Couverture de RSC_1001

Article de revue

Droit pénal de la consommation

Pages 146 à 155

Notes

  • [1]
    D. Ferrier et D. Ferré, La réforme des pratiques commerciales : loi n° 2008-3 du 3 janvier 2008, CCC 2008, Étude n° 2 ; L. Leveneur, Un peu de concurrence, beaucoup de droit de la consommation, JCP 2008. Act. 69 ; M. Cannarsa, La réforme des pratiques commerciales déloyales par la loi Chatel : le droit commun à la rencontre du droit de la consommation, JCP 2008. I. 180 ; Ph. Conte, Brèves observations à propos de l'incrimination des pratiques commerciales agressives, Dr. pénal 2008, Étude n° 3 ; S. Fournier, De la publicité fausse aux pratiques commerciales trompeuses, Dr. pénal 2008, Étude n° 4 ; A. Lepage, Un an de droit pénal de la consommation, Dr. pénal, mai 2008, Chron. 4.
  • [2]
    C. Ambroise-Castérot, Les nouvelles pratiques commerciales déloyales après la loi LME du 4 août 2008, AJ pénal 2009. 22 ; E. Dreyer, Un an de droit de la publicité, CCE 2008, chron. n° 7, p. 15 ; J. Lasserre Capdeville, La substitution du délit de pratiques commerciales trompeuses au délit de publicité fausse ou de nature à induire en erreur, LPA 21 nov. 2008, n° 234, p. 8 ; D. Fenouillet, La loi de modernisation de l'économie du 4 août 2008 et réforme du droit des pratiques commerciales déloyales, RDC 2009. 128.
  • [3]
    Directive n° 2005/29/CE du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales ; V. J. Biolay, La nouvelle directive européenne relative aux pratiques déloyales : défense prioritaire du consommateur et pragmatisme, Gaz. Pal. 9-10 nov. 2005. 3 ; D. Fenouillet, Une nouvelle directive pour lutter contre les pratiques commerciales déloyales, RDC 2005. 1059.
  • [4]
    J.-H. Robert, Le temps et le lieu dans la publicité trompeuse, JCP 1990. I. 3454 ; I. Ferrari, La jurisprudence de la Cour de cassation sur deux pratiques commerciales réglementées par le code de la consommation ; partie I : la publicité trompeuse, Dr. pénal 1995, chron. 10 ; S. Guinchard, Vingt ans après : l'évolution des sanctions de la publicité mensongère, Mélanges Chavanne, Litec 1990, p. 11.
  • [5]
    Crim. 4 déc. 1978, D. 1979. IR. 180, obs. G. Roujou de Boubée ; Crim. 13 mars 1979, JCP Cl. 1979. II. 13104, not. Guinchard ; Crim. 27 oct. 1980, RTD com. 1981. 622, obs. Bouzat ; Crim. 5 avr. 1995, Bull. crim. n° 151.
  • [6]
    V. not. Crim. 14 déc. 1994, Bull. crim. n° 415 ; cette Revue 1995. 570, obs. B. Bouloc ; Dr. pénal 1995, comm. 98, obs. Robert ; Crim. 26 oct. 1999, Bull. crim. n° 233 ; D. 2000. AJ. 80 ; Dr. pénal 2000, comm. 21, obs. Robert.
  • [7]
    Crim. 19 oct. 2004, Bull. crim. n° 245 ; cette Revue 2005. 87, obs. C. Ambroise-Castérot.
  • [8]
    Crim. 12 nov. 1997, Dr. pénal 1998, comm. 24, obs. Robert.
  • [9]
    V. not. Ph. Conte, note sous Crim. 14 oct. 1998, JCP 1999. II. 10066 ; Crim. 26 juin 2001, Bull. crim. n° 160 ; JCP 2002. I. 107, obs. Robert ; Dr. pénal 2001, comm. 143, obs. Robert.
  • [10]
    V. not. R. Saint-Esteben et J.-D. Bretzner, La charge de la preuve en matière de publicité trompeuse ou de nature à induire en erreur , D. 2006. 1610.
  • [11]
    Crim. 24 mars 2009, n° 08-86530, CCC 2009, comm. 235, obs. Raymond ; Dr. pénal 2009, comm. 84, obs. Robert.
  • [12]
    V. Crim. 4 oct. 1995, Bull. crim. n° 294 ; D. aff. 1996. 36 ; CCC 1996, comm. 53, obs. Raymond.
  • [13]
    V. cependant l'excellent article de C. Mascala, L'immeuble : un bien saisi par le code pénal ?, Mélanges Saint-Alary, éd. Législatives, 2006, p. 369 s.
  • [14]
    Crim. 18 nov. 1837, arrêt dit « Baudet », S. 1838. 1. 366.
  • [15]
    Alger, 24 mars 1911, DP 1913. 2. 168.
  • [16]
    Crim. 27 févr. 1996, Bull. crim. n° 96 ; Dr. pénal 1996, comm. 153, obs. Véron.
  • [17]
    Crim. 15 juin 1992, Bull. crim. n° 235 ; cette Revue 1993. 782, obs. P. Bouzat ; Crim. 27 mars 1995, Bull. crim. n° 124.
  • [18]
    Crim. 12 nov. 1864, Bull. crim. n° 257, DP 1865. 5. 158.
  • [19]
    Crim. 23 janv. 1997, Bull. crim. n° 34 ; D. 1999. Somm. 157, obs. S. Mirabail ; Dr. pénal 1997, comm. 93, obs. Véron ; cette Revue 1998. 553, obs. R. Ottehnof.
  • [20]
    CA Paris, 18 oct. 2005, Dr. pénal 2006, comm. 90, obs. Véron ; RDI 2006. 300, obs. G. Roujou de Boubée.
  • [21]
    Crim. 10 oct. 2001, Bull. crim. n° 205 ; D. 2002. Somm. 1796, obs. B. de Lamy ; Dr. pénal 2002, comm. 1, obs. Véron.
  • [22]
    Crim. 14 janv. 2009, Dr. pénal, mai 2009, comm. 64, obs. Véron ; D. 2009. Pan. 1725, obs. C. Mascala ; D. 2009. Pan. 2833, obs. G. Roujou de Boubée ; JCP 2009, n° 31-35, 166, note Beaussonie.
  • [23]
    Crim. 28 nov. 2000, Bull. crim. n° 355 ; D. 2001. AJ. 856, obs. Y. Rouquet ; RTD com. 2001. 529, obs. B. Bouloc ; Civ. 1re, 3 juil. 2008, Bull. civ. I, n° 189 ; Dr. pénal 2008, comm. 143, obs. Robert ; D. 2008. AJ. 1991 ; JCP 2009. I. 111, n° 7, obs. Robert ; CCC 2008, comm. 283, obs. Raymond.
  • [24]
    Lyon, 27 oct. 2005, CCC 2006, comm. 56, obs. Raymond ; Paris 23 nov. 2006, CCC 2007, comm. 110, obs. Raymond ; Bourges, 15 nov. 2007, JCP 2008. IV. 1943.
  • [25]
    Crim. 21 mai 1985, D. 1986. IR. 397 ; Crim. 27 mars 1996, Bull. crim. n° 139.
  • [26]
    Crim. 12 nov. 1986, Bull. crim. n° 335.
  • [27]
    CA Paris, 29 oct. 1998, CCC 1999, comm. 101, obs. G. Raymond.
  • [28]
    CA Paris, 24 mai 1982, D. 1983. 11, note J. Pradel et G. Paire ; Crim. 24 janv. 1991, Bull. crim. n° 41, D. 1991. Somm. 271, obs. G. Azibert ; D. 1994. Somm. 158, obs. G. Roujou de Boubée.
  • [29]
    V. C. Ambroise-Castérot, Les nouvelles pratiques commerciales déloyales après la loi LME du 4 août 2008, AJ pénal 2009. 22 ; Ph. Bonfils, Droit pénal des affaires, Montchrestien, coll. « Cours », 2009, n° 400 ; AJ pénal 2009. 179, obs. J.-R. Demarchi.

