droit à la faculté de Paris, souhaite plutôt qu’ils fassent l’objet d’une option en deuxième année. La proposition sera finalement abandonnée [40].

15Or cette décision n’est pas anodine. Ce qui est présenté par les membres de la commission comme une ouverture aux sciences sociales se traduit en réalité par le développement de la « culture générale ». Les affrontements se font moins autour de questions académiques (faut-il ou non faire entrer des sciences sociales ?) qu’à propos de la place de la culture générale dans la formation des futurs diplômés en droit. La première année est ainsi conçue explicitement par les membres de la commission comme une année d’apprentissage des connaissances générales, qu’il s’agisse de droit ou de culture générale. Si un courant minoritaire aurait souhaité que les sciences sociales entrent en tant que telles dans la licence de droit, « les partisans d’une réforme modérée insistent sur la vocation des disciplines juridiques et économiques à constituer la base d’une culture sociale » [41].

16Comment expliquer cette réticence, que l’on retrouve aussi bien chez les privatistes que chez les publicistes ? Les premiers souhaitent préserver l’unité de l’enseignement juridique autour du droit en tant que discipline. Les échanges autour de l’enseignement de la théorie de la possession en droit romain ou encore des obligations en droit romain et dans l’ancien droit français sont, par exemple, assez vifs. Ils portent ainsi sur les connaissances érudites que les étudiants doivent impérativement maîtriser pour être « bien » formés au droit. Cette opposition prend une forme inédite lorsqu’est évoqué le contenu des cours d’introduction au droit romain. À l’occasion de la réunion du 20 février 1951, Pierre Petot, professeur de droit à la faculté de Paris, affirme qu’une base historique est nécessaire à la culture juridique et que ces cours devraient être « moins érudits et plus historiques » [42]. Cela permettrait, en outre, de supprimer un cours prévu en quatrième année portant sur l’histoire du droit privé. La proposition provoque alors un débat sur les objectifs d’un tel cours (durant lequel, précisément, est proposée l’instauration d’un cours de sociologie juridique). De leur côté, alors qu’ils obtiennent des avancées relativement significatives [43], les publicistes ont aussi des raisons d’être méfiants vis-à-vis d’une ouverture trop vigoureuse aux sciences sociales : alors que le développement croissant de la science politique est perçu comme une menace, l’incorporation d’un trop grand nombre de cours de sciences sociales apparaît « pour beaucoup de juristes comme un risque de voir le droit devenir une science parmi d’autres » [44]. La convergence de ces deux préoccupations plaide alors pour une ouverture modérée.

17Si on assiste donc à l’entrée des sciences sociales dans le cursus de droit, force est de constater qu’elle est particulièrement timide [45]. Par contraste, les enseignements s’intéressant au monde social dans lequel le droit se déploie continuent de croître. C’est notamment ainsi que l’on peut comprendre l’ouverture des cours de droit comparé (auxquels Léon Julliot de la Morandière, doyen de la faculté de droit de Paris, était particulièrement attaché), de droit du travail ou de droit de la sécurité sociale. En la matière, la commission cherche à mettre le cursus au diapason des transformations les plus récentes de la science juridique. Mais, ce faisant, elle n’amorce pas tant un mouvement d’ouverture vers les sciences sociales qu’elle ne décide d’associer les branches les plus actives du droit après la Deuxième Guerre mondiale, notamment au détriment du droit civil [46]. Le droit international public a même failli devenir une matière de première année, proposition qui a suscité une large controverse et que Georges Vedel a jugée prématurée en raison de son caractère « trop philosophique ». La réforme de 1954 fait donc une avancée minimale vers les sciences sociales ; mais elle arrime en revanche avec conviction le droit dans le monde social par le biais d’enseignements de droit qui étaient jusqu’alors considérés comme mineurs, d’une part, et par une attention particulière accordée à la culture générale que doivent acquérir les étudiants en droit, d’autre part.

III – Deuxième tension : le droit comme technique ou comme érudition ?

18À l’occasion de la séance du 4 novembre 1952, Léon Julliot de la Morandière livre, de manière un peu abrupte, le sentiment que lui inspire le débat portant sur le contenu qui doit être donné aux travaux pratiques : « ce n’est pas la nature du travail qui importe, ce qui compte, c’est qu’ils auront appris à travailler et comment travailler » [47]. La commission est, en effet, le théâtre d’une deuxième tension, opposant les juristes qui présentent un attachement au contenu formel des cours et ceux qui témoignent d’une préférence affirmée pour l’apprentissage des techniques juridiques avant tout, quel que soit le contenu du cours.

