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Article de revue

Systématisme pénal et alternatives aux poursuites en France : une politique pénale en trompe-l'œil

Pages 17 à 33

Notes

  • [1]
    .Sous cette appellation générique de troisième voie, se trouvent réunies différentes mesures comme le rappel à la loi, le classement sous condition, la médiation pénale, la réparation pénale pour les mineurs, les injonctions thérapeutiques ou encore le stage alternatif aux poursuites dans le cadre de la conduite en état d’alcoolémie.
  • [2]
    .Philip Milburn, « De la frénésie de sécurité à la surpénalisation : la justice sous pression », in Laurent Mucchielli (dir.), La frénésie sécuritaire. Retour à l’ordre et nouveau contrôle social, Paris : La Découverte, 2008, p. 41-51.
  • [3]
    .Benoit Bastard et Christian Mouhanna, Une justice dans l’urgence. Le traitement en temps réel des affaires pénales, Paris : PUF, 2007.
  • [4]
    .Loi organique relative aux lois de finances.
  • [5]
    .Le taux de réponse pénale rapporte le nombre d’affaires poursuivies ou pour lesquelles une procédure alternative ou de composition pénale a réussi dans l’année au nombre total d’affaires poursuivables (c’est-à-dire celles pouvant donner lieu à des poursuites) traitées cette même année.
  • [6]
    .Le taux d’alternatives aux poursuites rapporte le nombre d’affaires classées sans suite à une procédure alternative réussie ou à une composition pénale au total des affaires poursuivables.
  • [7]
    .Laura Aubert, La troisième voie. La justice pénale face à ses dilemmes, Thèse de doctorat en sociologie, Université Victor Segalen – Bordeaux 2, 2007.
  • [8]
    .Ministère de la Justice, Direction des affaires criminelles et des grâces, Circulaire relative à la politique pénale en matière de réponses alternatives aux poursuites et de recours aux délégués du procureur, 16 mars 2004, p. 3.
  • [9]
    .Pour réaliser cette recherche, plusieurs matériaux ont été recueillis et exploités. En premier lieu, l’analyse s’appuie sur l’exploitation méthodique de 200 procédures judiciaires ayant donné lieu à une mesure de troisième voie (100 pour chacune des deux juridictions étudiées), ce qui a permis d’obtenir des données quantitatives sur les personnes mises en cause, sur les mesures alternatives dont elles ont fait l’objet et sur le déroulement de la procédure. À ces données s’ajoutent d’autres plus qualitatives, à partir d’observations effectuées dans l’enceinte de ces deux tribunaux et d’une cinquantaine d’entretiens semi-directifs réalisés auprès de l’ensemble des acteurs concernés peu ou prou par ce dispositif : magistrats du parquet, délégués du procureur, responsables du secteur associatif, travailleurs sociaux, policiers.
  • [10]
    .Christian Bruschi (dir.), Parquet et politique pénale depuis le xixe siècle, Paris : Mission de recherche Droit et Justice, 2002, p. 7.
  • [11]
    .Bruno Aubusson de Cavarlay et Marie-Sylvie Huré, Arrestations, classements, déferrements, jugements : suivi d’une cohorte d’affaires pénales de la police à la justice, Paris : CESDIP, 1995, p. 29.
  • [12]
    .Division de l’action publique territorialisée, i.e. l’une des subdivisions propres à l’organisation du parquet de Bobigny.
  • [13]
    .Si l’augmentation du recours aux alternatives est en partie liée à la hausse du nombre d’affaires poursuivables, elle reste surtout corrélée à la capacité de jugement du tribunal. Au cours de la période 2001-2002, le nombre d’affaires ayant donné lieu à une réponse pénale a connu une baisse de 1,9 % ; dans le même temps, le nombre d’orientations en troisième voie a augmenté de 18,3 % alors que les décisions de poursuites enregistrent un net recul (–18,0 %). Dans la période qui suit (2002-2003), le parquet a renvoyé un nombre plus important d’affaires devant les tribunaux (+7,8 %) et le nombre d’alternatives mises en œuvre a, lui, légèrement diminué (–1,9 %).
  • [14]
    .Ministère de la Justice, Direction des affaires criminelles et des grâces, Circulaire relative à la politique pénale en matière de réponses alternatives aux poursuites et de recours aux délégués du procureur, op. cit., p. 14.
  • [15]
    .Entre 1999 et 2003, le nombre d’alternatives réalisées par les délégués bordelais va passer de 1 646 à 4 022, soit une hausse de près de 145 %.
  • [16]
    .Ministère de la Justice, Direction des affaires criminelles et des grâces, Circulaire relative à la politique pénale en matière de réponses alternatives aux poursuites et de recours aux délégués du procureur, op. cit., p. 6.
  • [17]
    .ITT : Interruption temporaire de travail, indicateur médical retenu par le droit français pour mesurer la gravité des infractions avec violences corporelles.
  • [18]
    .Laura Aubert, « L’activité des délégués du procureur en France : de l’intention à la réalité des pratiques », Déviance et Société, 32 (4), 2008, p. 490.
  • [19]
    .Patrice Duran et Jean-Claude Thoenig, « L’état et la gestion publique territoriale », Revue française de science politique, 46 (4), 1996, p. 610.

Introduction

1En France, le recours aux mesures dites de la troisième voie  [1] ou alternatives aux poursuites pénales a connu, au cours des deux dernières décennies, un essor sans précédent. Entre 1994 et 2006, il a enregistré une hausse de près de 580 %, le nombre d’alternatives réalisées étant passé de 68 879 à 468 045. La mise en place d’une troisième voie en matière pénale s’est inscrite dans une évolution plus générale qui a consacré l’engagement et la participation des parquets à des politiques de sécurité publique. Dans le contexte des années 1980-1990 où la montée du sentiment d’insécurité est associée à l’augmentation de la petite et moyenne délinquance et à l’insuffisance des réponses apportées aux demandes sociales et locales de justice, les parquets ont cherché, à leur niveau, à se doter d’outils nouveaux pour améliorer et accroître leur capacité de traitement. Si les différentes expérimentations initiées sur le terrain – qui ont conduit entre autres à la mise en place des alternatives ou à l’instauration du traitement en temps réel des procédures, via notamment la création de permanences téléphoniques permettant aux magistrats du parquet de diligenter directement par téléphone les enquêtes menées par les officiers de police judiciaire ou de donner leurs décisions d’orientation en temps réel – ont procédé pour leurs promoteurs d’une ambition modernisatrice, le processus de rationalisation du traitement des affaires pénales engagé depuis une vingtaine d’années, et dont ces dispositifs participent pleinement, s’est néanmoins fait sous la pression d’une exigence politique rejetant toute forme d’impunité  [2]. En cela, la troisième voie, dont la vocation est précisément de traiter les infractions mineures autrefois classées sans suite, participe de la philosophie gestionnaire et politique qui tend à gouverner l’action pénale aujourd’hui  [3]. Elle compte d’ailleurs parmi les dispositifs qui contribuent à l’effectivité des orientations de politique gouvernementale actuelles en faveur d’une réponse pénale systématique : en attestent les deux indicateurs de performance participant de la mise en œuvre de la LOLF  [4] dans le domaine de la justice judiciaire et visant à rendre compte de l’amplification et de la diversification de la réponse pénale – le taux de réponse pénale  [5] et le taux d’alternatives aux poursuites  [6].

