Couverture de CIVIT_044

Article de revue

Le juge des comptes et les conséquences de la nouvelle subjectivisation de son office

Pages 93 à 112

Notes

  • [1]
    Loi du 16 septembre 1807 relative à l’organisation de la Cour des Comptes. Voir pour un exemplaire de la loi : https://www.napoleon.org
  • [2]
    En ce sens, G. ANDRÉANI, « La Cour des comptes et la séparation des pouvoirs », Commentaire SA 1986, n°1, n° 33, p. 93 et suiv.
  • [3]
    Voir, par ex., D. Le PAGE (dir.), Contrôler les finances sous l’Ancien Régime. Regards d’aujourd’hui sur les Chambres des comptes, Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2011 ou O. MATTÉONI, « Vérifier, corriger, juger. Les Chambres des comptes et le contrôle des officiers », in Institutions et pouvoirs en France, Paris, Editions Picard, 2010, p. 123 et suiv.
  • [4]
    Dans la mise en place progressive de ces chambres des comptes, il faut souligner le rôle moteur joué par la Chambre des comptes royale de Paris dont l’ordonnance du Vivier-en-Brie en février 1320 est le 1er texte réglementaire établissant son fonctionnement. La Chambre des comptes du Roi de France constitue le modèle auquel les princes du Royaume de France se sont référés lorsqu’ils ont créé, à leur tour, au cours du XIVe siècle, leur propre institution. Cf. Pour un exemplaire de l’ordonnance promulguée par Philippe V : E. LALOU, « La Chambre des comptes du Roi de France », in P. CONTAMINE et O. MATTÉONI (dir.), Les Chambres des comptes en France aux XIVe et XVe siècles, Paris, Institut de la gestion publique et du développement économique, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 1998, p. 1 et suiv. et H. JASSEMIN, La Chambre des comptes de Paris au XVe siècle, précédé d’une étude sur ses origines, Paris, Picard, 1933.
  • [5]
    Le contrôle et la juridiction des Chambres des comptes s’exerçaient sur tous les officiers chargés d’administrer les biens du Roi, d’en percevoir les revenus et d’acquitter les dépenses publiques. Les Chambres des comptes avaient vocation à contrôler l’ensemble des comptes des officiers, qu’il s’agisse des comptes relatifs aux revenus domaniaux ou des comptes d’impôt.
  • [6]
    Comme le montrent les nombreuses ordonnances émises sur ce point au cours de la période : on peut citer, par exemple, les ordonnances de Charles V du 1er mars 1388 et de Charles VI de mars 1408, qui résument l’état de la législation à cette époque.
  • [7]
    Elle confirme, ratifie les actes tels que les affranchissements, les fondations, les achats et les ventes du roi et de ses officiers, les accords en tout genre, et les inscrits sur ses registres. De même, elle doit entériner les donations et grâces diverses émanant du souverain et de son Conseil, car celles-ci touchent à la fortune dont elle a la gérance.
  • [8]
    J. MAGNET, « La juridiction des comptes dans la perspective historique », in P. CONTAMINE et O. MATTÉONI (dir.), La France des principautés. Les Chambres des comptes, XIVe et XVe siècles, Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 1996, propos introductifs.
  • [9]
    Cf. S. DAUBRESSE, « La Chambre des comptes et le Parlement de Paris sous Charles IX », in D. Le PAGE (dir.), Contrôler les finances sous l’Ancien Régime. Regards d’aujourd’hui sur les Chambres des comptes, Paris, Institut de la gestion publique et du développement économique, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2011, p. 489 et suiv.
  • [10]
    Voir, pour l’ensemble des remarques, S. FLIZOT, « Aux origines de la loi du 16 septembre 1807 créant la Cour des comptes : le contrôle des comptes publics de 1790 à 1807 », in P. BEZES, F. DESCAMPS, S. KOTT et L. TALLINEAU (dir.) L’invention de la gestion des finances publiques, Élaborations et pratiques du droit budgétaire et comptable au XIXè siècle (1815-1914), Paris, Institut de la gestion publique et du développement économique, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2010, p. 129 et suiv.
  • [11]
    Le décret des 6 et 7 septembre 1790 pose, en l’article 12 de son titre XIV, le principe de la suppression des chambres dès qu’un « nouveau régime de comptabilité » aura été mis en place. Un décret du 4 juillet 1791 rend effective la suppression des chambres à la date où il serait notifié et prescrit l’apposition des scellés sur les greffes, dépôts et archives des chambres. Un dernier décret du 17 septembre 1791 met en place le nouveau régime de la comptabilité publique.
  • [12]
    En accord avec les dispositions de l’article 14 DDHC en vertu duquel « Tous les citoyens ont le droit de constater par eux-mêmes ou par leurs représentants la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi ».
  • [13]
    N. OCHOA, « La Cour des comptes, autorité administrative indépendante. Pour une lecture administrativiste du droit de la comptabilité publique », RFDA, 2015, p. 831 et suiv., pour qui, si la Cour des comptes avait été créée à la fin du XXe siècle, elle serait formellement considérée comme une AAI, ce qu’elle est sur le plan matériel des fonctions qu’elle effectue.
  • [14]
    M. COLLET, « Le contrôle juridictionnel des comptes publics : réformer ou supprimer ? », RFDA, 2014, p. 1015 et suiv.
  • [15]
    Depuis l’article 1er de la loi du 22 juin 1967, aujourd’hui codifié à l’article L. 111-1 CJF, selon lequel : « La Cour des comptes juge les comptes des comptables publics ».
  • [16]
    Voir, en ce sens, N. OCHOA, « La Cour des comptes, autorité administrative indépendante. Pour une lecture administrativiste du droit de la comptabilité publique », op. cit.
  • [17]
    En ce sens, D. MIGAUD, « Entretien avec Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes », Gestion et Finances Publiques, 2019, n°3, p. 74 et suiv.
  • [18]
    Il existe aujourd’hui l’équivalent de ce que l’on pourrait appeler 5 cours suprêmes dans le système juridictionnel français : la Cour de cassation, le Conseil d’Etat, le Conseil constitutionnel et les deux juges européens que sont la Cour européenne des droits de l’homme et la Cour de justice de l’union européenne. Elles sont, toutes les cinq, au sommet de leur ordre juridictionnel respectif et elles ont, toutes les cinq, fonction de faire respecter l’état de droit dans un système constitutionnel où, face au pouvoir exécutif, le pouvoir législatif ne joue plus son rôle de contre-pouvoir.
  • [19]
    D. MIGAUD, « Entretien avec Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes », op. cit.
  • [20]
    On peut citer, par exemple, le cas d’une dépense irrégulière, d’une recette non recouvrée ou encore d’un déficit en fin d’exercice. Pour une liste complète, il faut se référer au décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 (JO, 10 novembre 2012, p. 17713) relatif à la gestion budgétaire et comptable publique.
  • [21]
    Voir, par exemple, N. BAVEREZ, « La Cour des comptes, juridiction introuvable ? », Rec. Dalloz, 1992, p. 173 et suiv.
  • [22]
    Le juge européen considère, par exemple, que certaines autorités administratives indépendantes, lorsqu’elles statuent sur des droits et obligations de caractère civil ou le bien-fondé d’accusation en matière pénale, relèvent de la notion de juridiction. Cf. par ex., pour comparer, R. CHAPUS, « Qu’est-ce qu’une « juridiction » ? La réponse de la jurisprudence administrative », Mélanges Eisenmann, Paris, Cujas, 1975, p. 265 et suiv. et R. KOVAR, « La notion de juridiction en droit européen », Mélanges Waline, Paris, Dalloz, 2002, p. 607 et suiv. Voir, pour une étude de la question plus récente et très complète, L. MILANO, « Qu’est-ce qu’une juridiction ? La question a-t-elle encore une utilité ? », RFDA, 2014, p. 1119 et suiv.
  • [23]
    Les critères formels touchent à l’organe, à la procédure et à l’acte. La Cour des comptes est bien un organe étatique spécialisé dont les membres ont la qualité de magistrat. Par contre, concernant la procédure et les actes produits, les choses sont moins claires et moins précises.
  • [24]
    Loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 (JO, 30 janvier 1993, p. 1588) relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques.
  • [25]
    Décret n°95-945 du 23 août 1995 (JO, 27 août 1995, p. 12713) relatif aux chambres régionales des comptes.
  • [26]
    CourEDH, GC, 12 avril 2006, Martinie contre France, req. n°58675/00 et CourEDH, 12 décembre 2006, Siffre, Ecoffet et Bernardini contre France, req. n° 49699/99, 49700/99 et 49701/99.
  • [27]
    Loi n° 2008-1091 du 28 octobre 2008 (JO, 29 octobre 2008, p. 16416) relative à la Cour des comptes et aux chambres régionales des comptes ; décret en Conseil d’État n° 2008-1397 et décret simple n° 2008-1398 du 19 décembre 2008 (JO, 26 décembre 2008, p. 19997 et p. 19989) portant réforme des procédures juridictionnelles devant la Cour des comptes, les chambres régionales des comptes et la chambre territoriale des comptes de Nouvelle-Calédonie
  • [28]
    Le caractère contradictoire étant notamment assuré par la publicité de l’audience dès lors que des charges ont été retenues.
  • [29]
    N. BAVEREZ, « La Cour des comptes, juridiction introuvable ? », op. cit.
  • [30]
    A. LEYAT, « La Cour des comptes, juridiction retrouvée ? », AJDA, 2009, p. 2313.
  • [31]
    Cf. Par ex., Y.-G.-D. KAMDOM, « La théorie du « ministre juge » dans le champ du contentieux financier public : état des lieux et perspectives d’évolution », Gestion et finances publiques, 2019, n°5, p. 70 et suiv.
  • [32]
    95 % des décisions rendues par le juge des comptes se trouvaient ainsi remises en cause par l’usage, par le ministre du budget, de son pouvoir de remise gracieuse.
  • [33]
    Loi n°2006-1771 du 30 décembre 2006 (JO, 31 décembre 2006, p. 20228) de finances rectificative pour 2006.
  • [34]
    Décret n° 2008-228 du 5 mars 2008 (JO, 7 mars 2008, p. 4265) relatif à la constatation et à l’apurement des débets des comptables publics.
  • [35]
    Loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 (JO, 29 décembre 2011, p. 22510) de finances rectificative pour 2011.
  • [36]
    Qui serait plutôt, en réalité, l’équivalent d’une amende ou d’une sanction disciplinaire ou pécuniaire.
  • [37]
    Voir, par ex., S. DAMAREY, M. LASCOMBE et X. VANDENDRIESSCHE, « L’identification du préjudice financier dans le cadre du nouveau régime de responsabilité des comptables publics », Gestion et finances publiques, 2015, n° 11-12, p. 139 et suiv.
  • [38]
    Cf. par ex., en ce sens, F. ADVIELLE et P. VAN HERZELE, « Le juge des comptes et le préjudice financier », AJDA, 2014, p. 1987 et suiv. ; S. DAMAREY, « Tout manquement d’un comptable public doit-il être apprécié en termes de préjudice financier subi ? », BJCL, 2016, n° 9 ; N. PEHAU et N. HAUPTMANN, « Les chambres réunies précisent la notion de préjudice financier », AJDA, 2017, p. 463 et suiv.
  • [39]
    Cf. en ce sens, C. MALVERTI et C. BEAUFILS, « L’enrichissement en cause : le préjudice financier en dépense devant le juge des comptes », AJDA, 2020, p. 289 et suiv.
  • [40]
    Voir, notamment, S. DAMAREY, M. LASCOMBE et X. VANDENDRIESSCHE, « L’identification du préjudice financier dans le cadre du nouveau régime de responsabilité des comptables publics », op. cit. ou C. MALVERTi et C. BEAUFILS « L’enrichissement en cause : le préjudice financier en dépense devant le juge des comptes », op. cit.
  • [41]
    Le juge des comptes y est plutôt favorable mais son office ne lui permet pas souvent de passer outre.
  • [42]
    Il a pu juger que le juge devait apprécier l’existence et le montant du préjudice à la date à laquelle il statue en prenant en compte, le cas échéant, des faits postérieurs au manquement tels qu’un éventuel reversement dans la caisse du comptable des sommes correspondant à des dépenses irrégulièrement payées ou à des recettes non recouvrées : CE, 22 février 2017, Grand port maritime de Rouen, req. n°397924, GFP, 2017, n° 4, p. 133, chron. DAMAREY, LASCOMBE et VANDENDRIESSCHE, JCP, 2017, A, n°2139, note P. GRIMAUD et O. VILLEMAGNE.
  • [43]
    Cf. en ce sens, C. MALVERTI et C. BEAUFILS, « L’enrichissement en cause : le préjudice financier en dépense devant le juge des comptes », op. cit.
  • [44]