19La question de l’apprentissage de la technicité est plus diffuse que celle de l’importation de sciences sociales dans le cursus. Elle est néanmoins repérable à plusieurs reprises. Ainsi, lorsqu’Émile James, professeur de droit à la faculté de Paris, propose de remplacer, en deuxième année, le droit pénal par du droit international public et de remplacer l’histoire des faits économiques par la procédure civile, sa proposition est rejetée au motif que « l’étude de la technique juridique ne peut pas précéder celle du contenu » [48]. Dans un sens opposé, alors que des débats s’éternisent sur la bonne scansion en histoire du droit ou sur l’étendue du domaine de tel ou tel enseignement, un certain nombre de réactions insistent sur le fait que le cursus de droit a moins pour vocation l’acquisition de connaissances en nombre que l’apprentissage de la technique du droit.

20C’est qu’il y a une certaine contradiction, comme le relèvent les représentants de l’université de Bordeaux lorsque la première mouture du projet de décret leur est soumise, à vouloir faire des deux premières années à la fois des années de formation et de culture générale et des années de préparation pratique à un diplôme utilitaire [49]. C’est, en effet, autour de l’adoption d’une maquette offrant une large place à la spécialisation que se nouent les disputes engageant la question de la technicité du droit. Les inquiétudes qui se manifestent ne sont pas sans lien avec la première tension exposée : la spécialisation, en favorisant l’entrée de disciplines relevant des sciences humaines et sociales, risquerait de « faire perdre à la science juridique son emprise traditionnelle sur les sciences politiques et économiques et, dans le même temps, de réduire la science juridique à un ensemble de techniques conformes aux besoins de la société contemporaine » [50]. La concurrence des sciences sociales risquerait de contester au droit sa capacité à énoncer ce qui est et ce qui doit être. La spécialisation peut être perçue comme une perte d’abstraction, un arrimage trop abrupt du droit au monde social. L’enjeu semble être de taille : un déplacement vers la technicité non plus dogmatique mais pratique, qui éloignerait du droit compris comme un savoir généraliste (un ensemble de connaissances spécifiques), serait susceptible de redéfinir ce que recouvre le droit comme savoir. Et pourtant les modifications introduites dans les curricula, la spécialisation sur deux années et l’importance accrue des travaux pratiques tendent vers « le passage au premier plan de l’activité technique et son idéalisation dans une technologie juridique » [51].

21La technicisation dans l’enseignement du droit passe alors par deux canaux : la nature des enseignements, d’une part, les formes de l’apprentissage dans les travaux pratiques, d’autre part. Ce qui est en jeu ici, c’est le rapport de force entre le droit comme savoir et le droit comme technique. Dès lors qu’il est reconnu comme étant pris dans les réalités concrètes du monde politique, économique et social, le droit change en partie de nature : d’un statut, choyé par la dogmatique, d’énonciateur du monde tel qu’il devrait être, il devient davantage envisagé comme une « simple » ressource. Si ce changement de statut n’est pas ouvertement débattu, il est bien au cœur de la réforme, comme en témoigne la troisième tension qui se donne à lire dans les réunions de la commission.

IV – Troisième tension : former au droit pour quels usages professionnels ?

22Henri Bourdeau de Fontenay le remarque pour le regretter : il n’y a pas, au sein de la commission, de membres permanents représentant le barreau, les syndicats des professionnels du droit, les industriels susceptibles d’avoir besoin de professionnels du droit, ce qu’il appelle « tous les utilisateurs de licenciés en droit » [52]. Si, à partir de 1952, les avocats et la magistrature sont représentés, leur voix est avant tout consultative. C’est que la commission est prise entre deux tendances contradictoires. D’une part, elle cherche à ajuster sa formation aux nouvelles exigences sociales et professionnelles identifiées par de nombreux acteurs de l’époque [53] ; d’autre part, elle souhaite préserver, dans une certaine mesure, la mission classique de préparation aux concours d’accès aux professions du droit que la licence de droit est censée assurer.