2L’inconvénient de ces deux indicateurs pour mesurer l’efficacité des juridictions dans la réalisation de ces deux objectifs est que, s’ils permettent de rendre compte de l’amplification des réponses apportées par la justice pénale, ils n’informent en rien de leur diversification, ni des pratiques réelles initiées dans les tribunaux. Or, derrière des taux de plus en plus homogènes, les pratiques développées en matière d’alternatives aux poursuites se caractérisent par leur extrême hétérogénéité. En effet, les résultats d’une recherche ayant porté sur le recours aux mesures de la troisième voie sur une période de cinq ans dans les juridictions de Bobigny et de Bordeaux  [7] révèlent l’existence de disparités importantes au niveau des réponses mises en œuvre, des faits auxquels elles s’appliquent, des acteurs mobilisés ou des modalités organisationnelles en vigueur. Néanmoins, ce constat d’hétérogénéité n’est pas propre à la comparaison réalisée entre ces deux juridictions, il est au fondement de la circulaire du 16 mars 2004  [8]. Prenant acte de l’hétérogénéité des pratiques existantes en matière d’alternatives « tant au plan quantitatif que qualitatif » qu’elle impute pour une large part à « la diversité des situations locales », cette circulaire pose comme une nécessité le fait « d’harmoniser les méthodes, de renforcer la rigueur et l’efficacité de ces mesures et de respecter leur caractère pleinement judiciaire » et, à ce titre, s’emploie à rappeler le cadre procédural qui fonde et organise le recours à ce dispositif.

3À partir des résultats de l’enquête qualitative et quantitative réalisée dans les juridictions de Bobigny et de Bordeaux  [9], juridictions choisies en raison de leurs dissemblances d’un point de vue socio-économique et démographique, mais aussi au niveau de la délinquance constatée, cet article propose d’apporter un éclairage sur les modalités d’utilisation de ce mode de traitement pénal et sur les variations auxquelles il donne lieu au gré des contextes locaux. Dans un premier temps, il montre que l’hétérogénéité observée en matière d’alternatives aux poursuites tient au fait que la troisième voie est d’abord et avant tout un outil participant de politiques locales, qu’en cela, elle permet de répondre à des contraintes plus ou moins fortes, ce qui rejaillit sur la place prise par ce dispositif dans le traitement pénal. Dans un second temps, il met en évidence que ces contraintes, si elles affectent à des degrés divers le travail d’orientation des magistrats du parquet, rejaillissent également sur la maîtrise et la visibilité qu’ils ont des pratiques des acteurs chargés de mettre en œuvre ces réponses, notamment en raison du mandat qu’ils leur ont confié. Enfin, il révèle que le rôle de variable d’ajustement joué par la troisième voie en fonction des problèmes spécifiques que connaissent les juridictions se traduit par un traitement inégal des procédures et par des garanties pour le moins variables pour les justiciables.

I. Les politiques pénales en matière d’alternatives : gestion ou reflet des contingences locales ?

4Une politique pénale se caractérise par l’établissement de priorités en matière de répression afin de « répondre judiciairement à la délinquance, de la façon la plus intelligente et la plus efficace possible »  [10]. À un échelon local, elle articule des orientations générales, qui traduisent des choix de politique gouvernementale et s’appliquent à la totalité des tribunaux, et des objectifs que fixent les procureurs de la République, à partir des spécificités de leur juridiction. Le travail de tri opéré au niveau des parquets peut être conçu « comme la voie de l’adéquation de ressources limitées (les moyens de la répression) à l’évolution des priorités normatives en matière de délinquance ou de criminalité »  [11]. En effet, si les orientations de politique pénale se redéfinissent au gré des préoccupations que suscite telle ou telle forme de délinquance, leur application sur le terrain reste soumise au registre des possibles. Pour ce faire, les magistrats jouent diversement des différentes voies d’orientation qui s’offrent à eux. En ce sens, le classement sans suite, les alternatives aux poursuites et le renvoi devant une juridiction de jugement constituent des outils permettant de réaliser et d’atteindre les objectifs qu’ils se sont fixés. Ces priorités locales ne concernent normalement pas les affaires les plus graves pour lesquelles l’orientation s’impose d’elle-même. Cependant, le poids des contraintes locales varie considérablement d’une juridiction à l’autre et affecte en des proportions variables la marge de manœuvre des procureurs dans l’élaboration des lignes de leur politique, celle des substituts dans leurs pratiques quotidiennes et, partant, la façon dont la troisième voie s’insère dans la chaîne pénale.

I.1. Le parquet de Bobigny : une zone de « non-choix »

5À Bobigny, les problèmes liés à la gestion des flux de contentieux s’avèrent particulièrement lourds. Le fonctionnement de la permanence téléphonique est à cet égard exemplaire. À la DAPTER  [12], la section du traitement en temps réel, trois magistrats sont chargés de répondre, du lundi au vendredi, de 9h à 18h, aux appels des services de police et de gendarmerie. Deux d’entre eux s’occupent plus spécifiquement des affaires les plus urgentes, les flagrants délits et les enquêtes préliminaires assorties d’une mesure de garde à vue. Le troisième a en charge le reste. Chacun des deux premiers reçoit en moyenne 60 appels par jour ; pour le troisième, ce chiffre oscille entre 90 et 100. Ces magistrats, munis d’un casque d’écouteur et micro, répondent de façon ininterrompue aux différents services enquêteurs qui mettent généralement plusieurs heures avant de pouvoir s’entretenir avec eux. Un écran au centre de la pièce affiche le nombre d’appels en attente.

6Les difficultés liées à la masse des affaires à traiter sont redoublées, à Bobigny, par l’existence de formes de délinquance aiguës. Les grandes caractéristiques de la délinquance dégagées à partir des statistiques policières, l’importance des diverses formes d’atteintes aux personnes, des faits de violence à l’égard des institutions – notamment la police – et de la délinquance juvénile reviennent systématiquement dans la description qu’en font les magistrats. Elles rejaillissent de fait sur les orientations de politique pénale. Au parquet des mineurs, les magistrats ne privilégient pas un type de faits particuliers mais s’inscrivent dans une logique de réponse systématique pour tenter d’enrayer l’escalade des passages à l’acte. Au niveau de la section du parquet s’occupant des affaires impliquant des majeurs, la réponse pénale se veut exemplaire et privilégie le traitement en comparution immédiate des faits de violence les plus visibles, ceux perpétrés sur la voie publique. Cette dernière orientation n’est pas en soi contestée par les magistrats de la juridiction. À leurs yeux, il est indispensable de donner une réponse rapide et visible à cette forme de délinquance, particulièrement importante en Seine-Saint-Denis. Par contre, ils se montrent plus critiques sur les conséquences de ce choix dans la mesure où il conduit à négliger le traitement des autres contentieux :

Le problème de la Seine-Saint-Denis, c’est quand même vraiment le contentieux de voie publique. Il faut une réponse lisible pour les gens, voir que si l’on a commis un vol avec violence sur la voie publique, on va immédiatement passer en comparution immédiate et on va être incarcéré, parce que ça, ça marque, c’est nécessaire pour la population. Mais après, il y a un certain nombre de délits qui sont des délits plus privés, de violences conjugales ou même de violences entre les gens qui ne se passent pas forcément sur la voie publique, qui n’ont donc pas forcément ce souci de réponse lisible et qui vont beaucoup faire l’objet de troisième voie, et à mon avis, beaucoup parce qu’on ne peut pas les faire passer devant le tribunal correctionnel. (Magistrat du parquet, Bobigny.)