1. Les pratiques commerciales trompeuses dans la jungle des opérateurs téléphoniques : qualification des comportements et renouveau de l'élément moral

1 (Crim. 15 décembre 2009, n° 09-83.059, à paraître au Bull. crim. ; AJ pénal 2010. 73, note N. Ereseo et J. Lasserre Capdeville ; D. 2010. 203, obs. X. Delpech, Dr. pénal 2010, com. 41., obs. Robert)

2 Lorsque des réformes sont introduites, un temps d'attente est toujours obligé avant de pouvoir connaître l'interprétation que la jurisprudence entend adopter. Il y a deux ans, en 2008, le législateur a substantiellement modifié le code de la consommation. En effet, tout d'abord, la loi Chatel n° 2008-3 du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs  [1] est venue d'une part substituer à l'infraction de publicité fausse ou de nature à induire en erreur les « pratiques commerciales trompeuses », et d'autre part créer les nouvelles pratiques commerciales agressives. Ensuite, la loi de modernisation de l'économie n° 2008-776 du 4 août 2008  [2] est venue modifier l'édifice à peine créé. En effet, ces pratiques commerciales déloyales (C. consom., art. L. 120-1) ont été redéfinies (art. L. 121-1 et L. 122-11 retouchés), notamment par l'adjonction de pratiques commerciales réputées trompeuses (art. L. 121-1-1) et réputées agressives (art. L. 122-11-1).

3 Issue du droit communautaire, cette nouvelle législation n'est que la transposition d'une directive  [3] qui vise à étendre la protection pénale du consommateur et renforcer l'obligation de loyauté imposée au professionnel. On notera d'ailleurs que désormais, cette obligation de loyauté ouvre le titre II (« pratiques commerciales ») du Livre 1er du code (« Information des consommateurs et formation des contrats ») : un chapitre préliminaire ne contenant d'ailleurs qu'un seul texte, l'article L. 120-1 (largement modifié par la loi LME du 4 août 2008), fait de l'exigence de loyauté du professionnel un préalable qui devra sous-tendre d'une part toute son activité et d'autre part toute l'interprétation des dispositions contenues dans cette partie du code. L'alinéa premier de ce texte dispose que « les pratiques commerciales déloyales sont interdites. Une pratique commerciale est déloyale lorsqu'elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et qu'elle altère, ou est susceptible d'altérer de manière substantielle, le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l'égard d'un bien ou d'un service ». Et le paragraphe II précise que « constituent, en particulier, des pratiques commerciales déloyales les pratiques commerciales trompeuses définies aux articles L. 121-1 et L. 121-1-1 et les pratiques commerciales agressives définies aux L. 122-11 et L. 122-11-1 ».

4 Cette modification législative a compliqué la matière sans pour autant l'enrichir réellement ni — pour l'instant — apporter une nouvelle approche pénale de ces pratiques commerciales. L'arrêt rendu par la Chambre criminelle le 15 décembre 2009 tente ainsi d'apprivoiser la construction législative complexe afférente aux pratiques elles-mêmes. Mais, en revanche, la Cour de cassation semble profiter de cette réforme de 2008 pour opérer une mutation de l'élément moral du délit de l'article L. 121-1 du code de la consommation, publicité trompeuse devenue en 2008 « pratique commerciale trompeuse » : l'infraction est clairement affichée comme étant désormais un délit intentionnel.