    CE, sect., 27 juillet 2015, Ministre délégué, chargé du budget [SIE de Saint-Brieuc Est (1)], req. n°370430, AJDA, 2015, p. 2142, chron. L. DUTHEILLET de LAMOTHE et G. ODINET, DA, 2019, comm. n°79, F.-T. RAKOTONDRAHASOL, JCP, 2015, A, n°2300, note S. DAMAREY selon lequel lorsque le manquement consiste en une insuffisance des « diligences et contrôles » qui incombent au comptable au titre du recouvrement des recettes, et que cette faute a empêché la collectivité publique d’encaisser la recette en cause, « le manquement doit, en principe, être regardé comme ayant causé un préjudice financier à l’organisme public concerné ». Cependant, il en va autrement « s’il résulte des pièces du dossier qu’à la date du manquement, la recette était irrécouvrable en raison notamment de l’insolvabilité de la personne qui en était redevable ». Selon certaines décisions des juges des comptes, il convenait de rechercher, de manière plus restrictive, si la créance était irrécouvrable depuis le moment où elle est entrée dans les comptes dont le comptable a la charge, dans l’idée que, dans ce cas, des diligences rapides auraient pu permettre le recouvrement.
  • [45]
    CE, sect., 06 décembre 2019, Mme B. A., agent comptable de l’ONIAM, req. n°418741 et DRFIP Ille-et-Vilaine, req. n°425542, AJDA, 2020, p. 239, chron. C. MALVERTI et C. BEAUFILS.
  • [46]
    Dans les deux arrêts commentés, le Conseil d’Etat précise, plus particulièrement, la manière dont doit être apprécié, par le juge des comptes, le lien de causalité entre le manquement du comptable et le préjudice financier. Pour ce faire, sont distingués trois types de manquements (portant sur l’exactitude de la liquidation de la dépense ayant abouti à un trop-payé, à une dépense non ordonnée, à une dette prescrite ou non échue ou à priver le paiement d’effet libératoire, portant sur le respect de règles formelles, telles que l’exacte imputation budgétaire ou l’existence du visa du contrôleur budgétaire ou encore portant sur « le contrôle de la qualité de l’ordonnateur ou de son délégué, de la disponibilité des crédits, de la production des pièces justificatives requises ou de la certification du service fait ») assortis de plusieurs niveaux de présomption selon que le dit comptable soit à l’origine ou non d’un préjudicie financier.
  • [47]
    C. MALVERTI et C. BEAUFILS, « En ce sens l’enrichissement en cause : le préjudice financier en dépense devant le juge des comptes », op. cit.
  • [48]
    S. DAMAREY, « Le devenir du principe de séparation des ordonnateurs et des comptables », Gestion et Finances Publiques, 2019, n°5, p. 76 et suiv.
  • [49]
    Projet de loi portant réforme des juridictions financières n° 2001 (A.N., XIIIe lég.). Pour une présentation détaillée, voir S. DAMAREY, « La réforme des juridictions financières, entre perspectives et incertitudes », JCP, 2009, A, act., n°1176 et, du même auteur, « Le projet de réforme des juridictions financières : portée, évidences et insuffisances d’un texte », JCP, 2010, A, n°2041.
  • [50]
    Constitué en fait de trois lois : la loi de finances rectificative du 29 juillet 2011 (JO, 30 juillet 2011, p. 12969), la loi du 13 décembre 2011 (JO, 14 décembre 2011, p. 21105) relative à la répartition des contentieux et à l’allègement de certaines procédures juridictionnelles, la loi n° 2011-1978 de finances rectificative du 28 décembre 2011 (JO, 29 décembre 2011, p. 22510).
  • [51]
    S. DAMAREY, « La réforme des juridictions financières, un goût d’inachevé », JCP, 2012, A, n°2032.
  • [52]
    M.-C. de MONTECLER, « Après la loi patchwork, la réforme saucissonnée », AJDA, 2011, p. 1585 et suiv.
  • [53]
    S. DAMAREY, « La réforme des juridictions financières, un goût d’inachevé », op. cit.
  • [54]
    Cf. le fait que la liste des infractions sanctionnables a été renforcé. Il en existait Initialement 6 (art. L. 313-1 à L. 313-6 CJF). La possibilité pour tout créancier détenteur d’une créance résultant de l’inexécution d’une décision de justice, de saisir la CDBF a été rajoutée par la suite (loi n°80-539 du 16 juillet 1980 (JO, 17 juillet 1980, p. 1797) relative aux astreintes prononcées en matière administrative et à l’exécution des jugements par les personnes morales de droit public et les personnes de droit privé chargées d’une mission de service public). La possibilité de sanctionner des carences graves, des omissions et négligences dans le rôle de direction d’un organisme a également été rajoutée (loi n°95-1251 du 28 novembre 1995 (JO, 30 novembre 1995, p. 17487) relative à l’action de l’État dans les plans de redressement du Crédit lyonnais et du Comptoir des entrepreneurs). Il faut aussi évoquer, notamment, pour le changement de la procédure devant la CDBF, l’ordonnance n° 2016-1360 du 13 octobre 2016 (JO, 14 octobre 2016, texte n°2) modifiant la partie législative du code des juridictions financières.
  • [55]
    Voir en ce sens S. DAMAREY, « Le devenir du principe de séparation des ordonnateurs et des comptables », Gestion et finances publiques, 2019, n° 5, p. 76 et suiv. et D. MIGAUD, « La responsabilité des gestionnaires publics », 18 octobre 2019, www.conseil-etat.fr.
  • [56]
    L’article L. 312-1 CJF exclue, dans la plupart des cas, du champ de compétence de la CDBF, les membres du gouvernement et les exécutifs locaux. Cette exclusion est critiquée de longue date et la réforme de 2010 voulait y mettre fin. Le Parlement en avait décidé autrement. Le Conseil constitutionnel a jugé, le 2 décembre 2016, conformes à la Constitution, les dispositions de l’article L. 312-1 CJF : CC, n° 2016-599 QPC, 2 décembre 2016, Mme Sandrine A. [Personnes justiciables de la cour de discipline budgétaire et financière], JO, 4 décembre 2016, texte n°28.
  • [57]
    Il faut noter, par ex., que la CDBF, comme elle est considérée comme une juridiction répressive, n’appréciera pas, de la même manière que le juge des comptes, des faits, pourtant, de nature équivalente comme des conflits sociaux, des pressions, des violences. Alors que la CDBF a plutôt tendance à trouver là une atténuation de la responsabilité de ceux qui en sont victimes, quand bien même ils auraient commis des irrégularités, le juge des comptes n’y voit pas matière à décharger ou atténuer la responsabilité des comptables. Cf. O. VILLEMAGNE et P. GRIMAUD, « Responsabilités des comptables et des ordonnateurs : quel impact des pressions subies ? », AJDA, 2015, p. 2069 et suiv.
  • [58]
    Cf. en ce sens, par ex., L. PEYEN, « Pour une véritable éthique financière : le renforcement de la Cour de discipline budgétaire et financière », Gestion et Finances Publiques, 2017, n° 6, p. 25 et suiv.
  • [59]
    La Cour des comptes a depuis longtemps développé une jurisprudence qui permet au comptable, en cas de non-recouvrement d’une recette, de dégager sa responsabilité s’il prouve qu’il a mis en œuvre des « diligences adéquates, complètes et rapides pour le recouvrement » (Cour des comptes, 27 février et 19 mars 1964, Dupis, receveur municipal de la commune d’Igny-le-Jard, Rec. CE, p. 91). Après quelques moments de doutes, le Conseil d’Etat a définitivement confirmé cette jurisprudence de la Cour (CE, Ass., 27 octobre 2000, Mme. Desvigne, req. n° 196046, GAJFin., n° 28, RFDA, 2001, p. 737, concl. A. SEBAN). En revanche, s’agissant des dépenses, le juge des comptes ne peut faire reposer ses décisions sur aucun élément d’appréciation : il ne lui est pas possible, en particulier, de fonder une décision de décharge au motif que l’irrégularité constatée n’aurait entraîné aucun manquant dans la caisse publique.
  • [60]
    D. MIGAUD, « La responsabilité des gestionnaires publics », op. cit.
  • [61]
    Sauf pour le cas de force majeure où l’article 146 de la loi de finances rectificative pour 2006 du 30 décembre 2006 attribue désormais compétence au juge des comptes pour apprécier dans quelle mesure des « circonstances » de force majeure peuvent avoir une influence sur la responsabilité encourue par le comptable public.
  • [62]
    Principe posé, implicitement, dans l’arrêt CE, 12 juillet 1907, Ministre des finances contre Nicolle, req. n°23933, Rec. CE, p. 656 puis, explicitement, dans l’arrêt CE, Ass., 20 novembre 1981, Ministre du budget contre Rispail, req. n°18402, Rec. CE, p. 434.
  • [63]
    Des remises gracieuses totales sont accordées à moins de 7 % des demandes : Cf. Rapport public annuel 2019 de la Cour des comptes, Paris, Documentation française, p. 34.
  • [64]
    Voir, notamment, M. COLLET, « Le contrôle juridictionnel des comptes publics : réformer ou supprimer ? », RFDA, 2014, p. 1015.
  • [65]
    Plusieurs réformes récentes (en dernier lieu l’article 14 de l’ordonnance n°2016-1360 du 13 octobre 2016 (JO, 14 octobre 2016, texte n°2) modifiant la partie législative du code des juridictions financières, disposition codifiée à l’art. L. 211-2 CJF) ont substitué une procédure dite d’« apurement administratif » des comptes (conduite par les services du ministère des finances) à la traditionnelle procédure d’apurement juridictionnel pour les comptes des petites communes, des petits EPCI, des associations syndicales, des associations foncières de remembrement ou encore des établissements publics locaux d’enseignement.
  • [66]
    Au-delà de l’impact significatif des observations et rapports publics de la Cour et des chambres (impact médiatique mais aussi impact pratique sur la gestion administrative), c’est le développement considérable de leurs compétences d’audit qui a consacré la place éminente du juge des comptes au sein des institutions de la République.
  • [67]
    J.-L. ALBERT et T. LAMBERT, La Cour des comptes, un pouvoir rédempteur ?, Paris, LGDJ, 2017.
  • [68]
    Ibid.
  • [69]
    Ibid.
  • [70]
    En ce sens, S. DAMAREY, « Le devenir du principe de séparation des ordonnateurs et des comptables », op. cit.
  • [71]
    Art. 17 de l’ordonnance du 14 septembre 1822 concernant la comptabilité et la justification des dépenses publiques selon lequel « Les fonctions d’administrateur et d’ordonnateur sont incompatibles avec celle de comptable ».
  • [72]
    On peut mentionner les régies d’avance et de recettes (qui permettent, pour des raisons de commodité, à des agents placés sous l’autorité de l’ordonnateur et la responsabilité du trésorier, d’exécuter de manière limitative et contrôlée, un certain nombre d’opérations), les paiements sans ordonnancement préalable où ordre de payer de l’ordonnateur, la possibilité de recourir à un mandat permettant à une personne autre que le comptable public de manier des deniers publics, l’usage du pouvoir de réquisition par l’ordonnateur (puisque ce dernier requiert le comptable de payer la dépense ordonnancée), le nouveau contexte managérial de la LOLF (Loi organique n°2001-692 du 1er août 2001 (JO, 2 août 2001, p. 12480) relative aux lois de finances entrée en vigueur le 1er janvier 2006) ou encore le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 (JO, 10 novembre 2012, p. 17713) relatif à la gestion budgétaire et comptable publique (dit « décret GBCP ») qui consacre de nouvelles possibilités d’assouplissement opérationnel, à travers la mise en place, par exemple, de services facturiers.
  • [73]
    Où ce sont les ordonnateurs qui procèdent à la liquidation.
  • [74]
    Il s’agit, à travers ces agences comptables intégrées et dans le cadre d’une expérimentation, de déléguer les opérations relevant de la compétence du comptable public aux Etablissements Publics de Santé (EPS), aux collectivités territoriales et à leurs groupements. Le dispositif a été établi par l’’article 243 de la loi de finances n° 2018-1317 pour 2019 du 28 décembre 2018 (JO, 30 décembre 2018, texte n°1). Constatant le faible nombre de projets initiés au niveau local et s’appuyant sur les « inquiétudes » des agents, la direction générale des finances publiques (DGFIP) a décidé de suspendre la mise en place de ces agences.
  • [75]
    Cf. P. VAN HERZELE, « La certification des comptes publics locaux : Vers un compte financier unique (CFU) pour quel objectif ? », RFFP, 2019, n°145, p. 75 et suiv. ou P. LAPORTE, « Gestion publique locale : une révolution décentralisatrice est possible », Gestion et Finances Publiques, 2019, n°3, p. 39 et suiv.
  • [76]
    D. MIGAUD, « Entretien avec Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes », op. cit.
  • [77]
    J.-L. NADAL, Renouer la confiance publique. Rapport au Président de la République sur l’exemplarité des responsables publics, Paris, La documentation française, 2015, p. 119 et suiv.
  • [78]
    S. THEBAULT, « Le pas de plus vers la responsabilité pour faute du comptable ou comment tout changer en préservant l’essentiel », RFFP, 2013, n° 121, p. 233 et suiv.
  • [79]
    En ce sens, S. DAMAREY, « Le devenir du principe de séparation des ordonnateurs et des comptables », op. cit.
  • [80]
    En ce sens, N. BAVEREZ, « La Cour des comptes, juridiction introuvable ? », op. cit.