7Ce manque chronique de places de jugement est lié en grande partie à l’ampleur du contentieux traité par la juridiction. Il est aussi la conséquence, notamment pour les audiences correctionnelles, d’un objectif que s’est fixé le parquet, à savoir réduire les délais d’attente de passage devant le tribunal pour les affaires les plus graves et les plus complexes. Aussi, les contentieux ne comptant pas parmi les affaires les plus importantes – les crimes et les délits nécessitant une instruction – ou les priorités du parquet pour les passages en comparution immédiate sont les premiers concernés par la pénurie des places de jugement. Au début de cette recherche, les magistrats de permanence ne disposaient chaque jour que d’une dizaine de places pour les audiences de convocation par officier de police judiciaire, et ce, pour une moyenne de 200 appels téléphoniques en provenance des services de police et de gendarmerie. Ils distribuaient ces quelques places vacantes avec parcimonie et recouraient massivement à la troisième voie. Conçue comme une alternative à la comparution devant les tribunaux, la troisième voie est souvent présentée à Bobigny comme un choix d’orientation par défaut.

8Cette situation explique la place particulièrement importante prise par les alternatives dans ce tribunal. Entre 1999 et 2003, le nombre d’alternatives réalisées va passer de 10 254 à 15 027, soit une hausse de 46,5 %. Plus encore, si le nombre d’affaires ayant donné lieu à une réponse pénale a augmenté de 14,5 % au cours de cette période, ce phénomène s’explique davantage par un recours accru à la troisième voie qu’il ne traduit une augmentation des capacités de jugement du tribunal (en cinq ans, les renvois devant les juridictions de jugement ont, à l’inverse, enregistré une baisse de 9,1 % : 16 851 affaires ont donné lieu à des poursuites en 1999, 15 319 en 2003). La part des alternatives dans le traitement pénal n’a donc cessé de croître et ce, au détriment de la part des décisions de poursuites. Celle-ci diminue progressivement les trois premières années (-5 points entre 1999 et 2001), puis enregistre une chute de 10 points entre 2001 et 2002, tant et si bien que le nombre d’affaires renvoyées devant les tribunaux est, en 2002, inférieur à celui des procédures orientées en troisième voie. Si cette tendance s’inverse en 2003 – le nombre de poursuites engagées augmente de 7,8 % entre 2002 et 2003 alors que celui des alternatives baisse de 1,9 % –, il reste que la part des poursuites dans le traitement pénal se situe en deçà des 50 % et que, si l’on cumule les orientations en troisième voie et en compositions pénales, la part prise par ces réponses continue d’occuper le premier rang. L’analyse des chiffres de l’activité du parquet de Bobigny confirme en outre que les alternatives sont d’abord un mode de gestion des places disponibles à l’audience et, dans une moindre mesure, un outil de régulation des flux d’affaires arrivant dans ce tribunal  [13]. Cette fonction est surtout assurée par le classement pour inopportunité qui, loin d’avoir disparu, reste très largement utilisé, notamment quand le nombre d’affaires poursuivables est en augmentation.

I.2. Le modèle bordelais de la contrainte limitée

9À l’instar des grandes juridictions, celle de Bordeaux est confrontée à la nécessité de gérer les flux de contentieux. Toutefois, son niveau d’encombrement est loin d’atteindre celui de Bobigny. Cet impératif de gestion des flux pénaux n’a donc pas le même poids sur les orientations de politique pénale, ni le même impact sur la place prise par les alternatives dans la chaîne pénale. Les chiffres de l’activité de la juridiction bordelaise sur la période étudiée révèlent qu’entre 1999 et 2003, le nombre d’alternatives réalisées est passé de 6 105 à 7 934, soit une hausse de 30 %, contribuant très largement au développement de la capacité de réponse du parquet (+10,2 % au cours de cette période alors même que les décisions de poursuites enregistrent une légère diminution : -1,7 %). Toutefois, si la part des orientations alternatives dans le traitement pénal a gagné du terrain et objectivement empiété sur celle des décisions de poursuites, elle n’a pas bouleversé la hiérarchie entre ces deux modes de réponse et remis en cause la primauté des renvois devant les juridictions de jugement. En outre, à l’inverse de Bobigny, on ne relève pas de corrélation systématique entre un recours accru aux alternatives et une chute des décisions de poursuites. De ce point de vue, le parquet de Bordeaux apparaît moins dépendant de ce dispositif pour apporter des réponses au lieu et place des renvois devant le tribunal.

10La nécessité de trouver des dérivatifs à l’encombrement des juridictions étant moins prégnante, elle ne participe que marginalement de l’utilisation des alternatives :

Ça vient mordre plutôt sur le classement, à mon sens, que sur la part de poursuites. Je pense que ce qui doit passer au tribunal, ça y passe. Ça y passe. Il y a juste… il y a peut-être quelques moments dans l’année où, alors là c’est vraiment purement conjoncturel, où au niveau des… il suffit qu’il y ait des vacances judiciaires, des vacances de poste, des audiences qui baissent conjoncturellement où là, on va vraiment favoriser artificiellement la médiation pour regagner du temps en délai d’audiencement, mais à flux tendu on a à peu près des critères bien définis.(Magistrat du parquet, Bordeaux.)

11À Bordeaux, la troisième voie est d’abord conçue comme une alternative au classement sans suite. Certes, elle peut constituer un palliatif au manque de places à l’audience, mais ce type de recours n’est envisagé que pour enrayer des pics de saturation sporadiques.

12Plusieurs ordres de faits sont donc traités, dans cette juridiction, par le biais des alternatives. Les premiers, manifestement les plus nombreux, sont des contentieux dont les magistrats estiment que la gravité ne justifierait pas un passage devant le tribunal. Les seconds, dans une moindre mesure, sont des faits ne constituant pas en soi une transgression de la loi pénale, mais pour lesquels les magistrats pensent qu’il est nécessaire d’intervenir avant que la situation ne se détériore et ne provoque une infraction. Ici, il s’agit de prévenir un éventuel passage à l’acte :

L’immense majorité, quand ça ne va pas en poursuites, c’est que le jeu n’en vaut pas la chandelle, c’est-à-dire que l’infraction n’est pas assez… on ne la juge pas assez grave pour monopoliser une date d’audience. La deuxième petite frange, mais alors là, je ne devrais pas le dire parce que théoriquement on n’aurait pas dû faire une médiation, c’est des affaires qui, au niveau de la constitution de l’infraction pénale, ne tenaient pas dur comme fer, mais dans un contexte de conflit, etc. nous semblaient nécessiter une mesure de médiation. […] Mais c’est vrai que théoriquement, dans la pureté des principes, on ne devrait même pas faire une médiation dans ce cas-là, on devrait se contenter de dire : « Infraction non constituée. »(Magistrat du parquet, Bordeaux.)