23Aux yeux des représentants des professionnels du droit, l’organisation de la licence doit, en effet, inciter les étudiants à venir passer les concours. À ce titre, comme le remarque le représentant de l’Association nationale des avocats, une culture générale étendue est nécessaire aux avocats et le droit civil constitue l’élément essentiel de leur culture juridique. Or, si, dans la réforme de 1954, les enseignements de culture générale s’épanouissent effectivement, le droit civil perd du terrain. À l’inverse, le droit commercial devient un des deux cours communs de la troisième année. Les avocats et les magistrats s’inquiètent alors du fait que le nouveau programme inciterait les étudiants, en particulier les meilleurs d’entre eux, à se destiner directement à des débouchés en entreprise et, ce faisant, à les détourner des concours et examens d’entrée au barreau ou dans la magistrature. La culture générale serait alors davantage destinée à former des étudiants polyvalents plutôt qu’à nourrir le futur avocat ou le futur juge de connaissances pour comprendre le monde social. Par ailleurs, la spécialisation (et la possibilité de faire une double licence) est perçue comme un frein à la professionnalisation dans les métiers du droit [54]. Ainsi, le représentant de la magistrature conclut une intervention acérée par une formule tranchante : « La valeur de la licence en droit dépend de l’intérêt qu’y attachent les utilisateurs. Or, en l’espèce, il semble que la réforme ne satisfasse guère les utilisateurs [55]. » Tout dépend, en réalité, de quels utilisateurs il est question.

24La majorité des étudiants français qui font des études de droit ne rejoignent pas, en effet, les professions du droit, à la différence des étudiants états-uniens [56]. En revanche, on attend une connaissance plutôt approfondie du droit, ainsi qu’une culture générale étendue dans un certain nombre de professions globalement extérieures au monde du droit, ce qui fait de ces étudiants des cibles professionnelles relativement privilégiées. La tension entre exigences de professionnalisation et formation générale se manifeste alors dans les débats sur l’organisation des travaux pratiques. La mise en place concrète des 2 h 30 hebdomadaires pour ceux-ci pose, en effet, un problème : à quoi doit-on y former les étudiants ? À l’interprétation d’arrêts ? À apprendre à produire un jugement respectueux des règles ? Ou s’agit-il d’apprendre à utiliser les connaissances de droit et de culture générale au profit de mises en situation juridique exportables dans des univers professionnels qui ne sont pas ceux du droit ? Le mouvement, opéré par la technicisation du droit, que porte la deuxième tension étudiée se traduit, en effet, aussi par l’apprentissage de techniques de raisonnement qui seront ensuite reproductibles dans d’autres espaces professionnels.

25La réforme de 1954 essaie alors de proposer des réponses à deux mouvements distincts : l’accroissement du nombre d’étudiants aux origines sociales de plus en plus hétérogènes [57] et l’augmentation du nombre de ceux qui ne feront pas du droit après avoir fait des études dans ce domaine. Ce cursus relativement prestigieux attire, en effet, un nombre croissant d’étudiants qui viennent acquérir à la fois une technicité de raisonnement et un statut, et pour lesquels la maîtrise érudite du droit n’est plus une priorité. On comprend mieux, dès lors, les raisons qui ont poussé les réformateurs à intégrer, dans le cursus de la licence, davantage de culture générale plutôt que des sciences sociales, et à favoriser des spécialisations encourageant la formation de juristes ne se destinant pas au monde professionnel du droit : la culture générale dote les étudiants de ressources symboliques bien plus attrayantes pour un certain nombre de sphères professionnelles que les compétences en sciences sociales.

Conclusion

26La réforme de 1954 est une étape supplémentaire dans la prise en compte de l’enracinement social du droit amorcée depuis la fin du xixe siècle. Léon Julliot de la Morandière, premier rapporteur de la réforme, en a expliqué très clairement la nécessité : « Le juriste qui se contenterait d’étudier les textes de droit et les arrêts judiciaires sans rien connaître de la vie sociale et des phénomènes économiques ne serait qu’un manieur de mots ; ses conclusions juridiques doivent être rapprochées à tout instant des réalités [58]. » Mais cette reconnaissance ne doit pas être mésinterprétée : s’ils admettent que le droit ne peut être isolé de son environnement social, les juristes ne courent pas pour autant le risque que les formes de véridiction du droit puissent être concurrencées par les sciences sociales.