1La Cour des comptes est, dès l’origine, une institution plus que déconcertante. Lors de sa création en 1807 [1], on a d’abord et longtemps parlé de « rétablissement » et non de « création à proprement dite » de l’institution [2]. Le statut, les pouvoirs, les membres, qui sont nommés à vie et inamovibles, tout, jusqu’à l’appellation de l’institution, l’amène à être l’héritière des « chambres des comptes » de l’Ancien-Régime [3]. Si ces dernières se sont progressivement mises en place [4], elles ont, dès l’origine, étaient considérées comme des juridictions à part entière avec, qui plus est, une plénitude de juridiction en matière financière [5]. Le temps du contrôle des comptes était, avant tout, le temps, par excellence, d’un dialogue entre l’administration centrale et les officiers locaux. Mais ce dialogue s’est progressivement inscrit dans le cadre d’une procédure qui s’est affinée tout au long des XIVe et XVe siècles [6]. Du contrôle des comptes, son rôle premier, les Chambres en sont venues, assez logiquement, au contrôle administratif [7]. Puis, à cette époque, comme toute administration implique nécessairement juridiction, elles ont aussi statué sur les affaires concernant la monnaie et les litiges à propos de la liquidation des comptes.

2Rigoureuse et stricte dans ses principes, leur procédure a été définie, dès l’origine, comme une procédure fondamentalement judiciaire ou juridictionnelle mentionnant que « les comptes de deniers publics [doivent être] rendus immédiatement à un juge, alors même qu’il n’existe pas de contentieux » [8].

3Ces Chambres des comptes, compétentes en matière de finances ordinaires, engageaient même des poursuites contre les comptables de deniers publics qui se rendaient coupables de malversations et jouaient ainsi le rôle du juge pénal ou de la Cour de discipline budgétaire et financière (CDBF) actuelle. A ce sujet, le fait que les Chambres des comptes soient aussi des cours de justice à part entière provoque, dès l’origine, des conflits de compétence avec les Parlements d’ancien régime en raison de limites juridictionnelles mal définies au moment de la mise en place des deux institutions. Les Parlements n’admettant pas que les Chambres des comptes soient considérées comme des cours de justice dont on ne pourrait faire appel des décisions, en somme qu’elles soient des cours souveraines. Les Parlements défendant le principe qu’ils sont les seuls à prononcer des arrêts au nom du Roi en dernier ressort [9]. L’opposition initiale a, néanmoins, par la suite, abouti à des exemples de collaboration et de respect mutuel dans l’accomplissement de leurs tâches respectives et quotidiennes faisant à ce que le pouvoir judiciaire commençait à s’élever au-dessus du pouvoir exécutif. Ces cours ne représentaient plus déjà la personne du Roi, elles représentaient l’Etat au-delà de la personne du Roi [10] dans la logique de notre état de droit actuel.

4Comme les Parlements, les Chambres des comptes ont, en conséquence, été supprimées par la constituante le 7 septembre 1790 [11] alors qu’elles constituaient, paradoxalement, les seuls contre-pouvoirs sous l’Ancien-Régime. Il y eut, pourtant, par la suite, au cours de l’année 1791, un débat passionné, qui allait durer plusieurs mois, sur la création d’un « Tribunal » ou d’une « Cour de comptabilité » chargé de juger le contentieux né de l’examen des comptes mais également compétent, par une suite nécessaire, pour juger la responsabilité civile des ministres, des ordonnateurs et de tous les autres agents principaux du pouvoir exécutif. Tous les administrateurs, ordonnateurs, comptables et responsables en matière de finances étant alors justiciables de ce « Tribunal » ou « Cour de comptabilité ». Mais la proposition de création de cette juridiction financière unique s’est heurtée à la méfiance des représentants de la nation eu égard au travail et à l’influence des anciennes chambres des comptes. Ces derniers se méfiant de toute cour supérieure qui pourrait constituer un danger pour la suprématie qu’ils entendaient se réserver dans le fonctionnement des institutions. Ils ont alors rattacher le contrôle des comptes au pouvoir législatif [12].

5Dans cette logique, l’article 18 de la loi du 16 septembre 1807 précitée défend à la Cour des comptes, nouvellement créée, de s’attribuer juridiction sur les ordonnateurs et de refuser l’allocation des paiements faits sur une ordonnance revêtue des formalités prescrites. Le système de 1807 laisse, en effet, au Gouvernement toute liberté quant à l’appréciation de la responsabilité de ses agents et des conséquences à en tirer. De plus, la responsabilité devant la Cour n’est que civile, toute appréciation du comportement personnel des comptables est interdite. Celle-ci est réservée au supérieur hiérarchique qui peut toujours réduire ou annuler le montant des sommes mises à leur charge par les arrêts de la Cour. Les fonctions alors dévolues à la Cour des comptes sont, en réalité, une exception au principe de séparation des autorités administratives et judiciaires tel qu’il est établi à l’époque. On limite la portée des fonctions de la Cour pour que la liberté d’action de l’administration n’en pâtisse pas. La Cour doit être l’auxiliaire du gouvernement, pas son censeur, elle doit faire peur aux comptables sans contrôler l’exécutif [13]. Pour autant, seul le modèle judiciaire permettait de garantir une certaine indépendance dans le contrôle de la régularité de l’utilisation des fonds publics, toute l’organisation de la Cour a été, en ce sens, copiée sur celle de la Cour de cassation d’où le paradoxe ou la « procédure aussi atypique que byzantine » [14].