Trompeuses, déloyales, agressives : les pratiques commerciales éclatées

5 En l'espèce, à la suite de l'ouverture du marché européen en matière de télécommunications, des personnes (souvent âgées) avaient été démarchées par un opérateur peu scrupuleux qui souhaitait capter par des moyens illicites la très importante clientèle de France Télécom. Les agents commerciaux mandatés par la société concurrente développaient d'abord au téléphone, auprès de leurs victimes, un argumentaire relatif aux tarifs des communications à la seconde ne comportant de précision ni sur le coût de chaque connexion, ni sur celui des paiements par chèque et ni sur le montant mensuel minimum de la facturation. Ensuite, des plaquettes publicitaires étaient envoyées par courrier aux personnes démarchées, mais celles-ci ne précisaient ni l'adresse du siège de la société, ni la durée de validité des offres, ni l'existence du droit de rétractation, mentions pourtant toutes obligatoires en vertu de la loi. La société ne fournissait aux consommateurs qu'une information parcellaire sur les tarifs réellement pratiqués, et, en plus, les documents publicitaires comportaient des précisions difficiles à trouver, en raison de leur localisation et de la police de caractères employée, sur la nature exacte des engagements des parties. Bref, un cas d'école en matière de violation des articles L. 121-18 et L. 121-19 relatifs aux contrats de vente de biens et de fournitures de prestations de services à distance ! Ces textes listent en effet toutes les mentions légales obligatoires devant être communiquées au consommateur, par téléphone mais également dans l'écrit subséquent. Mais le comportement de la société concurrente de France Télécom et de son dirigeant, au-delà du non-respect des prescriptions légales relatives aux ventes à distance, était également constitutif d'une autre infraction, beaucoup plus grave et récemment réformée : le délit de pratiques commerciales trompeuses. Créée par la loi du 2 juillet 1963, l'infraction de publicité mensongère fut transformée le 27 décembre 1973 en délit de publicité fausse ou de nature à induire en erreur, généralement dénommée par la doctrine « publicité trompeuse »  [4]. Codifiée en 1993 à l'article L. 121-1 du code de la consommation, cette infraction fut transformée en pratiques commerciales trompeuses par la loi du 3 janvier 2008, législation qui a hypertrophié l'article L. 121-1.

6 Selon la Cour de cassation, approuvant la décision rendue par les juges d'appel, « les prévenus ont, en trompant les consommateurs sur les caractéristiques essentielles des prestations téléphoniques proposées et en ne leur permettant pas d'exercer la faculté de s'informer et de se rétracter à l'occasion de la vente de prestations de services à distance, commis les délits prévus par les articles L. 121-1, L. 121-18 et L. 121-19 du code de la consommation, applicables à la date des faits et constitutifs de pratiques commerciales, les unes déloyales, les autres agressives au sens de l'article L. 120-1 du code de la consommation dans la rédaction résultant de la loi du 4 août 2008 ».

7 On peut s'interroger sur cette motivation à plusieurs titres. Dans un premier temps, au regard de la classification tripartite des infractions, l'affirmation de l'arrêt peut paraître ambiguë en évoquant la notion générique de délits. En effet, si les pratiques commerciales trompeuses sont bien des délits, il n'en va pas de même des infractions à la législation des ventes à distance, dont la sanction est confinée dans la partie réglementaire du code de la consommation : la violation des prescriptions des articles L. 121-18 à L. 121-20 est réprimée par les articles R. 121-1, R. 121-1-1 et R. 121-1-2 et ces infractions ne constituent que de simples contraventions de 5e classe.

8 Cette première remarque nous entraîne dans un second temps à nous interroger sur la pratique législative de construction de la répression sur mode labyrinthique. Tout spécialement dans le code de la consommation, la répression des multiples infractions n'est pas toujours évidente à trouver. La sanction de la violation des obligations afférant à la vente ou prestation de service à distance se trouve dans la partie réglementaire qui invite donc l'exégète à s'en remettre, pour connaître le montant de l'amende, au code pénal et plus précisément à l'article 131-13 qui dispose que les contraventions de 5e classe sont punies d'une amende de 1 500 €. Le même long fil d'Ariane doit être laborieusement déroulé pour trouver enfin la sanction des pratiques commerciales trompeuses. Le délit est prévu par l'article L. 121-1 du code de la consommation, mais c'est l'article L. 121-6 qui indique la sanction... en renvoyant à un troisième texte, l'article L. 213-1 ! La répression se trouve donc dans une autre partie du code de la consommation, dans un chapitre consacré aux fraudes et falsifications. Cet article L. 213-1, relatif à l'infraction de tromperie, punit ce délit d'une peine de deux ans d'emprisonnement et de 37 500 € d'amende.

9 Dans un troisième temps, l'addition même des textes peut prêter à confusion : autant les délits et contraventions susmentionnées sont identifiés en tant qu'infractions précises, autant la mention de l'article L. 120-1 est trouble. L'article L. 120-1 — créé le 3 janvier 2008 et profondément modifié le 4 août suivant par la loi LME — est un texte général, posant en quelque sorte des principes directeurs, qui ne sont assortis d'aucune sanction pénale. Finalement, l'article L. 120-1 est au code de la consommation ce que l'article préliminaire est au code de procédure pénale... si l'on nous permet cette comparaison un peu osée. Ce texte — qui est l'unique article d'un chapitre préliminaire consacré aux pratiques commerciales déloyales — établit les bases de lecture devant s'appliquer aux textes suivants, et il contient quelques éléments fondamentaux du plan des chapitres subséquents : pratiques commerciales trompeuses (qui constituent la section 1re du chapitre consacré aux pratiques commerciales réglementées) et pratiques commerciales agressives (dernière section du titre II du livre 1er du code). Déloyales, trompeuses, agressives : l'arrêt les embrasse toutes ! Selon la motivation, il semble que les pratiques commerciales trompeuses de l'article L. 121-1 — « les unes » — soient déloyales au sens de l'article L. 120-1, et que « les autres », c'est-à-dire celles des articles L. 121-18 et L. 121-19 soient agressives au sens de ce même texte... alors mêmes que ces comportements appartiennent non pas à la section V du code consacré justement aux pratiques commerciales agressives (incluses dans le chapitre relatif aux « pratiques illicites »), mais au chapitre intitulé « pratiques commerciales réglementées ». Bref... On comprend l'idée générale répressive, on comprend la volonté pédagogique du législateur comme l'intention d'éclaircissement de la Cour de cassation, on comprend aussi le sens global de l'article L. 120-1... mais, au point de vue de la structure, au regard de l'imbrication supposée de ces pratiques, et du point de vue la logique constructive qui est censé sous-tendre ce code, honnêtement, on s'y perd un peu...