27La transformation n’en est pas moins conséquente. En reconnaissant que la production, l’énonciation et surtout l’application du droit dépend de conditions sociales, historiques et politiques, la réforme acte, en effet, un déplacement ontologique aux conséquences politiques essentielles : le droit n’est pas pensé, à l’issue de la réforme, uniquement comme un moyen d’ordonner le monde, il est aussi saisi comme une ressource mobilisable dans le monde social par un certain nombre d’acteurs qui ne sont pas des professionnels du droit, professeurs ou juristes. De ce point de vue, la réforme de 1954 procède bel et bien à un déplacement épistémologique du monde du droit, qui n’est pas tant celui de l’ouverture du droit aux sciences sociales que celui de la prise en compte de ce que le droit puisse être un instrument – de l’action publique, de mobilisation, au service des entreprises, etc. Dès lors, il ne s’agit pas tant d’affirmer que le droit a des racines sociales, au sens où le droit ne serait qu’une actualisation spécifique d’une substance – le social – qui serait en réalité celle qui compte, que de reconnaître la diversité des associations entre le droit et les pratiques [59].

28Constituant un déplacement épistémologique implicite dans la définition légitime de ce qu’est le droit, la réforme a aussi des implications politiques : elle saisit la formation au droit non plus uniquement comme le meilleur moyen de former des juristes érudits au service d’une dogmatique juridique décisive pour asseoir la légitimité du droit et de l’État mais comme le moment où s’acquiert la maîtrise du droit comme ressource sociale, et ce bien au-delà de la stricte sphère des professionnels du droit. Il est alors permis de penser que cette réforme participe d’un mouvement qui va faciliter, comme le craint le représentant des avocats au sein de la commission, la reconversion des étudiants vers des professions mêlant le droit et d’autres activités, et en particulier le droit des affaires.

29In fine, l’étude de la réforme témoigne de la concurrence entre des conceptions hétérogènes de ce qu’est un bon juriste. La culture générale vs le droit, les connaissances factuelles vs la technique, la préparation d’un esprit vs la préparation d’un métier : autant de divergences qui s’inscrivent dans des conceptions alternatives du droit et qui entrent, au sein même de la commission, en compétition pour la définition de ce qu’est un bon enseignement du droit. De ce point de vue, l’intérêt de l’étude de la réforme de 1954 est tout à la fois historique et épistémologique : elle affirme qu’un bon juriste est un juriste qui ne s’arrête pas au droit ; et symétriquement, elle certifie que le droit ne se définit pas à l’écart du social, mais qu’il forme avec lui de nombreuses et complexes associations qui légitiment l’affaiblissement d’un enseignement érudit au profit d’approches mettant l’accent sur le caractère pratique du droit.

L’auteur

Cédric Moreau de Bellaing est maître de conférences en science politique et en sociologie du droit à l’École Normale Supérieure de Paris et chercheur au Centre Maurice Halbwachs. Ses travaux portent sur la sociologie des institutions policières, sur le maintien de l’ordre et sur l’État.
Parmi ses publications récentes :
  • « L’État, une affaire de police ? Ce que le travail des dispositifs policiers de discipline interne nous apprend de l’État », Quaderni, 78, 2012 ;
  • « Enquêter sur la violence légitime », La Vie des idées, 21 mars 2011 (en ligne : http://www.laviedesidees.fr/Enqueter-sur-la-violence-legitime.html) ;
  • « Les grincements d’un rouage de l’État. Tensions et contradictions d’un greffe pénitentiaire » (avec Grégory Salle), Terrains et Travaux, 17, 2010 ;
  • « De l’obligation à la ressource. L’apprentissage différencié du droit à l’école de police », Déviance et Société, 34 (3), 2010 ;
  • « Casse, politique et représentation dans la France contemporaine », Droit et Cultures, 58, 2010.

Mots-clés éditeurs : droit comme ressource, changement de statut du droit, réforme de 1954, droit ancré dans le social, enseignement du droit