13Enfin, dans les cas où la troisième voie est utilisée en alternative aux poursuites, l’argument premier n’est pas tant la nécessité de réguler les flux de contentieux, c’est d’abord la qualité et l’efficacité du traitement apporté à ces affaires qui sont mises en avant pour justifier ce choix d’orientation.

14Si la troisième voie est d’abord utilisée en alternative au classement, cela tient également à la nature de la délinquance observable sur ce ressort. Hormis son importance en volume, celle-ci ne présente pas de caractéristiques particulières ou saillantes. Les magistrats bordelais s’accordent généralement sur le fait que leur juridiction n’est pas, comparativement à d’autres, confrontée à des formes de délinquance problématiques, et apparaît relativement épargnée par les questions d’insécurité. Leurs propos confirment très largement les tendances dégagées à partir des statistiques policières. Peu touchée par des passages à l’acte violents, la juridiction bordelaise traite majoritairement des atteintes aux biens et plus marginalement des atteintes aux personnes. Il n’existe donc pas une forme de délinquance qui prévaut sur les autres, cristallisant les préoccupations du parquet et appelant une intervention plus marquée de sa part. En outre, les affaires constituant un facteur d’engorgement sont perçues comme relevant dans une large mesure d’actes de primo délinquance sans grande gravité :

On fait une grosse utilisation [des alternatives] pour tout ce qui est petite délinquance, et notamment délinquance qui ne ressort pas de la délinquance d’habitude, c’est-à-dire il arrive extrêmement fréquemment, et nous sommes très, très encombrés de choses de ce genre-là, que des gens par ailleurs insérés, ou en tout cas qui n’ont pas un profil de délinquant, dérapent et commettent des actes de délinquance.(Magistrat du parquet, Bordeaux.)

15L’impératif de gestion des flux pénaux, s’il est commun aux juridictions de Bobigny et de Bordeaux, ne pèse pas de façon comparable sur la place de la troisième voie dans le processus pénal. Conçue essentiellement à Bobigny comme une alternative au passage devant un tribunal, elle est une voie de déviation sur laquelle les magistrats n’ont finalement que peu de prise. À l’inverse, elle est présentée à Bordeaux comme une réponse particulièrement adaptée pour traiter les petits contentieux et semble avoir une place à part entière et bien définie dans le processus pénal. La plus ou moins grande maîtrise des magistrats dans l’application des critères présidant à la sélection des contentieux et dans l’exercice de leurs prérogatives s’observe également au niveau des modalités organisationnelles de l’activité troisième voie, notamment au niveau du rôle qu’ils attribuent aux acteurs chargés de la mise en œuvre.

II. Circuit de dérivation interne ou outil de diversification des réponses pénales ?

16Les décisions d’orientation relevant des prérogatives des magistrats du parquet, il leur appartient, lorsqu’ils décident de renvoyer une procédure en troisième voie, de sélectionner dans le panel de réponses à leur disposition celle qui semble la plus adaptée à l’infraction commise et de désigner la personne ou le service habilité à la mettre en œuvre. Pour assurer l’exécution de leurs décisions en matière d’alternatives, les parquets se sont adjoints, dès les débuts de la troisième voie, les services de professionnels du secteur associatif habilité (majoritairement des travailleurs sociaux) et ont, en parallèle, recruté des personnes de la société civile, généralement retraitées de la fonction publique, pour remplir la fonction de délégué du procureur. En principe, ces deux catégories d’acteurs ont des attributions distinctes : « La désignation [d’un délégué du procureur] concerne des mesures dont la mise en œuvre est simple et ne nécessite ni négociation ni arbitrage. Ces personnes doivent donc se voir réserver des tâches d’exécution non complexes. En revanche, les associations spécialement habilitées seront requises chaque fois que des compétences professionnelles particulières ou un partenariat spécifique, dans des domaines sanitaire, social ou professionnel, sont nécessaires à la mise en œuvre et à la réussite de la mesure  [14]. » Cette différenciation dans le mandat rejaillit sur le type d’affaires que ces différents acteurs ont vocation à traiter : les faits les plus bénins, solubles par une intervention relativement standardisée et n’impliquant pas une technicité particulière, relèvent de la mission des délégués, les affaires un peu plus complexes ou plus lourdes, dont la résolution implique la mobilisation de compétences médicales, sociales ou psychologiques spécifiques, entrent quant à elles dans les attributions des associations habilitées. Or, dans les faits, cette distinction entre ce qui relève du mandat des premiers et de l’intervention des secondes, la division des tâches qui est censée prévaloir entre magistrats du parquet et acteurs chargés de la mise en œuvre des alternatives reflètent à des degrés variables les pratiques développées sur le terrain par les parquets de Bobigny et de Bordeaux.

II.1. La troisième voie à Bobigny : une justice de délégués

17À Bobigny, les premiers acteurs habilités à assurer la mise en œuvre d’alternatives aux poursuites ont été des délégués du procureur. Ils ont été spécialement recrutés à cet effet au tout début des années 1990 à l’initiative du procureur de la République de l’époque, Marc Moinard. Ces conditions d’émergence ont marqué durablement la manière dont est organisée l’activité troisième voie puisque ces acteurs ont continué d’occuper une place prépondérante, pour ne pas dire exclusive, dans la réalisation des alternatives. En 2000, année qui a servi de base de référence pour constituer l’échantillon de procédures collectées, les 11 délégués en fonction à Bobigny ont traité à eux seuls 91 % des 12 013 affaires orientées en troisième voie. Les délégués indépendants ont été les premiers en place. Magistrats, policiers ou gendarmes pour la plupart, nouvellement retraités au moment de la création de ces services, leur recrutement s’est effectué sur le mode de la cooptation ou sur le registre des affinités électives. Le secteur associatif de Bobigny n’a pas nécessairement cherché à se démarquer de ce mode d’exercice dominant. Il a fait sa place dans le champ des alternatives en proposant des délégués salariés qui ont les mêmes attributions et sensiblement le même profil que les délégués indépendants. Il propose cependant, mais dans une moindre mesure, d’autres réponses dont la mise en œuvre est assurée par des professionnels du champ médico-social : on trouve ici l’activité de médiation pénale familiale, les mesures de réparation pour les mineurs, les injonctions thérapeutiques et les stages pour la conduite en état d’alcoolémie.

18Le fait que la réalisation des alternatives à Bobigny relève quasi intégralement de la fonction des délégués du procureur rejaillit inévitablement sur les termes de leur mandat. En effet, le panel de réponses qu’ils peuvent mettre en œuvre est beaucoup plus large que celui prévu par la circulaire du 16 mars 2004. Ils sont chargés de notifier les rappels à la loi, les classements sous condition et de réaliser les médiations pénales. Même pour la petite frange de mesures dont la mise en œuvre est assurée par des acteurs extérieurs, les délégués du procureur constituent un passage obligé ; c’est à eux qu’incombe la notification des décisions prises par les magistrats.