L'élément moral du délit de publicité trompeuse, devenue pratique commerciale trompeuse

10 Le second problème que soulevait l'arrêt est assez traditionnel, à savoir la nature de l'élément moral de l'infraction prévue à l'article L. 121-1 du code de la consommation. La réponse qu'y apporte la Chambre criminelle est en revanche novatrice.

11 À l'origine, en 1963, la caractérisation de ce délit requérait la mauvaise foi, exigence supprimée dix ans plus tard, par la loi du 27 décembre 1973. Tout débat sur la question de la bonne ou de la mauvaise foi de l'annonceur devenait hors sujet et la condamnation du professionnel quasiment assurée  [5].

12 Ce délit est devenu non intentionnel et, après l'adoption du nouveau code pénal (entrée en vigueur le 1er mars 1994), cette solution a été clairement réaffirmée par la Cour de cassation, s'appuyant sur l'article 339 de la loi n° 92-1336 du 16 décembre 1992, dite d'adaptation du nouveau code pénal  [6]. Ainsi, une simple faute d'imprudence ou de négligence suffisait  [7]. La Chambre criminelle a pu ainsi plusieurs fois rappeler que « la négligence de l'annonceur, qui n'a pas vérifié la sincérité et la véracité du message publicitaire incriminé avant d'en assurer la diffusion, caractérise l'élément moral du délit de publicité trompeuse »  [8]. Ce délit formel  [9] était donc bien, selon la jurisprudence, non intentionnel. L'imprudence, la négligence ou l'inattention, caractérisaient l'élément moral de l'infraction. Le raisonnement des juges reposait sur l'idée qu'un « bon » professionnel, un professionnel « honnête », n'aurait pas commis de tels actes ou omissions, ce qui justifiait de leur condamnation. Si l'on comprend la volonté répressive, en revanche, du point de vue de la légalité, la motivation pouvait laisser à désirer. Après tout, selon le principe édicté par l'article 121-3, alinéa 1er, du code pénal « il n'y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre ». Pour qu'une infraction d'imprudence ou de négligence puisse exister, la loi doit alors prévoir ce contenu spécifique de l'élément moral. Dans l'infraction de publicité trompeuse, devenue pratique commerciale trompeuse, aucune mention n'est faite. Par conséquent, en vertu de l'article 121-3 du code pénal, et abstraction faite de l'obscur article 339 de la loi d'adaptation — sujet à de complexes interprétations —, l'infraction de l'article L. 121-1 du code de la consommation devrait appartenir, logiquement, aux délits intentionnels... et c'est exactement ce que va proclamer la Cour de cassation le 15 décembre 2009.

13 Pour condamner le prévenu des chefs de publicité de nature à induire en erreur, la cour d'appel avait fondé sa décision sur le fait qu'il était le président de la société depuis sa création, et qu'il ne pouvait donc ignorer les obligations d'information du consommateur sur les tarifs de prestations proposées, ni le caractère mensonger des publicités que sa propre société diffusait.

14 Le prévenu tenta de faire valoir qu'une telle motivation revenait en réalité à renverser la charge de la preuve, débat très classique en matière d'élément moral  [10]. La réponse de la Cour de cassation fut alors inattendue. Tout en approuvant la conclusion des juges du fond, elle va clairement fonder sa motivation sur l'article 1er de l'article 121-3 du code pénal, siège des infractions intentionnelles, et redonner sa vraie nature au délit débattu devant elle : « attendu qu'en l'état de ces énonciations, d'où il résulte que le prévenu n'a pas pris toutes les précautions propres à assurer la véracité des messages publicitaires, et dès lors que la seule constatation de la violation, en connaissance de cause, d'une prescription légale ou réglementaire implique de la part de son auteur l'intention coupable exigée par l'article 121-3, alinéa 1er, du code pénal, la cour d'appel a justifié sa décision ». Pour la première fois, à notre connaissance, la Chambre criminelle applique au délit de publicité trompeuse de l'article L. 121-1 du code de la consommation, devenue pratique commerciale trompeuse, l'exigence de la démonstration d'une intention coupable. L'arrêt est clair, sans ambiguïté : il est reproché au prévenu son intention coupable, et le texte fondant cette solution est bien l'alinéa 1er de l'article 121-3 du code pénal. Ce choix est logique, rationnel, et doit être approuvé : une pratique trompeuse, tout comme ses voisines ou cousines que constituent les infractions de tromperie (art. L 213-1 C. consom.) ou d'escroquerie (art. 313-1 C. pén.), reposent rationnellement sur une volonté coupable. Ce raisonnement est en adéquation avec l'idée générale de loyauté exigée du professionnel.

15 La Cour de cassation avait pourtant semblé, en début d'année, prôner une continuité jurisprudence et laisser la publicité trompeuse dans la catégorie des délits non intentionnels, en tirant a priori aucun argument de la double réforme de 2008. En effet, à propos d'une politique d'indisponibilité, très logiquement qualifiée de pratique commerciale trompeuse, la Chambre criminelle avait implicitement laissé entendre qu'il n'y avait aucun changement de lecture relatif à l'élément moral  [11]. L'arrêt rapporté — qui connaît les honneurs d'une publication au Bulletin — énonce clairement une lecture différente et parfaitement cohérente avec les principes de droit pénal général. Tromper — qu'il s'agisse de publicité trompeuse ou de pratiques commerciales trompeuses de l'article L. 121-1 du code de la consommation, de tromperies de l'article L. 213-1 du code de la consommation ou encore d'escroquerie (art. 313-1 C. pén.) — suppose une intention coupable fondée sur l'alinéa 1er de l'article 121-3 du code pénal.