6La Cour des comptes a aujourd’hui gardé ses traits pour le moins particuliers, hérités de l’ensemble des contradictions que l’on a pu décrire et qui ont perduré au-delà des siècles. Pour le législateur, elle est, aujourd’hui, d’un point de vue formel, une juridiction [15] mais si on s’intéresse à la matérialité de ses missions, elle a plus une fonction administrative qu’une fonction juridictionnelle. L’office du juge n’étant pas de régler un litige mais de sanctionner automatiquement les erreurs des comptables publics dans l’établissement de leurs comptes. En agissant de la sorte, le juge des comptes serait plutôt l’équivalent d’une commission administrative paritaire ou d’un conseil de discipline comme il peut en exister dans la fonction publique, l’arrêt rendu ayant un objectif essentiellement disciplinaire [16]. Pour autant, dans un domaine qui n’est pas matériellement juridictionnel, le juge des comptes est devenu un « pouvoir » protégé, juridiquement et statutairement, par des garanties d’indépendance « juridictionnelle » [17]. Ces garanties lui permettent de faire pression, de plus en plus, sur les ministères avec des propositions et des discours qui dépassent parfois le rôle assigné au juge des comptes par le législateur.

7Le juge financier est, ainsi, arrivé à un tournant de son histoire dans la mesure où, son influence, ces pouvoirs et la procédure développée devant lui l’amènent à être davantage un contre-pouvoir qu’un allié du pouvoir en place. La question peut être débattue d’un retour vers une logique plus administrative dans le contrôle des comptes mais, dans le même sens et le même ordre que ce qui s’opère à propos des autres juges à part entière dans le système juridictionnel français [18], la tendance, plus réaliste, est à un développement de l’office du juge des comptes dans une optique d’Etat de droit et de respect de l’une des raisons d’être de la Cour, à savoir le respect de l’article 15 DDHC selon lequel « La société a le droit de demander compte à tout Agent public de son administration ». Si l’expression « rendre compte » se limite à décrire ou détailler ce qui a été fait soit informer le public, elle ne correspond plus aux attentes de nos concitoyens vis-à-vis des gestionnaires publics, attentes qui sont très fortes en termes de régularité et de probité.

8Il y a, aujourd’hui, une volonté, dans le maniement des deniers publics, d’établir clairement et de rendre opérantes les responsabilités et donc, en conséquence, de rendre plus effective la responsabilité des ordonnateurs. S’il appartient, au juge des comptes d’assumer pleinement son statut de juge à l’égard des comptables, la tendance actuelle est qu’il développe aussi le même office à l’égard de tous les gestionnaires publics. L’approche plus subjective l’amène à restreindre logiquement la mise en jeu de la responsabilité des comptables. Pour maintenir l’équilibre et en conséquence, il faut admettre, comme le relève l’ancien premier président de la Cour des comptes, Didier Migaud, que « la « mise en jeu de la responsabilité a horreur du vide » et un resserrement sans doute souhaitable du régime de la RPP suppose nécessairement, par le jeu des équilibres, un élargissement de la responsabilité des ordonnateurs, quel que soit leur statut » [19]. Si l’office plus subjectif du juge des comptes l’amène ainsi, aujourd’hui, à restreindre la responsabilité des comptables (I), il l’amène aussi, conséquemment et nécessairement, pour le futur, à élargir la responsabilité des ordonnateurs (II).

I – Un office plus subjectif qui amène à restreindre la responsabilité des comptables

9Par tradition, l’office du juge des comptes a toujours eu une nature objective. La responsabilité du comptable est, en principe, engagée par le seul constat par la juridiction financière d’une irrégularité affectant les comptes et donc d’un manquement objectif du comptable [20]. Ni le comportement personnel du comptable ni les circonstances n’ont vocation à être pris en compte à ce stade. En ce sens, et comme décrit précédemment, il n’est pas indispensable que l’institution, qui contrôle le bon accomplissement par les comptables de leurs obligations statutaires, soit une autorité ayant un statut juridictionnel. Pour autant, toute l’évolution est allée en ce sens, la procédure, jadis tant décrié devant le juge des comptes [21], s’est « juridictionnalisée » (A). Si cela n’a pas fait disparaitre le côté « objectif » du contentieux, cela a permis, progressivement, au juge, de développer un côté de plus en plus subjectif dans son office et donc, conséquemment, de peser davantage dans le choix de la mise en jeu de la responsabilité des comptables (B).

A – Une procédure contentieuse de moins en moins particulière

10La définition de la notion de « juridiction » ou « d’acte juridictionnel » fait partie des questions assez controversées, ne serait-ce qu’à s’en tenir à la différence de perception entre le niveau national et le niveau européen [22]. Pour l’essentiel, il faut des critères formels et matériels pour définir une « juridiction ». En gros, sont des « juridictions », les organes étatiques spécialisés ayant pour fonction de résoudre des litiges en appliquant des règles de droit et dont les actes, lorsqu’ils sont devenus définitifs, se voient reconnaître l’autorité de la chose jugée. Si le juge des comptes paraît satisfaire à certains critères formels [23], il ne remplit pas les conditions posées par les critères matériels. Les activités juridictionnelles de la Cour des comptes sont largement minoritaires, il n’y a pas à proprement parler de litiges (c’est le législateur qui saisit le juge en lui imposant le contrôle systématique des comptes des comptables publics) ni de parties (c’est le compte qui est jugé et non le comptable). Les actes produits sont majoritairement composés de rapports et d’observations portant sur la gestion, y compris dans les attributions juridictionnelles de la Cour. Il n’y a pas d’arrêts fondés sur l’application d’une règle de droit. Enfin, les sanctions les plus courantes, à savoir la mise en débet des comptables publics, sont susceptibles d’être remises en cause par une autorité administrative, le ministre des Finances, ce qui est contraire au principe d’autorité de la chose jugée.

11Jusqu’en 2008, la procédure devant la Cour des Comptes était même secrète, écrite et objective, le principe du contradictoire n’étant maintenu que par la règle du double arrêt : un manquement constaté, la Cour rendait un arrêt temporaire, laissant au comptable deux mois pour apporter les justificatifs additionnels ou verser la somme manquante, l’arrêt définitif ne pouvant intervenir qu’après. Plusieurs textes se sont néanmoins efforcés de moderniser les règles et de réduire les singularités qui caractérisent la procédure en tentant de la rapprocher des procédures juridictionnelles « classiques » notamment suite au développement constant des procédures de gestion de fait initiées par les chambres régionales des comptes. On peut citer, par exemple, la mise en place du droit à audition devant la formation de délibéré [24] ou l’institution de l’audience publique en matière d’amende [25]. Sous la pression de la jurisprudence du juge européen [26], la loi du 28 octobre 2008 [27] a, ensuite, mis en place des procédures juridictionnelles homogènes s’appliquant dans les mêmes conditions devant la Cour et devant les chambres régionales des comptes. Elle a supprimé la règle du double arrêt [28] et a institué une séparation stricte des fonctions de poursuite, d’instruction et de jugement. Les institutions financières sont ainsi passées de juridictions « introuvables » [29] à juridictions « retrouvées » [30].

12Après la réforme de procédure de 2008, une question restait à traiter, celle relative à l’existence, toujours manifeste, dans le champ du contentieux financier public, de l’équivalent d’une justice retenue ou de ce que l’on pourrait appeler la « théorie du ministre juge » [31]. Les comptables, dont la responsabilité avait été engagée par le juge des comptes, pouvaient obtenir du ministre du budget, en cas de force majeure, la décharge totale ou partielle de leur responsabilité, ou en dehors de cette circonstance, la remise gracieuse des sommes laissées à leur charge [32]. Il y avait là une atteinte manifeste au principe de séparation des pouvoirs et d’indépendance de la justice. Cette atteinte a été quelque peu corrigée. Le législateur a, ainsi, donné compétence au juge des comptes pour prendre en considération l’existence de circonstances constitutives de la force majeure dans la constatation du débet [33]. Puis c’est le pouvoir réglementaire qui va prévoir que tout projet de remise gracieuse dont le montant excède une limite soit soumis à l’avis de la Cour des comptes et non plus, comme auparavant, à l’avis du Conseil d’Etat [34]. La troisième évolution, et certainement la plus importante, est intervenue à la suite de la loi du 28 décembre 2011 de finances rectificatives pour 2011 [35]. Cette dernière, a introduit dans le contrôle du juge des comptes, la notion de « préjudice financier ». Le débet ne sera désormais établi, en cas de manquement, que s’il y a préjudice financier. Si ce dernier n’existe pas, le juge peut prononcer une « somme non rémissible » [36]. La remise gracieuse du ministre n’est plus possible qu’en cas de prononcé de débet et disparait dans l’hypothèse de la somme « non rémissible ».

B – Une procédure qui permet au juge de peser davantage dans le choix de la mise en jeu de la responsabilité des comptables

13Si le juge financier doit traditionnellement juger « les comptes » et non « les comptables », une nouvelle façon de concevoir le contentieux s’est, peu à peu, développée devant les juridictions financières depuis, notamment, les nouveautés mises en place par la réforme de 2011. C’est la notion de « préjudice financier » qui est à la base de cette nouvelle approche du juge dans son office. Lorsque le manquement a causé un préjudice financier, le régime de responsabilité est identique à celui qui existait avant la réforme puisque le comptable doit verser, sur ses deniers personnels, les sommes manquantes. Il peut demander au ministre chargé du budget la remise gracieuse des sommes mises à sa charge. En l’absence de préjudice financier, en revanche, le montant que le comptable doit verser se trouve fortement réduit puisque, dorénavant, le juge des comptes peut obliger le comptable à s’acquitter d’une somme arrêtée, pour chaque exercice, en tenant compte des circonstances de l’espèce. L’introduction du débet sans préjudice atténue, en ce sens, la responsabilité du comptable public. Le débet juridictionnel n’est donc plus automatique et l’étendue de la responsabilité pécuniaire va se trouver en pratique réduite.