II.2. Bordeaux : des acteurs multiples, des attributions distinctes

19À l’instar de Bobigny, la juridiction bordelaise a eu très tôt recours aux alternatives grâce au dynamisme de son secteur associatif qui a joué un rôle précurseur en la matière. En effet, la mesure de réparation pénale, qui a d’ailleurs été créée par l’association bordelaise du Prado en 1989, et la médiation pénale sont entrées dans les pratiques des magistrats du parquet dès la fin des années 1980, bien avant l’instauration de la fonction des délégués du procureur qui n’est survenue qu’en 1998, au moment de l’ouverture des deux maisons de justice et du droit bordelaises. À compter de cette date, neuf délégués vont être recrutés. Ils ont tous le statut d’indépendant et sont, pour la plupart, des retraités de la police et de la gendarmerie, à l’exception d’une ancienne avocate, d’une inspectrice des impôts et d’un magistrat à la retraite. En dépit de sa mise en place tardive, l’activité des délégués du procureur va très rapidement croître dans des proportions importantes  [15] et même prendre la première place du traitement alternatif mis en œuvre dans cette juridiction. En 2000, près de 49 % des 7 141 affaires orientées en troisième voie vont être traitées par les délégués du procureur (soit 3 486 procédures) et 33,5 % par le secteur associatif habilité (soit 2 389 procédures).

20La réalisation des alternatives à Bordeaux engage donc une pluralité d’acteurs dont la particularité est qu’ils ont des attributions définies et limitées : les délégués du procureur sont chargés de notifier les rappels à la loi, les classements sous condition et les propositions de stage pour les faits de conduite en état d’alcoolémie ; différentes associations se sont spécialisées dans la réalisation de ces stages, dans la mise en œuvre des médiations pénales ou des mesures de réparation pénale ; un médecin inspecteur de la santé a en charge les injonctions thérapeutiques et psychosociales.

II.3. Mandats directifs ou justice « déléguée »

21En principe, le travail d’orientation opéré par les magistrats du parquet et la réalisation des alternatives constituent deux processus distincts. Or, dans les faits, cette ligne de partage entre le pôle décisionnel et celui de l’exécution n’est pas si nette à Bobigny. En effet, les délégués du procureur ne se contentent pas d’assurer l’exécution des réponses fixées par les magistrats mais collaborent également à l’orientation des affaires pénales. Au parquet des mineurs notamment, les substituts de permanence ne précisent pas, quand ils renvoient l’affaire devant les délégués, la réponse attendue mais se déterminent généralement en faveur d’une des trois voies d’orientation disponibles : les poursuites, le classement sans suite ou le renvoi devant un délégué. C’est donc le délégué qui, lors du rendez-vous, procède à l’audition des parties – auteur(s) et victime(s) sont convoqués – et se détermine en faveur de telle ou telle alternative. Il ne sollicite l’aval du magistrat que pour les mesures de réparation pénale ou lorsqu’il estime que l’affaire ne relève pas de sa compétence mais nécessite un renvoi devant le tribunal des enfants. Cette absence de directivité des magistrats sur l’activité des délégués caractérise le fonctionnement de la section « mineurs » du parquet. Elle est particulièrement visible au sein de l’échantillon de procédures collectées dans cette juridiction : sur les 32 mineurs mis en cause, il n’existe que deux cas où le magistrat se prononce pour une réponse alternative particulière, en l’occurrence deux rappels à la loi. Mais cette pratique n’est pas propre à cette section du parquet. Elle s’observe aussi, de façon moins explicite et dans une moindre mesure, au sein de la section « majeurs ». Pour près d’un tiers des majeurs mis en cause (soit 24 individus sur 75) faisant l’objet d’une orientation en troisième voie, les magistrats ne donnent pas non plus d’indications sur la réponse à mettre en œuvre. L’autonomie importante dont jouissent les délégués du procureur à Bobigny se lit également au travers d’un autre phénomène. Si l’on additionne les mis en cause pour lesquels le magistrat ne donne aucune indication et ceux pour lesquels la réponse mise en œuvre est différente de celle initialement prescrite, on observe que dans 65,4 % des cas, le choix de la mesure appartient in fine aux délégués du procureur.

22Si le recours à la troisième voie se caractérise à Bobigny par un niveau élevé de délégation des magistrats aux délégués du procureur, il n’en est pas de même à Bordeaux. Cela se matérialise très concrètement par la dissociation des lieux de prise de décision et des lieux de mise en œuvre, contrairement à Bobigny où les bureaux des délégués jouxtent ceux des magistrats de la section du parquet à laquelle ils sont rattachés. À Bordeaux, le service du traitement direct « majeurs » se trouve au premier étage du tribunal, le parquet des mineurs au troisième, alors que la permanence des délégués occupe le rez-de-chaussée. Les différentes mesures ne relevant pas de la compétence de ces derniers sont réalisées en dehors du tribunal, au siège des associations habilitées. À cette disjonction spatiale, s’ajoute une élasticité moindre au niveau des attributions respectives des différents acteurs bordelais intervenant dans le champ de l’alternative aux poursuites. Pour les magistrats de cette juridiction, les différentes mesures de la troisième voie ne contribuent pas de façon équivalente à l’amélioration du traitement pénal. Elle se réalise essentiellement par l’entremise des mesures de médiation et de réparation mises en œuvre par le secteur associatif. L’activité des délégués concerne des faits qui, par le passé, auraient été classés sans suite et vise d’abord à satisfaire l’exigence d’effectivité de la réponse pénale adressée aujourd’hui aux parquets. Le recours aux pratiques développées par le secteur associatif a, quant à lui, une double vocation : il permet à la fois d’assurer la régularisation ou la réparation des dommages causés par l’infraction, en particulier quand le préjudice est important et nécessite la mise en place d’un échéancier, mais traduit dans le même temps la volonté d’accroître l’efficacité de l’intervention judiciaire, notamment dans la gestion des conflits familiaux, de voisinage ou encore dans le traitement de la délinquance des mineurs. L’existence de cette hiérarchie entre les différentes alternatives a un certain nombre d’implications dans la définition du rôle des acteurs chargés de leur mise en œuvre et au niveau de l’autonomie qui leur est reconnue. Les délégués disposent d’une autonomie faible. La définition des termes de leur mission s’inscrit dans le droit fil des préconisations de la circulaire du 16 mars 2004 : chargés d’assurer la mise en œuvre des réponses ordonnées par les magistrats, ils ont un statut d’exécutant et sont tenus d’appliquer des consignes précises. À l’inverse, les associations disposent d’une marge de manœuvre extrêmement importante, voire totale dans la réalisation de leur mandat judiciaire, dans le choix des modalités de mise en œuvre de la réponse pénale. Reconnues pour leur expertise et leurs compétences professionnelles, elles gèrent de fait des dossiers plus lourds ou plus complexes et mettent en œuvre des réponses dont le contenu se démarque plus nettement des logiques de l’institution judiciaire.