16 Pour autant, quant à la solution, le changement de fondement textuel et de motivation ne modifie en rien le verdict. L'absence de précaution et la violation de prescriptions légales ou réglementaires ne caractérisent plus la négligence pénalement répréhensible, mais l'intention coupable (violation « en connaissance de cause », exige la Chambre criminelle).

17 Si le professionnel ne voit pas la différence — quelque soit la caractérisation de l'élément moral, il est en définitive toujours condamné —, le juriste, si ! Grâce à cette décision de revirement sur l'élément moral, la logique pénale et le respect des principes y ont beaucoup gagné.

2. Protection du lieu de travail par la législation sur le démarchage

18 (Crim. 24 mars 2009, n° 08-84.073, CCC 2009, comm. 211, obs. Raymond)

19 La protection pénale du consommateur s'étend-elle à son lieu de travail ?

20 C'est à cette question que la Chambre criminelle a eue à répondre dans un arrêt du 24 mars 2009, de facture somme toute classique.

21 En l'espèce, un médecin dermatologue et son épouse, gérante d'une clinique privée, avaient, sur conseil d'une de leurs salariées, accepté de recevoir à la clinique une personne vendant des vêtements confectionnés sur mesure. Après l'avoir rencontrée sur leur lieu de travail, les deux époux l'ont ensuite sollicitée afin qu'elle leur fasse des propositions. La prévenue est revenue avec son catalogue et un processus contractuel s'est enclenché. Pendant plusieurs semaines, et à plusieurs reprises, les deux époux ont commandé des vêtements, ont participé à l'exécution des contrats en versant des acomptes de plusieurs milliers d'euros, et ont accepté de se prêter à des prises de mesures et à des essayages, sans jamais faire d'objection.

22 Bien évidemment, lors de ces multiples commandes et ventes, les articles 121-23, L. 121-24, L. 121-25 et L. 121-26, relatifs au contenu du contrat, ne furent pas respectés (mentions obligatoires fort nombreuses exigées par la loi, contrat en double, formulaire détachable, interdiction de recevoir une quelconque somme pendant le délai de réflexion, etc.). Les époux pouvaient-ils d'un côté faire annuler ces commandes et ventes, sur le plan civil, et de l'autre, obtenir la condamnation pénale de la prévenue qui était venue présenter ses produits ?

23 Les premiers juges avaient fort logiquement considéré que ces pratiques consistaient en un démarchage entrant dans le champ de l'article L. 121-21. En effet, ce texte dispose que doit être soumis à la législation consumériste du démarchage quiconque pratique ou fait pratiquer le démarchage, au domicile d'une personne physique, à sa résidence ou à son lieu de travail, même à sa demande, afin de lui proposer l'achat, la vente, la location, la location-vente ou la location avec option d'achat de biens ou la fourniture de service. Le lieu de travail étant expressément visé, la loi sur le démarchage devait s'appliquer. Dura lex, sed lex. Tel ne fut pas l'avis des juges d'appel qui crûrent bon de décider, à partir d'un raisonnement déconnecté du code de la consommation, qu'il ne s'agissait pas de ventes à domicile parce que le processus contractuel s'était poursuivi pendant plusieurs semaines et que les parties civiles avaient eu toute liberté pour mettre fin au contrat avant que les vêtements commandés eussent été entièrement confectionnés.

24 La sanction de la Cour de cassation était donc attendue.

25 Au visa des articles L. 121-21, L. 121-23, L. 121-24, L. 121-26 et L. 121-28 du code de la consommation, la Chambre criminelle critique les juges d'appel pour s'être fondé sur des motifs inopérants, puis rappelle que le principe et les conditions essentielles de l'achat des vêtements avaient été arrêtés au lieu de travail des parties civiles, où la prévenue s'était rendue à leur demande. Par conséquent, la loi sur le démarchage devait s'appliquer dans toute sa rigueur.

26 Cette solution est à la fois strictement conforme à la loi, l'article L. 121-21 mentionnant explicitement le lieu de travail comme un endroit protégé des démarcheurs, mais aussi parfaitement classique  [12]. La cour d'appel s'est ici arrêtée aux conditions factuelles et s'est prononcée plus en équité qu'en droit... comme si le « consentement des victimes » excusait l'infraction commise par la prévenue. Tous ses arguments des juges d'appel étaient inutiles, sans objet. Peu importe le comportement des “victimes”, peu importe la fréquence et la durée de cette relation commerciale. La loi n'exige qu'un critère d'application : la détermination du lieu de démarchage. Et s'il a lieu au domicile ou sur le lieu de travail, les articles L 121-23 à L. 121-26 doivent être suivis à la lettre. À défaut, les prévenus encourent les peines fulminées à l'article L. 121-28, à savoir un an d'emprisonnement et 3 750 € d'amende.

3. L'immeuble, le mal aimé du droit pénal

27 (Crim. 13 janv. 2009, n° 08-84.069, Bull. crim. n° 12, JCP 2009, IV, 1329 ; Dr. pénal 2009, comm. 37, obs. Robert ; CCC 2009, comm. 119, obs. Raymond ; AJ pénal 2009. 179, obs. J.-R. Demarchi ; JCP 2009. II. 10094, note Donnier ; Rev. pénit. 2009, p. 459, obs. Robert)

28 Les immeubles n'ont jamais beaucoup intéressé les pénalistes  [13]. Généralement, d'ailleurs, les biens immobiliers ne sont guère pris en compte par le législateur, et encore moins par la jurisprudence. Invitée à interpréter les termes de « choses » ou de « biens » — sans autre précision ni adjectif qualificatif —, la Chambre criminelle a toujours eu tendance à rejeter l'immeuble en dehors des frontières répressives. L'étude du droit pénal des biens est à cet égard extrêmement éclairante.