Date de mise en ligne : 21/05/2013

https://doi.org/10.3917/drs.083.0083

Notes

  • [1]
    Marc Malherbe, La faculté de droit de Bordeaux (1870-1970), Bordeaux : Presses universitaires de Bordeaux, 1996, p. 180.
  • [2]
    Les résultats présentés dans cet article sont le fruit d’un travail effectué à l’occasion d’un contrat post-doctoral au sein du projet ANR Élidroit. Cet article est l’occasion de remercier les membres de l’équipe et, en particulier, les coordinatrices Liora Israël et Rachel Vanneuville d’avoir rendu possible cette recherche.
  • [3]
    André-Jean Arnaud, Critique de la raison juridique. Où va la sociologie du droit ?, Paris : LGDJ, coll. « Droit et Société », 1981, p. 51.
  • [4]
    Exposé des motifs, décret n° 54-343 du 27 mars 1954 modifiant le régime des études et des examens en vue de la licence en droit.
  • [5]
    Émile Durkheim, De la division du travail social [1930], Paris : PUF, coll. « Quadrige », 2007, p. 29 et suiv.
  • [6]
    Marc Malherbe, La faculté de droit de Bordeaux (1870-1970), op. cit., p. 180.
  • [7]
    Michel Miaille, Une introduction critique au droit, Paris : Maspéro, 1976. Voir aussi Id., « La critique du droit », Droit et Société, 20-21, 1992, p. 75-92. Pour un retour historique sur ce mouvement, ses objectifs et ses effets, cf. Xavier Dupré de Boulois et Martine Kaluszynski (dir.), Le droit en révolution(s). Regards sur la critique du droit des années 1970 à nos jours, Paris : LGDJ Lextenso éditions, coll. « Droit et Société. Recherches et Travaux », 2011 ; Martine Kaluszynski, « Sous les pavés, le droit : le mouvement “Critique du droit” ou quand le droit retrouve la politique », Droit et Société, 76, 2010, p. 523-541.
  • [8]
    Michel Miaille, « Sur l’enseignement des facultés de droit en France. Les réformes de 1905, 1922 et 1954 », Procès, 3, 1979, p. 99.
  • [9]
    Ibid., p. 86.
  • [10]
    Sur le lien entre transformations du capitalisme et évolution des origines sociales des étudiants en droit, cf. ibid., p. 100.
  • [11]
    Maurice Bourjol, Philippe Dujardin, Jean-Jacques Gleizal, Antoine Jeammaud, Michel Jeantin, Michel Miaille et Jacques Michel, Pour une critique du droit. Du juridique au politique, Grenoble : Presses universitaires de Grenoble, 1978, p. 74.
  • [12]
    Michel Miaille, « Sur l’enseignement des facultés de droit en France. Les réformes de 1905, 1922 et 1954 », art. cité.
  • [13]
    Le diagnostic est posé dès 1953 par l’un des membres de la commission de réforme des études en droit (Louis Trotabas, La réforme de la licence en droit, Paris : Dalloz, 1953), puis est régulièrement réactualisé : Charles Eisenmann, Les sciences sociales dans l’enseignement supérieur, Paris : Unesco, 1972 ; Jacqueline Gatti-Montain, « Le droit et son enseignement : un demi-siècle de réflexions », Droits, 4, 1986, p. 109-122.
  • [14]
    Si elle s’inscrit dans la tradition de la critique du droit comme en témoigne son usage de la notion de « système d’enseignement du droit » (Jacqueline Gatti-Montain, Le système d’enseignement du droit en France, Lyon : Presses universitaires de Lyon, 1987, p. 6), elle cherche à constituer le droit comme savoir, opérant ainsi la jonction entre le droit-discipline et le droit comme réalité prise dans un contexte entretenant des relations avec le système en question.
  • [15]
    Jacqueline Gatti-Montain, « Le droit et son enseignement : un demi-siècle de réflexions », art. cité, p. 109.
  • [16]
    Christophe Jamin, « Dix-neuf cent : crise et renouveau dans la culture juridique française », in Denis Alland et Stéphane Rials (dir.), Dictionnaire de la culture juridique, Paris : PUF, 2003, p. 380-384.
  • [17]
    Jacqueline Gatti-Montain, « Tradition et modernité dans l’enseignement du droit », Annales d’histoire des facultés de droit et de la science juridique, 3, 1986, p. 117-135.
  • [18]
    Frédéric Audren, « Une leçon de diplomatie. À propos de Jacques Ellul, Histoire des institutions volume 1, 2, 3 et 4, Paris : PUF, coll. “Quadrige”, 1999 », Droit et Société, 44-45, 2000.
  • [19]