14Le fait que le juge tienne compte des « circonstances de l’espèce » introduit ainsi une dose nouvelle de subjectivité dans l’appréciation de la responsabilité du comptable, pourtant traditionnellement considérée comme une responsabilité objective. L’appréciation du juge, auparavant, se fondait, essentiellement, sur les éléments matériels des comptes, sans prendre en compte le comportement personnel du comptable. Le but étant, comme dans tout contentieux objectif, de discuter de la règle de droit en tant que tel et non de ce qu’elle peut procurer à une partie ou l’autre à l’instance comme cela pourrait être le cas dans les hypothèses de responsabilité de droit commun. La responsabilité du comptable était engagée dès qu’il était constaté un manque dans la caisse publique, il importait peu qu’il ait commis une faute, le simple manque suffisait à être le fait générateur du débet.

15L’appréciation de la notion de « préjudice financier » change la perspective. S’il est difficile de lui donner une définition précise [37] et si la notion se caractérise, avant tout, au cas par cas [38], elle s’inscrit, néanmoins, dans une ligne jurisprudentielle plus favorable au comptable public visant à rendre plus souple les modalités d’appréciation de la responsabilité personnelle et pécuniaire. Le nouveau système hésite, cependant, toujours entre approche objective et subjective en témoigne la différence de traitement de la notion entre le juge des comptes, qui continue à appliquer une jurisprudence traditionnelle, et le Conseil d’Etat qui annule de nombreux débets constatés par la Cour des comptes pour permettre aux comptables mis en cause d’échapper aux sommes auxquelles ils ont été condamnés [39]. A cet égard et pour la doctrine, les arrêts de la Cour des comptes sont marqués par des contradictions dans l’acceptation ou le refus de prendre en compte divers éléments d’identification du préjudice et le taux de mise en débet demeure élevé ce qui témoigne de la réticence du juge des comptes à reconnaître qu’un manquement n’a pas causé de préjudice [40].

16C’est surtout l’action du Conseil d’Etat en tant que juge de cassation qui est, en ce sens, révélatrice de cette volonté de tendre vers plus de subjectivisation [41]. Par exemple et sans pouvoir être exhaustif sur la question, ce dernier a incité au pragmatisme sur la question de la date à laquelle il convient d’apprécier le « préjudice financier », selon le moment où le manquement a été commis ou au moment où le juge se prononce [42]. Il a aussi fait œuvre de pédagogie en caractérisant les catégories de manquements non préjudiciables a priori. Le tout devant faciliter le travail du juge des comptes et réduire les cas dans lesquels il retient l’existence d’un préjudice à mettre à la charge du comptable [43].

17Ainsi, après avoir détaillé, en 2015, les modalités d’appréciation de la notion de « préjudice financier » dans le cas d’un manquement relatif au recouvrement d’une recette [44], il s’est, tout récemment, penché sur le cas d’un manquement relatif au paiement d’une dépense [45]. Le Conseil d’Etat précisant comment le juge des comptes doit déterminer si le manquement d’un comptable à ses obligations de contrôle lors du paiement d’une dépense a causé un préjudice financier à la collectivité publique [46].

18Il y a certainement plusieurs explications à la divergence de jurisprudence pouvant exister entre le juge des comptes et le Conseil d’Etat pour mettre en œuvre la responsabilité des comptables et pour expliquer la réticence de la Cour des comptes à passer outre. Mais la doctrine retient essentiellement l’explication selon laquelle le juge des comptes agi en ce sens vis-à-vis du comptable car, en contrepartie de son action, la responsabilité de l’ordonnateur reste toujours difficile à engager. Ne pouvant saisir l’ordonnateur, le juge des comptes met alors en cause le comptable [47]. En conséquence, « revoir le régime de responsabilité des comptables ne peut tenir que si dans le même temps, on repense la responsabilité des administrateurs » [48].

II – Un office plus subjectif qui amène à élargir la responsabilité des ordonnateurs

19La responsabilité des ordonnateurs ou des gestionnaires publics, ministres et élus locaux y compris, est depuis longtemps envisagée devant le juge des comptes mais son caractère éminemment politique a toujours empêché sa mise en œuvre (A). Elle est, pourtant, aujourd’hui, de plus en plus souhaitable et offrirait enfin une plénitude de juridiction au juge des comptes (B).

A – Une responsabilité devant le juge des comptes depuis longtemps envisagée

20La réforme de 2011 devait normalement ouvrir la voie à deux apports fondamentaux pour le contentieux financier public. Avec la mise en place du débet avec préjudice financier, le premier apport devait être la nouvelle approche subjective du juge des comptes pour mettre fin aux débets dits « sans préjudice », sans conteste injustes mais qui ne pouvaient être justement remis en cause eu égard à la seule possibilité d’une appréciation objective du juge dans son office jusque-là. Le deuxième apport devait s’identifier à travers la mise en place d’une juridiction unique en matière de surveillance et de sanction de la discipline budgétaire et financière, juridiction unique permettant, ainsi, de faire relever les comptables publics et les ordonnateurs ou gestionnaires de la même juridiction. C’était le projet de loi initial du 28 octobre 2009 [49], celui-ci tendait à une volonté d’unification des chambres régionales des comptes (CRC), de la Cour des comptes et de la CDBF en créant, au surplus de la juridiction unique, des chambres interrégionales des comptes avec un renforcement du rôle des magistrats financiers, notamment en matière d’évaluation des politiques publiques. Les chambres régionales devaient cesser d’être des juridictions autonomes et devaient devenir des composantes de la Cour, au même titre que les chambres de la Cour. Un ordre juridictionnel financier devait ainsi être créé. Cela passait par la création d’une Cour d’appel des juridictions financières afin que l’ensemble des justiciables se voit reconnaitre la possibilité d’accéder à un juge d’appel puis l’institution d’un Tribunal de cassation financier pour assurer sur l’ensemble des juridictions financières l’homogénéité de jurisprudence souhaitable.

21La plupart des dispositions phares du projet ont été abandonnées faute de consensus. La réforme globale et d’envergure avait, avant tout, été portée par le premier président de la Cour des comptes de l’époque, Philippe Séguin et reposait presque entièrement sur ce dernier. Son décès, en janvier 2010, a lourdement handicaper le projet. La réforme de 2011 [50] se contentant d’une réforme à la marge qui apparait comme « un acte manqué » [51]. On a, successivement parlé, à cet égard, de « saucissonnage » [52] du texte où « vous prenez un projet de « réforme », cohérent et réfléchi puis vous le coupez en fines rondelles que vous répartissez dans plusieurs lois […], telles les tranches de bacon dans le rôti de veau Orloff » ou à un « patchwork législatif, éparpillé entre différents textes et réduit à ses dispositions les plus consensuelles » [53]. Elle ne permet, au final, qu’une légère amélioration de l’office du juge financier à la marge, en réformant l’organisation des juridictions financières. Le législateur ne supprimant pas la CDBF ou l’autonomie des CRC et se contentant de redéfinir le ressort territorial des chambres.

22La réforme apparait, pourtant et aujourd’hui, de plus en plus nécessaire. Tant du point de vue du juge des comptes que de la doctrine dont les interrogations sur l’équilibre du système sont sans cesse répétées. La CDBF, malgré quelques modifications importantes [54], reste, globalement, celle qui a été créé en 1948 malgré les volontés de réforme dès 2009. Son rôle est très modeste aujourd’hui [55] du fait des compétences restreintes [56] et du mode de fonctionnement de la Cour [57]. Il mériterait d’être renforcé, soit par une rénovation substantielle du dispositif, soit même en envisageant sa suppression [58].

23On a pu voir que le juge des comptes, même au-delà du cas classique de l’appréciation des diligences du comptable dans le recouvrement des recettes [59], ne jugeait plus seulement les comptes mais aussi les comptables. On a vu, de même, que le pouvoir de remise gracieuse du ministre était maintenu et qu’il existait une définition encore incertaine et parfois extensive du préjudice financier et que celle-ci posait problème. Comme le note Didier Migaud, « en de nombreuses occasions, les champs du préjudice et du manquement ne se recoupent pas toujours. Dit autrement, il peut y avoir préjudice financier sans que le manquement ne soit complétement imputable au comptable » [60]. Le 1er président donnant les exemples des manquements ayant pour origine une irrégularité interne, un dysfonctionnement dans l’organisme concerné ou une volonté délibérée de l’ordonnateur.

24Il faut, enfin, relever l’insuffisante prise en compte des circonstances entourant le manquement reproché au comptable. Il est normalement interdit, au juge des comptes, de tenir compte, dès le stade du constat d’un manquement, des diligences du comptable et des circonstances extérieures [61]. Il est interdit au juge de porter une appréciation sur le comportement du comptable [62]. Cette interdiction trouvait son fondement le plus solide dans le large pouvoir de remise gracieuse reconnu au ministre par la loi. Or, si ce pouvoir existe encore aujourd’hui, il reste bien restreint dans la réalité [63].

B – Une responsabilité qui donnerait enfin plénitude de juridiction au juge des comptes

25Lorsque la doctrine parle d’avenir du système contentieux financier, elle envisage, parfois, une suppression pure et simple du caractère juridictionnel des institutions [64]. Le gardien du bon accomplissement par les comptables de leurs obligations statutaires pouvant être une autorité administrative plutôt qu’une autorité juridictionnelle. La pratique s’est, d’ailleurs, déjà développée pour la majorité des comptes publics des petites collectivités [65]. L’argument se comprend d’autant plus que ce sont, aujourd’hui, les compétences administratives du juge des comptes qui ont le plus d’impact au détriment des compétences juridictionnelles. Ce sont ces compétences administratives qui font de la Cour des comptes un acteur central du débat public [66]. Certains auteurs parlant même, à propos de l’institution, de « pouvoir rédempteur » [67]. La Cour étant devenu, à la fois, « « un pouvoir » protégé juridiquement et statutairement par des garanties d’indépendance « juridictionnelle » dans des domaines qui justement ne sont pas juridictionnels » [68] et un « « contrepouvoir » en développant des mécanismes de « pression » sur les ministères (recommandations, référés…) avec un discours et des propositions dépassant parfois le rôle qui lui est assigné y compris par le législateur, tout en utilisant les réseaux médiatiques les plus larges pour faire passer son message » [69]. En Allemagne ou en Grande Bretagne, l’instance supérieure de contrôle n’a, par exemple, que des fonctions d’audit ou de contrôle de la gestion et n’a aucune compétence juridictionnelle à l’égard de ceux qui sont en charge du maniement des fonds publics.