Immeubles et droit pénal des biens

29 Tout d'abord, le délit de vol, il est vrai, semble difficilement conciliable avec les immeubles. En effet, pour voler, il faut « prendre, enlever, ravir »  [14], La chose doit pouvoir être déplacée  [15] ce qui exclut naturellement l'infraction de vol. Toutefois, des arbres sur pied, devenus des meubles par anticipation, peuvent faire l'objet de vol  [16]. On pourrait même imaginer le démontage, la « déconstruction » totale d'une habitation, brique par brique, tuile par tuile, jusqu'aux planchers et huisseries : il faudrait bien alors reconnaître un vol, sinon de l'immeuble en tant que tel, mais de ses milliers de composants « éclatés façon puzzle ». Mais il ne s'agit que de cas d'école quelque peu caricaturaux.

30 Ensuite, concernant d'escroquerie, la jurisprudence a clairement exclu les immeubles du champ pénal de cette infraction, rappelant par des motifs de principe que « la remise d'immeubles construits n'entre pas dans les prévisions de la loi »  [17]. Cependant, deux tempéraments ont été apportés à cette solution rigide, l'une par la jurisprudence, l'autre par la loi. Pour la Cour de cassation, d'une part, bien que l'escroquerie ne puisse porter directement sur un immeuble, il est possible de retenir quand même l'infraction à la condition que le détournement provoqué par les manœuvres frauduleuses porte sur un titre de propriété  [18] ou bien sur l'acte de transfert de la propriété d'un appartement  [19]. D'autre part, le législateur est intervenu le 18 mars 2003 pour créer une nouvelle infraction affectant spécialement les relations immobilières à l'article 313-6-1 qui prévoit que « le fait de mettre à disposition d'un tiers, en vue qu'il y établisse son habitation moyennant le versement d'une contribution ou la fourniture de tout avantage en nature, un bien immobilier appartenant à autrui, sans être en mesure de justifier de l'autorisation du propriétaire ou de celle du titulaire du droit d'usage de ce bien, est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende ». Ainsi, l'infraction est consommée chaque fois que les locataires indiquent avoir remis des sommes au soi-disant propriétaire de l'appartement en contrepartie d'un bail qui se révèle faux  [20].

31 Enfin, concernant l'abus de confiance, la solution est la plus drastique. La Chambre criminelle refuse obstinément que les immeubles puissent entrer dans le champ de la loi. Saisie d'une affaire de remise de clefs d'appartement qui n'ont pas été rendues, la Cour de cassation a énoncé dans un arrêt de principe, au visa de l'article 314-1 du code pénal, que « l'abus de confiance ne peut porter que sur des fonds, des valeurs, ou un bien quelconque, à l'exclusion d'un immeuble »  [21]. Encore plus récemment, la Chambre criminelle a rappelé ce principe et l'a même étendu aux droits réels immobiliers : « Mais attendu qu'en l'état de ces énonciations, qui n'établissent pas que l'abus de confiance a porté sur des fonds, valeurs ou biens susceptibles de détournement, remis à titre précaire, et alors que ne peut être réprimée l'utilisation abusive d'un bien immobilier ou de droits réels portant sur un immeuble, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ; [...] Casse et annule [sans renvoi] »  [22]. La jurisprudence exclut donc systématiquement les biens immobiliers et les droits réels immobiliers du champ d'application de l'abus de confiance.

Immeubles et droit pénal de la consommation

32 Le droit pénal de la consommation est à peine plus ouvert au monde immobilier. Voire, pire, ses solutions, au contraire du droit pénal des biens, sont souvent contradictoires. D'une infraction à l'autre, les immeubles entrent ou sortent du cercle répressif.

33 Ainsi, tout d'abord, le démarchage à domicile — qui s'applique, dixit l'article L. 121-21, aux biens et aux services — ne respectant pas les prescriptions légales ou réglementaires est pénalement sanctionné, que ce démarchage porte sur des meubles ou sur des immeubles  [23]. Il importe peu, d'ailleurs, que l'agent immobilier se rende au domicile du client à la demande de celui-ci pour lui faire signer un mandat ou n'importe quel acte afférant à un immeuble. Ce contrat est soumis aux articles L. 121-21 s. du code de la consommation  [24].

34 Ensuite, concernant les pratiques commerciales trompeuses (art. L 121-1) et les tromperies (art. L 213-1) — infractions similaires —, la jurisprudence adopte des solutions radicalement opposées, dont la justification semble résider dans la multiplicité de termes empruntés au droit civil ou commercial.

35 En matière de publicité trompeuse — devenue pratique commerciale trompeuse avec la réforme du 3 janvier 2003 (loi Chatel) —, la solution jurisprudentielle est pérenne depuis des décennies. Les immeubles sont inclus dans le champ répressif. Il est possible de tromper autrui à propos d'un bien immobilier  [25]. Ainsi, caractérise le délit le fait de louer un appartement sans mentionner de problèmes de bruit alors que l'immeuble est toujours en construction et que les nuisances sonores sont donc très importantes  [26]. De même, le fait de proposer à la location des biens immobiliers déjà loués constitue également le délit de publicité trompeuse  [27]. Il est vrai que l'article L. 121-1 évoque les biens et les services. Le terme « bien » est ici logiquement analysé avec une grille de lecture civiliste comme incluant meubles et immeubles... à la différence de l'escroquerie et de l'abus de confiance, où l'expression « bien quelconque » — utilisée dans les articles 313-1 et 314-1 du code pénal — est interprétée par la Cour de cassation comme excluant les immeubles.

36 Il n'existe pas, à notre connaissance, d'arrêt rendu sur le fondement de l'article L. 121-1 du code de la consommation depuis la modification législative de 2008, mais on peut raisonnablement penser que la solution sera maintenue, d'autant que les lois Chatel et LME ont élargi le champ d'application de ce texte. Mais c'est justement là où le bât blesse et où le contraste est le plus saisissant. En effet, la double réforme a transformé la publicité trompeuse en pratiques commerciales trompeuses, créant quelque part sinon une confusion, du moins une dangereuse proximité entre ce délit et l'infraction de tromperie. La tromperie, prévue à l'article L. 213-1, ne sanctionne-t-elle pas justement des comportements trompeurs, autrement dit des pratiques trompeuses ? Comment distinguer une tromperie d'une pratique trompeuse ? La comparaison même du contenu des deux textes conduit à s'inquiéter du flou des concepts. Et ce trouble est renforcé par la distorsion importante entre les décisions jurisprudentielles, dont l'arrêt du 13 janvier 2009 est une illustration.