23Si les conditions d’émergence des réponses alternatives à Bordeaux et à Bobigny semblent avoir marqué durablement les formes prises par cette activité localement, les différences relevées quant aux acteurs engagés dans ce dispositif, à leurs attributions et à leur autonomie, n’ont de sens que rapportées aux conditions concrètes, et notamment matérielles, d’exercice de la justice dans chacun de ces deux tribunaux. Néanmoins, elles rejaillissent sur le statut conféré au dispositif troisième voie. À Bobigny, il est d’abord conçu comme une voie d’orientation possible entre les trois disponibles – classement d’une affaire, renvoi en troisième voie ou déclenchement des poursuites – et, dans une moindre mesure, comme un outil d’individualisation de la réponse pénale que sous-tend a priori le recours à une mesure particulière. À l’inverse, le choix systématique des magistrats bordelais en faveur de telle ou telle alternative laisse penser que la troisième voie est moins une voie d’orientation qu’un panel de mesures distinctes favorisant la diversification des registres d’intervention. Ces différences dans l’appréhension et dans l’utilisation des alternatives, mais surtout leur persistance dans le temps, s’expliquent là encore par la nature et l’ampleur variable des difficultés auxquelles sont confrontées les juridictions. Pour élaborer et assurer la mise en œuvre de leur politique pénale, les procureurs de la République disposent certes des mêmes outils, mais ils ne peuvent les utiliser de la même manière au regard des contraintes locales pesant sur eux. Le problème qui se pose cependant est celui de l’inégal traitement des affaires pénales d’une juridiction à l’autre et des garanties offertes par le dispositif troisième voie.

III. L’action pénale contingentée : quelques exemples d’incidences qualitatives

24Le travail de tri que la troisième voie permet de réaliser en amont des juridictions de jugement est généralement conçu comme une opération indispensable. Toutes les affaires portées à la connaissance de l’institution judiciaire ne peuvent être renvoyées devant un tribunal ; il importe donc de réserver cette voie d’orientation à celles qui justifient ce type d’intervention – en raison notamment de leur gravité ou de leur complexité – et d’utiliser les autres voies disponibles, et particulièrement les alternatives, pour traiter les faits les plus simples et les plus bénins. Les procureurs de la République prennent en compte cet impératif de gestion et de sélection des contentieux pénaux pour définir leurs priorités répressives et pour établir des critères visant à homogénéiser les pratiques d’orientation des magistrats rattachés aux différents services du parquet. Ces directives locales ne portent pas seulement sur les grandes lignes de conduite de l’action publique ; elles concernent également le recours à la troisième voie et les affaires qu’elle a vocation à traiter. Sur ce point, la circulaire du 16 mars 2004 laisse implicitement une certaine latitude aux responsables des parquets puisqu’elle ne fixe pas expressément la nature des infractions susceptibles de bénéficier d’une telle orientation  [16]. La seule limitation posée concerne la gravité intrinsèque des actes de délinquance ; l’utilisation de ces mesures ne se justifie que pour des faits n’occasionnant pas de préjudice – corporel, économique ou matériel – important.

III.1. Une question préjudicielle : la gravité des faits

25Les difficultés quotidiennes des magistrats en fonction à Bobigny, leur faible latitude au niveau des décisions d’orientation ne déteignent pas seulement sur les conditions de mise en œuvre d’une politique pénale cohérente et suivie en matière d’alternatives, elles rejaillissent de fait sur la nature et, partant, la gravité des affaires renvoyées dans ce cadre-là. Dans cette juridiction, les inquiétudes sur ce point sont légion. Magistrats, policiers, acteurs chargés de la mise en œuvre des alternatives ne manquent pas de souligner le caractère problématique d’un certain nombre d’orientations :

[Les substituts] nous donnent des choses qui sont très difficiles, qu’on ne devrait pas avoir. Moi, maintenant, je vais devenir spécialiste des agressions sexuelles. Normalement, ce n’est pas… Deux fois d’ailleurs, je suis allé voir [le substitut de permanence] et je lui ai dit : « Mais vous savez, ce n’est pas de mon ressort ». J’ai reçu l’affaire, j’ai pris la déposition mais sincèrement, ce n’était pas pour moi. C’était trop grave ! Je n’ai pas eu de véritables viols mais des attouchements, des choses comme ça. Et c’est très dur. Moi, je reçois des jeunes femmes qui font des crises de nerfs. (Délégué du procureur, service de la médiation « mineurs », Bobigny.)

26À Bordeaux, la question de la troisième voie est, à l’inverse, rarement associée à celle de la gravité des faits qu’elle traite. D’ailleurs, pour les magistrats, la logique de gradation qui sous-tend le recours aux différentes alternatives et la hiérarchie existant entre elles n’impliquent pas nécessairement que les faits renvoyés en médiation ou en réparation le soient pour cette raison ; ces mesures visent principalement des affaires dont la résolution nécessite la mise en œuvre d’un suivi plus important :

Pas forcément plus graves mais, oui, le plus lourd à gérer, oui, ça sans doute. Le délégué du procureur, théoriquement, son intervention c’est une convocation, un rendez-vous et puis c’est fini. La médiation, ça peut fréquemment durer 3 mois, 4 mois, 6 mois. (Magistrat du parquet, Bordeaux.)

27Sur ce point, les informations rapportées dans les procédures collectées et les observations effectuées dans l’enceinte de ces deux tribunaux confortent très largement le point de vue des acteurs interrogés.

28Pour ne prendre qu’un exemple, l’examen des procédures consécutives à des faits de violences et sur lesquelles figurent les ITT les plus lourdes  [17] révèle des situations pour le moins différentes entre les deux juridictions. Parmi elles, deux rapportent une ITT de huit jours ; une à Bobigny et une à Bordeaux. Dans la première juridiction, les violences exercées par monsieur D. sur son épouse semblent peu contestables au regard des nombreuses contusions observables sur son visage lorsqu’elle se présente au commissariat, et sont confortées, dans un second temps, par le rapport d’un service de médecine légale. Dans la seconde, les conditions d’évaluation du préjudice font qu’il est davantage sujet à caution : lorsque Monsieur et Madame L. portent plainte pour violences volontaires contre Monsieur C., l’ancien compagnon de Madame L., munis de deux certificats médicaux établis par un service d’urgences hospitalières, les policiers ne parviennent pas à déterminer si le chiffre correspondant à l’ITT prévue, rapporté sur le premier certificat est un « 7 » ou un « 2 ». Le second s’avère indéchiffrable. Les plaignants attestent que l’ITT mentionnée sur chaque certificat est bien de sept jours. Les policiers les invitent à retourner au service des urgences pour qu’on leur délivre des attestations lisibles. Trois jours plus tard, les conjoints L. reviennent avec deux nouveaux certificats, rédigés par leur médecin traitant et prévoyant une ITT de huit jours.

29On pourrait multiplier les exemples. Il reste qu’à Bobigny, quand la présence d’une affaire en troisième voie apparaît discutable au regard des faits que ce dispositif a vocation à traiter, le motif donné est toujours le même : les magistrats utilisent cette voie d’orientation pour contourner le problème posé par le manque de places de jugement. À Bordeaux, les choses sont plus complexes car les affaires en question sont plus litigieuses – au niveau des faits, de la responsabilité réelle du mis en cause, de l’évaluation du préjudice – ou invalides sur un plan procédural. Là encore, les éléments mis au jour plaident en faveur d’une moindre latitude à Bobigny et attestent du poids du contexte sur la nature des affaires bénéficiant d’une orientation en troisième voie.