26Mais lorsqu’on parle d’avenir du système financier, la plupart des auteurs envisagent surtout une mise en cause du principe classique de séparation entre les comptables et les ordonnateurs [70]. Depuis la création du principe [71], les aménagements se sont multipliés et la frontière entre le rôle d’ordonnateur et de comptable s’est largement voilée [72]. A côté de certains nouveaux procédés qui se développent, on songe, par exemple, aux centres de traitement et de paiement uniques [73] aux agences comptables intégrées [74], il est, également, aujourd’hui, question de généraliser le compte financier unique dans les collectivités locales à l’instar de ce qui a déjà été fait dans le monde hospitalier. L’idée étant de disposer enfin d’une comptabilité unique pour certifier les comptes et donc remplacer la traditionnelle division entre le compte de gestion établi par le comptable public et le compte administratif établi par les services financiers de la collectivité qui ne peut, lui, en raison de sa nature politique, constituer un compte certifiable [75].

27Dans cette logique et en tenant compte du fait que le nouveau régime de responsabilité du comptable public permet une diminution des cas de mise en jeu de la responsabilité, il faut, en contrepartie, envisager la responsabilité des ordonnateurs locaux et ministériels. En dépit de la multiplication des procédures internes et externes de contrôle de la dépense publique, la maîtrise de la gestion des personnes publiques n’est pas pleinement satisfaisante. Il est certain que la responsabilité des gestionnaires publics reste extrêmement complexe à mettre en œuvre parce que les gestionnaires publics sont, le plus souvent, détenteurs d’un mandat politique qui exclut de facto la mise en œuvre d’une responsabilité autre que politique et parce qu’ils disposent d’un pouvoir discrétionnaire qui n’est pas enserré dans des règles juridiques précises. Mais, la Cour des comptes, par l’intermédiaire de son premier président, a, elle-même, mis en avant le fait que

28

« le régime actuel de responsabilité des ordonnateurs n’est pas satisfaisant. Ainsi, si la responsabilité de l’ordonnateur peut être mise en œuvre devant la Cour de discipline budgétaire et financière (CDBF), cette juridiction au périmètre trop limité voit échapper à sa compétence un grand nombre de gestionnaires publics, en particulier les ordonnateurs locaux, ce qui est de moins compréhensible aux yeux de nos concitoyens » [76].

29La responsabilisation des acteurs de l’exécution budgétaire apparaît, aujourd’hui, indissociable de la démarche actuelle de développement de l’exemplarité des responsables publics [77]. Une nouvelle réforme de la responsabilité des comptables publics ne pourrait se suffire à elle seule et doit s’accompagner à la fois d’un élargissement encore plus profond de la subjectivisation de l’office du juge des comptes mais aussi d’une réforme, plus globale, de la responsabilité des gestionnaires publics. Il s’agit de tirer les conséquences de l’inadaptation actuelle du modèle traditionnel de responsabilité financière et arriver, enfin, au fameux et tant attendu « grand soir de la responsabilité financière » [78]. Si la théorie du ministre juge doit être supprimée, elle doit s’accompagner, corrélativement, d’un pouvoir subjectif d’appréciation du juge des comptes. Il doit, pour être moins sévère ou plus mesurée dans les décisions de mise en débet si le ministre n’est plus là pour compenser, pouvoir tenir compte, par exemple, comme n’importe quel juge, des circonstances ou de la bonne ou mauvaise foi du comptable et forcément être beaucoup moins rigide [79].

30Le droit financier public se présente comme un bloc de compétence cohérent, fondé sur la notion de maniement des deniers publics. Il existe un lien étroit et systématique entre la nature de deniers publics, la décision prise par l’ordonnateur, l’application des règles de la comptabilité publique, l’intervention d’un comptable public de droit ou de fait engageant sa responsabilité personnelle et pécuniaire et, enfin, le contrôle juridictionnel du juge des comptes. Cette cohérence a été brisée par la croissance et la diversification de la gestion publique. L’augmentation anarchique des modes d’intervention de l’Etat et des collectivités locales a entrainé la dissolution de la notion de service public. Il y a aussi une interpénétration croissante du monde de l’administration et de celui de la politique qui prive de son effectivité le principe de la responsabilité pécuniaire du comptable public [80]. Les réalités actuelles de l’action et des structures administratives amènent à rendre obsolète le principe de la responsabilité personnelle des comptables. Ces derniers ne disposent pas du pouvoir de s’opposer effectivement aux décisions irrégulières de l’ordonnateur sauf, bien entendu, à briser leur carrière. Le modèle actuel n’est donc plus adapté, il faut renouveler l’équilibre dans la mise en jeu des responsabilités entre les comptables et les ordonnateurs. Cela passe inévitablement par l’aboutissement d’une compétence de pleine juridiction pour le juge des comptes qui se caractériserait à la fois dans l’office du juge et dans les personnes soumises à juridiction. La réforme actuellement engagée est une occasion unique d’y parvenir.