37 En l'occurrence, il s'agissait d'un agent immobilier qui avait mis en location un studio en mentant sur les caractéristiques de celui-ci. En effet, la surface du logement donné à bail était inférieure aux 18 m² annoncés tant par la fiche technique remise avant la signature du contrat que par l'état des lieux. Saisis par le preneur déçu, les juges du fond avaient condamné l'agent immobilier pour tromperie aux motifs que le fait de communiquer au preneur, avant la conclusion du bail, un document mentionnant une surface approximative, supérieure à la surface réelle, a pour effet de tromper le futur locataire sur un élément déterminant du contrat.

38 Mais la Chambre criminelle va censurer la décision des juges du fond : « Vu les articles L. 213-1 et L. 216-1 du code de la consommation ; Attendu que la location d'un immeuble, fût-il meublé, n'entre pas, en tant que telle, dans le champ d'application de ces textes ». Et la cour de conclure que « les faits reprochés ne pouvaient constituer une tromperie ni sur les qualités substantielles d'une marchandise ni sur celles d'une prestation de services, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés ; D'où il suit que la cassation est encourue ; qu'elle aura lieu sans renvoi, les faits reprochés n'étant pas susceptibles de qualification pénale ».

39 Cette solution n'a rien de nouveau. La jurisprudence s'était déjà prononcée en ce sens antérieurement  [28]. La jurisprudence considère que les immeubles ne peuvent être assimilés à des « marchandises », « choses » et « produits », termes visés par l'article L. 213-1 dans ses trois alinéas, ni aux « prestations de services » de l'article L. 216-1 du code de la consommation. Mais, pour être réguliers, ces arrêts n'en restent pas moins difficilement compréhensibles : comment les immeubles peuvent-ils demeurer exclus du champ des tromperies, tout en étant inclus dans celui des pratiques commerciales trompeuses qui en sont si proches ?  [29]. Car en effet, à bien y regarder, le comportement de cet agent n'aurait-il pas pu être poursuivi des chefs de pratiques commerciales trompeuses ? (ou, avant la double réforme de 2008, de publicité fausse ou de nature à induire à erreur) ? Cet agent immobilier n'a-t-il pas utilisé des allégations, indications ou présentations trompeuses portant sur les caractéristiques du bien ? Lorsque l'on examine l'article L. 121-1, 2°, b), il semble que le comportement de l'agent immobilier y entrait parfaitement ! Cet arrêt résonne, pour le ministère public, comme une invitation à abandonner le terrain des tromperies, trop étroit et étriqué, pour le vaste champ plein de promesses des pratiques commerciales trompeuses aux frontières apparemment repoussées loin vers l'infini.

40 Ainsi, d'un texte à l'autre, et en vertu d'une simple interprétation jurisprudentielle plutôt hostile à l'appréhension pénale des immeubles, on fait entrer ou sortir un comportement malhonnête du champ de la loi. Comprenne qui pourra... Mais, de toute façon, cette décision constitue une nouvelle invitation à réfléchir sur la compréhension de la classification civiliste des biens passée au prisme de la matière pénale, et sur l'immense diversité d'un vocabulaire à connotation parfois commercialiste (« biens », « biens quelconques », « marchandises », « produits », voire le très large concept de « chose ») qui ne facilite pas le travail d'appréciation du juriste.