    Luc Boltanski, L’amour et la justice comme compétences. Trois essais de sociologie de l’action, Paris : Métailié, 1990 ; Bruno Latour, Pasteur : guerre et paix des microbes suivi de Irréductions [1984], Paris : La Découverte, 2001.
  • [20]
    L’intégralité des archives de la commission a été conservée dans le fonds « Sciences Po, Institut d’études politiques, Fondation nationale des sciences politiques 1945-1979 », constitué à partir du rassemblement des documents et des papiers de Jacques Chapsal, directeur de l’Institut d’études politiques. Le fonds a été conservé par le Centre d’histoire de Sciences Po qui en a autorisé la consultation. Que ses archivistes en soient ici remerciés.
  • [21]
    Jacqueline Gatti-Montain, Le système d’enseignement du droit en France, op. cit., p. 149.
  • [22]
    Arlette Farge, Le goût de l’archive, Paris : Seuil, 1997.
  • [23]
    Jean Balmary se joindra aux délibérations à partir de mai 1951.
  • [24]
    Jean-Louis Halpérin, Histoire du droit privé français depuis 1804 [1996], Paris : PUF, coll. « Quadrige », 2001, p. 291-292.
  • [25]
    Marc Malherbe, La faculté de droit de Bordeaux (1870-1970), op. cit., p. 180.
  • [26]
    Emmanuel Cartier, « Histoire et droit : rivalité ou complémentarité ? », Revue française de droit constitutionnel, 67, 2006, p. 514.
  • [27]
    De ce point de vue, elle s’inscrit dans la lignée des transformations profondes générées par la réforme de 1880 et, surtout, par celle de 1889, qui fait entrer le droit public de plain-pied dans les cursus. En 1905, un décret du 1er août avait fait entrer l’économie politique dans le programme de la deuxième année, première étape d’une longue autonomisation des sciences économiques jusqu’au décret du 19 août 1959 qui crée une licence ès sciences économiques dans les facultés de droit.
  • [28]
    Maurice Hauriou, « Les facultés de droit et la sociologie », Revue générale du droit, de la législation et de la jurisprudence en France et à l’étranger, 1893, tome xvii, p. 4.
  • [29]
    Frédéric Audren et Marc Milet, « Préface : Maurice Hauriou sociologue. Entre sociologie catholique et physique sociale », in Maurice Hauriou, Écrits sociologiques, Paris : Dalloz, 2008, p. viii et suiv.
  • [30]
    Guillaume Sacriste, « L’ontologie politique de Maurice Hauriou », Droit et Société, 78, 2011, p. 475-480.
  • [31]
    Sur la stratégie de Duguit, la réaction méfiante d’Hauriou et leurs évolutions respectives vers les sociologies durkheimienne et tardienne, cf. Pierre Favre, Naissances de la science politique en France, 1870-1914, Paris : Fayard, 1989, p. 97-102.
  • [32]
    Frédéric Audren, « Les professeurs de droit, la République et le nouvel esprit juridique », Mil neuf cent, 29, 2011, p. 12 ; voir aussi Carlos Miguel Herrera, « Anti-formalisme et politique dans la doctrine juridique sous la IIIe République », Mil neuf cent, 29, 2011, p. 145-165.
  • [33]
    Frédéric Audren, « Les professeurs de droit, la République et le nouvel esprit juridique », art. cité.
  • [34]
    Id., Les juristes et les mondes de la science sociale. Deux moments de la rencontre entre droit et science sociale au tournant du xixe et au tournant du xxe siècle, thèse de droit, Dijon : Université de Bourgogne, 2005.
  • [35]
    Frédéric Audren et Patrice Rolland, « Enseigner le droit dans la République. Ouverture », Mil neuf cent, 29, 2011, p. 6.
  • [36]
    Georges Gurvitch écrit ainsi qu’il faut ajouter à la formule d’Hauriou son symétrique : « un peu de droit éloigne de la sociologie et beaucoup de droit y ramène », Georges Gurvitch, Éléments de sociologie juridique, Paris : Aubier, 1940 ; extraits reproduits dans Droit et Société, 4, 1986, p. 423-428.
  • [37]
    Procès-verbal de la sous-commission de réforme des études de droit, séance du 4 novembre 1952, archives Sciences Po 2 SP 19.
  • [38]
    Ainsi, la « criminologie » est associée au droit pénal général en 2e année de licence, les « institutions judiciaires » sont enseignées avec le droit civil en 1ère année de licence en droit et l’« histoire des institutions et des faits sociaux » vient « bouleverser la conception dominante en matière d’enseignement historique, jusque-là fort dogmatique et consacré à l’étude du droit romain et de l’ancien droit français », André-Jean Arnaud, Critique de la raison juridique. Où va la sociologie du droit ?, op. cit., p. 51-52.