Date de mise en ligne : 03/08/2020

https://doi.org/10.3917/civit.044.0093

Notes

  • [1]
    Loi du 16 septembre 1807 relative à l’organisation de la Cour des Comptes. Voir pour un exemplaire de la loi : https://www.napoleon.org
  • [2]
    En ce sens, G. ANDRÉANI, « La Cour des comptes et la séparation des pouvoirs », Commentaire SA 1986, n°1, n° 33, p. 93 et suiv.
  • [3]
    Voir, par ex., D. Le PAGE (dir.), Contrôler les finances sous l’Ancien Régime. Regards d’aujourd’hui sur les Chambres des comptes, Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2011 ou O. MATTÉONI, « Vérifier, corriger, juger. Les Chambres des comptes et le contrôle des officiers », in Institutions et pouvoirs en France, Paris, Editions Picard, 2010, p. 123 et suiv.
  • [4]
    Dans la mise en place progressive de ces chambres des comptes, il faut souligner le rôle moteur joué par la Chambre des comptes royale de Paris dont l’ordonnance du Vivier-en-Brie en février 1320 est le 1er texte réglementaire établissant son fonctionnement. La Chambre des comptes du Roi de France constitue le modèle auquel les princes du Royaume de France se sont référés lorsqu’ils ont créé, à leur tour, au cours du XIVe siècle, leur propre institution. Cf. Pour un exemplaire de l’ordonnance promulguée par Philippe V : E. LALOU, « La Chambre des comptes du Roi de France », in P. CONTAMINE et O. MATTÉONI (dir.), Les Chambres des comptes en France aux XIVe et XVe siècles, Paris, Institut de la gestion publique et du développement économique, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 1998, p. 1 et suiv. et H. JASSEMIN, La Chambre des comptes de Paris au XVe siècle, précédé d’une étude sur ses origines, Paris, Picard, 1933.
  • [5]
    Le contrôle et la juridiction des Chambres des comptes s’exerçaient sur tous les officiers chargés d’administrer les biens du Roi, d’en percevoir les revenus et d’acquitter les dépenses publiques. Les Chambres des comptes avaient vocation à contrôler l’ensemble des comptes des officiers, qu’il s’agisse des comptes relatifs aux revenus domaniaux ou des comptes d’impôt.
  • [6]
    Comme le montrent les nombreuses ordonnances émises sur ce point au cours de la période : on peut citer, par exemple, les ordonnances de Charles V du 1er mars 1388 et de Charles VI de mars 1408, qui résument l’état de la législation à cette époque.
  • [7]
    Elle confirme, ratifie les actes tels que les affranchissements, les fondations, les achats et les ventes du roi et de ses officiers, les accords en tout genre, et les inscrits sur ses registres. De même, elle doit entériner les donations et grâces diverses émanant du souverain et de son Conseil, car celles-ci touchent à la fortune dont elle a la gérance.
  • [8]
    J. MAGNET, « La juridiction des comptes dans la perspective historique », in P. CONTAMINE et O. MATTÉONI (dir.), La France des principautés. Les Chambres des comptes, XIVe et XVe siècles, Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 1996, propos introductifs.
  • [9]
    Cf. S. DAUBRESSE, « La Chambre des comptes et le Parlement de Paris sous Charles IX », in D. Le PAGE (dir.), Contrôler les finances sous l’Ancien Régime. Regards d’aujourd’hui sur les Chambres des comptes, Paris, Institut de la gestion publique et du développement économique, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2011, p. 489 et suiv.
  • [10]
    Voir, pour l’ensemble des remarques, S. FLIZOT, « Aux origines de la loi du 16 septembre 1807 créant la Cour des comptes : le contrôle des comptes publics de 1790 à 1807 », in P. BEZES, F. DESCAMPS, S. KOTT et L. TALLINEAU (dir.) L’invention de la gestion des finances publiques, Élaborations et pratiques du droit budgétaire et comptable au XIXè siècle (1815-1914), Paris, Institut de la gestion publique et du développement économique, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2010, p. 129 et suiv.
  • [11]
    Le décret des 6 et 7 septembre 1790 pose, en l’article 12 de son titre XIV, le principe de la suppression des chambres dès qu’un « nouveau régime de comptabilité » aura été mis en place. Un décret du 4 juillet 1791 rend effective la suppression des chambres à la date où il serait notifié et prescrit l’apposition des scellés sur les greffes, dépôts et archives des chambres. Un dernier décret du 17 septembre 1791 met en place le nouveau régime de la comptabilité publique.
  • [12]
    En accord avec les dispositions de l’article 14 DDHC en vertu duquel « Tous les citoyens ont le droit de constater par eux-mêmes ou par leurs représentants la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi ».
  • [13]
    N. OCHOA, « La Cour des comptes, autorité administrative indépendante. Pour une lecture administrativiste du droit de la comptabilité publique », RFDA, 2015, p. 831 et suiv., pour qui, si la Cour des comptes avait été créée à la fin du XXe siècle, elle serait formellement considérée comme une AAI, ce qu’elle est sur le plan matériel des fonctions qu’elle effectue.
  • [14]
    M. COLLET, « Le contrôle juridictionnel des comptes publics : réformer ou supprimer ? », RFDA, 2014, p. 1015 et suiv.
  • [15]
    Depuis l’article 1er de la loi du 22 juin 1967, aujourd’hui codifié à l’article L. 111-1 CJF, selon lequel : « La Cour des comptes juge les comptes des comptables publics ».
  • [16]
    Voir, en ce sens, N. OCHOA, « La Cour des comptes, autorité administrative indépendante. Pour une lecture administrativiste du droit de la comptabilité publique », op. cit.
  • [17]
    En ce sens, D. MIGAUD, « Entretien avec Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes », Gestion et Finances Publiques, 2019, n°3, p. 74 et suiv.
  • [18]
    Il existe aujourd’hui l’équivalent de ce que l’on pourrait appeler 5 cours suprêmes dans le système juridictionnel français : la Cour de cassation, le Conseil d’Etat, le Conseil constitutionnel et les deux juges européens que sont la Cour européenne des droits de l’homme et la Cour de justice de l’union européenne. Elles sont, toutes les cinq, au sommet de leur ordre juridictionnel respectif et elles ont, toutes les cinq, fonction de faire respecter l’état de droit dans un système constitutionnel où, face au pouvoir exécutif, le pouvoir législatif ne joue plus son rôle de contre-pouvoir.
  • [19]
    D. MIGAUD, « Entretien avec Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes », op. cit.
  • [20]
    On peut citer, par exemple, le cas d’une dépense irrégulière, d’une recette non recouvrée ou encore d’un déficit en fin d’exercice. Pour une liste complète, il faut se référer au décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 (JO, 10 novembre 2012, p. 17713) relatif à la gestion budgétaire et comptable publique.
  • [21]
    Voir, par exemple, N. BAVEREZ, « La Cour des comptes, juridiction introuvable ? », Rec. Dalloz, 1992, p. 173 et suiv.
  • [22]
    Le juge européen considère, par exemple, que certaines autorités administratives indépendantes, lorsqu’elles statuent sur des droits et obligations de caractère civil ou le bien-fondé d’accusation en matière pénale, relèvent de la notion de juridiction. Cf. par ex., pour comparer, R. CHAPUS, « Qu’est-ce qu’une « juridiction » ? La réponse de la jurisprudence administrative », Mélanges Eisenmann, Paris, Cujas, 1975, p. 265 et suiv. et R. KOVAR, « La notion de juridiction en droit européen », Mélanges Waline, Paris, Dalloz, 2002, p. 607 et suiv. Voir, pour une étude de la question plus récente et très complète, L. MILANO, « Qu’est-ce qu’une juridiction ? La question a-t-elle encore une utilité ? », RFDA, 2014, p. 1119 et suiv.
  • [23]
    Les critères formels touchent à l’organe, à la procédure et à l’acte. La Cour des comptes est bien un organe étatique spécialisé dont les membres ont la qualité de magistrat. Par contre, concernant la procédure et les actes produits, les choses sont moins claires et moins précises.
  • [24]
    Loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 (JO, 30 janvier 1993, p. 1588) relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques.
  • [25]
    Décret n°95-945 du 23 août 1995 (JO, 27 août 1995, p. 12713) relatif aux chambres régionales des comptes.
  • [26]
    CourEDH, GC, 12 avril 2006, Martinie contre France, req. n°58675/00 et CourEDH, 12 décembre 2006, Siffre, Ecoffet et Bernardini contre France, req. n° 49699/99, 49700/99 et 49701/99.
  • [27]
    Loi n° 2008-1091 du 28 octobre 2008 (JO, 29 octobre 2008, p. 16416) relative à la Cour des comptes et aux chambres régionales des comptes ; décret en Conseil d’État n° 2008-1397 et décret simple n° 2008-1398 du 19 décembre 2008 (JO, 26 décembre 2008, p. 19997 et p. 19989) portant réforme des procédures juridictionnelles devant la Cour des comptes, les chambres régionales des comptes et la chambre territoriale des comptes de Nouvelle-Calédonie
  • [28]
    Le caractère contradictoire étant notamment assuré par la publicité de l’audience dès lors que des charges ont été retenues.
  • [29]
    N. BAVEREZ, « La Cour des comptes, juridiction introuvable ? », op. cit.
  • [30]
    A. LEYAT, « La Cour des comptes, juridiction retrouvée ? », AJDA, 2009, p. 2313.
  • [31]
    Cf. Par ex., Y.-G.-D. KAMDOM, « La théorie du « ministre juge » dans le champ du contentieux financier public : état des lieux et perspectives d’évolution », Gestion et finances publiques, 2019, n°5, p. 70 et suiv.
  • [32]
    95 % des décisions rendues par le juge des comptes se trouvaient ainsi remises en cause par l’usage, par le ministre du budget, de son pouvoir de remise gracieuse.
  • [33]
    Loi n°2006-1771 du 30 décembre 2006 (JO, 31 décembre 2006, p. 20228) de finances rectificative pour 2006.
  • [34]
    Décret n° 2008-228 du 5 mars 2008 (JO, 7 mars 2008, p. 4265) relatif à la constatation et à l’apurement des débets des comptables publics.
  • [35]
    Loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 (JO, 29 décembre 2011, p. 22510) de finances rectificative pour 2011.
  • [36]
    Qui serait plutôt, en réalité, l’équivalent d’une amende ou d’une sanction disciplinaire ou pécuniaire.
  • [37]
    Voir, par ex., S. DAMAREY, M. LASCOMBE et X. VANDENDRIESSCHE, « L’identification du préjudice financier dans le cadre du nouveau régime de responsabilité des comptables publics », Gestion et finances publiques, 2015, n° 11-12, p. 139 et suiv.
  • [38]
    Cf. par ex., en ce sens, F. ADVIELLE et P. VAN HERZELE, « Le juge des comptes et le préjudice financier », AJDA, 2014, p. 1987 et suiv. ; S. DAMAREY, « Tout manquement d’un comptable public doit-il être apprécié en termes de préjudice financier subi ? », BJCL, 2016, n° 9 ; N. PEHAU et N. HAUPTMANN, « Les chambres réunies précisent la notion de préjudice financier », AJDA, 2017, p. 463 et suiv.
  • [39]
    Cf. en ce sens, C. MALVERTI et C. BEAUFILS, « L’enrichissement en cause : le préjudice financier en dépense devant le juge des comptes », AJDA, 2020, p. 289 et suiv.
  • [40]
    Voir, notamment, S. DAMAREY, M. LASCOMBE et X. VANDENDRIESSCHE, « L’identification du préjudice financier dans le cadre du nouveau régime de responsabilité des comptables publics », op. cit. ou C. MALVERTi et C. BEAUFILS « L’enrichissement en cause : le préjudice financier en dépense devant le juge des comptes », op. cit.
  • [41]
    Le juge des comptes y est plutôt favorable mais son office ne lui permet pas souvent de passer outre.
  • [42]
    Il a pu juger que le juge devait apprécier l’existence et le montant du préjudice à la date à laquelle il statue en prenant en compte, le cas échéant, des faits postérieurs au manquement tels qu’un éventuel reversement dans la caisse du comptable des sommes correspondant à des dépenses irrégulièrement payées ou à des recettes non recouvrées : CE, 22 février 2017, Grand port maritime de Rouen, req. n°397924, GFP, 2017, n° 4, p. 133, chron. DAMAREY, LASCOMBE et VANDENDRIESSCHE, JCP, 2017, A, n°2139, note P. GRIMAUD et O. VILLEMAGNE.
  • [43]
    Cf. en ce sens, C. MALVERTI et C. BEAUFILS, « L’enrichissement en cause : le préjudice financier en dépense devant le juge des comptes », op. cit.
  • [44]