III.2. Derrière des taux de réussite proches, un traitement inégal

30En dépit des grandes différences relevées entre Bobigny et Bordeaux sur les modalités de recours à la troisième voie et sur leurs incidences quant à la nature des affaires bénéficiant de cette orientation, les taux de réussite affichés par ces deux juridictions sont particulièrement importants : pour 77,6 % des mis en cause de Bobigny, l’issue de leur affaire est positive ; ce pourcentage s’élève à 82,7 % à Bordeaux. Or, ces taux masquent des disparités quant à l’évaluation de l’issue d’une mesure alternative. À première vue, l’exercice est assez simple. La réalité des pratiques est tout autre. D’une part, les critères qui s’appliquent aux alternatives prescrites à l’auteur des faits et à celles impliquant une part de négociation ne sont pas strictement identiques. Pour celles qui s’adressent à l’auteur, l’évaluation de la réussite ou de l’échec est a priori aisée puisque c’est l’attitude du mis en cause – présence, conditions remplies – qui permet d’en rendre compte. S’agissant des alternatives sollicitant la participation et l’adhésion des parties, en l’occurrence les médiations, les choses se compliquent car ces mesures portent en creux cette part d’inconnu inhérente à tout processus de négociation. Nombreux sont les facteurs qui peuvent jouer dans ce cadre-là. La bonne volonté du mis en cause ne suffit pas ; une victime peut, par exemple, refuser d’adhérer à la démarche ou en saboter le cours par des demandes excessives. Aussi, dans les cas d’échec, il est parfois difficile de quantifier la part de responsabilité imputable à l’auteur. Il reste qu’à Bobigny et à Bordeaux, les critères retenus ne sont pas les mêmes. Dans la première juridiction, l’élément qui consacre la réussite ou l’échec d’une médiation est souvent le retrait ou le maintien de la plainte par la victime et non le contenu de l’accord et le respect des engagements pris dans le cadre-là, comme c’est le cas dans la seconde. Cette pratique propre à Bobigny est particulièrement usitée pour le traitement des conflits conjugaux. Toutefois, ce critère n’est pas toujours sans incidence sur le déroulement des entretiens. Pour parvenir au retrait de plainte et, partant, afficher de bons résultats dans l’exercice de leur mandat, certains délégués en viennent à exercer de véritables pressions sur les victimes pour infléchir leur décision initiale et qu’elles acceptent de retirer leur plainte  [18]. Mais, face à l’ampleur des violences exercées dans certaines affaires, et devant la réponse judiciaire apportée, il est difficile de se départir du sentiment que ces femmes, non contentes d’être maltraitées par leur conjoint, sont aussi malmenées par la justice. En effet, la demande de protection qu’elles expriment finit par être écrasée au profit de la seule solution qui leur est proposée : la recherche d’un arrangement dont on leur dit que les termes sont garantis par le retrait de plainte sous condition puisque tout manquement du mis en cause à ses obligations – en l’espèce, le fait qu’il réitère de nouveaux actes de violence – se traduira par le renvoi immédiat de l’affaire devant le tribunal. Or, dans les faits, le retrait de plainte sous condition est un retrait de plainte pur et simple, se traduisant par un classement sans suite de l’affaire.

31Cet exemple concernant les critères retenus pour rendre compte de la réussite ou de l’échec des orientations en troisième voie révèle que les garanties offertes par ce dispositif sont assez variables ; sur ce point, la comparaison réalisée entre Bobigny et Bordeaux met en évidence que le caractère plus prescriptif des pratiques bordelaises laisse moins de place à cette variabilité. Par exemple, quand se pose la question du dédommagement de la victime, on observe qu’à Bobigny les demandes d’indemnisation naissent majoritairement de la discussion qui s’instaure entre les parties, alors qu’à Bordeaux ce sont pour moitié des conditions d’indemnisation fixées expressément par les magistrats et pour moitié des demandes émanant des victimes. De ce point de vue, les pratiques bordelaises sont conformes aux textes puisqu’elles distinguent classement sous condition et médiation, condition imposée et arrangement négocié. À Bordeaux, que le quantum indemnisable soit fixé par un magistrat ou négocié entre les parties dans le cadre d’une médiation, la somme demandée au mis en cause ne connaît pas de variations importantes. Dans les deux cas, elle est calculée en fonction d’éléments objectifs : montant réel du vol, frais occasionnés par des dégradations et chiffrés sur un devis. À Bobigny, la diversité et la nature des infractions pour lesquelles le dédommagement de la victime est envisagé se prêtent moins à un chiffrage objectif. Aussi, on assiste à de grands écarts d’une affaire à une autre, sans qu’il y ait nécessairement de cohérence avec la qualification pénale retenue, en d’autres termes le caractère délictuel ou contraventionnel des faits.

32Pour commun qu’il soit aux magistrats de ces deux juridictions, l’ajustement auquel ils procèdent entre les places disponibles à l’audience et la masse des affaires à traiter n’a, de fait, pas les mêmes implications sur la nature des faits renvoyés en troisième voie, notamment en termes de gravité. Si les différences relevées sur ce point dépendent de la plus ou moins grande maîtrise des parquets dans l’application des critères présidant à la sélection des contentieux, elles sont renforcées par d’autres tenant, elles, au mode d’organisation local de l’activité troisième voie. Si les magistrats de Bobigny mettent en avant leur faible latitude décisionnelle et évoquent ses répercussions sur la gravité des infractions bénéficiant de cette orientation, ils ne compensent pas cet état de fait par l’encadrement et le contrôle de ce dispositif : ils ne formulent généralement pas d’attentes quant au traitement de ces affaires, laissent une autonomie quasi totale aux acteurs de la mise en œuvre et n’ont pour ainsi dire pas de visibilité du travail réalisé par eux. À l’inverse, leurs homologues bordelais, alors même qu’ils utilisent cette voie d’orientation pour des faits ne justifiant pas, à leurs yeux, de passer devant un tribunal, ont une conception très directive du recours aux alternatives : à la précision de leurs décisions s’ajoute la formulation de consignes qui définissent les termes dans lesquels les affaires doivent être résolues. De fait, plus l’impératif de gestion des flux pèse sur la charge de travail quotidienne des magistrats – c’est particulièrement net dans une juridiction comme Bobigny, conjuguant une forte activité et des formes de délinquance aiguës –, plus il joue un rôle déterminant sur le mode d’utilisation et d’organisation de ce dispositif, ce qui n’est pas sans conséquence sur les garanties offertes aux justiciables.