  • [39]
    Procès-verbal de la sous-commission de réforme des études de droit, séance du 22 novembre 1950, archives Sciences Po 2 SP 19.
  • [40]
    Dès 1956, Jean Carbonnier se chargera néanmoins d’un cours de « sociologie juridique » au sein de la faculté de Paris.
  • [41]
    Jacqueline Gatti-Montain, Le système d’enseignement du droit en France, op. cit., p. 153.
  • [42]
    Procès-verbal de la sous-commission de réforme des études de droit, séance du 20 février 1951, archives Sciences Po 2 SP 19.
  • [43]
    Cf. sur ce thème en particulier Guillaume Richard, « Les enjeux politiques et académiques des réformes de l’enseignement du droit : perspectives comparées », intervention au congrès de l’Association française de science politique, 31 août-2 septembre 2011, <http://www.congres-afsp.fr/sectionsthematiques/st42/st42richard.pdf>.
  • [44]
    Jacqueline Gatti-Montain, Le système d’enseignement du droit en France, op. cit., p. 156.
  • [45]
    « On pouvait donc s’attendre légitimement à ce que le législateur, profitant de la réforme, introduisît un cours de sociologie, fût-ce un cours à option. Il n’en décida pas ainsi », André-Jean Arnaud, Critique de la raison juridique. Où va la sociologie du droit ?, op. cit., p. 51.
  • [46]
    Jean-Louis Halpérin, Histoire du droit privé français depuis 1804, op. cit., p. 292.
  • [47]
    Procès-verbal de la sous-commission de réforme des études de droit, séance du 4 novembre 1952, archives Sciences Po 2 SP 19.
  • [48]
    Procès-verbal de la sous-commission de réforme des études de droit, séance du 25 janvier 1951, archives Sciences Po 2 SP 19.
  • [49]
    Position résumée par Robert Poplawski, procès-verbal de la sous-commission de réforme des études de droit, séance du 27 novembre 1951, archives Sciences Po 2 SP 19.
  • [50]
    Jacqueline Gatti-Montain, Le système d’enseignement du droit en France, op. cit., p. 156.
  • [51]
    André-Jean Arnaud, Les juristes face à la société du xixe siècle à nos jours, Paris : PUF, 1975, p. 192.
  • [52]
    Procès-verbal de la sous-commission de réforme des études de droit, séance du 22 novembre 1950, archives Sciences Po 2 SP 19.
  • [53]
    Louis Trotabas, La réforme de la licence en droit, op. cit., passim. Voir aussi Christian Chêne, « L’enseignement du droit (histoire) », in Denis Alland et Stéphane Rials (dir.), Dictionnaire de la culture juridique, op. cit.
  • [54]
    C’est d’ailleurs dans la foulée que l’on voit l’École nationale de la magistrature (ENM) et les Instituts d’études judiciaires se développer afin de prendre en charge cet apprentissage professionnel. Sur l’ENM, voir l’article d’Anne Boigeol dans ce dossier : « Quel droit pour quel magistrat ? Évolution de la place du droit dans la formation des magistrats français, 1958-2005 ».
  • [55]
    Procès-verbal de la commission de réforme des études en droit, séance du 23 octobre 1952, archives Sciences Po 2 SP 19.
  • [56]
    Plusieurs commentateurs ont ainsi comparé la réforme de 1954 avec les évolutions des law schools aux États-Unis ; André Tunc, « L’enseignement du droit aux États-Unis et en France du point de vue de sa méthode », Revue internationale de droit comparé, 6 (3), 1954, p. 515-520 ; Joseph Dainow, « Revision of Legal Education in France : A Four-Year Law Program », Journal of Legal Education, 495, 1954-1955, p. 495-508.
  • [57]
    Louis Trotabas, La réforme de la licence en droit, op. cit. ; Michel Miaille, « Sur l’enseignement des facultés de droit en France. Les réformes de 1905, 1922 et 1954 », art. cité, p. 97-98. Le constat sera le même dans la magistrature, cf. Anne Boigeol, « La formation des magistrats : de l’apprentissage sur le tas à l’école professionnelle », Actes de la recherche en sciences sociales, 76-77, 1989, p. 49-64.
  • [58]
    Cité in Jacqueline Gatti-Montain, Le système d’enseignement du droit en France, op. cit., p. 11.
  • [59]
    Bruno Latour, Changer de société. Refaire de la sociologie, Paris : La Découverte, « coll. Armillaire », 2006, p. 7-29.

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