    CE, sect., 27 juillet 2015, Ministre délégué, chargé du budget [SIE de Saint-Brieuc Est (1)], req. n°370430, AJDA, 2015, p. 2142, chron. L. DUTHEILLET de LAMOTHE et G. ODINET, DA, 2019, comm. n°79, F.-T. RAKOTONDRAHASOL, JCP, 2015, A, n°2300, note S. DAMAREY selon lequel lorsque le manquement consiste en une insuffisance des « diligences et contrôles » qui incombent au comptable au titre du recouvrement des recettes, et que cette faute a empêché la collectivité publique d’encaisser la recette en cause, « le manquement doit, en principe, être regardé comme ayant causé un préjudice financier à l’organisme public concerné ». Cependant, il en va autrement « s’il résulte des pièces du dossier qu’à la date du manquement, la recette était irrécouvrable en raison notamment de l’insolvabilité de la personne qui en était redevable ». Selon certaines décisions des juges des comptes, il convenait de rechercher, de manière plus restrictive, si la créance était irrécouvrable depuis le moment où elle est entrée dans les comptes dont le comptable a la charge, dans l’idée que, dans ce cas, des diligences rapides auraient pu permettre le recouvrement.
  • [45]
    CE, sect., 06 décembre 2019, Mme B. A., agent comptable de l’ONIAM, req. n°418741 et DRFIP Ille-et-Vilaine, req. n°425542, AJDA, 2020, p. 239, chron. C. MALVERTI et C. BEAUFILS.
  • [46]
    Dans les deux arrêts commentés, le Conseil d’Etat précise, plus particulièrement, la manière dont doit être apprécié, par le juge des comptes, le lien de causalité entre le manquement du comptable et le préjudice financier. Pour ce faire, sont distingués trois types de manquements (portant sur l’exactitude de la liquidation de la dépense ayant abouti à un trop-payé, à une dépense non ordonnée, à une dette prescrite ou non échue ou à priver le paiement d’effet libératoire, portant sur le respect de règles formelles, telles que l’exacte imputation budgétaire ou l’existence du visa du contrôleur budgétaire ou encore portant sur « le contrôle de la qualité de l’ordonnateur ou de son délégué, de la disponibilité des crédits, de la production des pièces justificatives requises ou de la certification du service fait ») assortis de plusieurs niveaux de présomption selon que le dit comptable soit à l’origine ou non d’un préjudicie financier.
  • [47]
    C. MALVERTI et C. BEAUFILS, « En ce sens l’enrichissement en cause : le préjudice financier en dépense devant le juge des comptes », op. cit.
  • [48]
    S. DAMAREY, « Le devenir du principe de séparation des ordonnateurs et des comptables », Gestion et Finances Publiques, 2019, n°5, p. 76 et suiv.
  • [49]
    Projet de loi portant réforme des juridictions financières n° 2001 (A.N., XIIIe lég.). Pour une présentation détaillée, voir S. DAMAREY, « La réforme des juridictions financières, entre perspectives et incertitudes », JCP, 2009, A, act., n°1176 et, du même auteur, « Le projet de réforme des juridictions financières : portée, évidences et insuffisances d’un texte », JCP, 2010, A, n°2041.
  • [50]
    Constitué en fait de trois lois : la loi de finances rectificative du 29 juillet 2011 (JO, 30 juillet 2011, p. 12969), la loi du 13 décembre 2011 (JO, 14 décembre 2011, p. 21105) relative à la répartition des contentieux et à l’allègement de certaines procédures juridictionnelles, la loi n° 2011-1978 de finances rectificative du 28 décembre 2011 (JO, 29 décembre 2011, p. 22510).
  • [51]
    S. DAMAREY, « La réforme des juridictions financières, un goût d’inachevé », JCP, 2012, A, n°2032.
  • [52]
    M.-C. de MONTECLER, « Après la loi patchwork, la réforme saucissonnée », AJDA, 2011, p. 1585 et suiv.
  • [53]
    S. DAMAREY, « La réforme des juridictions financières, un goût d’inachevé », op. cit.
  • [54]
    Cf. le fait que la liste des infractions sanctionnables a été renforcé. Il en existait Initialement 6 (art. L. 313-1 à L. 313-6 CJF). La possibilité pour tout créancier détenteur d’une créance résultant de l’inexécution d’une décision de justice, de saisir la CDBF a été rajoutée par la suite (loi n°80-539 du 16 juillet 1980 (JO, 17 juillet 1980, p. 1797) relative aux astreintes prononcées en matière administrative et à l’exécution des jugements par les personnes morales de droit public et les personnes de droit privé chargées d’une mission de service public). La possibilité de sanctionner des carences graves, des omissions et négligences dans le rôle de direction d’un organisme a également été rajoutée (loi n°95-1251 du 28 novembre 1995 (JO, 30 novembre 1995, p. 17487) relative à l’action de l’État dans les plans de redressement du Crédit lyonnais et du Comptoir des entrepreneurs). Il faut aussi évoquer, notamment, pour le changement de la procédure devant la CDBF, l’ordonnance n° 2016-1360 du 13 octobre 2016 (JO, 14 octobre 2016, texte n°2) modifiant la partie législative du code des juridictions financières.
  • [55]
    Voir en ce sens S. DAMAREY, « Le devenir du principe de séparation des ordonnateurs et des comptables », Gestion et finances publiques, 2019, n° 5, p. 76 et suiv. et D. MIGAUD, « La responsabilité des gestionnaires publics », 18 octobre 2019, www.conseil-etat.fr.
  • [56]
    L’article L. 312-1 CJF exclue, dans la plupart des cas, du champ de compétence de la CDBF, les membres du gouvernement et les exécutifs locaux. Cette exclusion est critiquée de longue date et la réforme de 2010 voulait y mettre fin. Le Parlement en avait décidé autrement. Le Conseil constitutionnel a jugé, le 2 décembre 2016, conformes à la Constitution, les dispositions de l’article L. 312-1 CJF : CC, n° 2016-599 QPC, 2 décembre 2016, Mme Sandrine A. [Personnes justiciables de la cour de discipline budgétaire et financière], JO, 4 décembre 2016, texte n°28.
  • [57]
    Il faut noter, par ex., que la CDBF, comme elle est considérée comme une juridiction répressive, n’appréciera pas, de la même manière que le juge des comptes, des faits, pourtant, de nature équivalente comme des conflits sociaux, des pressions, des violences. Alors que la CDBF a plutôt tendance à trouver là une atténuation de la responsabilité de ceux qui en sont victimes, quand bien même ils auraient commis des irrégularités, le juge des comptes n’y voit pas matière à décharger ou atténuer la responsabilité des comptables. Cf. O. VILLEMAGNE et P. GRIMAUD, « Responsabilités des comptables et des ordonnateurs : quel impact des pressions subies ? », AJDA, 2015, p. 2069 et suiv.
  • [58]
    Cf. en ce sens, par ex., L. PEYEN, « Pour une véritable éthique financière : le renforcement de la Cour de discipline budgétaire et financière », Gestion et Finances Publiques, 2017, n° 6, p. 25 et suiv.
  • [59]
    La Cour des comptes a depuis longtemps développé une jurisprudence qui permet au comptable, en cas de non-recouvrement d’une recette, de dégager sa responsabilité s’il prouve qu’il a mis en œuvre des « diligences adéquates, complètes et rapides pour le recouvrement » (Cour des comptes, 27 février et 19 mars 1964, Dupis, receveur municipal de la commune d’Igny-le-Jard, Rec. CE, p. 91). Après quelques moments de doutes, le Conseil d’Etat a définitivement confirmé cette jurisprudence de la Cour (CE, Ass., 27 octobre 2000, Mme. Desvigne, req. n° 196046, GAJFin., n° 28, RFDA, 2001, p. 737, concl. A. SEBAN). En revanche, s’agissant des dépenses, le juge des comptes ne peut faire reposer ses décisions sur aucun élément d’appréciation : il ne lui est pas possible, en particulier, de fonder une décision de décharge au motif que l’irrégularité constatée n’aurait entraîné aucun manquant dans la caisse publique.
  • [60]
    D. MIGAUD, « La responsabilité des gestionnaires publics », op. cit.
  • [61]
    Sauf pour le cas de force majeure où l’article 146 de la loi de finances rectificative pour 2006 du 30 décembre 2006 attribue désormais compétence au juge des comptes pour apprécier dans quelle mesure des « circonstances » de force majeure peuvent avoir une influence sur la responsabilité encourue par le comptable public.
  • [62]
    Principe posé, implicitement, dans l’arrêt CE, 12 juillet 1907, Ministre des finances contre Nicolle, req. n°23933, Rec. CE, p. 656 puis, explicitement, dans l’arrêt CE, Ass., 20 novembre 1981, Ministre du budget contre Rispail, req. n°18402, Rec. CE, p. 434.
  • [63]
    Des remises gracieuses totales sont accordées à moins de 7 % des demandes : Cf. Rapport public annuel 2019 de la Cour des comptes, Paris, Documentation française, p. 34.
  • [64]
    Voir, notamment, M. COLLET, « Le contrôle juridictionnel des comptes publics : réformer ou supprimer ? », RFDA, 2014, p. 1015.
  • [65]
    Plusieurs réformes récentes (en dernier lieu l’article 14 de l’ordonnance n°2016-1360 du 13 octobre 2016 (JO, 14 octobre 2016, texte n°2) modifiant la partie législative du code des juridictions financières, disposition codifiée à l’art. L. 211-2 CJF) ont substitué une procédure dite d’« apurement administratif » des comptes (conduite par les services du ministère des finances) à la traditionnelle procédure d’apurement juridictionnel pour les comptes des petites communes, des petits EPCI, des associations syndicales, des associations foncières de remembrement ou encore des établissements publics locaux d’enseignement.
  • [66]
    Au-delà de l’impact significatif des observations et rapports publics de la Cour et des chambres (impact médiatique mais aussi impact pratique sur la gestion administrative), c’est le développement considérable de leurs compétences d’audit qui a consacré la place éminente du juge des comptes au sein des institutions de la République.
  • [67]
    J.-L. ALBERT et T. LAMBERT, La Cour des comptes, un pouvoir rédempteur ?, Paris, LGDJ, 2017.
  • [68]
    Ibid.
  • [69]
    Ibid.
  • [70]
    En ce sens, S. DAMAREY, « Le devenir du principe de séparation des ordonnateurs et des comptables », op. cit.
  • [71]
    Art. 17 de l’ordonnance du 14 septembre 1822 concernant la comptabilité et la justification des dépenses publiques selon lequel « Les fonctions d’administrateur et d’ordonnateur sont incompatibles avec celle de comptable ».
  • [72]
    On peut mentionner les régies d’avance et de recettes (qui permettent, pour des raisons de commodité, à des agents placés sous l’autorité de l’ordonnateur et la responsabilité du trésorier, d’exécuter de manière limitative et contrôlée, un certain nombre d’opérations), les paiements sans ordonnancement préalable où ordre de payer de l’ordonnateur, la possibilité de recourir à un mandat permettant à une personne autre que le comptable public de manier des deniers publics, l’usage du pouvoir de réquisition par l’ordonnateur (puisque ce dernier requiert le comptable de payer la dépense ordonnancée), le nouveau contexte managérial de la LOLF (Loi organique n°2001-692 du 1er août 2001 (JO, 2 août 2001, p. 12480) relative aux lois de finances entrée en vigueur le 1er janvier 2006) ou encore le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 (JO, 10 novembre 2012, p. 17713) relatif à la gestion budgétaire et comptable publique (dit « décret GBCP ») qui consacre de nouvelles possibilités d’assouplissement opérationnel, à travers la mise en place, par exemple, de services facturiers.
  • [73]
    Où ce sont les ordonnateurs qui procèdent à la liquidation.
  • [74]
    Il s’agit, à travers ces agences comptables intégrées et dans le cadre d’une expérimentation, de déléguer les opérations relevant de la compétence du comptable public aux Etablissements Publics de Santé (EPS), aux collectivités territoriales et à leurs groupements. Le dispositif a été établi par l’’article 243 de la loi de finances n° 2018-1317 pour 2019 du 28 décembre 2018 (JO, 30 décembre 2018, texte n°1). Constatant le faible nombre de projets initiés au niveau local et s’appuyant sur les « inquiétudes » des agents, la direction générale des finances publiques (DGFIP) a décidé de suspendre la mise en place de ces agences.
  • [75]
    Cf. P. VAN HERZELE, « La certification des comptes publics locaux : Vers un compte financier unique (CFU) pour quel objectif ? », RFFP, 2019, n°145, p. 75 et suiv. ou P. LAPORTE, « Gestion publique locale : une révolution décentralisatrice est possible », Gestion et Finances Publiques, 2019, n°3, p. 39 et suiv.
  • [76]
    D. MIGAUD, « Entretien avec Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes », op. cit.
  • [77]
    J.-L. NADAL, Renouer la confiance publique. Rapport au Président de la République sur l’exemplarité des responsables publics, Paris, La documentation française, 2015, p. 119 et suiv.
  • [78]
    S. THEBAULT, « Le pas de plus vers la responsabilité pour faute du comptable ou comment tout changer en préservant l’essentiel », RFFP, 2013, n° 121, p. 233 et suiv.
  • [79]
    En ce sens, S. DAMAREY, « Le devenir du principe de séparation des ordonnateurs et des comptables », op. cit.
  • [80]
    En ce sens, N. BAVEREZ, « La Cour des comptes, juridiction introuvable ? », op. cit.

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