Date de mise en ligne : 01/04/2019

https://doi.org/10.3917/rsc.1001.0146

Notes

  • [1]
    D. Ferrier et D. Ferré, La réforme des pratiques commerciales : loi n° 2008-3 du 3 janvier 2008, CCC 2008, Étude n° 2 ; L. Leveneur, Un peu de concurrence, beaucoup de droit de la consommation, JCP 2008. Act. 69 ; M. Cannarsa, La réforme des pratiques commerciales déloyales par la loi Chatel : le droit commun à la rencontre du droit de la consommation, JCP 2008. I. 180 ; Ph. Conte, Brèves observations à propos de l'incrimination des pratiques commerciales agressives, Dr. pénal 2008, Étude n° 3 ; S. Fournier, De la publicité fausse aux pratiques commerciales trompeuses, Dr. pénal 2008, Étude n° 4 ; A. Lepage, Un an de droit pénal de la consommation, Dr. pénal, mai 2008, Chron. 4.
  • [2]
    C. Ambroise-Castérot, Les nouvelles pratiques commerciales déloyales après la loi LME du 4 août 2008, AJ pénal 2009. 22 ; E. Dreyer, Un an de droit de la publicité, CCE 2008, chron. n° 7, p. 15 ; J. Lasserre Capdeville, La substitution du délit de pratiques commerciales trompeuses au délit de publicité fausse ou de nature à induire en erreur, LPA 21 nov. 2008, n° 234, p. 8 ; D. Fenouillet, La loi de modernisation de l'économie du 4 août 2008 et réforme du droit des pratiques commerciales déloyales, RDC 2009. 128.
  • [3]
    Directive n° 2005/29/CE du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales ; V. J. Biolay, La nouvelle directive européenne relative aux pratiques déloyales : défense prioritaire du consommateur et pragmatisme, Gaz. Pal. 9-10 nov. 2005. 3 ; D. Fenouillet, Une nouvelle directive pour lutter contre les pratiques commerciales déloyales, RDC 2005. 1059.
  • [4]
    J.-H. Robert, Le temps et le lieu dans la publicité trompeuse, JCP 1990. I. 3454 ; I. Ferrari, La jurisprudence de la Cour de cassation sur deux pratiques commerciales réglementées par le code de la consommation ; partie I : la publicité trompeuse, Dr. pénal 1995, chron. 10 ; S. Guinchard, Vingt ans après : l'évolution des sanctions de la publicité mensongère, Mélanges Chavanne, Litec 1990, p. 11.
  • [5]
    Crim. 4 déc. 1978, D. 1979. IR. 180, obs. G. Roujou de Boubée ; Crim. 13 mars 1979, JCP Cl. 1979. II. 13104, not. Guinchard ; Crim. 27 oct. 1980, RTD com. 1981. 622, obs. Bouzat ; Crim. 5 avr. 1995, Bull. crim. n° 151.
  • [6]
    V. not. Crim. 14 déc. 1994, Bull. crim. n° 415 ; cette Revue 1995. 570, obs. B. Bouloc ; Dr. pénal 1995, comm. 98, obs. Robert ; Crim. 26 oct. 1999, Bull. crim. n° 233 ; D. 2000. AJ. 80 ; Dr. pénal 2000, comm. 21, obs. Robert.
  • [7]
    Crim. 19 oct. 2004, Bull. crim. n° 245 ; cette Revue 2005. 87, obs. C. Ambroise-Castérot.
  • [8]
    Crim. 12 nov. 1997, Dr. pénal 1998, comm. 24, obs. Robert.
  • [9]
    V. not. Ph. Conte, note sous Crim. 14 oct. 1998, JCP 1999. II. 10066 ; Crim. 26 juin 2001, Bull. crim. n° 160 ; JCP 2002. I. 107, obs. Robert ; Dr. pénal 2001, comm. 143, obs. Robert.
  • [10]
    V. not. R. Saint-Esteben et J.-D. Bretzner, La charge de la preuve en matière de publicité trompeuse ou de nature à induire en erreur , D. 2006. 1610.
  • [11]
    Crim. 24 mars 2009, n° 08-86530, CCC 2009, comm. 235, obs. Raymond ; Dr. pénal 2009, comm. 84, obs. Robert.
  • [12]
    V. Crim. 4 oct. 1995, Bull. crim. n° 294 ; D. aff. 1996. 36 ; CCC 1996, comm. 53, obs. Raymond.
  • [13]
    V. cependant l'excellent article de C. Mascala, L'immeuble : un bien saisi par le code pénal ?, Mélanges Saint-Alary, éd. Législatives, 2006, p. 369 s.
  • [14]
    Crim. 18 nov. 1837, arrêt dit « Baudet », S. 1838. 1. 366.
  • [15]
    Alger, 24 mars 1911, DP 1913. 2. 168.
  • [16]
    Crim. 27 févr. 1996, Bull. crim. n° 96 ; Dr. pénal 1996, comm. 153, obs. Véron.
  • [17]
    Crim. 15 juin 1992, Bull. crim. n° 235 ; cette Revue 1993. 782, obs. P. Bouzat ; Crim. 27 mars 1995, Bull. crim. n° 124.
  • [18]
    Crim. 12 nov. 1864, Bull. crim. n° 257, DP 1865. 5. 158.
  • [19]
    Crim. 23 janv. 1997, Bull. crim. n° 34 ; D. 1999. Somm. 157, obs. S. Mirabail ; Dr. pénal 1997, comm. 93, obs. Véron ; cette Revue 1998. 553, obs. R. Ottehnof.
  • [20]
    CA Paris, 18 oct. 2005, Dr. pénal 2006, comm. 90, obs. Véron ; RDI 2006. 300, obs. G. Roujou de Boubée.
  • [21]
    Crim. 10 oct. 2001, Bull. crim. n° 205 ; D. 2002. Somm. 1796, obs. B. de Lamy ; Dr. pénal 2002, comm. 1, obs. Véron.
  • [22]
    Crim. 14 janv. 2009, Dr. pénal, mai 2009, comm. 64, obs. Véron ; D. 2009. Pan. 1725, obs. C. Mascala ; D. 2009. Pan. 2833, obs. G. Roujou de Boubée ; JCP 2009, n° 31-35, 166, note Beaussonie.
  • [23]
    Crim. 28 nov. 2000, Bull. crim. n° 355 ; D. 2001. AJ. 856, obs. Y. Rouquet ; RTD com. 2001. 529, obs. B. Bouloc ; Civ. 1re, 3 juil. 2008, Bull. civ. I, n° 189 ; Dr. pénal 2008, comm. 143, obs. Robert ; D. 2008. AJ. 1991 ; JCP 2009. I. 111, n° 7, obs. Robert ; CCC 2008, comm. 283, obs. Raymond.
  • [24]
    Lyon, 27 oct. 2005, CCC 2006, comm. 56, obs. Raymond ; Paris 23 nov. 2006, CCC 2007, comm. 110, obs. Raymond ; Bourges, 15 nov. 2007, JCP 2008. IV. 1943.
  • [25]
    Crim. 21 mai 1985, D. 1986. IR. 397 ; Crim. 27 mars 1996, Bull. crim. n° 139.
  • [26]
    Crim. 12 nov. 1986, Bull. crim. n° 335.
  • [27]
    CA Paris, 29 oct. 1998, CCC 1999, comm. 101, obs. G. Raymond.
  • [28]
    CA Paris, 24 mai 1982, D. 1983. 11, note J. Pradel et G. Paire ; Crim. 24 janv. 1991, Bull. crim. n° 41, D. 1991. Somm. 271, obs. G. Azibert ; D. 1994. Somm. 158, obs. G. Roujou de Boubée.
  • [29]
    V. C. Ambroise-Castérot, Les nouvelles pratiques commerciales déloyales après la loi LME du 4 août 2008, AJ pénal 2009. 22 ; Ph. Bonfils, Droit pénal des affaires, Montchrestien, coll. « Cours », 2009, n° 400 ; AJ pénal 2009. 179, obs. J.-R. Demarchi.

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