Conclusion

33Si l’on appréhende la troisième voie comme un outil participant de l’exercice judiciaire au quotidien, force est de constater que ce dispositif s’apparente à une « auberge espagnole » : il est d’abord ce que l’on en fait et il traite ce que l’on y met. Cette affirmation ne revient pas à dire, loin s’en faut, que les tribunaux ont une égale capacité de maîtriser les outils et les procédures qu’ils utilisent dans le traitement de la délinquance ; elle signifie que les dispositifs participent de politiques locales ou que, plus précisément, ils permettent de répondre à des contraintes plus ou moins fortes. À Bobigny, les alternatives servent à traiter les affaires n’entrant pas dans les priorités répressives de la juridiction. Elles finissent, dans nombre de cas, par se substituer au renvoi devant les tribunaux pour pallier leur sous-capacité chronique de jugement. À Bordeaux, les alternatives permettent de répondre à la masse des petites affaires arrivant au parquet, mais elles sont utilisées principalement pour des faits que l’on aurait antérieurement classés sans suite en raison de leur faible gravité ou de la modicité du préjudice. La place prise par la troisième voie dans le traitement pénal se comprend en grande partie au regard des moyens alloués aux juridictions pour fonctionner au quotidien. Il reste qu’elle rejaillit très directement sur le statut des alternatives en leur sein, qu’elle ne donne pas le même poids aux réserves émises à leur encontre et qu’elle pose la question du rôle de l’état pour « préserver une cohésion minimale »  [19] et veiller à la cohérence nationale des politiques pénales. Plus encore, elle interroge la pertinence des indicateurs retenus par le ministère de la Justice pour évaluer et mesurer la performance des juridictions si ses incitations en faveur d’une réponse pénale systématique, via un recours accru à la troisième voie, sont motivées par d’autres considérations qu’un strict souci d’affichage politique.

L’auteur

34Titulaire d’un doctorat de sociologie, Laura Aubert a réalisé sa thèse, intitulée « La troisième voie. La justice pénale face à ses dilemmes », sous la direction de François Dubet (Université Victor Segalen Bordeaux 2). Actuellement stagiaire postdoctorale au Centre international de criminologie comparée de l’Université de Montréal, elle poursuit sa réflexion sur les enjeux sociaux et politiques qui pèsent sur le fonctionnement des systèmes de justice pénale dans les sociétés occidentales et sur les pratiques des acteurs pénaux.

35Parmi ses publications récentes :

36— « L’activité des délégués du procureur en France : de l’intention à la réalité des pratiques », Déviance et Socié, 32, 4, 2008 ;

37— « Appréhension systématique des phénomènes de délinquance et troisième voie : les dilemmes d’un parquet divisé », Champ pénal / Penal field, nouvelle revue internationale de criminologie [en ligne], VI, 2009, mis en ligne le 5 novembre 2009, consulté le 24 mars 2010. URL : http:// champpenal. revues. org/ 7613


Date de mise en ligne : 08/06/2010

https://doi.org/10.3917/drs.074.0017

Notes

  • [1]
    .Sous cette appellation générique de troisième voie, se trouvent réunies différentes mesures comme le rappel à la loi, le classement sous condition, la médiation pénale, la réparation pénale pour les mineurs, les injonctions thérapeutiques ou encore le stage alternatif aux poursuites dans le cadre de la conduite en état d’alcoolémie.
  • [2]
    .Philip Milburn, « De la frénésie de sécurité à la surpénalisation : la justice sous pression », in Laurent Mucchielli (dir.), La frénésie sécuritaire. Retour à l’ordre et nouveau contrôle social, Paris : La Découverte, 2008, p. 41-51.
  • [3]
    .Benoit Bastard et Christian Mouhanna, Une justice dans l’urgence. Le traitement en temps réel des affaires pénales, Paris : PUF, 2007.
  • [4]
    .Loi organique relative aux lois de finances.
  • [5]
    .Le taux de réponse pénale rapporte le nombre d’affaires poursuivies ou pour lesquelles une procédure alternative ou de composition pénale a réussi dans l’année au nombre total d’affaires poursuivables (c’est-à-dire celles pouvant donner lieu à des poursuites) traitées cette même année.
  • [6]
    .Le taux d’alternatives aux poursuites rapporte le nombre d’affaires classées sans suite à une procédure alternative réussie ou à une composition pénale au total des affaires poursuivables.
  • [7]
    .Laura Aubert, La troisième voie. La justice pénale face à ses dilemmes, Thèse de doctorat en sociologie, Université Victor Segalen – Bordeaux 2, 2007.
  • [8]
    .Ministère de la Justice, Direction des affaires criminelles et des grâces, Circulaire relative à la politique pénale en matière de réponses alternatives aux poursuites et de recours aux délégués du procureur, 16 mars 2004, p. 3.
  • [9]
    .Pour réaliser cette recherche, plusieurs matériaux ont été recueillis et exploités. En premier lieu, l’analyse s’appuie sur l’exploitation méthodique de 200 procédures judiciaires ayant donné lieu à une mesure de troisième voie (100 pour chacune des deux juridictions étudiées), ce qui a permis d’obtenir des données quantitatives sur les personnes mises en cause, sur les mesures alternatives dont elles ont fait l’objet et sur le déroulement de la procédure. À ces données s’ajoutent d’autres plus qualitatives, à partir d’observations effectuées dans l’enceinte de ces deux tribunaux et d’une cinquantaine d’entretiens semi-directifs réalisés auprès de l’ensemble des acteurs concernés peu ou prou par ce dispositif : magistrats du parquet, délégués du procureur, responsables du secteur associatif, travailleurs sociaux, policiers.
  • [10]
    .Christian Bruschi (dir.), Parquet et politique pénale depuis le xixe siècle, Paris : Mission de recherche Droit et Justice, 2002, p. 7.
  • [11]
    .Bruno Aubusson de Cavarlay et Marie-Sylvie Huré, Arrestations, classements, déferrements, jugements : suivi d’une cohorte d’affaires pénales de la police à la justice, Paris : CESDIP, 1995, p. 29.
  • [12]
    .Division de l’action publique territorialisée, i.e. l’une des subdivisions propres à l’organisation du parquet de Bobigny.
  • [13]
    .Si l’augmentation du recours aux alternatives est en partie liée à la hausse du nombre d’affaires poursuivables, elle reste surtout corrélée à la capacité de jugement du tribunal. Au cours de la période 2001-2002, le nombre d’affaires ayant donné lieu à une réponse pénale a connu une baisse de 1,9 % ; dans le même temps, le nombre d’orientations en troisième voie a augmenté de 18,3 % alors que les décisions de poursuites enregistrent un net recul (–18,0 %). Dans la période qui suit (2002-2003), le parquet a renvoyé un nombre plus important d’affaires devant les tribunaux (+7,8 %) et le nombre d’alternatives mises en œuvre a, lui, légèrement diminué (–1,9 %).
  • [14]
    .Ministère de la Justice, Direction des affaires criminelles et des grâces, Circulaire relative à la politique pénale en matière de réponses alternatives aux poursuites et de recours aux délégués du procureur, op. cit., p. 14.
  • [15]
    .Entre 1999 et 2003, le nombre d’alternatives réalisées par les délégués bordelais va passer de 1 646 à 4 022, soit une hausse de près de 145 %.
  • [16]
    .Ministère de la Justice, Direction des affaires criminelles et des grâces, Circulaire relative à la politique pénale en matière de réponses alternatives aux poursuites et de recours aux délégués du procureur, op. cit., p. 6.
  • [17]
    .ITT : Interruption temporaire de travail, indicateur médical retenu par le droit français pour mesurer la gravité des infractions avec violences corporelles.
  • [18]
    .Laura Aubert, « L’activité des délégués du procureur en France : de l’intention à la réalité des pratiques », Déviance et Société, 32 (4), 2008, p. 490.
  • [19]
    .Patrice Duran et Jean-Claude Thoenig, « L’état et la gestion publique territoriale », Revue française de science politique, 46 (4), 1996, p. 610.

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